La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la troisième fois et adopté.
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Monsieur le Président, juste avant la période des questions et les déclarations de députés, j'expliquais pourquoi nous avons jugé bon de donner notre appui à ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture, en dépit du fait que nous avions voté contre en deuxième lecture, étant donné que la deuxième lecture est l'étape de l'approbation de principe.
Nous avons fait bon nombre d'observations sur les lacunes du projet de loi dans le cadre de discours prononcés à l'étape de la deuxième lecture. Or, les lacunes du projet de loi sont aussi des problèmes liés au statu quo. Autrement dit, les failles auxquelles nous tentions de remédier existent depuis longtemps.
Nous avons dénoncé les faiblesses de la procédure des procès sommaires, parce que les accusés ne disposent pas de toute la protection prévue par la Charte. Cette situation existait en 1983, date à laquelle la Charte des droits et libertés est entrée en vigueur. Elle existait en 1993, à l'arrivée au pouvoir des libéraux, et elle existait en 2006, quand le gouvernement conservateur a à son tour accédé au pouvoir. Quand le projet de loi C-41 a été présenté, j'ai passé un temps considérable à traiter de cette question et de la nécessité d'apporter des changements à la loi.
Durant la dernière législature, dans le cadre de l'étude du projet de loi C-41 au comité, nous avons apporté des changements semblables à l'amendement au projet de loi C-75 qui a été adopté par l'actuel comité. Nous avons proposé d'autres mesures qui allaient plus loin dans différents domaines, mais en vain. Néanmoins, les changements proposés au système de justice militaire dans le projet de loi sont positifs dans l'ensemble, même s'ils ne vont pas aussi loin que nous le souhaiterions.
Comme je l'ai dit avant la période des questions, nous nous engageons à régler ces problèmes quand nous serons portés au pouvoir en 2015. Nous allons remédier au fait que le comité des griefs ne comprend pas nécessairement des membres civils aussi bien que militaires. Nous allons remédier au fait que les griefs ne seraient pas tenus d'être entendus et réglés en un an. Nous allons remédier au fait qu'un changement serait apporté à la loi de manière à permettre au vice-chef d'état-major de la Défense de donner des instructions quant aux enquêtes que pourrait entreprendre le grand prévôt des Forces canadiennes.
Toute une série de changements doivent être apportés. Nous devons aller plus loin dans la refonte de la loi relativement aux procès sommaires et à la protection qui doit être accordée aux inculpés. Ce sont des changements que nous nous engageons à apporter.
Cependant, nous nous sommes également engagés à accepter les progrès qui ont été accomplis. Je tiens à dire publiquement que nous nous en attribuons le mérite. Durant le débat en deuxième lecture, nous sommes revenus à la charge dans une cinquantaine de discours et nous avons obtenu du gouvernement l'engagement qu'il apporterait un amendement à cette disposition. Grâce à cet amendement, 93 % des procès par procédure sommaire ne déboucheront plus sur un casier judiciaire.
Nous avons proposé un certain nombre d'amendements. Je pense qu'il y en avait 22. Je ne me rappelle pas qu'aucun d'entre eux ait été chaleureusement accueilli par le gouvernement, mais nous les avons présentés pour une raison très importante, en l'occurrence pour remédier aux lacunes de la loi. Nous ne sommes pas satisfaits des résultats, mais nous n'allons pas pour autant rejeter les progrès qui ont été accomplis.
Nous avons présenté ces amendements parce que nous voulons que les choses soient claires: nous ne sommes pas satisfaits de la mesure législative et nous voulons qu'elle soit corrigée. Nous voulons l'améliorer. Nous voulons que les changements que nous avons proposés soient apportés. Par exemple, nous voulons donner au chef d'état-major de la Défense le pouvoir d'indemniser financièrement les membres des Forces canadiennes qui sont partie à un grief. Nous voulons assurer l'indépendance de la police et voir à ce que les accusations, le cas échéant, soient portées au plus tard un an après l'infraction. Nous voulons élargir la procédure visant les procès sommaires, pour que personne ne se voit ouvrir un casier judiciaire faute d'avoir bénéficié des droits garantis par la Charte, notamment en ce qui concerne l'application régulière de la loi. Les changements que je viens de mentionner font partie de notre engagement envers les militaires, et nous voulons qu'ils se concrétisent.
Nous avons invité plusieurs témoins à comparaître devant le comité, notamment d'éminentes personnalités comme Clayton Ruby, un avocat canadien bien connu qui figure probablement parmi les meilleurs avocats du pays. Quelqu'un dans cette enceinte a dit qu'il était tristement célèbre. C'est peut-être ainsi qu'on perçoit M. Ruby dans certains milieux, mais je tiens à souligner qu'il jouit d'une excellente réputation en tant qu'avocat.
Il a été trésorier du Barreau du Haut-Canada, ce qui signifie qu'il était le président de cette organisation. On lui a rendu hommage partout au pays pour le travail exceptionnel qu'il a accompli. C'est lui qui a effectué les recherches les plus approfondies sur la détermination de la peine au Canada. Son travail est cité par tous les tribunaux du Canada, y compris la Cour suprême. C'est un éminent avocat qui a témoigné devant notre comité et qui a parlé de la nécessité de voir à ce que les militaires bénéficient des mêmes droits et des mêmes mesures de protection prévues par la loi que les autres Canadiens.
L'ancien juge Gilles Létourneau, de la Cour fédérale du Canada, a lui aussi témoigné au comité. M. Létourneau a aussi été commissaire et président de la Commission d'enquête sur la Somalie. C'est probablement grâce à cette commission que les Canadiens ont pris conscience des lacunes de notre système de justice et de police militaires. Les travaux de la Commission ont donné lieu à des réformes, même s'il a fallu beaucoup de temps pour en arriver là.
Nous avons beau vouloir chercher des coupables, il n'en demeure pas moins qu'au bout du compte, c'est le gouvernement qui est responsable, car c'est lui qui décide des lois, sauf en situation minoritaire; auquel cas, il a moins de poids à cet égard. Nous sommes maintenant saisis de réformes importantes, même si ce n'est pas de toutes les réformes nécessaires, nous devrions reconnaître que des progrès ont été réalisés. Bien entendu, nous affirmons, au nom de notre parti, que d'importants progrès ont été réalisés en ce qui concerne l'enjeu que nous avons soulevé et que c'est grâce aux efforts du NPD que nous en sommes arrivés là aujourd'hui.
J'invite donc les députés à appuyer le projet de loi. Pour une raison que j'ignore, les libéraux ne se contentent pas de s'y opposer. Ils ont décidé de s'en prendre aussi aux néo-démocrates, qui l'appuient. Si notre ennemi est le gouvernement, je ne sais pas pourquoi ils ne s'en prennent pas à lui. Mais ce n'est pas moi qui élabore leur stratégie. Je ne sais donc pas pourquoi ils agissent ainsi.
S'ils voulaient s'opposer au projet de loi, ils pourraient tranquillement voter contre, mais ils veulent plutôt faire toute une histoire parce que nous nous y sommes opposés à l'étape de la deuxième lecture. Or, nous avons obtenu au comité qu'une amélioration substantielle y soit apportée dans l'intérêt des gens. Grâce à elle, 93 % des personnes condamnées pour avoir commis des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire n'obtiendront pas de casier judiciaire. Selon les libéraux, il y a quelque chose qui ne va pas, mais, paradoxalement, ils ont appuyé le principe du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, ils n'ont pas proposé d'amendement au comité et ils vont aujourd'hui s'opposer à la mesure législative et voter contre. C'est à eux de s'expliquer.
J'interviens dans le débat pour expliquer à la Chambre et aux militaires les raisons pour lesquelles nous appuyons les améliorations qui sont faites et nous nous engageons à proposer d'autres changements importants, entre autres ce qu'a proposé le juge Létourneau dans son témoignage: un examen complet et approfondi de la Loi sur la défense nationale sur lequel la Défense nationale n'aurait aucune prise et qui permettrait au Parlement d'obtenir des avis indépendants sur la façon de régler cette situation.
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Monsieur le Président, je voudrais vous aviser que je partagerai mon temps de parole avec le député d'.
Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de ce projet de loi qui, de prime abord, contenait plusieurs articles auxquels le NPD s'était opposé lors des lectures précédentes.
Après un dur combat au sujet de la modification de l'article 75, qui a trait aux casiers judiciaires, une question sur laquelle nous nous sommes fortement exprimés publiquement, notre parti est satisfait d'avoir obligé le gouvernement à modifier près de 95 % des infractions au code de discipline. Ainsi, elles n'entraîneront plus la création d'un casier judiciaire. C'est pourquoi j'appuierai le projet de loi .
Il faut dire que mes collègues ont travaillé d'arrache-pied pour obtenir ces changements. Aujourd'hui, nous sommes fiers du résultat concret que l'on a obtenu pour les membres de nos Forces canadiennes. Nos efforts vont permettre de réformer une des lois les plus importantes, qui visait à établir un système de justice militaire plus équitable.
Il faut comprendre le contexte. Le projet de loi est une réponse législative aux recommandations de l'ancien juge en chef de la Cour suprême, le très honorable Antonio Lamer, qui avait déposé son rapport sur l'examen indépendant de la Loi sur la défense nationale en 2003. On y retrouvait 88 recommandations au sujet de la justice militaire, de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire, du processus de règlement des griefs jusqu'au grand prévôt des Forces canadiennes. De plus, un autre examen de certaines dispositions de la Loi sur la défense nationale avait été effectué par la Cour supérieure de l'Ontario. Il avait été remis au gouvernement en décembre 2011, mais ce n'est qu'en juin 2012 que le ministre a déposé le rapport à la Chambre.
Malgré le fait que le gouvernement conservateur ait reçu le rapport LeSage il y a plus d'un an, il n'a pas encore intégré une de ces recommandations au projet de loi . En fait, les conservateurs ont voté contre les modifications proposées par le NPD, qui tentait d'insérer plusieurs recommandations du rapport LeSage dans ce projet de loi.
Le projet de loi a paru sous des formes différentes, en 2007, 2008, 2009 et en 2010. Le projet de loi a été déposé pour donner suite au rapport Lamer de 2003 et au rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Il renfermait des dispositions se rapportant à la justice militaire, notamment la réforme du processus de détermination de la peine, les juges et les comités militaires, les procès sommaires, les comités de la cour martiale, le grand prévôt des Forces canadienne et un certain nombre de dispositions touchant au processus de règlement des griefs et au processus des plaintes concernant la police militaire. Le projet de loi C-41 a été modifié en comité. Il est mort au Feuilleton, en raison du déclenchement de la campagne électorale.
Essentiellement, le projet de loi est semblable à la version du projet de loi qui a émané des travaux du comité à la session précédente. Toutefois, d'importants amendements proposés lors de la dernière législature, à l'étape de l'étude en comité, n'ont pas été inclus dans le projet de loi C-15.
À l'heure actuelle, une condamnation au terme d'un procès sommaire au titre d'une infraction militaire peut donner lieu à un casier judiciaire pour le membre des Forces canadiennes, sans que l'on garantisse comme il se doit l'équité de la procédure. En effet, dans le cadre d'un procès sommaire, l'accusé ne peut consulter un avocat. Il n'y a ni appel ni transcription du procès et le juge est le commandant de l'accusé.
Cette situation entraîne des conséquences trop sévères pour certains membres des Forces canadiennes reconnus coupables d'infractions militaires mineures, comme la désobéissance à un ordre légitime, la simulation de maladie et le fait de permettre ou de faciliter une évasion, même si l'évasion en soi n'entraîne pas l'établissement d'un casier judiciaire. C'est pourquoi le très honorable Patrick LeSage déclarait que le préjudice causé par un casier judiciaire et par son effet potentiel sur la vie d'une personne est « une conséquence beaucoup trop grave » et que les conséquences sont « totalement démesurées par rapport à la violation. »
Bien que des progrès aient été accomplis, nous estimons que des mesures de réforme additionnelles sont requises et qu'il faut mener un examen du système des procès par voie sommaire.
À la Chambre et en comité, le NPD a demandé des changements et des amendements pour réduire l'effet des peines disciplinaires et d'un dossier criminel potentiel, ainsi que pour soulever la question de l'absence d'une charte des droits complète.
Le NPD s'est battu en comité pour améliorer le projet de loi. Nos efforts ont entraîné l'élargissement de la liste des crimes et des cas qui n'entraîneront pas de dossier criminel, ainsi que plusieurs autres modifications pour améliorer le projet de loi, démontrant ainsi notre engagement envers une réforme du système.
Le NPD appuie cette mise à jour du système de justice militaire. Nous comprenons que les membres des Forces canadiennes doivent se conformer à des normes de discipline très élevées, mais nous croyons fortement qu'ils doivent, en contrepartie, pouvoir compter sur un système de justice qui respecte des normes tout aussi élevées.
Beaucoup de Canadiens seraient sidérés d'apprendre que les femmes et les hommes qui servent notre pays avec bravoure peuvent écoper d'un casier judiciaire parce que le système ne suit pas les règles de procédure habituellement appliquées par les tribunaux civils. Ils peuvent subir, selon les écrits du très honorable Patrick Lesage: « des conséquences totalement démesurées par rapport à la violation. »
De plus, pour que le Comité des griefs des Forces canadiennes puisse être perçu comme un organisme civil de surveillance externe indépendant, comme il est censé l'être, le processus de nomination doit être modifié afin de rendre compte de cette réalité. Dès lors, certains membres du comité devraient provenir de la société civile.
En vertu d'un amendement du NPD, au moins 60 % des membres du comité doivent n'avoir jamais été officier ou militaire du rang des Forces canadiennes. Cet amendement a été adopté en mars 2011 dans le cadre du projet de loi , mais il n'a pas été conservé dans le projet de loi , étant rejeté par les conservateurs.
Pour garantir l'indépendance du comité externe, le NPD présente un amendement consistant à exclure les membres des Forces canadiennes en service actif, modifiant ainsi l'article 11. C'est une mesure préconisée à la fois par le juge LeSage, à la suite de son examen indépendant, et par le président du Comité externe d'examen des griefs militaires, M. Bruno Hamel.
Les conservateurs ont là encore voté contre cette mesure, incapables comme toujours de mettre en place les mécanismes nécessaires afin d'assurer l'indépendance du comité d'examen des griefs, de la police militaire ou des éléments judiciaires du système de justice militaire.
Le NPD s'emploiera à rendre le système de justice militaire plus équitable pour les membres de nos forces armées qui mettent leur vie en jeu au service du Canada.
Nombre de nos alliés ont jugé bon de modifier leur processus de procès sommaire, ce qui pousse à se demander pourquoi le Canada tarde à moderniser le système de justice militaire de nos troupes.
L'éminent juriste Gilles Létourneau réclame un examen indépendant et complet de toutes les dispositions de la Loi sur la défense nationale qui traitent du système de justice militaire.
Quand le gouvernement conservateur cessera-t-il de modifier à la pièce le système de justice militaire? Quand procédera-t-il à un examen exhaustif et indépendant?
Je termine en disant que l'opposition officielle a véritablement à coeur l'intérêt des hommes et des femmes qui défendent notre pays et qui risquent leur vie pour un meilleur monde.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi , communément appelé « loi sur la justice militaire ». Je suis heureux d'annoncer que, à la suite des améliorations apportées au projet de loi au moyen d'amendements adoptés au comité, j'appuierai le projet de loi C-15 à l'étape de la troisième lecture.
Le processus d'examen quinquennal obligatoire est l'une des dispositions les plus progressistes ajoutées à la loi sur la justice militaire en 1998. Le premier examen a été réalisé par un ancien juge en chef très distingué de la Cour suprême du Canada en septembre 2003. Le juge Lamer a conclu que notre système de justice militaire fonctionnait assez bien, mais qu'on pouvait faire mieux. Il a fait trois recommandations principales: prendre des mesures pour mieux protéger l'indépendance des juges militaires; améliorer l'actuelle procédure de règlement des griefs; prendre des mesures pour combler les lacunes du système de justice militaire en général.
Les recommandations concernant l'indépendance de la justice militaire ont été abordées à l'automne 2001, avec l'appui de tous les partis, et ont reçu la sanction royale.
La deuxième recommandation qu'a faite le juge Lamer était d'améliorer la procédure de règlement des griefs. Il était d'avis que la procédure de règlement des griefs laissait à désirer, surtout parce que les griefs n'étaient pas traités rapidement, ce qui entraînait un arriéré de griefs. Au moment où il a publié son rapport, il y avait plus de 800 griefs non traités. De plus, certains griefs étaient bloqués à l'étape de l'examen par le chef d’état-major de la Défense pendant plus de deux ans. Apparemment, c'est toujours le cas.
Le juge Lamer avait proposé de ramener le délai de traitement maximal à 12 mois et avait laissé entendre qu'il fallait apporter quelques changements pour être en mesure de respecter ce délai. Entre autres, il a recommandé que le chef d’état-major de la Défense puisse déléguer sa responsabilité à l'égard de certains griefs à des officiers subordonnés. Voilà qui est chose faite dans le projet de loi . Les deux autres recommandations ne relevaient pas vraiment du pouvoir législatif. Le juge a déclaré que nous avons besoin de suffisamment de ressources pour traiter les griefs et que les agents de griefs doivent avoir suivi une formation appropriée. Malheureusement, ces deux objectifs sont difficiles à atteindre en raison des compressions importantes effectuées, cette année encore, dans le budget du ministère de la Défense nationale.
La troisième catégorie de recommandations vise à combler les lacunes dans l'ensemble du système de justice militaire. L'ancien juge en chef a établi quatre principes qui, selon lui, devraient guider ce système. Je les énoncerai à nouveau. Je sais que j'en ai déjà parlé à la Chambre, mais ils sont essentiels à la bonne compréhension de l'importance du système de justice militaire.
Le premier principe consiste à reconnaître que le maintien de la discipline par la chaîne de commandement est essentiel à une organisation militaire compétente et fiable. Cependant, afin de maintenir cette discipline, il faut avoir confiance dans les mesures disciplinaires. Par conséquent, toute mesure que nous pouvons prendre pour améliorer le système de justice militaire contribuera au maintien de la discipline ainsi qu'à la compétence et à la fiabilité de notre organisation militaire.
En deuxième lieu, il a souligné la nécessité de reconnaître le contexte particulier du système de justice militaire; autrement dit, il ne faut pas perdre de vue:
[...] la nécessité que le système fonctionne bien dans les situations particulières qu’affrontent les hommes et les femmes de nos Forces armées, souvent à l’étranger, dans des opérations de maintien ou d’établissement de la paix, dans ce qui est souvent un environnement hostile, et en réalité parfois la guerre pure et simple.
En troisième lieu, il affirme que les soldats qui risquent leur vie pour notre pays méritent un système de justice militaire qui protège leurs droits en conformité avec notre Charte des droits et libertés.
Enfin, selon son quatrième principe, il fait valoir la nécessité de reconnaître que tout doute ou manque de confiance au sujet du système de justice militaire aurait des effets négatifs sur le moral des Forces canadiennes.
Étant donné ces éléments d'information concernant la justice militaire, il est particulièrement important, au Canada, de promouvoir le meilleur système de justice militaire possible. Comme je l'ai déjà indiqué, à mon avis, le projet de loi améliore certains aspects. Je répète quelque chose que j'ai dit dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, comme quoi il est bon qu'on limite le pouvoir d'arrêter sans mandat aux termes des articles 155 et 156 de la Loi sur la défense nationale. En deuxième lieu, le projet de loi C-15 propose de nouvelles peines plus souples, encore une fois conformément aux recommandations du juge Lamer et cherche également à uniformiser davantage le système de justice militaire et le système de justice civile en proposant de nouvelles options de détermination de la peine, dont l'absolution inconditionnelle, la peine discontinue et le dédommagement.
Bien que le projet de loi vienne améliorer le système de procédure sommaire, qui constitue 96 % des cas, selon nous, la grande proportion de ces cas nous porte à croire qu'un examen exhaustif du processus s'impose encore.
Un autre élément demeure problématique à nos yeux: le fait que le projet de loi ne renforce pas le rôle de la police militaire et de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire afin que la commission soit un organisme de surveillance efficace, doté de pleins pouvoirs d'enquête et jouissant de la pleine confiance de tous les membres des Forces canadiennes.
Nous demandons la suppression des dispositions ajoutées aux paragraphes 3 et 5 de l'article 18.5, qui conféreraient au vice-chef d'état-major de la Défense l'autorité de diriger des enquêtes de la police militaire. Nous savons d'expérience, étant donné les enquêtes menées en Somalie, qu'il s'agit d'un article hautement dangereux. Le président actuel et d'anciens présidents de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire ont exprimé leurs réserves relativement à cette mesure régressive. Hélas, l'article fait toujours partie du projet de loi. Il dénote la tendance désolante du gouvernement à mal saisir l'importance de l'indépendance policière, un concept essentiel pour que toutes les parties continuent d'avoir confiance en l'intégrité des enquêtes et, par conséquent, en l'issue des procédures judiciaires.
Le a affiché à peu près la même attitude, dernièrement, dans ce qui ressemble drôlement à de l'ingérence politique dans les activités de la GRC et de Service correctionnel Canada, qui relèvent de sa fonction. Encore une fois, nous aurions franchement préféré que l'article qui permet au vice-chef d'état-major de la Défense de diriger des enquêtes policières ait été supprimé, de manière à veiller à ce que l'intégrité de ces enquêtes et la confiance à leur égard demeurent très élevées, deux éléments qui ont une incidence sur l'issue et l'acceptation ultime des mesures disciplinaires au sein du système de justice militaire.
Cela dit, il y a un point où, à mon avis, le comité a nettement amélioré le projet de loi : les amendements réduisant sensiblement le nombre d'infractions qui donneraient lieu à un casier judiciaire. On estime que plus de 93 % des condamnations pour infraction disciplinaire ne se solderont plus par un casier judiciaire. On élimine ainsi une divergence majeure entre nos systèmes de justice pénale et militaire, mais aussi — ce que je trouve peut-être encore plus important — un obstacle majeur à l'emploi auquel se heurtent certains des anciens soldats qui, malheureusement, avaient été jugés coupables d'une infraction disciplinaire qui ne leur aurait jamais valu un casier judiciaire au pénal étant donné la divergence entre les deux systèmes de justice.
Il y a une autre préoccupation que j'ai déjà abordée brièvement et à laquelle le projet de loi ne répond pas. Comme le juge Lamer l'a reconnu dans son rapport, les solutions ne sont pas toutes de nature législative. Sa grande préoccupation, dans son rapport, était le manque de ressources du système de justice militaire. Cette situation persiste encore aujourd'hui. Je m'inquiète particulièrement du financement de la BFC Esquimalt, dans ma circonscription, dont les programmes du mode alternatif de résolution des conflits prendront fin en mars 2014 en raison de compressions budgétaires.
On pourrait se demander ce que le mode alternatif de résolution des conflits a à voir avec la justice militaire. À la BFC Esquimalt, on a constaté que les programmes du mode alternatif de résolution des conflits ont entraîné une diminution du recours au système de justice militaire et des problèmes de discipline, car ces programmes ont permis de résoudre très tôt des conflits apparents entre des membres des forces, alors que le niveau de tension était très faible.
On a justifié les compressions en disant que la Loi sur la défense nationale ne prévoit aucun mandat explicite en matière de services de mode alternatif de résolution des conflits et que, par conséquent, ces services ne devraient pas être financés. Ce dont on ne tient pas compte, c'est que cela réduirait le nombre de demandes adressées au système de justice militaire, qui est déjà surchargé, et que les coûts associés au programme sont minimes.
En terminant, je me permets de réaffirmer l'importance évidente d'améliorer le système de justice militaire. Il est incontestable que cela contribuerait à améliorer la discipline, la fiabilité et le moral au sein des forces armées, et permettrait de respecter les droits fondamentaux de ceux qui ont servi dans les Forces canadiennes.
Je le répète, les membres des Forces canadiennes sont tenus de respecter des normes de discipline très élevées, et le système judiciaire devrait refléter ce fait. Nous ne devons pas oublier que veiller à faire de notre système de justice militaire un modèle dont tous les Canadiens, militaires ou non, peuvent être fiers à juste titre est un objectif important.
Bien qu'il reste du travail à accomplir pour que notre système de justice militaire atteigne les normes élevées dont nous serions tous fiers, la collaboration qui a prévalu lors des travaux du comité a permis d'apporter suffisamment de modifications au projet de loi pour me convaincre qu'il représente un pas important dans la bonne direction. Pour cette raison, comme je l'ai dit, j'appuierai le projet de loi à l'étape de la troisième lecture.
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Monsieur le Président, je vais partager le temps dont je dispose avec le député d'.
Les choses n'avancent pas vite, mais elles avancent. Dix ans après le rapport de l'ancien juge en chef de la Cour suprême Antonio Lamer et quatre ans après rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous voilà enfin prêts à modifier la Loi sur la défense nationale. Les modifications proposées ont été longuement attendues par les militaires de ce pays, et je souhaite apporter mon appui au projet de loi en insistant sur l'importante contribution du NPD dans ce processus.
Le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Toutefois, il reste encore du chemin à faire pour fournir une justice militaire véritablement équitable. En ce sens, je proposerai également quelques actions à entreprendre dans l'avenir. Comme je vous le disais, le projet de loi C-15 est un pas dans la bonne direction. Il permet d'actualiser l'approche judiciaire du Canada envers ses militaires et permettra à ces derniers de vivre une plus grande équité face aux autres Canadiens.
Le projet de loi prévoit notamment une plus grande marge de manoeuvre au chapitre du processus de détermination de la peine; des options supplémentaires au chapitre de la détermination de la peine et, notamment, une absolution inconditionnelle des peines continues ainsi qu'un dédommagement; une modification de la composition du comité de la cour martiale, selon le grade de l'accusé; une modification de la limitation de la durée d'un procès sommaire en permettant à l'accusé de renoncer à cette limitation; etc.
Par ailleurs, il faut voir que le projet de loi donne de nouveaux pouvoirs au vice-chef d'état-major de la Défense en ce qui concerne les enquêtes de la police militaire. Cette mesure est, à mon humble avis, rétrograde. Elle nous indique que le gouvernement aurait pu en faire davantage, mais dans l'ensemble, ce projet de loi apportera tout de même plus de justice aux militaires.
Cette situation a été rendue possible grâce aux recommandations de mes collègues néo-démocrates, qui ont permis, par leur travail acharné, d'inclure des modifications nécessaires au projet de loi initial. Par ses efforts, le NPD a permis d'élargir la liste des crimes et des cas qui n'entraîneront pas de dossiers criminels, ce qui arrive dans 95 % des cas militaires. Ce n'est pas rien. Quatre-vingt-quinze pour cent des cas dans la justice militaire débouchent sur un dossier criminel. Nous savons ce que cela veut dire.
De plus, les crimes dont il est question ne sont pas tous de l'ordre de ceux du caporal Lortie. On parle de la désobéissance à un ordre, de la simulation de la maladie et du fait de faciliter une évasion, même si, dans les faits, l'évasion en tant que tel ne débouche même pas sur un dossier criminel.
L'ancien juge en chef de la Cour de justice de l'Ontario Patrick LeSage a dit que le préjudice causé par un casier judiciaire sur une personne était une conséquence bien trop grave dont les effets sont totalement démesurés par rapport à l'infraction en cause. Un casier judiciaire, nous le savons, peut avoir des répercussions très négatives dans la vie d'une personne au civil. Quand ces militaires reviennent au civil avec un casier, c'est difficile pour eux ou pour elles.
Il est déplorable que les conservateurs aient refusé d'inclure dans le projet de loi les recommandations du juge LeSage émises en 2011 alors qu'ils ont eu plus d'un an pour l'analyser. Au NPD, nous avons bien tenté de les inclure, mais le gouvernement a refusé. Ce sera donc pour une prochaine fois. Il est primordial pour le Canada de ne pas arrêter d'analyser la question de la justice militaire. Les hommes et les femmes qui défendent leur pays par choix méritent notre plus haute considération.
L'un des aspects à considérer, outre la lourdeur des peines, est la rapidité avec laquelle elles sont décrétées.
Chez les militaires, le procès sommaire règle la majeure partie des questions. À l'occasion d'un tel procès, l'accusé n'a pas le droit de consulter un avocat. Il n'y a en outre ni appel ni transcription du procès.
Je sais que je répète que ce que mes collègues ont dit, mais je pense qu'il faut répéter et répéter afin que les gens soient mis au courant. Le comble, c'est que le juge est le commandant de l'accusé, ce qui ouvre naturellement la porte à certains abus. Si nous avons doté le Canada d'une armée de profession, on doit admettre que ce genre de procès fait figure d'archaïsme désolant.
Heureusement, le NPD a proposé une série de modifications pour améliorer ce projet de loi, notamment pour améliorer l'indépendance de la police militaire en éliminant la capacité du chef d'état-major de la Défense nationale de donner des instructions spécifiques sur une enquête au grand prévôt des Forces canadiennes.
Le NPD s'est également inspiré des recommandations du juge LeSage pour indiquer qu'une accusation doit être portée dans l'année qui suit la commission de l'infraction. Cela permettra aux militaires de ne pas vivre dans la crainte qu'une infraction passée soit soudainement sévèrement punie, par surprise.
Je suis fière de voter en faveur d'une plus grande équité judiciaire pour les militaires canadiens qui ont droit à notre plus grand respect. Par ailleurs, je trouve déplorable qu'il faille attendre si longtemps pour qu'un rapport se transforme en projet de loi et je demanderais au gouvernement de bien vouloir fournir une réponse législative au rapport LeSage d'ici un an, ce qui permettra d'apporter une plus grande équité au sein des Forces canadiennes.
En conclusion, je maintiens que le projet de loi est un pas dans la bonne direction. Il permettra d'alléger le fardeau judiciaire qui pèse sur les épaules des militaires, qui ont bien d'autres causes de stress à gérer.
Toutefois, il faudra faire encore plus, et encore mieux, pour compléter ce tableau. C'est d'ailleurs ce que nous ferons quand le NPD sera au pouvoir. Pour ces raisons, et puisque les efforts du NPD ont été à la base de l'une des réformes les plus importantes visant à établir un système de justice militaire plus équitable en limitant les casiers judiciaires déraisonnables, j'apporte tout mon appui au projet de loi .
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Monsieur le Président, c'est intéressant. Nous sommes de nouveau saisis de ce projet de loi. Je sais que les ministériels sont quelque peu irrités parce que nous avons décidé de prendre la parole à la Chambre au sujet de ce projet de loi.
De ce côté-ci de la Chambre, il nous incombe toutefois d'agir ainsi. C'est un peu fort de la part des ministériels de dire qu'ils ont entendu trop de discours et que, en quelque sorte, nous empêchons l'adoption du projet de loi.
Inutile de rappeler aux députés qu'en 2006, nous avions reçu une offre du gouvernement. Puis, il y a eu une crise parlementaire — du moins, pour le gouvernement —, et il a dû proroger le Parlement. C'est intéressant. Il a agi ainsi en raison de questions touchant les militaires. En effet, le gouvernement refusait de communiquer des documents au Parlement, et ses petits jeux politiques ont placé les militaires dans une position très délicate.
Le gouvernement a présenté ce projet de loi au Parlement et qu'a-t-il fait? Il a prorogé le Parlement en raison d'une crise politique provoquée par les conservateurs, et non par le Parlement.
Comme les députés s'en souviendront sûrement — moi je m'en souviens, car je faisais partie du comité —, nous avons présenté les faits au Président et lui avons demandé de réagir au manque de collaboration de la part du gouvernement, qui, pourtant, devait faire preuve de diligence raisonnable en communiquant l'information au Parlement.
Alors, lorsque le gouvernement affirme que, pour une raison ou pour une autre, le NPD, l'opposition officielle, empêche l'étude de projets de loi d'avancer, il devrait se regarder dans le miroir. Le projet de loi aurait pu être adopté il y a longtemps si le gouvernement avait choisi de le faire adopter rapidement. Toutefois, nous avons bel et bien marqué des points, si je puis dire, en réussissant à faire adopter des amendements.
Je trouve intéressant que le Parti libéral tente de jouer au plus malin en nous demandant, au NPD, de dire exactement où se trouve l'amendement.
La différence entre le NPD et les libéraux est que nous proposons des amendements. Ils devraient peut-être lire le dossier lorsqu'ils travaillent au comité. Je présume que les députés qui posent les questions assistaient aux séances du comité. Ils devraient peut-être consulter leurs dossiers.
Je parie que les libéraux trouvent leur stratégie fascinante, mais de ce côté-ci, dans l'opposition, nous voulons des résultats. C'est la raison pour laquelle nous proposons des amendements plutôt que de chercher à prendre les autres en défaut, comme le font les libéraux.
Je comprends qu'ils sont peut-être à court d'idées. Toutefois, ils essaient de faire pression sur les députés de l'opposition, qui prennent constamment la parole pour dire qu'ils ne sont pas d'accord avec le gouvernement, mais qu'ils ont des solutions de rechange à proposer. Je suppose que cela dérange parfois les libéraux, mais c'est leur problème.
C'est intéressant. Ce projet de loi découle d'un rapport de l'ex-juge en chef Lamer. Je l'admirais beaucoup. Je trouvais qu'il était l'un des meilleurs. Il voyait l'importance d'un équilibre entre les droits des citoyens et la capacité du gouvernement d'agir. Il faisait de très bonnes recommandations, comme le Président le sait. En fait, je crois que le Président le connaissait bien et connaissait ses travaux.
Dans un autre ordre d'idées, j'ai déjà passé de courtes vacances avec lui, tout près d'ici dans la région des lacs Rideau. Une des choses qui m'impressionnaient beaucoup dans l'analyse qu'il faisait de la loi, c'est qu'il comprenait que nous devions faire vraiment mieux pour les hommes et les femmes qui risquent leur vie afin qu'ils bénéficient des mêmes droits que les autres citoyens, et nous pouvons le constater dans le travail accompli ici.
Je suis le fils d'un ancien combattant. Mon père a participé à la Seconde Guerre mondiale et mes deux grands-pères ont participé à la Première Guerre mondiale. Lorsqu'ils se sont enrôlés, il était clair dans leur esprit qu'ils avaient certaines responsabilités. Ils partaient défendre notre pays. Mes grands-pères et mon père étaient profondément convaincus que le Canada était un exemple d'équilibre — l'équilibre dont le juge Lamer et moi avons parlé —, mais ils croyaient que nous pouvions faire beaucoup mieux. Au fil des ans, nous avons amélioré les choses, il faut le reconnaître.
Par contre, il faut regarder ailleurs dans le monde: d'autres gouvernements réussissent beaucoup mieux que nous à améliorer le système de justice militaire. L'Australie, la Nouvelle-Zélande et d'autres pays se sont penchés sur la question des procès sommaires.
Ma collègue a déjà fait part de nos inquiétudes quant à la fréquence des procès sommaires. Quoi qu'il en soit, si nous voulons soutenir réellement nos militaires, il nous semble, de ce côté-ci de la Chambre, qu'il faut prendre des mesures globales. De toute évidence, la question des procès sommaires mérite qu'on s'y intéresse de près. On n'a qu'à regarder ce que font nos alliés. Ils ont sans doute été saisis de cette question et ils ont fait en sorte que des mesures soient prises.
Il faut aussi souligner qu'il importe que les militaires des Forces armées canadiennes aient confiance dans le système de justice et que ce système leur permette d'en appeler d'une décision et d'avoir rapidement accès à la justice. Voilà les normes qui sont établies dans le système civil. Par contre, il semble que la situation soit différente dans les Forces canadiennes. Le contexte est bien sûr différent à cause de la structure de commandement et de la manière dont on se sert de la discipline. Nous voulions donc que des changements traduisent cette réalité dans le projet de loi.
Les députés se souviendront que, lorsque le Président travaillait sur ce dossier, le colonel à la retraite Drapeau est venu témoigner au comité et a suggéré diverses initiatives judicieuses. Il a invité le gouvernement à faire des changements. Comme je l'ai déjà indiqué, il a parlé des procès sommaires et du droit d'en appeler du verdict ou de la peine car si les militaires ne peuvent interjeter appel, la justice en est diminuée. Il doit non seulement y avoir apparence de justice, mais aussi justice.
Le colonel Drapeau a également dit ceci:
À l'échelle internationale, on se préoccupe de plus en plus de la compatibilité des systèmes de justice militaire avec les normes internationales en matière des droits de la personne. En Europe, la Convention européenne des droits de l'homme a eu une incidence sur le droit militaire national, en particulier au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, pour ne nommer que quelques pays.
Ce qu'il dit, et je crois que le juge Lamer était du même avis, c'est qu'il faut tenir compte du contexte. Des changements ont été apportés au droit international et aux conventions internationales et les droits des hommes et des femmes qui nous protègent doivent être reconnus dans ce contexte. Si nous adhérons à des conventions qui prévoient davantage de reddition de comptes et d'accès à la justice, alors ces principes ne devrait pas s'appliquer uniquement à quelques privilégiés, comme dans ce cas, ni à la majorité, et les militaires ne forment manifestement pas la majorité. En fait, d'autres pays ont agi. C'est important.
Par exemple, la façon dont le gouvernement a mis en oeuvre le traité qu'il a signé sur les armes à sous-munitions nous pose problème. Nous avons des réserves quant à la mesure législative que le gouvernement a rédigée en lien avec ce traité. Il y a les questions d'interopérabilité avec nos alliés. Si nous signons un traité international visant à interdire les armes à sous-munitions, nous voulons nous assurer que nos militaires ne courrons pas le risque d'être poursuivis en vertu des lois d'autres pays. Il va sans dire que nous voulons être certains de comprendre et de respecter nos engagements à l'égard de ce traité.
Tout ça pour dire que nous allons appuyer ce projet de loi. En tant qu'opposition officielle, nous avons bien présenté nos idées. Malheureusement, le gouvernement ne les a pas toutes retenues. Certains changements ont été apportés, mais il faudrait faire plus. Nous sommes toutefois fiers de participer à la modernisation des lois qui aideront nos militaires qui servent si bien ce pays, comme mon père lorsqu'il était soldat. C'est le moins que l'on puisse faire pour ceux qui servent dans les Forces canadiennes.
:
Monsieur le Président, j'ai le grand plaisir de me lever deux jours de suite pour discuter et débattre du projet de loi sur le système judiciaire militaire.
J'aimerais dire, au préalable, sur le plan philosophique, que l'idée à la base du libéralisme est qu'on n'accepte jamais le statu quo si on ne trouve aucune bonne raison de le faire. Autrement dit, on ne dit pas, en tant que libéral, qu'on doit faire une telle chose d'une telle façon car ça a toujours été comme ça et pour aucune autre raison.
Parfois, lorsqu'on discute du système judiciaire militaire, on se repose beaucoup sur ce genre d'explication. On dit que c'est un système différent et que ça a toujours été comme ça, que la culture militaire existe depuis des milliers d'années, que c'est comme ça qu'on s'y prend et qu'on doit continuer. Ce n'est pas suffisant, pour un libéral.
J'aimerais continuer dans la même veine qu'hier, lorsque je disais qu'un militaire est un citoyen à part entière qui dispose des mêmes droits que n'importe quel autre citoyen. C'est tout simplement un citoyen qui a décidé de se donner à son pays, de porter l'uniforme avec fierté et de servir, soit outremer, dans une zone de conflit, soit ici, au Canada, lorsqu'ils sont appelés à épauler les efforts de différentes collectivités lors d'un sinistre naturel, par exemple.
Le rôle et la place du militaire dans la société a beaucoup évolué. À une certaine époque, comme je le disais hier, il était soit esclave, soit soldat à gage. Il n'avait peut-être pas le respect de ceux qu'il servait dans la société. Peut-être devait-il vraiment faire ce qu'on lui disait de faire, puisqu'il était esclave ou soldat à gage. Or ce n'est plus le cas; la société a évolué.
Les militaires, de nos jours, se tiennent debout pour défendre leurs droits; on le voit quotidiennement. Assis à côté de moi est le porte-parole libéral en matière des anciens combattants. Il s'est levé plusieurs fois à la Chambre pour demander au gouvernement pourquoi il ne traite pas les anciens combattants avec justice, en ce qui a trait aux efforts que le gouvernement avait faits pour récupérer des pensions d'invalidité, par exemple.
Les militaires savent qu'ils ont des droits et ils sont prêts à se tenir debout pour les défendre. Le militaire moderne s'attend à ce que la société lui accorde les mêmes droits qu'elle accorde à n'importe quel autre citoyen. Ce projet de loi maintient un système de justice toujours à l'écart de celui dont nous, les civils, bénéficions en tant que membres de la société.
Là-dessus, je vais tout simplement citer un témoin qui a comparu devant le comité. Le témoin en question a été cité à plusieurs reprises au cours de ce débat aujourd'hui et hier. Il s'agit de Michel Drapeau, colonel à la retraite. Lors de son témoignage, il a remarqué ce qui suit:
[...] un accusé dans un procès sommaire n'a pas le droit d'en appeler ni du verdict ni de la peine. [...] [Il n'a pas] le droit à un avocat, [à] la présence de règles de la preuve [ni] au droit d'appel.
Comme on l'a entendu à plusieurs reprises, le militaire doit rester debout pendant tout le procès. En outre, il n'y a pas de transcription grâce à laquelle on pourrait interjeter appel.
Je continue en citant le colonel Drapeau:
Au Canada, ces droits sont inexistants dans un procès sommaire, même si l'accusé est un ancien combattant décoré. Pourtant, tout Canadien accusé d'une infraction punissable par procédure sommaire au civil, à l'instar du sénateur Patrick Brazeau, jouit de tous ces droits, de même que toute personne qui comparaît devant un tribunal des petites créances ou un tribunal des contraventions routières.
Autrement dit, j'ai plus de droits qu'un militaire accusé d'avoir dépassé une limite de vitesse. Pourtant, cette personne a choisi de son plein gré de rejoindre les forces armées et de servir la société canadienne.
On peut constater qu'il y a de grandes différences entre le système de justice militaire et le système de justice civile. Je comprends et j'accepte que c'est un système à part et qu'il doit toujours avoir son propre caractère, mais je ne suis pas certain que les différences devraient être aussi grandes. Cela me rend très inconfortable vis-à-vis de ce projet de loi.
C'est peut-être parce que le système de justice militaire n'est pas aussi ouvert que le système de justice civile, mais il y a un autre fait à noter. En effet, j'ai entendu dire que 98 % des procès se terminent par un verdict de culpabilité. Autrement dit, la personne est déclarée coupable dans 98 % des cas. Cela me semble élevé.
Cela nous amène à nous interroger sur la nature du système de justice militaire et à nous demander si on ne devrait pas y apporter des changements plus importants que ceux proposés dans le projet de loi .
[Traduction]
Le gouvernement doit reconnaître que la société en général, mais plus particulièrement en l'occurence le système judiciaire, est un système aux aspects interdépendants, c'est-à-dire qui forment un équilibre fragile. Ce qui était acceptable il y a quelques années, avant la venue de ce projet de loi, n'est peut-être plus acceptable aujourd'hui parce qu'un certain changement important a été apporté à un autre aspect du système judiciaire, ce qui rend le système actuel moins équitable pour les militaires accusés de méfaits.
Bien sûr, je fais référence au fait que le gouvernement a retiré du système judiciaire la possibilité d'obtenir une réhabilitation et de faire effacer son casier judiciaire après avoir démontré un comportement exemplaire continu après que la faute ait été commise. Une fois qu'on élimine ce recours, le fait que le système de justice militaire soit moins équitable devient soudainement fort problématique.
En effet, dans ce contexte, une personne faussement accusée, ne serait-ce que d'excès vitesse, et reconnue coupable dans le cadre d'un procès qui ne respecte pas les principes d'équité et de justice existants se trouve littéralement coincée. Elle n'a aucun recours. De surcroît, cela risque de l'empêcher d'obtenir un emploi rémunérateur lorsqu'elle quittera la vie militaire.
De nos jours, nous reconnaissons que de nombreux ex-militaires souffrent de trouble de stress post-traumatique. Or, cela n'était pas reconnu il y a quelques années et ce ne l'était certainement pas après la Seconde Guerre mondiale.
Il est question de personnes qui quittent l'armée, qui ont peut-être eu des ennuis parce qu'elles souffrent du syndrome de stress post-traumatique et qui ne peuvent maintenant pas obtenir une réhabilitation. Ces personnes, qui ont quitté les forces armées, essaient de se trouver un emploi et peuvent avoir de la difficulté à s'adapter aux exigences en matière d'emploi. En outre, l'infraction commise les suit toujours puisqu'elles n'ont pas pu obtenir une réhabilitation. Par conséquent, nous constatons que beaucoup de nouveaux problèmes découlent de ces injustices.
Il faut comprendre que la société a changé. Le syndrome de stress post-traumatique est une réalité que nous ne comprenions pas il y a quelques années. Le problème risque même de s'aggraver, parce que le projet de loi n'a pas fait l'objet d'une réflexion approfondie.
Il existe un équilibre délicat que le gouvernement a perturbé en apportant au système judiciaire certains changements qui, selon lui, pourraient l'avantager sur le plan politique.
J'aimerais parler du VCEMD. Je ne me souviens jamais de la signification de cet acronyme. Quel est le terme exact?
L'hon. John McKay: Le terme est vice-chef d’état-major de la Défense.
M. Francis Scarpaleggia: Heureusement, j'ai la chance que le porte-parole en matière de défense soit assis à côté de moi. Il est un excellent porte-parole et il connaît la mesure législative dans ses moindres détails. Il a très bien expliqué la mesure législative aux membres de notre caucus, montrant ainsi ses connaissances en la matière.
Donc, le vice-chef d'état-major de la Défense peut intervenir dans tout processus disciplinaire. J'aimerais que les députés, et plus particulièrement les députés du NPD, voient le parallèle qui existe entre cette situation et ce qui s'est passé à la GRC et avec le commissaire de la GRC. Il existe un processus de plaintes au sein de la GRC dans les cas où un agent enfreint le code d'éthique de l'organisation. Cependant, le commissaire de la GRC n'a pas le droit de prendre part à l'enquête.
Les députés d'en face affirment qu'il est très important que le vice-chef d'état-major de la Défense jouisse de ce droit, car cela lui permet de faire en sorte que le contexte opérationnel soit pris en compte dans le cadre du processus d'enquête. Or, on pourrait dire la même chose du commissaire de la GRC. On pourrait faire valoir qu'il devrait avoir le droit d'intervenir, car il pourrait ainsi présenter le contexte opérationnel dans le cadre du processus d'enquête. Il y a là une contradiction. Le commissaire de la GRC ne peut pas intervenir, tandis que le vice-chef d'état-major de la Défense, lui, peut le faire. Je ne comprends pas pourquoi cette distinction a été établie.
J'aimerais vous lire une citation à propos des dangers que pose ce droit d'intervention. D'après ce qu'on m'a dit, il s'agit d'un nouveau droit, qui n'existait pas auparavant. Cet extrait provient du témoignage présenté au Comité de la défense par M. Peter Tinsley, ancien président de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire:
Je veux donc très brièvement faire valoir que, si le projet de loi C-15 est adopté sous sa forme actuelle, y compris avec le nouveau paragraphe 18.5(3), qui autorise le VCEMD à intervenir dans les activités et les enquêtes de la police, on contreviendra aux principes de l'indépendance de la police, que la Cour suprême a reconnus en 1999 à titre de principes fondamentaux qui sous-tendent la primauté du droit, et on déviera en outre de la norme concernant les relations entre la police et le gouvernement, du moins au Canada et, je puis vous le dire, dans le reste du monde industrialisé, où l'on reconnaît l'importance de l'indépendance de la police et où les commissions des services de police et les organes directeurs similaires ne sont pas autorisés à donner des instructions touchant des activités policières précises.
C'est une citation très intéressante. Nous aimons nous comparer à d'autres pays. C'est une méthode valable, puisqu'elle nous permet de tirer parti de l'expérience d'autres pays, comme ils le font eux-mêmes quand ils examinent ce qui se fait ici.
J'aimerais souligner que d'autres pays semblent avoir compris qu'il faut modifier le système de justice militaire. On ne peut pas se contenter de dire qu'il fonctionne ainsi depuis la nuit des temps et devrait donc continuer de la même manière. Certains avancent peut-être ce genre d'argument, mais ce n'est pas le point de vue des libéraux.
Dans sa critique du régime de procès sommaire, un régime qui, comme je l'ai dit, n'est pratiquement pas traité dans le projet de loi , le juge Gilles Létourneau a déclaré ceci:
Cette forme de procès a été déclarée inconstitutionnelle en 1997 par la Cour européenne des droits de l’homme, parce qu’elle ne respectait pas les exigences d’indépendance et d’impartialité énoncées à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Par suite de cette décision et d’autres de la sorte, le Parlement britannique a adopté une loi qui offre des garanties à un soldat qui fait l’objet d’une accusation. Cette loi comporte notamment les mesures suivantes:
a) l’accusé peut être représenté par un avocat; b) l’accusé a le droit de faire appel devant la Cour d’appel en matière de poursuites sommaires de création récente; c) la Cour d’appel en matière de poursuites sommaires est présidée par un juge civil, assisté de deux militaires qui sont officiers ou adjudants; d) généralement, il est impossible d’imposer l’emprisonnement ou la détention militaire si le délinquant n’est pas représenté par un avocat dans cette cour ou une cour martiale.
Dans notre système, aucune transcription n'est faite et non seulement l'accusé doit rester debout durant tout le processus, mais il n'a pas droit à un avocat. Cela me semble assez rétrograde. Cela ne ressemble pas au Canada moderne, d'après moi.
Cela dit, je dois reconnaître que le projet de loi apportera une amélioration au système. C'est évidemment l'inamovibilité des juges militaires, qui leur donne la certitude de pouvoir agir de façon indépendante. Le projet de loi C-15 prévoit en effet que les juges militaires resteront en poste jusqu'à ce qu'ils prennent leur retraite à 60 ans, à moins qu'ils démissionnent ou fassent l'objet d'une révocation motivée sur la recommandation du comité d'enquête.
Ce projet de loi permettra également la nomination de juges militaires à temps partiel, ce qui, j'imagine, est une assez bonne idée si le nombre de cas à traiter n'est pas suffisant pour occuper des juges à plein temps ou si les juges à plein temps ont besoin d'aide. Pourquoi ne pas faire appel à des juges militaires à temps partiel? Je n'y vois pas d'inconvénient.
Tout bien considéré, nous ne pouvons pas appuyer ce projet de loi. Nous avons voté de façon cohérente tout au long du processus. Nous ne nous sommes pas prononcés contre le projet à l'étape de la deuxième lecture pour changer notre fusil d'épaule et voter en sa faveur à l'étape de la troisième lecture après que tous nos amendements ont été rejetés.
Je pense que la cohérence est importante ici. Je suis fier de dire que nous demeurerons fidèles à notre ligne de conduite et que nous continuerons à ne pas appuyer le projet de loi.
:
Monsieur le Président, j'ai le grand plaisir de parler du projet de loi , à l'étape de la troisième lecture. Le projet de loi vise à renforcer la justice militaire.
Comme certains députés de la Chambre le savent, je siège au Comité permanent de la défense nationale. Il est donc évident que j'ai suivi avec grand intérêt les débats entourant le projet de loi. De plus, comme certains députés le savent, je suis une ancienne militaire. Selon moi, le système de justice militaire est quelque chose de majeur au sein des Forces armées canadiennes, et ce système est parfois difficile à comprendre. Faire de la discipline est essentiel et nécessite un système de justice particulier. Cela a pour but de favoriser la capacité opérationnelle des Forces armées canadiennes.
Je tiens à spécifier que, pour nos hommes et nos femmes en uniforme, c'est important de prendre cela très au sérieux et d'étudier avec soin ce qui va s'appliquer à eux. Ils font d'énormes sacrifices personnels et sociaux pour notre pays. Je pense que d'essayer de leur fournir le meilleur système de justice militaire est quelque chose d'essentiel.
Maintenant, quand on parle d'un système de justice, il est évident que c'est une question complexe. On ne parle pas de changer la couleur des murs dans un bâtiment, mais bien d'un système de justice, ce qui est extrêmement complexe. Quelquefois, il n'existe pas de solution parfaite ou cela devient très compliqué de trouver la solution qui s'appliquerait et qui ferait en sorte que tout fonctionnerait.
Lorsque le projet de loi a été débattu à l'étape de la deuxième lecture, une des premières choses que mon collègue de , porte-parole de l'opposition officielle en matière de défense, a souligné, c'est le fait qu'un amendement apporté lors de l'étude du projet de loi C-41 n'était pas présent dans ce projet de loi-ci.
Lors de l'étude du projet de loi , un gouvernement minoritaire était au pouvoir. Ainsi, il n'avait pas le choix d'avoir la collaboration des autres partis. On en était arrivé à un consensus à propos du projet de loi C-41 qui, à ce moment, faisait l'affaire de tous les partis. Malheureusement, les conservateurs ont prorogé le Parlement. Donc, on n'a pas pu voter le projet de loi C-41 à l'étape de la troisième lecture.
Dans son discours, mon collègue de a souligné, tout comme je l'ai fait, que l'amendement proposé au projet de loi C-41 visait à élargir le nombre d'offenses pouvant être jugées par procès sommaire en vertu de la Loi sur la défense nationale. Il visait donc à élargir le nombre d'offenses qui n'entraîneraient pas de casier judiciaire. Le s'était engagé à ramener cet amendement, par le biais du , au Comité permanent de la défense nationale, lors de l'étude en comité, et il l'a fait. L'amendement a été adopté.
Il y a déjà eu une amélioration lors de l'étude en comité du projet de loi C-15, parce que cet amendement a été apporté.
Puisqu'il est question d'amendement, je vais brièvement expliquer que les conservateurs n'ont présenté que cet amendement et un autre qui ne visait qu'à corriger une erreur de date. C'est tout.
Quant aux amendements du NPD, ce dernier a déposé 22 amendements et 5 sous-amendements qui ont été refusés en comité. Toutefois, on a fait notre travail, on a étudié le projet de loi et on y a proposé des amendements, dans le but de l'améliorer.
Je pense que nous avons démontré notre soutien aux hommes et aux femmes en uniforme. Nous avons démontré que ce projet de loi était important pour nous, qu'il était important de l'étudier et de l'améliorer. Malheureusement, nos amendements ont été rejetés, mais au moins celui des conservateurs, bien sûr, a été adopté, et c'est ce qui a permis d'améliorer le projet de loi. Toutefois, je ne pense pas qu'on aurait eu cet amendement, si ce n'avait été de l'insistance de mon collègue de et de tous les députés du NPD.
Bien qu'il soit conservateur au départ, il faut comprendre que cet amendement a été apporté grâce au travail du NPD.
Avant d'aborder plus en détail la question des casiers judiciaires à la suite de procès sommaires, j'aimerais brièvement rappeler que le Parti libéral n'a proposé aucun amendement lors de l'étude en comité. Je considère que c'est un projet de loi important et qu'il faut au moins essayer de l'améliorer. Pourtant, on n'a eu aucun amendement libéral.
En jetant un coup d'oeil, on voit que le Parti libéral n'a fait aucune intervention lors de l'étude article par article du projet de loi ainsi que lors des votes, et on voit aussi qu'aucun député libéral n'a voté lors de votes par appel nominal.
À mon avis, cette question sérieuse méritait d'être étudiée avec soin. Je trouve dommage que tous les partis à la Chambre n'aient pas démontré le même engagement envers les hommes et les femmes en uniforme. Voilà ce que je voulais apporter sur ce qui s'est passé en comité.
J'aimerais aborder plus spécifiquement la question de l'attribution de casiers judiciaires à la suite d'un procès sommaire. L'article 75 a été modifié par un amendement qui vise à élargir le nombre d'infractions incluses dans la Loi sur la défense nationale et pouvant être jugées par procès sommaire, et selon lesquelles les personnes ne seront pas sujettes à un casier judiciaire après une condamnation.
Actuellement, on couvre 95 % des cas. Il reste que 5 % des gens, qui n'auraient pas nécessairement eu de casier judiciaire pour une infraction similaire dans la vie civile, peuvent encore en avoir un. Du moins, on s'améliore.
Il faut comprendre que la question des procès sommaires et des casiers judiciaires est extrêmement complexe. D'un côté, l'efficacité des procès sommaires est quand même reconnue et elle permet de gérer les cas rapidement; de l'autre, on reconnaît aussi que les règles de droit qui entourent ces procès sommaires ne sont pas respectées.
Par exemple, on ne voudrait pas qu'un militaire soit exempté d'une faute qui lui aurait valu un casier judiciaire dans le monde civil. Par contre, on ne voudrait pas non plus que le militaire ait un casier judiciaire pour avoir posé un geste qui n'aurait pas abouti à un casier judiciaire dans le monde civil. Nous jouons donc avec ce balancier. La question de la justice militaire est donc extrêmement complexe.
De plus, ce qui pose un peu problème dans la Loi sur la défense nationale, c'est que certaines infractions sont très larges et peuvent donc comprendre des cas très graves comme des cas bénins. C'est un peu pour cette raison que j'ai voulu les apporter en sous-amendements lors de l'étude en comité.
Lors d'une rétrogradation, la personne pourrait tout de même avoir un casier judiciaire. En toute logique, je me disais que si quelqu'un avait commis une infraction assez grave, il devrait de toute façon y avoir rétrogradation. Ce ne serait pas possible pour le soldat qui n'est qu'une recrue, car il ne peut être rétrogradé, mais ce serait possible pour tous les autres grades. Si la faute était assez grave, il y aurait logiquement eu rétrogradation, et le militaire ne serait donc pas exempté de la possibilité de ne pas avoir de casier judiciaire.
J'aimerais revenir sur certains de ces articles qui sont très larges tels que, par exemple, l'article 113 couvrant les incendies. Le problème avec l'article 113, c'est qu'en vertu de la Loi sur la défense nationale, il couvre une large gamme d'infractions relatives aux incendies, soit les incendies causés de manière volontaire, mais aussi ceux qui sont déclenchés de manière involontaire.
Voici un exemple simple d'un incendie déclenché de manière involontaire. Une recrue pourrait être fatiguée à la suite d'un entraînement à la campagne et ne pas nécessairement posséder d'expérience de camping, de vie en forêt ou de bagage personnel auquel se référer dans cet environnement.
J'en parle parce que c'est un cas dont j'ai eu connaissance. Par erreur, on peut mettre du kérosène au lieu du naphta dans le petit poêle. Cela peut causer un incendie. La personne qui le fait ne le fait pas volontairement ou dans le but de causer du tort aux Forces canadiennes. Elle est simplement fatiguée et elle respecte mal les consignes. Or il s'agit pourtant de la même infraction. Si quelqu'un mettait volontairement le feu à un bâtiment, il serait accusé de la même chose, et l'article 113 en matière d'incendie serait appliqué. Ces deux personnes auraient des casiers judiciaires en quittant les Forces canadiennes. Toutefois, tout le monde à la maison comprend que l'acte est profondément différent.
Voilà pourquoi cette question est très complexe. Nous comprenons que si quelqu'un avait volontairement causé un incendie dans la vie civile, il aurait eu un casier judiciaire. Logiquement, nous ne voulons pas que cette personne soit exemptée d'un casier judiciaire. Par contre, nous voudrions aussi que cette personne ait droit à un procès qui respecte les règles de droit. On ne peut pas contraindre quelqu'un à avoir un casier judiciaire sans que les règles de droit ne soient respectées. La question a été analysée dans cette perspective.
Par ailleurs, si quelqu'un commettait involontairement une bévue, il aurait aussi un casier judiciaire. Je suppose que les amendes ne seraient pas les mêmes pour les deux infractions et que, par exemple, les punitions ne seraient pas les mêmes non plus et seraient établies en fonction de l'ampleur du geste. Il faut tout de même comprendre que, pour le même article, cela peut concrètement signifier deux choses différentes.
Un autre article était assez particulier. Il concernait la libération non autorisée ou l'aide à l'évasion d'un prisonnier. Cela peut paraître étrange, mais à l'article 75, dans l'amendement conservateur, le fait de s'évader de prison n'appelle pas de casier judiciaire. Toutefois, si on aide quelqu'un à s'évader, on peut en avoir un. C'est un peu ambigu, à mon avis. Il n'est pas logique que la personne qui s'évade n'ait pas de casier judiciaire.
Une libération non autorisée ou une aide à l'évasion comprennent aussi des gestes involontaires. Si une personne très fatiguée verrouille mal un cadenas, elle ne l'a pas fait volontairement. Elle n'a jamais voulu que le prisonnier s'évade, mais elle a commis une erreur. Il est normal qu'elle soit punie pour son erreur, mais est-il normal qu'elle ait un casier judiciaire? Vingt ans plus tard, quand elle ira faire des entrevues pour obtenir un emploi, un employeur potentiel verra qu'elle a un casier judiciaire. Il lui demandera pourquoi. Ou peut-être pas. Voilà le problème. Au moins, s'il lui demande pourquoi elle a un casier judiciaire, elle pourra lui expliquer ce qui est arrivé et la façon dont fonctionne le système de justice militaire. Cela ne le dérangera peut-être pas, mais le potentiel employeur ne lui demandera pas nécessairement d'expliquer pourquoi elle a un casier judiciaire dans son dossier. Les détails de l'histoire ne sont pas inscrits au dossier. Voilà pourquoi je trouvais important d'apporter ces sous-amendements.
Je tiens à répéter qu'il y a eu une amélioration. On couvre 95 % des cas. C'est une question très complexe. Il est très difficile d'arriver à une solution parfaite. Il faut se concentrer sur le fait qu'il y a eu une amélioration et qu'on a considérablement élargi les dispositions, ce qui fait que le NPD appuiera ce projet de loi.
Bien sûr, il restera du travail à faire par la suite pour continuellement essayer d'améliorer le système de justice militaire. Tous les parlementaires veulent le faire, du moins je l'espère. Améliorer le système de justice militaire est primordial pour nos hommes et nos femmes en uniforme, et j'ai bon espoir que nous continuerons à essayer de l'améliorer, de trouver les failles et de faire des projets de loi concrets qui pourront les corriger. Il s'agit d'une question complexe et il est important de le faire pour nos militaires.
J'ai pris beaucoup de temps pour parler des casiers judiciaires. Je voudrais maintenant revenir brièvement sur l'ingérence potentielle du vice-chef d'état-major dans les enquêtes militaires.
Je veux juste préciser qu'il y a des définitions pour l'ingérence. Il est important de comprendre qu'il y a une nuance à apporter. Par exemple, quelqu'un du commandement pourrait dire à des enquêteurs que, pour des raisons opérationnelles, ce n'est pas le bon moment d'enquêter. Dans ce cas, on ne s'ingère pas dans l'enquête. On dit simplement que ce n'est pas safe d'enquêter à ce moment-là et que l'enquête pourrait être faite à un autre moment. C'est différent que de vraiment s'ingérer dans un dossier. C'est une nuance importante à apporter parce qu'il y a eu beaucoup de ouï-dire et d'incompréhension à ce sujet. C'est important de préciser cela.
Comme j'ai vraiment beaucoup travaillé sur ce projet de loi en comité, j'accueillerai avec grand intérêt les questions et les commentaires de mes collègues. Cela me fera plaisir d'y répondre.