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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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41e LÉGISLATURE, 1re SESSION

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 031

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 18 octobre 2011




Emblème de la Chambre des communes

Débats de la Chambre des communes

VOLUME 146
NUMÉRO 031
1re SESSION
41e LÉGISLATURE

COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)

Le mardi 18 octobre 2011

Présidence de l'honorable Andrew Scheer


    La séance est ouverte à 10 heures.

Prière



AFFAIRES COURANTES

[Affaires courantes]

(1005)

[Traduction]

Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité

    — Monsieur le Président, de nos jours, au Canada, lorsqu'une société fait faillite et que le régime de pension des employés est liquidé, en vertu de nos dispositions législatives désuètes relatives à la faillite, les retraités passent après toutes les institutions financières et toutes les sociétés possibles et imaginables avant de pouvoir être indemnisés à partir des actifs restants de la compagnie. Cette situation est attribuable au fait qu'en vertu de la loi canadienne, les pensions sont considérées comme des créances non garanties. Par conséquent, les pensions sont versées au même moment que toutes les autres créances non garanties. En fait, les retraités se retrouvent à la toute fin de la liste.
    Dans les faits, cette situation signifie que les pensions sont trop souvent considérées comme un autre bassin d'actifs dans lequel on puise trop souvent pour rembourser d'autres créanciers. Les Canadiens sont d'avis qu'il est inacceptable d'agir ainsi. Ils disent que tout retraité qui a travaillé pendant des générations pour une société devrait avoir accès plus facilement à ses actifs que les capitalistes et les courtiers en obligations voraces.
    Les néo-démocrates estiment qu'il est temps de corriger la situation. Soyons clairs. Les pensions ne sont pas que de simples avantages sociaux. Les prestations des régimes de retraite mis en place par l'employeur sont en fait un salaire différé. C'est pourquoi je présente ce projet de loi sur la protection des pensions aujourd'hui.
    Une fois qu'il aura été adopté, le projet de loi fera en sorte que les pensions gagneront des rangs dans la liste des créanciers qu'il faut rembourser dans le cadre des procédures de faillite. La modification des dispositions législatives canadiennes relatives à la faillite dans le but d'offrir une meilleure protection aux retraités est un enjeu de taille pour le NPD.
    Lors des dernières élections, cette promesse figurait en première page de notre plateforme. Pour les néo-démocrates, cette question est très simple. Combien d'autres retraités seront victimes de nos dispositions législatives désuètes en matière de faillite avant que nous corrigions la situation? Nous savons tous ce qui s'est passé chez Nortel, Papiers Fraser et AbitibiBowater et dans les dizaines d'usines qui ont fermé leurs portes au Québec et en Colombie-Britannique.
    Ce qui est indéniable, c'est que le gouvernement actuel n'est pas prêt à agir et à prolonger les régimes de retraite, ce qui serait la protection logique que les Canadiens méritent. Les néo-démocrates sont prêts à passer à l'action, et c'est pourquoi ils présentent ce projet de loi aujourd'hui.

    (Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

(1010)
    Monsieur le Président, il y a eu consultations, et vous constaterez, je crois, qu'il y a consentement en ce qui concerne la motion suivante: « Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, au moment où la Chambre abordera ses travaux conformément à l'article 53.1 du Règlement aujourd'hui, la présidence ne reçoive ni demande de quorum, ni demande de consentement unanime, ni motion dilatoire et que tout député qui se lève pour prendre la parole durant le débat puisse indiquer au Président qu'il partagera son temps de parole avec un autre député. »
    Le whip en chef du gouvernement a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour présenter cette motion?
    Des voix: D'accord.
    Des voix: Non.
    Monsieur le Président, le peuple syrien est descendu dans les rues pour réclamer la démocratie et mettre fin au règne du président Bashar al-Assad. Trois mille personnes ont été tuées durant la manifestation. Selon le haut commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, le président Bashar al-Assad a ordonné à l'armée d'attaquer les manifestants. L'armée a entre autres tiré sur des manifestants non armés, fouillé des maisons à la recherche de manifestants présumés et incarcéré des centaines de personnes parce qu'elles avaient réclamé le respect de la démocratie et de la justice fondamentale.
    Les Canadiens d'origine syrienne s'attendent à ce que leur gouvernement condamne les attaques brutales survenues en Syrie...
    À l'ordre. Le député a-t-il une motion à présenter ou est-il en train de lire un discours?
    Je lis une motion.
    Je le prie donc de passer à la motion.
    Monsieur le Président, je demande le consentement unanime à l'égard de la motion suivante, qui est appuyée par la députée de York-Ouest: « Que la Chambre condamne les attaques brutales menées par le régime de Bashar al-Assad contre les membres du mouvement syrien pour le changement démocratique et le gouvernement responsable; exhorte le régime de Bashar al-Assad à respecter l'ultimatum de 15 jours donné par la Ligue arabe pour imposer un cessez-le-feu et lancer un dialogue entre les représentants du gouvernement et les représentants de l'opposition; accepte la décision du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies d'établir une commission d'enquête sur la violence en Syrie afin de déterminer ce qui s'est réellement passé et de mettre fin aux pertes civiles; et veille à ce que les auteurs de ces attaques soient poursuivis en justice et soumis à toute la rigueur de la loi. »
    Le député de Scarborough—Agincourt a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer sa motion?
    Des voix: Non.

[Français]

    Monsieur le Président, je n'ai pas pu donner mon consentement à la motion du député et je veux lui expliquer pourquoi. Ce n'est pas que sa motion ne tient pas la route, mais plutôt qu'il prend la mauvaise habitude de ne pas consulter les autres partis — en tout cas, le nôtre — lorsqu'il présente ce genre de motion. On est donc dans l'obligation de refuser le consentement unanime.

[Traduction]

Questions au Feuilleton

    Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.
    D'accord?
    Des voix: D'accord.

Demande de débat d'urgence

La Syrie

[Article 52 du Règlement ]

    Le député de Scarborough—Agincourt a avisé la présidence de son intention de présenter une demande de débat d'urgence.
    Monsieur le Président, je demande la tenue d'un débat d'urgence. Les Syriens et les Canadiens d'origine syrienne demandent à la Chambre de se pencher sur ce qui se passe en Syrie et de prendre les mesures nécessaires pour que les auteurs des gestes commis soient traduits en justice, que le régime actuel soit renversé et qu'un régime démocratique soient instauré. Plus de 4 000 personnes ont été tuées en Syrie au cours des derniers mois.
    Au nom des Syriens et des Canadiens d'origine syrienne, je vous demande, monsieur le Président, d'accepter que la Chambre tienne un débat d'urgence sur cette question très importante pour que nous puissions en discuter.
    Je remercie le député de sa demande. La question est certes importante pour bon nombre de gens, mais, selon moi, elle ne répond pas pour le moment aux conditions nécessaires à la tenue d'un débat d'urgence.
    Le député de Malpeque veut soulever une question de privilège.
(1015)

Privilège

Loi réorganisant la Commission canadienne du blé

[Privilège]

    Monsieur le Président, je soulève la question de privilège.
    Le gouvernement a déposé aujourd'hui le projet de loi C-18 que j'ai entre les mains. Ce projet de loi vise à mettre fin au système de guichet unique que représente la Commission canadienne du blé, autrement dit ce serait la fin de la Commission canadienne du blé.
    Des voix: Bravo!
    L'hon. Wayne Easter: Monsieur le Président, je ne comprends pas pourquoi les députés ministériels applaudissent, car ma question de privilège porte sur le fait que le gouvernement conservateur viole les lois de notre pays en déposant ce projet de loi C-18 tel qu'il est rédigé aujourd'hui.
    Le gouvernement a essayé d'enrober la pilule dans le texte, mais en gros il s'agirait de modifier la structure de gestion de la Commission canadienne du blé. Les conservateurs prétendent que la Commission canadienne du blé est maintenue dans la nouvelle loi et que celle-ci modifie simplement la commercialisation des céréales en établissant la mise en commun volontaire. La partie III prévoit le maintien éventuel de la commission en vertu d'autres lois fédérales. La partie IV prévoit sa liquidation si ce n'est pas le cas.
    Il est parfaitement clair que c'est ce que le Parti conservateur et le gouvernement souhaitent depuis longtemps, et qu'ils ont déjà essayé auparavant de se débarrasser de la Commission canadienne du blé. Certaines de leurs tentatives ont été déclarées illégales, mais ils ont quand même essayé, bien que cela ait été déclaré illégal. Ce que je dis, c'est que ce que fait le gouvernement aujourd'hui est aussi illégal.
    L'intention du gouvernement avec ce projet de loi est parfaitement claire, et le premier ministre et divers députés l'ont exprimée à maintes reprises. J'irais même jusqu'à dire que le ministre et son secrétaire parlementaire ont violé leur serment d'office en s'attaquant à la Commission canadienne du blé depuis des années et avec ce projet de loi aujourd'hui. Ces derniers jours, le ministre de l'Agriculture a été carrément brutal. En gros, il a dit que la Commission canadienne du blé serait liquidée d'ici Noël.
    À mon avis, les agriculteurs de l'Ouest sont en droit de s'interroger sur l'intégrité du gouvernement représenté par le ministre de l'Agriculture dans cette affaire.
    Le 28 mars 2011, le ministre, qui participait à une tribune agricole à Minnedosa, au Manitoba, a déclaré ceci quand on lui a demandé s'il respecterait le vote des agriculteurs et si l'on n'essaierait pas de déboulonner la commission tant qu'il n'y aurait pas eu de vote:
    Tant que les agriculteurs ne se prononceront pas en faveur de ce changement, je ne suis pas prêt à travailler de façon arbitraire [...] Ils ont entièrement raison de croire à la démocratie. J'y crois moi aussi.
    Le projet de loi contredit cette déclaration du ministre. Il n'y a pas eu de vote comme l'exige l'article 47.1 de la loi, et pourtant voilà où nous en sommes. Bravo pour le ministre et son soi-disant engagement à respecter la démocratie auprès des agriculteurs de l'Ouest canadien.
    Ce projet de loi, qui vise à remplacer la Commission canadienne du blé par une Commission canadienne du blé « volontaire » dans le cadre d'une commercialisation privée, va à l'encontre des souhaits du conseil d'administration de la commission elle-même.
    J'estime que le gouvernement outrepasse ses pouvoirs avec ce projet de loi puisqu'il n'a pas respecté une obligation fixée par la loi. Voici ce que dit l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé:
     Il ne peut être déposé au Parlement, à l’initiative du ministre, aucun projet de loi ayant pour effet, soit de soustraire quelque type, catégorie ou grade de blé ou d’orge, ou le blé ou l’orge produit dans telle région du Canada, à l’application de la partie IV, que ce soit totalement ou partiellement, de façon générale ou pour une période déterminée, soit d’étendre l’application des parties III et IV, ou de l’une d’elles, à un autre grain, à moins que les conditions suivantes soient réunies:
a) il a consulté le conseil au sujet de la mesure;
b) les producteurs de ce grain ont voté — suivant les modalités fixées par le ministre — en faveur de la mesure.
(1020)
    L'esprit de l'article 47.1, tel qu'il est défini dans la mesure législative présentée par le gouvernement libéral, a été exposé clairement à la Chambre le 7 octobre 1997 par le ministre de l'Agriculture de l'époque.
    On peut lire ceci à la page 571 des Débats:
    Depuis toujours, la Commission canadienne du blé était gouvernée par un petit groupe de commissaires, dont le nombre pouvait aller jusqu'à cinq, et qui étaient tous nommés par le gouvernement du Canada sans qu'il ait à consulter qui que ce soit et qui n'étaient légalement responsables que devant le gouvernement du Canada. Mais aujourd'hui [en 1997], dans le contexte économique dynamique et en constante évolution qui est le leur, les producteurs veulent que la Commission canadienne du blé leur rende des comptes directement. Ils veulent davantage de contrôle [...] [Cette mesure vise] à conférer des pouvoirs aux producteurs, à instaurer enfin à la commission une instance démocratique, à permettre à cet organisme de répondre mieux aux besoins, de rendre davantage de comptes et d'être plus souple, et à adapter la commission selon les désirs des agriculteurs.
    La mesure législative de 1997 visait à donner aux agriculteurs le droit de prendre leur destin en main et d'exercer un contrôle sur leur propre institution, en l'occurrence la Commission canadienne du blé. Conformément à l'article 47.1, le Parlement leur a bel et bien donné le pouvoir de s'exprimer en leur permettant de voter avant que le gouvernement n'apporte un changement à la loi, quel qu'il soit.
    Ce projet de loi fait en sorte que le gouvernement prive les agriculteurs d'un droit reconnu par la loi, qui est prévu dans la loi en vigueur. Tous les Canadiens devraient s'inquiéter de cet affront à la démocratie. Les agriculteurs bénéficient d'une protection qui leur a été accordée dans le cadre d'une loi adoptée par le Parlement, et le ministre enfreint cette loi. Si le gouvernement peut transgresser cette loi, il peut également transgresser les lois qui protègent d'autres gens.
    À l'ordre. Jusqu'ici, je n'ai entendu aucun argument indiquant à la Présidence qu'il y aurait eu atteinte aux privilèges de la Chambre. Le Président n'a pas l'habitude de se prononcer sur la légalité des mesures législatives. Ce sont normalement les tribunaux qui le font.
    Si le whip en chef du gouvernement souhaite intervenir sur le même sujet, je lui donne brièvement la parole.
    Je reviendrai ensuite au député de Malpeque. Je demanderais au député d'informer la Présidence s'il a quelque chose d'important à ajouter pour expliquer en quoi il y a atteinte aux privilèges de la Chambre et, si oui, je lui serais reconnaissant d'en venir rapidement au fait.
    Monsieur le Président, si le débat sur la question de privilège se poursuit, j'aimerais me réserver le droit d'intervenir plus longuement.
    Mon principal argument, c'est que la Chambre des communes adopte des lois et la Cour suprême juge de leur légalité. Nous pouvons adopter des lois sous réserve qu'elles n'aient pas d'incidence sur la Constitution ou qu'elles ne concernent pas les autres assemblées législatives. Nous pouvons présenter des lois qui en modifient d'autres pouvant remonter à 1867. Nous en avons le droit. La population nous a élus.
    Je rappelle aux députés que lorsque la Chambre étudiera le projet de loi, ils auront amplement le temps de présenter leurs arguments et leurs opinions à l'égard de celui-ci. Toutefois, pour l'heure, la Présidence doit savoir en quoi il y a atteinte aux privilèges ou au Règlement de la Chambre. Par conséquent, je vais permettre au député de Malpeque de l'expliquer avant que nous revenions à l'ordre du jour.
    Le député de Malpeque a la parole.
    Monsieur le Président, les privilèges de la Chambre sont violés. Nous avons été élus pour représenter les Canadiens au sein de notre système démocratique et pour veiller au respect des lois.
    Le leader du gouvernement à la Chambre a raison: les lois peuvent être modifiées. Cependant, dans le cas à l'étude, il s'agit d'une loi du pays que nous sommes tenus de respecter, ce que le ministre s'est engagé à faire lorsqu'il a prêté serment professionnel. En vertu de l'article 47.1 de cette loi, les agriculteurs ont le droit de se prononcer avant que nous prenions pareille mesure. Voilà qui porte atteinte à mes privilèges et aux vôtres, monsieur le Président, et qui porte certainement atteinte aux privilèges de nos électeurs. 
    J'estime qu'il y a eu violation des privilèges de tout le monde; les miens, ceux de mes collègues et ceux des députés d'en face, parce que nous avons, parmi nous, entre ces murs qui sont pourtant censés représenter l'essence même de la démocratie, un ministre qui ne respecte pas son serment professionnel et un gouvernement qui veut faire adopter des mesures législatives qui nous empêchent de faire respecter une loi adoptée ici-même. Voilà comment mes privilèges de député sont enfreints.
    On peut maintenant s'imaginer comment les privilèges des agriculteurs ont été enfreints, car avant que le gouvernement ne propose ces mesures législatives, les agriculteurs croyaient que l'article 47.1 de la loi leur garantissait un droit de regard sur tout ce qui pourrait affecter leur destin. Maintenant, ce n'est plus le cas avec la nouvelle loi.
    J'estime que mes privilèges, ainsi que ceux de tous les députés de la Chambre et, par extension, ceux de tous les Canadiens sont violés, et que ça constitue un affront à la démocratie.
(1025)
    Monsieur le Président, j'interviens moi aussi au sujet de la question de privilège soulevée par le député de Malpeque, que j'appuie dans sa démarche.
    J'ai pris la parole hier à la Chambre pour défendre les droits des producteurs céréaliers de l'Ouest canadien et de tous les Canadiens et pour demander que le ministre responsable de la Commission canadienne du blé et la Chambre accordent d'urgence leur attention à l'insistance du gouvernement conservateur pour aller de l'avant avec ce projet de loi et à son refus de respecter l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé, faisant ainsi fi des droits des agriculteurs.
    L'article 47.1 de la loi est clair. Je ne le relirai pas puisque le député de Malpeque l'a déjà fait.
    Nous savons que le ministre doit respecter la loi. Dans sa quête idéologique en vue d'abolir le système de commercialisation et de vente à guichet unique le gouvernement fait abstraction d'un élément important: la volonté des producteurs céréaliers de l'Ouest canadien. Par conséquent, la mesure législative dont nous sommes saisis outrepasse le pouvoir du gouvernement en ce sens qu'il néglige de remplir toutes ses obligations.
    L'institution qu'est la Commission canadienne du blé est considérée comme étant si sacro-sainte que la loi prévoit un mécanisme pour protéger les agriculteurs contre tout gouvernement qui éliminerait de façon arbitraire le pouvoir et l'influence d'un organisme qui commercialise et vend du blé et de l'orge au meilleur prix possible pour le compte de tous les producteurs céréaliers de l'Ouest canadien.
    L'article 47.1 a été inscrit dans la Loi sur la Commission canadienne du blé pour prévenir le genre même d'abus perpétré par le ministre et le gouvernement ce matin. Il ne nous appartient pas, ni à moi ni au ministre, de décider du sort du système de commercialisation et de vente à guichet unique. C'est aux agriculteurs d'en décider.
    Le gouvernement maintient qu'il veut leur donner le choix. Or, il impose sa volonté aux agriculteurs et ne sollicite pas leur avis. Par contre, la position de notre parti n'a pas changé depuis le début: laissons les agriculteurs décider.
    Il est question ici du droit des agriculteurs à l'autodétermination, un droit si important qu'il a été inscrit dans la loi. La seule conclusion à en tirer, c'est que non seulement le gouvernement conservateur ne tient pas compte des conséquences de ses actes, mais qu'il contrevient de façon délibérée à la loi qu'il cherche à modifier.
    Monsieur le Président, je vous demande de conclure qu'il y a, de prime abord, atteinte aux privilèges de la Chambre.
    Monsieur le Président, je crois que vous avez adéquatement traité la question dans votre première intervention. Comme vous l'avez dit — et vous aviez tout à fait raison — il n'y a pas matière à la question de privilège. Les députés d'en face soulèvent une question de droit. Or, le Président ne se prononce pas sur des questions de droit, il se prononce uniquement sur des questions de procédure.
    Monsieur le Président, dans ce cas-ci, il n'y a pas matière à la question de privilège. Je crois que vous vous apprêtiez à rendre une décision à ce sujet dans votre intervention initiale concernant la question de privilège soulevée par le député de Malpeque. Je vous demanderais d'envisager de la rendre maintenant.
    Je ne crois pas qu'une autre intervention du gouvernement soit nécessaire, car il n'y a manifestement pas eu atteinte aux privilèges parlementaires ou aux droits des députés.
    Monsieur le Président, les députés d'en face vous demandent de rendre une décision concernant une question de droit, alors que vous n'avez pas compétence en la matière. Vous le savez aussi bien que moi. D'ailleurs, tous les députés devraient le savoir.
    Monsieur le Président, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vous demanderais de rendre votre décision immédiatement.
    Monsieur le Président, j'irai droit au but. À mon avis, en présentant ce projet de loi à la Chambre et en lui demandant de l'appuyer, le gouvernement demande aux députés de donner leur aval à une mesure législative qui, en soi, enfreint une loi existante. Par conséquent, il place les députés dans une situation intenable et inacceptable. Nous ne devons pas perdre de vue l'objet de la mesure législative que le gouvernement propose et qui sera soumise au vote de la Chambre. Lorsque nous parlons des privilèges de la Chambre, nous parlons des procédures et de la tenue d'un débat équitable.
    Le projet de loi que le gouvernement nous demande de débattre enfreint une loi. Le gouvernement devrait prendre la décision qui s'impose, c'est-à-dire retirer le projet de loi et présenter une motion ou faire amende honorable en permettant aux producteurs de céréales des Prairies de tenir un plébiscite. Présenter un projet de loi ou une mesure législative qui enfreint une loi existante est inadmissible. Nous ne devrions pas accepter l'attitude du premier ministre pour qui le vote tenu par les producteurs de grains ou de blé n'est pas valide. C'était un vote légitime.
(1030)
    Pourquoi n'ai-je pas eu de bulletin de vote?
    Vous aviez la responsabilité de tenir un plébiscite avant de présenter cette mesure législative.
    Monsieur le Président, comme le gouvernement ne l'a pas fait, il a violé les privilèges de chacun des députés de la Chambre. Je soutiens qu'il s'agit bel et bien d'une question de privilège. Si le gouvernement avait la moindre parcelle d'intégrité, il agirait de façon honorable et les députés l'autoriseraient à retirer cette mesure législative.
    Je vois que le whip en chef du gouvernement demande la parole. Je le prie d'être bref, car je ne voudrais pas que cette partie de la journée soit consacrée à une série de débats et de discours sur la teneur des projets de loi. Mais je lui laisse la possibilité de répondre brièvement.
    Monsieur le Président, je serai bref.
    Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous sommes élus à la Chambre des communes pour adopter des lois. Nous avons le droit de présenter des projets de loi, d'en débattre et, si tout se passe bien, de les adopter. Nous pouvons modifier n'importe laquelle des lois qui ont été adoptées depuis 1867, si nous le désirons. Le fait de présenter ce projet de loi ne viole aucun privilège. Ce qui porterait atteinte à mes privilèges, ce serait qu'on ne puisse pas présenter ce projet de loi ou modifier les lois en vigueur.
    Je remercie les députés de leurs interventions. Je prends la question en délibéré et je communiquerai ma décision à la Chambre en temps opportun.

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Initiatives ministérielles]

[Français]

Loi sur la modernisation du droit d'auteur

     propose que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
     — Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole ce matin à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-11, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur.

[Traduction]

    Avec la permission de la Chambre, je partagerai mon temps de parole avec le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles.
    Y a-t-il consentement unanime pour que le ministre partage son temps de parole avec le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles?
    Des voix: D'accord.

[Français]

    Monsieur le Président, comme vous le savez, c'est la deuxième fois que le gouvernement dépose ce projet de loi. Au cours de la dernière session parlementaire et pendant presque un an, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, alors connue sous le nom de projet de loi C-32, a fait l'objet d'une étude approfondie et de débats entre les parties intéressées et les parlementaires.
    Nous savons le temps et les efforts que les députés, les parties intéressées et les Canadiens ont consacré à ce projet de loi. Le comité législatif formé pour étudier le projet de loi a entendu plus de 70 témoins et reçu plus de 150 mémoires. L'ensemble des parties intéressées a été consulté, et le gouvernement a reçu des lettres de partout au pays.

[Traduction]

     Lorsque le projet de loi sera renvoyé à un comité de la Chambre des communes, nous nous attendons certainement à ce que ce dernier examine attentivement les travaux déjà faits et les témoignages reçus lors de la législature précédente, et qu'il en tienne compte.
    Deux messages clairs se sont dégagés des audiences que le comité a tenues au sujet de ce projet de loi au cours de la législature précédente. Le premier message était que ce projet de loi tient compte des intérêts des différentes parties prenantes. Cette mesure, qui résulte de consultations et de discussions à grande échelle, établit une approche équilibrée pour entreprendre la réforme qui s’impose à l’ère numérique. Le gouvernement est convaincu que ce projet de loi représente un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs et les droits des créateurs, mais nous sommes prêts à apporter des amendements de forme susceptibles d’améliorer la clarté et l’intention de certaines dispositions.
     Deuxièmement, nous entendons dire que le Canada doit légiférer de toute urgence pour mettre à jour la Loi sur le droit d’auteur. En présentant de nouveau ce même projet de loi, nous allons permettre aux parlementaires de donner suite au travail déjà accompli pour que ces importantes mises à jour législatives puissent être adoptées rapidement. Chaque année qui passe sans une modernisation de nos lois sur le droit d’auteur rend la nécessité de cette modernisation encore plus évidente au fur et à mesure que la technologie évolue et que de nouveaux problèmes surgissent.
     La dernière fois que la loi a été modifiée, il n’y avait pas de lecteurs MP3, et les clubs vidéos n'offraient que des cassettes VHS. Personne ne pouvait imaginer que nous pourrions prendre des photos avec un téléphone cellulaire et les télécharger sur les écrans d’ordinateur du monde entier, ou nous servir d’un téléphone cellulaire pour télécharger des chansons et des films.
     Le monde a tellement changé entre-temps que la Loi sur le droit d’auteur semble s'appliquer à une époque révolue. Le temps est venu de moderniser les lois sur le droit d’auteur du Canada et de les faire correspondre aux demandes et aux technologies de l’ère numérique.
(1035)

[Français]

    Il est crucial d'adopter ce projet de loi afin de moderniser le régime de droits d'auteur du Canada, conformément à la stratégie du gouvernement sur l'économie numérique.
    La technologie numérique ouvre de nouveaux marchés et étend la portée des entreprises. Elle relie les gens et les idées d'une manière qui était encore impensable voilà quelques années. Lorsque les gens, les entreprises et les économies nationales créent et adoptent ces nouvelles technologies, plusieurs choses importantes se concrétisent. La productivité augmente, les innovations se multiplient et de nouveaux produits, processus et modèles d'affaires voient le jour.
    La croissance de l'économie numérique au Canada dépend d'un régime de droits d'auteur clair, prévisible et juste qui appuie la créativité et l'innovation, tout en protégeant les titulaires de droits d'auteur.
    L'économie mondiale demeure fragile. Ce projet de loi aidera à protéger les emplois et à en créer de nouveaux. Il suscitera l'innovation et attirera de nouveaux investissements au Canada. Il donnera aux créateurs et aux titulaires de droits les outils dont ils ont besoin pour protéger leurs oeuvres et multiplier leurs activités commerciales. Le projet de loi établit des règles plus claires qui permettront à tous les Canadiens de participer pleinement à l'économie numérique, tant aujourd'hui que demain.
    Un des principaux objectifs du projet de loi est d'établir un équilibre entre les intérêts de toutes les parties intéressées par le régime de droits d'auteur. Atteindre cet équilibre est devenu de plus en plus complexe à la lumière de la croissance exponentielle d'Internet. Les Canadiens peuvent obtenir en ligne des oeuvres protégées, parfois par l'entremise de plates-formes ou de services lucratifs, mais aussi par l'entremise de services gratuits, tant légitimes qu'illégitimes. Notre capacité à utiliser des services Web de grande qualité pour obtenir, protéger et créer des oeuvres visées par le droit d'auteur sera essentielle à notre succès économique et à notre présence culturelle dans le monde.
    C'est pourquoi, en 2009, notre gouvernement s'est tourné vers les Canadiens pour obtenir leurs idées et leurs conseils sur la réforme du droit d'auteur à l'ère numérique. Des milliers de Canadiens, d'entreprises et d'organismes de parties intéressées ont fait connaître leurs points de vue sur la meilleure façon d'adapter le régime de droits d'auteur du Canada à cette ère nouvelle. Ces consultations ont révélé que les Canadiens prenaient de plus en plus conscience de l'importance des droits d'auteur dans leur vie quotidienne et dans notre économie numérique.
    Ce projet de loi vise, d'une part, à tenir compte de la réalité d'aujourd'hui alors que les diverses utilisations privées et non commerciales des oeuvres protégées sont devenues monnaie courante. Le projet de loi vient autoriser bon nombre de ces utilisations et établir des certitudes dans des cas qui, jusqu'à maintenant, demeuraient pour le moins flous.
    Par exemple, les Canadiens pourront copier des oeuvres obtenues légalement sur leurs ordinateurs et leurs appareils mobiles pour en profiter, et ce, où qu'ils soient. Ils pourront entreposer et extraire du contenu dans le « nuage informatique » ou utiliser un service d'enregistrement vidéo personnel sur réseau.
    Il sera aussi légal d'intégrer des oeuvres protégées à une oeuvre générée par un utilisateur à des fins non commerciales. Cela comprendrait, notamment, l'enregistrement sur une vidéo à domicile d'un enfant dansant sur une chanson ou la création de mixages originaux de chansons et de vidéos. Cette exception exige que les droits et intérêts des titulaires de droits d'auteur soient respectés. Il y a de nombreux exemples où les détenteurs de droits d'auteur ont tiré parti de l'exposition dont ils ont fait l'objet sur Internet grâce à des travaux effectués par des utilisateurs.
    Enfin, le projet de loi met à jour la Loi sur le droit d'auteur afin de refléter les nouvelles technologies et utilisations en élargissant les exceptions et en en créant de nouvelles pour les établissements de formation et d'enseignement, les processus techniques et le développement de logiciels, les radiodiffuseurs et les personnes handicapées.
    Je tiens à souligner que ces dispositions ont été rédigées avec beaucoup de soin, en tenant compte des besoins et de l'intérêt des titulaires de droits d'auteur. Les dispositions comportent d'ailleurs des limites et des restrictions sur l'utilisation des oeuvres protégées.
    Par exemple, bon nombre de ces exceptions ne s'appliquent pas aux oeuvres protégées par une mesure technique de protection ou serrure numérique. Les titulaires de droits d'auteur nous ont indiqué que leurs modèles d'affaires numériques et en ligne dépendaient de la protection robuste que confèrent les serrures numériques. Ainsi, le projet de loi atteint un bon équilibre. Il permet aux Canadiens de faire une utilisation raisonnable du contenu, tout en accordant aux créateurs et aux entreprises, dont le travail dépend de ce contenu, les outils et les certitudes dont ils ont besoin pour lancer de nouveaux produits et services.
(1040)

[Traduction]

     Notre gouvernement n’ignore pas que la majorité des Canadiens sont des gens respectueux des lois, mais nous nous soucions du risque de lourdes sanctions auxquelles s’exposent les Canadiens qui empiètent sur le droit d’auteur à des fins non commerciales. À l’heure actuelle, ceux qui ont été reconnus coupables d’avoir violé le droit d’auteur peuvent avoir à payer des dommages-intérêts allant de 500 $ à 20 000 $ par œuvre.
     Ceux qui téléchargent illégalement cinq chansons, par exemple, pourraient, en théorie, avoir à payer 100 000 $. À notre avis, ces sanctions sont excessives. Le projet de loi propose également de réduire les sanctions pour les violations non commerciales. Selon ces dispositions, les tribunaux auraient la possibilité d’imposer au total des dommages-intérêts allant de 100 $ à 5 000 $.

[Français]

    Toutefois, bien que le projet de loi allège les sanctions en cas de violation non commerciale, il condamne toujours sévèrement ceux et celles qui tirent profit de violations. Les dédommagements de 500 $ à 20 000 $ par infraction continueront de s'appliquer au piratage commercial. De plus, le projet de loi propose de nouveaux outils pour atteindre ceux qui procurent des moyens de violer le droit d'auteur en ligne, et prévoit des recours sévères contre ceux et celles qui s'enrichissent en créant puis en offrant des outils et des services de crochetage de serrures numériques. Il deviendra alors très difficile de tirer profit du piratage.

[Traduction]

    Madame la Présidente, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt mon collègue et je l'ai entendu répéter à maintes reprises le terme « équilibré » et pourtant, le projet de loi est très déséquilibré.
    En l'occurrence, il n'est pas question du droit d'auteur, du droit des créateurs, ni de savoir qui a accès à des copies. Le projet de loi porte sur le droit qu'a une société, une entité, de décider quels droits auront les citoyens. C'est un tour de passe-passe. Il est très important de comprendre que le projet de loi confère aux citoyens des droits qu'ils ne seront pas en mesure d'exercer si une entreprise installe un verrou numérique sur le produit.
    Si l'on considère la façon dont les pays qui ont ratifié les traités de l'OMPI ont abordé la question des verrous numériques, ainsi que les articles 10 et 11 du traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, on reconnaît le droit à des exemptions aux verrous numériques pourvu qu'on n'y porte pas atteinte pour des motifs commerciaux, mais pour accorder aux citoyens le droit d'accéder à des documents auxquels ils ont le droit d'avoir accès dans un cadre législatif. Toutefois, en vertu du projet de loi, les droits que le projet de loi confère aux citoyens leur sont arbitrairement retirés par les dispositions relatives aux verrous numériques.
    Le gouvernement va-t-il collaborer avec le Nouveau Parti démocratique pour reformuler les dispositions sur les verrous numériques afin de s'assurer qu'elles ne visent pas injustement les étudiants et les consommateurs qui, au plan légal, ont le droit d'avoir accès à des documents? Si nous reformulons les dispositions relatives aux verrous numériques afin de s'assurer que le Canada respecte le traité de l'OMPI tout en répondant aux besoins des citoyens à cet égard, les conservateurs seraient-ils disposés à collaborer avec nous?
(1045)

[Français]

    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de sa question.
     J'arrivais d'ailleurs à l'aspect de l'innovation. Tel qu'il le dit avec justesse, il faut effectivement parler ici d'équilibre car c'est ce que ce projet de loi reflète.
    Il y a beaucoup d'intérêts en jeu: ceux des consommateurs, des créateurs, des auteurs et des artistes. Bref, ce qu'il faut voir en général, c'est qu'on a tenu des milliers de consultations et qu'on présente maintenant une approche équilibrée et complexe. Il est question de serrures numériques, et c'est important pour encourager l'innovation. On ne peut pas dire « game over » à des créateurs de produits après qu'ils aient investi des millions et des millions de dollars. Cela prend une certaine mesure de protection.
    De plus, le marché fait toujours son oeuvre: les consommateurs sont toujours libres d'acheter ou non des produits avec des serrures numériques.

[Traduction]

    Madame la Présidente, le ministre s'est targué de présenter une mesure moderne sur le droit d'auteur, mais à la lumière des dispositions sur les verrous numériques, on constate que le gouvernement recule au lieu d'avancer. Il adopte une position rétrograde. Selon le ministre, il s'agit d'une approche équilibrée, mais permettre aux verrous numériques d'éclipser les intérêts et les droits des consommateurs, c'est le contraire absolu d'une approche équilibrée. Cela n'a aucun sens.
    Les conservateurs disent que les gens peuvent reformater ou copier du contenu sur leur iPod, ou quoi que ce soit d'autre, pourvu qu'il n'y ait pas de verrous numériques. Tout ce qu'une entreprise a à faire, c'est d'imposer un verrou numérique, et tant pis pour les consommateurs. Si une jeune mère veut transférer un film d'un DVD sur un iPod, elle ne peut pas le faire. Comment peut-on affirmer que c'est une approche équilibrée?

[Français]

    Madame la Présidente, avec égard, ce n'est pas approprié de positionner le problème à cet extrême du spectre, comme vient de le faire mon collègue. Il faut regarder ici l'aspect de l'innovation. On est un leader, un chef de file dans le développement de l'économie numérique, de produits numériques, de logiciels, par exemple. Or un minimum de protection doit être assuré. On ne peut pas demander à des créateurs d'investir des millions de dollars, sans aucune protection. C'est un aspect de l'équilibre qu'il faut tenir en compte. Beaucoup de produits n'ont pas de serrure digitale, que l'on pense à certains DVD notamment, et le marché fait son oeuvre à cet égard. Ce que nous avons pris en compte, c'est l'intérêt de tout un chacun.
     Oui, on entre enfin dans le XXIe siècle avec ce projet de loi sur le droit d'auteur. Dans la loi actuelle, on traite de VHS et d'autres machines du genre qui ne sont même plus sur le marché ou en cours d'utilisation par les consommateurs. On a donc pris la décision, avec leadership, de présenter un projet de loi qui est équilibré et qui tient justement en compte les intérêts de tous: des consommateurs, des créateurs, des auteurs ou des artistes.

[Traduction]

    Madame la Présidente, je suis ravi d’être ici en compagnie du ministre de l'Industrie. Je dois en outre certainement souligner la contribution du président du Conseil du Trésor à la rédaction du projet de loi C-32, la version antérieure du projet de loi C-11 dont nous discutons aujourd’hui.
    Comme l’a dit le ministre de l’Industrie, le projet de loi contient diverses dispositions que les Canadiens, j’en suis convaincu, accueilleront très favorablement. Il contient des dispositions qui permettront aux titulaires du droit d’auteur de contrôler les utilisations de leurs œuvres pour combattre le piratage informatique. Nous parlons des créateurs et des industries de la création, par exemple l’industrie des jeux vidéo, l’industrie du logiciel et l’industrie cinématographique. Nous leur donnons les outils nécessaires pour protéger leur art, leurs activités commerciales et leurs emplois.

[Français]

    Par exemple, le projet de loi comporte des dispositions qui protègent les mesures techniques de protection et autorisent les titulaires de droits d'auteur à poursuivre ceux qui facilitent la violation du droit d'auteur — par exemple, par l'entremise d'un site de partage illégal de fichiers entre utilisateurs. Notre gouvernement reconnaît que la façon la plus efficace de combattre la violation des droits d'auteur en ligne est de viser ceux qui facilitent ce crime et en profitent.
    Plus précisément, le projet de loi C-11 comporte une nouvelle définition de la responsabilité civile pour les personnes qui encouragent sciemment la violation du droit d'auteur en ligne. Le piratage en ligne prive les créateurs des revenus et décourage la création. Cette disposition lance un message clair: le Canada interdit les sites de piratage et donne aux titulaires de droits d'auteur les outils pour protéger leurs activités. D'ailleurs, le projet de loi comporte aussi de nouvelles dispositions pour freiner ceux qui élaborent et vendent des outils et des services pour contourner des mesures techniques de protection.
(1050)

[Traduction]

     Le Canada est l’un des premiers pays au monde, sinon le tout premier, à intégrer dans sa loi sur le droit d’auteur cet outil essentiel pour combattre le piratage informatique. Parallèlement, nous prenons des mesures pour que les Canadiens soient conscients qu’ils violent peut-être le droit d’auteur. Les fournisseurs d’accès Internet du Canada ont mis au point un modèle original qui leur permet d’aviser leurs abonnés qu’un titulaire de droit d’auteur leur a signalé qu’un abonné avait violé le droit d’auteur. C’est ce qu’on appelle un régime d’avis. Le projet de loi officialise cette pratique. Je voudrais seulement faire remarquer ici que c’est l’un des éléments clés que les consommateurs nous ont demandé d’inscrire dans le projet de loi.
     Nous ne retenons pas la démarche américaine en matière de droit d’auteur. Nous avons un régime d’avis consacré par la loi, et non pas un régime d’avis et de retrait comme celui que les États-Unis ont adopté, et cela, pour une très bonne raison. Ces dispositions viennent s’ajouter à un large éventail de mesures de protection juridiques qui sont déjà prévues dans la Loi sur le droit d’auteur et que les titulaires peuvent utiliser pour affirmer leurs droits.

[Français]

    Les professeurs, les étudiants, les artistes, les entreprises, les consommateurs, les familles et les titulaires de droits d'auteur, bref, tous les Canadiens utilisent la technologie d'une foule de façons, et ce projet de loi ne fait que reconnaître cette réalité. Il donne aux créateurs et aux titulaires de droits d'auteur les outils nécessaires pour protéger leurs oeuvres, leurs investissements, ainsi que pour développer leur entreprise grâce à des modèles d'affaires novateurs. Il établit des règles plus claires qui permettront aux Canadiens de participer pleinement à l'économie numérique, tant aujourd'hui qu'à l'avenir. Plus précisément, ce projet de loi donne aux créateurs et aux titulaires de droits d'auteur ces outils dont ils ont absolument besoin.

[Traduction]

     Grâce à ce projet de loi, les Canadiens pourront en outre créer de nouvelles œuvres qui intègrent des ouvrages déjà publiés ou mis à la disposition du public, à condition de le faire à des fins non commerciales, comme l’a expliqué mon collègue. Le nouveau contenu produit par l’utilisateur ne peut remplacer l’œuvre originale ni porter sensiblement atteinte à l’œuvre originale ou à la réputation d’un créateur sur les marchés.
     Les Canadiens ayant une déficience perceptuelle seront autorisés à transposer le matériel acquis en toute légalité dans un format qu’ils peuvent facilement utiliser. Par ailleurs, les photographes canadiens auront maintenant les mêmes droits d’auteur que les créateurs. À l’heure actuelle, les photographes ne sont pas considérés comme des auteurs d’œuvres exécutées sur commande. Le projet de loi modifie cette situation.
     Les consommateurs et les utilisateurs de contenu constateront également que le projet de loi reflète leurs intérêts. Les Canadiens pourront enregistrer des émissions diffusées à la télévision, à la radio et sur Internet pour les regarder ou les écouter au moment qui leur convient, sans contrainte quant au dispositif ou à la technologie utilisés.

[Français]

    Les Canadiens pourront également, à certaines conditions, copier pour leur usage personnel des oeuvres légalement acquises, que soit de la musique, un film ou une autre oeuvre, sur l'appareil ou le dispositif de leur choix. Ils pourront faire des copies de sauvegarde dans le format, sur l'appareil et le dispositif de leur choix.

[Traduction]

    J'aimerais clore mon discours en faisant bien comprendre à la Chambre que le présent projet de loi a été, et ce, depuis le début du processus que nous avons entrepris tout juste avant l'été 2009, un effort en toute bonne foi de la part du gouvernement pour élaborer efficacement une mesure législative sur le droit d'auteur.
    Le député de Timmins—Baie James avait débattu du projet de loi C-61 lorsque nous avons déposé cette mesure législative. Il s'est trouvé que ce projet de loi ne reflétait pas l'équilibre que recherchaient les Canadiens, un équilibre que la présente mesure législative permet d'atteindre, à notre avis. Nous avons déposé le projet de loi C-61, puis nous sommes partis en campagne électorale à l'automne.
    À notre retour à la Chambre, nous avons repris depuis le début le dialogue avec les Canadiens. Nous sommes repartis de zéro. Nous avons lancé des consultations sans précédent sur cette mesure législative. Nous avons parcouru le pays d'un bout à l'autre et avons écouté le point de vue de milliers de Canadiens dans des assemblées publiques. Nous avons également mené des consultations publiques en ligne. Le projet de loi C-32 est l'aboutissement de notre travail.
    Comme des milliers de Canadiens ont pris part aux consultations, nous avons cru bon de respecter le processus...
    M. Marc Garneau: Vous avez entendu 141 témoins lors de l'étude en comité et n'avez pas apporté un seul amendement.
    L'hon. James Moore: Monsieur le Président, le député là-bas, qui a gagné son siège à l'arraché et qui croit être une autorité dans tous les domaines, piaille à mon intention.
    Je disais donc que nous avons déposé le projet de loi C-32 après avoir mené des consultations sans précédent. Nous avons respecté le processus et avons déposé de nouveau notre mesure législative. Comme le député l'a mentionné, 141 témoins ont comparu devant le comité; il aurait donc été irrespectueux envers eux de ne pas permettre que le processus se poursuive. Nous avons déposé la présente mesure législative afin de poursuivre le processus que nous avons entrepris, de faire preuve de respect envers les membres du comité et de toutes les personnes qui ont participé au processus.
(1055)

[Français]

    Madame la Présidente, cela fait 15 ans que je suis à la Chambre des communes et je trouve que le ministre a insulté mon collègue. Il parle de respect. Je lui demanderais de faire preuve de respect, de s'adresser à la présidence et d'arrêter de faire des attaques personnelles. Je trouve cela inacceptable.
    Je demanderais à tous les députés de démontrer du respect et d'attendre leur tour avant de prendre la parole. Je pense que de cette façon, on pourrait éviter des échanges qui ne sont pas nécessaires.
    Sur un autre recours au Règlement, l'honorable député de Westmount—Ville-Marie.
    Madame la Présidente, j'aimerais que le ministre s'excuse d'avoir inclus dans ses commentaires le fait que j'ai presque perdu ma circonscription aux dernières élections. Cela n'a rien à voir avec le débat qu'il présente aujourd'hui, et je crois que c'est faire preuve de mauvaises manières.
    Je remercie les députés de leurs commentaires. Ce n'est effectivement pas très gentil. Je ne crois pas qu'on puisse considérer cela comme non parlementaire, mais je demanderais à l'honorable ministre de conclure ses commentaires et de les faire porter sur le projet de loi. Il lui reste deux minutes.
    Je demande également à tous les députés d'attendre leur tour et que je leur donne la parole avant de s'exprimer.

[Traduction]

    Madame la Présidente, j'ai mentionné cela uniquement pour donner la réplique aux députés libéraux qui chahutaient pendant mon discours, et ils disent maintenant qu'il était irrespectueux de ma part de réagir à leur chahut.
    J'aimerais souligner aux téléspectateurs qui nous regardent en ce moment que 103 néo-démocrates participent à ce débat. Le député de Timmins—James Bay n'a pas chahuté. Il n'y a qu'une poignée de libéraux de l'autre côté qui chahutent à chaque procédure de la Chambre et qui se lèvent pour harceler ceux qui ne font pas comme eux. C'est une tactique très intéressante de la part des libéraux, et c'est ce qui explique leur situation actuelle.
     Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Le ministre dénonce ceux qui font du chahut, alors qu'il en faisait lui-même ce matin. Il est malvenu pour lui d'en parler. Il n'est pas dans une position pour dénigrer les autres de cette manière.
    À l'ordre, s'il vous plaît. Je conviens qu'il y a eu du chahut de part et d'autre de la Chambre, et je demande à tous les députés de maintenir le décorum, afin que nous puissions poursuivre ce débat en respectant les attentes des Canadiens à cet égard.
    Le temps du ministre est presque écoulé. Il lui reste 30 secondes pour conclure.
    Madame la Présidente, revenons à des dirigeants sérieux que le Parti libéral a eus par le passé. John Manley a un jour déclaré: « La nouvelle loi sur le droit d'auteur proposée par le gouvernement fédéral aménage un juste équilibre entre les droits des créateurs canadiens et les besoins des consommateurs. [Le gouvernement] offre une protection plus que nécessaire aux Canadiens qui créent de la musique, des films, des jeux et d'autres oeuvres numériques. Du même souffle, la législation proposée reconnaît les droits légitimes des familles, des écoles et des bibliothèques du Canada de faire usage des documents protégés. [Ce projet de loi est un pas dans la bonne direction] pour protéger les emplois et rehausser la capacité du Canada de concurrencer [...] » Voilà ce qu'un libéral sérieux pense de ce projet de loi et nous sommes heureux d'avoir...
     Questions et observations. Le député de Timmins—Baie James a la parole.
    Madame la Présidente, au fil des années, mon collègue et moi avons souvent été en désaccord, et nous avons eu de nombreuses discussions.
    J'aimerais au moins le remercier d'avoir fait comprendre aux gens qui regardent ce débat sur le droit d'auteur que les députés néo-démocrates ne se livrent pas aux mêmes enfantillages que les députés libéraux.
    C'est une question sérieuse. En effet, la mise à jour de notre régime de droit d'auteur n'est pas une mince affaire. Nous devons accorder à cette question l'importance qu'elle mérite.
    J'ai participé à toutes les audiences sur le projet de loi C-32, et nous avons entendu des centaines de témoins. Il y avait une vaste gamme d'opinions divergentes à cet égard. Nous n'arrêtions pas de nous heurter à des problèmes techniques dans le projet de loi qui devaient être corrigés.
    L'éducation à distance est l'une des questions les plus problématiques parce qu'un monde numérique offre des possibilités d'éducation incroyables et permet de procéder à des échanges culturels dans l'ensemble de notre vaste pays. Un des problèmes techniques du projet de loi C-32 est qu'il oblige les étudiants à détruire leurs notes de cours après 30 jours parce qu'elles sont transmises sous forme numérique.
    Nous pensons que cela créera un ensemble de droits à deux vitesses, c'est-à-dire que les étudiants dans une école normale auraient plus de droits que les étudiants faisant des études à distance.
    Le gouvernement serait-il prêt à travailler avec le Nouveau Parti démocratique pour corriger cet aspect problématique du projet de loi afin que nous puissions nous assurer de tirer pleinement avantage de l'éducation numérique pour les vastes régions du Canada?
(1100)
    Madame la Présidente, j’ai obtenu mon diplôme universitaire en 1999. L’Université du Nord de la Colombie-Britannique, qui a en passant des campus satellites dans des réserves autochtones, a été l’une des premières universités à s’engager dans ce type d’enseignement propre à l’ère du numérique dont parle mon collègue. Nous avons assurément intérêt à préserver ce type d’enseignement.
    La disposition de cette mesure législative à laquelle le député fait allusion ne découle pas uniquement d’une décision du gouvernement. Elle découle d’une décision prise après consultation d’éducateurs et du Conseil des ministres de l’Éducation, qui regroupe tous les ministres de l’Éducation du pays, sauf celui du Québec, et qui a proposé cette disposition qui constitue, à notre avis, un juste équilibre.
    La limite de 30 jours vise, bien sûr, à protéger les gens, les professeurs et les éducateurs qui publient des manuels scolaires. Nous voulons leur donner un modèle commercial et protéger leurs intérêts commerciaux.
    C’est le compromis que nous avons trouvé. Nous croyons que c’est la solution. C’est en raison de cette disposition et des autres sur l’utilisation équitable à des fins d’éducation que le Conseil des ministres de l’Éducation du pays, qui regroupe des néo-démocrates, des libéraux et des conservateurs, a conclu que cette mesure législative offrait la meilleure solution pour l’éducation.
     Le député a demandé si nous étions prêts à travailler ensemble. Certainement. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté cette mesure législative, identique au projet de loi C-32. Nous voulons poursuivre l’étude de cette question.
     Si mon collègue souhaite rédiger un amendement et le présenter, nous l’examinerons. Nous n’abordons pas cette mesure législative l’esprit fermé. Nous nous sommes montrés ouverts et transparents tout au long du processus. Nous avons recueilli de l’information et des commentaires des Canadiens dès le début, par l’intermédiaire du comité législatif, et maintenant nous présentons le projet de loi C-11.
     Si mon collègue a un amendement à proposer et qu’il veut en discuter, notre porte est ouverte.
    Madame la Présidente, je soulèverai donc à nouveau la question pour illustrer mon propos.
    Le problème avec le projet de loi, c'est que l'équilibre que le gouvernement tente d'instaurer n'est pas au rendez-vous. Prenons comme exemple le téléchargement d'un livre en format numérique sur mon Kindle. Si je décide tout à coup d'acheter la nouvelle version du iPad, je dois transférer le livre sur ce nouvel appareil.
    Le projet de loi contient une disposition qui me permet de faire le transfert parce que la propriété du livre est reconnue. Cependant, en raison du verrou numérique, ce transfert n'est plus possible.
    Le verrou l'emporte sur la propriété, ce qui fait qu'il n'y a plus d'équilibre, car le consommateur est forcé de faire des concessions.
    J'aimerais aussi savoir si le gouvernement est prêt à écouter les témoins qui ont déjà comparu devant le comité spécial qui a étudié le projet de loi C-32...
    À l'ordre, s'il vous plaît. Je veux donner au ministre le temps de répondre.
    Madame la Présidente, c'est parce que nous voulons préserver l'intégrité du processus à partir des premières consultations jusqu'au dépôt du projet de loi C-32, puis au dépôt du projet de loi C-11, que nous n'avons rien changé au texte.
    Nous avons fait cela délibérément pour protéger l'intégrité du processus et pouvoir continuer d'entendre des témoins. Si des témoins veulent se présenter devant le comité et proposer des idées, nous sommes tout à fait ouverts. C'est pourquoi nous avons formé un comité législatif.
    Je suis heureux que le député tienne à aborder sérieusement le projet de loi. J'espère fortement que cette attitude durera jusqu'à l'étude en comité. Nous voulons bien faire les choses. Nous voulons les faire efficacement. Je remercie les députés de Timmins—Baie James et de Bonavista—Gander—Grand Falls—Windsor de s'arrêter au fond du projet de loi pour que nous ayons un débat responsable et évitions les affirmations comme celles que nous avons parfois entendues jusqu'ici.
    Madame la Présidente, je suis vraiment honoré d'intervenir aujourd'hui au nom du Nouveau Parti démocratique et à titre de représentant des gens de la magnifique région de Timmins—Baie James. C'est un honneur pour moi de servir les gens de ma circonscription, d'être à l'écoute des questions qu'ils me soumettent et de faire état de leurs préoccupations dans cette vénérable institution où nous débattons et légiférons.
    Le droit d'auteur constitue une question cruciale pour les Canadiens. Nous devons aller de l'avant et instaurer une réforme du régime du droit d'auteur qui amènera le Canada au XXIe siècle.
    En anglais, le mot « copyright », soit le droit de faire des copies, tire son origine de la common law britannique. J'aime la perspective différente adoptée dans la loi française où il est question du « droit d'auteur ». Ces deux perspectives sont très similaires, mais elles présentent un équilibre différent. Il faut trouver un équilibre approprié dans la façon de propager la culture au Canada, notamment en ce qui concerne le droit de faire des copies. Qui a le droit de faire des copies et d'en tirer profit? Cette guerre du « droit de copie » remonte à la guerre des livres des XVIIIe et XIXe siècles en Angleterre. On se demandait alors qui devait avoir autorité sur une oeuvre et on s'interrogeait sur le droit des auteurs d'être rémunérés pour leur travail et d'avoir leur mot à dire quant à l'exploitation de leur travail.
    Le débat sur cette question a débuté bien longtemps avant l'ère numérique et l'avènement d'Internet. Le droit de faire des copies n'est pas un droit de propriété. On invoque ce droit depuis des années et les lobbyistes dans le domaine du droit d'auteur parlent aujourd'hui de leur propriété et de leur droit de la protéger. Ils soutiennent que leur travail leur appartient et, partant, ils affirment leur intention d'empêcher les gens d'y accéder ou de faire payer les gens désireux d'y accéder.
    Cependant, il ne s'agit pas d'un bien. La créativité n'est pas un bien personnel. Le Parlement et les tribunaux en ont donné une définition.
    Je renvoie aux débats de 1841 pendant lesquels lord Macaulay, lui-même un écrivain trompé et plagié à maintes reprises au fil des ans, s'est battu devant le Parlement anglais pour faire reconnaître qu'une oeuvre est un bien personnel et que le droit d'auteur a été créé pour la protéger. La position de lord Macaulay à l'époque s'apparentait énormément à celle qui se dégage du débat actuel. Il a même parlé des pirates de sa génération, les qualifiant de « fripons qui enlèvent le pain de la bouche des gens qui le méritent ». Il parlait des gens qui enfreignent le droit d'auteur et qui ne paient pas comme ils le devraient pour faire des copies.
     En même temps, il disait que le droit d’auteur était mauvais. Il est intéressant qu’il ait tenu ces propos. Il a qualifié le droit d’auteur de mal nécessaire, qui ne devrait exister que pour un temps afin que l’auteur soit payé, mais qu’on ne devrait pas le laisser influencer le développement de la société. Il a ajouté que la création d’idées n’était pas une chose qui pouvait être compartimentée. Une fois une œuvre créée, elle doit s’insérer dans un cadre plus vaste. Partout dans le monde, les parlementaires cherchent à établir un certain équilibre entre le droit d’accès aux nouvelles idées et le droit de rémunération du créateur. Ce sont les deux éléments de base à équilibrer, qui reflètent les principes énoncés par le Nouveau Parti démocratique dans le cadre des débats qui ont eu lieu ces dernières années. Les deux principes fondamentaux de l’ère numérique sont les mêmes que ceux qui s’appliquaient au XIXe siècle: facilité d’accès et droit à la rémunération.
     Nous parlons de copyright et de droit d’auteur, mais le projet de loi ne traite d’aucun de ces droits. Il traite des droits d’une personne morale, ce qui est différent du droit d’auteur. Les problèmes fondamentaux du projet de loi découlent de ses dispositions concernant les serrures numériques -- j’y reviendrai dans quelques instants -- et de l'attaque directe contre la gestion collective des droits d’auteur qui s’applique au Canada depuis des décennies dans le cas des artistes. Le droit de rémunération des artistes est constamment attaqué dans le projet de loi. Je vais passer en revue les domaines dans lesquels les artistes sont privés de ce droit et se voient conférer un droit factice, celui de verrouiller le contenu.
     Les conservateurs s’y connaissent en verrouillage. Ils comprennent bien les prisons et les verrous. Nous avons entendu le ministre dire que les serrures vont rétablir le marché. J’ai passé des années dans l’industrie de la musique, mais je n’ai jamais rencontré un artiste capable d’utiliser une serrure pour donner à manger à sa famille. Les artistes font vivre leur famille en se prévalant de leur droit de rémunération sous forme de droits de reproduction mécanique, de droits de télévision et de droits sur les livres. Ils se battent très fort pour la préservation des droits de reproduction mécanique. Ce n’est pas grand-chose par rapport à leurs efforts, mais ce revenu est essentiel pour eux. Par conséquent, quand le gouvernement s’apprête, comme il le fait dans ce projet de loi, à supprimer les droits de reproduction mécanique garantis par la Commission du droit d’auteur, il veut en fait priver les artistes des millions de dollars qui leur permettent actuellement de poursuivre leur œuvre de création.
(1105)
     Il n’y a pas d’équilibre dans cette mesure législative. Nous avons besoin d’équilibre pour rétablir un bon régime de droit d’auteur au Canada, un régime qui tienne compte à la fois des droits des artistes et du droit d’accès du public.
     Le Nouveau Parti démocratique a souvent parlé à la Chambre de la nécessité d’une stratégie numérique à long terme pouvant permettre aux Canadiens de participer pleinement à l’ère numérique dans les communes publiques numériques. Les communes publiques sont des endroits où les gens, non seulement du Canada mais du monde entier, peuvent échanger des idées et de l’art.
     C’est certainement une notion qui comporte beaucoup de difficultés. Nous avons pu le constater en matière de téléchargement et de piratage. Il est essentiel pour le développement culturel au XXIe siècle que le Canada soit doté d’une stratégie numérique à long terme. Nous, du Nouveau Parti démocratique, croyons à la nécessité de légiférer pour assurer la neutralité d’Internet et empêcher les géants de l’industrie des télécommunications et les grandes entreprises de distribution de radiodiffusion de nous imposer le genre de contenu auquel nous pouvons accéder.
    Nous souhaitons établir une norme nationale pour l’accès à large bande, notamment dans les dernières enchères du spectre. Quelles dispositions a-t-on prévues pour que les régions du Québec rural et du nord de l’Alberta obtiennent la même chance que le centre-ville de Montréal ou de Vancouver d’implanter une économie numérique? Il est essentiel de se donner une stratégie sur les communications à large bande dans la totalité de notre pays. C’est là le nouveau rêve national qu’il nous faut réaliser. Du côté des banquettes ministérielles, c’est un silence assourdissant qui règne, lorsqu’il s’agit d’élaborer une stratégie numérique pour les communications à large bande, mais le Nouveau Parti démocratique estime que c’est un élément essentiel. Nous souhaitons que les programmes du gouvernement du Canada appuient le renforcement des produits culturels numériques, car de plus en plus de produits s’éloignent des anciens modèles. Ceux-ci nous ont bien servis dans les années 1970, mais nous sommes en 2011, et il nous faut évoluer.
    Il est un autre élément crucial que nous avons réclamé tant et plus: une réforme du droit d’auteur qui répondra aux besoins des consommateurs, des artistes et des étudiants canadiens dans le domaine numérique.
    Le projet de loi répond-il à cette requête? Non. Dans sa forme actuelle, il n’en fait rien.
    Nous devons rétablir l’équilibre. Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi, mais nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement conservateur pour renvoyer le texte à un comité. Si nous pouvons apporter des modifications techniques essentielles pour garantir l’équilibre, nous ne demandons pas mieux que de mobiliser les efforts de notre parti, travaillant avec le gouvernement pour faire en sorte que le projet de loi restaure l’équilibre.
    J’admets volontiers que le gouvernement a fait des efforts en proposant le projet de loi C-61 qui était un gâchis complet. Il était voué à l’échec dès le départ, car il était le produit le plus répugnant des démarches des lobbyistes qui s’agitent en coulisse, et il était impossible de faire accepter semblable projet de loi. Le projet de loi C-32 montre à l’évidence que les conservateurs ont compris que le projet de loi C-61 présentait des problèmes, mais ils ne sont pas allés au bout de leur démarche. Il nous reste à voir si le gouvernement est disposé à aller plus loin.
    Je voudrais dire un mot de certains des plus gros problèmes qui entachent le projet de loi. Il y a trois domaines où on observe des lacunes fondamentales: l’offensive contre les licences collectives et la suppression du droit des artistes d’être rémunérés pour leur travail, la question de l’éducation et celle des verrous numériques.
    J’ai interrogé mon collègue, le ministre du Patrimoine, au sujet du problème fondamental des dispositions relatives à l’éducation. J’ai demandé si les étudiants de Fort Albany, sur la côte de la baie James, qui veulent prendre un cours de niveau collégial seraient tenus de brûler leurs notes de cours au bout de 30 jours. J’ai aussi demandé si les professeurs du niveau collégial qui offrent des cours en télé-enseignement à des étudiants du nord du Canada seraient tenus de détruire toutes leurs notes de cours au bout de 30 jours puisqu’il s’agit d’une atteinte aux droits d’auteur.
    Cette exigence ferait apparaître un nouveau régime moderne d’autodafé. Nous créerions aussi un ensemble de droits à deux vitesses. Il y aurait d’une part les droits du monde analogique, du monde du papier, qui permettraient aux étudiants torontois de conserver leurs notes de cours. Et ces notes sont importantes parce que, année après année, les étudiants les conservent pour se constituer un corpus qui leur permettra d’obtenir leur diplôme. Par contre, les étudiants d’une réserve du Nord qui se forment grâce au télé-enseignement n’ont pas les mêmes droits. Ils ont moins de droits.
(1110)
    J'ai été choqué d'entendre ce qu'a dit mon collègue, le ministre du Patrimoine, à propos de l'idée folle de brûler les livres comme à un autre âge, c'est-à-dire qu'après 30 jours, les élèves n'auraient pas le droit de conserver leurs notes de classe. Il a dit que cette idée venait des ministres de l'Éducation.
    J'ai rencontré les ministres de l'Éducation à de nombreuses reprises, de même que des gens de tout le secteur de l'éducation, et je n'ai jamais entendu personne dire que la meilleure idée en vue du développement du numérique au Canada était d'obliger les jeunes ou les adultes qui retournent aux études à brûler leurs notes au bout de 30 jours.
    Cette disposition est inacceptable. Elle est rétrograde et inutile. Elle ne protège aucun modèle d'affaires, mais elle aurait un effet néfaste important, alors, du point de vue de l'enseignement, elle doit être supprimée.
    Les verrous numériques sont en revanche importants pour protéger le droit des créateurs à la protection de leurs oeuvres. Songeons au travail formidable réalisé par l'industrie des jeux électroniques au Canada, en particulier à Montréal, et aux millions de dollars investis pour créer des jeux qui sont joués partout dans le monde. Nous voulons nous assurer que ceux qui fabriquent ces produits ne se font pas complètement voler et que ce modèle d'affaires n'est pas éradiqué, alors on a recours à une disposition sur les verrous numériques pour protéger ces oeuvres.
    Toutefois, le verrou numérique ne peut pas l'emporter sur les droits garantis par le Parlement.
    Ce projet de loi aura pour effet de créer certains droits. Par exemple, le droit d'utiliser des extraits pour faire une satire, une parodie ou un commentaire politique. Nous sommes tous pour ce droit, mais il ne pourra pas être exercé s'il y a un verrou numérique. On nous dit que nous avons le droit de convertir une oeuvre dans une nouvelle forme de fichier, mais s'il y a un verrou numérique, nous ne pourrons y arriver.
    Mon collègue, le ministre du Patrimoine, dit que, si nous n'aimons pas le verrou, nous n'avons qu'à ne pas acheter le produit. Voilà une façon plutôt cavalière de s'exprimer. Je me demande si ce type est vraiment conscient des particularités de l'univers numérique. Les gens achètent moins dans les commerces qu'en ligne. Alors, si nous adoptons des dispositions restrictives concernant les verrous numériques, les gens essaieront simplement de les contourner. C'est problématique.
    Il est important que les Canadiens adhèrent aux règles concernant le droit d'auteur, parce que ce droit est fondamental pour constituer une économie forte et renforcer le monde de la création. Cependant, je vous dirais qu'il n'y a pas un seul enfant de six ans au pays qui ne sait pas comment faire sauter un verrou numérique. Les gens les feraient sauter en toute impunité. Devrait-on criminaliser un tel comportement? Je ne crois pas.
    Nous devons nous demander pourquoi le Canada met en place des dispositions restrictives reliées aux verrous numériques. Aux États-Unis, aux termes de la DMCA, la loi sur le droit d'auteur la plus restrictive du monde, même les Américains ont reconnu le droit d'utiliser certaines oeuvres.
    Permettez-moi de vous donner un exemple pour montrer à quel point les dispositions sur les verrous numériques sont stupides. Si un journaliste au bulletin de nouvelles du soir voulait montrer un extrait d'un film dont on discute ou débat, il en serait incapable, car il devrait forcer le verrou numérique pour parvenir à ses fins. Ce journaliste devrait se contenter de montrer une photo de l'écran sur lequel est diffusé le film. Peut-on m'expliquer en quoi cette façon de procéder protège le droit d'auteur et l'artiste lui-même lorsqu'un journaliste essaie d'utiliser une oeuvre pour les fins d'une émission.
    La même situation vaut pour les producteurs de documentaires. Les intervenants dans le secteur des documentaires sont très inquiets des dispositions sur les verrous numériques, car elles nuiraient à leur capacité d'extraire certaines oeuvres, comme ils en ont le droit aux termes du projet de loi. Ils jouissent de tous ces droits juridiques, mais s'il y a un verrou numérique, ces droits ne voudront plus rien dire.
    Le gouvernement dit que la loi canadienne devrait permettre à des multinationales américaines de décider des droits dont nous jouissons. Si elles considèrent que nous n'avons aucun droit, il en sera alors ainsi. Peu importe ce que le projet de loi prévoit ou ce que la Chambre dit, le gouvernement affirme qu'il va transférer tous ces droits à des entreprises. C'est fondamentalement inadmissible et c'est une approche qui laisse à désirer.
    De plus, en agissant ainsi, le gouvernement ne respecte pas nos obligations aux termes des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Nous sommes signataires de conventions internationales sur la propriété intellectuelle et nous pouvons vérifier comment d'autres pays ont abordé les dispositions sur les verrous électroniques. En particulier, je répète, les articles 10 et 11 du Traité sur le droit d'auteur de l'OMPI précisent clairement que les limitations telles que les mesures techniques de protection sont acceptables à la condition de ne pas « porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ». C'est ce qui est précisé dans ce traité.
    Je me rappelle que mes collègues conservateurs avaient l'habitude de dire qu'ils avaient inséré les dispositions sur les verrous électroniques pour respecter les traités de l'OMPI. Pourtant, l'OMPI elle-même dit que les pays pourraient décider eux-mêmes de la nature des exemptions et des limitations. Les limitations sont les mesures techniques de protection et les exemptions, les droits dont les consommateurs et les étudiants doivent pouvoir se prévaloir.
(1115)
    Tous ces droits sont éliminés dans le cas présent et nous sommes placés dans une situation désavantageuse par rapport à bon nombre de nos concurrents européens qui ont des dispositions beaucoup plus nuancées sur les verrous électroniques.
    Nous avons posé une question plutôt directe pour déterminer si le gouvernement serait disposé à collaborer avec nous pour modifier les dispositions sur les verrous électroniques afin de s'assurer que les droits normaux auxquels les Canadiens devraient légalement avoir accès ne seraient pas relégués au second plan par les droits des entreprises. Le gouvernement a répondu non. À moins que les dispositions sur les verrous électroniques ne soient modifiées, le Nouveau Parti démocratique n'approuvera pas le projet de loi, parce qu'il n'est pas équilibré.
    Nous devons modifier les dispositions en matière d'éducation et celles sur les verrous électroniques. Nous devons également nous attaquer au fait que ce projet de loi, ne cesse de miner les droits collectifs existants des artistes canadiens et n'établira pas le type de régime culturel dont nous avons besoin au Canada.
    En matière de droits d'auteur, nous avons vu récemment quelques-unes des poursuites judiciaires les plus insolites. Aux États-Unis, des enfants ont été poursuivis pour des montants atteignant au moins 30 000 $ à 50 000 $. Les grandes entreprises comme Sony, Warner et EMI réclament des millions de dollars à des enfants qui téléchargent des chansons de Hannah Montana. Partout aux États-Unis, et également au Canada, il y a eu des poursuites massives engagées contre des personnes anonymes qui ont téléchargé le film Démineurs. Les demandeurs se fondent sur les adresses IP pour envoyer des avis de poursuite par courriel.
    Cette façon de s'en prendre aux consommateurs est probablement le modèle de gestion le moins viable qu'on puisse imaginer. J'étais très heureux que des artistes canadiens et tous les grands groupes canadiens se soient rassemblés sous la bannière de la Creative Music Coalition pour dire qu'ils ne traînent pas leurs fans en justice, car c'est eux qui les font vivre. En poursuivant des enfants, des grand-mères et même des morts pour violation du droit d'auteur, les États-Unis adoptent un modèle voué à l'échec.
    Nous avons entendu tous ces discours au sujet du piratage et des sites de piratage. Il est intéressant de constater que le tout premier site de piratage était à Los Angeles. Nous avons tendance à croire que Hollywood est un lieu de tournage qui va de soi, mais ce n'est pas le cas. Pourquoi, diable, les cinéastes allaient-ils dans la région désertique à l'extérieur de Hollywood pour faire des films, alors que la grande majorité de la population des États-Unis vivait sur la côte Est? Parce qu'ils voulaient échapper aux droits d'auteur imposés à l'époque. Ils ne pouvaient pas tourner de films sur la côte Est des États-Unis, car Edison détenait les droits d'auteur visant la caméra. Par contre les mêmes règles ne s'appliquaient pas en Californie; Hollywood est donc devenu le premier site de piratage.
    La même situation s'est produite lorsque sont apparus les lecteurs VHS. Le porte-étendard de l'industrie hollywoodienne, Jack Valenti, appelait cet appareil l'étrangleur de Boston du cinéma, et il priait le Congrès de rendre son utilisation illégale, car il le percevait comme une menace.
    Parce qu'elle a créé le lecteur VHS muni d'une fonction d'enregistrement, Sony était la grande société pirate de l'époque, celle-là même qui, aujourd'hui, poursuit des gens de partout dans le monde pour violation du droit d'auteur.
    Il y avait à l'époque une guerre commerciale, et tout le monde disait que le VHS anéantirait Hollywood. Toutefois, comme vous le savez, madame la Présidente — vous êtes très jeune, mais vous étiez probablement dans la fleur de l'âge quand le VHS est sorti — les gens ont commencé à louer des films, chose à laquelle ils n'auraient jamais songé auparavant parce qu'ils allaient au cinéma. Ils pouvaient maintenant louer des films, et le piratage qu'Hollywood voulait éliminer s'est transformé en une nouvelle activité commerciale si profitable qu'il n'était même plus nécessaire de prendre la peine de diffuser les films en salle. On pouvait maintenant les diffuser en VHS, et plus tard, sur DVD.
    M. Scott Andrews: Le lecteur Beta.
    M. Charlie Angus: En effet, il y a eu le lecteur Beta, qui a été écarté. Je demanderais au député de ne pas intervenir jusqu'à ce que nous parlions du lecteur Beta.
    Parlons un peu de l'industrie du disque. En 1906, les musiciens aux États-Unis ont tenté d'interdire les pianos mécaniques. Ils pensaient que ceux-ci rendraient les musiciens superflus et affirmaient donc que la musique mécanique était une menace pour les musiciens. Qui ne les a pas défendus? L'American Music Publishers Association. Elle se disait que les sommes qu'elle toucherait en droits d'auteur sur la vente de feuilles de musique augmenteraient proportionnellement avec la vente de pianos mécaniques. Ainsi, la vente de pianos mécaniques a été autorisée. Dans les années 1920, l'industrie du disque a cherché à interdire la radio parce que les diffuseurs ne payaient aucuns droits d'auteur. Tous les problèmes qui sont apparus au fil du temps avaient à voir avec la monétisation.
(1120)
    En cette ère numérique, le combat n'est pas bien différent qu'il l'était en 1928, quand les droits d'auteur des artistes ont chuté de plus de 80 p. 100 en raison de la popularité de la radio, le Napster de l'époque. L'industrie a pu établir un modèle de monétisation. Nous demandons au gouvernement de travailler avec nous pour établir un modèle de monétisation pour les artistes; si nous ne pouvons trouver une solution, la guerre des droits d'auteur durera pendant encore des décennies.
    Madame la Présidente, j'ai bien aimé la remarque du député portant qu'il est inutile de poursuivre des personnes décédées.

[Français]

    Il a parlé des serrures numériques. Avec ce projet de loi, le gouvernement veut imposer aux Canadiens un régime qui est plus rigide que celui des États-Unis ou du Royaume-Uni. Je trouve ça troublant.
(1125)

[Traduction]

    Il a aussi parlé de la perte de redevances subie par les créateurs. Pourrait-il nous en dire plus sur les conséquences des verrous pour les artistes et sur la solution qu'il proposerait?
    Madame la Présidente, il est curieux de constater que le gouvernement conservateur a même tenté d'aller plus loin que les États-Unis dans les dispositions sur les verrous numériques. Aux États-Unis, les dispositions de la DMCA sur les verrous numériques ont fait l'objet d'un examen par les tribunaux, qui ont jugé que les citoyens américains avaient le droit d'extraire certains ouvrages, dans certaines circonstances.
    Cela dit, les conservateurs voudraient aussi nous faire croire que le cas de l'industrie de la musique, de l'industrie du cinéma et de toutes les autres va être réglé si les serrures numériques deviennent sacrées. Pourtant, nous n'avons rien constaté du genre ailleurs. Il importe encore de créer un modèle de monétisation pour les artistes. Le recours aux verrous numériques ne constitue pas un modèle de gestion. Il peut en faire partie, mais ce n'est pas un modèle en soi. Les verrous numériques ne peuvent pas remplacer le droit des artistes de toucher une rémunération.
    Parlons un peu de l'offensive du gouvernement menée contre les licences collectives.
    Dans les années 1980 et 1990, le Canada a fait un grand compromis en créant le régime canadien en matière de copie à des fins privées. En vertu de ce système, un petit montant était versé pour chaque exemplaire, chaque cassette et, plus tard, chaque disque compact, dans un fonds destiné aux artistes, parce que nous étions conscients que des gens copiaient leurs oeuvres et que les artistes avaient besoin d'une certaine forme de redevance. C'est ainsi que les artistes canadiens ont bénéficié de redevances annuelles de l'ordre de 25 à 30 millions de dollars. Ce n'est pas rien pour les artistes de pouvoir compter sur ces redevances, compte tenu que l'industrie du disque a souvent subi des coups durs. Le gouvernement a refusé d'étendre la redevance sur la copie privée au secteur numérique. Il s'en est pris aux redevances sur la reproduction mécanique, qui représentent un revenu annuel de 8 à 12 millions de dollars. Encore une fois, c'est une somme importante pour les artistes canadiens.
    Il est curieux que le gouvernement annonce qu'un droit qui existait déjà, et qui était défini par la Commission du droit d'auteur, n'existe plus. Les artistes n'ont plus le droit de se faire payer pour leur travail, point à la ligne. Bienvenue à l'ère des verrous numériques. Ce n'est pas une solution raisonnable pour les artistes canadiens.
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de Timmins—Baie James de son travail inlassable dans ce dossier. Entre autres points communs, mon collègue et moi venons tous deux du Nord de l'Ontario. Dans ma circonscription, l'Université Laurentienne, le Cambrian College et le Collège Boréal offrent des cours à distance dans le Nord de l'Ontario. Je sais que la circonscription de mon collègue est de la taille de la Grande-Bretagne et que le Collège Northern doit également offrir des cours à distance aux collectivités du Nord.
    Les verrous numériques et leur incidence sur le volet éducatif suscitent des préoccupations pour ceux d'entre nous qui vivent dans les régions du Nord de l'Ontario, de l'Alberta, de la Saskatchewan ou du Québec. Le député pourrait-il nous dire quelles répercussions les verrous numériques utilisés dans le secteur éducatif auront sur les collectivités rurales et nordiques?
    Madame la Présidente, on n'a pas parlé ici de l'obligation imposée au Collège Boréal, par exemple, de mettre un verrou numérique sur les cours qu'il offre alors que sa mission est de desservir de petites collectivités francophones isolées du Nord de l'Ontario. Comment cet établissement d'enseignement ira-t-il chez les étudiants à Raymore, Moonbeam ou Elk Lake pour chercher les notes de cours et s'assurer que celles-ci sont brûlées à la fin du cours? Ce genre de contrôle doit exister dans le monde numérique. Les établissements d'enseignement devront mettre des verrous numériques sur les leçons.
    On dira donc aux collèges du Nord, qui offrent des cours à distance aux collectivités cries de la Baie James ou aux collectivités franco-ontariennes isolées, qu'avant toute chose, ils devront mettre des verrous sur le contenu de leurs cours et que tout disparaîtra après 30 jours. À long terme, ces verrous compliqueront sérieusement l'administration de l'éducation à distance.
    Les bibliothèques sont confrontées au même problème si on insiste pour qu'elles mettent en place des verrous numériques. S'il est aisé pour Warner Bros. de mettre en place des verrous numériques, ce ne l'est pas autant pour une petite bibliothèque ou un collège d'une région nordique dont la mission est de diffuser du matériel d'un incroyable potentiel éducatif. Par conséquent, les dispositions sur les verrous numériques sont régressives. Elles ne sont pas adaptés au XXIe siècle. Je ne suis même pas certain qu'elles auraient convenu au XIXe siècle.
    Madame la Présidente, le Réseau anti-contrefaçon canadien a félicité le gouvernement de protéger les détenteurs de droits d'auteur. L'organisme a déclaré ceci:
    Nous nous réjouissons que le gouvernement soit déterminé à lutter sérieusement contre les atteintes à la propriété intellectuelle [...] Le piratage constitue un problème généralisé au Canada et a des répercussions économiques concrètes sur les recettes du gouvernement, les détaillants légitimes, les détenteurs de droits et les consommateurs. Il est extrêmement difficile pour les détaillants légitimes de faire concurrence à ceux qui [...] volent [...]
    Le projet de loi sur la modernisation du droit d'auteur reconnaît que le moyen le plus efficace de mettre fin aux atteintes au droit d'auteur consiste à viser ceux qui permettent ces atteintes et en profitent. La nouvelle disposition complète les peines prévues pour ceux qui se font complices des infractions.
    Le député reconnaît-il qu'il est important que les détenteurs de droits d'auteur puissent poursuivre ceux qui aident ou encouragent les infractions afin que nous puissions soutenir l'émergence d'un vaste marché légitime des téléchargements et de la diffusion en continu?
(1130)
    Madame la Présidente, c'est une question intéressante. Certes, le Nouveau Parti démocratique a déclaré trais clairement que le piratage en ligne nuit aux artistes. Cependant, je trouve intéressant que ma collègue qualifie le Canada de paradis du piratage. Cela ressemble assez à ce que l'on a vu dans des documents parus très récemment sur WikiLeaks, selon lesquels celui qui était alors le ministre de l'Industrie, et est maintenant le tristement célèbre ministre de Muskoka, a rencontré des fonctionnaires des États-Unis et leur a suggéré de mettre le Canada sur la fameuse liste 301 de surveillance du piratage.
    Pour ceux qui nous regardent à la maison et ne savent pas ce qu'est la liste de surveillance du piratage, je dirai que la Corée du Nord et le Yémen y figurent. Pourtant, un représentant du gouvernement du Canada s'est mis en tête que ce serait une bonne idée de ternir la réputation commerciale du Canada sur la scène internationale en suggérant aux États-Unis de l'inscrire sur la liste de surveillance des États terroristes pirates parce que cela aiderait à faire adopter le projet de loi. Je trouve renversant que nous ayons un gouvernement qui ne tient pas tête aux intérêts commerciaux des États-Unis et ne défend pas les mesures que le Canada a prises pour lutter contre le piratage.
    L'ancien ministre de l'Industrie s'est mis dans la tête que c'était une idée brillante de nous faire inscrire sur cette liste de surveillance en dépit du fait que les détaillants de logiciels et toutes les grandes organisations internationales qui examinent la liste de surveillance du piratage des États-Unis aient déclaré qu'il était absurde d'y inscrire le Canada. C'était probablement aussi absurde de permettre au même homme d'obtenir 50 millions de dollars pour les infrastructures frontalières et de le laisser les engloutir dans la construction de kiosques dans sa circonscription. Comment cet homme a-t-il pu obtenir un poste?
    Madame la Présidente, le député Timmins—Baie James défend cette cause depuis longtemps. La présente législature verra peut-être des changements pour remédier aux préoccupations exprimées.
     Le ministre du Patrimoine canadien nous a dit être ouvert au changement. Je prends certainement au sérieux les préoccupations de l’Association canadienne des bibliothèques, qui craint que les verrous numériques nuisent à sa capacité d’utiliser des documents d’intérêt public.
     Est-ce que le député de Timmins—Baie James serait d’accord avec l’Association des bibliothèques pour dire que de préciser que le verrou numérique doit servir à empêcher une utilisation attentatoire rendrait peut-être cette mesure législative plus acceptable?
    Madame la Présidente, le Nouveau Parti démocratique juge certes que ce projet de loi est très problématique. Toutefois, nous croyons qu’il faut moderniser le régime des droits d’auteur et que nous pouvons le faire si nous modifions le libellé.
     Par exemple, le gouvernement n’a pas entendu les préoccupations des bibliothécaires du Canada, mais il serait possible de modifier le libellé pour faire une distinction entre ce qui serait fait pour empêcher les contrefaçons et ce qui serait fait pour permettre aux gens de profiter des possibilités qu’offre le royaume du numérique pour s’instruire. Cela s’est fait dans les autres pays qui adhèrent à l’OMPI.
     Si le gouvernement refuse ces compromis équilibrés et raisonnables, alors, le projet de loi C-11 ne sera pas équilibré. Il nuira aux artistes, consommateurs, étudiants et éducateurs canadiens.
     Nous serions heureux de proposer le libellé modificatif qui comblera les lacunes du projet de loi. Les lacunes sont nombreuses, mais peuvent être réglées pour peu que le gouvernement accepte de prendre un peu de recul, de dire qu’il a fait un pas en avant, mais qu’il n’a pas atteint le but, et que nous devrions nous concerter. Il n’est pas dans l’intérêt du Parlement du Canada de tarder à légiférer sur les droits d’auteur. Il n’est pas dans l’intérêt du Parlement du Canada de ne pas prendre de mesures dans ce domaine. Toutefois, il n’est absolument pas dans l’intérêt du Parlement du Canada d’aller de l’avant avec un projet de loi qui est fondamentalement boiteux.
    Madame la Présidente, je suis très heureux et honoré de participer — au nom du Parti libéral et des électeurs de ma magnifique circonscription, Halifax-Ouest — au débat sur le projet de loi C-11.
    Je suis déçu de constater que le ministre de l'Industrie et le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles ne semblent pas vouloir se donner la peine d'écouter ce débat.
    Comme dirait Yogi Berra, le projet de loi C-11 « donne une impression de déjà vu, encore une fois ». Voilà qui me rappelle une autre phrase du même personnage. Lorsqu'on lui a posé une question au sujet de Coney Island, Yogi Berra a répondu: « Plus personne n'y va. Il y a trop de monde. »
    Le gouvernement fonde son approche à l'égard de ce projet de loi sur la même logique. Le nouveau projet de loi sur le droit d'auteur, le projet de loi C-11, est une copier-coller de l'ancien projet de loi sur le droit d'auteur, le C-32. Il repose sur les mêmes principes idéologiques et comporte les mêmes lacunes et omissions. Il contient — comme mon collègue de Timmins—Baie James vient de le dire — les mêmes dispositions sur les verrous numériques influencées par les Américains.
    Les libéraux admettent toutefois qu'il faut moderniser la Loi sur le droit d'auteur. En outre, nous reconnaissons qu'il faut protéger les artistes, les créateurs, les enseignants et les consommateurs. Nous sommes conscients de la nécessité d'adopter une loi équilibrée. Nous pensons qu'il est important d'instaurer des règles équitables et équilibrées relatives au droit d'auteur.
    Or, au lieu de cela, nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi recyclé qui comporte des dispositions sur les verrous numériques qui figurent parmi les plus restrictives au monde. C'est, en fait, une approche qui, comme le souligne, à juste titre, Michael Geist — qui occupe la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique à l'Université d'Ottawa — ne vise qu'à satisfaire les intérêts des États-Unis.
    J'ai été ravi de lire l'entrée qu'il a publiée ce matin dans son blogue. Voici ce qu'il a écrit:
    La position des libéraux est en accord avec le projet de loi C-60, le projet de loi sur le droit d'auteur qu'ils avaient présenté en 2005, lequel associait les règles de verrou numérique à des violations du droit d'auteur et n'interdisait pas le recours aux outils pouvant permettre de contourner les verrous numériques.
    Visiblement, cet expert renommé en matière de droit d'auteur, d'Internet et de commerce électronique dit que c'est notre approche qui a du sens et qui est cohérente.
    Eu égard à ces préoccupations, le Parti libéral n'appuiera pas le projet de loi C-11. En effet, les dispositions sur les verrous numériques qu'il propose sont beaucoup trop strictes et viennent annuler presque tous les autres droits prévus dans la loi.
    Par exemple, en vertu de ces dispositions, une mère commet une infraction si elle copie un film de son DVD sur son iPad ou son Playbook afin que ses enfants puissent le regarder pendant un long trajet en voiture.
(1135)

[Français]

    Ces dispositions signifient qu'un Canadien désirant simplement transférer un film de son DVD à son iPad ou son PlayBook pour que ses enfants puissent le visionner durant un long voyage en automobile violera la loi, car le fait de contourner la mesure de protection du DVD lui coûtera maintenant 5 000 $ en poursuites judiciaires. C'est épouvantable.

[Traduction]

     Prenons le cas d’un étudiant qui a une déficience visuelle. Si cet étudiant doit reproduire un texte numérique dans un autre format pour pouvoir le lire, mais constate que le matériel source est visé par des mesures de protection, il ne pourra pas le lire, à moins d’enfreindre la loi. Comment peut-on considérer qu’il s’agit là d’une approche juste et équilibrée? C’est tout le contraire d’une approche juste et équilibrée.
     Je sais que nombre de mes collègues d'en face ne croient pas que leur programme de lutte contre le crime pourrait s'attaquer à des mères de famille et des étudiants handicapés, mais ils devraient examiner de plus près les conséquences de ce projet de loi, parce que c’est exactement ce qui va se produire.
     Ce matin, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles a soutenu que lui et son gouvernement avaient l’appui du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada à l’égard de ce projet de loi. Pourtant, le conseil a déclaré que, comme de nombreux autres groupes du domaine de l’éducation, les ministres provinciaux considéraient que les dispositions sur les verrous numériques étaient trop restrictives.
     Le ministre semble voir un appui dans cette déclaration, ce qui me paraît constituer une interprétation bien étrange.
     Les libéraux ne peuvent absolument pas appuyer un gouvernement qui cherche à criminaliser le fait que de simples citoyens exercent leur droit de voir dans le format de leur choix du matériel qu’ils ont acheté en toute légalité. Le noeud de l'affaire, c'est la capacité de changer quelque chose de format. Ceux qui ont acheté un CD et qui souhaitent transférer la musique qui s’y trouve dans leur iPod ou, peut-être, dans leur BlackBerry, veulent pouvoir le faire. Le gouvernement leur dit qu'ils peuvent le faire. Il veut que les Canadiens croient qu’ils peuvent faire cela, mais il leur dit également qu’il leur donne ce droit, mais qu’ensuite il le leur enlève parce qu’il a placé un verrou numérique. C’est contradictoire.
(1140)

[Français]

    D'autres pays ont réussi à se conformer à leurs obligations liées à des traités internationaux en vertu de l'OMPI sans avoir recours à des dispositions de serrures numériques aussi rigides. Cela soulève la question de savoir pourquoi le Canada va bien au-delà de ce qu'on attend de lui. La réponse est claire. Ce projet de loi a été rédigé dans le but de répondre aux demandes des États-Unis plutôt que de répondre aux besoins des Canadiens et de défendre leurs intérêts.

[Traduction]

     Des télégrammes de diplomates récemment publiés par l’entremise de WikiLeaks ont révélé qu’une grande partie du projet de loi a été rédigée précisément pour répondre aux attentes des Américains concernant les dispositions sur les verrous numériques. Cela me choque et me trouble. Il s’agit non pas des intérêts des Canadiens, mais plutôt de certains intérêts américains. Les conservateurs ont même offert d’envoyer au gouvernement américain un exemplaire du projet de loi avant même que le Parlement du Canada ne l’ait vu.
    L'hon. Judy Sgro: C’est une honte.
    L'hon. Geoff Regan: C’est honteux. Il est difficile d’imaginer qu’une telle chose puisse se produire. Donner à lire un projet de loi à un gouvernement étranger avant que les députés et les Canadiens aient une chance de l'étudier constitue un manque flagrant de respect pour le Parlement et la Chambre des communes de la part des conservateurs.
     Pire encore, les télégrammes ont révélé que les conservateurs avaient demandé aux États-Unis d’inscrire le Canada sur la liste de surveillance antipiratage des représentants commerciaux américains. Ils voulaient effrayer les Canadiens pour les inciter à appuyer ce projet de loi sur le droit d’auteur. C’est une façon de s’y prendre qui est bien rétrograde, récidiviste et bizarre. Dix jours après la présentation de cette demande par les conservateurs, les États-Unis se sont fait un plaisir d’y accéder. Naturellement. Cela n’a vraiment rien d’étonnant.
    Ce qui est ironique dans tout cela, bien sûr, c'est que les États-Unis sont maintenant en train d'assouplir leurs propres dispositions sur les verrous numériques. Durant le dernier examen des règles de contournement américaines, ils les ont considérablement assouplies. Alors qu'il est maintenant légal aux États-Unis de contourner une mesure de protection pour faire un collage sur YouTube, le gouvernement veut rendre ce geste illégal au Canada. Peut-on imaginer cela? Les conservateurs affirment que cette loi sur le droit d'auteur est moderne, équilibrée et équitable, mais elle est régressive.
    Les membres du cabinet du premier ministre étaient en communication directe avec l'administration Bush, mais ils ne tenaient pas du tout compte des opinions et des conseils des intervenants, des citoyens et des experts canadiens.
    Durant la 40e législature, un comité législatif spécial chargé de l'étude du projet de loi sur le droit d'auteur a entendu 142 témoins et a reçu 167 mémoires. C'est beaucoup d'information. En tant que députés, nous avons également reçu des commentaires de milliers de Canadiens. En fait, hier seulement, mon bureau a reçu près de 3 000 courriels sur ce sujet. Les Canadiens sont préoccupés par cette question et se sont beaucoup exprimés à ce sujet, mais le gouvernement ne les écoute pas.
    La plupart des témoignages qui ont été rendus au comité l'hiver et le printemps derniers étaient très sensés. Toutefois, au lieu d'écouter ce que les témoins avaient à dire et d'affirmer qu'ils apporteraient les changements nécessaires, les conservateurs ont choisi de déposer un projet de loi identique, qui est formulé exactement de la même façon. Le gouvernement n'a pas changé une virgule ou un point, et il n'a pas déplacé une lettre dans ce projet de loi. La seule chose qui a changé est le numéro du projet de loi parce qu'il s'agit d'une nouvelle législature.
    Le ministre du Patrimoine canadien a déclaré publiquement qu'il n'accepterait aucune modification. Aujourd'hui, il semble tenir un discours quelque peu différent, mais il faudra attendre pour voir si c'est bel et bien le cas. Ses collaborateurs au sein du cabinet du premier ministre ont fait savoir qu'ils rejetaient même la tenue d'audiences complètes sur le projet de loi. Ils ne veulent pas que les députés — dont un grand nombre sont nouveaux à la Chambre — entendent les différents témoins et aient l'occasion de débattre pleinement du projet de loi. J'ai bien peur qu'aujourd'hui, le gouvernement agisse comme il l'a fait ces dernières semaines dans le cas de chacun des projets de loi importants présentés jusqu'ici, à savoir recourir à la clôture pour faire adopter à toute vapeur cette mesure législative. En raison de cette approche radicale, de l'influence indue des États-Unis et de la position inflexible et erronée du gouvernement au sujet des verrous numériques, les libéraux n'auront pas d'autre choix que de voter contre le projet de loi C-11.
    Une des principales inquiétudes soulevées lors des audiences antérieures du comité avait trait aux répercussions que pourrait avoir sur les artistes et les créateurs le fait d'étendre les utilisations équitables à d'autres domaines tels que l'éducation. De nombreux auteurs ont expliqué à maintes reprises que les modifications prévues dans le projet de loi nuiraient considérablement à leurs modèles d'affaires, ce qui nous inquiète beaucoup. Cependant, nous ne percevons dans le projet de loi C-11 aucune tentative destinée à améliorer les définitions de l'expression « utilisation équitable » ou à offrir une certitude quelconque aux auteurs.
(1145)
    Enfin, le Parti libéral a toujours été d'avis que les artistes et les créateurs méritent qu'on leur accorde un financement transitoire pour les aider à faire face aux répercussions qu'aura ce projet de loi sur leurs sources de revenus. Par exemple, étant donné que les créateurs ne pourront plus exiger de redevances en ce qui concerne les enregistrements éphémères, les artistes seront privés d'une source de revenus totalisant environ 8 millions de dollars par année. Nous croyons que le gouvernement devrait offrir un soutien transitoire afin d'aider les artistes à s'adapter à cette nouvelle situation. C'est pour cette raison que nous avons proposé, pendant la dernière campagne électorale, de créer un fonds pour rémunérer les artistes.
    De nombreux députés savent que, par le passé, une redevance était imposée sur les cassettes et les disques compacts vierges. À une certaine époque, cette redevance générait des revenus de 27,7 millions de dollars pour les artistes canadiens; il s'agissait d'une source de revenus très importante pour eux. Malheureusement, au fil du temps, les choses ont changé et les gens n'utilisent maintenant plus autant de cassettes et de disques compacts vierges que par le passé. Par conséquent, les revenus ont diminué et ne totalisent plus que 8,8 millions de dollars par année. Il s'agit d'une diminution dramatique pour les artistes qui se fiaient à cette source de revenus. Je crois que le gouvernement devrait comprendre cette situation et tenter de trouver une façon d'y remédier, mais cela ne semble pas l'intéresser. Il ne semble pas se préoccuper des répercussions de cette situation; il y a de quoi s'inquiéter.
    Compte tenu des nombreuses lacunes de ce projet de loi, et surtout parce que le gouvernement n'a pas démontré son intention d'apporter quelque changement que ce soit, et ce, même après avoir entendu 142 témoins, lu 163 mémoires et pris connaissance des commentaires formulés par des milliers de Canadiens, que ce soit en ligne, par courriel ou par d'autres moyens, je désire proposer l'amendement suivant. Je propose:
    Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, parce que celui-ci:
a) ne confirme pas les droits des consommateurs à choisir comment ils entendent profiter du contenu dont ils font l’acquisition à cause de dispositions trop restrictives concernant les serrures numériques;
b) ne contient pas de critère clair et rigoureux concernant « l’utilisation équitable » à des fins pédagogiques;
c) ne prévoit pas de système de financement transitoire pour aider les artistes à faire face aux pertes de revenus découlant de cette mesure législative ».
    L'amendement est recevable.
    Questions et observations. La ministre d'État à la Diversification de l'économie de l'Ouest a la parole.
(1150)
    Madame la Présidente, si nous n'adoptons pas ce projet de loi visant à moderniser la loi en vigueur, ce sera un pas en arrière, et j'aimerais dire un mot là-dessus.
    Les libéraux veulent insister sur l'importance de moderniser la loi, sans toutefois tenir compte de certains des aspects positifs du projet de loi. Par exemple, le projet de loi légaliserait l'exportation des oeuvres d'un auteur ou d'un citoyen canadien vivant dans le pays importateur, sous réserve de redevances pouvant être établies par voie de réglementation. Le député appuie-t-il la disposition relative à l'exportation du matériel adapté aux personnes atteintes de troubles de la perception, notamment les ouvrages en braille et les livres audio? Au dire du député, cette mesure législative n'aiderait pas les personnes handicapées. Pourtant, elle comporte des dispositions sur les ouvrages en braille et les besoins des personnes atteintes de troubles de la perception.
     Le député a-t-il dit avoir reçu 3 000 courriels en une journée sur cette question particulière? De quelle partie du projet de loi ces 3 000 personnes parlaient-elles au juste? J'aimerais obtenir des précisions à ce sujet, s'il vous plaît.
    Madame la Présidente, je remercie la ministre de sa question sur le nombre de courriels reçus. Je ne sais pas à quelle vitesse elle lit, mais, pour ma part, je ne peux pas lui dire sur quels éléments du projet de loi chacun des courriels porte, car je n'ai pas eu le temps de tous les lire. Par contre, je peux dire qu'on s'oppose massivement au projet de loi. Hier, mon bureau a reçu 2 900 courriels sur cette question. La grande majorité de leurs auteurs s'opposent au projet de loi et à la position du gouvernement. Ce nombre est considérable et il témoigne du genre de réactions que suscite le projet de loi.
    Nous avons reçu tant de commentaires que nous nous sommes imaginés qu'un gouvernement soucieux d'entendre l'avis des gens, ouvert au changement et prêt à améliorer la mesure législative en tiendrait compte et apporterait quelques changements au projet de loi. Or, ce n'est pas ce qu'on constate.
    Les conservateurs prétendent que le projet de loi renferme de bonnes mesures, mais pratiquement tout ce qu'ils ont fait de valable est gâché par les verrous numériques qui empêchent les gens de se prévaloir de ces mesures.

[Français]

    Madame la Présidente, j'aimerais remercier mon collègue de sa présentation. J'ai le plaisir de siéger avec lui au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, dont l'une des composantes est la science et la technologie.
    J'aimerais savoir si le député considère que le projet de loi qui est devant nous tient compte des avancées technologiques, de toutes les nouvelles technologies qui se présentent et qui évoluent de jour en jour. Considère-t-il que ce projet de loi tient compte de l'évolution rapide des moyens technologiques qu'il y a présentement pour diffuser la culture et tous les éléments considérés dans ce projet de loi?
    Madame la Présidente, je remercie mon honorable collègue, avec laquelle j'ai aussi le plaisir de siéger au Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
    Beaucoup d'avancées technologiques ont eu des effets sur le droit d'auteur et, pour cette raison, il est nécessaire d'avoir un nouveau projet de loi et d'apporter des changements. Cependant, ce qu'on voit dans le projet de loi devant nous aujourd'hui, c'est que le gouvernement n'a pas accepté ou ne reconnaît pas vraiment les changements qui font que les gens ont maintenant différentes façons de faire les choses.
     Par exemple, comme je l'ai déjà dit, une mère pourrait vouloir transférer un film de son DVD à son PlayBook ou son iPad pour que ses enfants le voient durant un long voyage. Or elle ne le pourra pas en vertu de ce projet de loi.
    Je considère cela comme une démonstration du fait que le gouvernement ne reconnaît pas vraiment les changements technologiques ou qu'il ne comprend pas leurs implications.
(1155)

[Traduction]

    Madame la Présidente, j'en suis encore stupéfaite: 3 000 courriels en un jour. J'aimerais bien aider le député à dépouiller ses courriels, car, si 3 000 personnes lui ont écrit sans se manifester aux autres députés, je serais bien curieuse de connaître leurs préoccupations. Nous avons mené des consultations à plusieurs reprises et nous avons corrigé bon nombre de problèmes soulevés. Je n'ai pas vu de pétition qui contenait autant de signatures. J'ai beaucoup de mal à croire que 3 000 personnes ont écrit au député sur cette question.
    Madame la Présidente, si la députée veut venir à mon bureau, nous pourrons en discuter et elle pourra parler à mon personnel. Je crois qu'elle voudra peut-être plutôt s'adresser au ministre de l'Industrie et au ministre du Patrimoine canadien, qui ont eux aussi reçu la majorité de ces courriels —  je le sais parce que, dans la plupart des cas, les messages qui leur étaient destinés m'ont été transmis à moi aussi.
    Une voix: Cela pose un problème lié au droit d'auteur!
    L'hon. Geoff Regan: Madame la Présidente, quelqu'un a dit qu'il s'agissait d'un problème de droit d'auteur. Mon collègue de Windsor fait des blagues, évidemment.
    La députée préférera peut-être vérifier auprès des bureaux de ces ministres. Si les ministres ne sont pas au courant des courriels qui leur ont été envoyés, la députée devra peut-être alors s'adresser à leur personnel. À mon avis, elle apprendra qu'un nombre incroyable de courriels ont effectivement été envoyés. Les ministres en ont peut-être même reçu plus que moi. Je n'en serais pas étonné.
    Madame la Présidente, je connais le député depuis de nombreuses années et je le crois lorsqu'il dit qu'il a reçu tous ces courriels. D'ailleurs, je ne comprends pas qu'on puisse trouver important de lui poser une question à ce sujet. Cependant, j'estime qu'il est important de parler de la question de l'apprentissage à distance.
    J'ai travaillé pour des personnes ayant un handicap. En ce qui concerne les supports d'apprentissage dont elles ont besoin, je crains fort que ces personnes soient contraintes de brûler leurs notes et leurs manuels au bout de 30 jours. Les personnes ayant des troubles d'apprentissage doivent revoir régulièrement la matière afin d'être certaines qu'elles l'ont bien intégrée et qu'elles ne l'oublient pas . C'est ce que tout le monde fait, mais ces personnes doivent fournir un effort supplémentaire. Mon collègue pourrait-il nous dire un mot ou deux sur cette question?
    J'ai donc d'énormes réserves à cet égard. Je crois que tous doivent pouvoir s'instruire et réutiliser leur matériel pédagogique durant le reste de leur vie. C'est ce qu'on appelle l'acquisition continue du savoir. Je sais que les conservateurs n'adhèrent pas tellement à cette idée, mais de nombreux Canadiens y croient. Il s'agit d'un problème très important avec lequel les personnes ayant un handicap auront à composer.
    Madame la Présidente, comme le député pourra le constater dans la motion que nous proposons, l'éducation est en fait un des domaines abordés. J'ai moi-même parlé des personnes handicapées.
    J'ai donné un exemple semblable, soit celui d'une jeune personne aveugle. Celle-ci n'aurait pas le droit, selon le projet de loi, de transférer un texte dans un format qu'elle pourrait consulter, parce qu'elle devrait contourner un verrou numérique. Cela pourrait entraîner une amende de 5 000 $.
    Est-ce que c'est sensé? Est-ce que c'est la bonne voie à prendre pour l'éducation? J'en doute.
    Madame la Présidente, j'aurais quelque chose à ajouter.
    Premièrement, tout ça est totalement incorrect. Une exception aux dispositions sur les verrous numériques a été prévue en ce qui concerne les personnes atteintes de troubles de la perception. Le député devrait lire le texte du projet de loi.
    J'aimerais lire une citation d'un député libéral d'expérience, et j'aimerais que le député me fasse ensuite part de son opinion à ce sujet. John Manley a dit que, dans l'ensemble, « [...] la Loi sur la modernisation du droit d'auteur reflète un équilibre approprié entre les besoins des créateurs, des distributeurs et de l'ensemble de la société. C'est pourquoi j'encourage les députés à procéder le plus rapidement possible. »
    Madame la Présidente, j'ai bien entendu les propos cités par mon collègue et la précision qu'il nous a donnée au sujet des verrous numériques et des personnes handicapées. La discussion au sein du comité sur cette question promet d'être captivante, si le projet de loi se rend jusque-là. J'espère que non. En fait, je pense que ce projet de loi comporte des vices fondamentaux, et je ne suis pas d'accord avec ceux qui pensent le contraire.
    Évidemment, lorsqu'une personne prend la parole au nom d'un organisme, il n'est pas étonnant qu'elle épouse le point de vue de cet organisme, comme M. Manley l'a fait. C'est comme les députés conservateurs, qui ont tendance à ne prononcer que les mots que leur souffle le cabinet du premier ministre et à s'en tenir à la ligne du parti.
(1200)

[Français]

    Madame la Présidente, voici à nouveau le projet de loi visant à moderniser le droit d'auteur, le même qui avait été présenté le 2 juin 2010 par le ministre de l'Industrie. Cette loi porte le titre de Loi sur la modernisation du droit d'auteur, mais je pense qu'ils se sont trompés dans l'appellation: on aurait dû l'appeler loi du verrou numérique ou loi du cadenas, selon nos racines historiques.
    Il était temps que le gouvernement introduise, dans la loi, les principes des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur et sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, auxquels il a apposé sa signature le 22 décembre 1997. Malheureusement, le gouvernement conservateur en a profité pour y inclure plusieurs dispositions qui affaiblissent les fondements du droit d'auteur. La Loi sur le droit d'auteur est l'assise juridique qui assure que les oeuvres peuvent être reproduites, présentées et communiquées au public tout en garantissant une rémunération à leurs créateurs.
    Les grands oubliés de cette loi du verrou numérique, qu'on nous présente comme une loi sur le droit d'auteur, sont les créateurs. Affaiblir le droit d'auteur en créant une kyrielle d'exceptions qui permettent d'utiliser les oeuvres sans autorisation et sans compensation financière, c'est empêcher une catégorie de travailleurs de gagner leur vie en exerçant leur métier. On va voir plus loin les répercussions financières sur les créateurs des dispositions du présent projet de loi.
    C'est aussi démanteler les sociétés de gestion collective, un outil que les créateurs se sont donné pour faciliter l'accès à leurs oeuvres dans le respect de leurs droits. C'est mettre en péril les industries culturelles en tarissant leur approvisionnement aux oeuvres et en les empêchant de développer des marchés qui répondent aux besoins des consommateurs tout en protégeant leurs investissements.
    Le projet de loi contient plus d'une quarantaine de nouvelles exceptions, dont la plupart sans rémunération pour les créateurs, contrevenant ainsi à un principe fondamental, à savoir que dès qu'une utilisation est faite d'une oeuvre, il n'y a pas de raison pour qu'un auteur ne soit pas rémunéré. C'est simple, c'est précis. C'est la base du droit d'auteur.
    Une redevance n'est pas une taxe. Depuis le début de ce débat, les conservateurs ont essayé de faire le lien entre la redevance et la taxe. Or ce n'est pas la même chose. Toutes les industries, à des degrés divers, bénéficient d'une aide gouvernementale sous forme d'investissements, de crédits d'impôt à la recherche et au développement, mais aussi de subventions directes. Qu'on pense aux industries de l'aéronautique, de l'agroalimentaire et des technologies de l'information, pour n'en nommer que quelques-unes.
    Les industries culturelles ne sont pas une exception à cet égard. Or l'ensemble de ces industries protègent jalousement leur propriété intellectuelle soit en vertu de la Loi sur les brevets, de la Loi sur les dessins industriels, de la Loi sur le droit d'auteur ou de toute autre loi garantissant la protection de la propriété intellectuelle.
    Qu'arrive-t-il, à la fin? Tout le monde, en tant que contribuables ou en tant que consommateurs, paie pour l'utilisation des créations de ces entreprises, qu'il s'agisse de logiciels, de médicaments ou de iPod, puisque les redevances sont intégrées au prix du produit ou au prix d'une licence de logiciel, par exemple.
    Alors, quel est le problème lorsqu'il faut payer des redevances pour l'utilisation de musique, d'images, de vidéos et de livres auxquelles ont droit les auteurs de ces contenus, tout comme les enseignants ont droit à leur salaire et le maçon qui répare le mur de l'école, à sa rémunération?
    Il ne s'agit pas d'une taxe, mais d'une redevance payée au détenteur de droits, comme nous le faisons au bénéfice de bien des créateurs dans une multitude de domaines. Avec tous les nouveaux outils technologiques mis à notre disposition, il faut cesser de se percevoir uniquement comme des consommateurs de la création des autres. Si on écrit une nouvelle ou un roman, si on ose proposer une chanson, si on invente une « patente », on souhaitera sans doute obtenir une juste rétribution pour notre création, notre travail.
    Les créateurs sont des inventeurs. Ils ont des brevets d'invention sur leurs créations. C'est la juste part qui revient aux créateurs, et c'est pourquoi il faut « penser autrement », comme le clame la plus célèbre publicité d'Apple, en souhaitant que cette publicité se rende au bout de sa pensée.
(1205)
    Je vais faire avec vous un rapide survol des dispositions contenues dans le projet de loi et des différentes d'exceptions dont on a parlé, soit une quarantaine exceptions, qui vont priver les créateurs, artistes, compositeurs, musiciens et photographes des redevances auxquelles ils ont droit. Je pense aux écrivains, aussi.
    Que veut dire l'élargissement de la notion de l'utilisation équitable aux fins d'éducation, de parodie et de satire? Évidemment, cela va se retrouver devant les tribunaux. Ils devront définir la portée de cet article. En attendant, l'incertitude persistera et les usagers, notamment les enseignants, de même que les titulaires de droit s'interrogeront sur les utilisations permises. Je l'ai déjà dit dans une autre présentation: avec l'arrivée du gouvernement conservateur majoritaire, avec la mise en place de nouvelles prisons, ces conservateurs vont nous inventer de nouveaux crimes pour remplir leurs prisons. On trouve plusieurs nouveaux crimes dans ce projet de loi. On ne savait pas que c'étaient des crimes, mais il y a maintenant des sanctions prévues. On sanctionnera des choses qu'on fait quotidiennement et qui prennent maintenant l'allure de gestes criminels.
    Cette disposition remet en cause les sommes perçues par la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction, la Copibec, la Société du droit de reproduction des auteurs compositeurs et éditeurs du Canada, la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Tous ces organismes sont venus présenter leur mémoire lors des audiences, mais rien n'a été retenu de leurs présentations. Le gouvernement s'est plutôt inspiré des dispositions appliquées aux États-Unis. Il y a aussi la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN, et la Société québécoise des auteurs dramatiques qui ne sont pas d'accord sur cette disposition. Il en est de même en ce qui concerne la Société canadienne de gestion des droits des producteurs de matériel audio-visuel, Audio Ciné Films, Films Criterion, pour la reproduction des oeuvres littéraires, artistiques, dramatiques, musicales, audiovisuelles, l'exécution publique des oeuvres musicales et audiovisuelles, et la présentation des oeuvres dramatiques dans les maisons d'enseignement.
     Parlons des redevances perdues au Québec à cause de l'élargissement de cette notion d'utilisation équitable. En fait, que veut dire « utilisation équitable »? On ne trouve rien dans la loi qui précise exactement ce que veut dire une utilisation équitable. Tout cela fera perdre 11 millions de dollars annuellement aux créateurs, aux ayants droit. Il y a 175 millions de copies, extraites d'oeuvres protégées, faites chaque dans les écoles, les cégeps, les universités.
    Rappelons-le, l'utilisation équitable est un concept flou qui mettra fin au droit d'autoriser ou non l'utilisation d'une oeuvre, à la rémunération pour l'utilisation d'une oeuvre, dont celles de 23 000 auteurs et de 1 000 éditeurs québécois.
    Les conservateurs ouvrent une boîte de Pandore. Le monde de l'éducation est très large. Cela n'a aucun bon sens. Si on photocopie des livres pour l'éducation sans qu'il y ait de rétribution, personne ne voudra écrire de livres. En outre, comme le terme « éducation » n'est pas défini dans cette loi, cette nouvelle exception pourrait s'appliquer à toute forme d'activité éducative et non seulement à celles qui se déroulent dans le cadre scolaire.
    Une autre exception est la reproduction à des fins privées. Une personne physique pourra reproduire intégralement sur tout autre support ou autre appareil une oeuvre qu'elle détient légalement et elle pourra en permettre l'accès à des fins privées. Le gouvernement aurait pu choisir, comme le demandent les artistes et les interprètes, d'étendre le régime de compensation qui existe actuellement pour le transfert d'un enregistrement sonore sur les supports audio vierges comme sur les cassettes, mais il a opté pour la gratuité.
    Effectivement, on sait présentement, quand on fait une copie d'une oeuvre sur une disquette, que des redevances  — par exemple, c'est 29 ¢ sur les CD — seront redistribuées par la suite aux créateurs. Évidemment, avec la multiplication des supports virtuels, les revenus issus de cette redevance ont fondu comme neige au soleil, passant de 27 millions de dollars à 8 millions de dollars en quelques années. Il n'y a rien dans le projet de loi pour compenser ces pertes.
(1210)
    Les créateurs sont estomaqués de voir que, dans un projet de loi sur les droits d'auteur, la seule chose qui préoccupe le gouvernement, ce n'est pas la reconnaissance des droits d'auteur, mais celle des verrous numériques. Le nombre de cassettes et de DVD vierges vendus diminue sans cesse, les montants redistribués aux créateurs s'amenuisent et les associations de créateurs souhaitent qu'une redevance semblable soit appliquée à l'achat d'appareils tels que des baladeurs — on l'a dit en comité —, selon la taille du disque dur ou de leur mémoire flash. Le régime de copie privée actuel n'a toutefois aucune portée sur les appareils, seulement sur les supports. Or il y a de moins en moins de supports.
    L'utilisation des photographies est une autre exception qui a été décriée par les artistes photographes. En effet, une personne physique pourra utiliser ou permettre qu’on utilise à des fins non commerciales ou privées la photographie ou le portrait qu’elle a commandé à des fins personnelles et qui lui a été remis en contrepartie d’une rémunération à moins d’une entente à l’effet contraire avec l’auteur de la photographie ou du portrait.
    Quant au visionnement différé, une personne physique pourra enregistrer une émission communiquée par radiodiffusion afin de l’écouter ou de la regarder en différé. Elle ne pourra faire qu’un seul enregistrement à des fins privées et ne pourra conserver la copie que le temps nécessaire à l’utilisation en différé.
    En résumé, je fais une copie d'une émission enregistrée que j'ai payée afin de la regarder en différé, mais je n'aurais le droit de conserver cette copie que le temps nécessaire à l'utilisation en différé. Comment vérifier cela, et qui va le faire? Qui va s'assurer que je ne garde pas cette copie indéfiniment ou que je ne la prête pas à mes voisins? Si je la prête à mon voisin, est-ce que ça va devenir un crime passible de 5 000 $ d'amende? Si je regarde les dispositions pénales contenues dans le projet de loi, ça pourrait bien être ça. Je deviendrais un criminel si je prête une émission à un de mes amis. Je trouve que la contrepartie pénale relative à ce type de comportement est exagérée par rapport aux circonstances.
    En ce qui a trait à la copie de sauvegarde, le propriétaire d’une œuvre pourra faire des copies de sauvegarde et s’en servir pour remplacer une œuvre originale devenue inutilisable. On devra donc racheter un nouvel appareil pour remplacer celui devenu usé ou désuet mais on pourra multiplier le contenu gratuitement.
    Il y a de drôles d'éléments, dans ce projet de loi. On en perd son latin.
     Pour ce qui est de la communication d'une oeuvre par télécommunication, un établissement d’enseignement pourra transmettre par télécommunication à un élève une leçon qui intègre des œuvres protégées. L’établissement devra prendre des mesures « dont il est raisonnable de croire » qu’elles empêcheront la dissémination de l’œuvre, il devra aussi détruire la reproduction dans les 30 jours suivant la date où les étudiants ont reçu leur évaluation finale mais aucune sanction n’est prévue si l’établissement omet de prendre les mesures requises.
    C'est une disposition un peu schizophrène. On envoie le message que ces oeuvres doivent être détruites et on n'a aucun dispositif pour le vérifier. De toute façon, si ce n'est pas détruit, ce n'est pas grave. Je me demande de quoi on parle. J'aimerais bien connaître l'agence de lobbying qui est allée voir le gouvernement conservateur pour lui demander d'inclure une telle disposition dans ce projet de loi. Je ne comprends pas.
    Pour l'extension de licence de photocopie, les établissements titulaires d’une licence avec Copibec [...] pour la photocopie pourront également en faire des reproductions numériques et les communiquer par télécommunication aux étudiants. Les balises de la licence de photocopie s’appliqueront à ce type d’utilisation et les redevances seront calculées de la même façon. Comment interagiront l’utilisation équitable pour fins d’éducation et la présente exception?
    Les établissements titulaires d'une licence pour la photocopie pourront également en faire des reproductions numériques et les communiquer par télécommunication. Les photocopies pour lesquelles on paie des droits pourront donc être envoyées par reproduction numérique, mais les reproductions numériques se perdent un peu dans le dédale de l'univers virtuel.
(1215)
    Pour ce qui est des oeuvres sur Internet, les établissements d’enseignement pourront, à des fins pédagogiques, utiliser une œuvre accessible sur Internet. On le fait tous: on utilise Google, on consulte Wikipédia, etc. Cette exception ne pourra s’appliquer aux œuvres protégées par une mesure technique, les verrous, ou à celles sur lesquelles on retrouve un avis bien visible — et non le seul symbole de copyright — interdisant l’utilisation de l’œuvre. On renverse ainsi le principe à l’effet qu’une œuvre est protégée dès qu’elle existe sous une forme matérielle sans autre formalité et on oblige les titulaires de droits qui ne veulent pas concéder un accès gratuit à leurs œuvres à les cadenasser ou à y mettre un avis. On fait également abstraction des millions d’œuvres sur Internet déjà gratuitement accessibles pour des fins pédagogiques par le biais de la licence.
    Concernant la reproduction pour une présentation visuelle ou un examen, la loi actuelle permet la reproduction manuscrite d’une œuvre et sa présentation par le biais d’un rétroprojecteur. Le projet de loi en permettra la reproduction et sa présentation visuelle sur tout support ou par tout moyen technique comme une clef USB, un tableau blanc interactif ou des écrans d’ordinateur. Cette exception ne s’appliquera pas si les œuvres sont accessibles sur le marché canadien sur un tel support. Le législateur a toutefois retranché la possibilité d’obtenir une licence auprès d’une société collective comme constituant un frein à l’application de l’exception. Il s’agit d’une perte immédiate d’un demi-million de dollars pour les titulaires de droits représentés par Copibec.
     On voit, là encore, qu'une disposition de ce projet de loi, non seulement n'aide pas les auteurs, mais les prive de revenus de l'ordre de 500 000 $.
    On a parlé plus tôt des dispositions s'appliquant aux bibliothèques, musées et services d'archives. Voyons ce qu'il en est des prêts en établissements. Dans ce cadre, les bibliothèques, musées et services d’archives au sens de la loi, pourront désormais transmettre à un usager pour fins d’étude privée et de recherche, des articles de périodiques sous forme numérique. Elles devront prendre des mesures pour empêcher l’usager d’en imprimer plus d’une copie ou de les communiquer à un tiers.
    Les bibliothèques devront prendre des mesures si elles transfèrent un article à un usager pour faire en sorte qu'il ne puisse transférer ces informations à un tiers. Je pense à ma bibliothèque municipale, à St-Hippolyte, qui va recevoir les directives de ce projet de loi. Comment va-t-elle faire?
    La position générale du secteur culturel face au projet de loi C-11 est que, dans son état actuel, le projet de loi affaiblit les principes au coeur du droit d'auteur qui ont historiquement fourni un environnement favorable aux créateurs, producteurs, distributeurs et consommateurs de biens culturels. Le projet de loi va compromettre la compétitivité du Canada dans une économie numérique globale et miner l'avenir économique des créateurs de contenu canadien. Les artistes font valoir que plusieurs des articles inclus dans le projet de loi C-11 font montre d'un manque de compréhension des structures de l'industrie créative dans un environnement technologique en pleine ébullition. Les parlementaires se doivent d'amender le projet de loi et d'en préserver les aspects positifs. Les chances que le Canada développe une économie du savoir innovatrice dépend de la vigueur avec laquelle il défend la propriété intellectuelle.
    Adopté tel quel, le projet de loi C-11 aura des conséquences financières considérables pour les artistes, les industries culturelles canadiennes, avec des pertes évaluées à 126 millions de dollars par année.
    Il faut supprimer tous les articles qui nient le droit actuel et éliminent les revenus qu'ils génèrent actuellement, incluant les dispositions qui légalisent sans compensation certains genres de reproduction. On doit permettre l'utilisation pour des fins éducatives de matériel protégé sans compensation.
     Il semble que toutes les tentatives de réforme du droit d'auteur au Canada aient eu très peu à voir avec la création d'un régime conciliant les droits des créateurs et ceux du public en général. C'est cette conciliation que veut le NPD. On ne veut pas criminaliser encore les agissements des personnes. On veut que ce projet de loi serve à baliser très clairement l'exercice du droit d'auteur pour les créateurs, pour les amener à venir dans un univers en pleine ébullition et en plein changement.
(1220)
    Monsieur le Président, la devise du Québec est Je me souviens. Dans mon cas, je me souviens qu'en 2008, il y a eu des élections et qu'il y a eu une levée de boucliers au Québec pour les droits d'auteur et leur défense. Le Québec est le berceau de la langue française en ce pays et, pour protéger les droits d'auteur, les Québécois sont allés de l'avant et ont fait cette levée de boucliers.
    En ce qui concerne le verrou numérique, ce sont les entreprises distributrices de services qui contrôleront les règles du jeu. Dans un univers comme le Canada, où le Québec est une enclave et où les francophones représentent de petites communautés dans les autres provinces, mon confrère ne craint-il pas que ces grandes sociétés, ces grandes entreprises ne distribuent plus les auteurs francophones et que, par le fait même, on les élimine de l'autoroute de l'information?
    Monsieur le Président, à vrai dire, je pourrais difficilement évaluer l'impact pour ce qui est de la diffusion des oeuvres de nos artistes québécois, de la mise en oeuvre de ces différentes mesures et de ces serrures numériques.
    Par contre, je sais que, dans une autre vie, j'avais quelques chansons dans les premières positions du palmarès au Québec et je recevais régulièrement un chèque de la SOCAN pour mes droits d'auteur. C'étaient de petits montants parfois ridicules, mais ça aidait à arrondir les fins de mois.
    Présentement, ce qu'on appelle « l'enregistrement éphémère » se retrouve dans une des dispositions qui est encore une exception dans ce projet de loi. Elle ferait perdre plus de 7 millions de dollars aux auteurs-compositeurs, qu'ils reçoivent de la diffusion des chansons par voie radiophonique. Je trouve que cette disposition est une gifle au visage de tous ceux qui consacrent leur vie à la création et à faire de ce monde un monde où on voit de la beauté.
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Rivière-du-Nord de sa présentation et de toute la passion et la fougue qu'il y a mis pour défendre ces créateurs de notre culture. J'aimerais qu'il donne également plus de détails sur la question qui a été posée précédemment quant à la façon dont ce projet de loi ne tient pas compte des créateurs de la culture et de sa diffusion. Le Canada est un grand pays, mais ses créateurs ne sont souvent pas encouragés à diffuser la culture canadienne et québécoise. Comment ce projet de loi pourrait-il nuire à la diffusion de notre culture?
    Monsieur le Président, cela faisait plus de 15 ans qu'on attendait une refonte de la Loi sur le droit d'auteur pour permettre un ajustement quant à la réalité numérique. Ce qu'on nous sert là, c'est vraiment un projet de loi qui va scier les jambes de plusieurs créateurs et qui va faire en sorte que moins de gens seront intéressés à s'impliquer dans la création d'oeuvres.
    Éventuellement, ça réduira notre capacité de diffuser ces oeuvres à l'étranger. Si on enlève les droits d'auteur pour ce qui est des reproductions d'oeuvres dans les écoles à des fins éducatives ou « équitables », comme on le disait plus tôt, c'est une foule d'auteurs qui ne voudront plus écrire de livres. Quel intérêt y a-t-il à écrire des livres quand n'importe qui peut reproduire des extraits de livres sans donner de compensation?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son allocution. Selon lui, quelles sont les choses les plus néfastes dans ce projet de loi? Peut-il en faire un résumé?
(1225)
    Monsieur le Président, le projet de loi a certains bons côtés, comme les verrous numériques, dont on comprend la nature. De fait, on comprend que des entreprises qui ont investi pour développer des jeux vidéo ou des films veuillent protéger leur production par ce type de clé.
    En même temps, ce qui me fait peur dans ce projet de loi, c'est la nature des amendes qui sont infligées à ceux qui voudraient contourner ces clés numériques. Je suis convaincu que, si on met des clés numériques sur plusieurs produits qu'utilisent les jeunes, avec leur créativité et leur imagination, ils vont réussir à les contourner.
    On a pensé davantage à la protection des industries qu'à une véritable refonte des droits d'auteur qui permettrait aux créateurs d'obtenir une compensation financière chaque fois qu'on utilise leurs oeuvres.
    C'est un peu entre ces deux visions: d'un côté, il y a une loi qui approche cet univers de façon répressive et, de l'autre, des créateurs qui auraient aimé utiliser un levier législatif pour permettre une réelle réflexion sur les définitions d'un créateur — sa qualité —, du droit d'auteur, et sur la façon de protéger et d'encourager les auteurs à créer.

[Traduction]

    Monsieur le Président, personne ne peut nier que Steve Jobs a été un grand innovateur dans le monde des affaires. Il a personnifié l'innovation et la recherche de la perfection dans le monde des affaires. Il est devenu une icône de la nouvelle économie. Il nous a quittés, mais les innovations de son entreprise restent parmi nous, notamment l'appareil numérique universel qu'est l'ordinateur personnel, dont les députés ne pourraient pas se passer pour faire leur travail quotidien. Je doute qu'un seul député ne soit pas d'accord pour dire que l'avènement de l'ordinateur personnel dans nos vies quotidiennes a entraîné des changements en profondeur dans notre société.
    C'est par l'intermédiaire de mon père que j'ai eu mes premiers contacts avec le monde de l'informatique. Il travaillait comme chauffeur de camion pour une entreprise du nom de Control Data. Il transportait les cartes perforées sur lesquelles était contenue l'information issue des ordinateurs de l'administration fédérale, à Ottawa. Je faisais des dessins au verso de ces cartes lorsqu'on les jetait. Je fus peut-être l'auteur de l'une des premières oeuvres de fusion ou de détournement culturel.
    Puis mon père a apporté à la maison un magnétophone. Nous enregistrions nos propres histoires et effacions les passages que nous n'aimions pas. Nous nous amusions pendant des heures à écouter nos voix aiguës. Puis, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions enregistrer les chansons qui jouaient à la radio et les écouter plutôt que d'attendre qu'elles passent à la radio. Nous pouvions chanter ces chansons et les enregistrer en même temps. Nous pensions à toutes les possibilités que nous offraient les moyens technologiques dont nous disposions.
    Pendant que nous nous amusions ainsi, M. Jobs mettait ses ordinateurs Apple sur le marché. Comme l'a mentionné le député, il y avait aussi un procès en cours; c'était l'affaire Betamax.
    Dans ma famille, nous n'étions pas des précurseurs, nous n'avons donc pas acheté de magnétoscope immédiatement. Il paraît qu'à la sortie du Betamax, en 1976, l'industrie de la télévision s'est insurgée. Lorsque le magnétoscope a fait son apparition, il n'y avait pas de clubs vidéo, pas de location, rien du tout. Par conséquent, sa seule utilité était d'enregistrer des émissions de télévision. En fait, il est devenu le premier appareil de diffusion différée. Au lieu de s'asseoir à l'heure dictée par les télédiffuseurs, nous pouvions choisir l'heure à laquelle écouter nos émissions, à condition de savoir programmer le magnétoscope, ce que bien des gens trouvaient difficile. Ce sont les gens de ma génération qui s'en chargeaient, car nos aînés n'y arrivaient pas.
    Les télédiffuseurs n'aimaient pas que les consommateurs disposent de ce nouveau moyen de contrôle, parce qu'ils voulaient les avoir à leur merci. Leur plus grande crainte était la perte de revenus attribuable au fait que les gens pouvaient faire défiler rapidement les messages publicitaires et regarder des films et des émissions de télévisions tirés de leurs propres vidéothèques, plutôt que de les écouter selon l'horaire du télédiffuseur. Le magnétoscope permettait aux gens de contrôler leur heure d'écoute des émissions.
    Les dispositions législatives sur le droit d'auteur confèrent au titulaire du droit d'auteur un contrôle sur l'utilisation du contenu de son oeuvre. Grâce à elles, le droit d'auteur se traduit en revenus. Les gens ne peuvent pas utiliser ce qui appartient au titulaire du droit d'auteur à moins de lui verser un montant. L'idée, c'est que ces revenus servent d'incitatif et encouragent la création de nouvelles oeuvres.
    Les diffuseurs craignaient de perdre des revenus. Les studios de cinéma étaient outrés que les consommateurs puissent enregistrer leurs films. Le ciel allait leur tomber sur la tête, disaient-ils. Ils ne voulaient rien savoir des magnétoscopes. Ils voulaient les interdir; ils ont donc engagé des poursuites contre Sony, le fabricant du Betamax. Les studios voulaient contrôler la conception du magnétoscope. Les télédiffuseurs et les studios de cinéma voulaient que l'on élimine certaines fonctions de l'appareil comme l'enregistrement et l'avance rapide. Que les députés s'imaginent le magnétoscope sans bouton d'avance rapide ou d'enregistrement, ou qu'ils songent un instant à ce qui serait arrivé si le magnétoscope avait été interdit, ce qui était, à l'origine, le résultat visé par ces poursuites judiciaires.
    Je mentionne tout cela parce que la technologie a évolué. Les gens doivent s'engager dans la planification de leur vie familiale. Nous avons besoin d'une population plus active, d'une plus grande variété de choix et de possibilités. Il faut que les gens croient à l'idée que tout est possible; c'est l'essence même de l'innovation. Je rappelle aux députés que l'innovation est à la fois l'un des plus grands défis à relever et l'un des éléments les plus faibles au sein de l'économie canadienne actuelle.
    Heureusement, la cour suprême des États-Unis a décidé, en 1983, que le magnétoscope était un appareil légal. Quelques années plus tard, l'industrie cinématographique encensait le magnétoscope, qu'elle considérait comme une invention merveilleuse. La vente de vidéocassettes a permis à l'industrie d'amasser des profits énormes. L'industrie qui manifestait autrefois de la peur et de l'ignorance à l'égard du magnétoscope s'est rendu compte que cette nouvelle invention pouvait lui faire gagner de l'argent. L'industrie voulait d'abord faire entrave au progrès, mais elle a cessé de craindre le magnétoscope dès qu'elle a compris qu'il lui offrait une source de revenus.
(1230)
    Quand j’avais 20 ans, j’ai réussi à mettre la main sur une caméra vidéo. J’ai filmé certaines des choses qui m’entouraient, j’ai pris mon CD de REM favori, prélevé quelques clips à la télévision et réuni le tout à l’aide d’un magnétoscope. Je reconnais que ce n’était pas très bon. C’était assez maladroit. J’avais toutefois créé quelque chose de nouveau, ma propre interprétation de la musique. Cette pratique a cours depuis très longtemps.
    Les troubadours de l’époque médiévale modifiaient les paroles des chansons. Les conteurs changeaient certains éléments de l’histoire pour l’adapter à leur culture locale. À notre époque, nous avons des groupes comme Negativland et DJ Danger Mouse, entre autres, qui font à peu près la même chose.
    Cette loi chercherait à rendre cette activité illégale. Le déverrouillage d’un verrou numérique, comme ce qu’un jeune Norvégien a fait pour le chiffrement des DVD au cours de la dernière décennie, deviendrait un crime.
     La loi que les États-Unis ont adoptée en 1998, la DMCA, a été jugée impossible à appliquer. En fait, cette loi ne pourrait pas être appliquée. Ce serait trop difficile.
     Le principal problème qui se pose ici est que nous sommes à l’ère du numérique et que nous avons une machine numérique universelle. Tous les renseignements que nous possédons actuellement, que ce soit de la musique, des films, des textes, existent sous forme numérique. Lorsqu’ils sont intégrés dans une machine numérique, ils sont tous traduits sous la même forme. C’est une innovation qui se produit lorsque les gens interagissent avec ces renseignements.
     Toute l’information est numérique et donc, pour être vraiment efficace, pour protéger le propriétaire du droit d’auteur comme ce projet de loi tente de le faire, il faudrait exercer un contrôle sur les ordinateurs. C’est ce que les États-Unis ont essayé de faire. Ils ont essayé de lancer l’idée de la puce Fritz. Chaque dispositif numérique serait équipé de cette puce qui verrouillerait certaines activités sur le dispositif en question. Néanmoins, les spécialistes en informatique ont dit que c’était impossible, qu’ils ne seront pas capables d’inventer ce genre de système.
    En fait, une machine universelle, un ordinateur personnel devrait être transformé en une machine assez limitée. Bien entendu, cela aurait pour effet de limiter l’innovation pour laquelle nous utilisons ces machines.
     Des questions sont également soulevées dans les milieux juridiques quant au fait que les dispositions de cette loi relèveraient non pas de la Loi sur le droit d’auteur, mais du droit de propriété ou du droit civil qui sont du ressort des provinces.
    Pour terminer mon discours, je voudrais énoncer 12 raisons pour lesquelles nos lois sur le droit d’auteur sont déjà suffisamment énergiques et n’ont pas besoin d’être renouvelées pour protéger les propriétaires de droits d’auteur.
     Premièrement, le Canada compte environ 36 collectifs de droit d’auteur dont un bon nombre ont reçu d’importantes subventions gouvernementales directes et indirectes. Les États-Unis n’en ont qu’une demi-douzaine et ils ne reçoivent pas d’aide du gouvernement. Les États-Unis nous demandent d’imposer cette loi alors que nous avons déjà une Loi sur le droit d’auteur plus énergique que la leur.
     Deuxièmement, le Canada a une Commission du droit d’auteur qui dispose normalement de quatre membres à plein temps, plus un juge en exercice ou à la retraite qui en est le président, ainsi qu’une douzaine d’employés professionnels et administratifs à plein temps. La commission a d’énormes pouvoirs en matière d’élaboration de politiques et de lois. À notre connaissance, aucun autre pays n’a ce genre de tribunal du droit d’auteur, à la fois important, permanent, puissant et à plein temps.
     Troisièmement, les radiodiffuseurs paient des redevances beaucoup plus importants que leurs homologues des États-Unis, par exemple en ce qui concerne le droit éphémère. Les États-Unis prévoient une exemption pure et simple du droit éphémère à l’article 17 U.S.C.112.
    Un regroupement formé d'une majorité de maisons de disque à dominance américaine exige environ 50 millions de dollars par année de plus pour ce droit, en plus des montants que reçoivent déjà les compositeurs, les auteurs et les maisons d'édition. En décembre 2008 et janvier 2009, la Commission du droit d'auteur du Canada a entendu une cause importante à propos de la radio commerciale, qui portait notamment sur cette question. La Commission prendra probablement de 18 à 24 mois après les auditions pour rendre sa décision, si on se fie au temps requis pour certaines de ses décisions récentes.
(1235)
    Quatrièmement, la Commission du droit d'auteur du Canada évalue séparément chacun des droits prévus par la Loi sur le droit d'auteur qui sont soumis à son examen. Elle ne tient pas compte de la multiplication des tarifs qui découlent d'une seule transaction. On pourrait se demander, à juste titre, si cette façon de faire résulte d'une approche inefficace de la part de la commission, d'une politique inefficace ou d'une mauvaise rédaction des lois. Quoi qu'il en soit, le système législatif des États-Unis met tout en oeuvre pour éviter ce genre de résultat, comme l'ont confirmé des décisions récentes des tribunaux.
    Cinquièmement, les professeurs du Canada paient beaucoup plus cher pour obtenir une exemption du droit d'auteur que leurs homonymes américains. Aux États-Unis, il n'existe aucun mécanisme semblable à l'énorme coût de 5,16 $ par élève du primaire et du secondaire ou aux énormes frais par étudiant ou par ensemble de documents qu'il faut payer pour couvrir les droits d'auteurs dans les établissements postsecondaires. Le Québec a un système semblable. La Commission du droit d'auteur du Canada a réévalué ce qu'elle considère comme un traitement équitable à l'égard du milieu scolaire en fonction de ce que la Cour suprême du Canada semble exiger et de ce que la loi américaine autorise clairement. La décision controversée rendue par la Commission du droit d'auteur est actuellement soumise à un examen judiciaire.
    Sixièmement, l'entreprise Access Copyright tente d'obtenir 24 $ par année pour chaque employé à temps plein que comptent les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada, sauf celui du Québec. On parle ici d'une facture potentielle de 6,5 millions de dollars que devraient assumer les contribuables canadiens, ce qui me semble tout à fait absurde à la lumière de l'arrêt de la Cour suprême du Canada CCH Canadienne Ltée. c. Barreau du Haut-Canada, car dans la quasi-totalité des cas, pour ne pas dire tous, la copie de matériel protégé serait vraisemblablement faite à des fins de recherche. Quoi qu'il en soit, la Commission du droit d'auteur risque d'être saisie de procédures extrêmement coûteuses, lesquelles risquent fort, après s'être étirées en longueur, de se retrouver devant les tribunaux. Même si la commission, contrairement à ses habitudes, faisait en sorte d'accélérer les procédures, ces dernières pourraient s'étendre sur plusieurs années.
    Pareil tarif, ou mécanisme, ne pourrait jamais voir le jour aux États-Unis, notamment parce que l'immunité des États souverains est reconnue depuis longtemps par la Cour suprême des États-Unis. Le principe de l'immunité des provinces existe peut-être au Canada, mais personne ne sait trop dans quelle mesure il pourrait être invoqué. D'une manière ou d'une autre, ce tarif nouveau genre que cherche à imposer Access Copyright n'a pas d'équivalent aux États-Unis, ce qui me fait dire une fois de plus que les titulaires de droits d'auteur américains sont probablement mieux traités ici qu'ils ne le sont chez eux.
    Septièmement, les lois canadiennes prévoient qu'un paiement doit nécessairement se rattacher à certaines formes d'usages pédagogiques, alors qu'un tel usage, comme la diffusion de films en classe, est précisément exempté au Sud de la frontière.
    Huitièmement, il n'y a pas, dans les lois du Canada, de disposition qui exempte clairement la prestation d'oeuvres musicales servant à mousser la vente d'enregistrements sonores ou d'équipement audiovisuel, comme le fait le paragraphe 110(7) de la loi américaine sur le droit d'auteur.
    Neuvièmement, les Canadiens paient déjà des sommes considérables à la SOCAN et à la Société de gestion de la musique pour les prestations qui ont lieu dans les bars, restaurants, magasins et autres établissements commerciaux de petite taille. Or, les États-Unis exemptent aussi ces établissements de l'application de la loi, même si, ce faisant, ils continuent d'enfreindre la décision rendue par l'OMC concernant l'application de l'article 110. Les États-Unis sont, et de loin, les plus grands auteurs de violations du droit international sur le droit d'auteur.
    Je pourrais citer de nombreux autres exemples que j'ai trouvés en ligne, dans un blogue. Même si je viens d'expliquer à la Chambre ce qui amène l'auteur de ce blogue à conclure que nos lois sur le droit d'auteur sont déjà plus rigoureuses que celles des États-Unis, les multinationales font encore pression sur nous pour que nous imposions cette nouvelle mesure législative aux Canadiens, alors que nos lois en la matière sont déjà amplement suffisantes.
    Voilà qui conclut mon intervention.
(1240)
    Monsieur le Président, j'aimerais remercier le nouveau député de son discours. Pour faire une petite leçon d'histoire, c'est la quatrième fois que nous examinons un projet de loi sur le droit d'auteur. La dernière fois, nous avons eu 39 heures de témoignages en comité pendant lesquelles le député du NPD qui y siégeait n'a eu de cesse de réclamer une taxe sur les iPod.
    En 2007, la Commission du droit d'auteur a publié un message de la Société canadienne de perception de la copie privée au sujet des redevances qu'elle proposait de percevoir à partir du 1er janvier 2008. La proposition comportait divers taux, dont un de 75 $ pour les enregistreurs ayant une mémoire de plus de 30 gigaoctets. C'est de là que vient la taxe de 75 $ sur les iPod dont on parle souvent.
    Au printemps de 2010, le Comité du patrimoine, où l'opposition était majoritaire, a adopté un rapport visant à étendre la définition d'appareil d'enregistrement audio aux appareils ayant une mémoire interne afin que les redevances pour la copie privée s'appliquent également aux enregistreurs audionumériques. Le 14 avril de l'an dernier, nous avons eu un vote à la Chambre sur cette motion. Tous les députés néo-démocrates, libéraux et bloquistes ont voté pour, et tous les députés conservateurs ont voté contre.
    J'aimerais savoir ce que le député pense clairement de la taxe de 75 $ sur les iPod proposée par la Commission du droit d'auteur et qui a reçu l'appui des députés de l'opposition.
    Monsieur le Président, comme le député l'a dit, étant donné que je n'étais pas là à l'époque, je ne suis pas au courant de tout ce qui s'est fait en comité. Toutefois, d'autres députés m'ont fait savoir que le président conservateur du comité était en faveur du projet de loi. Je ne peux pas vous donner les détails car je ne les connais pas.
    Monsieur le Président, il n'est pas étonnant que le secrétaire parlementaire tente de redonner vie à un vieux mythe entourant une taxe sur les iPod. Nous avons en fait proposé que la Commission du droit d'auteur fixe un taux qui serait satisfaisant pour l'artiste et juste pour le consommateur, et qu'une évaluation indépendante soit réalisée. Nous savons que les conservateurs s'en inquiètent. Nous avons vu ce qu'ils ont fait avec d'autres fonctionnaires nommés dans différents ministères. Toutefois, il n'y avait certainement pas de taxe de 75 $. Le secrétaire parlementaire le sait fort bien.
    C'est regrettable parce qu'on essaie de tenir un bon débat sur le sujet aujourd'hui et on y participe. Je sais que le secrétaire parlementaire a été exclu de certains des fâcheux événements qui sont survenus à la Chambre, mais nous nous sommes efforcés de parvenir à des compromis.
    Je répète qu'il n'a jamais été question d'une taxe de 75 $.
    Monsieur le Président, je tiens à remercier mes collègues d'avoir tracé en partie l'historique de la question. Comme je l'ai dit, étant donné que je ne siégeais pas à la Chambre, je n'étais pas au courant de tous les détails. Je n'ai pas examiné le projet de loi en profondeur. Je remercie les deux députés de m'en avoir fourni l'historique.
(1245)

[Français]

    Monsieur le Président, l'honorable député a parlé de Steve Jobs. On pourrait aussi parler de Facebook. Ce qui a fait la popularité de Facebook, c'est son accès démocratique, gratuit et sans verrou. S'il n'y avait pas d'utilisateurs, il n'y aurait pas d'industrie mettant des produits sur le marché. Je prédis une mort certaine de l'industrie culturelle si on met des verrous. Il y a une limite à ce que nos familles sont capables de payer. On paie déjà pour l'Internet, la téléphonie, l'autoroute de l'information, la télévision et pour tout ce qu'on peut télécharger à notre choix, que ce soit pour la vente ou l'achat de produits culturels.
    Le député croit-il qu'une utilisation avec verrou sera dommageable à l'industrie culturelle et à son utilisation par la population?
    Monsieur le Président, cela nuira à la participation des gens à la culture. Ma collègue a dit que quand on met des cadenas technologiques, il faut en acheter de nouveaux chaque fois que la technologie change. En 1989, j'ai acheté un disque de Bob Dylan et dans les années 1990, j'ai dû acheter le même album en format cassette, puis en format CD. Acheter quelque chose trois fois et ne jamais en être propriétaire nuit à la participation culturelle.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je remercie le député de Windsor-Ouest de son intervention à propos de la taxe sur les iPod. Selon lui, la Commission du droit d'auteur devrait pouvoir fixer le taux. Je précise que, durant le débat, alors que le NPD réclamait sans relâche une taxe sur les dispositifs enregistreurs, y compris les iPod, qui pourrait éventuellement s'appliquer à d'autres choses, en 2008, la Société canadienne de perception de la copie privée, organisme responsable dans le domaine, a présenté une proposition. Cette dernière se trouve dans la Gazette du Canada et porte que:
[...] la Commission du droit d'auteur publie le projet de tarif que la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) a déposé auprès d'elle le 31 janvier 2007, relativement aux redevances qu'elle propose de percevoir à compter du 1er janvier 2008 sur la vente, au Canada, de supports audio vierges.
    Dans la partie sur les redevances, on peut lire:
    Sous réserve du paragraphe (2), le taux de la redevance est de [...]
e) pour les enregistreurs audionumériques, 5 $ par enregistreur d'au plus 1 Gigaoctet (Go) de mémoire, 25 $ par enregistreur de plus de 1 Go et d'au plus 10 Go de mémoire, 50 $ par enregistreur de plus de 10 Go et d'au plus 30 Go de mémoire, et 75 $ par enregistreur de plus de 30 Go de mémoire.
    Voilà qui couvre la plupart des iPod que les gens achètent aujourd'hui.
    Le député de Windsor-Ouest a dit que la Commission du droit d'auteur devrait pouvoir fixer les redevances imposées. Durant la majeure partie du débat, la Société canadienne de perception de la copie privée avait déjà proposé la tarification que je viens de citer.
    J'aimerais savoir si le député est d'accord avec le député de Windsor-Ouest pour dire que c'est ainsi qu'on devrait gérer la taxe sur les iPod.
    Monsieur le Président, plutôt que de participer à un débat parallèle, j'aimerais parler de ce que j'ai abordé dans mon discours. Je n'ai pas parlé de taxe. J'aimerais simplement faire remarquer aux députés d'en face que la législation en matière de droit d'auteur qui est actuellement en vigueur au Canada est plus solide que celle qui existe aux États-Unis. Je crains que ce projet de loi nuise à l'innovation au Canada. Au lieu de tenir un débat parallèle, je préférerais discuter des questions que j'ai mentionnées dans mon discours.
(1250)
    Monsieur le Président, on dirait que, de l'autre côté, personne ne souhaite participer au débat. Par conséquent, je vais poser une autre question.
    Le député a dit qu'il n'avait pas parlé de taxe dans son discours. Le député de Timmins—Baie James faisait partie du comité lorsqu'il a entendu des témoins pendant 39 heures. Le député de Timmins—Baie James a continuellement plaidé en faveur de l'imposition d'une taxe sur les iPod. On peut appeler cela une redevance ou qualifier la taxe autrement, mais toujours est-il qu'il s'en est fait le défenseur. J'aimerais savoir s'il est d'accord avec le député de Timmins—Baie James, qui sera probablement encore le porte-parole principal de son parti en la matière.
    Monsieur le Président, il faudrait que je discute de cette question avec le député de Timmins—Baie James avant de pouvoir formuler des commentaires éclairés à ce sujet. J'ai bien hâte de parler avec le député et d'obtenir de l'information sur cette question.
    Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi C-11. Le droit d'auteur est une question très importante. Les néo-démocrates ont déjà parlé de la nécessité d'une stratégie numérique globale, mais je m'attarderai aux détails d'une telle stratégie.
    Il est intéressant d'entendre les conservateurs rappeler la position de l'ancien député libéral John Manley et en faire le point de référence. Je n'ai rien contre John Manley. J'ai été député en même temps que lui. Il était franc lorsqu'on discutait avec lui. Il est intéressant de voir les avis dont tiennent compte les conservateurs, car John Manley voulait déréglementer les banques canadiennes pour qu'elles fonctionnent comme les banques américaines. Le gouvernement conservateur fait souvent valoir que notre système financier est très solide actuellement parce que nous n'avons pas fait comme les États-Unis.
    J'étais député lorsque les conservateurs ont voulu, avec John Manley, changer les banques canadiennes pour qu'elles soient davantage comme les banques américaines. Ces questions ont fait l'objet de débats à la Chambre des communes. Je remercie d'ailleurs le Bloc québécois. Les bloquistes, tout comme les néo-démocrates, se sont opposés vigoureusement à une telle proposition. Nous avons ainsi pu la rejeter. Judy Wasylycia-Leis était la principale députée néo-démocrate à s'y opposer. Nous avons fait des contre-propositions à John Manley qui ont été perçues comme de gauche et socialistes et jugées hostiles et insensées. Après plusieurs mois de pressions, nous avons finalement pu rejeter les propositions de John Manley et des conservateurs qui cherchaient à l'époque à déréglementer les banques pour qu'elles fonctionnent davantage comme les banques américaines. Voilà l'argument utilisé à l'époque.
    C'est très important de...
    Le député de Bourassa invoque le Règlement.

[Français]

    Monsieur le Président, quand on parle d'un projet de loi, on doit tenir compte d'un concept qui s'appelle la pertinence. Tout d'abord, je pense que ce n'est pas pertinent, et deuxièmement, si on a sauvé le Canada de la récession, c'est parce qu'on avait un premier ministre extraordinaire, Jean Chrétien, qui a empêché la fusion des banques.
     Qu'on parle donc du sujet, s'il vous plaît!

[Traduction]

    Il est entendu que les députés doivent tenir des propos qui se rapportent à la question dont nous sommes saisis. Je suis certain que le député allait en venir au sujet.
    Le député de Windsor-Ouest a la parole.
    Monsieur le Président, j’y arrivais. Quant à l'histoire au sujet de John Manley, elle montre bien le genre de luttes intestines typiques des libéraux, opposant les partisans de Jean Chrétien à ceux de Paul Martin. Toutefois, il est clair que ces propos ont été cités pour prouver la justesse de la mesure législative.
    J’allais soulever d’autres préoccupations qui ont été exprimées par des tiers au cours du débat et que les Canadiens devraient entendre. L’une d’elles vient de Michael Geist, chroniqueur réputé dans le domaine des technologies. Il aurait dit du projet de loi C-11 qu’essentiellement, selon ce nouveau projet de loi, chaque fois qu’un verrou numérique est utilisé, que ce soit pour des livres, des films, de la musique ou des dispositifs électroniques, tous les droits sont brimés. Il a également dit:
    Cela signifie que tant les droits d’utilisation équitable existants que les nouveaux droits en vertu du projet de loi [C-11] cesseront d’être respectés dès lors que le détenteur des droits placera un verrou numérique sur le contenu ou le dispositif.
     Nous avons de la difficulté à accepter le concept du verrou numérique et nous croyons que des témoignages de ce genre remettent les choses dans une plus juste perspective puisqu’ils ne viennent pas uniquement d’utilisateurs. Plus tard, je citerai aussi les propos d’artistes.
     J’ai des déclarations provenant des industries culturelles, qui représentent plus de 80 organismes voués à la culture et aux arts au Québec et au Canada. Selon ces industries, le projet de loi nuirait à l’économie numérique, il rendrait l’ensemble de la loi inefficace et il nuirait aux artistes.
    La Writers Guild of Canada a une approche différente à l'égard du projet de loi. Elle estime que la question et le projet de loi sont complexes. Elle dit ceci:
    Les verrous numériques ne sont pas une mesure progressiste et ils ne servent l'intérêt ni des consommateurs ni des créateurs. Au mieux, ils gèleront simplement les sources de revenu actuelles des créateurs.
    D'autres experts dans le domaine, notamment la Clinique d'intérêt public et de politique d'internet du Canada Samuelson-Glushko, se sont prononcés sur la question. Voici ce que cet organisme a dit au sujet des verrous numériques:
    Globalement, ces dispositions sur les verrous numériques sont parmi les plus restrictives au monde.
    Pour atteindre un juste équilibre entre les utilisateurs et les propriétaires de droits d'auteurs, le gouvernement doit modifier les dispositions sur les verrous numériques avant que ce projet de loi ne soit adopté.
    Voilà un autre exemple invalidant la pertinence du cas extrême concernant M. Manley et ses intérêts personnels qui sont mis en cause.
    La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou la SOCAN, a dit ceci:
    Sans cet équilibre, les contenus créatifs deviendront éventuellement moins abondants parce que les créateurs canadiens ne pourront plus vivre de leurs oeuvres.
    À l'heure actuelle, le revenu moyen d'un créateur ou artiste canadien se chiffre approximativement à 12 000 $ par année. C'est insuffisant et le projet de loi leur enlèvera carrément une partie de ces revenus. Il s'agit d'une question fort importante pour les artistes parce que, dans la conjoncture économique actuelle, leur situation n'est certes pas facile. Par surcroît, au Canada, les créateurs et les artistes n'ont jamais constitué le segment de la population active le mieux payé en dépit du fait que l'industrie du spectacle génère des milliards de dollars de recettes qui, si je ne m'abuse, ont une incidence globale d'environ 7 p. 100 sur le PIB.
    M. Howard Knopf, avocat spécialiste du droit d'auteur, a dit ceci:
    Les dispositions concernant les mesures de protection technologiques, notamment les verrous numériques, continuent de diviser les Canadiens et sont loin de faire consensus. [Elles] sont plus sévères que ne l'exigent les traités de l'OMPI et plus sévères que nécessaire...
    Pourquoi le projet de loi semble-t-il aller trop loin en ce qui concerne les verrous numériques?
    La pression exercée par les États-Unis peut avoir une influence sur la question. Il était intéressant de voir l'ancien ministre de l'Industrie suggérer que nous devrions en fait informer les États-Unis, par anticipation et de façon officieuse, du contenu de notre projet de loi. Ce qui est intriguant ici c'est que plutôt que de communiquer le contenu de cette mesures aux Canadiens, qu'il a représentés à titre de ministre, M. Manley préférerait informer à l'avance les Américains du contenu du projet de loi pour ni plus ni moins connaître leur opinion ou avoir leur bénédiction.
    Par la suite, l'adjoint ministériel de l'ancien ministre, le député de Parry Sound—Muskoka, a proposé que le Canada figure sur la liste de surveillance du piratage des États-Unis. Cela m'a aussi semblé curieux car j'ai collaboré avec le député d'Edmonton—Leduc pour améliorer les instances internationales du Canada au sujet du piratage à l'occasion de différentes visites que j'ai faites depuis 2002 avec l'Association parlementaire canado-américaine, un groupe bipartite. Nous avons rencontré des membres du Congrès et des sénateurs américains. Nous avons assisté à des réunions bilatérales. Nous avons participé à différentes conférences un peu partout aux États-Unis pour rencontrer des gouverneurs et des législateurs oeuvrant dans divers États et à l'échelle nationale.
(1255)
    On entend souvent dire que l'industrie cinématographique d'Hollywood était mécontente du fait que des films présentés au Canada pouvaient être enregistrés dans nos studios ou dans nos cinémas. C'était vrai. C'était une zone grise de la loi, et l'enregistrement et la distribution de films piratés posaient un problème qui a été monté en épingle dans tout le système américain et qui a entaché notre réputation à bien des égards. Pour être juste, il existait une preuve abondante selon laquelle dans certains cinémas à Montréal et ailleurs, on piratait des films. Ces versions piratées étaient vendues dans les rues de New York et ailleurs aussi facilement qu'au Canada, mais c'est devenu un problème.
    Je suis au courant de l'excellent travail effectué par le député d'Edmonton—Leduc en tant que représentant canadien. Nous avons pu travailler en groupe et apporter, ici au Canada, des changements législatifs pour éliminer ce problème. Des efforts considérables ont été consentis pour réhabiliter la réputation que le Canada avait à cette époque aux États-Unis. En conséquence, j'ai du mal à comprendre pourquoi l'ancien ministre au deuxième degré laisse entendre que nous transmettrions une copie aux États-Unis, et que l'adjoint du ministre précédent, le député de Muskoka, voudrait que le Canada figure sur la liste de surveillance du piratage des États-Unis.
    Le député de Timmins—Baie James a évoqué certains des pays qui figurent sur cette liste. Ce ne sont pas des pays comme le Canada. Lorsque nous travaillons fort ensemble dans des dossiers concernant nos relations internationales et nos partenaires commerciaux, pourquoi voudrions-nous être assujettis à ce genre de comportement? Cela montre que le gouvernement va céder sous la pression, comme il l'a fait en maintes autres occasions dans le contexte des relations canado-américaines, ce qui a par la suite été coûteux pour les Canadiens.
    Le problème des verrous numériques pourrait s'avérer coûteux pour les Canadiens, et c'est pourquoi nous croyons qu'il est important d'avoir une stratégie numérique. Je vais vous parler de la stratégie numérique parce que cela nous touche tous.
    Les appareils dont nous nous servons aujourd'hui sont le fruit de changements spectaculaires et ils vont continuer de changer à l'avenir. Et le problème ne tient pas seulement aux appareils et à la façon dont on les utilise, mais aussi au transfert du contenu d'un appareil à un autre et aux nombreux usages qu'on en fait.
    J'ai un PlayStation Sony. Lorsque je télécharge une chanson, je peux la transférer sur mon PS3, mais c'est une autre paire de manches pour ce qui est de mon Playbook. Lorsque j'achète une chanson en particulier, j'estime que je devrais avoir le droit de la transférer sur ces deux appareils. Par conséquent, c'est aussi la mécanique du transfert du contenu qui est en jeu.
    On parle souvent de la neutralité d'Internet. Il faut que le Canada prenne le temps de définir cette notion. C'est important non seulement pour les consommateurs et l'usage qu'ils font de divers appareils de divertissement et autres, mais aussi pour les entreprises, surtout les petites. Nous avons entendu dans le passé des témoignages sur cette neutralité du réseau et sur les problèmes de ralentissement de la circulation de l'information qui limitent la possibilité pour certaines petites entreprises de faire de la diffusion en flux, d'avoir accès à cette diffusion et d'en profiter. Pour nous, la neutralité de l'Internet est importante aussi bien pour les consommateurs que pour les entreprises.
    Nous voulons une stratégie nationale de connexion Internet à large bande. C'est très important. On a vu bien souvent des entreprises se concentrer sur des secteurs de développement bien précis, par exemple les grandes zones urbaines où les investissements sont plus rentables que dans les banlieues et dans les campagnes. Nous estimons qu'il faudrait que ça soit la même chose que pour notre réseau routier et les autres infrastructures du Canada qui relient les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, et que nous devrions pouvoir communiquer de cette façon.
    Voilà pourquoi CBC/Radio-Canada est aussi importante et pourquoi nous y croyons si fermement. À Windsor, où nous sommes inondés de contenu et de matériel en provenance des États-Unis, cela fait du bien d'entendre parler de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Yukon ou de la Colombie-Britannique grâce à un réseau national qui est important pour la préservation de notre identité nationale.
    Nous parlons aussi d'avoir une stratégie sur la vente aux enchères du spectre. À la suite de la dernière vente de ce genre, le gouvernement s'est retrouvé devant les tribunaux. C'est un actif important. Le genre de spectre que nous pouvons avoir est important et il peut nous donner un avantage considérable pour la construction de notre infrastructure nationale. Il faut cependant bien voir d'où proviendront les ressources. La dernière fois, les fonds issus de cette vente ont été versés au Trésor. Il faut que nous ayons une stratégie nationale pour en profiter et que nous saisissions cette occasion de renforcer la situation de notre large bande et de notre société en général. Les États-Unis ont à peu près deux ans d'avance sur nous à cet égard. C'est important.
(1300)
    Nous ne savons pas quand le gouvernement procédera à la vente aux enchères du spectre ni dans quelles conditions finales. C'est crucial, car les entreprises ne veulent pas prendre des décisions parce qu'elles ne savent pas comment on utilisera ou on mettra en oeuvre les différentes composantes de recherche, de technologie, de communication, etc. Nous ne savons pas exactement quelle sera la prochaine étape et nous avons un retard à rattraper sur les États-Unis. Et à cause de ce retard considérable sur les États-Unis, on n'a pas les mêmes possibilités d'investir parce que c'est un élément qui entre en compte dans la prise de décision.
    C'est comme pour l'infrastructure matérielle. Dans ma région, on est finalement en train de travailler à la mise en place d'un nouveau poste frontalier. Si la loi pertinente est adoptée au Michigan, nous pourrons prendre de meilleures décisions d'investissement au Canada. Une fois que tout cela sera concrétisé et que cette infrastructure sera en place, on pourra enfin se fonder sur quelque chose de prévisible.
    Il faut aussi s'occuper du commerce électronique. Au Comité de l'industrie, nous avons entendu des témoignages sur ce commerce au Canada. Actuellement, c'est n'importe quoi. L'autre jour, un témoin nous a dit que le Canada avait un énorme retard en matière de commerce électronique et que cela nous désavantageait. Quelqu'un nous a aussi dit que nous n'avions pas le même traitement que les États-Unis et que les entreprises canadiennes payaient des frais et des droits plus élevés. Il faut se pencher sur tout cela.
     Ce sont les éléments dont nous disposons pour envisager la nouvelle ère, car les choses que nous avons aujourd’hui seront très différentes demain.
     Pour revenir au projet de loi C-11, nous souhaitons qu’il soit renvoyé au comité pour que nous puissions entendre plus de témoignages. Nous espérons aussi que le gouvernement examinera un certain nombre de choses.
    Je voudrais aborder quelques points que je juge importants.
     Le projet de loi prévoit un examen quinquennal. J'ai déjà proposé des amendements à d’autres projets de loi, dont certains ont été adoptés par la Chambre, pour prescrire un examen triennal. La technologie évolue très rapidement et les artistes en subissent les conséquences. J'ai entendu différents témoignages de commerçants aussi bien que d'artistes, selon lesquels il y aura une baisse du contenu canadien et de la rémunération des artistes eux-mêmes. Nous ne devrions donc pas les laisser en plan pendant cinq ans. Il faudrait songer à un examen triennal.
     L’un des facteurs qui revêtent une grande importance en ce qui concerne cet examen — et je suis sûr que cette question fera l’objet de discussions —, c’est de voir si le projet de loi, une fois adopté et mis en vigueur, se prêtera vraiment à une bonne analyse après cinq ans. Il serait nécessaire de faire des recherches à cet égard, mais j’aimerais bien que le projet de loi prévoie un examen triennal, ou, si l'examen quinquennal est maintenu, qu'il y ait d’autres mesures pour les artistes. Nous avons entendu suffisamment de témoignages pour savoir qu’il y a des problèmes.
     Je voudrais aussi aborder brièvement la question du téléenseignement. On en parle le plus souvent dans le contexte rural, mais il ne faut pas oublier que le téléenseignement existe aussi dans les villes parce que les gens s’intéressent à des diplômes précis, à des renseignements déterminés ou à une formation particulière. Cela est important car nous avons entendu dire que, dans une société concurrentielle comme la nôtre, l’éducation doit s’améliorer.
     J’ai aussi des doutes au sujet du délai de 30 jours accordé pour détruire le matériel ou pour organiser un autodafé de livres, comme cela s’est fait dans le passé. Je ne comprends pas. Si on achète un produit, on en a la propriété.
     Je me souviens du temps où, à l’université, nous cherchions à vendre nos livres parce que la nouvelle édition avait paru et qu’elle était un peu différente. C’est un point important à signaler parce que je crois qu’il y a là de l’excès. Chaque année, les manuels ayant changé un tout petit peu, on nous obligeait à acheter la nouvelle édition. Je m’en souviens encore très bien: les changements étaient vraiment minimes, mais on nous imposait quand même d’acheter la nouvelle édition.
     Je ne comprends pas pourquoi il faut imposer aux gens de perdre le matériel de cours et de formation qu’ils ont payé de leur poche sur la base d’un cycle de 30 jours. C’est très important. Je connais toutes sortes de professionnels, médecins et autres, qui consultent régulièrement les documents qui ont servi à leur formation.
     Je le fais moi-même dans le cadre de mes recherches à la Chambre des communes. Si je fais faire un travail quelconque par la Bibliothèque du Parlement, il m’arrive souvent d’y revenir un certain nombre de fois à différents moments. Je ne vois pas l’avantage qu’il peut y avoir à interdire à une personne qui a suivi un cours donné à distance par un collège de revoir ses textes au moment et de la manière qui lui convient.
(1305)
    Nous pourrions certainement pousser plus loin nos recherches afin de savoir ce qu'il en est très précisément, de connaître la forme que prendront les définitions et de déterminer qui devra assurer le contrôle de tout ça. Ce sera intéressant d'entendre ce que les témoins auront à nous dire.
    Je dois admettre que je suis plutôt impatient de le savoir, car je me souviens de certaines occasions — je crois que nous parlions alors de fibromyalgie ou d'autres types de limitations fonctionnelles — où les personnes concernées n'ont pas eu droit au soutien et aux outils dont elles auraient eu besoin, sous prétexte que leur limitation n'était pas aussi apparente qu'elle ne le devrait ou n'avait pas été clairement établie ou parce qu'on leur a demandé de payer un certain montant pour obtenir un billet de leur médecin ou d'autres types de documents d'aide à l'apprentissage. Je dois dire que ça m'inquiète quelque peu.
    Je terminerai avec l'importante question des redevances. En fait, pour les artistes, les redevances constituent l'équivalent d'un fonds de stabilisation. Disons qu'au fil des ans, autant les types de documents et d'oeuvres que les modes de rémunération ont pu évoluer. Nous vivons dans un monde nouveau, dans une ère nouvelle, et c'est pour cette raison que nous n'en sommes pas à la première mouture de ce projet de loi. Or, cette question a toujours créé des problèmes, car nous voulons bien évidemment trouver le juste équilibre entre, d'une part, les consommateurs et, d'autre part, les artistes, qui doivent bien être rémunérés d'une quelconque façon. Ce n'est pas évident, car nous voudrions tous tout avoir, mais sans payer. Or, ce ne serait pas juste pour ceux et celles qui ont mis de leur temps, de leur énergie et de leur argent dans la création de leur oeuvre.
    Hélas, ce n'est pas en leur coupant les vivres que nous atteindrons l'équilibre tant recherché. Il nous faut une solution acceptable. Comme je le disais, au Canada, le revenu annuel moyen des artistes se situe à environ 12 000 $. C'est loin d'être assez pour vivre de nos jours. Nous devons penser « compétitivité ».
    Il n'y a rien d'exceptionnel au fait que nous entretenions d'excellentes relations avec les États-Unis. Moi-même, je m'y rends très souvent. Cela ne nous empêche pas pour autant d'être extrêmement fiers de notre contenu canadien et de notre identité canadienne, deux éléments qui sont non seulement reconnus par les États-Unis, mais valorisés. Nous nous infiltrons dans le contenu américain grâce aux artistes — hommes et femmes — du Canada.
(1310)
    Monsieur le Président, dans un esprit de coopération et de collégialité, j'ai, moi aussi, beaucoup d'estime pour le député conservateur d'Edmonton—Leduc, qui préside le Comité des finances. Je sais que le député a eu l'occasion de siéger avec lui au Comité de l'industrie. J'ai également aimé travailler avec le député de Windsor-Ouest au Comité de l'industrie.
    En ce qui concerne les questions soulevées par le député, je crois qu'il confond quelques-unes d'entre elles. D'une part, il parle des personnes atteintes de troubles de la perception et des verrous numériques. Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, on a prévu une exception pour autoriser le bris de verrous numériques afin de permettre aux personnes atteintes de troubles de la perception d'utiliser des oeuvres protégées par le droit d'auteur, conformément aux autres dispositions de la loi.
    D'autre part, le député parle de l'éducation à distance, et certains députés ont évoqué l'obligation de brûler le matériel et d'autres questions analogues. Relativement à l'éducation à distance, l'idée est de faire en sorte que ce qui se fait en classe — c'est-à-dire des choses spontanées ou peut-être des présentations ou des chansons — soit également disponible dans le contexte de l'éducation à distance ou sous forme numérique.
    Quelqu'un pourrait diffuser à partir d'un fichier balado la présentation du matériel ou l'exécution d'une chanson en classe. Ce que nous disons, c'est que cette copie ne peut être conservée indéfiniment. Une fois que l'étudiant à distance l'aura visionnée, il devra le détruire. Aux termes de la loi, l'étudiant qui va en classe n'aurait pas, lui non plus, le droit de copier le matériel. Le but, c'est d'assurer une certaine cohérence pour les besoins de l'éducation à distance.
    Monsieur le Président, je n'ai pas parlé de présentation visuelle. Je crois que c'est le député d'Halifax qui en a parlé plus tôt.
    Je pensais surtout au travail que j'ai déjà accompli auprès de personnes atteintes de déficiences sur le plan du développement ou de l'apprentissage. Il m'a fallu consacrer plus de temps ou encore utiliser des stratégies particulières pour que ces personnes apprennent ce que je voulais leur enseigner. Il arrive également que les collèges et les universités leur fournissent des outils d'aide à l'apprentissage.
    J'irais même jusqu'à dire que, à mon avis, les gens peuvent se rendre compte que les leçons de français que j'ai suivies à distance au début des années 1990 ne m'ont pas vraiment été utiles. J'ai essayé. Je sais que c'est dur à croire, mais j'essaie encore. J'ai pris des cours à distance. J'avais réussi le premier cours, mais maintenant, j'ai tout perdu ce que j'avais appris.
    Je m'inquiète surtout pour les personnes qui ont des difficultés d'apprentissage et qui ne peuvent plus consulter les documents qui les ont peut-être aidées la première fois et qu'en plus, ils ont payés. Je ne comprends pas pourquoi on encourage les Canadiens à faire quelque chose, pour ensuite leur enlever les outils qui pourraient les aider. Où est la logique? Ils s'investissent dans ces cours et ils évoluent, et le fait de pouvoir consulter à nouveau les outils fournis ne pourrait que les aider à l'avenir. Beaucoup de gens lisent un livre plus d'une fois.
    Monsieur le Président, pour en revenir à ce qu'a dit mon collègue conservateur au sujet du contournement des verrous numériques dans certains cas particuliers, il fait ici référence au paragraphe 41.16(2), qui traite du contournement des verrous numériques pour les personnes ayant une déficience perceptuelle. On mentionne toutefois qu'il faut que ces contournements « ne nuisent pas indûment au fonctionnement de la mesure technique de protection ». J'en déduis que cela annule tout droit de contournement.
    Les intervenants, par exemple le Provincial Resource Centre for the Visually Impaired, a déclaré ce qui suit à ce sujet:
    L'exclusion qui permet de contourner la mesure technique de protection (MTP) et les moyens de le faire pour produire un exemplaire sur un autre format... peuvent être annulés en bonne partie par [ce paragraphe]...
    Mon collègue pourrait peut-être aborder cette question et nous en dire un peu plus à propos du projet de loi et de l'équilibre qui n'est pas atteint selon lui.
(1315)
    Monsieur le Président, c'est un point qu'il est important de préciser parce que, encore une fois, cela pénalise la personne atteinte d'une déficience. Je ne comprends même pas la logique derrière cela. Lorsque j'étais au secondaire et que je ne réussissais pas très bien dans une matière, je devais suivre des cours d'été, et c'est ce que j'ai fait. Je n'étais pas obligé de le faire, puisque j'avais obtenu la note de passage, mais comme je voulais améliorer mes notes, je révisais toute la matière pendant l'été.
    Ainsi, si quelqu'un suit un cours en ligne et qu'il obtient la note B ou C, par exemple, il pourrait comme bien d'autres vouloir suivre le cours une deuxième fois lorsqu'il en aura le temps. Bon nombre de personnes qui suivent ces cours sont des mères seules ou des personnes qui ont un horaire chargé. Pourquoi ces personnes ne pourraient-elles pas suivre le cours une deuxième fois pour améliorer leurs connaissances puisqu'elles ont déjà payé le cours? Ces personnes ne demandent rien au fournisseur de service qui n'a pas besoin d'investir quoi que ce soit. Tout ce que font ces personnes, c'est de revoir le matériel pour améliorer leurs connaissances et leurs compétences dans l'économie canadienne.
     Je ne comprends pas la logique derrière cela, non plus que l'intérêt que nous pourrions avoir à le faire. C'est contre toute logique que l'on veut interdire aux gens de se perfectionner en utilisant une oeuvre disponible, que ce soit un livre ou du matériel d'apprentissage audio ou visuel.
    Monsieur le Président, je travaille avec mon collègue de Windsor dans ce dossier au Comité de l'industrie. Hier, au comité, nous avons justement soulevé la question des verrous numériques et de leurs répercussions sur le commerce électronique. Je crois que M. Geist en a lui aussi parlé lors de sa comparution devant le comité. Nous ne disons pas qu'il faille bannir toutes les lois sur le droit d'auteur; nous disons qu'il faut une réglementation qui soit équilibrée et équitable.
    Mon collègue pourrait-il nous dire quand, selon lui, les Canadiens obtiendront finalement une mesure législative sur le droit d'auteur qui leur convient comme consommateurs et qui traite également des verrous numériques?
    Monsieur le Président, je remercie le député de Sudbury des efforts qu'il a déployés en exerçant des pressions concernant les verrous numériques sur les téléphones. Le député de Thunder Bay a joué un rôle actif en exerçant des pressions sur les Canadiens à cet égard.
    En tant que consommateurs, depuis des années nous accusons des retards évidents. Ici, sur la Colline, lorsque nous assistions à une réception afin de souligner un événement lié à un autre pays, des invités nous montraient leurs cellulaires avec de multiples cartes, tous achetés dans leur pays d'origine et déverrouillés depuis cinq à sept ans, tandis que nous avions encore des cellulaires munis de verrous.
    J'espère que nous pourrons tendre vers une approche plus équilibrée afin d'améliorer le projet de loi, de l'adopter et de moderniser la Loi sur le droit d'auteur afin de protéger les consommateurs et notre industrie culturelle. Les verrous numériques constituent une question épineuse.
    Monsieur le Président, je reviendrai sous peu à la discussion concernant l'éducation à distance. Il m'apparaît important de souligner que le député a parlé à plusieurs reprises de droits qui seraient retirés. Évidemment, c'est faux. Nous aurions plutôt des avantages additionnels. Ce projet de loi aurait pour effet de nous offrir des possibilités qui n'existent tout simplement pas à l'heure actuelle.
    Nous devons trouver le juste équilibre entre les créateurs et les utilisateurs de contenu. Nous pensons avoir trouvé le juste équilibre. Lorsqu'on examine ce qui s'est dit au comité jusqu'à maintenant, pendant les 39 heures de témoignages, on constate que les témoins parlent les uns après les autres de l'équilibre que nous avons su trouver avec ce projet de loi.
    Je voudrais vous lire une citation pour vous parler d'un angle un peu différent. Ce sont les mots de Caroline Czajko, présidente du Réseau anti-contrefaçon canadien:
    Nous nous réjouissons que le gouvernement soit déterminé à lutter sérieusement contre les atteintes à la propriété intellectuelle. Le piratage constitue un problème généralisé au Canada et a des répercussions économiques concrètes sur les recettes du gouvernement, les détaillants légitimes, les détenteurs de droits et les consommateurs. Il est extrêmement difficile pour les détaillants légitimes de faire concurrence à ceux qui, renonçant au respect de l'éthique, volent et font des copies illégales.
    J'aimerais entendre le point de vue du député à ce sujet.
    Monsieur le Président, la Writers Guild of Canada considère que les verrous numériques ne sont ni une solution d'avenir, ni une façon de défendre les intérêts des consommateurs et des créateurs. Au mieux, les verrous numériques maintiendront les sources de revenus actuelles pour les créateurs.
    L'équilibre n'a pas été atteint dans ce projet de loi. J'ai examiné les témoignages les uns après les autres pour répliquer au gouvernement lorsqu'il cite la personne qui voulait déréglementer nos banques, et je constate que nous n'avons toujours pas atteint l'équilibre.
    Nous voulons faire cesser le pillage qui se produit. Dans mon parti, nous sommes prêts à oeuvrer pour atteindre cet objectif. Nous avons essayé dans le passé. Le projet de loi est passablement différent. C'est la troisième mouture de cette stratégie. Le gouvernement n'avait pas raison avant et n'a toujours pas raison. Nous sommes disposés à chercher une solution.
    J'ai hâte d'entendre les témoignages devant le comité et de faire avancer ce dossier. J'ai hâte de collaborer avec ce député dans le dossier très important du commerce électronique dont s'occupe le Comité de l'industrie des Communes. Les consommateurs canadiens sont traités inéquitablement comparativement aux consommateurs étasuniens.
(1320)
    Monsieur le Président, je voudrais féliciter tous ceux qui sont intervenus à la Chambre pour parler de ce projet de loi jusqu'à maintenant. Nous avons beaucoup appris. Il s'agit d'un énorme projet de loi, très complexe. Il en est question depuis environ 12 ans et, comme notre collègue l'a signalé, nous recevons de nombreux courriels et toutes sortes de conseils et recommandations relativement à ce projet de loi. En 12 heures, j'ai reçu 2 200 courriels à ce sujet. Un grand nombre de ces courriels étaient adressés aux ministres compétents, les ministres du Patrimoine et de l'Industrie et j'en ai reçu une copie à titre de porte-parole de mon parti en matière de patrimoine. J'ai ainsi eu l'occasion de constater l'ampleur de la question. Les conséquences vont se faire sentir pendant pas mal de temps. Je veux remercier tous ceux qui ont écrit à notre parti ou qui m'ont écrit directement à propos de cette question et des dispositions du projet de loi.
    Je ne ferai pas un historique de la question, qui remonte à Gutenberg, mais je voudrais certainement parler des derniers développements dans le débat et de la façon dont nous avons abordé la question en commençant par les traités de l'OMPI, dont je vous entretiendrai dans un instant.
    Ces traités remontent à 1996 environ. En tant que signataires de ces traités, nous devons élaborer la bonne mesure législative pour parvenir à l'équilibre dont tout le monde parle. Il nous incombe dans l'opposition de nous assurer que cet équilibre est atteint et d'élever le niveau du débat à cette fin.
    Une grande partie du débat tourne autour des verrous numériques. Comme notre collègue de Timmins—Baie James l'a mentionné plus tôt, la suprématie des verrous électroniques est devenue une question très controversée. Je vais également parler de la création des oeuvres et de la protection des droits des artistes qui, selon nous, sont essentiels. En tant que porte-parole en matière de patrimoine, j'ai parlé à de nombreux artistes de cette question et de la façon dont ils veulent que leurs oeuvres soient protégées.
    Comme nous l'avons tous mentionné, dans le cas du droit d'auteur et de l'équilibre que nous recherchons, la ligne est mince entre la violation du droit d'auteur et le droit d'utiliser une oeuvre protégée à des fins personnelles seulement et non pour d'autres motifs, qu'il s'agisse d'utilisation commerciale ou non commerciale. C'est pourquoi nous sommes ici pour établir cet équilibre et élever le niveau du débat.
    Je vais maintenant donner un aperçu général de la question. J'aimerais également remercier la Bibliothèque du Parlement de nous fournir tous les renseignements pertinents sur ce qui était à l'époque le projet de loi C-32 et qui prend la forme maintenant du projet de loi C-11. Ce que je vais vous lire touche le projet de loi C-32, mais comme le gouvernement l'a signalé, il a présenté de nouveau le même projet de loi à la Chambre, sous la même forme, sans modifications.
    Le droit d’auteur est la formulation juridique des droits conférés aux créateurs au titre de leurs œuvres littéraires et artistiques. Le droit d’auteur est associé à une œuvre originale fixée dans une forme matérielle quelconque. Autrement dit, il protège l’expression d’une idée ou d’une création intellectuelle et non pas l’idée elle-même. Tel est l'équilibre qu'il faut atteindre, en ce sens que l'idée, la conception et le travail d'une personne doivent être protégés. Nous savons que la grande majorité des artistes et des auteurs ne sont pas toujours aussi bien rémunérés pour leur travail qu'ils le seraient dans d'autres secteurs.
    La Loi sur le droit d'auteur, dont nous discutons et que nous souhaitons modifier, précise le droit d'autoriser ou d'interdire certains usages d'une oeuvre et de toucher un dédommagement en conséquence. Il s'agit en l'occurrence d'établir un équilibre entre le droit des créateurs de se servir de leur matériel pour réaliser un profit ou pour faire valoir une idée, et le droit d'autres personnes de se servir de cette idée et de faire la promotion de leurs propres desseins.
    Il existe deux sortes de droits. Les artistes qui s'estiment être des créateurs ont le droit économique de tirer un avantage financier et de vivre de ce qu'ils font. Il y a aussi le droit moral lié à la protection de l'intégrité de leurs oeuvres originales.
(1325)
    Nous devons aussi examiner ces aspects lorsque nous discutons de droits éphémères, de verrous numériques, de mesures de protection technologiques ou d'accords internationaux. Nous devons aussi voir comment nous allons nous y prendre, parce qu'il faut tenir compte d'un autre facteur. En effet, même si nous pensons être saisis d'une mesure législative nationale, il s'agit en fait d'un concept international. C'est pour cette raison que les traités que nous ratifions sont assortis de mesures législatives. Un artiste peut avoir du matériel et s'en servir pour toucher un bénéfice, mais son matériel n'est pas utilisé uniquement au pays: il peut aussi l'être à l'étranger. Par conséquent, nous devons trouver des moyens de protéger les artistes et la façon dont ils souhaitent gagner leur vie.
    Dans la partie I de la Loi sur le droit d'auteur, les oeuvres littéraires sont définies comme étant les livres, brochures, poèmes et autres oeuvres écrites. Les oeuvres dramatiques sont les films, vidéos, DVD, pièces de théâtre, scénarios et scripts. Les oeuvres musicales sont les compositions constituées de paroles et de musique, ou de musique uniquement. Enfin, les oeuvres artistiques incluent les peintures, dessins, cartes géographiques, photographies, sculptures et oeuvres architecturales.
    La partie II de la Loi sur le droit d'auteur porte sur ce que nous appelons les « droits connexes », et plus précisément sur la protection de trois catégories d'oeuvres regroupées sous l'appellation « autre objet du droit d'auteur ». Sont ainsi visés les prestations d'artistes-interprètes, comme les acteurs, les musiciens, les danseurs et les chanteurs dont les oeuvres sont protégées par le droit d'auteur; les auteurs d'enregistrements sonores, comme les disques, les cassettes et les disques compacts, pour ceux qui se souviennent de cette époque, ainsi que les fichiers MP3 ou « dématérialisés », pour reprendre ce que je crois être les termes à la mode; et les radiodiffuseurs de signaux de communication. Les radiodiffuseurs ont aussi des droits d'auteur à l'égard de leurs signaux de communication.
    Voilà que nous touchons à l'intention même de la Loi sur le droit d'auteur, dont les origines remontent à plusieurs centaines d'années, à savoir protéger l'intégrité des oeuvres à des fins économiques et accorder aux artistes originaux le droit moral d'être liés à leurs oeuvres. La notion de protection est d'autant plus importante que la reproduction d'une oeuvre, comme les publications imprimées ou les enregistrements sonores, peut prendre de très nombreuses formes: diffusion dans le cadre de prestations, radiodiffusion ou autre moyen de communication au public; traduction dans d'autres langues; et adaptation, comme lorsqu'on fait un scénario à partir d'un roman. Ce ne sont que quelques exemples de ce que nous cherchons à protéger.
    Il faut aussi tenir compte de ce qui se trouve à la partie III de la Loi sur le droit d'auteur. C'est ici qu'entre en scène le concept d'utilisation équitable.
    La terminologie est quelque peu différente aux États-Unis, mais au Canada et dans le reste du monde, l'expression consacrée est « utilisation équitable ».
    Aux termes du projet de loi, les établissements d'enseignement sans but lucratif, les bibliothèques sans but lucratif, les musées, les services d'archives de même que les personnes ayant une déficience perceptuelle ou utilisant une oeuvre à des fins de parodie ou de satire sont réputés faire une utilisation équitable des oeuvres protégées, car ces dernières concourent alors à faire l'éducation des masses. Je pense entre autres aux musées et aux services d'archives, et bien entendu aux personnes handicapées.
    Plus tôt, nous parlions de la formation à distance qui pourrait être menacée. Certains passages du projet de loi pourraient gravement nuire aux citoyens qui suivent de la formation à distance. Disons que c'est un élément qui nous préoccupe beaucoup, au Parti libéral.
     Par le passé, il y a eu de profondes discussions sur les arrêts de la Cour suprême, notamment celui qui a été rendu dans l’affaire CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada. L’arrêt portait sur l’utilisation équitable dans le contexte où la question doit être abordée, soit l’utilisation équitable des œuvres protégées par droit d’auteur dans l’intérêt du grand public. Un processus en six étapes a découlé de cet arrêt. Il comprend environ six mesures différentes qui incluent notamment l’examen de cas particuliers au moyen d’un cadre d’analyse utile pour statuer sur le caractère équitable d’une utilisation dans des affaires ultérieures. Voici ces mesures: premièrement, le but de l’utilisation; deuxièmement, la nature de l’utilisation; troisièmement, l’ampleur de l’utilisation; quatrièmement, les solutions de rechange à l’utilisation; cinquièmement, la nature de l’œuvre; sixièmement, l’effet de l’utilisation sur la façon dont l’œuvre serait considérée sur le marché.
     Il existe un autre principe international portant sur le droit d’auteur. Il se trouve dans ce qu’on appelle la Convention de Berne. Il s’agit d’un processus en trois étapes qui est très important, car il est utilisé dans de nombreux contextes internationaux.
(1330)
     Pour ma part, j’estime que c’est très bien ainsi, car cette disposition donne au grand public, aux législateurs et aux tribunaux un point de repère pour juger de ce qui semble une utilisation équitable. La notion sert dans de nombreux contextes. Elle a été utilisée au Canada notamment, bien qu’on y en ait fait un processus en six étapes.
     Essentiellement, la Convention de Berne considère trois mesures: restriction aux cas personnels, absence de conflit avec l’attente normale à l’égard de l’œuvre et absence de préjudice déraisonnable aux intérêts légitimes de l’auteur.
     Par conséquent, l’une des situations à considérer à cet égard est que, qu’il s’agisse d’un processus en trois ou en six étapes, il y a un processus comprenant un certain nombre d’étapes permettant aux tribunaux de juger adéquatement ce qui doit être considéré comme une utilisation équitable dans des situations comme celle de l’exception pour l’éducation.
     Nous pourrons avoir une discussion sérieuse au comité au sujet des exceptions générales proposées, notamment pour le secteur non lucratif de l’éducation. J’ai reçu des centaines, voire des milliers de courriels au sujet de cette exception. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants estime que l’exception marche bien, puisqu’elle permet aux étudiants de favoriser leur éducation dans la mesure où l’auteur est respecté. Par contre, nous avons reçu beaucoup de courriels et de lettres, et nous avons eu des discussions avec les auteurs, qui ont aussi fait des exposés. Il s’agit de ceux qui gagnent leur vie en créant des manuels, par exemple. Ils estiment que le projet de loi n’assure aucunement l’équilibre susceptible de les aider de quelque façon.
     Voilà pourquoi j’estime que, si nous commençons à discuter des exceptions, nous devrions aussi discuter d’un moyen de les gérer correctement. Un processus en plusieurs étapes est une bonne méthode à envisager. Bien des administrations dans le monde ont circonscrit ces exceptions parce qu’elles en ont observé le fonctionnement. C’est une chose dont il faudrait discuter au comité, et j’en parlerai tout à l’heure.
     La partie IV traite des recours civils et criminels, des montants accordés pour dommages-intérêts et pertes de profits, des injonctions et des amendes.
     Nous avons discuté des dommages-intérêts. Dans bien des cas, certains estiment qu’ils sont trop rigoureux tandis que d’autres les jugent trop légers. Il faut faire une distinction entre les utilisations ou infractions à caractère commercial ou non commercial. Une peine plus lourde s’impose dans le cas des infractions à caractère commercial en raison du tort qu’elles peuvent causer sur le marché et de la façon dont elles peuvent fausser certains marchés. Il faut aussi tenir compte des infractions sans dimension commerciale, mais non pas en fixant une valeur en argent plus élevée en ce qui concerne les amendes, les recours et même les peines de prison.
    Une des situations qu'on a vues apparaître en 2005 ou 2006, c'est que de grandes multinationales du disque intentaient des poursuites contre des jeunes pour avoir violé les droits sur leur oeuvres. Je me rappelle avoir déclaré à un comité, à l'époque, que mon fils de 10 ans venait de télécharger une chanson à partir d'un site Web. Pour lui, c'était un partage de fichiers; il ne savait pas qu'il enfreignait la loi. Moi non plus, je ne savais pas, à ce moment-là, qu'il enfreignait la loi. Peut-être que je suis en retard dans le domaine technologique, mais il reste que c'était la même chose que si mon fils était entré dans un magasin HMV, avait pris un CD sur les rayons, l'avait mis dans sa poche et était sorti. Quelle est la différence? Dans les deux cas, il s'agit d'un vol de musique. On vole l'oeuvre de quelqu'un d'autre, et ce genre de comportement ne devrait pas être permis.
    Pour pouvoir agir, nous devons nous adapter aux nouvelles technologies que nous utilisons pour nous divertir, créer de la musique, y avoir accès et l'écouter. Si j'achète un morceau qui me plaît, je peux l'écouter sur un CD, un MP3 ou mon BlackBerry. Ce qu'il faut déterminer, c'est la façon de rémunérer l'artiste pour son travail.
    Cette discussion a eu lieu à la Chambre pendant la dernière session, quand nous avons parlé de la redevance. L'opposition l'avait appelée une « taxe sur les iPod », montrant par là une mauvaise foi très insultante pour les gens qui gagnent leur vie grâce à la musique.
(1335)
    Le plus cocasse, c'est qu'une semaine avant d'avoir utilisé ce nom de « taxe sur les iPod », le gouvernement a imposé aux passagers qui prennent l'avion des frais pour la sécurité. J'aurais pu facilement parler de « taxe sur les voyageurs ». Les droits pour la sécurité sont acceptables, mais la taxe sur les iPod est d'un tout autre genre.
    Le député de Peterborough a mentionné qu'une taxe est une taxe, même si on lui donne le nom de droits ou de redevance. Mais les droits ne cessent d'augmenter, comme ce sera le cas des cotisations d'assurance-emploi en janvier. On n'utilise jamais le terme de « taxe ». C'est seulement une taxe quand le gouvernement choisit de lui donner ce nom.
    Malheureusement, le débat a tendance à s'écarter du sujet et à devenir tendancieux. Si nous soumettons ce dossier à un comité, nous devrions envisager de tenir un débat décent, mature et responsable sur la question centrale, c'est-à-dire l'importance de rémunérer les travailleurs pour leur travail. Nous savons tous que la musique est produite de multiples façons.
    Autrefois, on considérait comme une redevance les droits prélevés sur les CD. Les gens qui achetaient un CD ou une cassette vierge pouvaient enregistrer du contenu grâce à la radio ou à d'autre appareils pour avoir de la musique gratuite. Cependant, ils devaient quand même acheter le CD ou la cassette vierge; la redevance était donc prélevée sur ce support. C'était une façon de payer les artistes dont la musique était volée par beaucoup de personnes, qui ignoraient parfois qu'il s'agissait d'un vol.
    C'est le genre de débat que nous devons avoir à la Chambre. Je demande au gouvernement et à l'opposition de débattre de la question dès maintenant. Malheureusement, aucune modification n'a été apportée au projet de loi malgré plus de 140 témoins entendus et plus de 160 mémoires reçus.
    Le gouvernement prétend qu'il souhaite vraiment aller de l'avant, mais pour faire quoi? Rien n'indique que des modifications seront apportées, outre pour les détails techniques, qui sont justement des points de détail.
    Si le gouvernement veut poursuivre ce processus, il faudrait envisager de mener une discussion de fond à ce sujet et d'apporter des modifications importantes. C'est pourquoi j'appuie l'amendement proposé par mon collègue, le député d'Halifax-Ouest. Il s'agit de trouver une façon d'adapter le projet de loi pour éviter qu'il soit trop ciblé et restrictif. J'ai des réserves à l'égard du verrouillage numérique et de l'exemption en éducation; il faut se pencher là-dessus. J'espère que nous pourrons avoir cette discussion.
    Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos du député. Je l'ai écouté pendant sept ans au comité où nous avons siégé ensemble. Je crois le connaître aussi bien que s'il faisait partie de ma famille; je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose.
    Le député a parlé de plusieurs des problèmes relevés dans ce projet de loi, surtout en ce qui a trait aux dispositions concernant les études à distance et à la position ridicule du gouvernement qui dit que personne ne devrait avoir droit à ses notes de cours après 30 jours, qu'on devrait s'en saisir, les emporter et les brûler afin de protéger une forme de modèle d'affaires. Je n'ai jamais entendu de témoin défendre une notion aussi étrange.
    Le député a parlé de modifier le libellé et de renvoyer le projet de loi au comité. Il a parlé d'un amendement important, mais si j'ai bien compris, il propose de ne pas aller de l'avant avec le projet de loi. La position des libéraux dans ce dossier me surprend.
    Le projet de loi a des défauts, mais la Chambre doit renvoyer un projet de loi sur les droits d'auteurs au comité afin que nous puissions nous attaquer aux graves problèmes mentionné par le député et apporter les amendements nécessaires. C'est crucial.
    Pourquoi dire qu'il faut sérieusement discuter du projet de loi, si le seul amendement que préconise son parti est de torpiller ce dernier avant même d'avoir l'occasion d'y apporter des amendements?
(1340)
    Monsieur le Président, mon collègue et moi remercions le député de ses observations. Par contre, l'une des choses dont nous devons être conscients en ce qui concerne cette mesure législative et les amendements qui ont été proposés auparavant, c'est qu'aucun changement n'a été apporté.
    Bon nombre des changements proposés par mon parti et par d'autres députés n'ont été acceptés ni par le gouvernement, ni par le président à l'étape de l'étude en comité. L'amendement que nous proposons consiste à repartir à zéro et à reprendre l'étude de la question, compte tenu des mémoires qui ont été présentés au comité. C'est maintenant ou jamais qu'il faut en reprendre l'étude, car après la deuxième lecture, nous aurons les mains liées puisque nous aurons accepté le principe de la mesure législative.
    Monsieur le Président, ma question est assez simple et le député peut probablement y répondre par oui ou par non.
    Le 14 avril 2010, un vote a eu lieu à la Chambre des communes. La motion du Comité du patrimoine avait alors été mise aux voix. Elle dit ceci:
    Que le Comité recommande au gouvernement de modifier la partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur pour que la définition de ce qui constitue un support audio englobe les appareils dotés d’une mémoire interne afin que la redevance pour la copie privée s’applique aux enregistreurs audionumériques et afin que les créateurs de musique aient ainsi droit à un certain dédommagement pour les copies de leur travail.
    Une taxe aurait ainsi été imposée sur les iPod. Tous les députés conservateurs à la Chambre ont voté contre cette mesure, et tous les députés de l'opposition, y compris le député, ont voté pour celle-ci.
    Si ce vote avait de nouveau lieu aujourd'hui, le député voterait-il de la même façon, oui ou non?
    Monsieur le Président, ce qui m'amuse dans tout ce qu'il dit, c'est qu'il oublie un point très important. La Chambre a été saisie de cette question parce que le président conservateur du comité a décidé que c'était la chose à faire. Pour illustrer mon propos et par souci historique, je peux expliquer ce qui s'est passé. Le député a voté pour que cette motion soit présentée à la Chambre. Non seulement il s'est prononcé en faveur de la motion, mais il a écrit au ministre pour lui dire qu'il l'appuyait. Puis, lorsqu'il est arrivé à la Chambre, on lui a dit de voter contre la motion. Aujourd'hui, il n'est plus président, ce qui est dommage, car il était...
    Une voix: Répondez à la question, oui ou non.
    M. Scott Simms: Oui.

[Français]

    Monsieur le Président, je pense que ce projet de loi n'est pas bon pour les auteurs, en dehors de son titre, qui parle de protection des droits d'auteur. Un auteur peut être un musicien, un chanteur, un acteur ou un interprète. Les auteurs ne sont pas des distributeurs de services, ni des revendeurs, ni des représentants de l'industrie.
    Le député peut-il dire à la Chambre si ce projet de loi nuit aux intérêts des auteurs?

[Traduction]

    Monsieur le Président, je pense qu'elle parle de l'exemption aux fins d'éducation. Comme je l'ai mentionné dans mon discours, c'est l'une des dispositions que nous avions. Nous avons reçu de nombreux avis indiquant que l'exemption aux fins d'éducation préoccupait énormément de nombreux auteurs. Nous avons entendu ce qu'ils avaient à dire, et nous nous sommes rendu compte qu'il y avait des arguments contradictoires quant aux sommes d'argent que cette exemption impliquait et à ses répercussions sur la communauté universitaire ou sur la subsistance des auteurs.
    C'est pourquoi j'ai parlé de ce processus à plusieurs étapes. Certains pensent que le processus à six étapes est insuffisant, d'autres qu'on devrait adopter le processus à trois étapes qui a été sanctionné en vertu de la Convention de Berne en tant que moyen de gérer cette situation. Le processus établit des lignes directrices très strictes qui permettent de déterminer ce qui constitue une utilisation équitable et de statuer en la matière. Si nous prévoyons des exemptions pour certains groupes, elles devraient être assujetties au principe de l'utilisation équitable. Pour ce faire, nous devons ajouter des lignes directrices qui peuvent guider les tribunaux.
    Les auteurs et la communauté artistique nous ont fait part de nombreuses préoccupations à ce sujet. J'espère que cette discussion se poursuivra à la Chambre.
    Monsieur le Président, je pense que le député parlait des dispositions sur l'éducation du projet de loi. Il y a six critères qui doivent être suivis. Cependant, nous devons faire quelque chose d'autre auparavant. En effet, ce processus se compose de deux étapes, et cette étape est la deuxième. Avant de suivre les critères, nous devons d'abord déterminer s'il y a utilisation équitable. Si le député, avec qui j'ai hâte de siéger au comité, prend le temps d'étudier la mesure législative — et je sais qu'il le fera —, il constatera que ces critères sont suffisants pour autoriser la mise en oeuvre de cette exception importante. Durant les audiences, d'innombrables témoins ont déclaré leur appui à cette partie de la mesure législative.
    J'aimerais signaler au député, pendant que j'en ai l'occasion, que son parti a proposé que nous supprimions complètement la mesure législative. Ce n'est pas ce que les témoins nous ont recommandé de faire. John Manley, un ancien député important du Parti libéral, a parlé de l'urgence de faire adopter le projet de loi le plus rapidement possible.
    Comme le député de Timmins—Baie James l'a demandé, comment le député peut-il demander la suppression complète de cette mesure législative alors que, comme il l'a dit lui-même, il nous a fallu 12 ans pour en arriver à ce stade? Comment pourrait-il justifier la décision de supprimer cette mesure législative et de recommencer le travail à zéro?
(1345)
    Parce que le gouvernement n'a rien fait pour corriger la situation, monsieur le Président. Comme je l'ai dit dans ma conférence de presse ce matin, et je m'excuse si j'enfreins le droit d'auteur, il y a eu 167 mémoires, aucun changement apporté, mais énormément de paroles creuses.
    Monsieur le Président, je ne sais pas trop quoi penser de la réponse que je viens d'obtenir à ma dernière question. On pourrait passer beaucoup de temps à citer des gens qui ont eu de bonnes choses à dire à propos de la mesure législative et les députés d'en face citeraient des gens qui y ont trouvé quelque chose à redire. Le comité a entendu 39 heures de témoignages et nous avons tenu d'innombrables consultations avant de présenter la loi.
    Si on se penchait sur l'ensemble des témoignages, on constaterait qu'on a cherché à trouver un équilibre. Certaines personnes n'ont pas aimé ce qu'elles ont vu. D'autres ont aimé ce qu'elles ont vu. Cependant, tout compte fait, ce qu'on a retenu, c'est que c'est la meilleure mesure à avoir été présentée.
    Même certaines des personnes que les députés d'en face ont citées, qui critiquaient certains aspects du projet de loi, nous ont chaudement félicités de l'équilibre que nous avons trouvé et ont dit qu'il était important que la mesure soit adoptée.
    Le comité a entendu 39 heures de témoignages et nous avons tenu les consultations qui s'imposaient. Nous avons présenté la même mesure parce que nous voulions continuer le débat sur le même projet de loi. Combien de temps de plus devons-nous consacrer à la chose avant que le député soit content?
    Monsieur le Président, je serai content quand on aura trouvé la bonne solution. Je ne comprends pas trop pourquoi, mais le gouvernement semble vouloir prétendre que tout le monde adore la mesure et la trouve équilibrée. J'ai reçu 2 200 courriels en 12 heures. Si elle était équilibrée, je n'en aurais reçu aucun. Pourquoi m'aurait-on écrit dans ce cas-là?
    Je ne peux m'empêcher de penser à quelque chose que j'ai lu sur WikiLeaks, comme quoi l'ancien ministre a dit aux Américains qu'il leur montrerait la mesure avant même de la présenter. Qui donc a son mot à dire dans le dossier?

[Français]

    Monsieur le Président, j'ai le grand plaisir de parler du projet de loi C-11, car j'y porte un intérêt particulier. J'ai passé près de 20 ans dans l'industrie du disque, qui a eu la vie très dure. À notre avis, on ne peut pas être contre l'idée de revoir la Loi sur le droit d'auteur. Il va de soi qu'aujourd'hui, en 2011, nous sommes des retardataires au niveau international quant à cette modernisation. Il est grand temps que ça se fasse. Les autres grands pays de l'Occident l'ont fait et c'est à notre tour. Il est vraiment passé l'heure.
    On ne peut que déplorer le fait que le projet de loi se présente un peu comme un gruyère, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de bulles, beaucoup de vides par rapport à la protection des ayants droit et des créateurs. On parle de ce projet de loi sur une base théorique, mais concrètement, comme le disait tout à l'heure mon collègue, la façon dont on consomme un produit culturel aujourd'hui est différente. Autrefois, on achetait un disque pour 15 $ ou 20 $, on l'apportait chez soi et on l'écoutait. Si l'industrie du disque a maintenu sa cadence de production, si les budgets ont diminué légèrement — avec la progression technologique, on peut maintenant faire des enregistrements de musique pour moins cher —, il n'en demeure pas moins que c'est une entreprise culturelle. Des investisseurs, des industriels et des conseillers qui soutiennent un créateur investissent des sommes importantes pour que ça devienne un produit qui va se vendre.
    Il ne s'agit pas d'un ménestrel qui joue du luth sur le perron de l'église. Ce sont des gens qui ont créé des chansons, d'autres qui y ont vu une occasion d'affaires en se disant que tout le monde va vouloir cette chanson ou cet album et qu'on sera prêt à payer un prix pour l'acheter et l'écouter. Ce que cette industrie du disque a vécu n'a pas d'équivalent pour ce qui est de la chute de revenus.
    Je vais donner un bref aperçu. L'opération complète pour produire un album, ce qui comprend l'enregistrement, la représentation promotionnelle, les vidéoclips, les lancements, etc., nécessite un budget d'environ 100 000 $. Cela représente un budget très ordinaire dans une industrie du disque ordinaire. On ne parle pas d'une grosse opération comme un album de Michael Jackson qui a été fait avant sa mort et qui a peut-être coûté 1,5 million de dollars à produire. On parle d'un album qui aurait coûté 20 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $ et tous les frais afférents.
    Pour récupérer cet investissement, les compagnies, l'industrie du disque — donc des emplois, des gens qui travaillent dans ce domaine et dont j'ai eu la chance de faire partie — va vendre le disque entre 15 et 20 $. Or aujourd'hui, avec la modernisation, Internet, la numérisation de la musique et l'incroyable capacité de créer des copies d'une qualité de bande maîtresse, ce n'est plus la même génération que lorsqu'on était jeune. Autrefois, on copiait la musique sur des cassettes et il y avait souvent plus de bruit de fond que de musique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et c'est là l'enjeu.
    Si la chanson numérisée existe quelque part, elle peut être copiée des milliers de fois en quelques heures et l'ayant droit aura été privé de ce qui lui revient. Aujourd'hui, quand les gens achètent de la musique sur Internet, ils achètent parfois l'album complet, bien que généralement, ils vont plutôt acheter le CD comme tel en magasin. Ceux qui achètent leurs CD et leur musique sur Internet y vont pièce par pièce très souvent, soit une, deux ou trois chansons. Le prix de détail est de 1 $ ou 1,49 $. Cela veut dire que l'industrie du disque, actuellement, si elle a tenté de récupérer son budget de production et de mise en marché d'à peu près 100 000 $, elle le faisait autrefois avec des retours de 15 à 20 $ pour un CD. Aujourd'hui, elle le fait avec 2 $ ou 3 $.
    Je crois sincèrement qu'aucune industrie n'a vécu une telle chute en si peu de temps. On parle de pourcentages faramineux, de 15 $ ou 20 $ à 3 $. C'est du jamais vu. Cette industrie est déjà à genoux. Aujourd'hui, on doit légiférer pour que cette situation soit corrigée au bénéfice des ayants droit.
(1350)
    Le droit d'auteur est quelque chose d'essentiel. Je citerai ici les propos du ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles en ce qui concerne le Canada: « L'industrie culturelle contribue deux fois plus au PNB que l'industrie forestière. »
     Le secteur de la culture et des arts a des retombées de plus de 46 milliards de dollars et fait travailler plus de 600 000 personnes.On parle vraiment d'une industrie, d'un secteur de l'économie extrêmement important.
    Dans le projet de loi C-11, on trouve bien sûr des problèmes liés à YouTube, au milieu de l'éducation et à différentes situations plus corollaires. Cependant, le gros problème demeure actuellement le système de collecte collective des droits d'auteur. On parle ici de ce qu'on appelle communément le régime de la copie privée.
    Tout à l'heure, je faisais la genèse de la façon dont on consommait notre musique. On sait tous qu'il y a une dizaine d'années, le CD-R est apparu. Avec un simple ordinateur de maison, on pouvait copier le disque qu'on avait acheté — idéalement — et en faire une copie, tout de suite après, absolument identique sur le plan de la qualité, sans avoir les présentations graphiques. Cette effervescence a fait que, les créateurs, les ayants droit se sentant lésés, ils ont cherché à obtenir avec succès un système de compensation. On parle bien d'une compensation. Le régime de copie privée est une compensation pour les pertes encourues par l'avènement d'une nouvelle technologie.
    Ce système, qui au départ s'appliquait sur une cassette audio et sur les CD-R et DVD-R, a généré des sommes importantes. En 2008, par exemple, la somme s'élevait à 27,6 millions de dollars. Or, l'année suivante, les sommes amassées avec ce principe de régime de copie privée furent réduites à 10,8 millions de dollars et cela continue de descendre. Pourquoi? Il y a certainement parmi vous des gens qui ont acheté des CD-R à une certaine époque, et peu de gens de nos jours en achètent. En effet, en ce qui a trait à la consommation de musique — on parle bien sûr d'une consommation légale sur un support qui nous convient —, aujourd'hui les gens copient leur musique sur un baladeur numérique, un iPod, un MP3. Ce genre de transformation fait qu'aujourd'hui, le support sur lequel la redevance était prévue, comme le CD-R, est complètement obsolète.
    C'est pourquoi les lobbys d'ayants droit ont demandé à avoir un prolongement de ce régime de copie privée sur les baladeurs numériques ou autres iPod. Comme le disait tout à l'heure mon collègue, les gens d'en face ont réagi en portant des teeshirts avec l'inscription No iPod tax. C'est brillant. C'est une très bonne pratique envers les créateurs qui se sont senti lésés, floués, abandonnés, dans cette circonstance.
    Que peut-on proposer aujourd'hui à ces créateurs, lorsque, dans le projet de loi C-11, on n'aborde pas le problème du régime de copie privée? Ce point est certainement le plus important de tous. Bien sûr, on pourra parler de l'exemption de type YouTube, qui devient de plus en plus le concurrent face à la médiatisation habituelle de la musique. Je parle beaucoup de la musique parce que c'est un milieu que je connais, mais aussi parce que la musique est la première victime de cette numérisation et de cette nouvelle accessibilité. La technologie aidant, dans quelques années, on pourra télécharger très rapidement un long métrage. Vous me direz que c'est déjà le cas, mais ce n'est pas encore usuel.
    La particularité reliée à la musique, c'est que même la vidéo de cette même chanson prend beaucoup plus de temps. Donc, le problème que vit la musique actuellement se propagera très rapidement aux autres médiums culturels qu'on peut retrouver sur Internet.
    Je vais m'arrêter pour l'instant.
(1355)
    L'honorable député de Longueuil—Pierre-Boucher aura 10 minutes pour compléter son allocution et 10 minutes pour des questions et commentaires, quand la Chambre reprendra le débat sur la motion.

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Déclarations de députés]

[Français]

La justice

    Monsieur le Président, les premières victimes innocentes du projet de loi omnibus des conservateurs, ce sont les contribuables québécois et les enfants du Québec. En plus de se faire imposer des mesures contraires à l'approche qui fait du Québec un modèle en matière de lutte contre la criminalité — qui fait sa joie —, ils devront payer eux-mêmes les millions de dollars que coûteront ces mesures conservatrices.
    Le ministre de la Sécurité publique affirme même que c'est aux Québécois de sabrer 500 millions de dollars dans la santé et l'éducation pour répondre aux priorités de son gouvernement, entre autres la criminalisation des adolescents.
    Le ministre de la Justice se fait un devoir d'ignorer les demandes répétées du ministre de la Justice du Québec qui l'interpelle en ces mots: « Je désire [...] vous exprimer ma déception eu égard au fait que, malgré plusieurs échanges de correspondance et une rencontre, les préoccupations que je vous ai signalées demeurent sans réponse dans le projet de loi C-10. »
    Force est de constater qu'il sera de plus en plus difficile pour le Québec de se faire entendre. Vivement un code criminel québécois!
(1400)

[Traduction]

La circonscription de Kootenay--Columbia

    Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour remercier les gens de la belle circonscription de Kootenay—Columbia de m'avoir élu pour les représenter.
    J'ai eu la chance d'avoir l'aide de nombreux bénévoles, mais j'aimerais remercier tout particulièrement Wilma Croisdale, la directrice de ma campagne, Sheryl Stephenson, mon agente officielle, et John Kettle, qui a joué un rôle important dans le cadre de la campagne de financement.
    La circonscription de Kootenay—Columbia est nichée dans les Rocheuses, en Colombie-Britannique, et jouit d'une économie diversifiée notamment alimentée par la société Teck, le deuxième exportateur de charbon métallurgique au monde, et par bon nombre de compagnies forestières qui créent un grand nombre d'emplois.
    Ma circonscription compte quatre parcs nationaux, en l'occurrence ceux de Kootenay, de Yoho, des Glaciers et celui du Mont-Revelstoke. On trouve également des centres de ski de calibre international à Revelstoke, Golden, Invermere et Fernie. Le secteur du tourisme de notre région est l'un des plus dynamiques au Canada.
    La circonscription de Kootenay—Columbia offre un excellent exemple d'équilibre entre la grande industrie et la nature, et de reconnaissance de l'importance de protéger l'environnement. J'invite tout le monde à venir visiter ce coin de pays que nous, de Kootenay—Columbia, considérons comme l'un des plus magnifiques au monde.

La banque alimentaire de Sudbury

    Monsieur le Président, j'aimerais profiter de l'occasion pour rendre hommage aux vaillants responsables de la banque alimentaire de Sudbury et pour les féliciter de l'ouverture imminente de leur nouvel entrepôt.
    À Sudbury, la première collecte d'aliments des employés a eu lieu il y a 24 ans; elle avait été lancée par Edgar Burton. Bien qu'Edgar ne soit plus parmi nous, la collecte d'aliments de Noël de la banque alimentaire de Sudbury porte toujours son nom.
    Les 45 organismes membres veillent à ce que tous les mois, 14 000 habitants de Sudbury aient de quoi manger. En 2010, plus de 400 tonnes d'aliments non périssables et de repas chauds ont été distribuées à des gens dans le besoin.
    Le 25 octobre, la banque alimentaire ouvrira les portes de son nouvel entrepôt, ce qui lui permettra d'offrir également des aliments frais et surgelés, ainsi que de simplifier ses méthodes actuelles de distribution. Ce centre de distribution du Nord-Est de l'Ontario aidera également la population du Nord de l'Ontario en agissant au nom de l'Association ontarienne des banques alimentaires.
    Je rêve du jour où nous n'aurons plus besoin des banques alimentaires, mais je me réconforte en sachant que, d'ici là, nous pourrons compter sur des organisations formidables comme la banque alimentaire de Sudbury qui se soucient du bien-être de nos collectivités.

Le chemin de fer clandestin

    Monsieur le Président, le 22 octobre nous soulignerons le 10e anniversaire des monuments dédiés à la commémoration internationale du chemin de fer clandestin. Construits en 2001, le monument Gateway to Freedom à Hart Plaza à Detroit, au Michigan, et son pendant, le monument Tower of Freedom, situé de l'autre côté du fleuve, à Windsor, en Ontario, symbolisent à jamais l'espoir, la reconnaissance et la réalité douce-amère des esclaves d'origine africaine qui ont perdu ou laissé derrière eux des êtres chers durant le périlleux voyage vers le Nord qu'ils ont entrepris pour fuir le Sud des États-Unis et trouver la liberté au Canada.
    En cet anniversaire, nous célébrons notre patrimoine collectif. Profitons de cette occasion pour affirmer de façon solidaire que tous les êtres humains sont égaux et soulignons le courage des esclaves en fuite et de toutes les personnes de bonne volonté qui ont joué un rôle indispensable pour le chemin de fer clandestin et l'abolition de l'esclavage. Enfin, soyons résolus à faire tout en notre pouvoir aujourd'hui pour que tous jouissent de la liberté qui est un droit fondamental.
    J'invite les députés à se joindre aux membres du Congrès américain, qui se sont engagés plus tôt cette semaine à célébrer le 10e anniversaire des monuments dédiés à la commémoration internationale du chemin de fer clandestin.

Les pompiers volontaires de Hammonds Plains

    Monsieur le Président, samedi dernier, le service de pompiers de Hammonds Plains a célébré un événement important: son 50e anniversaire.
    Depuis 1961, de nombreux pompiers volontaires du service ont mis leur sécurité en péril pour protéger la vie et les biens des gens de leur localité. Ils ont sacrifié du temps qu'ils auraient pu passer avec leur famille pour répondre à l'appel du devoir, sans tenir compte des anniversaires, des congés ni du sommeil perdu. Leur dévouement est une source d'inspiration pour nous tous.
    J'ai eu l'honneur de participer aux célébrations en compagnie de membres fondateurs, de pompiers volontaires actuellement en service et de représentants du service d'urgence et d'incendie d'Halifax.
    Je profite de l'occasion pour remercier les membres du service de pompiers de Hammonds Plains, et les gens qui les soutiennent, de ces 50 années de service. Que tous les députés se joignent à moi pour les saluer.

L'Oktoberfest de Kitchener

    Monsieur le Président, la semaine dernière, Kitchener célébrait l'Oktoberfest, le plus grand festival bavarois en Amérique du Nord. Il s'agit d'un événement culturel de grande envergure qui génère des recettes touristiques considérables. L'événement est entièrement organisé par des centaines de bénévoles qui donnent de leur temps sans compter. Un grand merci à tous ceux qui ont apporté leur concours, notamment le président Vic Degutis et l'Onkel Hans lui-même.
    J'invite mes collègues qui n'ont pas encore eu l'occasion de goûter à cette célébration de fêter l'Oktoberfest au moins une fois dans leur vie. Allez-y l'an prochain!
    Notre festhallen est, certes, le meilleur du monde, mais l'Oktoberfest ne se résume pas qu'à cela. Nous organisons également une journée en l'honneur des pionniers allemands, un gala en hommage à Miss Oktoberfest, un dîner avec la célébrité du Tour de Hans et un déjeuner familial.
    Les visiteurs peuvent regarder notre compétition de danses allemandes, participer à la grande course de barils du festival ou célébrer à Woodside l'Action de grâces comme on le faisait dans les années 1890.
    Les femmes portent le dirndl, et les hommes, le lederhose.
    Les députés devraient inscrire dès maintenant cet événement à leur calendrier.
    Voilà une autre raison qui me rend fier de représenter Kitchener-Centre au Parlement. Prost.
(1405)

L'industrie de la restauration

    Monsieur le Président, au nom de tous les parlementaires, je souhaite la bienvenue à Ottawa à l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires, ainsi qu'à tous ses membres à l'occasion de son sommet sur la restauration.
    Que nous commandions un triple-O au restaurant White Spot de Vancouver, un poisson-frites chez Ches's à St. John's, Terre-Neuve-et-Labrador, un sandwich club sur du pain brun avec des frites à mon restaurant préféré, Hella's, à Lower Sackville, en Nouvelle-Écosse, ou d'excellents oeufs accompagnés de bacon chez Dunn's, à quelques pas d'ici, sur la rue Queen, c'est l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires qui fait la promotion des entreprises de millions de Canadiens, dont de nombreux nouveaux immigrants. Ils apportent des millions de dollars à notre économie et constituent un maillon essentiel de celle-ci.
    Au nom de tous les parlementaires, je salue les membres de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires. Nous les remercions d'être venus à Ottawa. Nous sommes prêts à travailler avec eux pour trouver des solutions à leurs problèmes.
    Que Dieu les protège et les bénisse.

L'agriculture et l'agroalimentaire

    Monsieur le Président, au début du mois, j'étais présent lorsque le premier ministre et le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire ont annoncé qu'une usine de transformation de pâtes alimentaires sera construite sur la Plaque mondiale de transport, à l'extérieur de Regina.
    Alliance Grain Traders investira 50 millions de dollars dans une usine de mouture qui créera 60 emplois permanents à temps plein ainsi que 150 emplois dans le secteur de la construction. Cette usine de mouture polyvalente démontre que l'établissement d'un marché libre attirera les investissements, stimulera l'innovation et créera des emplois dans des secteurs à valeur ajoutée.
    Dans le cadre d'un marché libre, Alliance Grain Traders sera en mesure de négocier directement avec les agriculteurs, ce qui réduira les formalités administratives, les frais d'administration et les retards, qui entraînent des coûts importants. Grâce au marché libre, les agriculteurs pourront décider de vendre leurs produits à Alliance Grain Traders ou à un autre acheteur au moment et au prix qui leur conviennent afin de maximiser leurs revenus.
    Je suis heureux d'annoncer aujourd'hui cet investissement réalisé en Saskatchewan.

L'industrie de la restauration

    Monsieur le Président, l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires organise le tout premier sommet de l'industrie de la restauration sur la Colline, et j'aimerais souhaiter la bienvenue à Ottawa au président sortant de son conseil d'administration, Gerard Curran, à son président, Garth Whyte, à la vice-présidente exécutive des affaires gouvernementales, Joyce Reynolds, et à tous les membres de leur délégation. Je les félicite pour cette grande réalisation.
    En tant qu'ancien restaurateur, je suis bien au fait de l'énorme contribution qu'apporte l'industrie de la restauration tant à l'économie canadienne qu'à notre société. Lorsqu'on travaille dans l'industrie de la restauration, on apprend bien plus qu'à servir de la nourriture et des boissons. On acquiert des notions de service à la clientèle, de travail en équipe, d'organisation, d'engagement, et ce sont là des compétences et une formation qui sont indispensables pour réussir dans le marché du travail.
    Une étude réalisée par l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires a révélé, par ailleurs, que 22 p. 100 des Canadiens trouvent leur premier emploi dans l'industrie de la restauration, comparativement à 16 p. 100 dans l'industrie de la vente au détail. En d'autres mots, l'industrie canadienne de la restauration met la table pour favoriser l'emploi et la croissance économique au pays.

[Français]

Lucie Joyal

    Monsieur le Président, j'ai le plaisir de souligner l'apport exceptionnel d'une citoyenne de ma circonscription, Verchères—Les Patriotes, résidante de Boucherville, Mme Lucie Joyal. De fait, Mme Joyal a été choisie pour recevoir le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne » de 2011.
    Elle a oeuvré sans relâche à l'élimination de la violence faite aux femmes et aux enfants. Dès les années 1990, elle a fait avancer la recherche, le dépistage et la prévention de la violence conjugale et familiale partout au Québec.
    Elle est à l'origine du Centre d'expertise en agression sexuelle Marie-Vincent, premier du genre au pays. Créé en 2005, ce centre est reconnu internationalement comme modèle innovateur dans l'amélioration des services offerts aux jeunes victimes d'agressions sexuelles.
    Au Québec comme ailleurs, elle est décrite comme une visionnaire dans l'innovation sociale au service des jeunes victimes de violence.
    Je tiens à féliciter Mme Lucie Joyal pour son implication et sa contribution à la société québécoise et canadienne.

[Traduction]

Earl McRae

    Monsieur le Président, nous avons perdu un grand auteur et journaliste canadien. J'ai personnellement connu Earl McRae lorsque je me suis lancé dans le projet d'amasser des fonds pour permettre à des anciens combattants des Loyal Eddies, des Seaforth, du Three Rivers Regiment, de la Prévôté et du Royal 22e Régiment, les Van Doos, de retourner à Ortona, en Italie, à Noël 1998.
    Earl s'est tout de suite imaginé les anciens ennemis, Canadiens et Allemands, réunis pour une reconstitution du repas de Noël qu'ils avaient partagé sur les champs de bataille en 1943, afin de célébrer durant la période de bonne volonté envers l'humanité les années de paix qui ont suivi.
    Ses prodigieuses chroniques et les prolifiques appels à l'aide lancés sur les ondes par Lowell Green ont permis que ce Noël à Ortona se matérialise. Earl s'est ensuite rendu à Ortona avec les anciens combattants pour faire un reportage sur leur pèlerinage.
    Earl McRae était un ami des anciens combattants, un journaliste extraordinaire et un défenseur du bien. Que son âme méritante repose en paix.
(1410)

[Français]

Le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire «personne»

    Monsieur le Président, je tiens à saluer les six lauréates du Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne » pour l'année 2011, honorées à Rideau Hall un peu plus tôt aujourd'hui, soit Mmes Madeline Boscoe, Nancy Hartling, Lucie Joyal, Sharon Donna McIvor, Kim Pate et Amber JoAnn Fletcher.
    Chaque mois d'octobre depuis 1979, le prix souligne le travail exceptionnel de certaines Canadiennes qui ont fait progresser l'égalité des sexes au pays. Les lauréates de cette année oeuvrent depuis longtemps afin d'éliminer la violence faite aux femmes, de promouvoir l'égalité de leurs consoeurs autochtones et d'améliorer le sort des plus marginalisées.
    On doit se rendre à l'évidence: la remise de ce prix démontre qu'il reste encore beaucoup à faire afin d'atteindre une véritable égalité des sexes au Canada. On ne peut se contenter d'une simple égalité sur papier, il faut passer à l'action, comme ces six femmes l'ont si bien fait.
    J'invite tous les députés à saluer ces grandes dames. Elles sont de véritables modèles pour la justice sociale dans notre pays, et elles méritent nos sincères félicitations.

[Traduction]

La station radio de Toronto

    Monsieur le Président, j'interviens pour rendre hommage à la station G98.7, la première station radio de Toronto dédiée exclusivement à la musique et aux programmes de causerie africains et caribéens, qui a été lancée le lundi 3 octobre. Le gouvernement, qui avait constaté l'absence de programmation urbaine sur les ondes du Grand Toronto, s'est réjoui de cette initiative, et la station G98.7 a reçu sa licence de radiodiffusion du CRTC le 9 juin dernier.
    Le PDG Fitzroy Gordon a annoncé que la station G98.7 avait commencé à diffuser ses émissions à Toronto, à Niagara Falls, à St. Catharines, ainsi que dans les régions d'Hamilton, de Brampton, d'Aurora et d'Ajax. Pour l'instant, elle diffuse seulement de la musique, mais elle commencera sa programmation complète en novembre. Cette dernière comprendra des nouvelles, une couverture des sports et des émissions-débats sur des sujets liés à la population noire et caribéenne ou des sujets d'intérêt pour les membres de ces communautés.
    Dans le Grand Toronto et bien au-delà, nous avons hâte d'entendre de la musique avec du coeur et de l'âme. C'est ce qu'on entendra à la radio FM G98.7.

Barney Danson et Reg Alcock

    Monsieur le Président, la Chambre des communes, le Parti libéral et le Canada ont perdu ces derniers jours deux hommes inoubliables.
    Barney Danson a été député à la Chambre des communes pendant 16 ans. Il a été un ministre populaire à la tête de nombreux ministères, particulièrement du ministère de la Défense. Il a participé avec beaucoup de distinction et de courage à la Seconde Guerre mondiale. Il avait un excellent sens de l'humour et était un homme de bonne volonté. Il est décédé paisiblement la nuit dernière, entouré de sa famille.
    Reg Alcock a été député à la Chambre des communes de 1993 à 2006 et a fait partie du Cabinet du gouvernement Martin. Il était retourné à l'enseignement depuis quelques années et continuait d'agir comme consultant sur les questions de politique gouvernementale. Homme débordant d'énergie, il a vécu sa vie à plein. Il est décédé subitement la semaine dernière à Winnipeg.
    Barney et Reg avaient en commun quelque chose de plus grand que leur affiliation politique, qu'ils arboraient avec fierté, c'est qu'ils étaient tous deux des hommes politiques au service du public et ils en étaient fiers. Ils savaient que la vie politique n'était pas sans difficulté, mais qu'elle n'était pas dépourvue de bons moments, qu'elle exigeait de grands efforts et qu'elle était source d'une camaraderie chaleureuse.
    Mettons de côté notre esprit de parti pour un instant et disons que ces hommes étaient des hommes bien. Ils ont servi leur pays avec diligence et leur collectivité avec fierté et beaucoup d'affection.

[Français]

Le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire «personne»

    Monsieur le Président, cette année marque le 90e anniversaire de l'affaire « personne ». En octobre 1929, un groupe de femmes résolues et avant-gardistes des Prairies, aujourd'hui connues sous le nom des Célèbres cinq, a réussi à faire reconnaître aux femmes le statut de personnes devant la loi.
    Cette décision historique a renversé la position jusqu'alors soutenue selon laquelle les femmes n'étaient pas des personnes et par conséquent ne pouvaient pas être nommées au Sénat.
    Aujourd'hui, le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne » a été présenté à cinq personnes exceptionnelles qui incarnent l'esprit pionnier des Célèbres cinq. Je me joins à toutes les Canadiennes pour féliciter et remercier ces femmes, ainsi que toutes les femmes qui oeuvrent pour améliorer nos collectivités canadiennes.
(1415)

[Traduction]

Reg Alcock

    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à la mémoire d’un ami et collègue, l’ancien député de Winnipeg-Sud et ancien président du Conseil du Trésor, l’honorable Reg Alcock.
    Reg a siégé à la Chambre des communes de 1993 à 2006, après avoir siégé à l’assemblée législative du Manitoba. Il a mérité le respect de ses collègues de tous les partis, qui le considéraient comme un homme politique honnête et poli dont la compétence et l’intelligence lui donnaient l’assurance voulue pour se montrer courtois et généreux dans ses relations, tant à la Chambre qu’à l’extérieur.
    Étant particulièrement qualifié pour être président du Conseil du Trésor, puisqu’il était titulaire d’une maîtrise en administration publique de Harvard, il était particulièrement doué pour améliorer la prestation des services gouvernementaux. Il croyait fermement qu’un gouvernement en ligne serait un gouvernement égalitaire et il a été le défenseur et le pionnier de maintes innovations qui permettent aujourd’hui d’offrir des services en ligne.
    Parmi ses autres réalisations, mentionnons qu’il a été le fondateur et le premier président du Comité permanent des opérations gouvernementales. Il était champion d’un gouvernement ouvert et d’une réforme de l’accès à l’information. Il a créé une école de gestion de la fonction publique. Il a joué un rôle-clé dans l’obtention du financement pour le Musée canadien des droits de la personne, qui fait la fierté de Winnipeg.
     Reg Alcock incarnait ce qu’il y a de mieux dans la vie publique. Il a su se distinguer comme député provincial, député fédéral, ministre fédéral et ministre de haut niveau au Manitoba. Il a assumé toutes ces fonctions avec dignité et professionnalisme, courtoisie et respect.
     Nous déplorons son départ prématuré et nous offrons nos plus sincères condoléances à son épouse, Karen, et à ses trois enfants, Sarah, Matthew et Cristina.

La Semaine de la citoyenneté

    Monsieur le Président, c'est avec grand plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour informer la Chambre que cette semaine nous célébrons la Semaine de la citoyenneté au Canada.
    Notre citoyenneté définit nos droits et les responsabilités que nous avons les uns envers les autres. Elle reflète notre engagement commun à l'égard de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit, des valeurs fondamentales de notre pays que nous chérissons tous et qui guident d'autres nations.
    Voir la fierté et la joie des néo-Canadiens qui prêtent le serment de citoyenneté est peut-être la meilleure façon de nous rappeler la valeur de notre citoyenneté. J'invite les Canadiens à assister aux quelque 60 cérémonies spéciales qui auront lieu partout au pays cette semaine.
    Durant la Semaine de la citoyenneté, j'encourage tous les Canadiens à réaffirmer leur citoyenneté et à réfléchir à ce que cela signifie d'être un citoyen du Canada, le meilleur pays au monde.

AFFAIRES COURANTES

[Affaires courantes]

[Traduction]

Les langues officielles

    Je tiens à faire savoir à la Chambre qu'à cause d'une erreur administrative, un rapport n'a pas été déposé durant les affaires courantes ce matin.

[Français]

    En conséquence, j'ai l'honneur de déposer sur le bureau, conformément à l'article 66 de la Loi sur les langues officielles, le rapport annuel du commissaire aux langues officielles pour la période du 1er avril 2010 au 31 mars 2011.

[Traduction]

    Conformément à l'alinéa 108(3)f) du Règlement, ce rapport est renvoyé d'office au Comité permanent des langues officielles.

[Français]

    Je regrette tout inconvénient que cela aurait pu causer aux honorables députés.

QUESTIONS ORALES

[Questions orales]

[Traduction]

L'économie

    Monsieur le Président, plutôt que de répondre aux préoccupations du mouvement Occupons, les conservateurs affirment que les inégalités sont moins pires au Canada qu'ailleurs, mais le très conservateur Conference Board voit les choses autrement: sur 16 pays comparables, dont les États-Unis, c'est au Canada que les inégalités augmentent le plus.
    Le premier ministre le sait sûrement. Plutôt que de se vanter de son bilan, qu'il nous dise où est son plan pour réduire les inégalités au Canada.
    Monsieur le Président, comme nous l'avons déclaré à maintes reprises, nous mettons l'accent sur l'emploi et la croissance économique. Je profite de l'occasion pour souligner que les chiffres du mois dernier sur la création d'emplois indiquent que le Canada a créé plus de 650 000 emplois depuis la récession. C'est évidemment un des meilleurs bilans du monde développé.
    D'importantes mesures présentement devant la Chambre visent à faire en sorte que tous les Canadiens aient un emploi et des possibilités afin qu'ils puissent tous participer à la reprise économique au Canada.
(1420)

[Français]

    Monsieur le Président, lors des 10 dernières années, plus de 30 p. 100 des gains de notre économie sont allés à 1 p. 100 de la population, aux gens les mieux nantis. Voilà le résultat des politiques fiscales des conservateurs et des libéraux avant eux. On appauvrit la classe moyenne, moins de gens travaillent, on agrandit l'écart avec les riches, on donne des milliards de dollars en réductions d'impôt aux grandes entreprises profitables.
    Est-ce que le premier ministre se rend compte de l'inégalité qu'il crée au pays?
    Monsieur le Président, nous avons réduit les taxes et les impôts de tous les Canadiens de toutes les classes. En tout cas, le NPD, à cause de son idéologie, a voté contre ces réductions de taxes, y compris pour les pauvres.
    L'économie canadienne a créé plus de 650 000 emplois depuis la récession. C'est la meilleure performance du monde développé, et c'est la façon par laquelle nous assurons la participation des Canadiens à l'économie et à la relance économique.
    Monsieur le Président, le gouvernement rit de la population quand il parle de 650 000 nouveaux emplois depuis la récession. C'est faux, et le premier ministre le sait très bien. C'est pour cela que le taux de chômage est plus élevé maintenant qu'avant la récession. C'est pour cela que le taux de chômage est en hausse, et c'est pour cela que le taux d'emploi est en baisse. Que le premier ministre arrête de « remplir » le monde et qu'il nous dise la vérité.
    Où est le plan de création d'emplois?
    Monsieur le Président, les chiffres que j'ai cités sont les bons chiffres. C'est bien connu de tout le monde. Nous avons, devant la Chambre, d'autres mesures pour augmenter encore la création d'emplois mais, hier soir encore, le NPD a voté contre ces mesures pour la création d'emplois.

[Traduction]

    Le NPD semble ne pas bien comprendre son rôle lorsqu'il vote contre les mesures de création d'emplois. Il n'est pas sensé se contenter d'être présent à la Chambre des communes, il doit faire quelque chose pour la population canadienne.

La Commission canadienne du blé

    Monsieur le Président, la Commission canadienne du blé est la plus grande société de commercialisation du grain au monde et celle qui obtient les meilleurs résultats. Cette société est une réussite canadienne; elle a fait ses preuves en offrant le meilleur rendement possible aux céréaliculteurs tout en minimisant leurs risques.
    Nous pouvons présenter des preuves détaillées et concrètes à l'appui de notre argument, et aucune analyse de rentabilisation ne peut justifier le démantèlement de la Commission canadienne du blé. Il n'y a jamais eu la moindre preuve que les céréaliculteurs se porteront mieux sans la Commission canadienne du blé.
    Compte tenu de l'incertitude économique actuelle, comment le gouvernement peut-il se montrer si imprudent et si irresponsable en révolutionnant de fond en comble l'économie agricole des Prairies sans même procéder à une analyse coûts-avantages?
    Monsieur le Président, le député de Winnipeg-Centre devrait commencer par vérifier les faits qu'il avance. La Commission canadienne du blé est en fait le troisième exportateur en importance au Canada. Les sociétés Viterra et Cargill arrivent au premier et au deuxième rangs respectivement; elles sont suivies par la Commission canadienne du blé. Voilà qui montre à quel point la commission a perdu de la valeur aux yeux des céréaliculteurs de l'Ouest canadien. C'est également la raison pour laquelle il n'y a absolument aucune certitude en ce qui concerne les céréaliculteurs de l'Ouest. En dépit de ce que prétend le député, le choix en matière de commercialisation permettra de régler le problème.
    Monsieur le Président, il va sans dire que les Américains comprennent l'avantage qu'offre la Commission canadienne du blé aux céréaliculteurs parce que, à 13 reprises, ils ont présenté une plainte à l'OMC pour pratique commerciale déloyale mais, chaque fois, l'OMC a jugé qu'il n'y avait rien de déloyal à ce que les céréaliculteurs canadiens agissent collectivement pour défendre leurs intérêts.
    Si la Commission canadienne du blé n'offre pas un tel avantage aux céréaliculteurs des Prairies, comment se fait-il que l'industrie agroalimentaire américaine tienne tant à l'anéantir et, surtout, pourquoi le gouvernement est-il disposé à se charger de cette sale besogne pour nos voisins?
    Monsieur le Président, il est fort intéressant de constater que la première personne qui annonce une initiative à valeur ajoutée dans l'Ouest du Canada est lui-même de l'Ouest du pays. Murad Al-Katib, de l'Alliance Grain Traders, a annoncé un investissement de 50 millions de dollars pour la culture du blé dur dans le Sud de la Saskatchewan où on pratique cette culture. Cette initiative créera 60 emplois à valeur ajoutée. Je me demande si le député d'en face est contre les céréaliculteurs ou contre la création d'emplois dans l'Ouest du Canada.
(1425)

La fiscalité

    Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.
    L'une des mesures concrètes qu'on pourrait prendre pour corriger la progressivité défaillante du régime fiscal — régime dont le ministre des Finances a dit hier qu'il était un grand avantage pour le Canada —, c'est de rendre remboursables les crédits d'impôt non remboursables. Ces crédits d'impôt s'appliquent aux leçons de piano que suivent des enfants qui peuvent être de milieu modeste et dont les parents gagnent si peu qu'ils ne paient pas d'impôt.
    Pourquoi le premier ministre ne change-t-il pas le projet de loi dont la Chambre est saisie et ne fait-il pas en sorte que ces enfants puissent bénéficier du crédit d'impôt?
    Monsieur le Président, il est intéressant d'entendre le NPD demander qu'on améliore des crédits d'impôt auxquels il s'est opposé.
    Une voix: Nous sommes des libéraux.
    Le très hon. Stephen Harper: Je devrais dire le Parti libéral. J'ai les idées embrouillées.
    La Chambre est saisie d'un certain nombre de mesures supplémentaires de réduction d'impôt qui sont très importantes pour les petites entreprises et qui stimulent la création d'emplois au Canada. Les intervenants y sont d'ailleurs très favorables. J'invite le NPD et le Parti libéral à cesser de s'opposer à ces mesures.

[Français]

    Monsieur le Président, une chose est claire, c'est qu'en dépit de la confusion du premier ministre, le Parti conservateur, quand il a l'occasion de faire un changement qui va rendre le système fiscal beaucoup plus progressiste, il ne veut pas le faire.
     Je répète en français la même question: pourquoi ne pas donner des crédits d'impôt aux plus pauvres du pays? C'est comme ça qu'on va rendre le système plus progressiste. C'est ce qu'il faut faire.
    Monsieur le Président, le chef du Parti libéral parle de crédits d'impôt contre lesquels a voté son parti. Ce sont des mesures importantes pour des familles canadiennes et la Chambre est maintenant saisie d'autres mesures importantes reliées à la création d'emplois, à la communauté des affaires et aux PME, etc. J'encourage le Parti libéral à renverser sa position et à appuyer ces crédits d'impôt bien importants pour l'économie canadienne.

[Traduction]

La Commission canadienne du blé

    Monsieur le Président, la position du premier ministre envers la Commission canadienne du blé devient d'autant plus difficile à saisir après que l'ambassadeur américain a annoncé ce midi qu'il n'y aurait aucun changement aux dispositions sur l'achat aux États-Unis et que telle serait la politique américaine.
    Nous assistons à une opacification de la frontière, à des attaques persistantes contre la taxe maritime et contre l'économie canadienne, et voilà que le premier ministre décide de faire la plus grande concession commerciale unilatérale possible, lui dont le parti essaie de se débarrasser de la Commission canadienne du blé depuis 15 ans.
    Le premier ministre devrait avoir honte.
    Monsieur le Président, d'après la logique du Parti libéral, à en juger par cette question, nous ne devrions pas permettre aux agriculteurs canadiens de vendre eux-mêmes leurs produits parce que les Américains veulent acheter certains produits aux États-Unis.
    Le Parti libéral devrait se demander pourquoi il n'a aucun député dans les circonscriptions essentiellement rurales de l'Ouest canadien. C'est parce qu'il n'écoute pas les agriculteurs de l'Ouest. Il s'agit d'une mesure dont les agriculteurs de l'Ouest ont besoin et qu'ils réclament depuis des décennies, et ce jour est enfin arrivé.

[Français]

La recherche et le développement

    Monsieur le Président, un groupe d'experts nous dit que 3 milliards de dollars sont offerts chaque année en crédits d'impôt pour la recherche et le développement, sans impact significatif sur la croissance économique et le développement des entreprises. Le gouvernement s'entête pourtant dans sa volonté d'offrir des crédits d'impôt inefficaces.
    Ce gouvernement va-t-il reconnaître qu'il vaudrait mieux adopter un plan en vue de donner aux entreprises les moyens d'innover et de créer des emplois?

[Traduction]

    Monsieur le Président, le gouvernement veut encourager les entreprises à s'investir davantage dans la recherche et le développement non seulement parce qu'elles vont en bénéficier, mais aussi parce que cela va créer plus d'emplois pour les Canadiens, comme nous le souhaitons.
    Nous avons mis sur pied un groupe d'experts chargé d'étudier nos programmes afin de voir comment nous pourrions les améliorer dans l'intérêt des Canadiens. C'est une initiative importante pour eux. Nous allons lire le rapport et étudier soigneusement toutes les recommandations formulées.

[Français]

    Monsieur le Président, selon le Globe and Mail, près du tiers des sommes consacrées à la recherche et au développement servent à payer des consultants spécialisés, et cela, parce que le processus de demande de fonds est d'une complexité extrême. Ces milliards de dollars servent aussi à étudier des demandes qui sont douteuses, parfois même trompeuses.
    Quand ce gouvernement va-t-il présenter un plan afin de créer des emplois innovants plutôt que de garnir les poches des consultants?
(1430)

[Traduction]

    Monsieur le Président, c'est précisément pour cette raison que nous avons constitué le groupe d'experts.
    Si nous pouvons convaincre les entreprises de faire plus dans la recherche et le développement, de mettre au point de nouveaux produits ou de nouvelles méthodes, ou encore de trouver un nouveau marché pour des produits existants, cela va créer de bons emplois payants pour les Canadiens. Cela va améliorer la qualité de vie des Canadiens. C'est ce que le gouvernement souhaite et c'est pourquoi nous sommes en train d'étudier les recommandations du groupe d'experts.
    Hier soir, le NPD a voté contre une mesure visant à améliorer la qualité de vie des Canadiens.

[Français]

    Monsieur le Président, le rapport Jenkins dévoilé hier confirme que la stratégie d'innovation de ce gouvernement, dans sa politique d'appui à la recherche et développement, est un échec. Ce gouvernement a la pire performance parmi les principaux pays industrialisés pour l'investissement public direct en recherche et développement. Ce gouvernement est parmi les derniers dans le nombre de brevets produits. Il est dernier dans le nombre de diplômés en doctorat et parmi les derniers pour ce qui est de la contribution financière des entreprises à la R et D.
    Qu'est-ce que ce gouvernement va faire pour enfin corriger cette situation lamentable?

[Traduction]

    Monsieur le Président, comme je viens de le mentionner, nous avons mis sur pied un groupe d'experts en R et D chargé de revoir tous les programmes gouvernementaux qui encouragent les PME à consacrer plus d'efforts à la R et D. Le groupe d'experts a déposé son rapport hier. C'est un excellent document. Nous sommes en train de l'étudier. Il s'agit d'un dossier très important pour les Canadiens et nous allons l'étudier soigneusement.
    Nous allons améliorer la qualité de vie des Canadiens, parce que c'est ce que nous, de ce côté-ci de la Chambre, voulons faire.
    Monsieur le Président, nous, de ce côté-ci, croyons en la R et D et en une politique industrielle réfléchie. Pour ce qui est de l'autre côté de la Chambre, les faits parlent d'eux-mêmes.
    Le gouvernement a échoué en matière de brevets. Il n'a pas soutenu les diplômés au niveau du doctorat. Il consacre des milliards de dollars à des réductions d'impôt irréfléchies aux grandes sociétés et à des crédits d'impôt qui n'ont pas stimulé la R et D. Le Canada vient au dernier rang parmi les pays industrialisés pour ce qui est des investissements publics directs dans la R et D.
    Le gouvernement va-t-il s'engager dès maintenant à augmenter ces investissements publics? Nous l'avons dit et les rapports le confirment. Quand le gouvernement va-t-il faire ce qui s'impose?
    Monsieur le Président, il est évident que le gouvernement veut encourager les entreprises à s'engager davantage dans la R et D. C'est là que se trouvent les bons emplois rémunérateurs de l'avenir.
    Je remercie le député de s'intéresser enfin à la science et à la technologie, à la R et D, parce que le programme électoral de son parti était tout à fait muet sur ce secteur.

Le commerce international

    Monsieur le Président, nous sommes de plus en plus inquiets de voir le gouvernement trahir les Canadiens pour conclure à tout prix un accord préjudiciable avec l'Europe. Cependant, les députés n'ont pas besoin de nous croire sur parole. Permettez-moi de citer Anna Robasch, députée danoise au Parlement européen. Elle a dit: « Pour l'instant, l'Europe sera capable d'exporter davantage que le Canada. »
    Quand le gouvernement admettra-t-il qu'il est perdant dans ces négociations? Quand fera-t-il passer les intérêts des Canadiens en premier?
    Monsieur le Président, cette question prouve encore une fois que le NPD s'oppose au libre-échange pour des raisons idéologiques.
    Dans mon parti, nous accueillons favorablement le neuvième cycle de négociation, car on prévoit que les entreprises et les travailleurs canadiens bénéficieront énormément d'un accord de libre-échange avec l'Union européenne: une hausse de 20 p. 100 des échanges commerciaux; une augmentation de régime de 12 milliards de dollars pour l'économie canadienne; 80 000 nouveaux emplois pour les travailleurs canadiens; 1 000 $ de revenu supplémentaire par famille canadienne.
    Monsieur le Président, le problème est que le ministre et le gouvernement ne sont pas capables de voir clair à cause de leurs lunettes roses.
    Nous avons besoin de parler franchement des répercussions de cet accord. Les responsables européens sont tout à fait heureux de nous révéler ce qui se passe. L'un d'entre eux s'est vanté que l'Europe allait être gagnante et que le Canada allait être perdant. Il a dit: « Il y aura des perdants, car il y a toujours des perdants. »
    Pourquoi le gouvernement se contente-t-il du rôle de perdant? Pourquoi ne commence-t-il pas à donner les faits aux Canadiens et à défendre leurs intérêts?
(1435)
    Monsieur le Président, on bavardait en face, alors je n'ai pas entendu la fin de la question, mais je peux répondre au député ce qu'il semble chercher comme réponse.
    Certains députés ne s'en sont peut-être pas rendu compte, mais nous avons reçu un mandat fort de la part des Canadiens. C'est pourquoi nous formons un gouvernement majoritaire et nous cherchons à conclure des accords de libre-échange qui seront avantageux pour les Canadiens. Les travailleurs canadiens y trouveront leur compte. Des emplois seront créés pour les Canadiens qui en ont besoin.

La sécurité aérienne

    Monsieur le Président, Transports Canada a failli clouer au sol Porter Airlines pour non-respect du règlement sur la sécurité aérienne. Pourtant, malgré cette mesure draconienne, le ministre refuse de dire ce qui s'est passé et si la population était en danger.
    Pourquoi le ministre refuse-t-il de dire aux Canadiens quelles règles de sécurité Porter Airlines a enfreintes? Pourquoi envisager des mesures draconiennes? Les Canadiens ont le droit de savoir. Pourquoi le ministre cache-t-il la vérité à la population?
    La sécurité est la priorité absolue de Transports Canada. Porter Airlines respecte le Règlement de l'aviation canadien. En 2008, les inspecteurs de Transports Canada ont remarqué un problème mineur dans le programme d'assurance de la qualité de l'entretien de Porter. La compagnie a réglé le problème et tout va bien. Porter fait du bon travail au Canada.
    Monsieur le Président, les Canadiens habitant dans le Nord ont été durement éprouvés récemment par une série d'écrasements d'avion au cours des dernières semaines qui ont fait 16 morts. Le gouvernement n'a pas donné suite à ses plans visant à renforcer l'équipe d'inspecteurs de la sécurité de Transports Canada. En fait, le nombre d'inspecteurs a diminué au cours des deux dernières années.
    Voyager par avion est un mode de vie pour les gens du Nord et bien d'autres Canadiens. Ils ne devraient pas avoir à jouer à la roulette lorsqu'ils embarquent à bord d'un avion.
    Pourquoi le gouvernement se traîne-t-il les pieds en matière de sécurité aérienne? Quand remplira-t-il ses promesses et s'attaquera-t-il sérieusement à...
    Le ministre des Transports a la parole.

[Français]

    Monsieur le Président, c'est tout à fait incorrect. Il n'y a pas de mots pour expliquer qu'on s'attaque comme cela à la sécurité aérienne d'un pays qui la prend tellement à coeur. Nos inspecteurs sont hyper-compétents. Transports Canada fait un travail extraordinaire, reconnu partout dans le monde, et ce député attaque l'intégrité des travailleurs de Transports Canada. Je ne peux accepter cela. C'est inconvenant.
    Monsieur le Président, on va donc traiter de la sécurité en général. Le transporteur aérien Porter a été menacé d'être cloué au sol pour ne pas s'être conformé aux règles de sécurité de Transports Canada. Celui-ci refuse de dire pourquoi ou de dire si la sécurité des passagers était menacée.
    Ce gouvernement est incapable d'agir de manière transparente. Qu'il s'agisse des coûts des projets de loi ou même des ententes internationales, le public a le droit de savoir.
    Pourquoi le gouvernement ne protège-t-il pas les citoyens canadiens au lieu de leur cacher la vérité?
    Monsieur le Président, au lieu de faire peur à la population, ce député aurait dû écouter la réponse que j'ai donnée tout à l'heure.
     La sécurité aérienne est la priorité de Transports Canada. Porter Airlines respecte la réglementation canadienne. En 2008, les inspecteurs de Transports Canada étaient préoccupés par l'assurance qualité des services d'entretien de Porter. La compagnie s'est conformée à toutes les règles de Transports Canada. Porter est une belle compagnie. Transports Canada continue ses inspections régulières.

La réforme démocratique

    Monsieur le Président, il est juste que la Chambre ajoute des sièges au bénéfice des provinces qui y sont sous-représentées: la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario.
    Cependant, à sa première tentative, le gouvernement oubliait l'Ontario et insultait son premier ministre. À sa deuxième tentative, il oubliait le Québec et en faisait la seule province en décroissance démographique relative à être sous-représentée.
    Le ministre d'État (Réforme démocratique) va-t-il enfin déposer un projet qui ait du sens, et le fera-t-il assez tôt pour que la Chambre puisse bien l'étudier?
(1440)

[Traduction]

    Monsieur le Président, le gouvernement a fait trois promesses distinctes en ce qui concerne la représentation à la Chambre des communes. Tout d'abord, nous augmenterons le nombre de sièges, maintenant et plus tard, pour mieux tenir compte de la croissance démographique de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et de l'Alberta. Nous conserverons également le nombre actuel de sièges pour les plus petites provinces. Enfin, nous maintiendrons la représentation proportionnelle du Québec, fondée sur la population.
    Ce sont là nos trois engagements, et nous comptons présenter bientôt un projet de loi à cet égard.

[Français]

Postes Canada

    Monsieur le Président, je m'adresse au ministre d'État (Transports). On apprend que Postes Canada effectue présentement des réductions d'heures de travail importantes dans les bureaux de poste au pays.
    Le problème, c'est qu'on demande au Québec, de façon inéquitable et disproportionnée, de couper davantage. Sur les 150 000 heures de réduction prévue, 53 p. 100 sont prévues pour le Québec quand, dans les autres provinces, c'est 4 p. 100 et 8 p. 100 en moyenne. Cela veut dire des problèmes criants dans les régions. Ce faisant, cela veut dire qu'on fait fi des suggestions de la Fédération québécoise des municipalités.
    La direction de Postes Canada agit de cette façon. Pourquoi?

[Traduction]

    Monsieur le Président, la Société canadienne des postes est chargée de livrer le courrier des Canadiens. Nous avons tout fait pour que le Protocole du service postal mis en oeuvre par le gouvernement soit respecté. Les Canadiens recevront leur courrier et les entreprises canadiennes pourront poursuivre leurs activités.
    Je souligne que ce sont les partis de l'opposition qui ont tenté d'empêcher le gouvernement de faire en sorte que les Canadiens reçoivent leur courrier à temps. Ils devraient examiner leurs propres actions.

Le sommet du G8

    Monsieur le Président, hier, j'ai écrit un message sur Twitter à l'intention du président du Conseil du Trésor. Je lui ai demandé pourquoi la ministre du Travail n'hésite pas à se défendre lorsqu'elle fait l'objet d'attaques à la Chambre, alors qu'il se cache derrière le ministre des Affaires étrangères.
    Il m'a répondu. En fait, il m'a répondu par Twitter que si le ministre des Affaires étrangères répondait aux questions, c'est parce que c'est lui qui était responsable des fonds liés au G8.
    Ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor. Est-ce que cela signifie qu'il ne répondra pas aux questions relatives au G8 lors de sa comparution devant le comité, laquelle est attendue depuis fort longtemps?
    Monsieur le Président, je sais que le président du Conseil du Trésor se réjouit à la perspective de comparaître devant le comité, ne serait-ce que parce que le député de Markham—Unionville y sera pour lui poser des questions. Nous avons hâte qu'il participe aux audiences du comité. Je suis prêt à y participer moi aussi.

[Français]

    Monsieur le Président, voyons si le nouveau P.D.G. des conservateurs sait bien gérer. Le député responsable du ministère de Muskoka doit expliquer à la Chambre, et pas en comité quand il le décide, pourquoi il est intervenu dans le projet de Gravenhurst. Pourquoi a-t-il placé ce projet dans le Fonds Chantiers Canada? Ce n'est pas seulement le NPD qui se pose des questions. En ce moment même, le projet est sous enquête policière.
    Le ministre de Muskoka va-t-il démontrer qu'il a plus de colonne vertébrale que le Parti libéral et va-t-il se lever pour répondre?

[Traduction]

    Monsieur le Président, je trouve très regrettable que le député adopte un tel ton. Je tiens à souligner qu'il n'a pas eu le courage de porter de telles accusations contre le président du Conseil du Trésor à l'extérieur de cette enceinte, et pour cause: ces accusations sont sans fondement.
    Monsieur le Président, j'invite le président du Conseil du Trésor à sortir quand il le voudra pour en parler, mais il devra d'abord prendre la parole ici.
    Les Canadiens comptent beaucoup sur le Bureau du vérificateur général pour obliger le gouvernement à rendre des comptes, mais le gouvernement a rompu son lien de confiance avec les Canadiens lorsqu'il a caché des documents à la vérificatrice générale au moment où celle-ci tentait d'examiner cette caisse occulte.
    Nous venons d'apprendre que le ministre a de nouveaux moyens pour mettre des bâtons dans les roues du vérificateur général et cela consiste à amputer son budget. Cela signifie qu'il y aura moins de rapports et moins d'enquêtes et cela, juste au moment où le franc-tireur de Muskoka met la main sur le butin des contribuables canadiens.
    Faut-il en déduire qu'il faut attaquer le vérificateur général?
(1445)
    Monsieur le Président, je remercie le député pour sa question. Évidemment, il y a 2 667 jours qu'il a promis qu'il voterait contre le registre des armes d'épaule. Mais il a renié sa promesse.
    Le vérificateur général a demandé de prendre part à l'examen de ses dépenses. Soyons clairs. Il s'agit d'un examen distinct du plan d'action sur la réduction du déficit. Le vérificateur général participe volontairement à l'examen et, de ce côté-ci, nous en félicitons le vérificateur général intérimaire.
    Monsieur le Président, 131 jours après avoir sombré, c'est tout ce que trouve le ministre: les armes. C'est comme tenter de me tuer en me lançant du maïs soufflé.
    Le problème dont le ministre doit prendre conscience, c'est que s'il a l'air coupable et qu'il se conduit comme un coupable, les gens vont se rendre compte qu'il est peut-être coupable. La vérificatrice générale a déclaré que les règles avaient été enfreintes. Elle a déclaré qu'il appartient au Parlement de faire enquête.
    Est-ce que le gouvernement s'engage à demander une enquête parlementaire complète afin de déterminer comment cet homme a pu prendre 50 millions de dollars destinés à l'infrastructure frontalière et l'engloutir dans des projets sans appels d'offres dans sa circonscription?
    Des voix: Oh, oh!
    Monsieur le Président, toutes ces huées finiront par me blesser et elles ne font rien pour mon estime personnelle.
    La vérificatrice générale a examiné la question à fond. Elle a présenté un rapport au Parlement. Le gouvernement a pleinement collaboré avec elle dans la rédaction de ses recommandations au Parlement. Le gouvernement a accepté toutes les recommandations qu'elle a présentées sur la manière d'être plus ouverts et plus transparents envers le Parlement.

[Français]

    Monsieur le Président, continuons sur la question de la transparence. Le Comité permanent des comptes publics, qui est dominé par les conservateurs, n'a pas adopté une motion visant à étudier les rapports passés de la vérificatrice générale. Le comble, c'est que cela a été fait derrière des portes closes.
    Des rapports nous montrent toute l'étendue de la mauvaise gestion des fonds publics par les conservateurs: des millions de dollars gaspillés pour des hélicoptères et de la corruption au commissariat à l'intégrité de la fonction publique. Avant d'aller derrière des portes closes, un député conservateur du comité avait justifié son opposition à ceci en disant que beaucoup avaient changé depuis les élections.
    Pourquoi ce gouvernement ne laisse-t-il pas le Comité permanent des comptes publics faire son travail? Qu'est-ce qu'il...

[Traduction]

    Monsieur le Président, le gouvernement laisse les comités être les maîtres de leur destinée, car ils le sont.
    Ce que nous observons de ce côté-ci, c’est que les députés d’en face ne cessent de voter contre des mesures qui visent à contrôler les dépenses, à alléger les impôts des contribuables pour qu’ils aient plus d’argent dans leurs poches et à faire en sorte que notre économie continue de croître et de créer des emplois.
    Voilà ce qui intéresse le gouvernement. Il a tenu parole en ce qui concerne la responsabilisation et la transparence, et il cherche maintenant à assurer la croissance économique.

La Commission canadienne du blé

    Monsieur le Président, le ministre de l'Agriculture a présenté aujourd’hui à la Chambre un projet de loi historique. La Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation transformerait fondamentalement l’agriculture dans les Prairies en donnant aux agriculteurs la liberté de mettre leur production sur le marché au moment où ils le veulent et là où ils le veulent, et de le vendre à qui ils veulent.
    Les agriculteurs veulent la possibilité de s’épanouir sur le plan économique. Ils veulent la liberté. Ils veulent que le projet de loi soit adopté.
    Le ministre de l'Agriculture aurait-il l’obligeance de nous expliquer ce que ce projet de loi marquant voudra dire pour les agriculteurs?
    Monsieur le Président, je remercie le député de Red Deer de son excellent travail. Il connaît, lui qui est agriculteur, les avantages qu’apporterait ce projet de loi qui donne aux agriculteurs de l’Ouest la liberté en matière de commercialisation. Une fois adopté, le projet de loi permettra aux agriculteurs des Prairies de conclure leurs propres contrats, tout comme le font leurs amis et parents de l’Ontario. C’est ce qu’on appelle l’équité.
     Conformément au projet de loi, la Commission canadienne du blé demeurera une entité de mise en commun à participation facultative, et ce sera un excellent débouché pour les agriculteurs qui voudront y recourir. Nous invitons l’opposition à adopter le projet de loi rapidement, à instaurer la stabilité sur le marché et à envoyer les bons signaux aux agriculteurs pour qu’ils sachent ce qu’ils doivent semer le printemps prochain.
    Monsieur le Président, en mars, le ministre de l'Agriculture a dit qu’il ne sacrifierait pas la Commission canadienne du blé à moins que les agriculteurs de l’Ouest ne le veuillent. Pendant l’été, ces producteurs ont voté et ils se sont prononcés en faveur du maintien d’un organisme de commercialisation unique.
     Pourquoi le gouvernement n’écoute-t-il pas la voix des agriculteurs de l’Ouest? Pourquoi est-il à ce point à la solde des grandes entreprises agricoles et quand arrêtera-t-il de tenir l’Ouest pour acquis?
(1450)
    Monsieur le Président, c’est parce que nous prenons très au sérieux le mandat que les Canadiens de l’Ouest nous ont donné le 2 mai, et que nous avons mené une vigoureuse campagne à ce sujet.
     La députée de Churchill va-t-elle appuyer le projet de loi, puisqu’il ferait tout ce qui est nécessaire pour Churchill, tout ce que Churchill a demandé?
     Au cours des cinq prochaines années, un montant de 5 millions de dollars par année est prévu pour faciliter la transition; et il y aura 4 millions de dollars pour moderniser les installations portuaires afin de faciliter le chargement, sans oublier une rallonge de 4 millions de dollars du programme de diversification de l’économie de l’Ouest.
     Ce sont là d’excellentes nouvelles. Le maire de Churchill, Mike Spence, appuie le projet de loi sans aucune réserve. La députée appuiera-t-elle le projet de loi?

[Français]

    Monsieur le Président, on sait bien que la perte de la Commission canadienne du blé, c'est une perte pour tout le Canada de l'Ouest.
    La Commission canadienne du blé fournit aux agriculteurs et aux gens de l'Ouest et du Nord du Canada des prix et des tarifs que les grandes entreprises agroalimentaires ne peuvent pas égaler, surtout en période économique difficile. Pourtant, le ministre ne semble pas avoir de problème à mettre fin aux activités d'une des agences canadiennes qui connaît le plus de succès.
    Quand le ministre cessera-t-il d'ignorer la voix des gens de l'Ouest, des fermiers de l'Ouest, et quand va-t-il arrêter...
    À l'ordre. L'honorable ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a la parole.

[Traduction]

    Monsieur le Président, comme je l'ai dit, les Canadiens de l'Ouest, dont des agriculteurs, nous ont élus afin que nous tenions les engagements que nous avons pris durant la campagne électorale, notamment celui de donner aux agriculteurs de l'Ouest le libre choix en matière de commercialisation. Ils méritent ce droit et ce privilège. Ils nous ont montré — en commercialisant le canola, les légumineuses et d'autres cultures spéciales à l'échelle internationale — qu'ils possèdent l'expertise nécessaire.
     Ils doivent veiller à ce que les députés d'en face tiennent leur promesse et appuient l'adoption de ce projet de loi avant la fin de cette année, afin que le nouvel organisme qui succédera à la Commission canadienne du blé réussisse et que les agriculteurs de l'Ouest du Canada aient également le droit et l'obligation de réussir.

[Français]

Les langues officielles

    Monsieur le Président, la réponse du premier ministre au dernier rapport du commissaire aux langues officielles va décider de l'avenir des langues officielles au pays. Le rapport le dit noir sur blanc: le ministre des Langues officielles et le président du Conseil du Trésor ne respectent pas la loi. Toutes les institutions fédérales doivent pourtant suivre la loi et respecter les communautés des deux langues officielles dans leurs décisions.
    Est-ce que le premier ministre va réagir rapidement au rapport du commissaire aux langues officielles?
    Monsieur le Président, on va certainement réagir, comme on l'a fait dans le passé. Je veux citer le rapport du commissaire aux langues officielles que j'ai en main. Il est dit que notre gouvernement « a permis de démarrer ou de poursuivre de nombreux projets visant à valoriser la dualité linguistique auprès de tous les Canadiens, à favoriser le développement économique des communautés et à améliorer la situation de ces dernières, notamment en matière de santé, d'éducation, d'immigration et de culture ». Ce rapport souligne le fait que notre gouvernement fait des investissements sans précédent pour protéger et célébrer les deux langues officielles du Canada.
    Monsieur le Président, ce n'est pas avec des réponses vagues comme celle-là que le gouvernement va protéger les deux langues officielles de notre pays. Ce que le commissaire propose dans son rapport, c'est le minimum que devrait faire le gouvernement. Si le premier ministre refuse de se conformer aux propositions du rapport, ce sera la preuve qu'il s'oppose à la Loi sur les langues officielles.
    Est-ce que le premier ministre est prêt à adopter un projet de loi, comme le demande le commissaire aux langues officielles? Ça, c'est dans son rapport.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je vais être aussi précis que possible.
    Je vais citer le rapport. Voici ce qu'on peut y lire:
    Le ministère [du Patrimoine canadien] manifeste aussi son engagement envers la Loi sur les langues officielles en fournissant en tout temps ses services dans les deux langues officielles et, surtout, il fait du respect intégral de la partie VII de la Loi une [...] priorité. Ainsi, Patrimoine canadien consulte systématiquement les communautés de langue officielle par le truchement de groupes de travail, des conseils fédéraux et dans le cadre de l’élaboration d’ententes de coopération entre le Ministère et les provinces ainsi que les territoires. Les besoins des communautés de langue officielle sont non seulement bien connus de cette institution, mais ils sont aussi pris en compte lors de la conception et de la mise en oeuvre de ses programmes.
    C'est précis, c'est direct. Nous prenons les mesures qui s'imposent.

La justice

    Monsieur le Président, le projet de loi sur la criminalité du gouvernement conservateur prolonge les peines associées aux infractions liées à la drogue, accroît les peines minimales obligatoires et abolit les peines avec sursis.
    Des voix: Oh, oh!
    À l'ordre, s'il vous plaît. Je demanderais aux députés de bien vouloir attendre la fin de la question avant d'applaudir, faute de quoi la Chambre ne pourra pas en saisir le sens.
    Le député de Charlottetown a la parole.
    Quoi qu'on en dise, monsieur le Président, même les plus farouches partisans de la lutte contre la criminalité, aux États-Unis, reconnaissent que les stratégies comme celle-là sont vouées à l'échec. Même les plus opiniâtres des républicains conservateurs du Texas abolissent les peines minimales obligatoires et misent désormais sur les programmes de traitement de la toxicomanie, parce qu'ils permettent de lutter efficacement contre la criminalité, et ce, pour une fraction du coût.
    Pourquoi le gouvernement fait-il abstraction des faits et gaspille-t-il l'argent des contribuables en consacrant des millions à une stratégie qui s'en va droit dans un cul-de-sac?
(1455)
    Monsieur le Président, malheureusement, le reportage diffusé à la CBC hier soir pouvait induire les auditeurs en erreur. En fait, le projet de loi dont le Parlement est aujourd'hui saisi exclut expressément les tribunaux de traitement de la toxicomanie qui ont déjà pignon sur rue, ici au Canada.
    Si le Texas, pour ne nommer que celui-là, s'inspire de l'expérience canadienne — pour ne pas dire qu'il la reproduit intégralement —, on ne peut que s'en réjouir et offrir toute l'aide que nous pourrons à ses dirigeants.
    Monsieur le Président, grâce à la nouvelle stratégie adoptée par le Texas, qui a décidé de délaisser les peines d'incarcération au profit des programmes de traitement, le taux de récidive a chuté de 75 p. 100. Au contraire, à cause des lois sur la criminalité des conservateurs, des milliers de nouveaux détenus se retrouvent aujourd'hui derrière les barreaux, alors que les prisons sont déjà surpeuplées, et 85 p. 100 des détenus n'ont pas accès aux programmes de traitement dont ils auraient besoin. Par ailleurs, le financement consacré au traitement des détenus a fondu comme neige au soleil, alors que les coûts de sécurité ont explosé.
    Pourquoi le gouvernement veut-il faire adopter à toute vitesse un projet de loi à cause duquel, même les Texans le lui diraient, la criminalité et le nombre de victimes va augmenter, la justice va se détériorer et les coûts vont monter en flèche?
    Monsieur le Président, hélas, la députée s'appuie sur un reportage erroné de la CBC pour étayer ses propos.
    Toutes proportions gardées, le taux d'incarcération au Texas est cinq fois plus élevé qu'au Canada. En fait, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés exclut expressément les tribunaux de traitement de la toxicomanie qui ont déjà pignon sur rue au Canada. Comme le disait le ministre de la Justice, si les Texans veulent s'inspirer de nos tribunaux de traitement de la toxicomanie, on ne peut que s'en réjouir.
    Les députés devraient voter en faveur du projet de loi dont la Chambre est aujourd'hui saisie.

Les pêches et les océans

    Monsieur le Président, on a diagnostiqué l'anémie infectieuse du saumon chez les saumoneaux rouges dans l'océan Pacifique. C'est le même virus qui a infecté et exterminé presque 70 p. 100 des saumons d'élevage au Chili.
    Nous ignorons les effets à long terme que ce virus aura sur le saumon sauvage et combien de temps il sera présent dans les eaux du Pacifique. Que fait le gouvernement à l'heure actuelle pour étudier cette grave menace qui pèse sur notre pêche au saumon?
    Monsieur le Président, le gouvernement comprend l'importance du saumon pour la Colombie-Britannique sur les plans économique, historique et culturel. C'est pourquoi le premier ministre a mis sur pied la Commission d'enquête Cohen en 2009. J'encourage le député à appuyer les travaux du juge Cohen et de la commission.
    Monsieur le Président, le silence du gouvernement sur les pêches est assourdissant. Plutôt que de fournir des réponses, le ministère est muet et les scientifiques demeurent muselés. Les conservateurs éviscèrent le MPO et sabrent le financement des conseils de conservation des pêches. Sa politique semble être « on ne voit rien, on n'entend rien, on ne dit rien » et il espère que ces problèmes disparaîtront. Ce ne sera pas le cas.
    Quand le ministre avalisera-t-il une étude exhaustive et transparente de cette grave menace qui pèse sur nos pêches?
    Monsieur le Président, un examen stratégique a permis au ministère d'évaluer le rendement de ses programmes. Il nous a également permis de nous assurer que nous répondons aux priorités des Canadiens. Nous avons la responsabilité de dépenser l'argent des contribuables prudemment et de l'affecter là où il sera le plus bénéfique. Nous devons nous assurer que les programmes gouvernementaux sont efficients et efficaces et qu'ils donnent les résultats auxquels s'attendent les Canadiens.
    Le MPO fait des progrès constants pour moderniser et améliorer notre programme et notre approche stratégique afin de répondre aux besoins des Canadiens d'aujourd'hui et de demain.

Les affaires étrangères

    Monsieur le Président, c'est avec consternation que j'ai appris, la semaine dernière, certains détails à propos du complot iranien visant à assassiner l'ambassadeur de l'Arabie Saoudite à Washington. Bien que le complot ait été déjoué cette fois-ci, l'Iran constitue encore une menace pour le monde.
    Le ministre des Affaires étrangères aurait-il l'obligeance de faire connaître à la Chambre les mesures que prend le Canada en réponse au plus récent affront de l'Iran au droit international?
    Monsieur le Président, le Canada considère que les actes de l'Iran sont tout simplement inacceptables. Nous les condamnons sans réserve.
    La semaine dernière, j'ai pris l'engagement de travailler avec nos partenaires internationaux en vue de déterminer les conséquences que l'Iran devrait subir pour les gestes qu'il a posés. Aujourd'hui, le Canada a imposé des sanctions à cinq nouveaux ressortissants iraniens. Quatre d'entre eux appartiennent à la garde nationale iranienne. Ces sanctions viennent s'ajouter à celles qui ont déjà été prises.
    Comme l'a dit le premier ministre la semaine dernière, le régime de Téhéran représente la plus importante menace à la paix et à la sécurité dans le monde; je suis tout à fait d'accord.
(1500)
    Monsieur le Président, Majeed Uddin Ahmed et sa famille croupissent dans une prison saoudienne depuis près d'un mois. Ses deux enfants canadiens sont en prison. Les membres de sa famille qui sont restés au Canada sont très inquiets et ont dit: « À partir du moment où la famille a été emportée, il a fallu trois semaines pour qu'un représentant canadien lui rende visite. Cela fait un mois que je n'ai eu aucune nouvelle de mon frère; sa fille est malade et a besoin de soins médicaux. À l'aide. »
    Quand est-ce que la ministre se décidera enfin à leur venir en aide? Si elle en est incapable, est-elle disposée à quitter son poste afin que le premier ministre puisse nommer quelqu'un d'autre qui aidera cette famille?
    Monsieur le Président, malgré la grandiloquence du député, je peux lui assurer que le consulat du Canada offre bel et bien de l'aide à ce Canadien en détention, aux membres de sa famille et à leurs proches, comme on l'a demandé ici et en Arabie Saoudite.
    Nous avons obtenu l'autorisation de voir la famille. Nous continuerons de communiquer avec les représentants saoudiens dans le dossier et de donner à la famille l'aide demandée.

[Français]

La pauvreté

    Monsieur le Président, la pauvreté ne se limite plus aux centres-villes. Des poches de pauvreté apparaissent dans les banlieues des grandes villes, partout au pays. L'inégalité continue de grandir dans les régions. Avec l'isolement et des organismes communautaires sous-financés, les banlieues sont mal préparées à y faire face. Pendant ce temps, le gouvernement n'a aucun plan de lutte contre la pauvreté. Le projet de loi C-13 ne propose rien pour améliorer la situation.
    À quand un véritable plan de lutte contre la pauvreté?
    Monsieur le Président, pendant la récession mondiale, nous avons introduit des mesures pour aider des gens qui avaient perdu leur emploi à trouver d'autres postes, pour les entraîner à poursuivre une formation afin d'acquérir des compétences en vue d'un nouvel emploi. Nous avons aussi introduit plusieurs mesures pour aider tous les gens, par exemple, la réduction des taxes — notamment la PST — et aussi plusieurs autres programmes. Malheureusement, le NPD a voté contre toutes...
    À l'ordre. La députée de Vancouver-Sud a la parole.

[Traduction]

La justice

    Monsieur le Président, les Canadiens sont préoccupés par la criminalité. C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a reçu le mandat clair d'assurer la sécurité de nos rues et de nos communautés.
    Le projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés, contient des mesures ciblées visant à contrecarrer les entreprises criminelles, tout en assurant que les personnes qui vendent de la drogue aux enfants purgent des peines qui sont proportionnelles à la gravité de leur crime.
    Contrairement à ce qui a été affirmé dans un reportage récent de la CBC, le projet de loi C-10 contient des mesures précises pour aider les personnes qui sont malheureusement toxicomanes.
    Le ministre pourrait-il informer la Chambre de l'approche équilibrée que prévoit le projet de loi  C-10 pour lutter contre le crime?
    Monsieur le Président, la députée a complètement raison. Les Canadiens sont très préoccupés par la criminalité. Contrairement à ce qui a été affirmé dans le reportage, il y a, comme je l'ai signalé, des exemptions précises dans le projet de loi en ce qui concerne les tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Nous avons également précisé clairement que les personnes qui vendent de la drogue à des enfants ou qui font entrer au pays des drogues illicites seront emprisonnées. C'est ce que les Canadiens veulent.

[Français]

Les anciens combattants

    Monsieur le Président, nos soldats et nos anciens combattants ne sont pas une priorité pour ce gouvernement. Autrement, comment expliquer que le budget du ministère des Anciens Combattants sera amputé de 226 millions de dollars, principalement dans le soutien financier aux ex-militaires?
    De plus, on apprenait récemment que la Nouvelle Charte des anciens combattants allait pénaliser nos réservistes, qui ont couru les mêmes risques sur le terrain que nos soldats réguliers.
    Pourquoi le ministre a-t-il décidé que nos réservistes recevront désormais presque deux fois moins d'argent?
    Monsieur le Président, au contraire, on investit pour nos anciens combattants. Avec la Nouvelle Charte des anciens combattants, c'est près de 189 millions de dollars additionnels qu'on va investir pour nos vétérans. Cependant, il y a une réalité à laquelle on doit tous faire face à la Chambre, c'est que nos vétérans de la guerre de Corée et de la Seconde Guerre mondiale vieillissent et, malheureusement, nous quitteront en plus grand nombre au cours des prochaines décennies.
    J'invite ma collègue à appuyer les initiatives de ce gouvernement. Elle peut appuyer notre initiative « Du casque militaire au chapeau de construction » pour encourager nos militaires. Elle peut le faire...
(1505)
    À l'ordre. L'honorable députée de Saanich—Gulf Islands a la parole.

[Traduction]

La réforme démocratique

    Monsieur le Président, plus tôt aujourd'hui, j'ai remis au ministre d'État à la Réforme démocratique le bulletin du Parti conservateur de Saanich—Gulf Islands.
    Je suis très fière de représenter les gens de Saanich—Gulf Islands et je suis persuadée que le ministre sera tout aussi bouleversé que moi de prendre connaissance du plan transparent mis en place par son parti pour découper arbitrairement la circonscription dans le but de regagner celle-ci. Voici ce qu'on peut lire dans ce bulletin: « Si on enlève les trois régions que constituent le Sud du MacKenzie, les Îles-du-Golfe et Gordon Head, nous aurions remporté les dernières élections. »
    Le ministre pourrait-il nous garantir que la redistribution se fera en fonction du chiffre de population, et non du nombre d'électeurs conservateurs?
    Monsieur le Président, la loi est très claire. Elle établit un processus de redistribution qui, sur une base apolitique, relève de commissions indépendantes. Ce processus sera mis en oeuvre au moment opportun.
    En vertu de la loi, nous allons veiller à la mise en place d'une formule qui fera en sorte que les gens de Saanich—Gulf Islands, ou de la Colombie-Britannique — en fait, de l'ensemble du pays — jouissent de la représentation équitable qui leur fait défaut depuis longtemps.

Présence à la tribune

    Je voudrais signaler aux députés la présence à la tribune de l'honorable David Alward, premier ministre du Nouveau-Brunswick.
    Des voix: Bravo!

[Français]

    Je voudrais aussi signaler aux députés la présence à notre tribune des lauréates du Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire « personne »: Nancy Hartling, Lucie Joyal, Kim Pate, Madeline Boscoe, Sharon Donna McIvor, et Amber JoAnn Fletcher, récipiendaire du prix jeunesse.
    Des voix: Bravo!

[Traduction]

Privilège

Le projet de loi réorganisant la Commission canadienne du blé

[Privilège]

    Monsieur le Président, j'aurais quelques mots à dire au sujet des points soulevés aujourd'hui concernant l'article 47.1 de la Loi sur la Commission canadienne du blé et au sujet de la question de privilège relative à des allégations d'outrage soulevée par le député d'en face. C'est le député de Malpeque qui a soulevé ces questions.
    Évidemment, notre gouvernement considère ce projet de loi, qui est destiné à redonner la liberté de choix aux agriculteurs canadiens, comme un projet de loi de grande importance. Nous avons repris le pouvoir après les dernières élections et, je m'empresse d'ajouter, après une vaste consultation des Canadiens au sujet d'un ensemble clair de dossiers dont nous leur avions promis de nous occuper. Donner aux agriculteurs canadiens la liberté de commercialiser leurs produits comme ils l'entendent faisait partie de ces dossiers de grande importance.
    Mon ami le député prétend essentiellement que la modification ou l'abrogation de la Loi sur la Commission canadienne du blé par le projet de loi C-18, sans un vote des producteurs, violerait l'article 47.1 de cette loi. Bref, monsieur le Président, le député vous demande d'interpréter les dispositions de la loi.
    Comme l'a dit auparavant le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, il est bien établi que les questions de droit ne relèvent pas de la présidence. J'ajouterais à cet argument simple, qui me semble juste et tout à fait pertinent, quelques précédents dont il pourrait nous être utile de tenir compte. Je constate que ni le député de Malpeque, ni celui de Guelph, ni celui de Winnipeg-Nord n'ont cité un article du Règlement ou une décision du Président. Pourtant, ces décisions relèvent nettement plus de la compétence du Président.
    J'attire l'attention de la Chambre sur la page 261 de la deuxième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, où se trouve le passage suivant:
[...] nombre [de Présidents] ont expliqué qu'il n'appartient pas à la présidence de se prononcer sur la « constitutionnalité » ou la « légalité » des mesures dont la Chambre est saisie.
    Le 8 juillet 1969, le Président Lamoureux a rendu, sur ce point, la décision suivante, que l'on trouve à la page 1319 des Journaux:
     J'ai déjà eu dans le passé l'occasion d'indiquer que la présidence n'a pas à décider de questions de droit ou de questions constitutionnelles. Cette décision a été rendue en maintes occasions par des Orateurs précédents.
    Le 2 mai 1989, dans une décision se trouvant à la page 1175 des Débats, le Président Fraser a fourni à cet égard la justification suivante:
    Le Président ne doit pas juger les questions constitutionnelles ou juridiques. Cela relève plus justement du rôle des tribunaux et de l'administration de la justice. Mes prédécesseurs ont pris bien soin de limiter strictement leurs interventions aux questions d'ordre parlementaire ou procédural et d'éviter de traiter des questions constitutionnelles ou juridiques.
    Une autre décision du Président Fraser, rendue le 9 avril 1991, et figurant à la page 19233 des Débats, nous renvoie, selon moi, à une situation analogue à celle que le député a soulevée. Dans ce cas, le Président était appelé à décider si une motion visant à apporter certaines modification au Règlement était en contradiction avec la Constitution et avec la Loi sur le Parlement du Canada. Le Président Fraser avait alors déclaré ceci:
[...] la Présidence doit refuser de se laisser entraîner, même indirectement, dans quelque interprétation des limites imposées par la Constitution ou la Loi sur le Parlement du Canada.
    Je dirai que la Loi sur la Commission canadienne du blé ne fait pas exception. Votre prédécesseur, monsieur le Président, a aussi rendu des décisions semblables, que l'on trouve notamment à la page 6123 des Débats du 13 mai 2003, et à la page 4498 des Débats du 23 mars 2005.
    J'irais même plus loin. Si nous devions accepter comme logiques les arguments de nos vis-à-vis, nous devrions affirmer qu'il serait possible d'adopter une loi qui limiterait le pouvoir de la Chambre des communes d'adopter certaines autres lois dans le futur. En déclarant simplement que la loi est ainsi faite, ils affirment que certaines lois ont plus de poids que d'autres et qu'elles deviennent à toutes fins utiles des dispositions constitutionnelles que la Chambre ne peut pas modifier. Il est évident que cela ne tient pas la route.
    Le précédent que l'on créerait ainsi instaurerait une situation extrêmement difficile à gérer dans l'avenir puisque n'importe quel gouvernement pourrait faire en sorte qu'aucune des lois qu'il fait adopter ne peut être abrogée démocratiquement par un gouvernement ultérieur tout simplement en incluant dans ces lois une disposition comme celle de l'article 47.1. Le fait est que le Parlement a le pouvoir suprême d'adopter des lois, ce qui inclut des lois modifiant les lois existantes. La seule loi qui se situe au-dessus des autres est évidemment la Loi constitutionnelle.
    Monsieur le Président, je dirais que pour cette raison également, à savoir les problèmes pratiques et logiques auxquels nous serions confrontés si un gouvernement pouvait adopter une loi qui entrave la liberté de tout futur gouvernement comme je viens de l'expliquer, notre système démocratique risquerait la paralysie et serait soumis à la lourde main de l'histoire.
(1510)
    Par conséquent, monsieur le Président, je vous exhorte à déclarer que la requête du député est hors de votre domaine d'intervention et, par conséquent, que la question de privilège n'est pas, à première vue, fondée.
    Le député de Malpeque veut-il intervenir dans le cadre du même recours?
    Oui, monsieur le Président. J'aimerais ajouter quelques détails.
    Dans la loi adoptée en 1997, le Parlement donne clairement un droit d'autodétermination aux agriculteurs qui font affaire avec la Commission canadienne du blé. Le Parlement, dans ce pays qui est une démocratie, a adopté une loi, et nous avons actuellement un gouvernement qui ne permet pas aux producteurs de voter, comme le prévoit la loi. Que décidera-t-il ensuite? Est-ce qu'au lieu d'avoir des élections tous les quatre ans il faudra plutôt attendre dix ans, parce que le premier ministre en a décidé ainsi et que son parti fortement majoritaire vote pour cette mesure?
    Notre rôle de parlementaires nous donne des responsabilités. La question de privilège que j'aimerais soulever est la suivante: on me demande, à titre de député, d'accepter une mesure législative qui viendra éliminer une autre mesure législative que la Chambre a adoptée afin de donner aux agriculteurs un droit d'autodétermination quant à leur avenir. On nous demande d'étudier un projet de loi qui leur enlèvera ce droit et qui va à l'encontre du droit de vote prévu par le paragraphe 47.1 de la loi. Le Parlement a pris un engagement, et c'est une question très sérieuse, qui est au coeur même de notre démocratie, à mon avis. Nous enlevons des droits.
    Monsieur le Président, personne ne vous demande d'évaluer si cette façon de faire est légale. Vous porterez atteinte à mes droits de député si vous acceptez ce que propose le gouvernement, et vous porterez aussi atteinte aux droits des agriculteurs si vous acceptez ce que propose le gouvernement, parce que nous avons adopté une loi en 1997. Ce matin, j'ai cité le ministre de l'époque. Il a déclaré clairement que la loi avait pour but de donner aux producteurs primaires le droit de diriger leur propre destinée.
    Il s'agit d'une question extrêmement sérieuse. Je n'accorde pas beaucoup de valeur à ce qu'a dit le leader d'en face.
(1515)
    Je permets au leader du gouvernement à la Chambre de répondre brièvement à la question.
    Monsieur le Président, pour répondre brièvement à la question soulevée par le député, je dirai ceci. Selon lui, logiquement, le Parlement a délégué son pouvoir décisionnel à une autre institution et ne peut pas le reprendre.
    Bien entendu, une telle délégation de pouvoirs serait inappropriée. Le Parlement ne peut pas déléguer ses pouvoirs législatifs et ses pouvoirs conférés par la loi, qui lui appartiennent en propre. Ces pouvoirs ne peuvent pas être délégués à un autre groupe de personnes au Canada. Par conséquent, on ne peut tout simplement pas considérer comme raisonnable la délégation de pouvoirs qui est censée, selon lui, s'être produite. Si c'était le cas, nous serions dans la situation où le Parlement ne pourrait plus gouverner efficacement le pays, étant donné que dans une législature précédente, ses pouvoirs auraient pu être délégués à d'autres institutions. Ainsi, le Parlement actuel pourrait ne plus être en mesure de légiférer.
    La valeur de mes arguments est renforcée, je crois, par les déductions logiques qu'on peut tirer de la position du député.
    Je remercie les députés de leurs interventions et je leur promets encore une fois d'en tenir compte. Je ferai connaître ma décision à la Chambre en temps opportun.

Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

[Français]

Loi sur la modernisation du droit d'auteur

    La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
    Il reste 10 minutes à l'honorable député de Longueuil—Pierre-Boucher pour compléter son allocution.
    Monsieur le Président, ce qui est malheureusement clair, c'est que ce projet de loi est vraiment comme un camion de 18 roues qui arrive chez les auteurs-compositeurs et les ayants droit, mais qui est vide. En effet, en réalité, rien ne prévoit quoi que ce soit pour compenser les pertes liées au régime de la copie privée.
    On va se remémorer comment ça se passe, et ce n'est pas du tout théorique, c'est très concret. Autrefois, la musique s'achetait autrement. Aujourd'hui, cette musique apparaît dans nos ordinateurs, dans nos BlackBerry et dans nos iPod, et on doit l'avoir achetée. C'est parfait si on l'a achetée par l'entremise de commerces comme iTunes, Amazon ou Archambault.ca. Par contre, on sait très bien que la réalité est tout autre, et que l'industrie du disque a souffert de grandes pertes financières liées à la disponibilité du matériel en ligne, même si toutefois il provenait d'endroits où il était illégal de télécharger du matériel.
    Ce manquement est une incohérence totale du gouvernement, qui dit vouloir protéger les emplois des Canadiens et valoriser cette valeur. En réalité, d'où peut provenir l'argent des ayants droit s'ils ne peuvent pas vendre leur matériel, ou s'ils se font voler ou littéralement piller dans l'Internet? Il est normal que la loi ne puisse pas être adoptée telle quelle. Il va falloir travailler très fort pour rajouter quelque chose, spécialement en ce qui a trait au régime de la copie privée.
    Je comprends très bien un ayant droit qui se dit que cela n'a pas de bon sens, et qu'avec le droit de copie qu'on propose aux médias de télécommunication et aux radiodiffuseurs, on lui enlève le steak de son assiette et qu'on pourra même lui enlever ses patates et ses carottes. Rappelons le principe: un auteur-compositeur, une compagnie de disques, un producteur, un ayant droit, lorsqu'il arrive avec une oeuvre, il la voit diffusée chez un radiodiffuseur, et pour ce faire, celui-ci se fait une première copie pour l'insérer dans son système de diffusion. On est content qu'il fasse jouer la pièce, mais c'est quand même un droit mécanique de reproduction qui était enchâssé jusqu'ici dans le droit d'auteur. Or, aujourd'hui, on veut dire aux auteurs-compositeurs et aux ayants droit qu'on ne donnera pas cette obligation au radiodiffuseur. Il pourra faire sa copie de travail sans rétribution. Ce n'est pas l'enjeu majeur pour les ayants droit relativement au projet de loi C-11, mais c'en est un de plus. C'est comme ajouter l'insulte à l'injure.
    À mes yeux, le problème majeur demeure le régime de la copie privée qui ne se retrouve pratiquement que sur des supports moribonds. Le régime de la copie privée est une redevance qu'on touche sur un CDR. Or on sait tous que la consommation de CDR est tombée à un niveau microscopique, puisque le système de baladeurs numériques comme le iPod, le lecteur MP3 et autres machines du même genre ont remplacé complètement le système de transfert de matériel et d'oeuvres qu'on aime sur des CDR.
    Un système de perception est donc en train de s'étouffer, et le projet de loi C-11 ferme les yeux là-dessus. Or il faut s'attaquer à ce problème. C'est le problème le plus important que vit la communauté des ayants droit. Non seulement on retire le droit mécanique à la première reproduction dans le cas de la radiodiffusion, mais en plus, on dit qu'en milieu scolaire et d'apprentissage, on pourra faire des copies gratuitement. On comprendra normalement que les ayants droit sont sympathiques à cette situation mais qu'il y a quand même des droits à payer, et qu'ils peuvent potentiellement les dispenser par écrit. Les ayants droit peuvent recevoir des requêtes et les dispenser par écrit à un professeur ou dispenser de payer un droit dans le cadre d'une situation particulière. Encore une fois, le projet de loi s'y objecte et dit qu'on doit enlever le régime de la copie privée, qu'on doit enlever la copie pour les diffuseurs et qu'on doit aussi enlever ce pauvre petit montant qui pouvait venir du milieu éducatif. Que reste-t-il alors pour les artistes et pour les ayants droit en termes de droits d'auteur? Il faut absolument travailler à cela.
    D'autre part, une des pistes de solution qu'il faudrait peut-être examiner consiste à se demander à qui profite cette situation. On se rappellera que quand on veut aller chercher de la musique dans l'Internet, il y a un endroit pour acheter notre musique. Mais des gens qu'on connaît vont aussi potentiellement chercher leur musique ailleurs. Cela augmente le trafic d'information sur le circuit ou réseau Internet.
(1520)
    Il y a des gens qui nous vendent des connexions à plus ou moins grande vitesse, à grand ou petit seuil de données téléchargées en amont et en aval. Est-ce qu'on pourrait au moins démontrer un intérêt à explorer d'autres avenues pour compenser cette perte au régime de copie privée? C'est l'essentiel. Dans un cas comme celui-là, relativement aux transferts par Internet, on peut certainement imaginer, au nombre d'abonnés que nous représentons, que ce serait légitime. Le principe d'Internet a remplacé la transaction réelle d'un CD en magasin. Si on ne peut pas appliquer le régime de copie privée sur un appareil comme un baladeur MP3 ou un iPod, qu'est-ce qui reste pour les ayants droit? Ces gens se retrouvent le bec à l'eau par rapport à un nouveau projet de loi qui, normalement, devrait arriver comme un baume vu qu'on est en retard, à l'ère de Séraphin Poudrier, par rapport au droit d'auteur au niveau international. Il est grand temps de « revamper » la législation dans ce domaine. En ce qui a trait à la gestion collective des droits d'auteur en particulier, on a des croûtes à manger.
    En terminant, j'aimerais m'assurer que nous aurons la chance d'examiner les autres avenues qui pourront compenser le régime de copie privée.
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de ses propos. Il parle de compensation par rapport au piratage. À quel type de compensation pense-t-il et quelle forme pourrait-elle prendre?
    Monsieur le Président, il s'agit d'une question pertinente, d'autant plus que j'ai parlé avant et après la période des questions. Essentiellement, on parle de mesures de compensation parce qu'il est très difficile de comptabiliser chacune des petites transactions faites par un usager chez lui qui, devant son écran d'ordinateur, va chercher une chanson donnée dans un endroit idéalement légal. Malheureusement, on sait tous qu'il y a une grande propension à aller chercher de la musique sur des sites de partage illégaux. On a évoqué à maintes reprises que la plupart des artistes ne veulent pas se retrouver dans l'obligation de poursuivre les gens qui aiment leur musique. En plus, c'est très difficile de comptabiliser tout ça avec rigueur.
    C'est pour ça que le principe de compensation a été proposé. À l'époque, la compensation était facile à appliquer. On l'appliquait sur les supports vierges, ce qui permettait de faire une copie d'une oeuvre. Or aujourd'hui, ça s'en va sur un baladeur numérique. Lorsque les gens ont essayé de prolonger le régime de copie privée sur les CD vierges vers le baladeur numérique, ils ont porté des t-shirts « No iPod Tax ». Ils refusaient d'avoir une taxe de plus. Il va bien falloir que cette mesure de compensation soit appliquée. La réalité est qu'on est passé de la copie sur un CD-R à un baladeur avec des pièces virtuelles qui, théoriquement, n'existent nulle part, sur lequel on ne peut avoir de redevances par rapport à la machine. Alors, où va-t-on donner les redevances, étant donné qu'on n'est toujours pas capable d'obtenir un compte précis de ces millions de transactions qui peuvent avoir lieu dans une année sur Internet?
(1525)

[Traduction]

    Monsieur le Président, il ne fait absolument aucun doute qu'avec toutes les avancées technologiques récentes, il est nécessaire d'adapter les règles actuelles en matière de droits d'auteur.
    Les choses ont énormément changé depuis le temps où j'étais étudiante, puis enseignante. Nous sommes présentement témoins d'une évolution technologique absolument stupéfiante. Lorsque que j'étais chez moi pendant la pause de la semaine dernière, au repas de l'Action de grâce, mon petit-fils, qui est en septième année, m'a montré sur YouTube une vidéo de lui en train de jouer dans un orchestre rock qui est largement diffusée et qui obtient une multitude de visites. Cela illustre la créativité de jeunes de 11 ans qui commencent à utiliser ce nouveau médium d'une façon qui nous échappe.
    Toutefois, alors qu'on commence à voir de nouvelles façons originales de se servir des technologies de pointe, et aussi des anciennes, comme les bons vieux livres imprimés, on constate également la nécessité de réformer les droits d'auteur d'une façon très équilibrée et ce, afin de protéger les droits des créateurs et de ceux qui achètent ensuite du contenu, qui en deviennent les vendeurs, si je puis dire, et qui en prennent le contrôle. Si l'on adopte une approche déséquilibrée où les propriétaires de contenu se trouvent à avoir davantage de pouvoir que les agents créateurs de ce contenu, j'estime que cela se traduira par une perte de créativité, et, à terme, par une perte de revenus pour nous.
    Pour l'information de ceux qui sont ici et de ceux qui nous écoutent, l'ACTRA, l'Alliance des artistes canadiens du cinéma, de la télévision et de la radio, estime à 85 milliards par année l'apport de ce secteur à notre économie. Ce secteur — et les emplois qui en dépendent — peut uniquement s'épanouir dans un environnement où la propriété intellectuelle est protégée. Voilà le dilemme qui est le nôtre face aux technologies nouvelles qui font qu'il suffit de créer une chanson et d'appuyer sur une touche pour qu'instantanément, elle fasse le tour du monde.
    L'industrie du cinéma, de la télévision et de la radio et ses ramifications représente 1,1 million d'emplois. Et bon nombre de ces emplois existent parce que des créateurs ont des idées formidables et produisent du contenu que d'autres personnes peuvent reprendre et produire. Il faut donc faire en sorte de protéger les artistes et leur droit de gagner leur vie.
    En dépit de l'imposante contribution des artistes à notre économie, certains seraient étonnés d'apprendre que le salaire moyen d'un artiste au Canada s'élève à 12 900 $ par année. Lorsque j'ai lu ce chiffre dans un document de recherche, je suis restée interloquée car, si c'est ce qu'ils gagnent en ce moment, je suis convaincue que dans la foulée des changements apportés à la Loi sur le droit d'auteur, leur revenu diminuera. Bon nombre de ces artistes devront alors se tourner vers une autre profession, et leur créativité, ainsi que toute la richesse qu'elle engendre, sera perdue pour nous tous.
    Selon un rapport du Conference Board du Canada publié en 2008, le secteur culturel a généré des recettes fiscales de l'ordre de 25 milliards de dollars pour tous les paliers de gouvernements en 2007. C'est trois fois plus que les 7,9 milliards consacrés à la culture par tous les pouvoirs publics. Il s'agit d'un niveau de rendement absolument renversant.
    Lorsqu'on analyse les investissements du gouvernement fédéral dans l'art et la culture, nous constatons qu'il a investi 3,7 milliards de dollars en 2007-2008 alors que, pendant la même période, les ménages typiques dépensaient collectivement 1,4 milliard de dollars pour participer à des activités culturelles et aux arts du spectacle.
(1530)
    Cela montre que le projet de loi du gouvernement doit être étudié avec diligence. Il faut que nous l'examinions et que nous le modifiions pour nous assurer de trouver un juste équilibre entre les droits des créateurs, qui amènent les propriétaires du contenu à réaliser le genre de profits qu'ils touchent, les droits de ces propriétaires de contenu et ceux des consommateurs.
    Nous voyons que nous avons du pain sur la planche. Le projet de loi ressemble beaucoup à celui dont la Chambre avait été saisie auparavant. Le NPD avait indiqué alors, et notre position est toujours la même, qu'à son avis, la modernisation de cette loi était requise depuis longtemps, mais que le projet de loi comportait trop de lacunes criantes pour être adopté. En fait, il semble créer des problèmes là où il n'y en a pas en ce moment. Par conséquent, nous sommes impatients d'y apporter des modifications qui cerneront certains de ces enjeux.
    Lorsque nous examinons la mesure législative dont nous sommes saisis, nous remarquons qu'elle semble moins tenir compte des besoins des Canadiens, des artistes, des propriétaires de contenu et des consommateurs canadiens que tenter de satisfaire aux exigences des grands propriétaires de contenu des États-Unis.
    Il faut que nous sachions quand les Canadiens auront enfin une loi sur le droit d'auteur qui est adaptée aux Canadiens, que ce soient les créateurs, les propriétaires de contenu ou les consommateurs. Nous ne pouvons pas continuellement adopter ici des mesures législatives qui nuisent à notre propre industrie au profit des industries américaines, à qui des modifications de ce genre profiteraient.
    Le NPD n'est pas le seul à l'affirmer. Michael Geist, un commentateur renommé dans le domaine de la technologie, l'a indiqué succinctement lorsqu'il a écrit ceci:
    Le projet de loi repose toujours sur le principe selon lequel l'utilisation d'un verrou numérique — pour protéger des livres, des films, de la musique ou des dispositifs électroniques — a préséance sur pratiquement tous les autres droits.
    Lorsqu'on entend cela et qu'on comprend vraiment ce que cela veut dire, on se rend compte que l'utilisation d'un verrou numérique l'emporterait sur tout assouplissement des droits prévu par la mesure législative dans les domaines de l'éducation, de la satire, etc. Par conséquent, à la longue, tous les droits que le projet de loi prétend accorder seraient finalement retirés par l'utilisation du verrou numérique.
    Les industries du secteur culturel ont aussi donné leur point de vue. Elles ont dit que le projet de loi pouvait empoisonner l'économie numérique au pays. Nous vivons des temps très incertains, car les économies mondiales semblent encore chancelantes, et nous savons que le Canada en subira les contrecoups. Les Canadiens ne peuvent donc pas s'offrir le luxe d'empoisonner l'un ou l'autre de leurs secteurs. Le secteur culturel nous envoie un signal très clair en disant que le projet de loi n'offre pas de compensation équitable au contenu canadien.
    C'est une question qui est très préoccupante pour nous, en tant que Canadiens. Nous prisons notre culture et nos artistes et nous célébrons le succès des Canadiens qui percent sur la scène internationale. Deux de nos auteurs canadiens sont à Londres en ce moment et attendent de savoir s'ils recevront un prix prestigieux.
(1535)
    Nous célébrons lorsque l'un de nos réalisateurs connaît du succès dans l'industrie du film. Nous célébrons lorsque nos pièces de théâtre sont produites à l'étranger, parce que nous sommes fiers d'être Canadiens. Il est primordial que nous assurions la survie et veillions à l'épanouissement du contenu canadien pour nos enfants et nos petits-enfants. Si on nous dit ou nous avertit que nous allons mettre en place une mesure qui va empoisonner la créativité canadienne, nous devons tous en être très préoccupés, car nous sommes les députés du Parlement du Canada et nous valorisons le patrimoine canadien et l'art canadien, tant au pays qu'à l'étranger.
    La Writers Guild of Canada s'est dite également très préoccupée par l'idée que les verrous numériques, dans le meilleur des mondes, n'auront pour effet que de geler les sources de revenus actuels des créateurs. Que se passe-t-il lorsqu'on gèle les sources de revenus des créateurs? Ils n'ont plus autant de temps pour créer, car ils doivent se trouver un emploi pour mettre du pain et du beurre sur la table. J'exhorte donc la Chambre à examiner attentivement ce projet de loi, et le gouvernement à examiner les amendements qui permettront aux artistes de nourrir leur passion.
    La CIPPIC a mentionné pour sa part, toujours au sujet des verrous numériques, que les expériences tentées à cet égard ont toujours été problématiques. Elle exhorte le gouvernement à trouver une solution équitable tant pour les utilisateurs et les titulaires de droits d'auteur que pour les créateurs.
    Dans l'ensemble, aucune organisation, à l'exception peut-être de certaines organisations aux États-Unis, n'est d'avis que notre système de verrous numériques est bon. Je trouve cela très intéressant en soi, car un verrou sert habituellement à fermer l'accès. Voilà exactement ce qui est préoccupant.
    M. Geist écrit également que ce projet de loi est plus ou moins une copie conforme d'une version précédente et que la disposition concernant le verrou numérique est la plus stricte et la plus restrictive qui existe dans le monde. Pourquoi alors voudrions-nous aller dans cette voie et nuire en quelque sorte à la créativité des artistes canadiens?
    C'est à se demander pourquoi nous agissons ainsi. Quels sont les facteurs qui nous motivent à aller dans cette voie? Je le répète: nous savons que les États-Unis ont exercé beaucoup de pressions de diverses manières. Même si des organisations canadiennes s'opposent aux règles sur les verrous numériques, le gouvernement y tient fermement. Pourquoi? Selon M. Geist — et je commence à être d'accord avec lui —, il semble que ce soit principalement parce que le Canada succombe aux pressions exercées par les États-Unis, et non parce qu'il veut satisfaire les Canadiens. Ce n'est un secret pour personne que les États-Unis exercent des pressions sur le Canada, vu les critiques qu'ils ont faites à des projets de loi antérieurs sur le droit d'auteur et le fait qu'ils nous demandent fréquemment d'intervenir dans ce dossier en échange de quelques compromis dans d'autres dossiers liés au commerce. Nous n'allons certainement pas troquer notre créativité, notre patrimoine, contre d'éventuelles discussions sur le commerce. Ce genre de discussions visant à améliorer les échanges commerciaux et les dispositions à cet égard doit faire intervenir deux partenaires égaux.
    En lisant certaines notes internes qui ont été divulguées, j'ai pu constater que le premier ministre Harper a lui-même promis de...
    Des voix: Oh, oh!
    Mme Jinny Jogindera Sims: Désolée.
(1540)
    À l’ordre, s’il vous plaît. J’ose croire que la députée de Delta—Richmond-Est tâchera dorénavant d’éviter de nommer les personnes. Elle a déjà présenté des excuses. Nous allons donc poursuivre le débat.
    Je m’excuse auprès de mes collègues de la Chambre, monsieur le Président. Le manque d’expérience est parfois une bonne excuse, mais je suis sincèrement désolée.
    Le premier ministre a personnellement promis au président américain Bush, en 2008, que le Canada adopterait une réforme du droit d’auteur. D’anciens ministres de l’Industrie ont évoqué la possibilité de divulguer une copie préliminaire du projet de loi sur le droit d’auteur aux États-Unis. D’anciens ministres de l’Industrie ont incité les États-Unis à faire pression sur le Canada en nous mettant sur leur liste de surveillance. D’anciens ministres du Patrimoine ont cédé aux pressions des Américains en faisant adopter un projet de loi interdisant les caméscopes en dépit d’une analyse du ministère selon laquelle il n’était pas nécessaire de modifier la loi. Un haut fonctionnaire du Bureau du Conseil privé a divulgué la teneur de lettres de mandat destinées à l’adjoint du premier ministre à l’époque. Le Canada a pris part à une plainte contre la Chine adressée à l’OMC relativement au droit d’auteur, à la demande des États-Unis, même s’il a été impossible de rassembler suffisamment de données prouvant qu’il y avait préjudice contre des intérêts canadiens.
    Après des années de faux départs, il est clair que le projet de loi sur le droit d’auteur sera adopté. Le gouvernement est majoritaire. Toutefois, je demande au gouvernement et à la Chambre d’examiner le projet de loi et de l’adapter davantage aux besoins des Canadiens, aux besoins de nos créateurs et des consommateurs canadiens.
     L’enseignante que je suis a été ravie en lisant certaines dispositions du projet de loi. J’étais ravie de voir que les règles étaient plus souples pour les enseignants. Par contre, j’aurais souhaité qu’elles le soient encore plus. Puis, j’ai été contrariée en lisant que les documents consultés par les élèves devraient être détruits après 30 jours. Une fois le cours terminé, ils doivent détruire tout ce qu’ils ont.
     Cela me fait réfléchir à ma propre histoire. Je sais que certains députés se demanderont sur quelle planète je vis, mais j’ai encore mes cahiers de notes du secondaire et, croyez-le ou non, je m’y suis référée lorsque j’ai donné des cours sur l’histoire mondiale. Nous n’avons pas à tout réinventer. Pareillement, j’ai encore un grand nombre des travaux que j’ai rédigés, y compris des recherches que j’ai faites lorsque j’étudiais à l’université. Je n’en ai pas des boîtes. Tout est sagement rangé dans une seule boîte. Cependant, ce sont des joyaux que je chéris depuis des années et, comme enseignante, j’y tiens.
    Nous demandons aux étudiants de détruire certaines choses à la fin du cours. Néanmoins, un étudiant qui veut reprendre le cours pour améliorer sa note parce que la MPC est déterminante de nos jours, n’aura aucun document parce qu’ils auront été détruits. Apparemment, au bout de 30 jours, ils s’autodétruiront, ce que je trouve absolument sidérant.
     Nous sommes une société multiculturelle et à ce titre, nous sommes bombardés de toutes sortes de médias. Ma mère, qui a 84 ans, aime beaucoup les productions de Bollywood. Elle achète et regarde des films de Bollywood. En examinant cette mesure, je pense aux limitations que la loi lui imposerait alors qu’elle tente de se raccrocher à son héritage culturel et qu’elle aime vraiment regarder un film de Bollywood lorsqu’elle ne peut pas aller se promener. J’espère qu’il n’y a rien dans le projet de loi qui empêchera ma mère de regarder un film plus d’une fois et même de le faire jouer lorsque nous lui rendons visite afin qu’elle ait l’impression que nous regardons parfois la télévision ou du moins ce qu’elle-même regarde. Ma mère n’est pas la seule personne que cela pourrait toucher. De nombreuses communautés seront touchées.
(1545)
     Comme je l’ai dit, nous devons absolument moderniser nos lois sur le droit d’auteur. Elles sont périmées. Elles ne répondent pas aux sérieuses préoccupations que nous avons maintenant et ne sont pas adaptées aux progrès que nous avons réalisés sur le plan technologique.
     Ce faisant, veillons également à ne pas oublier les droits des talents créateurs qui concevront un bon nombre des produits que nous essayons de protéger par le droit d’auteur. En outre, nous devons nous pencher sur la question du verrou, non seulement sur son incidence en ce qui concerne les revenus, mais également sur le fait que ce mécanisme pourrait étouffer les talents créateurs.
     Dans un monde à ce point numérique que si l’on envoie un fichier par inadvertance, on ne peut pas le rappeler parce qu’il a fait le tour de la planète, nous devons aborder le domaine des droits d’auteur avec prudence.
     J’espère que les ministériels examineront sérieusement les préoccupations qui ont été exprimées et qu’ils répondront à certaines d’entre elles en apportant des amendements.
    Monsieur le Président, j'ai écouté ce que la députée avait à dire. Je crois que ses intentions sont bonnes, mais il lui manque certains faits.
    Pendant l'examen du projet de loi par le comité, à la législature précédente, des représentants de nombreux groupes sont venus témoigner, comme Perrin Beatty de la Chambre de commerce du Canada, et John Manley du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Des représentants du secteur des logiciels de divertissement et des jeux vidéo, dans lequel le Canada fait particulièrement bonne figure, sont aussi venus témoigner, tout comme des représentants de l'industrie canadienne du cinéma et de la musique. Graham Henderson s'est déplacé, ainsi que Loreena McKennitt.
    Ils n'ont pas tous pu nous dire ce qu'ils avaient à dire parce que, cette journée-là, l'opposition a forcé la tenue d'un vote, ce qui a écourté notre séance. Les députés de l'opposition n'ont pas voulu nous accorder plus de temps pour que les témoins puissent terminer. Cependant, ces derniers ont tous parlé favorablement et avec passion du projet de loi, entre autres parce qu'il cible ceux qui veulent détruire la richesse au pays.
    Certains n'aimeront peut-être pas ce que je vais dire, mais le Canada est vu un peu comme un paria. Il faut adopter ce projet de loi parce que des organismes qui veulent détruire la richesse, comme Pirate Bay et isoHunt, tiennent leurs opérations ici, au pays. Ils veulent prendre ce que des artistes ont créé et le distribuer tout à fait gratuitement.
    Le projet de loi forcerait le retour de ces produits sur le marché. Il obligerait les gens à acheter les produits qu'ils veulent obtenir. De cette façon, la personne qui les a créés serait payée. Où est le mal dans tout ça?
    Monsieur le Président, aucun de nous n'a vraiment de scrupule à pourchasser les individus qui se livrent à des activités illégales et qui enfreignent la loi. Des mesures punitives devraient assurément être en place.
    Toutefois, quand nous envisageons de modifier une loi sur le droit d'auteur pour nous adapter à notre nouvelle réalité et aux nouvelles technologies, il nous incombe évidemment d'examiner les répercussions du projet de loi, et pas seulement celles sur les fabricants de logiciels et les propriétaires de contenu qui réalisent des profits astronomiques. Bien entendu, nous devons aussi voir à protéger les droits des créateurs sans qui les fabricants de logiciels ne pourraient pas faire de tels profits ou être de tels créateurs de richesse.
    On ne dit pas qu'il ne faut pas apporter des changements ou se moderniser. On dit qu'on devrait examiner l'incidence du système de verrous qui est proposé et la manière dont il limiterait et détruirait la créativité et forcerait les gens à se retirer du domaine.
    Je dois admettre que je suis ravie que mes petits-enfants aiment le piano et la musique. Ils y voient un avenir et une carrière, pas du côté de la vente, mais de la création. Je trouverais regrettable que nous fassions quoi que ce soit pour limiter cette création. J'entrevois certains problèmes avec le projet de loi.
    Monsieur le Président, ce débat me rappelle quelque chose que mon frère m'a déjà dit. Il est musicien et professeur de musique. Il m'a dit qu'en raison de la technologie et d'Internet, la formation des musiciens de nos jours est nettement différente de ce qu'elle était dans notre jeunesse. Les musiciens écoutent beaucoup plus de musique et une collection beaucoup plus variée que nous lorsque nous étions jeunes et apprenions la musique.
    Ma question à la députée porte sur l'exemption pour l'éducation. D'après elle, faut-il préciser et expliciter davantage la définition de l'éducation dans le projet de loi?
(1550)
    Monsieur le Président, j'ai toujours pensé qu'il fallait élargir la définition du terme « éducation », car je crois que tout ce que nous entreprenons dans notre vie est, d'une façon ou d'une autre, une forme d'éducation.
    Je conviens que le monde dans lequel les jeunes musiciens et artistes suivent leur éducation de nos jours est très différent. Compte tenu de l'environnement actuel, nous devons assouplir quelque peu les règles, afin qu'ils puissent tirer profit et apprendre du travail d'autres artistes.
    Or, le projet de loi dont nous sommes saisis resserre la définition du terme « éducation » au lieu de l'assouplir.

[Français]

    Monsieur le Président, j'ai bien entendu le discours de la députée et elle a touché plusieurs points importants. L'intervenant conservateur a dit qu'il fallait protéger les auteurs par des moyens punitifs. Or je me demande si la députée partage mon point de vue, à savoir qu'il serait beaucoup mieux de faire payer une redevance sur les nouveaux moyens techniques que nous connaissons. Je ne parle pas d'une taxe mais d'une redevance, lors de l'achat, qui serait distribuée aux auteurs.
    En effet, lorsque les auteurs composent une chanson et qu'elle est volée par des milliers de personnes, ils n'ont aucun revenu, ils n'ont donc pas les moyens de poursuivre les voleurs, ceux qui s'emparent de leur bien. C'est là le problème. On a beau dire que s'ils se font voler leurs oeuvres, ils n'auront qu'à poursuivre, mais ils n'ont pas les moyens de le faire.
    La chose la plus simple à faire pour éviter des problèmes entraînant des coûts faramineux liés aux procédures juridiques, ne serait-ce pas d'avoir une redevance pure et simple lors de l'achat d'un instrument permettant l'enregistrement de 1 000 ou 2 000 chansons. Ainsi, on rendrait justice, comme on l'a fait à l'époque des cassettes vierges, lorsque c'était à la mode et que les gens copiaient des oeuvres sur ces cassettes. On payait une redevance de 50 ¢ ou 60 ¢. Je ne me rappelle pas le montant exact, c'était peut-être 28 ¢. Ces montants étaient remis aux auteurs. On pourrait alors faire la même chose avec les nouveaux moyens électroniques.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je crois fermement que nous devons trouver le moyen de garantir que les artistes reçoivent une indemnisation juste. Pour y parvenir, nous devrons avoir des discussions plus approfondies que celles que nous avons aujourd'hui.
    Avec le système proposé actuellement, le risque, c'est que les consommateurs achètent du contenu qu'ils ne pourront pas utiliser plus tard. En effet, même si les consommateurs achètent un produit, ils n'auront pas la garantie de pouvoir continuer à l'utiliser dans le but initialement prévu.
    Le verrou numérique déroge à des droits garantis dans la Charte. Justement, la dernière fois que je suis intervenue, j'ai voulu parler des répercussions que ce projet de loi aura sur nos citoyens handicapés qui seront incapables de changer le format du matériel numérique, mais je n'en ai pas eu le temps.
    Monsieur le Président, j'aimerais remercier la députée assise derrière moi de son discours éloquent au sujet de ce projet de loi. Puisqu'elle est enseignante de formation, j'aimerais qu'elle nous parle des verrous numériques installés sur certains disques, de la destruction, après cinq jours, de ces disques, et de la destruction, après 30 jours, du matériel didactique utilisé par les étudiants à distance. D'après la députée, quelles répercussions ce projet de loi aura-t-il sur l'éducation à distance?
(1555)
    Monsieur le Président, je suis toujours fascinée par l'expression « s'autodétruire ». Cela me rappelle toujours les films de science-fiction que j'ai eu l'occasion de voir. Mais c'est inquiétant de savoir qu'au bout de cinq jours le contenu numérique s'autodétruira, peu importe la forme que prendra cette destruction.
    Ce qui m'inquiète surtout, ce sont les répercussions sur les étudiants en général, et surtout ceux qui font des études à distance. Ceux qui ont été dans l'enseignement savent que le télé-enseignement permet aux étudiants de travailler à leur propre rythme. Autrement dit, certains vont terminer une tâche en deux jours alors que d'autres mettront plus longtemps. Là où un étudiant mettra un semestre pour terminer un cours d'histoire 11, un autre aura besoin de trois semestres.
    Dans l'enseignement, ce qu'on salue, c'est le fait que les étudiants terminent un cours. Avec ce genre de limite, on imposerait toutes sortes d'obstacles et encore une fois, une fois que les étudiants auraient reçu ces documents, ils seraient obligés de tout détruire 30 jours après.
    Pourquoi demander à des étudiants qui ont appris quelque chose, qui ont rassemblé des informations, de tout détruire au bout de 30 jours? Ce que l'on veut pour eux, c'est un apprentissage continu, non? Ils liront peut-être même cela dans la salle de bain dans quelques années, est-ce que je sais.

[Français]

    Monsieur le Président, je vous informe que je vais partager mon temps de parole avec ma collègue de Québec.
    Nous parlons aujourd'hui du projet de loi C-11. Jamais un projet de loi n'a si mal porté son nom. Ce n'est pas un projet de loi sur le droit d'auteur, mais sur la négation de ce dernier. Venant d'un gouvernement conservateur dont la marque de fabrique est la haine, la peur et le désespoir, ce n'est pas surprenant. Il n'est pas surprenant que ce même gouvernement, qui a coupé dans la représentation internationale des artistes, s'attaque encore à des gens qui prônent autre chose que la haine, la peur et le désespoir.
    Par ce projet de loi, les conservateurs font de l'industrie numérique l'absolue détentrice de la culture canadienne. Elle a tous les droits, tous les moyens et les sacrifices financiers en sa faveur. Les artistes canadiens ne sont plus que des faire-valoir. Ils n'ont plus droit à aucune compensation financière pour leurs oeuvres.
     Cette évolution est internationale. Il y a deux courants. Selon le courant américain, on cherche simplement à mettre des verrous technologiques pour empêcher les copies, et on donne aux propriétaires de moteurs de recherche ou de sites Internet le droit d'imposer des pénalités ou de faire imposer de graves peines d'emprisonnement aux gens qui violent leurs droits. Les artistes, eux, sont oubliés dans ce débat, car il y a aussi des effets sur la copie privée du Canada. Ils sont aussi totalement ignorés et privés du droit économique de vivre de leurs oeuvres. Ce projet de loi donne au propriétaire du contenu Internet la toute puissance du contrôle d'un verrou. Il lui donne tous les droits sur les copies et le droit de priver les artistes, ce qu'on appelait le droit privé.
     À l'époque, ce n'était pas un problème. Il y a avait des disques en vinyle et des cassettes. On les produisait et on les vendait à l'unité. Les artistes touchaient à chaque vente un droit d'auteur sur leurs oeuvres. Quand est arrivé le disque compact couplé à l'ordinateur, il y a eu un problème financier. On pouvait copier des disques, des films et tout contenu artistique. La réponse du milieu canadien, à l'époque, a été d'ajouter au prix d'un disque compact un droit d'auteur, une copie privée. Cela a généré des montants très importants pour les artistes canadiens — au-delà de 60 millions de dollars. Mais l'évolution technologique a continué. On a vu apparaître de nouveaux appareils numériques tels que les iPod et les BlackBerry, qui permettaient de reproduire ad vitam æternam une oeuvre sans nécessairement avoir un support matériel comme le CD.
    Dans les premières années, on a contourné le problème en élargissant le droit de la copie privée du CD à tous les équipements numériques. Cela a permis aux artistes de continuer à recevoir la même somme d'argent. Malheureusement, on n'a pas adapté la loi à cet égard, de sorte que tous ces droits privés sont devenus caducs. Les titulaires de ces droits ont été privés de leurs revenus. Pour l'industrie, ça a été une fin. L'industrie du disque, de la musique, a disparu. Maintenant, il n'y a plus de producteurs de disques. Ce sont les artistes qui produisent eux-mêmes leurs disques. Les grandes compagnies ne font que du soutien commercial, du marketing.
    Les ventes ont considérablement diminué. Non seulement ces gens ont été privés de tout soutien financier, mais on leur a dit qu'ils devaient l'accepter. On a même indiqué aux établissements d'enseignement qu'ils devaient renoncer à leurs droits. Il appartenait dorénavant aux artistes de financer le droit des établissements d'enseignement d'avoir du matériel artistique.
(1600)
    La création de ces fameux verrous numériques devant empêcher la création des copies entraîne deux problèmes assez importants. Le premier concerne le droit des consommateurs. Il n'y a aucune garantie que le consommateur obtiendra réellement sur son ordinateur, par Internet, la prestation artistique pour laquelle il a payé les droits. Cela dépend essentiellement des capacités du moteur de recherche, du site Internet qu'il fréquente, des liens de contact. Il dépend totalement de cela.
    Le deuxième problème concerne le droit des artistes, le droit d'auteur, qui n'apparaît nulle part dans le décor. On l'a totalement escamoté. Il n'est plus là. C'est pour cela que le projet de loi C-11 n'est pas la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, mais plutôt la loi sur la négation du droit d'auteur. On ne peut pas parler d'un droit d'auteur si la personne qui donne une prestation ou qui invente quelque chose n'en retire aucune compensation financière. Son oeuvre lui est volée avec l'autorisation du gouvernement.
    On voit très bien quel a été le choix de ce gouvernement entre la nouvelle économie du numérique et le milieu artistique canadien. Encore une fois, le gouvernement a décidé de ne pas être canadien. Il a décidé de favoriser des étrangers au détriment de nos droits économiques et de nos droits culturels, parce que c'est aussi de la culture canadienne qu'on parle. L'économie canadienne est riche sur le plan financier. On la dit prospère. Malheureusement, on a décidé que cette prospérité n'irait pas au milieu artistique, qu'elle serait privée, qu'elle serait la propriété exclusive d'étrangers. On a dépossédé le Canada d'un élément essentiel, de sa culture. La culture n'a jamais été le fort des conservateurs ni de ce gouvernement.
    Rappelez-vous que c'est ce même gouvernement qui a coupé dans les budgets de la culture, qui coupe dans le budget de Radio-Canada, qui coupe et qui a coupé fortement. Il a même fait disparaître les subventions pour la représentation internationale. Le gouvernement hait tout ce qui est culturel. C'est quelque chose que vous ne contrôlez pas, et ce que vous ne contrôlez pas, vous avez l'habitude de le faire disparaître. Cela ne change pas. Encore une fois, vous voulez faire disparaître quelque chose que vous n'aimez pas, quelque chose que vous ne contrôlez pas, quelque chose qui n'est pas à votre service ou quelque chose qui n'est pas dans votre perspective philosophique de création de richesse. C'est comme si créer quelque chose, créer un bien culturel, en soi, ce n'était pas important. Cependant, vous ne le chiffrez pas sur le plan économique. Vous n'attribuez pas de montant à cela.
    Le problème, c'est qu'à force de faire ce genre de choses, le gouvernement conservateur est en train de priver le Canada de son âme. Il a décidé sciemment, délibérément, de sabrer tout ce qui était nécessaire aux artistes. Que voulez-vous qu'ils fassent? Comment voulez-vous qu'ils vivent privés de revenus? C'est quand même essentiel que ces gens aient droit d'avoir un revenu pour ce qu'ils ont créé, mais vous avez décidé légalement de les voler. Oui, c'est un vol.
(1605)

[Traduction]

    Je rappelle aux députés qu'ils doivent s'adresser à la présidence.
    Questions et commentaires, l'honorable secrétaire parlementaire du premier ministre.
    Monsieur le Président, ce serait tellement bien si les députés, avant de prendre la parole sur un projet de loi, prenaient la peine d'essayer de comprendre de quoi il s'agit. Le député a complètement dérapé en racontant que c'était une attaque contre les artistes. Quelle absurdité. Sait-il ce que c'est qu'une agression contre les artistes? C'est le fait que des destructeurs de richesse comme isoHunt et Pirate Bay permettent aux gens de copier toutes les oeuvres d'artistes qu'ils veulent sur leur disque dur sans payer un sou. Ça, c'est une agression contre les artistes.
    Qu'est-ce que le député propose comme solution? Il ne le dit pas, parce qu'il parle en code. Il dit qu'il faudrait imposer une taxe sur l'iPod. Pourquoi ne dit-il pas clairement que ce qu'il veut, c'est une taxe sur l'iPod, au lieu de faire des commentaires filandreux qui n'ont aucun sens? Personne n'a compris ce qu'il racontait.
    Ceci n'est pas une attaque contre les artistes. C'est un soutien aux artistes. C'est un soutien à ce secteur. C'est ce que la chambre de commerce a dit. C'est ce que Music Canada a dit. C'est ce qu'ont dit les représentants de l'industrie canadienne de la télévision et du cinéma. Ils ont dit que cela permettrait de créer des emplois et des investissements. C'est à cela que s'oppose le député.

[Français]

    Monsieur le Président, le droit à la copie privée n'est pas une taxe, c'est une redevance. Si nos amis conservateurs font ce genre d'erreur, c'est qu'ils font aussi l'erreur de confondre une taxe avec l'épargne. C'est comme dans le débat sur les fonds de pension alors qu'ils considèrent que c'est une taxe. Ils confondent l'épargne et une taxe. Encore une fois, ils confondent un droit d'auteur par l'entremise de la copie privée et une taxe.
    Le problème est le suivant: le député peut présenter cela de la façon qu'il voudra, mais cela reste essentiellement un fait notoire que des gens auront de l'argent et que d'autres n'en auront pas; et ceux qui n'en auront pas, ce sont les artistes.

[Traduction]

    Monsieur le Président, en éliminant les droits éphémères, le projet de loi supprime une source de revenus des artistes qui se chiffre à plusieurs millions de dollars. Aucune autre source de revenus n'est prévue pour aider les artistes à s'adapter à cette situation.
    Je me demandais quels amendements le député pourrait proposer d'apporter à la mesure législative pour régler cette question.

[Français]

    Monsieur le Président, essentiellement, concernant la copie privée, pendant deux ans, si je ne me trompe pas — le député pourra me corriger s'il le croit nécessaire —, on a eu le droit d'imposer une redevance sur les équipements numériques, et les gens ont eu des revenus. On parle d'environ 60 millions de dollars. Cela permettait aux artistes d'avoir la tête en dehors de l'eau. Or cette somme d'argent ne cesse de régresser, ne cesse de baisser. C'est pourquoi la loi doit être modifiée pour inclure, dans tous les équipements électroniques numériques, une redevance pour la copie privée. Une redevance. C'est quand même normal que les équipements servant à diffuser une oeuvre artistique inclue une redevance, un droit d'auteur pour l'artiste qui donne le contenu. Un iPod vide, cela n'a aucune valeur. C'est le contenu qui donne sa valeur au iPod.
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son excellente intervention ainsi que de son exposé senti, exprimé avec passion. On sait que de ce côté de la Chambre, nous avons toujours été ouverts, et nous le sommes toujours aujourd'hui. C'est la façon d'agir du NPD, avec la main tendue.
    Je me demandais si notre collègue pouvait nous donner ne serait-ce qu'un exemple de ce qu'il apporterait comme amendement nécessaire à ce projet de loi.
(1610)
    Monsieur le Président, avec tout le respect que j'ai pour mon confrère, je dirai que le premier amendement que je verrais, ce serait de mettre ce projet de loi à la poubelle. Ce projet de loi est vraiment mauvais, dans son esprit même et à sa base même. Il propose, non pas de respecter l'artiste, mais de respecter le propriétaire d'un site de communications. C'est là le principal problème. Ce projet de loi est biaisé à sa base même. Il n'y a pas un article du projet de loi qui soit bon. C'est l'esprit même du contenu du projet de loi qui est mauvais. Ce projet de loi devrait être réécrit. Je disais au début que ce projet de loi parle de la négation du droit d'auteur. Le contraire n'est pas vrai.
    Monsieur le Président, j'ai le plaisir de venir discuter aujourd'hui du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, car c'est un projet de loi important qui a pour objet d'apporter des modifications qui s'imposent depuis longtemps. Bien sûr, c'est un dossier assez complexe, car la dernière version de cette loi date de 1997, et depuis, la technologie a beaucoup changé.
    Le droit d'auteur est une chose délicate, surtout à l'ère électronique où le partage de fichiers et une pléthore de contenus sont disponibles sur Internet. Les consommateurs ne devraient pas pouvoir télécharger des choses à partir de sources illicites en ligne sans avoir à payer pour cela. Une réforme de la Loi sur le droit d'auteur s'imposait afin d'offrir une protection accrue à nos créateurs. Il est aussi impératif de mettre à niveau la loi canadienne, en retard de plusieurs années sur le texte d'accords internationaux.
    Bien que soit louable l'intention du gouvernement de centrer la lutte contre le piratage sur les gros contrevenants, malheureusement, tout comme le disait mon collègue, le projet de loi C-11 ne prend pas en compte les besoins des créateurs. En effet, avec ce projet de loi, les conservateurs ont intentionnellement évité de se pencher sur la question d'une possible expansion de l'exception concernant la copie privée, une mesure qui a été proposée par le NPD et par plusieurs experts.
    Le gouvernement conservateur nous ramène dans ce projet de loi C-11 exactement les mêmes lignes du projet de loi C-32, qui avait déjà été sévèrement critiqué par la communauté artistique. Le projet de loi C-11, malheureusement, n'arrive pas à obtenir cet équilibre nécessaire entre les droits des créateurs et ceux du public. Malgré le fait que plusieurs artistes spécialistes et porte-parole se soient prononcés au cours des derniers mois devant le comité législatif, le gouvernement nous propose encore une fois un projet de loi qui ne fait pas l'unanimité.
    Les conservateurs ont ainsi ignoré l'opinion des experts entendus au comité et les conclusions de leurs propres consultations sur le droit d'auteur, en 2009. Par conséquent, ils ont présenté un projet de loi qui risque d'être plus dommageable qu'utile, et c'est pour cela qu'il faut bien le comprendre. Nous pouvons donc dire que malgré plusieurs propositions intéressantes et une volonté de la classe politique de travailler ensemble afin d'en arriver à un projet de loi juste, le gouvernement est resté sourd à ces propositions.
    L'Assemblée nationale du Québec a unanimement dénoncé cette mesure législative qui ne permet pas d'assurer aux créateurs québécois une pleine reconnaissance de leurs droits et un revenu correspondant à la valeur de leurs créations. De plus, le 30 novembre dernier, une centaine d'artistes québécois, dont Luc Plamondon, Robert Charlebois, Michel Rivard et Richard Séguin, se sont déplacés à Ottawa pour dire au ministre du Patrimoine et des Langues officielles, au ministre de l'Industrie et à tout le caucus conservateur qu'ils ne veulent pas du projet de loi sur le droit d'auteur tel que le gouvernement s'entête à le présenter.
    Le projet de loi C-11 est favorable aux gros joueurs dans le monde de la création. Malheureusement, les petits artistes et les petits artisans ne sont pas aussi chanceux. Effectivement, le projet de loi C-11 attaque directement le droit d'auteur des artisans et, par le fait même, il contribue à fragiliser les faibles revenus des artistes canadiens. Un exemple des revenus dont les petits créateurs devront bientôt d'ailleurs se passer est celui des dizaines de millions de dollars qui sont versés annuellement aux auteurs par le réseau de l'éducation. Dorénavant, le réseau de l'éducation pourra utiliser les oeuvres de nos auteurs sans avoir à verser de compensation. Bien sûr, le NPD appuie l'usage de ces oeuvres à des fins éducatives, mais il croit que cela ne devrait pas se faire au détriment des créateurs.
     Le projet de loi C-11 ne prévoit pas non plus de compensation pour les téléchargements sur les iPod. La solution envisagée par plusieurs d'imposer une redevance de 2 $ à 5 $ sur les iPod et autres baladeurs musicaux a été repoussée par le gouvernement, encore une fois au détriment des auteurs. Il n'y a pas non plus dans ce projet de loi de disposition par rapport aux fournisseurs Internet, afin que ceux-ci versent des dividendes pour les téléchargements d'oeuvres sur leurs réseaux. Le gouvernement impose simplement aux fournisseurs d'être partenaires dans la lutte contre le piratage en les obligeant à recevoir des avis de violation des droits d'auteur émis par les créateurs ou des sociétés de gestion de leurs droits.
(1615)
    Un autre point litigieux de ce projet de loi réside dans le verrou numérique. En raison de cette disposition, il sera par exemple illégal pour un consommateur de contourner le verrou installé sur le DVD qu'il a lui-même acheté afin de simplement le copier sur son ordinateur personnel. Cela pourrait devenir particulièrement problématique pour les verrous installés sur du matériel utilisé à des fins pédagogiques.
    Les artistes n'y gagnent pas parce que des millions de dollars leur sont enlevés en redevances, les étudiants n'y gagnent pas parce qu'ils auront du mal à avoir accès au matériel éducatif dont ils ont besoin. Ce sont certains détenteurs de droits d'auteur, les grosses compagnies, qui en profiteront.
    La Loi sur la modernisation du droit d'auteur donne d'une main alors qu'elle reprend de l'autre. Même si le projet de loi contient certaines concessions en faveur des consommateurs, celles-ci sont minées par le refus du gouvernement d'adopter une position de compromis en ce qui concerne l'enjeu le plus controversé en matière de droit d'auteur au pays, c'est-à-dire les provisions reliées au verrou numérique.
    Dans le cas de l'éducation à distance, par exemple, les dispositions du nouveau projet de loi signifient que des personnes vivant dans une collectivité éloignée auraient à brûler leurs notes de cours 30 jours après les avoir téléchargées. Cela n'est pas une amélioration au regard de la situation actuelle, et ce n'est pas une utilisation appropriée des règles sur le droit d'auteur.
    En somme, il semble donc que tous les efforts canadiens de réforme de la Loi sur le droit d'auteur au cours des dernières années ont eu très peu à voir avec la création d'un régime équilibré entre les droits des créateurs et ceux du public. Il faut plutôt regarder vers les demandes des grands propriétaires de contenus américains afin de voir à quoi ce projet de loi peut réellement profiter. La question est valide: les conservateurs ont-ils abandonné les Canadiens au profit des intérêts des droits d'auteur des États-Unis?
    De récents documents divulgués par WikiLeaks montrent effectivement que les conservateurs ont agi à l'encontre des intérêts du Canada. Ces documents brossent un sombre portrait des conservateurs qui auraient travaillé de connivence avec les Américains pour forcer l’adoption d’une législation sur le droit d’auteur similaire à celle des États-Unis.
    Les nouveaux documents révèlent que le gouvernement a incité les États-Unis à placer le Canada sur leur liste de surveillance anti-piraterie afin de faire pression sur le Parlement pour qu’il adopte une nouvelle législation qui affaiblit les droits des consommateurs canadiens.
    Pour reprendre les mots du porte-parole du NPD en matière de droit d’auteur et de questions numériques, Charlie Angus: « La liste des pays à surveiller à cause du piratage que les États-Unis maintiennent est censée être réservée... »
    À l'ordre, s'il vous plaît. Je rappelle à l'honorable députée que ce n'est pas approprié de mentionner le nom d'un député. Elle doit plutôt utiliser le nom de son comté. C'est préférable.
     La députée de Québec a la parole.
    Monsieur le Président, je m'excuse. Je parlais de l'honorable député de Timmins—Baie James, qui a dit ceci:
    La liste des pays à surveiller à cause du piratage que les États-Unis maintiennent est censée être réservée aux pays qui se trouvent en marge du droit international. Au lieu de cela, elle est utilisée comme un outil d’intimidation pour miner la réputation du Canada en matière de commerce international.
    Si les conservateurs sont prêts à utiliser leur majorité pour imposer cette loi sans changement, les Canadiens seront profondément déçus par le gouvernement qui ferait ainsi adopter à toute vitesse un projet de loi déséquilibré qui enlève des droits aux auteurs et aux créateurs d'ici.
    Finalement, le NPD croit qu'il est grand temps de procéder à une modernisation de la Loi sur le droit d'auteur, mais que le projet de loi C-11 présente trop de problèmes flagrants. Nous allons donc travailler à modifier le projet de loi pour qu'il reflète davantage l'intérêt des Canadiennes et des Canadiens. C'est pourquoi nous proposons entre autres de retirer du projet de loi sur la modernisation du droit d'auteur les sections qui criminalisent l'élimination des verrous numériques à des fins personnelles non commerciales. De plus, nous appuyons la diminution des peines pour ceux qui sont trouvés coupables d'avoir enfreint la Loi sur le droit d'auteur, puisque cela permet de prévenir le recours excessif à des poursuites en cour contre les citoyens, une situation qui est d'ailleurs problématique aux États-Unis.
(1620)

[Traduction]

    Monsieur le Président, tout le projet de loi C-11 est rédigé de manière à être technologiquement neutre, et ce fait est important.
    La députée a discuté de quelques enjeux. Je pense qu'elle a effleuré la question des droits d'auteurs, etc. Nous appelons cela une taxe sur les iPod, soit une redevance pour la copie que son parti approuve.
    Ce qui cloche dans la position des députés d'en face à ce sujet et la raison pour laquelle les verrous numériques sont si importants, c'est que la musique et les films, entre autres, ne seront plus enregistrés sur des dispositifs comme celui-là. Les gens ne les achèteront plus sur des cassettes, des DVD ou des CD. Je suis certain que les députés ont entendu parler de l'iCloud, qu'Apple vient de lancer. Je suis sûr que nous avons tous aperçu des produits comme Rogers sur demande, Cogeco sur demande ou Shaw sur demande. Les gens n'ont plus qu'à appuyer sur un bouton pour consulter un répertoire de films.
    Il est absolument impératif que nous mettions en oeuvre les verrous numériques, afin que le matériel ne puisse être volé et que le détenteur des droits qui, la plupart du temps, n'est pas Rogers ou Shaw, soit protégé et rémunéré pour l'utilisation du matériel.
    Voilà pourquoi les verrous numériques sont importants. Ils représentent une solution commerciale.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie mon collègue d'en face de sa question.
    J'aimerais lui demander ceci: si c'est neutre, comme il le dit, comment se fait-il alors que plus de 80 organisations du domaine des arts et de la culture, provenant du Québec et du reste du pays d'ailleurs, maintiennent que le projet de loi sera toxique? Ils le disent « toxique pour l'économie numérique canadienne. » Comment ne pas rappeler aussi toutes les retombées économiques que procure le domaine des arts et de la culture?
    En plus, en tant que députée de Québec, je peux dire à quel point tous les paliers s'entendent normalement. Je déplore le fait que le gouvernement fédéral ne reconnaisse pas en ce moment qu'investir dans la culture est une belle façon de donner à l'économie, qui est importante en ce moment.
    Monsieur le Président, pour apprendre à écrire, il faut lire les oeuvres des grands écrivains. Pour apprendre la musique, il faut écouter les performances des grands musiciens.

[Traduction]

    La prochaine génération d'artistes se trouve dans une situation tout à fait particulière compte tenu des technologies disponibles. Celles-ci permettent aux artistes de s'inspirer de ce qui a été fait par leurs prédécesseurs et de ce que les gens font ailleurs dans le monde.
    Je suis un peu préoccupé par le fait que l'utilisation à des fins pédagogiques n'ait pas été clairement définie dans les exemptions prévues dans la mesure législative. La députée ne croit-elle pas que cet aspect devrait être mieux défini dans la mesure législative?

[Français]

    Monsieur le Président, je suis d'accord et je remercie mon collègue de sa question et de sa belle introduction bien sentie.
    Effectivement, plusieurs choses clochent dans ce projet de loi. La notion de l'éducation est très mal définie. C'est pourquoi je pense, comme mes collègues, qu'il faut absolument modifier ce projet de loi, y apporter des changements majeurs, si ce n'est pas carrément y mettre la hache. Ce projet de loi est tout à fait décrié par le monde artistique.
    Monsieur le Président, je voudrais féliciter ma collègue de son discours et lui demander rapidement quelles seraient, selon elle, les conséquences pour cette industrie de l'application de verrous numériques.
(1625)
    Monsieur le Président, je pense que placer ces verrous numériques aurait des conséquences absolument dramatiques. C'est d'ailleurs le clou de ce projet de loi, si on peut l'exprimer ainsi. Je pense qu'il y a bien des éléments comme celui-là, dans le projet de loi C-11, qui pourraient poser des problèmes.

[Traduction]

Les travaux de la Chambre

[Travaux de la Chambre]

    Monsieur le Président, il y a eu des consultations sur la motion suivante. Je propose:
    Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, qu'au moment où la Chambre abordera ses travaux conformément à l'article 53.1 du Règlement aujourd'hui, le Président ne reçoive ni demande de quorum, ni demande de consentement unanime, ni motion dilatoire et; tout député qui se lève pour prendre la parole durant le débat peut indiquer au Président qu'il partagera son temps avec un autre député.
    Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?
    Des voix: D'accord.

    (La motion est adoptée.)

Loi sur la modernisation du droit d'auteur

[Initiatives ministérielles]

    La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
    Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-11, une mesure qui, à ma connaissance, a déjà cheminé à la Chambre. Je peux comprendre que le gouvernement soit parfois frustré parce qu'il n'obtient pas nécessairement ce qu'il veut.
    Dans le cadre des gouvernements minoritaires précédents, les conservateurs ont tenté de faire adopter une mesure de nature similaire, pratiquement identique mot pour mot, mais étant donné qu'ils ont échoué, d'où leur frustration, nous sommes saisis du projet de loi C-11, la même mesure avec un numéro différent.
    À mon avis, bien des préoccupations qui ont été exprimées au cours des derniers mois, et après, sont toujours valables aujourd'hui, et j'invite le gouvernement à faire preuve d'ouverture quant aux amendements qui pourraient assainir cette mesure. Au bout du compte, même si les libéraux ont présenté un amendement au projet de loi, nous estimons qu'il faut s'assurer qu'en matière de droit d'auteur, nous disposons de lois justes et équilibrées.
    Nous reconnaissons l'importance de nos créateurs de musique et d'autres aspects de la culture canadienne, et nous voulons encourager cette industrie. Comme l'ont fait remarquer de nombreux intervenants, le secteur culturel engendre des avantages économiques considérables pour l'ensemble des Canadiens. En tant que législateurs, nous devons faire tout en notre pouvoir pour protéger et stimuler ce secteur et pour nous assurer qu'il sera en mesure, non seulement de se maintenir, mais aussi de croître et de prospérer. Grâce à l'épanouissement de l'industrie culturelle, il se créera davantage d'emplois et la qualité de vie globale au Canada s'en trouvera améliorée sur de multiples fronts.
    Nous reconnaissons la valeur des artistes et autres créateurs, et nous savons à quel point il est essentiel de les appuyer d'une façon très concrète et tangible, mais nous accordons aussi beaucoup d'importance aux consommateurs. Nous voulons faire en sorte de protéger leurs droits. Le débat d'aujourd'hui me donne l'occasion de partager avec mes collègues de la Chambre certaines des préoccupations qui m'habitent à ce sujet en particulier.
    Ma principale préoccupation concerne le concept des verrous numériques dont il est question dans la mesure législative. J'avoue que je suis quelque peu dinosaure, en ce sens que je me rappelle des bons vieux huit pistes et des tourne-disques. Les gens allaient chez Kmart ou Zeller pour acheter des cassettes vierges. Ils faisaient jouer de la musique chez eux, sur leurs tourne-disques, et ils enregistraient la musique qu'eux-mêmes, voire leurs parents, avaient acheté au magasin. Ils l'enregistraient sur cassette de façon à pouvoir l'écouter au cours d'un voyage en voiture. Ils avaient avec la conviction d'avoir fait l'acquisition de la chanson qu'ils voulaient entendre.
    Je me souviens d'avoir discuté avec mes copains du fait que nous étions obligés d'acheter des disques pour un montant x simplement pour posséder une ou deux chansons qui nous plaisaient. Nous finissions par acheter cinq ou six disques et par rassembler toutes nos chansons préférées sur une cassette. Jamais nous n'avions le sentiment de pirater quoi que ce soit ou de poser un geste illégal.
    La grande majorité des consommateurs veulent emprunter la bonne voie. Les consommateurs sont des personnes responsables qui jouent un rôle précieux dans nos collectivités. Ils savent à quel point il est important de protéger nos artistes.
(1630)
    Souvent, quand on pense aux artistes, on pense aux grands noms et ceux-ci peuvent susciter un certain mécontentement. Il y a des gens qui se demandent de combien d'argent Michael Jackson a besoin puisqu'il est mort, et qui s'interrogent sur les redevances à payer. Les gens n'ont peut-être pas autant de sympathie pour les grands noms, mais il faut quand même protéger les artistes avec des lois sur le droit d'auteur.
    La grande majorité des artistes ne sont pas des multimillionnaires. Ce sont des Canadiens qui travaillent fort et qui consacrent beaucoup de temps et d'énergie à la création. Ils ont pu par exemple louer un studio d'enregistrement pour enregistrer un CD. Ils espèrent gagner assez d'argent avec ce CD pour rentrer dans leurs frais, et s'ils réussissent à faire un peu mieux, ils sont ravis.
    À Winnipeg, nous avons une merveilleuse manifestation annuelle intitulée Folklorama. Je pense que plusieurs de mes collègues ici connaissent bien cette activité, et je recommande à tous les députés de venir à Winnipeg lors du Folklorama pour le découvrir. Ils y verront une multitude d'artistes qui se décarcassent pour que des manifestations comme Folklorama soient un succès. Ces gens sont tellement passionnés par ce qu'ils font qu'ils ne comptent ni leur énergie ni leur temps pour apporter leur contribution à notre culture.
    Un type du Indian and Metis Friendship Centre sur la rue Robinson à Winnipeg Nord, du nom de Lavallée je crois, a joué du violon et dansé une gigue, une danse originale merveilleuse que j'espère pouvoir danser moi-même un jour. Cet artiste vit dans un appartement modeste de Tyndall Park. Je ne lui ai pas demandé combien il gagnait ou combien son CD lui rapportait, mais il en était en tout cas très fier. Il trouvait qu'il était super, et de bonne qualité. À la fin de la journée, après que le public ait pu écouter et voir cet homme faire son spectacle en direct, et une fois terminé le concert, il était là près de la porte à vendre ses CD.
    J'ai apprécié son spectacle. J'étais content de le rencontrer et de lui serrer la main et je lui ai dit que je voulais acheter son CD. Je ne l'ai pas acheté parce que je voulais rentrer chez moi pour en écouter la musique tout de suite, mais parce que je voulais aider un jeune artiste et que je savais que cela servait à quelque chose.
    À mon avis, des dizaines de milliers de Canadiens sont prêts à faire la même chose parce que nous apprécions les efforts des artistes. À bien des égards, c'est de nos fils et de nos filles qui font ce genre de travail ou manifestent cette créativité que nous parlons, et je crois que nous aurions beaucoup d'appui, mais quand je vois ce projet de loi, je me rends compte que le gouvernement veut absolument avoir raison et se fiche éperdument de ce que l'opposition a à dire. Le gouvernement va renvoyer le projet de loi au comité où il a la majorité et il le fera adopter tel quel.
(1635)
     Je ne le dis pas à la légère. J’écoutais les discours, tout à l’heure. On nous dit qu’il y a eu des centaines, sinon des milliers de personnes qui ont présenté au gouvernement leur point de vue au sujet de ce projet de loi. Elles ont proposé des idées qui auraient pu améliorer le projet de loi, mais le gouvernement, pour des raisons que j’ignore, a décidé que sa version était très bien comme ça et qu’il n’était vraiment pas disposé à y apporter des changements.
     C’est la raison pour laquelle je crois que le Parti libéral n’avait d’autre choix que de déposer ce récent amendement. Nous voulons que les règles et les dispositions législatives en matière de droit d’auteur soient équilibrées. Il est important que la loi soit équilibrée, mais le gouvernement refuse de le reconnaître.
     Je vous donne un exemple. Si ma fille était ici, elle pourrait nous apprendre bien des choses sur les iPod. C’est extraordinaire ce que les jeunes parviennent à faire d’une seule main avec ce petit objet. Cette technologie incroyable traite les images, la musique et les vidéos. Est-ce que ma fille et les millions de Canadiens qui achètent quelque chose sous forme numérique, une chanson par exemple, ne devraient pas avoir le droit d’utiliser de diverses façons ce qu’ils ont acheté, à condition que ce soit des utilisations personnelles?
     Loin de moi l’idée que ma fille ou quelqu’un d’autre puisse acheter une chanson, la télécharger sur son ordinateur puis l’envoyer à deux millions de Canadiens. Cela ne serait pas acceptable.
     Qu’est-ce qui serait acceptable? Elle a un téléphone cellulaire. Elle a un iPod. Elle a l’un de ces ordinateurs iMac. Est-ce qu’elle devrait acheter un exemplaire de cette chanson pour chacun de ces appareils? Je ne suis pas vraiment convaincu que ce soit la solution.
     J’aimerais que les députés me disent si j’ai eu tort, quand j’étais adolescent et que j’achetais des disques que j’aimais, de choisir des pièces sur ces disques et de les enregistrer sur des cassettes afin de pouvoir écouter ainsi toutes mes chansons préférées. Est-ce que cela était mal? Je ne le crois pas.
    Les verrous numériques ne sont pas sans conséquences. Je possède des DVD, comme tout le monde. J'ai quelques bandes VHS dotées de verrous numériques. Il y a des films que j'aime vraiment, et il m'arrive souvent d'en faire jouer un en arrière-plan pendant que je travaille sur mon portable sur des dossiers liés à ma circonscription ou sur n'importe quoi d'autre. Le film joue en arrière-plan, mais les DVD finissent par être égratignés et les VHS, par s'user. Pourquoi ne pourrais-je pas faire une copie de secours du matériel que j'ai acheté? N'ai-je pas le droit de le faire?
    Ce sont là de sérieuses questions sur la mesure législative qui est proposée aujourd'hui.
(1640)
    Il convient de se demander si c'est le type de projet de loi que nous devrions adopter. Il ne faut pas perdre cette question de vue puisque c'est un gouvernement majoritaire; peu importe les témoignages que nous entendons au comité, tout laisse croire que le gouvernement est déterminé à faire adopter le projet de loi dans sa version actuelle. Le gouvernement n'est pas vraiment ouvert à des amendements.
    Comme nous voulons expliquer nos inquiétudes réelles et tout à fait légitimes à l'étape de la deuxième lecture, il est facile de comprendre pourquoi le Parti libéral propose qu'on adopte l'amendement motivé. Si les députés ministériels disaient qu'ils sont prêts à écouter certaines des préoccupations exprimées par les députés de l'opposition et à y donner suite, l'amendement motivé pourrait peut-être être retiré. Il faudrait que les députés ministériels se montrent clairement prêts à accepter certains amendements ou à modifier eux-mêmes le projet de loi. J'ai déjà fait partie de gouvernements majoritaires au Manitoba. De nombreux amendements proposés par l'opposition y étaient adoptés. Si un amendement devait améliorer le projet de loi, alors pourquoi le gouvernement n'aurait-il pas l'ouverture d'esprit d'au moins le prendre en considération?
    L'une des façons de procéder les plus appropriées serait qu'un ministre s'adresse aux porte-parole. On devrait offrir aux porte-parole des séances d'information pour leur expliquer ce que le gouvernement souhaite accomplir avec le projet de loi. Les porte-parole pourraient alors transmettre ces renseignements aux députés de leur caucus. Tous pourraient en débattre et voir si des changements seraient souhaitables. Nous devrions inviter des intervenants de l'extérieur du Parlement à nous faire part de leurs préoccupations. Si le processus de consultation et le travail des porte-parole et du personnel ministériel permettent de proposer des amendements susceptibles d'améliorer la mesure législative, nous devrions être prêts à les accepter.
    J'ai entendu d'autres préoccupations. Je ne sais pas à quel point c'est tiré par les cheveux, mais les étudiants devront-ils se débarrasser de leurs travaux après un certain temps? Pour être franc, je n'ai pas eu la chance de lire tous les détails du projet de loi, mais je vois beaucoup de signaux d'alarme s'allumer quand j'entends un député de l'opposition dire qu'après un certain nombre de jours, un étudiant pourrait être forcé de détruire les notes qu'il a prises en classe. C'est un point qui mérite qu'on s'y attarde davantage.
    Voyons le genre d'amendements qui pourraient être proposés. J'ai hâte que le projet de loi soit étudié en comité. J'ai hâte de voir comment le gouvernement réagira aux amendements proposés par le Nouveau Parti démocratique et le Parti libéral.
    Un des avantages qu'il y a à tenir un débat sur ce projet de loi, c'est que des gens comme moi peuvent prendre la parole et exprimer leurs inquiétudes. Certains députés ont des préoccupations très pointues. Le gouvernement a la responsabilité d'assimiler ce qui se dit. Il peut, lui aussi, apporter des amendements à l'étape de l'étude en comité. Imaginez toute la bonne volonté que le gouvernement montrerait s'il était prêt à reconnaître le bien-fondé de certaines de ces préoccupations.
    Je crois que si nous consultions la plupart des Canadiens, nous verrions que bon nombre des préoccupations qui ont été soulevées cet après-midi à propos de ce projet de loi sont légitimes. Cela vaut décidément la peine de les examiner de plus près et de voir comment on pourrait améliorer ce projet de loi. Si le gouvernement n'est pas prêt à agir en ce sens, la meilleure chose qu'on puisse faire, ce serait de retourner à la case départ. Examinons l'amendement motivé proposé par mon collègue.
(1645)
    Monsieur le Président, puisque le député a été élu vers la fin de la dernière législature, il ne sait peut-être pas ce qui s'est passé au comité. Nous avions des témoins à écouter, mais malheureusement, les partis de l'opposition ont écourté notre temps. Nous voulions nous rencontrer le plus souvent possible, entendre le plus de témoins possible le plus rapidement possible et nous rendre à l'examen des amendements. Les partis de l'opposition auraient d'ailleurs pu profiter de l'occasion pour proposer leurs amendements. Certains témoins ont proposé d'excellents amendements de forme, que le comité aurait dû pouvoir examiner. J'espère pouvoir participer aux séances du comité chargé d'examiner ce projet de loi et, après cette étape, à l'examen final du projet de loi à la Chambre.
    J'aimerais poser une question au député à propos de ce projet de loi. Je crois qu'il comprend qu'il faut adopter ce projet de loi, et je crois que le Parti libéral comprend, dans l'ensemble, toute l'importance de ce projet de loi et de son adoption. Au comité, nous avons eu la chance d'entendre le témoignage de John Manley, un ancien ministre libéral de l'Industrie qui a participé à la rédaction des amendements au projet de loi. J'ai de sages conseils à donner à tous les députés: le projet de loi parfait sur le droit d'auteur n'existe pas, il y a trop d'intérêts à concilier. John Manley nous a rappelé le vieil adage qui dit que, trop souvent, le mieux est l'ennemi du bien.
    Qu'en pense le député?
    Monsieur le Président, je remercie le député de son commentaire. Je lui assure que je pourrais trouver des conservateurs qui appuient la Commission canadienne du blé. Il cite en exemple John Manley, qui affirme que, dans l'ensemble, le projet de loi est acceptable et qu'on devrait l'adopter. En définitive, si on peut améliorer le projet de loi, pourquoi ne pas le faire? Le député est du même avis que moi à ce sujet.
    Le projet de loi sera renvoyé à un comité. Malheureusement, je ne siégerai pas à ce comité. Je serai là quand le projet de loi sera renvoyé par le comité, et il sera intéressant de voir à quel point les partis de l'opposition seront à l'origine des amendements proposés et dans quelle mesure le gouvernement gardera l'esprit ouvert à l'égard de ceux-ci ou en proposera lui-même.
    Je n'ai jamais été en faveur de toute forme de clôture, mais je suis optimiste. Il faudra simplement attendre les résultats.
    Monsieur le Président, la question des droits d'auteur est extrêmement complexe. Il est très difficile de concilier adéquatement l'accès pour les consommateurs et la protection des droits des créateurs. Cependant, il y a une crainte très réelle que le verrouillage numérique proposé par ce projet de loi empêche les consommateurs d'accéder pleinement au contenu qu'ils ont déjà payé. Par ailleurs, tant les artistes qui génèrent des revenus de plus d'un milliard de dollars au sein de l'économie que les autres artistes gagnant en moyenne moins de 13 000 $ par année ne seraient pas pleinement rémunérés pour leur travail de création, qui est à la base de ce contenu. Ce projet de loi pourrait priver des artistes de millions de dollars en revenus auxquels ils devraient avoir droit.
    Malgré le fait que le parti libéral a appuyé le verrouillage numérique dans une ancienne version de ce projet de loi, le député dit-il maintenant que son parti souhaite voir le projet de loi amendé et que les libéraux ne l'appuieront pas tant que ces amendements n'y seront pas intégrés?
(1650)
    Monsieur le Président, je remercie la députée d'avoir soulevé cette préoccupation. Je passe le plus clair de mon temps à parler de l'importance de soutenir l'industrie. Nous pouvons aussi parler du consommateur, mais l'intervenant le plus important, c'est l'artiste local. J'ai parlé de l'un d'eux qui habite dans ma circonscription.
    Je peux confirmer à la députée que le Parti libéral appuie bel et bien l'industrie. Nous croyons qu'il est important d'avoir un équilibre. C'est un principe que nous défendrons bec et ongles à la Chambre et en comité. Nous croyons qu'il faut améliorer le projet de loi. Sous sa forme actuelle, il n'est pas assez bon.
    Monsieur le Président, j'ai eu le privilège de siéger au comité qui a examiné le projet de loi C-32, le prédécesseur du projet de loi C-11. J'ai rencontré les 132 témoins et j'ai pris connaissance des centaines de mémoires que nous avons reçus.
    Je crois que le projet de loi C-11 contient beaucoup de très bons éléments, et d'éléments très importants. Je crois également que les témoins ont présenté de très bons arguments, qu'il s'agisse des intervenants, des représentants de l'industrie, des artistes ou des consommateurs.
    Ce qui m'a agacé, c'est de voir que le projet de loi C-11 qui vient d'être déposé ne contient aucune modification. Le ministre du Patrimoine canadien a mentionné ce matin que l'on voulait ainsi respecter les gens qui s'étaient prononcés sur le projet de loi. Je n'ai pas trop bien compris ce que cela voulait dire.
    Le député de Winnipeg-Nord est-il comme moi d'avis que nous sommes au beau milieu d'une mascarade en ce moment? Les projets de loi C-32 et C-11 sont des copies conformes, et en fin de compte, nous allons voter pour le projet de loi C-11 qui deviendra loi, sans qu'aucune modification ne soit apportée, sans qu'on ne tienne aucunement compte des nombreux témoins entendus et des nombreux mémoires reçus.
    Monsieur le Président, c’est une préoccupation légitime. C’est dans une large mesure ce que j’espérais faire valoir.
    Tous les députés vont parler de l’importance des lois sur le droit d’auteur. Au Parti libéral, nous allons parler de l’importance de l’industrie. Je suppose que la plupart des partis voient peut-être les choses dans une optique différente, mais en fin de compte, les députés veulent l’équilibre. La meilleure façon d’y parvenir aurait été, selon nous, d’écouter certains de ces 132 témoins et des centaines de personnes qui ont donné leur avis sur cette question. Le gouvernement n’a pas montré qu’il l’avait fait.
    Encore une fois, nous verrons quand le projet de loi sera étudié en comité. Ce sera, pour les ministériels, une merveilleuse occasion de montrer dans quelle mesure ils écoutent, que ce soit ceux qui ont déjà témoigné ou, espérons-le, ceux qui n’ont pas pu le faire, mais qui en auront la possibilité lorsque ce projet de loi sera renvoyé au comité.
    Espérons que le gouvernement va non seulement écouter, mais apporter des modifications. J’attends de voir le projet de loi que le comité nous renverra. Si l’amendement motivé n’est pas adopté, je m’abstiendrai de prédire ce qui se passera dans cette Chambre.
(1655)
    Monsieur le Président, je voudrais répondre quant à savoir si le gouvernement écoute ou non. Je voudrais parler de l’origine de ce projet de loi, de l’ancien projet de loi C-32.
    Le gouvernement a entrepris de tenir de vastes consultations dans les grandes villes des quatre coins du pays. Nous avons eu des consultations à Peterborough où des gens sont venus, de Toronto et d’autres régions de l’Ontario, ainsi qu’à Toronto et dans les grands centres urbains du pays. Nous avons aussi reçu environ 8 000 mémoires au sujet du projet de loi et nous les avons tous examinés.
    J’oserais dire que parmi tous les groupes qui ont comparu devant le comité ou qui ont manifesté le désir de comparaître, il n’y en a pas un seul dont nous n’ayons pas examiné la demande ou dont certaines des revendications n’ont pas été abordées dans le projet de loi.
    Monsieur le Président, je voudrais accorder au député le bénéfice du doute, mais il faut reconnaître qu’aucun changement n’a été apporté au projet de loi, pas même une virgule.
    Nous verrons ce qui se passera.
    Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Shefford.
    Le projet de loi C-11, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, apporterait des modifications attendues depuis longtemps à la législation canadienne sur le droit d'auteur et nous aiderait à suivre les changements technologiques et les nouvelles normes internationales.
    À première vue, ce n'est pas un sujet fascinant pour la majeure partie de la population, mais il suffit de gratter un peu pour constater que c'est encore plus complexe et que même les avocats spécialisés en droit d'auteur ont du mal à comprendre la législation. C'est une loi extrêmement importante pour mes électeurs et pour les consommateurs, lesquels craignent qu'une fois qu'ils auront payé pour le contenu, ils seront incapables de l'utiliser comme ils le font régulièrement maintenant, lorsqu'ils le sauvegardent, le regardent en différé, le transfèrent d'un iPhone à un lecteur MP3 ou à un ordinateur portatif. Ils craignent que ces façons de faire, qui sont devenues monnaie courante dans leur vie quotidienne, entraînent des sanctions aux termes de la loi.
    Le projet de loi est également important pour le milieu de la création dans ma circonscription qui joue un rôle énorme dans l'économie du Grand Victoria. En effet, il est un élément de notre culture, il définit notre collectivité, il fait partie intégrante de notre industrie touristique dynamique et il crée beaucoup d'emplois.
    Une étude effectuée en 2010 par le District régional de la capitale a permis d'établir que l'activité économique générée par le secteur des arts et de la culture du Grand Victoria représentait plus de 170 millions de dollars en revenus nets et que ce secteur employait plus de 5 400 personnes. Il comprend des groupes bien établis comme la Victoria Symphony Society, qui en est maintenant à sa 29e saison, et une entreprise culturelle relativement nouvelle, l'orchestre philharmonique de Sooke, qui a été fondé en 1997, dans la partie rurale de ma circonscription.
    Il est également question d'entreprises comme la Compagnie de ballet de Victoria, qui mène ses activités avec succès depuis 2002, et le Canadian Pacific Ballet qui a été fondé en 2008. Le secteur comprend le théâtre communautaire le plus ancien probablement en Colombie-Britannique à ma connaissance, le Langham Court Theatre, qui a ouvert ses portes en 1929, ainsi que le Belfry Theatre, qui monte des pièces depuis 1980 et qui a présenté en première plus de 158 productions canadiennes. Il faut également ajouter une petite compagnie théâtrale appelée Intrepid Theatre, qui organise ce qu'on appelle l'Uno Fest pour les productions mettant en vedette un seul artiste et le Fringe Festival depuis 1986.
    Il ne faudrait pas oublier les artistes en arts visuels comme Robert Bateman, qui vient de donner à l'Université Royal Roads, de ma circonscription, certaines de ces oeuvres évaluées à 11 millions de dollars, ainsi que d'autres artistes de renommée comme Phyllis Serota, mon amie et mon artiste préférée.
    Dans le domaine de la musique, cela comprend des artistes nationaux, comme Nelly Furtado, qui vient de Victoria, et un autre de mes groupes favoris, les Children of Celebrities, que certains décrivent comme un groupe de vieux gars aux allures de cow-boys qui jouent de la musique lounge à saveur écolo. On y trouve aussi beaucoup de nouveaux groupes: les Racoons, Rocky Mountain Rebel Music, les Pocket Kings, les Mindil Beach Markets et We Are The City.
    Pourquoi est-ce que j'énumère tous ces groupes? Parce qu'ils s'inquiètent de la réforme de la Loi sur le droit d'auteur et qu'ils croient que cela doit se faire sans tarder. Nous visons une loi équilibrée qui permettra de trouver le juste milieu entre les droits des créateurs, comme les groupes que je viens de nommer, pour qu'ils puissent tirer des revenus de leurs produits, et les droits des consommateurs qui veulent être en mesure d'acheter ces produits.
    Cette question préoccupe également le très grand nombre d'étudiants et de membres du corps professoral dans ma circonscription et dans le Grand Victoria, où plus de 36 000 étudiants de niveau postsecondaire fréquentent l'Université de Victoria, le Collège Camosun et l'Université Royal Roads.
    De plus, il y a de nouvelles entreprises dans le domaine des logiciels, dont une bien connue qui produit des logiciels de jeux en ligne. D'autres conçoivent des jeux vidéos et d'autres logiciels. Ces entreprises sont très préoccupées par le même enjeu, à savoir l'assurance de tirer un revenu constant et fiable de leur travail créatif, tout en offrant aux consommateurs un bonne affaire pour les inciter à acheter leurs produits.
    Il ne fait aucun doute que nous avons besoin d'une nouvelle mesure législative sur le droit d'auteur, une mesure qui protège la propriété intellectuelle et ce, de manière à assurer une source de revenu aux producteurs. Il faut aussi faire attention de ne pas interrompre les sources de revenu actuelles pour ceux qui oeuvrent dans les industries créatives. Nous craignons entre autres que le projet de loi, dans sa forme actuelle, fasse diminuer par inadvertance les revenus des artistes et autres travailleurs de l'industrie créative. C'est un point crucial dans un pays où, comme ma collègue l'a dit tout à l'heure, les artistes ont gagné en moyenne un peu moins de 13 000 $ en 2009-2010.
(1700)
    Nous devons veiller à ce que les revenus générés par les nouvelles plateformes aillent aux créateurs et non seulement aux grandes entreprises médiatiques, aux gros producteurs de films et aux grosses compagnies de disques. Les créateurs ont besoin de revenus pour continuer de créer. Il faut établir un certain équilibre entre le droit des créateurs à une rémunération équitable pour leur travail et le droit des consommateurs à un accès au matériel protégé par des droits d'auteur.
    Je souhaite que la réforme aille de l'avant, mais pas sous sa forme actuelle. Comme les autres néo-démocrates, j'appuierai le renvoi au comité pour qu'on puisse remédier aux lacunes du projet de loi.
    Une de nos grandes préoccupations à l'égard du projet de loi concerne les dispositions sur les verrous numériques. Comme bien d'autres l'ont mentionné, si le projet de loi allait de l'avant dans sa forme actuelle, le Canada aurait les dispositions sur les verrous numériques les plus sévères au monde, notamment des peines punitives pouvant atteindre 1 million de dollars et 5 ans de prison pour avoir enlevé des verrous numériques. Si nous devons avoir de pareilles sanctions, je voudrais m'assurer que celles-ci s'appliqueront aux pirates auxquels les députés d'en face aiment faire allusion et non aux consommateurs moyens ou, plus particulièrement, aux personnes handicapées, qui doivent souvent faire transférer du matériel d'une plateforme à une autre afin de pouvoir s'en servir.
    Lorsque nous amenderons le projet de loi, nous devrons nous assurer que ces peines s'appliqueront à ceux qui tentent de voler du matériel protégé par des droits d'auteur et non à ceux qui cherchent à utiliser celui-ci suivant les manières auxquelles nous a habitué le nouveau monde numérique.
    Nous devons aussi nous assurer de préserver le principe d'utilisation équitable pour les journalistes. Je crois qu'il faudra amender en profondeur le projet de loi. Comme je l'ai dit, il faudra prévoir des exemptions pour les personnes handicapées, surtout celles qui ont des handicaps visuels, car elles auront besoin d'une exception à certaines des dispositions concernant les verrous numériques.
    Nous devons également nous assurer de maintenir les exemptions pour les établissements d'enseignement. J'ai enseigné pendant vingt ans dans un établissement d'enseignement post-secondaire. Je m'inquiète lorsque je constate qu'une disposition prévoit que les reproductions à des fins pédagogiques devront s'auto-détruire après cinq jours. Pendant vingt ans, j'ai essayé de convaincre mes étudiants de commencer leurs travaux plus tôt que cinq jours avant la date de remise. Ce délai de cinq jours ne convient tout simplement pas au type de travail que les étudiants doivent accomplir dans le cadre de leurs études. Nous devons nous assurer que les étudiants peuvent conserver et utiliser ce matériel pendant plus de 30 jours, plus particulièrement lorsqu'ils suivent une formation à distance. C'est particulièrement important dans les régions rurales et éloignées, où la formation à distance est la seule possibilité de formation.
    Même si je représente la circonscription d'Esquimalt—Juan de Fuca et que je parle de la région métropolitaine de Victoria, beaucoup de gens qui habitent à l'extrémité de ma circonscription opposée au centre-ville, mettent deux heures et demi à s'y rendre. Certaines personnes n'ont pas accès au transport en commun et ne peuvent donc pas se rendre en ville ou aux établissements d'enseignement. Je pense surtout aux personnes qui habitent dans les réserves ou dans les régions rurales de ma circonscription. Ces personnes doivent pouvoir compter sur la formation à distance. Elles ont besoin qu'on leur offre d'autres modes de formation. Nous devons veiller à ce que la mesure législative contienne des exemptions visant à protéger leur accès à l'éducation.
    Les députés néo-démocrates ne sont pas les seuls à être préoccupés par les détails de la mesure législative. Des spécialistes comme Michael Geist et Howard Knopf critiquent eux aussi ces dispositions très rigoureuses du droit numérique. Plus de 80 organismes voués aux arts et à la culture se sont dits préoccupés par le fait que les artistes ne seront peut-être pas rémunérés de façon équitable. La Writers Guild of Canada et la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique ont exprimé leurs préoccupations à cet égard.
    J'aimerais que tous les députés se joignent à nous après la deuxième lecture, à l'étape de l'étude en comité, pour défendre d'abord les intérêts des artistes, afin qu'ils puissent continuer de bénéficier de leurs sources de revenus habituelles, ensuite, ceux des étudiants, afin qu'ils puissent continuer d'avoir accès au matériel dont ils ont besoin dans le cadre de leurs études, et enfin, ceux des consommateurs, afin qu'ils puissent utiliser le matériel qu'ils ont déjà acheté sans nuire aux producteurs.
    Nous devons nous assurer que ce sont les artistes créatifs, les étudiants et les consommateurs qui profitent des avantages découlant de la réforme du droit d'auteur, et non pas seulement les grandes entreprises américaines du secteur des médias, les grands studios de cinéma et les grandes maisons de disques. Nous devons faire en sorte que cette mesure législative sur le droit d'auteur soit avantageuse pour les Canadiens ordinaires et ceux qui travaillent durement chaque jour dans le milieu de la création pour faire du Canada un meilleur pays dont les habitants se comprennent mieux grâce aux arts et à la culture.
(1705)

[Français]

    Monsieur le Président, je voudrais demander à mon collègue s'il croit que cette loi protégera les créateurs et les artistes de la même façon que le projet de loi C-13 protégera les réfugiés en leur enlevant les moyens de s'intégrer à la société et d'être productifs.
    En fait, un objet comme une tablette numérique n'a aucune valeur sans le contenu que les créateurs y mettent. Si ces gens ne sont pas protégés et compensés pour leur travail, on imagine mal comment notre société pourra progresser.

[Traduction]

    Monsieur le Président, mon collègue soulève un très bon point auquel j'ai fait allusion à la fin de mon discours, à savoir que c'est le secteur des arts et de la culture qui nous aide à comprendre notre société. C'est ce secteur qui nous aide à faire face aux problèmes de notre société et à trouver des façons de mieux vivre ensemble.
    Si on veut modifier la Loi sur le droit d'auteur, il faut faire très attention de ne pas compromettre les sources de revenu actuelles du secteur des arts et de la culture. Il faut plutôt réformer la loi de façon à ce que les intervenants aient un meilleur revenu et que leur avenir soit plus sûr afin qu'ils puissent continuer de nous aider à mieux nous comprendre nous-mêmes.
    Monsieur le Président, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca pourrait-il mentionner quelques changements précis qui contribueraient à améliorer le revenu des artistes?
    Mon frère est un musicien sous-employé.
    Monsieur le Président, à l'étape de la deuxième lecture, nous discutons des principes du projet de loi. Il est donc question de la nécessité d'adapter la loi aux technologies actuelles et de faire en sorte qu'un des éléments positifs du projet de loi prévoie un examen aux cinq ans des dispositions législatives pour qu'elles puissent suivre l'évolution des changements technologiques.
    Je tiens en fait à parler de la source de revenu, qui doit revenir non pas aux grandes multinationales, mais aux artistes et aux vrais producteurs.
    Les verrous numériques que prévoit le projet de loi n'aident pas les premiers producteurs. Ils ne protègent que les grands distributeurs, qui ont probablement sous-évalué le contenu protégé. Ils leur permettent en même temps de protéger leurs énormes profits, alors que les artistes reçoivent un très faible revenu pour leur travail.
    Monsieur le Président, le député d'Esquimalt—Juan de Fuca a été enseignant pendant un certain temps.
    Le gouvernement nous saisit d'un projet de loi bâclé, et le délai de 30 jours accordé pour détruire les manuels en est l'aspect le plus bâclé.
    Comment le député croit-il que ses étudiants réagiraient si leurs notes de cours, qu'ils ont reçues en format électronique, étaient détruites au bout de 30 jours?
    Monsieur le Président, au cours des dernières années, j'ai entre autres constaté que bon nombre de mes étudiants ne pouvaient se procurer les exemplaires papier des manuels scolaires. Ils veulent avoir accès au matériel scolaire autrement, à moindre coût.
    J'ai enseigné dans le domaine du droit pénal canadien. Comme tous les enseignants, je sais que les manuels scolaires en format papier coûtent très cher. Il faut vraiment que les élèves puissent avoir accès autrement au contenu des manuels. Ils ont besoin de ces livres durant tout un semestre, pas seulement durant 30 jours. Ils en ont probablement besoin plus longtemps encore, car comme la majorité des cours du programme dans lequel j'enseignais étaient interreliés, les étudiants veulent conserver le contenu du manuel d'un cours qu'ils ont suivi afin de mieux réussir dans leurs autres cours. Ils ne se servent pas de leurs manuels pour en tirer des profits. Ils ne les vendent pas à d'autres.
    À l'instar de ma collègue de Newton—Delta-Nord, qui a encore ses notes de cours dans une boîte au sous-sol, les étudiants conserveront probablement leur matériel scolaire très longtemps et continueront de l'utiliser alors qu'ils amorcent leur carrière professionnelle.
    Ce délai de 30 jours accordé pour détruire les manuels est un aspect très pernicieux du projet de loi. J'espère que, à l'étape de l'étude en comité, on pourra retirer cette disposition.
(1710)

[Français]

    Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole à la Chambre sur ce projet de loi.
    Ce dernier me permet de porter plusieurs chapeaux, celui de député de la Chambre des communes et celui d'auteur. En effet, ma profession de jardinier m'a amené à écrire plusieurs oeuvres sur le sujet.
    Je me permets de dire que le travail d'auteur demande de la persévérance, de la discipline, de la détermination et de la confiance. C'est surtout un travail de solitaire. Un livre comme le mien peut demander de trois à quatre ans avant d'être publié, tellement il y a de travail à faire.
    Qui dit droit d'auteur dit respect de l'auteur. Encore une fois, je ne vois pas le droit de l'auteur dans le projet de loi. On parle de respect, mais je ne vois pas de dividendes pour les auteurs. Comme réalisateur et auteur, j'ai conclu et réalisé plus de 500 émissions de jardinage à la la télévision communautaire. Pendant plusieurs années, j'ai eu beaucoup de plaisir, mais ça s'est fini quand mon travail été copié ailleurs: le format et la façon de faire. Je n'ai pas eu la possibilité de m'en sortir. Comme auteur, j'ai conçu et réalisé, depuis 1998, un site Web sur le jardinage de plus de 1 500 pages. Quand on publie sur le Web, on s'adresse à toute la Francophonie. Là aussi, j'ai été copié maintes fois, sans possibilité de recours en tant qu'auteur.
    Dans le projet de loi du gouvernement, je ne vois nulle possibilité de recours pour un auteur, de manière à ce qu'il soit payé par le copieur. On tape sur la tête de différentes personnes, mais l'auteur, à la fin, a été copié et n'est pas remboursé pour cela. J'en sais quelque chose. Sur le Web, des gens m'écrivaient souvent pour m'aviser que mes pages étaient copiées à divers endroits, mais je n'y pouvais pas grand-chose. J'ai même vu une encyclopédie mondiale de données horticoles contenant certains de mes textes entiers. J'ai dû exercer des pressions pour réussir à faire retirer mes textes. Comme auteur non plus, je n'ai eu aucun recours. Je vois, dans le projet de loi du gouvernement, comment celui-ci pourrait aider un auteur à avoir des recours.
    Un auteur gagne un petit salaire, bien souvent en-deçà du salaire minimum, mais je ne vois rien dans le projet de loi du gouvernement qui pourrait aider l'auteur qui a été copié. Il y a un projet à Québec, quelque part à Montréal ou ailleurs, qui fait la manchette depuis des années. Tout le monde sait qu'il a été copié, et rien ne se fait. Si le gouvernement voulait mettre ses culottes, il trouverait le moyen de mettre à la disposition de l'auteur et des juristes un système par lequel il pourrait se faire rembourser par les copieurs.
    En tant qu'auteur, j'ai écrit des livres, dont 10 sont prêts à publier. J'attends d'avoir le moyen de les publier, parce que les dividendes payés aux auteurs pour la publication des livres varient entre 5 p. 100 et 10 p. 100, et on les leur verse un an et demi plus tard. De plus, on ne peut pas vérifier.
(1715)
    Pour ma part, je projette de faire de l'autoédition. Là encore, le gouvernement a toutes sortes de lois qui aident les compagnies d'édition, mais qui n'aident pas un auteur à faire de l'autoédition. Quand le gouvernement va-t-il vraiment s'occuper des auteurs et penser comme un auteur? Des chanteuses et des personnes qui enregistrent des disques ont été obligées de fonder leur maison d'édition. Comment se fait-il que le gouvernement ne pense pas à aider les personnes qui veulent faire de l'autoédition? Je ne saisis pas.
    Y a-t-il quelque chose de logique et de plus simple? On veut aider le monde, mais on veut pénaliser les pirates et autres contrevenants. Ce n'est pas en pénalisant les pirates qu'on va aider les auteurs, c'est en trouvant le moyen d'aller chercher ce qui leur est dû.
    Ce projet de loi C-11 est identique au projet de loi C-32 de la législature précédente. Les artistes québécois sont venus ici, sur la Colline. Rappelons-nous leurs revendications. Ce projet de loi ne donne pas de dividendes aux auteurs. Le consommateur achète des chansons ou différentes choses sur le Web, il copie des pages complètes d'oeuvres sur le Web, mais cela ne donne rien à l'auteur. Aucune redevance! Quand le gouvernement va-t-il faire un projet de loi sérieux sur les auteurs, plutôt que de penser seulement à bâtir des prisons?
    En effet, il semblerait que le gouvernement a de gros projets pour multiplier les prisons au pays. Nous souhaitons plutôt un projet de loi qui s'organiserait pour que ceux qui volent les auteurs les remboursent, et non pas qu'ils s'en sortent en faisant faillite et en allant en prison. Il faut qu'ils les remboursent. On doit trouver des moyens pour que les saisies auprès de ces personnes ne durent pas que quelques années, mais qu'elles se poursuivent un bon nombre d'années de sorte que la personne n'ait pas d'autre choix que de rembourser l'auteur.
    Je souhaite que le gouvernement agisse vraiment en fonction des besoins de l'auteur et non pas en fonction des besoins des gens qui gravitent autour d'eux. Parlons de l'auteur!
    Monsieur le Président, je poserai à mon honorable collègue une question ouverte. Comment pourrions-nous fixer le niveau de revenu compensatoire pour les artistes?
    Monsieur le Président, j'étais à la recherche de mon oreillette, parce que vous êtes loin et qu'on n'entend pas. Le député pourrait-il poser de nouveau sa question, s'il vous plaît?
    Je pense que l'honorable député de Shefford n'a pas entendu la question. Il y a peut-être un problème de traduction.

[Traduction]

    J'accorde la parole au député de Kingston et les Îles. Il peut répéter sa question pour que le député de Shefford puisse y répondre.
(1720)

[Français]

    Monsieur le Président, je vous remercie. C'est peut-être de ma faute.
    Je suis totalement favorable au fait d'appuyer les artistes. Mon honorable collègue peut-il me dire comment on peut fixer le niveau de revenu compensatoire pour les artistes, le revenu qui compense pour le revenu perdu?
    Monsieur le Président, ce n'est pas compliqué. Il y a une redevance pour quelqu'un qui produit un CD-ROM. Normalement, il y a un arrangement. Il devrait donc recevoir de redevances chaque fois que le CD-ROM est copié. C'est très, très simple. Lorsqu'on publie un volume, l'auteur reçoit toujours des redevances. On calcule les redevances qui reviennent à l'auteur et on les lui rembourse. C'est la même méthode pour une chanson ou quelque chose du genre. On détermine la redevance normale au cas par cas. Et c'est de cette façon qu'on rembourse l'auteur. Il me semble que c'est très simple.
     Je remercie de sa question le député.
    Monsieur le Président, je remercie mon cher collègue de son discours très intéressant. Selon lui, la difficulté qu'éprouvent les auteurs de voir leur travail reconnu représente-t-elle un grand défi quant à la stimulation de l'industrie culturelle de notre pays?
    Monsieur le Président, présentement, le gros problème, c'est le virage technologique. Aujourd'hui, on copie un film avec une mini-caméra dans une salle de cinéma et cela ne paraît pas. Avec toutes ces technologies, on copie à tour de bras. Oui, c'est un défi de découvrir une façon de régler le problème. On ne réglera jamais totalement le problème parce qu'il y a toujours quelqu'un qui trouve le moyen de contourner.
    Que ce soit dans l'industrie du cinéma, du disque ou du livre, les auteurs et les artistes se font copier leurs oeuvres. Il y a même des sculpteurs qui se font copier leurs oeuvres avec des moules et autres. C'est un problème. Il faudrait que le gouvernement place des personnes compétentes aux bons endroits pour trouver des solutions pour chaque problème, et cela, pas cinq ans après l'apparition du problème. Il faut que ce soit constant dans chaque domaine. Le gouvernement doit protéger les droits de ses citoyens et les droits des auteurs qui contribuent un peu à la belle réputation du Canada.
    Monsieur le Président, je vais partager le temps dont je dispose avec le député de Manicouagan.
    On accueille avec plaisir le fait que le gouvernement désire aller dans une direction qui permettra de moderniser la Loi sur le droit d'auteur. Ces changements sont dûs depuis bien longtemps. C'est quelque chose qu'on accueille bien, certes, mais on l'accueillerait encore mieux s'il en découlait un équilibre qui bénéficierait à toutes les parties concernées. Le problème c'est que, contrairement à ce que le gouvernement avance dans son argumentation, l'équilibre est complètement absent du projet de loi C-11, comme il l'était de son prédécesseur, le projet de loi C-32.
    Il y aura des répercussions assez conséquentes pour les auteurs, les artistes et les consommateurs. Encore une fois, malgré le fait que le gouvernement mentionne qu'il y a un équilibre, on voit que cette opinion n'est pas partagée par diverses associations et les organisations très importantes qui représentent l'une ou l'autre de ces parties.
    En premier lieu, parlons des auteurs. Selon nous, ils sont les plus grands perdants du projet de loi C-11. La plus grande partie des associations d'auteurs s'est prononcée contre le projet de loi C-32 et maintenant contre le projet de loi C-11, et avec raison. J'aimerais parler d'un organisme en particulier, le DAMI©, basé à Montréal. DAMI© signifie Droit d’auteur / Multimédia-Internet / Copyright. Cela regroupe 13 associations professionnelles d'artistes, d'auteurs, d'interprètes et de sociétés de gestion collective des droits d'auteurs. Le DAMI© représente 50 000 artisans dans le domaine culturel regroupés dans ces 13 associations. Or qu'est-ce que le DAMI© disait, dans le contexte du projet de loi C-32, qui, encore une fois, peut se transposer au projet de loi C-11 qu'on étudie présentement? Il émettait de fortes réserves par rapport au projet de loi C-32, en particulier en raison de l'utilisation non rémunérée des oeuvres protégées par une quarantaine d'exceptions, dont près de la moitié sont de nouvelles exceptions par rapport à la loi actuelle.
    J'aimerais citer un extrait de ce que le DAMI© proposait dans un mémoire concernant le projet de loi C-32, ce qui, encore une fois, est très pertinent, étant donné qu'il s'agit du même projet de loi, maintenant étudié sous le nom de projet de loi C-11:
    Grâce à ce projet de loi, les professeurs pourront utiliser des oeuvres protégées [on parle évidemment du domaine de l'éducation] dans leurs cours sans aucune permission à demander, et ils pourront reproduire ce cours afin de le diffuser par télécommunication dans le cadre d’un enseignement différé ou à distance. Ils pourront aussi reproduire des oeuvres dans leur totalité à des fins d’affichage sur des tableaux blancs interactifs ou des écrans d’ordinateur. Les écoles ne paieront plus de redevances pour enregistrer des émissions d’actualités à des fins pédagogiques, présenter des films ou représenter des pièces de théâtre où elles pourront reproduire les décors, les costumes et les éclairages créés par des artistes professionnels. Nous assistons ici à une totale expropriation des droits de propriété intellectuelle des créateurs en milieu éducationnel. Tout se passe comme si le gouvernement déclarait que les créations littéraires, dramatiques, musicales et artistiques seront dorénavant considérées comme une propriété collective.
    On parle ici du milieu éducatif, mais un autre élément important est à considérer dans ce milieu, particulièrement dans le milieu universitaire, et c'est la question du marché du livre académique au Québec. On ne s'en cachera pas, le Québec est un îlot de 7 millions de francophones dans une mer de plus de 300 millions d'anglophones en Amérique du Nord. Le marché du livre américain dessert principalement le marché canadien anglophone. Nous avons besoin d'un marché du livre académique fort au Québec afin de pouvoir protéger la culture, afin de pouvoir adapter ou étudier diverses questions — que ce soit l'économie, la philosophie ou divers domaines universitaires — d'une perspective québécoise, francophone. Ce marché du livre est petit par rapport au marché anglophone américain et canadien. Il doit se battre contre l'assimilation, contre une grande intégration de ces livres qui, bien souvent sont traduits en français, mais qui ne reflètent pas la perspective du Québec, qui ne reflètent pas une perspective francophone, même au Canada.
    Ce que le projet de loi risque de faire, c'est d'affaiblir encore plus le marché du livre académique au Québec, les livres de textes universitaires, par exemple, faisant en sorte que ce marché aura de plus en plus de difficultés. L'industrie au Québec aura de plus en plus de difficultés à survivre.
(1725)
    Si on permet l'utilisation de photocopies de façon massive ou l'utilisation, telle que mentionnée par le DAMI©, sans compensation adéquate pour les auteurs de ces livres, quelle sera la justification? Quelle sera la motivation pour les Québécois et les Québécoises, pour des francophones partout au pays de rédiger un livre qui correspond réellement à la philosophie, à la vision et à la perspective francophone et québécoise? Il n'y en aura plus.
    Ce projet de loi constitue une véritable menace à une industrie qui fonctionne de manière très précaire présentement au Québec. C'est la raison pour laquelle nous demandons en partie au gouvernement de travailler avec nous en vue d'établir un meilleur équilibre dans ce projet de loi et d'assurer que toutes les parties puissent y trouver leur compte, et pas seulement les entreprises détentrices de propriété intellectuelle qui sont grandement favorisées présentement. Pour répondre à nos collègues du gouvernement, cela explique en grande partie pourquoi ils ont l'appui de John Manley, entre autres, qui est, sans grande surprise, le président du Conseil canadien des chefs d'entreprise. Mais ils n'auront pas l'appui des organisations d'auteurs, des organisations d'artistes et des société collectives gérant le droit d'auteur.
    Ils n'obtiendront pas non plus, malgré ce qu'ils disent, l'approbation, le consentement ou l'appui d'associations de consommateurs. Tel qu'il est présenté, le projet de loi prive les consommateurs de la possibilité qu'ils ont actuellement de faire des copies de sauvegarde et de transférer les documents qu'ils ont acquis — pour lesquels ils ont payé pour le contenu et pour lesquels ils détiennent des droits de consommateur — sur d'autres formats. C'est un problème qui a été soulevé, entre autres, par la Guilde des écrivains du Canada. Cet organisme a dit que la seule option que le projet de loi C-11 offre aux créateurs est l'ajout d'un verrou numérique, qui a pour effet de bloquer les sources de revenus actuelles pour les créateurs et de créer une lacune dans le projet de loi en enlevant aux consommateurs les mêmes droits qui leur sont garantis dans d'autres sections du projet de loi.
    Le gouvernement a déclaré qu'il donnait ainsi aux titulaires de droits un outil afin de développer leurs produits, de les mettre en marché et de recevoir un revenu. Il a déclaré qu'il s'agit de protéger les créateurs contre les actes de piratage. S'il est vrai que les verrous numériques ont fonctionné ou peuvent fonctionner dans le cas de logiciels, ils sont une option trop restrictive et très impopulaire dans le cas du contenu de divertissement. Ils risquent d'être discriminés par des règles de marché, comme ils l'ont été dans le cas de la musique. Les verrous numériques ne permettent pas d'aller de l'avant et ne permettent pas de défendre l'intérêt des consommateurs et des créateurs. Au mieux, les verrous numériques vont simplement bloquer les actuelles sources de revenus des créateurs.
    Ces revenus sont quand même très importants. Si ce projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, les auteurs, les artistes et les artisans culturels pourraient perdre plus de 125 millions de dollars de revenus par année. C'est la raison pour laquelle nous demandons au gouvernement de travailler avec le NPD afin de pouvoir amender le projet de loi, comme on l'a mentionné. On accueille favorablement le désir de moderniser une loi, alors que cette modernisation était attendue depuis longtemps, mais il faut le faire de la bonne manière. Malheureusement, le projet de loi C-11, dans son aspect actuel, ne donne pas des avantages égaux à toutes les parties intéressées. On désire travailler avec le gouvernement afin que toutes les parties puissent y trouver leur compte et pour qu'on arrive à moderniser la Loi sur le droit d'auteur d'une manière cohérente et très durable.
(1730)
    Monsieur le Président, encore une fois, j'ai apprécié le discours du député de Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques, le nom de circonscription le plus long du pays, laquelle a élu un excellent député.
    Il a parlé de tous les problèmes que pose ce projet de loi. On sait très bien que les conservateurs, même s'ils avaient plusieurs années pour le faire, ont mal fait leur travail. Ils ont botché leur travail, ce qui a mené à un projet de loi qui soulève beaucoup de problèmes. On en a discuté cet après-midi et on va continuer à le faire dans les prochains jours.
    J'ai quelques questions à poser au député. Quels sont les plus grands problèmes de ce projet de loi? Est-ce le fait de brûler tous les livres, les cahiers des étudiants 30 jours après la fin de leurs cours? Est-ce le fait que les artistes ne sont pas rémunérés? Selon lui, quels sont les plus grands problèmes de ce projet de loi?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
    En fait, ce projet loi est extrêmement complexe et technique. Pour cette raison, on a pu discerner plusieurs faiblesses. Celle qui concerne la destruction du matériel, des notes de cours 30 jours plus tard est un problème marquant, mais le problème central que je vois dans ce projet de loi, c'est la perte de revenus pour les auteurs, les créateurs et les artisans. Au bout du compte, si on n'arrive pas protéger cette motivation à créer — et c'est ce qui devrait être l'objectif de la Loi sur le droit d'auteur —, cela posera un problème. Il en sera de même si on ne trouve pas de possibilités de moderniser la loi tout en adaptant le flot de revenus que les créateurs peuvent obtenir. C'est ce qui s'est fait dans le passé lorsque de nouveaux supports ont été élaborés, lorsqu'on a vu, en premier lieu, le disque vinyle. Ensuite, on a eu les CD, les DVD et tout le reste. On a réussi à adapter aux nouvelles réalités, d'une manière ou d'une autre, ce flot de revenus. Ce projet de loi ne le fait pas. En fait, ce projet de loi risque de mettre un frein à ces sources de revenus en mettant en danger le revenu des artisans, des créateurs et des artistes; il risque de décourager ce flot de créativité et de diminuer la capacité des créateurs de propager le contenu québécois et canadien à grande échelle.
(1735)
    Monsieur le Président, je félicite mon collègue de son discours très instructif.
     Je voudrais lui demander, si on souhaite conserver le titre de ce projet de loi qui est une loi de modernisation du droit d'auteur, quel serait d'après lui un des amendements principaux qu'il faudrait proposer.
    Monsieur le Président, je remercie ma collègue de sa question.
    C'est une discussion qui aura lieu, je l'espère, en comité. Les membres du comité pourront proposer diverses avenues. Je reviens au point de vue académique. Je pense qu'il devrait y avoir des éléments qui protégeraient le marché du livre au Québec, en particulier le livre professionnel et académique. On l'a fait auparavant. À l'université, on peut photocopier des livres ou des supports, mais on le fait avec une redevance faite par le biais de diverses organisations qui peuvent la redistribuer par la suite aux auteurs. Dans le cas de nouveaux supports et de nouvelles possibilités d'offrir des cours de différentes manières, il faut pouvoir adapter et permettre une flexibilité, mais en assurant toujours une redevance. On a 40 exceptions dans ce nouveau projet de loi, ce qui fait en sorte qu'on peut utiliser le contenu, mais sans compensation aucune pour les auteurs. Cela doit être changé. Il doit y avoir un mécanisme qui permette à ces redevances de se rendre aux créateurs afin qu'ils poursuivent le flot de création et qu'ils soient encouragés à continuer.
    Monsieur le Président, la présente intervention s'inscrit dans la lignée de mes représentations précédentes et se veut initiatrice d'une réflexion portant sur la volonté réelle de protection et de mise en valeur de l'intérêt public par l'actuel gouvernement.
    Le projet de loi soumis à notre attention vise essentiellement la novation de l'actuelle Loi sur le droit d'auteur. Les intervenants présents à la Chambre conviennent tous de la nécessité d'un tel exercice. Les réalités technologiques et sociales sont, par définition, en évolution constante, et il importe de disposer d'outils législatifs adaptés à la conjoncture mondiale contemporaine impliquant un transfert continuel et massif d'information par voie électronique.
    Il est admis de part et d'autre que la lettre de la Loi sur le droit d'auteur se doit d'être modernisée, certes, mais le texte de loi proposé par les conservateurs fait abstraction de nombre d'éléments cruciaux faisant en sorte que la solution proposée risque de s'avérer plus problématique et hasardeuse que réellement novatrice et fonctionnelle.
    L'opinion de nombre d'experts sur la question conteste sur certains points la légitimité même de l'adoption de telles dispositions par l'entité législative fédérale, puisque nombre de matières prévues au texte de loi projeté recoupe les attributs de compétence provinciale.
    L'exercice législatif se doit d'être empreint de considérations propres à la balance des avantages et inconvénients. L'effet recherché par cette initiative étant la mise à niveau d'une loi portant sur les matières dites évolutives, le gouvernement se doit de préconiser une approche équilibrée entre les droits des consommateurs et ceux des propriétaires de contenu.
    Prenant en compte les pratiques en vigueur dans le domaine artistique et technologique, ce texte de loi est orienté de manière à favoriser les tenants de l'industrie, ultimes détenteurs des prérogatives associées au droit d'auteur. Je vais expliquer par la suite tous les concepts de licences et de cession des droits.
    Les ententes liant les créateurs d'une oeuvre aux acteurs des industries des arts et de la culture au Canada font un usage systématique de clauses prévoyant l'octroi de licences ou carrément la cession des droits du créateur d'une oeuvre au profit des tenants de l'industrie. En addition, les véritables gagnants du projet de loi C-11 sont les grands studios de cinéma et les maisons de disques, et non les artistes et les consommateurs canadiens.
    Étant moi-même issu d'une famille d'artistes, j'ai pu assister en première ligne aux conséquences déplorables liées à l'inégalité des forces, qui est monnaie courante dans le milieu de la production artistique en son sens large.
    Afin d'illustrer ces propos, je verserai dans l'étude empirique en introduisant un exemple vécu par mon paternel. Lorsque je parle de mon paternel, bien entendu, je parle de mon père, qui est auteur-compositeur-interprète, qui s'exprime presque essentiellement en innu. Il est natif de la communauté de Uashat mak Mani-Utenam, tout comme moi. Il a été appelé à se déplacer aux États-Unis au début des années 1990 afin de faire la promotion de la culture et de procéder à des concerts.
    Au cours de son séjour aux États-Unis, il a y eu une fixation numérique de sa voix alors qu'il produisait des chants immémoriaux datant de plusieurs milliers d'années. On me dira que ça tombe dans le domaine public, mais bref, il y a eu une fixation électronique de sa voix, et lorsqu'il est revenu au Canada plusieurs années plus tard, il a été surpris d'entendre son enregistrement dans un film américain de grande envergure qui avait été diffusé en plusieurs millions de copies. Cela a été assez dur pour lui de comprendre comment son enregistrement a abouti dans un film de la Columbia. Bref, c'est resté sans suite, et il a toujours un goût amer dans la gorge lorsqu'il repense à cet événement.
    Je vais parler de partage par la suite. Je vais indiquer la façon traditionnelle de concevoir le partage de l'information. Ce lien avec le partage du savoir traditionnel aborigène n'est pas sans pertinence dans le cadre de l'analyse de la situation qui nous préoccupe. Bien que les nations aborigènes n'aient eu jusqu'ici qu'un recours limité aux lois canadiennes sur la propriété intellectuelle pour protéger leurs créations issues de leurs traditions, il est admis que les copies non autorisées d'oeuvres, de groupes et de collectivités, l'appropriation de thèmes et images aborigènes, la violation du droit d'auteur des artistes, l'usage culturellement non approprié d'images et de styles autochtones par des créateurs non autochtones et l'appropriation exclusive de connaissances traditionnelles sans indemnisation sont matière courante au sein des communautés socialement dépourvues.
(1740)
    Maintenant, lorsque je dis « appropriation sans rétribution », c'est une référence directe à l'avancée pharmaceutique qui a découlé des connaissances traditionnelles que les aborigènes avaient sur le territoire. Quand je parle d'aborigènes, on peut aller jusqu'en Nouvelle-Guinée et en Australie, mais ici, au Canada, on sait que l'industrie pharmaceutique et pharmacologique s'est inspirée des savoirs traditionnels sur l'usage millénaire des plantes sur le territoire. Aujourd'hui, il y a une multitude de médicaments qui découlent de cette application directe. Il y a une reconnaissance, dans un certain sens, de la contribution des Innus et des aborigènes en général, mais très peu de brevets, à mon avis, ont été émis en faveur des nations aborigènes.
    Nul besoin de préciser que le texte de loi envisagé ne répond à aucune des considérations soulevées par les communautés aborigènes et mises en lumière dans l'étude intitulée « Connaissances traditionnelles autochtones et droits de propriété intellectuelle », qui émane de la Direction de la recherche parlementaire et commandée en 2004. Au surplus, le projet de loi de modernisation du droit d'auteur permettra qu'une tierce partie mette en place un système de verrous numériques ayant préséance sur pratiquement tous les autres droits pouvant être exercés par les nations aborigènes eu égard à leurs oeuvres ancestrales.
    Comme on peut le constater, l'inégalité des forces observables au sein de l'industrie des arts donne lieu à des situations déplorables, une réalité qui est malheureusement éludée de la lettre du texte de loi projeté. Les mesures législatives entrevues ne feront qu'accentuer le désavantage subi par l'artiste au profit de maisons de disques et de studios de cinéma disposant de moyens faramineux leur permettant de mettre en place un système de verrous numériques ayant préséance sur pratiquement tous les autres droits prévus à la loi. Au final, cette pratique permettra à l'industrie de protéger sa capacité décroissante de générer d'énormes profits.
    Concernant les concepts de licence et de cession des droits, ce sont des clauses usuelles que l'on voit dans les contrats, c'est-à-dire que l'artiste n'est pas en position de discuter puisque c'est un contrat d'adhésion qu'on lui fournit le plus souvent. Il y a déjà des clauses. La cession est un peu plus rare, mais des licences explicites sont indiquées et l'artiste est donc lié. Il ne détient que très peu de droits, sinon le droit moral sur l'usage au final que l'on fait de son oeuvre, et il n'est pas en position de force face à l'armada de juristes qui travaillent pour l'industrie.
    En conséquence, le gouvernement doit modifier les dispositions concernant les verrous numériques avant que ce projet de loi ne soit adopté. Cette mesure, outre son incidence néfaste sur l'expectative de revenus pour les artistes, accorde des pouvoirs démesurés aux détenteurs des droits, à savoir les acteurs d'une industrie déjà très bien nantie.
(1745)
    Monsieur le Président, ma question s'adresse à mon confrère. Comment explique-t-il qu'on puisse harmoniser le fait que ce projet de loi donne la priorité au développement de l'économie numérique face au respect de la culture et des prestations artistiques des membres d'un peuple qui doit se faire respecter simplement pour continuer à exister et à avoir une vie culturelle?
    Monsieur le Président, je remercie mon confrère de sa question. Il conviendra avec moi que les considérations sociales sont très peu en vogue, de l'autre côté de la Chambre. C'est une tendance que l'on va observer dans les prochaines années, c'est-à-dire que les détenteurs du pouvoir monétaire et économique auront toujours préséance sur d'autres considérations, qu'elles soient environnementales, culturelles ou sociales. Le texte de loi qui nous est proposé aujourd'hui ne fait pas exception et il témoigne de la même tendance.

[Traduction]

    Monsieur le Président, le député a parlé des artistes autochtones. Qu'ils soient autochtones ou d'une autre origine ethnique, les artistes ont beaucoup à offrir. Bon nombre de leurs contributions sont liées à leur culture. La création artistique est l'un des avantages offerts par le riche patrimoine des nombreuses collectivités dont se compose notre beau pays. Je crois que c'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement oublie l'importance de ces artistes. Nous devrions soutenir cet aspect de l'industrie. Nous pouvons en faire davantage à cet égard.
    Le député souhaite-t-il donner un aperçu général des répercussions que ce projet de loi devrait avoir sur l'industrie? De plus, est-il d'avis que nous pourrions soutenir beaucoup plus cette industrie?

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie mon confrère de sa question. Pour ce qui est des communautés, je vais toujours me référer à ma communauté d'origine, soit les Innus d’Uashat mak Mani-Utenam. Il faut comprendre qu'ils sont très peu au fait des discussions qui interviennent ici, en cette Chambre, et encore moins du projet de loi à l'étude.
    Maintenant, il faut comprendre aussi que la communauté dont je suis issu se méfie grandement et est assez hésitante à partager son information et sa culture, pour des raisons qui sont assez évidentes aujourd'hui. Il y a eu de la malversation et des excès, que ce soit sur le plan culturel ou autre. Donc, bien entendu, l'application des mesures projetées dans ce projet de loi n'améliorera pas le dialogue et encore moins le partage puisque, au final, c'est l'industrie qui détiendra la clé et qui jouira de toutes les prérogatives. L'artiste, en tant que tel, sera mis de côté et sera un acteur bien secondaire.
    Monsieur le Président, j'en profite pour remercier mon collègue de Manicouagan de son excellente plaidoirie en cette Chambre.
    Ma question est similaire à celle qu'a posée le collègue qui m'a précédé. Tout à l'heure, il a parlé des répercussions du projet de loi. Les artistes autochtones sont dans une situation spécifique. Ce projet de loi en tient-il compte, ou cette situation spécifique fait-elle en sorte qu'on a encore oublié les artistes autochtones dans ce projet de loi qu'on semble tenter de moderniser?
(1750)
    Monsieur le Président, je remercie mon confrère de sa question. Le texte du projet de loi ne fait aucunement mention des peuples aborigènes, contrairement à l'étude de 2004, qui provient pourtant du Parlement. C'est à se demander si des gens y ont prêté attention. Lors de cette étude de 2004, des groupes aborigènes avaient fait valoir leurs prétentions et leurs considérations. Visiblement, le projet de loi et cette novation du texte de loi portant sur le droit d'auteur n'accordent que très peu d'importance, sinon aucune, à la transmission, à la protection du savoir ancestral et à l'expression de la culture orale. Nous venons d'une culture qui est foncièrement orale, on en conviendra. C'est marginalisé, comme cela l'a toujours été.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Westmount—Ville-Marie.
    La Loi sur le droit d'auteur, la question des verrous numériques et le projet de loi C-32 m'accompagnent depuis le début de ma carrière politique il y a de cela quelques années.
    Je vis dans une circonscription qui compte beaucoup d'étudiants de niveau postsecondaire, et quand j'ai annoncé que je briguerais les suffrages, bon nombre d'entre eux voulaient discuter avec moi du projet de loi C-32 et de leurs préoccupations concernant les dispositions sur les verrous numériques. Je parle d'étudiants, de gens qui comprennent ce qu'ils lisent. Bon nombre d'entre eux formeront la prochaine génération d'artistes et de créateurs. Le projet de loi est important pour moi.
    Le droit d'auteur est au coeur même de la façon dont notre société traite les créateurs, les artistes, les musiciens et les compositeurs. Il est très important que nous reconnaissions leur contribution et que nous accordions de la valeur à leurs oeuvres et à ce qu'elles apportent à la société.
    Mon frère est l'un de ces créateurs. Il est musicien. Il est saxophoniste de jazz. Il enseigne la musique pour gagner sa vie, en joue et enregistre parfois des oeuvres. J'ai beaucoup à coeur que nos artistes soient traités équitablement.
    Cependant, chaque fois que la technologie change, il faut modifier la Loi sur le droit d'auteur. Prenons l'exemple bien simple de la photocopie. Lorsqu'il devient beaucoup plus facile de copier un livre, nous devons penser à ce qu'il faut faire pour protéger les documents écrits. Lorsqu'il devient beaucoup plus facile de copier de la musique, il faut songer à la façon d'ajuster nos lois sur le droit d'auteur. Dans le passé, on a imposé une redevance sur la vente des cassettes et des CD pour indemniser les artistes pour leur travail.
    Nous sommes à une époque où la technologie a encore une fois énormément changé. Je suis certain que quand j'étais jeune, personne n'avait sur son bureau tout ce que j'ai en ce moment: un téléphone, deux ordinateurs, etc. La technologie est partout autour de nous et nous pouvons copier toutes sortes d'oeuvres numériques d'un dispositif à un autre.
    Il est très important que le projet de loi à l'étude ne vise pas de technologie en particulier. La meilleure façon de discuter de la technologie en ce qui concerne ce projet de loi, c'est de tout simplement ignorer tous les dispositifs technologiques qui se trouvent devant nous et nous imaginer toutes les copies d'oeuvres numériques dans le nuage, sur Internet. Nous n'avons même pas besoin de penser au matériel que nous avons devant nous.
    Il faut qu'il y ait des verrous numériques, parce qu'il y a beaucoup d'oeuvres protégées par un droit d'auteur, des oeuvres créées par nos artistes, nos écrivains, nos musiciens, qui sont dans le nuage, mais nous pouvons améliorer les dispositions de ce projet de loi concernant les verrous numériques.
    Les étudiants que j'ai rencontrés au tout début de ma carrière politique m'ont tout de suite fait remarquer que les verrous numériques ne devaient pas l'emporter sur les autres droits accordés aux consommateurs dans ce projet de loi. Les consommateurs devraient avoir le droit d'acheter des documents et de les copier pour leur propre usage. Les étudiants devraient pouvoir obtenir des copies de documents pour pouvoir étudier.
    J'ai un très bon exemple de cela, c'est ce que m'a raconté mon frère, le musicien, auquel je veux revenir. Je ne comprenais pas vraiment, mais quand il m'a expliqué, c'est devenu tout d'un coup très clair. Mon frère m'a expliqué que la formation, l'éducation des musiciens aujourd'hui, n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était il y a par exemple 20 ans. C'est complètement différent parce que les jeunes musiciens d'aujourd'hui peuvent écouter bien plus de musique qu'il y a 20 ans, bien plus de variétés de musique du monde entier.
(1755)
    C'est grâce à Internet, qui non seulement ouvre l'accès à toutes sortes de musiques et de créations, mais permet aux créateurs de se communiquer les uns aux autres ce qu'ils ont créé. C'est un outil pour la prochaine génération de créateurs, d'artistes et de gens qui créent.
    C'est vraiment quelque chose de spécial qui a transformé l'éducation et l'apprentissage des artistes, des musiciens et des écrivains. Ils peuvent vraiment se plonger complètement dans ce qui se passe autour d'eux et dans le passé aussi.
    Je crois qu'il est très important de prendre notre temps. J'espère que ce sera le cas au comité, si le projet de loi y est renvoyé. Il faut être plus prudent sur les définitions d'utilisation équitable et d'éducation. Je ne suis pas sûr qu'on englobe bien dans la définition de l'éducation la formation des musiciens dont me parlait mon frère, qui ne passe pas nécessairement par une école ou un cadre officiel.
    Pour ce qui est de l'utilisation équitable, il existe des définitions qu'on pourrait inclure dans le projet de loi. La Cour suprême a rendu des décisions où elle précise en quoi consiste l'utilisation équitable dans certains cas, et elle a fixé certains critères. On peut, à ce que je crois savoir, intégrer ces critères au projet de loi.
    C'est pourquoi l'amendement que mon parti a présenté récemment comporte deux dispositions. L'une d'elles vise d'abord à confirmer les droits qu'ont les consommateurs de choisir la façon dont ils souhaitent utiliser le contenu qu'ils ont acheté, puis à supprimer les dispositions beaucoup trop restrictives relatives aux verrous numériques, qui semblent retirer aux consommateurs les droits que leur accorde la mesure législative, ce qui n'a aucun sens. La deuxième disposition vise à garantir que l'on prend le temps de rédiger des critères clairs et rigoureux applicables à l'utilisation équitable aux fins d'éducation.
    Cette mesure législative suscite beaucoup de controverse. Certaines personnes l'appuient, d'autres s'y opposent et, à mon humble avis, c'est probablement parce que la mesure législative pourrait être éclaircie. Pardonnez mon exemple mais, selon mon expérience de scientifique, lorsque les gens ne s'entendent pas sur un sujet, il est souvent nécessaire de s'asseoir et de tout mettre sur la table, d'analyser les chiffres, d'écrire les équations, et d'en définir les termes plus soigneusement. Dans le domaine de la science et de la recherche, bon nombre de différends disparaissent souvent lorsque l'on précise les définitions et que les gens examinent les chiffres et les données réelles.
    Compte tenu de mon expérience, il me semble logique que, si nous prenions le temps de définir clairement les notions d'utilisation équitable et d'éducation dans les exceptions faites aux dispositions de protection des droits d'auteur stipulées dans la mesure législative, nous pourrions probablement résoudre certains des éléments controversés de cette dernière.
    La troisième disposition de l'amendement motivé concerne certaines sources de revenus qui seront touchées par la mesure législative sur le droit d'auteur. Nous devrions prendre le temps de réfléchir à la façon dont ces sources de revenus seront compromises et penser à fournir un financement transitoire aux artistes qui devront s'adapter aux changements pour les aider à faire face à la perte de certaines de leurs sources de revenus que l'adoption de ce projet de loi entraînera.
    Voilà pourquoi les dispositions de l'amendement motivé me semblent logiques. C'est la raison pour laquelle mon parti et moi l'appuyons.
(1800)
    Monsieur le Président, je trouve la proposition du député plutôt intéressante. Il parle de l'amendement comme s'il s'agissait d'une simple modification au projet de loi. On parle bien sûr ici d'un projet de loi qui a probablement fait l'objet du plus grand nombre de consultations depuis les six années que je siège au Parlement. Il a fait l'objet de milliers et de milliers de mémoires, de 39 heures de témoignages en comité, et les libéraux présentent aujourd'hui un amendement pour que la Chambre refuse de donner deuxième lecture du projet de loi.
    Il ne s'agit pas d'un amendement pour modifier le projet de loi, mais d'un amendement pour le balayer en entier sous le tapis, au lieu de poursuivre les audiences du comité et de pouvoir entendre les témoins qui n'ont pas eu la chance encore de comparaître. Les libéraux préfèrent plutôt balayer sous le tapis les 12 ans, je crois, de consultations sur le projet de loi et les quatre versions qui ont été produites jusqu'à maintenant.
    Dans un esprit de collaboration, le Parti libéral ne pourrait-il pas proposer des amendements selon la procédure habituelle, les faire examiner en comité, et mettre des idées sur la table, plutôt que de balayer le projet de loi sous le tapis?
    Monsieur le Président, je peux assurer au député que le Parti libéral proposera des amendements. Si nous voulions torpiller ce projet de loi, nous aurions proposé une motion de renvoi. L'amendement motivé nous permet de préciser les raisons pour lesquelles nous sommes contre l'étude de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, et elles sont très claires. Je les ai déjà énoncées et je ne le ferai pas à nouveau. Nous avons indiqué ce qui n'allait pas et les amendements qui devraient être apportés.
    Le député a parlé des nombreux témoignages qui ont été entendus. Pourquoi le gouvernement conservateur n'en a-t-il pas tenu compte et n'a-t-il pas apporté quelques modifications entre la version présentée lors de la dernière législature et le projet de loi C-11 qui est devant nous? Comme il n'y a eu aucune modification, je ne crois pas que le gouvernement ait vraiment écouté tous les témoignages.
    Monsieur le Président, j'ai reçu beaucoup de messages de la part d'électeurs sur le projet de loi C-11. J'ai reçu un courriel d'un électeur nommé Mark Burge, qui a tenu des propos que je trouve très judicieux. Il a affirmé: « L’une des solutions pour régler le problème fondamentalement litigieux inhérent au projet de loi C-11 et pour éviter les effets imprévisibles de la protection générale assurée par les verrous numériques consiste à modifier le projet de loi pour permettre le contournement des verrous numériques à des fins légitimes. Cette approche est conforme aux traités Internet de l’OMPI. Elle offre également une protection juridique pour les verrous numériques tout en permettant de maintenir un bien meilleur équilibre en matière de protection des droits d’auteur [...] »
    Cet électeur demande à la Chambre d’ajouter une prescription relative à l’interdiction de contournement à des fins de contrefaçon ou d’ajouter une exception à la loi pour encadrer le contournement à des fins légitimes. M. Burge croit que, en plus de lier l’interdiction de contournement à l’acte de contrefaçon, il est également de la plus haute importance que les consommateurs jouissent d’un accès commercial aux outils requis pour faciliter ces actes légitimes.
    Je me demande si mon collègue voudrait se prononcer sur ces recommandations très judicieuses, qui ont été formulées par un habitant de ma circonscription qui a clairement étudié cette question.
    Monsieur le Président, je remercie le député de ses observations, qui concordent grandement avec les propos de mes électeurs à ce sujet. En effet, un grand nombre d'entre eux comprennent la nécessité des verrous numériques, mais croient que les dispositions à cet égard sont trop rigoureuses. Elles vont au-delà de la nécessité de protéger l'usage licite de matériel. Ces recommandations sont très sensées, et j'espère que le député et son parti proposeront ces amendements au comité.

Recours au Règlement

Projet de loi C-317 -- Loi de l'impôt sur le revenu

[Recours au Règlement]

    Monsieur le Président, j'invoque le Règlement au sujet du projet de loi C-317, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (organisations ouvrières), inscrit au nom du député de Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale.
    Le projet de loi propose de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin de forcer les organisations ouvrières à divulguer — autrement dit à rendre public — une quantité incroyable de renseignements financiers concernant le travail qu'ils accomplissent au nom de leurs membres. Les organisations ouvrières respectent déjà des règles de divulgation financière, imposées surtout par les gouvernements provinciaux. Elles les respectent non seulement parce qu'elles y sont légalement tenues, mais parce qu'elles s'engagent à rendre des comptes à leurs membres.
    Le projet de loi, motivé surtout par des considérations idéologiques, vise à divulguer presque tous les données comptables des organisations ouvrières. Or, le risque, c'est que cela permet à des entreprises — avec lesquelles les membres d'une organisation ouvrière sont en négociation collective ou en conflit — d'utiliser ces renseignements à leur avantage.
    D'une part, il y a les préoccupations liées à la confidentialité que soulève la divulgation de ces renseignements financiers au public. D'autre part, il y a la direction que prend le gouvernement dans ce dossier. Nous savons comment il règle les conflits de travail. Récemment, il a fait adopter un projet de loi visant à forcer le retour au travail et a brandi d'autres menaces dans une situation analogue. Comme si cela ne suffisait pas, un ministériel dépose maintenant un projet de loi d'initiative parlementaire, alors que, en raison de la nature du projet de loi, ce dernier devrait émaner du gouvernement. Voilà pourquoi j'invoque le Règlement. Les mesures proposées dans ce projet de loi devraient faire l'objet d'un projet de loi d'initiative ministérielle.
    Les mesures proposées dans le projet de loi semblent dire que les organisations ouvrières qui ne respectent pas les exigences énoncées risquent de perdre leur statut et leurs exemptions. Il semble que les conséquences d'une telle disposition n'aient pas été évaluées. En effet, le projet de loi ne s'appliquerait pas uniquement aux organisations ouvrières nationales ou aux syndicats nationaux. Il s'appliquerait également aux conseils syndicaux locaux, aux syndicats locaux — même ceux qui ne comptent que 20 ou 30 membres — et même aux fédérations du travail. Tous y seraient assujettis. Ce qui me préoccupe, c'est que si le projet de loi était adopté, il entraînerait une augmentation des dépenses. Or, seul un projet de loi déposé par un ministre à la Chambre des communes peut contenir de telles dispositions. Un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut pas entraîner des dépenses de fonds publics. Voici ce qui est écrit à la page 1114 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition:
    Ce pouvoir de taxation appartient uniquement au gouvernement et toute mesure législative visant à accroître les taxes doit être précédée d'une motion des voies et moyens.
    À cause de cela et en raison des motifs que je vais approfondir sous peu, monsieur le Président, je vous prierais de statuer que les travaux réalisés jusqu'ici eu égard au projet de loi, à savoir sa présentation et sa première lecture, ne respectent pas les dispositions de notre Règlement et que, par conséquent, ils sont nuls et non avenus. Je vous prierais également d'annuler l'ordre portant deuxième lecture du projet de loi C-317 et d'exiger que celui-ci soit retiré du Feuilleton. Ce sont les deux ordres que je vous prierais de donner, monsieur le Président.
    Tout d'abord, j'aimerais souligner la décision prise par le Président Milliken le 28 novembre 2007, aux pages 1463 et 1464 des Débats. Dans sa décision, il fait allusion à Erskine May qui, à la page 896 de la 23e édition de son ouvrage, Parliamentary Practice, dit très clairement que:
« l'abrogation ou la réduction des allègements fiscaux existants » doit être précédée d'une motion de voies et moyens.
    Il ne s'agit pas ici d'utiliser un pouvoir discrétionnaire; la décision s'impose d'elle-même.
    Il m'apparaît clairement — et je crois que vous serez d'accord avec moi, monsieur le Président — que les exemptions fiscales qui s'appliquent aux organisations syndicales et la réduction du revenu imposable qui découlerait de la disparition des cotisations payées par leurs membres pourraient facilement être qualifiées d'allègements fiscaux. Qui plus est, les dispositions du projet de loi C-317 annuleraient ces allègements en retirant aux organisations syndicales leur statut d'exception prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu.
    En outre, à la page 900 de l'ouvrage intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, deuxième édition, on énumère quatre catégories restreintes de charges fiscales imposées aux contribuables, qui nécessiteraient une motion de voies et moyens avant leur présentation à la Chambre. Monsieur le Président, si vous appliquez ce passage à la source principale de la référence, vous trouverez ce qui semble être des lignes directrices rédigées beaucoup plus clairement. Je vous prierais d'y attacher une attention particulière parce que, semble-t-il, on peut découvrir non pas une contradiction, mais plutôt une plus grande clarté si nous remontons dans notre histoire à cet égard.
(1805)
    Voici le commentaire 980 à la page 265 de la sixième édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne:
[...] il est essentiel de procéder d'abord à une motion de voies et moyens si l'on veut [...] élargir le champ d'application d'une taxe ou d'un impôt afin d'inclure des citoyens qui n'étaient pas déjà contribuables.
    L'expression « citoyens qui n'étaient pas déjà contribuables » est une restriction beaucoup plus précise que la création d'une nouvelle catégorie de contribuables, comme le prévoit la directive énoncée à la page 900 de La procédure et les usages de la Chambre des communes, que j'ai citée tout à l'heure. C'est la différence entre un projet de loi qui crée un nouveau type de contribuables et un projet de loi qui crée des contribuables parmi les citoyens qui n'étaient pas déjà contribuables.
    Dans le cas du projet de loi C-317 présenté en cette 41e législature, il y a déjà des exemples qui illustrent comment le champ d'application de l'impôt fédéral sur les membres cotisants d'une organisation syndicale pourrait être étendu grâce aux changements proposés à la Loi de l'impôt sur le revenu afin de dégager des contribuables parmi les citoyens qui ne l'étaient pas déjà. Par conséquent, nous créons de nouveaux contribuables.
    Penchons-nous, si vous le voulez bien, monsieur le Président, sur le cas hypothétique d'un membre cotisant d'une organisation syndicale qui ne paie pas d'impôt fédéral parce que son revenu imposable est tout juste inférieur au montant visé par l'exemption personnelle d'impôt. Si l'organisation syndicale de cette personne devait perdre son statut d'exemption à la LIR, faute d'avoir respecté les conditions énoncées en vertu des dispositions du projet de loi C-317, les cotisations syndicales de la personne ne seraient plus exclues de son revenu imposable. Cette hausse du revenu imposable pourrait facilement faire passer son revenu imposable au-delà du montant exempté, créant ainsi un contribuable fédéral, qui ne l'était pas avant. Cela correspond précisément à ce que Beauchesne définit comme étant inadmissible à la Chambre sans procéder à une motion de voies et moyens, motion qui ne peut être présentée que par le gouvernement.
    Comme je prévois que le gouvernement argumentera en faveur du projet de loi d'initiative parlementaire, j'ai examiné un précédent sur la question. Je crains, en effet, que l'on soit tenté d'invoquer la décision du président Milliken du 15 mars 2010, concernant le projet de loi C-470 déposé pendant la 40e législature, comme un précédent pertinent sur la question à l'étude. C'est pourquoi je vais vous demander, monsieur le Président, d'examiner très attentivement cette décision. Bien qu'il y ait des similitudes entre les deux projets de loi, je suis d'avis que les nombreuses différences vous amèneront à rendre une décision contraire, notamment à la lumière de la restriction beaucoup plus grande de la règle en question dans le Beauchesne.
    Je ne suis pas certain que cela soit nécessaire à vos délibérations, monsieur le Président, mais j'aimerais attirer votre attention sur l'une des nombreuses différences entre les deux projets de loi — celui présenté pendant la 40e législature et celui d'aujourd'hui —, soit le contraste frappant entre les syndicats et les organisations caritatives. Les membres d'un syndicat seront notamment tenus de continuer à payer leurs cotisations, comme ils le font en vertu de la loi provinciale, même si le syndicat n'est plus exempté en vertu de la LIR, alors que les contributions des donateurs à une organisation caritative sont tout à fait discrétionnaires. Enfin, les syndicats sont choisis et soutenus par leurs cotisants — ceux qui versent les contributions financières au départ — à qui ils doivent rendre des comptes. Ce n'est pas le cas des organisations caritatives.
    En guise de conclusion, monsieur le Président, je vous demande de statuer que les procédures entamées à ce jour concernant le projet de loi C-317, Loi modifiant la loi de l'impôt sur le revenu (organisations ouvrières), parrainé par le député de Surrey-Sud—White Rock—Cloverdale, soit sa présentation et la première lecture, ne respectent pas les dispositions de notre Règlement et sont nulles et sans effet, et d'ordonner que l'ordre portant deuxième lecture du projet de loi C-317 soit révoqué et que le projet de loi soit retiré du Feuilleton.
(1810)
    Il est assez évident que le projet de loi doit être présenté, s'il y a lieu, par le gouvernement, qui proposerait pour ce faire une motion de voies et moyens, et le projet de loi suivrait. Le fait de tenter de faire cela en douce au moyen d'un projet de loi d'initiative parlementaire est en fait une infraction grave au Règlement de la Chambre.
    Je remercie le député pour son intervention.
    Le député de Kitchener—Conestoga a la parole.
    Monsieur le Président, j'aimerais donner suite à quelques éléments qu'a soulevés mon collègue d'en face à propos du projet de loi.
    Premièrement, en soutenant que ce projet de loi devrait être une initiative du gouvernement, il prive les députés de leur liberté de proposer des mesures législatives. Je crois qu'il a sauté trop vite aux conclusions.
    Deuxièmement, le député sait qu'il existe déjà un processus d'examen pour ces projets de loi. Il revient au sous-comité de la procédure et des affaires de la Chambre de décider si les projets de loi peuvent faire l'objet d'un vote. En fait, on présentera demain un rapport concernant ce projet de loi en particulier.
    Troisièmement, le parrain du projet de loi est manifestement absent, et je crois qu'il devrait au moins avoir l'occasion de répondre à mon collègue.
    Par conséquent, monsieur le Président, je demande que soit reportée toute mesure à cet égard jusqu'à ce que le député puisse faire valoir ses arguments.
(1815)
    Monsieur le Président, en ce qui concerne le dernier argument du député, je n'ai aucune objection à ce que le parrain de ce projet de loi puisse faire valoir son point de vue ainsi que tout argument qui pourrait être contraire à la motion que j'ai présentée.
    Cependant, comme les députés le savent déjà, les projets de loi d'initiative parlementaire seront présentés dès jeudi soir; et celui-ci figure au tout début de la liste. Le député responsable devrait donc faire valoir ses arguments aussitôt qu'il le peut.
    Je vous demanderais ensuite, monsieur le Président, de rendre votre décision le plus rapidement possible.
    Je remercie les deux députés de leur intervention. Je prends la chose en délibéré, mais comme on l’a dit, je souhaiterai certainement entendre le député qui a proposé le projet de loi d’initiative parlementaire ainsi que tous ceux qui voudront s’exprimer ou faire part de leur avis à ce sujet.

[Français]

Loi sur la modernisation du droit d'auteur

[Initiatives ministérielles]

    La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité, ainsi que de l'amendement.
    Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de plaisir que je me lève pour parler de ce projet de loi extrêmement important sur le droit d'auteur. J'ai eu le plaisir, quand j'étais porte-parole en matière de sciences et de technologie avant les dernières élections, de siéger au comité législatif qui s'est penché sur ce dossier extrêmement important qui, comme on le sait, remonte à très loin.

[Traduction]

     Le Canada a évidemment signé le traité de l’OMPI dans les années 1990. Nous savons tous que la modernisation de notre loi sur le droit d’auteur a été un processus long et pénible. Le Parti libéral a tenté de le faire, mais malheureusement, entre autres en raison du changement de gouvernement, nous n’avons pas pu mener ce projet à bien. C’est ainsi qu’aujourd’hui nous voilà saisis du projet de loi C-11.
     J’ai fait partie d’un comité législatif avant les élections. Le document à l'étude s’appelait alors le projet de loi C-32. Comme il a été dit à maintes reprises aujourd’hui, le libellé du projet de loi C-11 reprend intégralement celui du projet de loi C-32.
     Cela m’étonne. En effet, nous avons entendu de très nombreux témoins qui provenaient d’horizons très divers. Ils représentaient ce que j’appellerais les trois principaux groupes d’intervenants: l’industrie, soit les producteurs de jeux vidéo, de films, de musique, de livres électroniques et de ce genre de choses; les consommateurs, c’est-à-dire nous tous, qui achetons des œuvres protégées par le droit d’auteur; et enfin, le troisième groupe, celui des artistes. Un grand nombre d’artistes sont également les producteurs des œuvres que nous achetons.
     Nous avons entendu un grand nombre de ces personnes ainsi que les représentants d’autres groupes du monde de l’éducation, des bibliothécaires, des photographes et de nombreuses personnes qui s’intéressent à la modernisation de la loi sur le droit d’auteur.
     Lorsque nous avons enfin pris connaissance du projet de loi C-11, qui a été présenté tout récemment, nous avons constaté, comme je l’ai dit, qu’aucun changement n’y avait été apporté. Pourtant, certains des témoignages que nous avons entendus cette année étaient très convaincants. Personnellement, je pensais -- et j’espérais -- que la version que nous étudions aujourd’hui contiendrait certains changements.
     Relativement à de nombreux aspects de la loi sur le droit d’auteur qu’il fallait moderniser, je crois qu’il s’agit d’un bon projet de loi, et le Parti libéral est disposé à appuyer ces éléments. Dans un certain nombre de secteurs, toutefois, nous sommes d’avis que les arguments exposés par les témoins sont valables. Nous croyons qu’il aurait fallu envisager des modifications pour mieux équilibrer le projet de loi. Malheureusement, cela n’a pas été fait.
     Je dois avouer que je me suis interrogé sur la volonté réelle d'écouter les témoins qui se sont présentés. Selon toute apparence, je pense que cette volonté n'existait pas, parce qu’il n’y a aucune différence entre le projet de loi C-32 et le projet de loi C-11.
     Le projet de loi C-11 passera à l’étape de l’étude en comité, mais je me demande si à la fin du processus nous n’aurons pas encore exactement le même projet de loi ou si le gouvernement est vraiment disposé à écouter certains des arguments. C’est cela qui m’inquiète.
     Ce matin, le ministre du Patrimoine a dit que le gouvernement n’avait rien changé au projet de loi C-32, lorsqu’il en a fait le projet de loi C-11, par respect pour tous ces témoins.
     Cela peut s’interpréter de deux façons et je ne sais pas exactement ce qu’il a voulu dire. C’est peut-être que les conservateurs ont bien enregistré les opinions des témoins et qu’ils finiront par apporter des changements. Cela peut aussi vouloir dire que nous allons continuer cette mascarade pendant toute la période où le projet de loi C-11 sera débattu en comité et ailleurs, mais que nous nous retrouverons avec exactement le même projet de loi que le précédent. Nous avons donc présenté un amendement ce matin.
     Comme je l’ai dit, il y a, dans le projet de loi C-11, beaucoup de bonnes dispositions que nous appuyons entièrement. Par exemple, je viens d’une circonscription où les jeux vidéo sont très présents. C’est un important secteur. Le Canada est un chef de file dans ce domaine, et j’appuie ceux qui veulent prévoir une protection contre le piratage et estiment nécessaire de le faire. C’est très important pour le Canada. C’est un exemple des dispositions que nous appuyons entièrement.
     Nous ne voyons pas non plus d’objection à certaines autres choses telles que les dispositions sur l’utilisation équitable portant sur la parodie et la satire.
     Néanmoins, il y a d’autres sujets à propos desquels des arguments légitimes ont été soulevés. Le premier est, bien sûr, celui des verrous numériques.
(1820)
     Au Parti libéral, nous estimons que si une personne achète un produit protégé par le droit d’auteur tel qu’un morceau de musique, un vidéo ou un livre électronique, le télécharge et le paie, elle achète le droit d’utiliser ce produit. Si elle décide de le transférer sur un autre appareil, encore une fois pour son utilisation personnelle, à des fins qui ne portent pas atteinte au droit d’auteur, nous ne croyons pas que cela devrait lui être interdit, même si le produit comporte un verrou numérique. C’est un principe fondamental pour nous. En effet, l’intéressé a payé pour le produit et cela reste un produit qu’il désire utiliser à des fins personnelles.
     Selon l’argument présenté par le ministre du Patrimoine, si le produit comporte un verrou et si l’acheteur a l’intention de le transférer, il peut choisir soit d’enfreindre la loi, soit de ne pas acheter le produit. Nous ne pensons pas que ce soit la bonne façon d’aborder le problème des verrous numériques, et la majorité des Canadiens non plus.
    La deuxième chose concerne l'utilisation équitable et sa définition. Comme les députés le savent, « l'utilisation équitable » est définie selon un certain nombre de critères dans la Convention de Berne. L'élément le plus controversé a sans doute été l'assujettissement de l'éducation à l'utilisation équitable. Lorsque cela s'est produit, nous, les libéraux, ainsi que de nombreux témoins, avons réclamé une définition de « l'éducation » dans le contexte de « l'utilisation équitable ». En fait, nous avons proposé, de façon constructive, de codifier un certain nombre de critères établis par la Cour suprême pour préciser les cas d'atteinte à l'utilisation équitable. En effet, comme les députés le savent, il incombe à la personne qui estime que le principe de l'utilisation équitable n'a pas été respecté, d'embaucher un avocat pour faire valoir que l'utilisation qui a été faite de son matériel protégé par le droit d'auteur contrevient à ce principe.
    Un certain nombre de critères ont été proposés par la Cour suprême. Nous estimons que ce sont des critères valables et qu'il convient de les codifier. Nous en avons fait la suggestion lors des audiences sur le projet de loi C-32; une foule de suggestions ont été exprimées et bien des gens ont mentionné cette idée. Pourtant, elle ne figure pas dans le projet de loi C-11, et c'est une autre chose que nous jugeons très préoccupante.
    Enfin, il y a la question du financement transitoire pour aider les artistes, particulièrement si l'on prend l'exemple de l'industrie de la musique. À cet égard, il est acquis depuis un certain nombre d'années que les artistes doivent être indemnisés lorsque leur musique est copiée. Comme les députés le savent, nous avons appliqué une redevance sur les CD et les cassettes, et, pendant un certain temps, ce régime a donné lieu à des indemnités très intéressantes, à hauteur d'environ 28 millions de dollars par année. Une organisation avait été chargée de répartir cet argent entre les artistes, qui avaient accepté ce système.
    Évidemment, les CD et les cassettes ne sont plus guère utilisés aujourd'hui pour enregistrer des oeuvres musicales, de sorte que nous avons proposé d'adopter une solution de rechange. En effet, nous continuons de croire qu'il faut honorer l'obligation d'indemniser équitablement les artistes qui produisent des oeuvres qui sont ensuite copiées et transférées à d'autres médias.
    Voilà pourquoi nous proposons cet amendement motivé aujourd'hui. Nous espérons que le gouvernement conservateur sera à l'écoute du débat qui a lieu ici, et qu'à l'étape de l'étude au comité, il prêtera une attention sincère aux propos des témoins et à tous les mémoires présentés.
(1825)

[Français]

    Madame la Présidente, ma question s'adresse au distingué député de Westmount—Ville-Marie qui semble trouver certains éléments positifs dans cette loi. Cependant, s'il les trouve si positifs, comment peut-il expliquer qu'une loi portant sur le droit d'auteur soit si unanimement rejetée par les créateurs et qu'elle n'ait aucun soutien chez les groupes et organisations représentant le milieu artistique? Comment peut-on interpréter le geste du gouvernement qui se prétend un défenseur crédible de la culture? Comment pouvez-vous prétendre défendre la culture quand tous les créateurs rejettent cette loi?
    Madame la Présidente, je remercie de sa question mon collègue.
     Bien sûr, parmi les principaux interpellés dans ce dossier, c'est vrai que les créateurs sont les plus maltraités. J'en conviens. Et nous avons fait un effort à cet égard, au Parti libéral. Nous avons même proposé la création d'un fonds pour que nos artistes musiciens soient dédommagés adéquatement pour les oeuvres copiées. Nous avons démontré par cet exemple que nous étions prêts à faire des efforts spéciaux, soit la création d'un fonds spécial, pour dédommager nos artistes. Nous les avons rencontrés. Nous avons proposé des changements. Je pense que l'approche que nous avons prise en ce qui concerne les artistes était constructive et visait à reconnaître qu'ils sont les moins bien traités dans ce projet de loi, tel qu'il existe en ce moment.

[Traduction]

    Madame la Présidente, j’ai écouté avec intérêt le député parler des amendements à ce projet de loi proposés par les libéraux. Les libéraux n’ont pas présenté plusieurs amendements à proprement parler. Ils en ont proposé un seul et cet amendement aurait pour effet d’annihiler le projet de loi. Il vise à annihiler le projet de loi.
    Bien entendu, nous travaillons depuis 12 ans à ce projet de loi, comme je l’ai mentionné plus tôt à son collègue qui me posait une question. Nous en avons vu quatre versions. Comme on l'a expliqué plus tôt aujourd’hui, nous avons présenté la version à laquelle nous avons consacré beaucoup de temps ensemble. Nous en avons discuté la dernière fois au sein du même comité. Nous avons entendu les mêmes témoignages de dizaines et de dizaines de témoins au cours de plus de 39 heures d’audience.
    Je n’ai pas vraiment de question. C’est davantage un commentaire. Si nous voulons avancer, si nous voulons respecter le processus et les dizaines de témoins qui se sont présentés pour dire à quel point il était important que nous adoptions cette mesure législative, peut-être que nous pourrions collaborer davantage plutôt que de nous contenter de présenter un amendement pour annihiler tout le travail…
    Je dois interrompre le député, car nous devrons arrêter le débat à 18 h 30. Nous allons donner au député la possibilité de répondre.
    Le député de Westmount—Ville-Marie a la parole pendant une minute.
    Madame la Présidente, tout d’abord, j’espère que mon collègue va comprendre vite. Ce que nous essayons de faire comprendre, c’est que des modifications sont nécessaires.
    Il y a une minute et plus tôt aujourd’hui, je l’écoutais parler de toutes les personnes écoutées, de tous les témoignages entendus et de tous les mémoires reçus, mais que voyons-nous dans le projet de loi C-11? Peut-il me dire que toutes les suggestions faites au comité législatif pour le projet de loi C-32 ont vraiment été prises en considération pour la version finale ou avons-nous tout repris de zéro? Allons-nous nous livrer à une comédie qui ne changera rien à rien?
    Pour ce qui est d’écouter les Canadiens, il ne l’a pas encore fait.
(1830)
    Conformément à l'ordre adopté le lundi 17 octobre 2011, la Chambre se forme maintenant en comité plénier pour étudier l'affaire du gouvernement no 6.

[Français]

    Je quitte maintenant le fauteuil pour que la Chambre se forme en comité plénier.

La démocratie en Ukraine

    (La Chambre se forme en comité plénier sous la présidence de Mme Denise Savoie, pour étudier l'initiative ministérielle no 6.)

    Je voudrais entamer le débat de ce soir en faisant une courte déclaration sur la manière dont la procédure se déroulera.

[Traduction]

     Le débat de ce soir se déroulera en vertu de l'article 53.1 du Règlement, qui prévoit la tenue de débats exploratoires à la suite d'une motion présentée par un ministre après consultation des leaders des autres partis.
     La motion prévoyant le débat de ce soir a été adoptée par la Chambre le lundi 17 octobre 2011.

[Français]

    Chaque député qui prendra la parole se verra accorder 10 minutes pour le débat, suivies de 10 minutes pour les questions et observations. Le débat prendra fin après quatre heures ou lorsque plus aucun député ne demandera la parole.
    Conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la présidence ne recevra aucun appel au quorum, aucune motion dilatoire ni aucune demande de consentement unanime.

[Traduction]

    Conformément aux règles suivies en comité plénier, les députés peuvent prendre la parole plus d'une fois, à condition qu'il y ait assez de temps.
    À la fin du débat de ce soir, le comité lèvera la séance et la Chambre s'ajournera immédiatement à demain.
     Nous allons commencer le débat exploratoire de ce soir.

[Français]

    Que le Comité prenne note de l’érosion de la démocratie en Ukraine et sur la poursuite et la condamnation arbitraires et politiquement motivées de l’ancienne première ministre Yulia Tymoshenko par les autorités ukrainiennes.

[Traduction]

    Madame la présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de Dauphin—Swan River—Marquette.
    Il est inquiétant de voir les récents événements en Ukraine et les mauvais signes qui laissent présager que le développement démocratique régresse et est ébranlé par l'utilisation du système judiciaire pour des considérations qui semblent être de nature politique.
    De nombreux parlementaires canadiens, dont six députés d'origine ukrainienne de ce côté-ci de la Chambre, ainsi que des dirigeants politiques de grandes démocraties dans le monde, ont remis en cause la conduite du procès de Mme Timochenko et, par la suite, la santé de la démocratie, la transparence, la primauté du droit et certainement la justice en Ukraine.
    On accuse Mme Timochenko d'avoir abusé de son pouvoir à titre de première ministre dans le cadre de la signature d'accords sur le gaz avec la Russie en janvier 2009. La partie poursuivante soutient que cet abus de pouvoir a causé beaucoup de torts à l'Ukraine en lui faisant perdre des millions de dollars. Mme Timochenko a été condamnée à purger une peine d'emprisonnement de sept ans et à payer une amende d'environ 200 millions de dollars. C'est de toute évidence un simulacre de justice pour l'empêcher de briguer les suffrages dans trois ans.
    La partie poursuivante avance qu'elle a réussi à négocier des prix plus bas avec la société gazière d'État de la Russie parce que des intérêts privés étaient en jeu. Il convient de noter que les négociations se sont déroulées pendant un différend sur le gaz entre l'Ukraine et la Russie au cours duquel la livraison de gaz a été interrompue vers l'Ukraine et l'Europe de l'Ouest.
    Les normes d'application régulière de la loi et d'équité reconnues à l'échelle internationale n'ont pas été respectées dans le cadre du procès de Mme Timochenko. Même si les audiences étaient à l'origine transparentes et ouvertes au public, elles se sont plus tard déroulées à huis clos.
    De plus, le tribunal a traité les avocats qui assuraient la défense de Mme Timochenko de façon fort suspecte. Malgré de nombreuses requêtes pour que la cour respecte le code de procédures criminelles de l'Ukraine et laisse amplement de temps à ses avocats pour passer en revue les dossiers, le juge a statué que trois jours suffisaient pour lire et analyser 5 000 pages de preuves. On parle ici d'une pile de documents de 20 pouces d'épaisseur. Bien évidemment, aucune équipe d'avocats ne peut préparer une défense satisfaisante en aussi peu de temps.
    Vient s'ajouter à mon scepticisme à l'égard de la conduite du procès le fait que Ioulia Timochenko a été accusée par le service de sécurité de l'Ukraine d'une autre infraction un jour après le prononcé de sa sentence, le 11 octobre dernier. On prétend qu'elle aurait détourné 405 millions de dollars pendant qu'elle était présidente d'United Energy Systems of Ukraine dans les années 1990. Cela me porte à croire que le système judiciaire ukrainien applique une justice sélective et laisse, selon toute apparence, des intérêts politiques interférer avec l'impartialité de la magistrature et l'application régulière de la loi.
    Je suis convaincu que la condamnation de Mme Timochenko et les autres accusations qui pèsent sur elle ont pour but de réduire au silence une chef de l'opposition efficace, dont le rôle est essentiel dans une saine démocratie. Voilà pourquoi je prends la parole aujourd'hui. Cette affaire revêt une importance qui va bien au-delà du sort réservé à une dirigeante de l'Ukraine, car elle aborde directement le respect des droits fondamentaux de la personne par le gouvernement ukrainien et la responsabilité qu'a ce dernier de s'assurer de l'application régulière et équitable de ses lois.
    Viktor Ianoukovitch a clairement signifié que les protestations des pays démocratiques en faveur de Ioulia Timochenko ne mèneront pas à sa libération. Il signale que la primauté du droit est suprême et que le pouvoir judiciaire est indépendant. Les autorités ukrainiennes doivent se rendre compte que leurs gestes auront des conséquences sur la réputation internationale de leur pays et sur ses relations avec le Canada.
    Le recul de la démocratie inquiète beaucoup le Canada, et plus particulièrement la communauté ukrainienne du Canada. Celle d'Etobicoke-Centre m'a fait part de son indignation. Je me suis joint aux membres de cette communauté pour manifester devant le consulat ukrainien à Etobicoke; j'ai parlé de l'aspect vindicatif de cette application de la justice. Le premier ministre du Canada partage ces préoccupations. Dans une lettre, il a prévenu le président de l'Ukraine que les récents événements risquaient de nuire aux relations bilatérales, où dominent, à l'heure actuelle, les pourparlers sur le libre-échange.
    Dans son discours aux membres du Congrès des Ukrainiens Canadiens la semaine dernière, le premier ministre a indiqué fort clairement la position du Canada à l'égard de l'Ukraine, position que j'appuie sans réserve. Il a dit:
    Le Canada appuiera l'Ukraine chaque fois que ce pays fera un pas vers la liberté, la démocratie et la justice.
    À l'instar de tous mes électeurs, j'espère sincèrement que l'Ukraine agira honorablement et défendra la liberté démocratique et la primauté du droit, afin d'établir une relation fructueuse et durable avec le Canada et tous les pays démocratiques qui dénoncent cette situation.
    Je me joins non seulement à tous mes électeurs d'origine ukrainienne, mais aussi à tous les Canadiens d'origine ukrainienne pour dénoncer la ligne de conduite honteuse que semble avoir adoptée le président Ianoukovitch.
    [Le député s'exprime en ukrainien.]
(1835)

[Français]

    Madame la présidente, j'aimerais remercier mon collègue de son éloquente présentation. Maintenant, pourrait-il parler un peu plus des actions que le Canada pourrait prendre diplomatiquement pour tenter de résoudre la situation et faire pression sur l'Ukraine?

[Traduction]

    Madame la présidente, le Canada fait actuellement tout ce qui est en son pouvoir.
    Le ministre des Affaires étrangères a tenu des propos très fermes dans les communiqués qu'il a adressés au président de l'Ukraine, tout comme l'a fait le premier ministre, notamment lorsqu'il a reçu, vendredi dernier, la médaille Chevtchenko devant le Congrès des Ukrainiens Canadiens.
    Le premier ministre a envoyé au président Ianoukovitch une lettre indiquant qu'il mettait en péril les relations entre l'Ukraine et le Canada.
    Les négociations sur l'accord de libre-échange sont en cours. Nos relations avec l'Ukraine seront compromises si d'autres mesures sont prises et si le recul démocratique se poursuit.
    Madame la présidente, le Canada entretient depuis longtemps de bons rapports avec l'Ukraine. Nous avons célébré cette année le 120e anniversaire du premier établissement ukrainien au Canada. Actuellement, on compte environ 1,3 million de Canadiens d'origine ukrainienne.
    Le Canada a été le premier pays à reconnaître, en 1991, l'indépendance de l'Ukraine. Le gouvernement entretient de si bons rapports avec la communauté ukrainienne que le premier ministre a reçu, le 14 octobre, la médaille Chevtchenko du Congrès des Ukrainiens Canadiens.
    L'une des mesures du gouvernement qui expliquent qu'on lui a remis cette grande distinction, c'est l'adoption, en 2008, de la Loi sur le Jour commémoratif de la famine et du génocide ukrainiens. Je remercie d'ailleurs mon collègue de Selkirk—Interlake de son excellent travail à cet égard. En outre, le gouvernement soutient les réformes démocratiques en Ukraine. Nous y avons envoyé 200 observateurs lors des élections présidentielles de 2010. Nous sommes également sur le point de conclure un accord de libre-échange historique avec ce pays.
    C'est à cause de cette relation que le cas de Ioulia Timochenko est si inquiétant pour tous les députés à la Chambre. C'est une personne extraordinaire. Avant de devenir la première femme première ministre de l'Ukraine, elle a été l'une des deux figures de proue de la révolution orange. C'était une époque d'espoir et de progrès sans précédent dans l'histoire de l'Ukraine. Le monde pensait alors que la liberté, la démocratie et la primauté du droit allaient triompher. C'est un pays aux possibilités immenses. Il dispose d'une main-d'oeuvre très bien éduquée, de ressources agricoles remarquables et d'abondantes ressources naturelles. L'Ukraine semblait en voie de devenir un grand pays.
    Cependant, en mai de cette année, Ioulia Timochenko a été traduite devant les tribunaux sous une fausse accusation et a été condamnée à sept ans d'emprisonnement. Les représentants des États-Unis et de l'Union européenne ont dit qu'il s'agissait d'une poursuite sélective d'opposants politiques.
    En mai dernier, notre propre ministre des Affaires étrangères a déclaré ce qui suit:
    Le Canada est préoccupé par la façon dont les autorités ukrainiennes ont procédé pour ce qui est de l'arrestation, du procès et de la condamnation de Mme Ioulia Timoshenko.
    Chose intéressante, à cause de la peine de sept ans à laquelle elle a été condamnée, elle ne peut manifestement être candidate aux élections de 2012 et de 2015. Ioulia Timochenko est très populaire en Ukraine, mais sa popularité semble lui nuire face au système judiciaire ukrainien.
    Les protestations viennent de partout, et ce qui se produit aujourd'hui à la Chambre des communes montre bien les préoccupations de la communauté internationale. J'ai appris qu'il y a un certain nombre de manifestations en Ukraine, où les citoyens protestent contre ce simulacre de justice.
    Dans un discours prononcé le 14 octobre à la cérémonie de récompenses organisée par le Congrès des Ukrainiens canadiens, le premier ministre a dit ceci au sujet de sa lettre au président Ianoukovitch:
    Je lui ai laissé savoir que j'étais vivement préoccupé [...]
[...] que le déroulement du procès Timochenko n'était pas conforme aux normes acceptées d'équité ou de primauté du droit.
[...]
    Le Canada appuiera l'Ukraine lorsque ce pays progressera vers [...] la démocratie et la justice.
    Cependant, notre politique étrangère est fondée sur des principes et sur la défense de la liberté.
    Je suis fier de faire partie d'un gouvernement qui est l'exemple même d'une politique étrangère fondée sur des principes au Canada et à l'étranger. Nous défendrons toujours nos principes. Nous allons toujours respecter la primauté du droit. Nous allons toujours défendre les valeurs canadiennes ici et dans le monde entier. Nous sommes un ami estimé et fiable de l'Ukraine et de bon nombre de nos autres alliés. Nous allons toujours défendre la liberté et la démocratie.
    Le premier ministre a également déclaré dans son discours devant le Congrès des Canadiens Ukrainiens le 14 octobre:
    Le peuple ukrainien peut compter sur le Canada pour défendre sa liberté.
    Il est temps que le système de justice de l'Ukraine soit équitable envers Ioulia Timochenko.
(1840)
    Madame la présidente, beaucoup de Canadiens d'origine ukrainienne se demandent ce qu'ils peuvent faire à propos de la situation en Ukraine à partir du Canada. J'ai eu le privilège de me joindre à la communauté ukrainienne à quelques reprises pour participer à des manifestations publiques contre la situation grave qui sévit là-bas.
    Ma question porte sur les liens commerciaux entre le Canada et l'Ukraine. Il serait peu judicieux d'isoler l'Ukraine. Mon collègue pense-t-il que nous devrions l'encourager à respecter sa propre magistrature et le processus démocratique en lui rappelant que si elle souhaite conclure un accord de libre-échange avec le Canada, il est extrêmement important qu'elle respecte les droits de la personne?
(1845)
    Madame la présidente, ma collègue pose une excellente question. Il est probable que la meilleure façon de promouvoir la démocratie et les droits de la personne est de cultiver une étroite relation commerciale avec l'Ukraine. Le Canada devrait, comme il se doit, exprimer son indignation à l'égard de la situation en Ukraine, mais en même temps, il devrait aider celle-ci à renforcer et à améliorer ses liens avec le monde occidental. Il faut privilégier une approche à deux volets consistant, d'une part, à exprimer notre préoccupation à propos du traitement de Ioulia Timochenko et, de l'autre, à renforcer les liens commerciaux avec l'Ukraine.
    Madame la présidente, j'apprécie les remarques du député. Le débat que nous avons ce soir est très important. Je veux proposer une idée, et je me demande comment le député y réagira.
    Étant donné la tendance du Canada à vouloir aider à régler les problèmes en Ukraine, le député serait-il en faveur de désigner des représentants de tous les partis de la Chambre qui feraient des interventions dans un dossier comme celui-ci? Nous nommerions un ou deux députés de chaque parti politique à la Chambre pour montrer à quel point nous prenons cette question au sérieux. Est-ce une chose que, selon lui, le gouvernement serait disposé à faire?
    Madame la présidente, il y a quelques mois, j'ai eu l'honneur d'être nommé président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, un groupe formé de représentants de tous les partis qui tente d'améliorer les relations avec l'Ukraine. La suggestion du député ne me pose aucun problème.
    C'est une question qui va au-delà de la partisanerie. Je sais que tous les partis et les députés tentent de se faire une place au soleil, mais il y a des questions qui, à mon avis, vont au-delà de la partisanerie. C'est peut-être le cas ici. Je crois que c'est une mesure que nous pourrions envisager par l'intermédiaire du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine.
    Madame la présidente, j'aimerais féliciter mon collègue, qui a été élu président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine. Il fait un excellent travail dans ce domaine.
    Vendredi soir dernier, il était présent quand le premier ministre a reçu, à Toronto, la médaille Chevtchenko décernée par le Congrès des Ukrainiens canadiens. C'est seulement la deuxième fois qu'un premier ministre canadien reçoit cette récompense. Le premier récipiendaire était le premier ministre John Diefenbaker. Le député pourrait-il nous résumer certains des commentaires qu'a faits le premier ministre vendredi soir à propos des questions dont nous parlons ce soir?
    Madame la présidente, le premier ministre s'est montré très droit et très direct dans ses propos. Il a parlé sans détour et sans hésitation. Le Canada prend clairement le parti du peuple ukrainien.
    J'aimerais faire un commentaire à propos de la médaille Taras Chevtchenko. Taras Chevtchenko représente le coeur et l'âme de la culture ukrainienne. À Sandy Lake, la petite localité où j'habite, nous avons un musée ukrainien où on trouve ses poèmes. La liberté, la démocratie et la primauté du droit sont de grands thèmes omniprésents dans la culture ukrainienne, tant dans les petites communautés que dans les grandes villes, et le premier ministre l'a souligné dans ses commentaires.
    Madame la présidente, le NPD appuie sans réserve la motion. Le NPD est grandement préoccupé par la persécution pour des motifs politiques dont sont victimes des députés de l'opposition ukrainienne, en particulier l'ancienne première ministre, Mme Timochenko.
    Nous qui sommes réunis dans cette enceinte ne sommes pas les seuls à nous inquiéter de la situation qui sévit actuellement en Ukraine ni à dire que le procès contre l'ancienne première ministre est motivé par des considérations politiques. Voici ce qu'à déclaré Amnistie Internationale, une organisation digne de confiance:
     Le procès contre Ioulia Timochenko est motivé par des considérations politiques. Les accusations portées contre elle ne constituent pas des infractions reconnues sur la scène internationale. On cherche à l'incriminer pour des décisions qu'elle a prises durant son mandat [...] Or, les mauvaises décisions politiques qu'elle a prises — si mauvaises elles ont été — devraient être punies par les électeurs, et non par l'entremise des tribunaux.
    Nous endossons entièrement la position d'Amnistie Internationale. En fait, nous nous inquiétons depuis un certain temps de la situation dans ce pays. En septembre, les porte-parole du NPD en matière de finances et d'affaires étrangères ont envoyé une lettre au ministre des Affaires étrangères afin de lui faire part de nos préoccupations dans ce dossier. Nous sommes donc ravis d'avoir l'occasion de discuter aujourd'hui de cette grave question.
    Comme nous le savons tous, la démocratie, c'est bien plus que voter une fois tous les quatre, cinq, voire sept ans, selon le régime en place. La démocratie repose sur un élément fondamental, à savoir le respect pour les institutions. Ce qui se passe en Ukraine dénote un manque de respect flagrant à l'égard des institutions habituelles et une division du pouvoir. Le procès non pas seulement de Mme Timochenko, mais d'autres chefs de l'opposition, témoigne de la politisation de l'appareil judiciaire. Il devrait nous donner à tous le signal d'alarme que nos institutions sont très fragiles et qu'il faut les protéger sérieusement.
    La démocratie comprend également le respect des droits politiques. Là encore, nous observons une violation évidente de ces droits. De plus, la démocratie consiste à respecter des opinions divergentes, comme celles présentées dans les médias. De plus en plus, en Ukraine, les médias, qui montrent différentes versions des faits, sont muselés, de même que, bien entendu, les partis de l'opposition. C'est ça, la démocratie, et bien plus encore.
    J'ai commencé par dire que la démocratie ne consiste pas seulement à voter, mais aussi à avoir le droit de vote. Les élections prévues en octobre 2012 en Ukraine suscitent de graves inquiétudes. Comment ces élections se dérouleront-elles si les principaux chefs de l'opposition ne peuvent pas y participer? En quoi ces élections pourront-elles être considérées démocratiques?
    Nous sommes tous ici parce que nous déplorons cette situation, mais nous ne sommes pas les seuls. L'Union européenne a condamné la situation, tout comme les Américains. Toutefois, il ne suffit pas de se plaindre et de s'indigner.
(1850)
    Des liens très solides unissent les Canadiens au peuple ukrainien. Les Ukrainiens du Canada nous ont aidés à bâtir notre pays. C'est parce que nous entretenons ces liens solides depuis plus de 120 ans que nous nous préoccupons de la situation en Ukraine. Nous ne voulons pas que les Ukrainiens perdent tous les avantages qu'ils ont gagnés grâce à la révolution orange. Nous ne voulons pas que la violence éclate en Ukraine. C'est un scénario possible, car la répression peut progresser très rapidement. Nous souhaitons que l'Ukraine soit démocratique et prospère.
    Nous ne pouvons pas nous contenter d'exprimer nos inquiétudes et dire que la situation est déplorable. Nous devrions faire plus. Nous devrions transmettre nos inquiétudes aux représentants de l'Ukraine. Nous devrions discuter avec nos partenaires européens et nos voisins du Sud et déterminer comment procéder pour convaincre les dirigeants ukrainiens actuels qu'ils s'engagent sur la mauvaise voie. Nous devrions aussi apporter de l'aide en Ukraine même, par exemple en appuyant les groupes qui protègent les droits de la personne. Nous devrions encourager une stratégie de formation. Nous devrions soutenir les organismes prodémocratie.
    Nous donnons déjà 22 millions de dollars par année à l'Ukraine. Je ne dis pas qu'il faudrait cesser de verser ces fonds, loin de là, mais nous les affectons principalement aux secteurs des affaires et de l'agriculture, des secteurs très importants. Si la situation se détériore, ces secteurs en souffriront. Peut-être devrions-nous penser davantage à la prévention. Peut-être devrions-nous travailler surtout en aval et concentrer notre aide financière et nos efforts pour faire de l'Ukraine une démocratie solide où les droits de la personne sont respectés, où le partage des compétences est clair et où le premier ministre ne détient pas tous les pouvoirs sur le Parlement, le gouvernement et tout le reste.
    C'est une stratégie à laquelle nous devrions penser. Nous devrions envisager de réorienter notre aide financière afin qu'elle soutienne les organismes qui travaillent sur le terrain à promouvoir les droits de la personne et la démocratie. Nous devrions étudier attentivement l'entente de libre-échange Canada-Ukraine qui a été proposée et déterminer si nous pouvons y donner suite dans le contexte actuel et, si oui, comment inclure dans cette entente des mesures de protection et des garanties au sujet des droits de la personne et de la primauté du droit.
(1855)
    Madame la présidente, je félicite ma collègue de son discours et de sa nomination au poste de porte-parole du NPD en matière d'affaires étrangères.
    La députée sait sans doute que le premier ministre a fait une déclaration à propos de l'affaire Timochenko pas plus tard que vendredi dernier, à l'occasion de la cérémonie durant laquelle le Congrès des Ukrainiens canadiens lui a décerné la médaille Taras Chevtchenko, le plus grand honneur accordé par l'organisation. Comme on l'a fait remarquer plus tôt, il est seulement le deuxième premier ministre dans l'histoire du Canada à recevoir cette médaille. Il a dit:
    J'ai écrit directement au président Ianoukovitch. Je lui ai mentionné que j'étais très préoccupé [...] que la façon dont le procès de Mme Timochenko se déroulait ne correspondait pas aux normes reconnues d'équité ou d'application régulière de la loi. Mes amis, nous savons tous qu'une opposition politique vigoureuse et l' indépendance judiciaire sont essentielles pour bâtir une Ukraine démocratique et prospère. Le Canada appuiera l'Ukraine chaque fois que ce pays fera un pas vers la liberté, la démocratie et la justice. Toutefois, notre politique étrangère se fonde sur des principes et sur la défense de la liberté.
    La députée pourrait-elle nous dire ce qu'elle pense des propos du premier ministre?
(1900)

[Français]

    Madame la présidente, je crois que ses commentaires étaient tout à fait pertinents. Nous les recevons avec gratitude. Ses commentaires révèlent beaucoup ce qu'est la grande histoire de la diplomatie canadienne, c'est-à-dire la défense de la démocratie et des droits de la personne, un héritage, une tradition exceptionnelle à travers le monde dont nous sommes tous fiers.
    Comme complément de réponse, je trouve en effet qu'un geste comme celui-là est absolument essentiel. Je suggère aussi qu'on peut aller plus loin en regardant le genre d'aide qu'on donne à l'Ukraine, en l'aidant concrètement, sur le terrain, à développer des institutions démocratiques et des organisations de droits de la personne.
    On peut bien dire qu'on est en faveur de la démocratie, mais il faut souvent mettre la main à la pâte. Avec l'expertise du Canada en matière de démocratie, de droits de la personne et d'institutions démocratiques, et compte tenu que l'Ukraine est un pays ami de si longue date, nous devrions être au premier rang pour lui apporter notre appui.

[Traduction]

    Madame la présidente, j'aimerais faire fond sur ce qu'a dit la députée à propos d'une aide concrète. J'ai répondu à un des députés qui a pris la parole précédemment que nous pourrions envisager, entre autres, la possibilité d'envoyer un groupe composé de députés de tous les partis livrer un message qui fait consensus à la Chambre.
    J'aimerais entendre l'opinion de la députée sur cette idée-là.
    Madame la présidente, j'aimerais remercier le député d'en face de sa suggestion, qui me semble intéressante.
    Lorsque nous nous occupons de questions aussi compliquées, nous devons adopter une approche à volets multiples. Je pense que les parlementaires peuvent jouer un rôle important dans ce processus, surtout parce qu'en l'occurrence le Parlement de l'Ukraine manque précisément d'indépendance. Cela pourrait être très important, et je suis sure que certains des membres du caucus du NPD aimeraient y participer.
    Je pense que nous devons également concrétiser les pressions que le gouvernement pourrait exercer et l'expertise en la matière que le Canada pourrait apporter sur le terrain.
    Madame la présidente, je remercie ma collègue de ses observations très éclairées et utiles. À la Chambre, nous respectons tous ses longues années au sein des services diplomatiques. Son opinion à ce sujet nous est précieuse.
    Il est intéressant de constater que les recommandations que ma collègue a formulées à la Chambre ont été sanctionnées par le Congrès des Ukrainiens Canadiens. Elles préconisent que l'ACDI réoriente son financement et son soutien afin d'appuyer davantage les ONG et de bâtir de meilleurs gouvernements, etc.
    J'ai apprécié que ma collègue mentionne que, même si ne voulons pas décourager le commerce entre le Canada et l'Ukraine, nous souhaitons développer son économie. Je viens d'une province où l'ancien premier ministre était d'origine ukrainienne. Nous sommes le produit d'une fière tradition.
    Dans le passé, j'ai été mêlée à certains accords auxiliaires à des accords commerciaux, notamment l'ALENA dont les conditions imposées donnaient aux citoyens un droit de participation et d'accès à l'information, etc. Apparemment, le Congrès des Ukrainiens Canadiens a demandé que l'on dénonce le gouvernement ukrainien. Compte tenu de la définition du mot « dénoncer », je me demande si nous ne pourrions pas entreprendre certaines de ces mesures. Peut-être serait-il nécessaire d'ajouter à nos accords commerciaux des conditions concernant la transparence, la participation, etc.
(1905)

[Français]

    Absolument, madame la Présidente, d'ailleurs, des outils existent déjà. Ce n'est pas la première fois que des pays se retrouvent dans une situation où ils signent des ententes avec un pays qui a encore des progrès à faire. L'Union européenne en est un bon exemple. Elle accepte à l'intérieur de l'union des pays qui n'ont pas toujours tout à fait atteint les standards, mais elle leur donne des benchmarks, des progrès à faire. Je crois que c'est une politique qu'on devrait intégrer à toutes nos ententes de libre-échange. Comme ma collègue le disait, il n'est pas question d'évacuer l'Ukraine. Dans de telles situations, il est important de maintenir un dialogue et de travailler ensemble, et que le Canada apporter ce qu'il peut à la table.
    On me pardonnera cette petite digression: dans toutes nos ententes de libre-échange, nous devrions, lorsque c'est nécessaire, avoir des mesures particulières précises pour garantir que les droits de la personne et le développement démocratique suivent avec l'accord de libre-échange. Ce n'est pas vrai seulement pour l'Ukraine, c'est vrai quand on parle de la Colombie et d'un tas d'autres pays. On ne peut pas faire seulement du commerce sans prendre en compte des questions aussi importantes que les droits de la personne. Si on ne le fait pas par bonté, on doit le faire par intelligence. En effet, les pays où les droits de la personne ne sont pas bien respectés sont souvent des pays beaucoup plus instables, et personne n'y gagne.

[Traduction]

    Madame la présidente, je félicite ma collègue de son intervention sur la question qui nous occupe aujourd'hui. Je propose simplement un autre élément de solution.
    L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, accueille des délégués du Canada, des États-Unis et de 54 autres pays, notamment de l'Ukraine. L'OSCE offre une excellente tribune pour tenir ces discussions avec des parlementaires de 56 pays. Nous devrions peut-être avoir une discussion sur la démocratie parlementaire dans le cadre d'une tribune comme celle-là, pas nécessairement dans le but d'accuser mais peut-être davantage d'inclure. Ce genre de discussion pourrait permettre de voir comment aborder certaines questions, comment présenter la situation et comment mettre en place un processus décisionnel avec des parlementaires de 56 pays pour permettre aux parlements de trouver une meilleure façon de gérer leur démocratie.

[Français]

    Madame la présidente, je remercie mon honorable collègue de son intervention, qui va justement dans le sens de mes propos. Encore là, si on veut faire appel à l'OSCE pour être partenaire dans la discussion avec l'Ukraine, on peut le faire du point de vue parlementaire, mais on peut aussi le faire avec l'organisation elle-même, qui dispose d'une expertise incroyable en matière de développement démocratique et de protection des droits de la personne.

[Traduction]

    Madame la présidente, je suis déçu des récents événements liés à la poursuite intentée contre l'ancienne première ministre de l'Ukraine et chef de l'opposition, Ioulia Timochenko. Récemment, un tribunal ukrainien a statué que Mme Timochenko a outrepassé son autorité de première ministre dans le cadre d'un accord gazier intervenu avec la Russie en 2009. Le gouvernement actuel, dirigé par M. Viktor Ianoukovitch, a allégué que l'accord en question force l'Ukraine à payer un prix exorbitant, nettement supérieur au prix du marché, pour le gaz russe. Par conséquent, Mme Timochenko a été condamnée à sept ans d'emprisonnement et s'est vu interdite d'occuper une charge gouvernementale pendant trois ans après la fin de sa peine d'emprisonnement.
    D'autres ont également été ciblés. Récemment, des accusations ont été portés contre l'ancien ministre de l'Intérieur, Iouri Loutsenko.
    Ces récentes accusations portées contre des membres de l'opposition en Ukraine montrent clairement que le gouvernement a entrepris de faire taire ses opposants politiques, particulièrement du fait qu'il y aura des élections l'an prochain et ensuite en 2015. Compte tenu de la peine qui lui a été infligée, Mme Timochenko ne pourra briguer les suffrages lors des deux élections qui sont prévues.
    Je m'élève contre ces procès politiques qui, au fond, compromettent la capacité de l'Ukraine de tenir des élections libres démocratiques. Il faut se demander comment l'Ukraine peut sauvegarder les droits et les aspirations de son peuple lorsque les voix dissidentes sont menacées et qu'elles sont réduites au silence par les tribunaux sous l'influence du gouvernement, à ce qu'il semble. Les gouvernements ne peuvent recourir à l'appareil judiciaire pour s'attaquer aux décisions des gouvernements antérieurs simplement parce qu'ils n'y souscrivent pas. De plus, ils doivent respecter et garantir le droit des citoyens d'exprimer leurs opinions.
    La dissidence n'est pas un crime. Elle fait plutôt partie intégrante du maintien d'une société forte, dynamique et démocratique. Amnistie internationale a réclamé à maintes reprises la libération de Mme Timochenko et divers experts internationaux ont remis en question la légitimité de son procès.
    J'exhorte le gouvernement à prendre des mesures pour garantir la sauvegarde des droits des Ukrainiens et la possibilité pour les particuliers et les symboles d'autorité d'exprimer librement leurs opinions sans crainte d'être traînés en justice. L'Ukraine doit faciliter un processus d'appel équitable et transparent pour Mme Timochenko et s'assurer que le système judiciaire conserve son indépendance.
    C'est un privilège pour moi de prendre part aujourd'hui à ce débat exploratoire très important. Le Canada a de longs antécédents d'amitié avec l'Ukraine et les liens que nous avons pu nouer au cours des années sont très éloquents. Comme on l'a fait remarquer, en 1991, Ottawa a rapidement reconnu l'indépendance de l'Ukraine. Le 27 mai 2008, les quatre partis présents à la Chambre des communes ont voté pour un projet de loi qui reconnaissait l'Holodomor comme un génocide.
    Je n'étais pas à la Chambre des communes à ce moment-là, mais j'étais député à l'Assemblée législative du Manitoba. Au cours des dernières années, l'Assemblée législative du Manitoba a adopté des résolutions et des projets de loi reconnaissant l'Holodomor comme un acte génocidaire. Nous avons reconnu la précieuse contribution de la communauté ukrainienne à la formation de l'identité de la société canadienne. En fait, une des premières questions que j'ai soulevées à la Chambre des communes concernait un dossier très important pour la collectivité ukrainienne, soit la présence de l'Holodomor au Musée canadien des droits de la personne. J'ai évoqué les raisons pour lesquelles je crois, je suppose et j'espère que d'autres à la Chambre conviendront qu'il serait bon d'y consacrer une exposition permanente.
    Si je tiens ces propos, c'est que nous avons un rôle à jouer. L'histoire a démontré que le Canada peut exercer une influence. C'est un riche héritage que le nôtre. Je pourrais vous parler de Winnipeg-Nord, une collectivité qui a été, en grande partie, bâtie par des immigrants ukrainiens. Ces derniers n'ont pas perdu leur amour ou leur compassion pour leur mère-patrie, une attitude que j'encourage personnellement. Nous devons tirer parti des riches patrimoines qui nous viennent d'autres pays. L'Ukraine est l'un d'eux, et la communauté ukrainienne a apporté une contribution inestimable au Canada.
(1910)
    Les gens peuvent se tourner vers des organisations comme le Congrès des Ukrainiens Canadiens qui sont éminemment crédibles pour vraiment comprendre ce qui se passe. Ce genre d'organisation peut nous aider à prendre les bonnes décisions sur la marche à suivre.
    Avec le caucus libéral, j'ai énormément profité de ce qu'a accompli Borys Wrzesnewskyj, l'ancien député d'Etobicoke-Centre, qui était aussi un de mes amis. Bien que je ne l'aie pas côtoyé bien longtemps, c'était un collègue et grâce à lui le caucus libéral est tenu au courant de cette très importante question.
    C'est une des raisons pour lesquelles j'ai dit tout à l'heure qu'il faudrait peut-être envisager autre chose. Je suis heureux que le député de Dauphin—Swan River—Marquette ait évoqué la possibilité d'envoyer trois ou cinq députés en Ukraine pour voir ce que nous pourrions faire tous partis confondus, y compris le Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, dont je suis membre. Je me tourne vers le député pour lui dire que cela pourrait faire avancer les choses. Peut-être le groupe de parlementaires pourrait-il aller rencontrer Mme Tymoshenko elle-même ou d'autres personnes en Ukraine.
    Il est réconfortant de voir qu'on peut laisser de côté les partis pris politiques pour aborder un sujet important. C'est une question importante qui justifie le débat de ce soir et j'espère que les députés auront à coeur de passer à l'étape suivante. Il est encourageant de savoir que des lettres ont été envoyées, que ce soit par le premier ministre ou d'autres personnes, ou que des gens prennent des initiatives individuelles dans beaucoup de nos communautés, même des gens qui ne sont pas d'origine ukrainienne mais qui savent faire la différence entre le bien et le mal, qui voient ce qui se passe en Ukraine et se rendent compte que cela ne va pas. Cela montre à quel point la démocratie est vulnérable et combien il est important que les parlementaires que nous sommes interviennent pour protéger les démocraties partout où nous le pouvons, surtout là où nous pouvons avoir une influence.
    Je crois que c'est le bon moment pour discuter de cette question. J'espère qu'avec ce débat, nous allons envoyer un message fort à l'Ukraine. J'ai hâte d'entendre la réaction du député de Dauphin—Swan River—Marquette, président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, et j'espère que nous allons pouvoir aller plus loin sur cette question. Nous pourrions peut-être nous rencontrer pour discuter des étapes suivantes. Peut-être pourrions-nous inviter les représentants du Congrès des Ukrainiens Canadiens à participer à notre prochaine réunion pour pouvoir poursuivre le dialogue sans aucun parti pris politique dans l'espoir d'avoir une influence plus marquée sur l'Ukraine. J'espère que nous allons pouvoir faire évoluer les choses dans ce très beau pays qu'est l'Ukraine, et je prie pour cela.
(1915)
    Madame la présidente, pour mettre en contexte ceux qui ne sont peut-être pas au courant, Ioulia Timochenko a été l'une des principales protagonistes de la révolution orange. Elle a bel et bien été à l'origine de cette révolution, qui s'est poursuivie jusqu'à ce qu'elle connaisse un heureux dénouement, qui a eu des retombées formidables. Le monde entier a pu constater que des centaines de milliers de personnes pouvaient descendre dans les rues et participer à des manifestations politiques sans que quiconque soit blessé. Les gens ont manifesté pacifiquement et leurs démarches ont été couronnées de succès.
    Elle a été une véritable épine dans le pied du président d'alors, et elle l'a encore été lors de la dernière élection présidentielle. D'une certaine façon, on peut comprendre pourquoi elle semble constituer un obstacle à l'ascension du président, comme mon collègue l'a souligné.
    Mon collègue a-t-il une idée de ce que nous pourrions faire d'autre pour que cette question reçoive l'attention qu'elle mérite sur la scène internationale? Serait-il approprié de convoquer l'ambassadeur de l'Ukraine lorsqu'il arrivera ici, ou de demander au groupe d'amitié d'organiser une réunion amicale avec lui lorsqu'il arrivera? Mon collègue a-t-il d'autres mesures à proposer?
(1920)
    Madame la présidente, je crois qu'il s'agit d'une excellente idée. Je vais parler brièvement de deux aspects. La révolution orange est une page unique dans l'histoire du monde, et nous en sommes tout à fait conscients. Le rôle de premier plan qu'y a joué Mme Timochenko a été tout simplement incroyable. Voilà autant de raisons justifiant que le Canada y joue un rôle.
    Je crois qu'il y a une volonté politique ici aujourd'hui parmi nous, libéraux, néo-démocrates ou conservateurs. Maintenant, pour traduire cette volonté politique en action, il faudrait peut-être demander au député de Dauphin—Swan River—Marquette, qui préside le Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, de convoquer une réunion et de rassembler des députés de toutes les allégeances. En tant que membre de ce groupe, je me réjouirais si l'ambassadeur de l'Ukraine venait témoigner. Nous pourrions peut-être proposer des idées par l'entremise de ce groupe. Je puis assurer au député qu'il aurait mon entière collaboration, et ce, dans un esprit apolitique.
    Madame la présidente, je dois dire que je trouve fort encourageant de voir que les députés conservateurs et libéraux partagent l'enthousiasme de notre parti pour la vague orange.
    L'hon. Peter Van Loan: Ce n'est pas la même chose.
    M. Peter Goldring: Tenez-vous en au sujet du débat.
    Mme Linda Duncan: Oui, c'est la même chose. C'est une couleur qui représente la liberté, la démocratie et la possibilité de participer au développement du pays. Nous félicitons les Ukrainiens d'avoir combattu pour cela. Je sais que les Ukrainiens ont ceci en commun avec les Canadiens: ils souhaitent avoir des possibilités de développement économique, la liberté d'association et des institutions démocratiques.
    L'Alberta a donné le jour à une institution merveilleuse, le journal Ukrainian News, qui existe depuis de nombreuses décennies. Ce journal a mis cette question à la une. Il s'agit clairement d'une question qui touche les Canadiens et les Albertains, et non seulement les personnes d'origine ukrainienne.
    Je me demande si le député est d'accord avec le Ukrainian News , qui rapporte que, selon le Congrès des Ukrainiens canadiens, nous devrions certes employer tous les moyens diplomatiques disponibles, mais aussi condamner le gouvernement ukrainien si celui-ci n'intègre pas des mesures à l'égard de la démocratie et de la liberté d'expression dans le cadre de ses relations commerciales avec le Canada. Je me demande ce qu'en pense le député.
    Madame la présidente, j'ai de nouveau deux brèves remarques à faire.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai suggéré que nous devrions inviter les représentants du Congrès des Ukrainiens canadiens à rencontrer les membres du groupe d'amitié, que nous avons déjà mis en place et qui est présidé de façon très compétente par le député de Dauphin—Swan River—Marquette. Il est formé de représentants de tous les partis. Je crois que, en agissant ainsi, on pourrait supprimer en grande partie la partisanerie.
    Pour ce qui est de la référence à la couleur orange, je pourrais également parler de la révolution jaune qui s'est produite aux Philippines en réaction au régime du président Marcos. Je ne veux pas parler des couleurs. Notre débat ne porte pas là-dessus. Mme Timochenko est une femme remarquable, et elle est rapidement en train de devenir une figure emblématique mondiale. Je crois que nous devons tenter le plus possible de mettre de côté la partisanerie politique, de rendre justice à cette question et de nous assurer que la démocratie est protégée en Ukraine.
    Je suis prêt à mettre la partisanerie de côté et à travailler avec une personne d'origine ukrainienne dans Winnipeg-Nord ou avec le premier ministre parce que c'est une question qui, à mon avis, dépasse les allégeances politiques. En tout cas, c'est mon opinion pour l'instant.
    Madame la présidente, je me rappelle en partie la révolution orange et les travaux qui avaient été faits à l'époque. C'est le gouvernement Martin qui avait envoyé près d'un millier d'observateurs, sous la direction de l'ancien premier ministre John Turner. Ils se sont rendus là-bas pour s'assurer que l'on faisait respecter la démocratie.
    Le Canada compte 1,2 million d'Ukrainiens, qui forment la quatrième diaspora en importance au pays et jouent un rôle important. Nous avons des parlementaires d'origine ukrainienne et nous avons même eu un gouverneur général qui venait d'Ukraine.
    Nous pouvons discuter des peines, et j'ai été impressionné par mon collègue d'en face quand il a dit que nous devrions téléphoner à l'ambassadeur pour nous entretenir avec lui. Je me demande s'il est possible de rappeler à l'ordre les ambassadeurs dont les pays agissent de façon non démocratique, que ce soit l'Égypte ou la Syrie. Nous devrions peut-être agir ainsi quand le nouvel ambassadeur arrivera d'Ukraine, et faire de même avec tous les autres hauts commissaires et ambassadeurs dont les pays se comportent de la sorte. Le député peut-il nous dire ce qu'il en pense?
(1925)
    Madame la présidente, j'apprécie la remarque au sujet des observateurs des élections. Le nombre de Canadiens qui ont été envoyés en Ukraine en 2004 était impressionnant.
    Pendant la courte période où j'ai fait partie du Groupe d'amitié Canada-Ukraine, j'ai remarqué que l'ancien ambassadeur et le groupe entretenait des rapports. Je crois qu'il y a peut-être lieu de poser la question, mais l'ancien ambassadeur est maintenant de retour en Ukraine. L'une de ses dernières responsabilités a été de parcourir le pays en train pour refaire la route des immigrants venant d'Ukraine. Je l'ai rencontré à la gare de train de Winnipeg. Je crois qu'il vaut à tout le moins la peine de demander à parler à l'ambassadeur pour que nous puissions nous exprimer très ouvertement.
    L'une des suggestions que nous avons faites plus tôt était de mettre sur pied un groupe composé de députés représentant tous les partis qui se rendrait en Ukraine dans l'espoir de rencontrer Mme Timochenko ou d'autres personnes. Nous espérons que le gouvernement retiendra cette recommandation précise.
    Madame la présidente, je vais partager mon temps avec le député d’Edmonton-Est.
    J’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour participer à ce débat important et opportun au sujet de l’érosion récente de la démocratie en Ukraine. Je sais que je ne suis pas le seul à m’inquiéter énormément des événements récents. Si la condamnation récente de l’ex-première ministre Ioulia Timochenko n’était pas une raison suffisante de s’inquiéter, le fait que ce soit seulement la dernière d’une série de mesures antidémocratiques de la part du gouvernement ukrainien actuel en est certainement une.
    En voyant les attaques de plus en plus graves contre la démocratie et les droits de la personne, il est difficile de ne pas conclure que le gouvernement actuel est en voie d’étouffer la démocratie et de faire taire l’opposition légitime en Ukraine.
    En 1991, le Canada a pu appuyer la liberté en Ukraine de façon spectaculaire et concrète. Sous la direction du premier ministre Brian Mulroney, nous avons été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance et la liberté de l’Ukraine. Nous l’avons fait le 2 décembre, le lendemain du jour où l’Ukraine a affirmé son indépendance.
    Depuis, le Canada a travaillé en collaboration étroite avec le gouvernement, de même qu’avec des organismes de la société civile, pour aider l’Ukraine à se reconstruire après 70 longues années de tyrannie socialiste soviétique. Cela n’a pas été une tâche facile.
     Les Ukrainiens n’ont pas cessé de démontrer leur courage et leur détermination à tourner le dos à leur passé communiste et à épouser l’esprit occidental de démocratie et de liberté reposant sur le respect des droits de la personne et l’État de droit. Pour cette raison, les événements récents en Ukraine sont encore plus alarmants.
     Les événements récents ont ceci d’ironique que le président actuel et son gouvernement ont été portés au pouvoir en 2010 à la suite d'élections que nous avions alors jugées libres et équitables dans une large mesure. Toutefois, six ans seulement après la révolution orange qui a vu le peuple ukrainien se révolter contre la corruption politique et exiger le droit de décider qui le gouverne et comment, seulement six ans après ces événements marquants qui ont donné autant d’espoirs aux Ukrainiens et, en fait, aux peuples du monde, ces espoirs sont piétinés par un gouvernement qui semble prêt à fouler aux pieds la justice et l’État de droit.
     Selon tous les indices internationaux de la liberté, la cote de l’Ukraine est à la baisse. Les journalistes pratiquent de plus en plus l’autocensure pour éviter les persécutions. Ceux qui ne le font pas risquent de voir leur vie menacée et, souvent, les autorités minimisent ces menaces ou n’en tiennent pas compte. On peut se demander dans quelle mesure la presse peut être libre et indépendante si un des principaux magnats des médias est également le chef du service de sécurité de l’Ukraine.
     Comme le ministre des Affaires étrangères du Canada l’a si bien dit dans sa récente allocution devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le Canada défend avec énergie la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit. La tradition veut que le Canada se porte à la défense de positions qui sont fondées sur des principes et considérées comme justes.
     Cette approche fondée sur des principes constitue la pierre angulaire de la politique étrangère de notre pays et explique notre réaction à l’évolution de la situation en Ukraine. Le Canada a parlé haut et fort, au cours des deux dernières années, tandis que la situation s’aggravait en Ukraine. En août dernier, le ministre a publiquement exprimé l’inquiétude du gouvernement du Canada face à l’arrestation de Mme Timochenko et aux possibles répercussions de cette mesure sur la démarche démocratique de l’Ukraine.
     En septembre, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont écrit au président Ianoukovitch, pour lui faire part des vives inquiétudes du gouvernement au sujet des derniers événements, en particulier le caractère apparemment politique du procès intenté à l’ancienne première ministre Timochenko. Il semble clair que l’affaire Timochenko ne s’est pas déroulée suivant une procédure judiciaire équitable, pas plus que les nombreux procès et accusations d’origine politique qui ont visé d’anciens députés de l’opposition.
     L’affaire Timochenko en est un exemple flagrant. La poursuite a demandé que comparaissent 32 témoins et experts. Cette demande a été agréée dans les 32 cas. La défense, par contre, avait demandé d’entendre 30 témoins et experts, mais on ne lui en a accordé que deux.
     Mentionnons également que Mme Timochenko a été accusée en vertu de l’article 365 du code criminel. Cet article est un vestige du code pénal socialiste de la période soviétique et porte sur les abus de pouvoir officiel. Il est utilisé de façon subjective pour criminaliser la prise de décisions politiques, en l’occurrence la conclusion d’une entente internationale.
     Le Canada s’inquiète énormément de ce qui semble être un retour aux lois de l’occupation communiste socialiste des Soviétiques, qui ont acculé la population à la famine et exécuté les adversaires politiques. Il est indéniable que la nature politique et le parti pris de la poursuite dans cette affaire comme dans d’autres, et la procédure judiciaire elle-même, compromettent la neutralité du tribunal et donc la primauté du droit en Ukraine.
     L’avenir de l’Ukraine est évidemment entre les mains de la population ukrainienne, mais le Canada ne peut rester indifférent alors que les droits que les Ukrainiens ont remportés de haute lutte sont peu à peu érodés.
(1930)
     Comme le premier ministre l’affirmait récemment dans une allocution prononcée devant le Congrès des Ukrainiens canadiens: « Le Canada va appuyer l'Ukraine chaque fois que ce pays fera un pas vers la liberté, la démocratie et la justice. »
     Certains pays de l’ancienne Union soviétique et du Bloc de l’Est ont fait d’immenses progrès pour instaurer des sociétés libres, démocratiques et ouvertes. De fait, certains de ces pays comptent aujourd’hui parmi les plus grands défenseurs de la liberté et des droits individuels. Qu’il s’agisse de réduire les impôts et de libéraliser l’économie ou d’assumer des obligations internationales pour défendre la démocratie là où elle est menacée, des pays comme l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et d’autres montrent l’exemple.
     Pendant quelque temps, l’Ukraine semblait s’être engagée sur la même voie pour défendre la cause de la liberté. Nous savons qu’elle peut retourner sur cette voie et nous pressons les responsables ukrainiens de le faire.
     Entretemps, le peuple ukrainien doit savoir que nous continuerons de l’appuyer et que nous chercherons des moyens de collaborer avec lui pour renforcer ses institutions démocratiques et élargir ses perspectives.
    Monsieur le président, je suis heureuse d’entendre le député appuyer la prise de position du Canada en faveur d’une plus grande démocratie en Ukraine.
     La démocratie se définit par la séparation des pouvoirs judiciaire, législatif et exécutif.
     Je me demande si le député veut bien répondre à une question que j’ai posée à d’autres députés. Le Congrès des Ukrainiens canadiens aurait dit au gouvernement être en faveur de la conclusion avec l’Ukraine d’un accord commercial avantageux pour les deux pays, pourvu qu’une bonne entente soit négociée et que nous puissions maintenir les échanges à l’avenir. Toutefois, le congrès voulait que la conclusion de l’accord dépende d’un engagement du gouvernement ukrainien à respecter la démocratie et les droits de la personne.
     Le député peut-il nous dire si son gouvernement accepte que cela constitue une condition de tout accord commercial?
(1935)
    Monsieur le président, je suis heureux de voir que l’opposition néo-démocrate s’intéresse quelque peu à l’idée d’un accord commercial avec l’Ukraine. En général, le NPD n’est pas en faveur des accords commerciaux.
    Lorsque nous avons entrepris ces négociations commerciales -- j’étais alors ministre du Commerce international --, nous avons largement consulté la communauté ukrainienne, qui a fortement appuyé ce genre d’engagement économique. Les membres de la communauté estimaient qu’un accord de libre-échange renforcerait la liberté et la prospérité du peuple ukrainien et lui offrirait davantage de perspectives économiques. La communauté ukrainienne du Canada en aurait également profité parce qu’elle est la mieux placée pour tirer parti des occasions qui se présentent.
    Nous avons continué à tenir des consultations étroites avec la communauté ukrainienne pour nous assurer qu’elle appuyait le processus de négociation. Nous partageons beaucoup de ses préoccupations, ce qui explique les démarches que nous avons faites pour exprimer notre inquiétude face à l’érosion de la démocratie.
    Il va sans dire que, sous le présent régime ukrainien, la négociation d’un accord de libre-échange n’a pas progressé aussi rapidement que nous l’aurions voulu et aussi rapidement qu’elle progressait auparavant. Nous continuerons cependant à avancer prudemment en vue de renforcer la liberté et les perspectives économiques des deux pays.
    Monsieur le président, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les Canadiens d'origine ukrainienne ont manifesté devant l'ambassade et les consulats généraux de l'Union soviétique. Ils manifestaient parce qu'ils voulaient une Ukraine libre et démocratique.
    Les gens étaient euphoriques lorsque l'Ukraine s'est transformée en ce qui semblait être une démocratie, dans le cadre de la révolution orange. Or, à l'heure actuelle, la diaspora ukrainienne manifeste à nouveau non pas devant les consulats généraux et l'ambassade de l'Union soviétique, mais devant les ambassades et les consulats généraux de l'Ukraine.
    Mes amis ukrainiens me disent qu'ils commencent à voir la Russie jouer un rôle important en Ukraine. Ils demandaient à l'époque à la Russie de ne pas se mêler des affaires de l'Ukraine et ils commencent à demander maintenant à M. Poutine d'en faire autant.
    Les ministériels ont-ils songé à envoyer un message fort à la Russie pour lui demander de cesser de s'immiscer dans les affaires de l'Ukraine?
    Monsieur le président, nous avons précisé clairement depuis le début, qu'il s'agisse de dossiers comme l'accession à l'OTAN ou de toute autre question portant sur les relations internationales ou leur état, qu'aucun pays ne pouvait avoir un droit de véto sur la possibilité pour les peuples de choisir la liberté. Nous avons fait ces affirmations au sujet de l'accession à l'OTAN de l'Ukraine et de la Georgie et nous le répéterons à toutes les tribunes.
    Le député de Scarborough—Agincourt nous rappelle l'époque où nous protestions contre l'Union soviétique pour qu'elle libère les peuples qu'elle tenait sous son joug. Pour ma part, je suis d'origine estonienne. Je fais partie d'une communauté qui a fait exactement cela. En fait, la raison pour laquelle je siège à l'heure actuelle à la Chambre des communes en tant que conservateur, c'est qu'au moment même où nous combattions pour la liberté pour ces peuples captifs, j'ai vu le premier ministre de l'époque, Pierre Elliott Trudeau, entretenir des relations très amicales avec les dirigeants soviétiques, Kossyguine et Brejnev. Il ne partageait pas cet engagement à l'égard de la liberté et du respect des droits de la personne pour lesquels nous luttions avec tant de vigueur.
    C'est pourquoi nous devons été vigilants pour empêcher le retour de l'ère des Kossyguine, Brejnev ou Staline ou de tous les dirigeants soviétiques qui ont maintenu tous ces gens en prison. De ce côté-ci, nous allons toujours dénoncer avec véhémence les crimes contre l'humanité qui n'ont pas été suffisamment réprouvés par les membres des autres partis et nous lutterons sans relâche pour la liberté. C'est pourquoi nous sommes fiers de faire ce que nous faisons aujourd'hui pour assurer la liberté en Ukraine.
    Monsieur le président, je suis ravi d'ajouter ma voix ce soir à celle de mes collègues qui ont exprimé leur profonde inquiétude à l'égard des récents événements survenus en Ukraine, notamment l'apparente motivation politique à l'origine du procès et de la condamnation de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko.
    Mes sérieuses préoccupations à l'égard des récents événements en Ukraine m'ont incité, à titre de membre du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, à demander la tenue d'une étude sur les réalités géopolitiques actuelles entourant les relations Canada-Ukraine. À titre d'ancien président et de membre de la direction du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine et, aujourd'hui, à titre de vice-président, j'ai exprimé mes préoccupations à de nombreux niveaux. Lorsque la chose est possible, il est important de faire état officiellement des préoccupations profondes qui nous occupent.
    Pour les Canadiens qui ont suivi l'évolution de la situation en Ukraine de près depuis 1991, les récents événements sont fort troublants. Comment la situation a-t-elle pu se détériorer à ce point depuis les jours exaltants de la révolution orange et que peuvent faire les Canadiens pour aider l'Ukraine a se réengager sur la voie de la démocratie?
    Ce qui se passe en Ukraine revêt un intérêt particulier pour les Canadiens, parce que nous entretenons de forts liens avec ce pays. En effet, plus de 1,2 million de Canadiens d'ascendance ukrainienne ont aidé à faire du Canada le pays dynamique, sûr et démocratique dans lequel nous vivons aujourd'hui.
    La famille de mon épouse, les Taschuk, est originaire d'Ukraine et s'est établie dans le Nord de l'Alberta au début du XXe siècle. Mon épouse Lorraine, mes deux filles, Corinna et Kristina, ainsi que mes trois petites-filles, Katelin, Alexandra et Eleanor, sont toutes d'ascendance ukrainienne.
    Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine en 1991. La transition à une société ouverte et démocratique après 70 ans de régime soviétique, sans parler des années tsaristes qui l'ont précédé, ne s'est pas faite sans difficulté. Il a fallu bâtir, à partir de presque rien, non seulement des institutions, mais également une culture de dialogue et de confiance et le travail n'est pas encore terminé. L'Ukraine souffre de la faiblesse de sa société civile et les structures de gouvernance demeurent fragiles.
    Je suis allé en Ukraine comme observateur lors des élections avortées de novembre 2004 et j'ai personnellement vu des gens remplir des boîtes de scrutin avec des bulletins de vote; j'ai d'ailleurs photographié cette fraude massive. Je suis resté sur place, à mes propres frais; j'étais le seul homme politique canadien à faire rapport sur la révolution orange et j'ai été constamment suivi et intimidé. J'ai été témoin de la fin de la discorde de la révolution lorsque les feux d'artifice ont illuminé le ciel au-dessus de la place de l'indépendance, pour souligner qu'une entente était intervenue et que l'avenir était porteur d'espoir et laissait présager le succès.
    Depuis, je suis retourné en Ukraine six fois. À cinq reprises, j'y suis allé en tant qu'observateur électoral, puis, l'autre fois, j'ai participé à l'assemblée parlementaire annuelle de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE. J'ai été témoin de la frustration et de la discorde croissantes sur le plan politique. Bien que de nombreux changements positifs aient bel et bien été apportés, comme une liberté accrue sur le plan des médias et de la politique, bien des espoirs que caressait la population ne se sont pas concrétisés. Par exemple, on ne s'est pas attaqué à la corruption, et celle-ci a continué de s'infiltrer à tous les niveaux du gouvernement et de la société.
    Lors des élections présidentielles de 2010, où j'ai été observateur pour le compte de l'OSCE et qui ont été jugées libres et justes, Ianoukovitch a été élu président. Alors que, du temps de l'ancien président, le développement démocratique n'a pas progressé, depuis l'arrivée de l'administration Ianoukovitch, on est en train de lui insuffler un nouvel élan.
    Comme nous le savons tous, il ne suffit pas de tenir des élections pour favoriser l'épanouissement démocratique d'un pays. Une société civile dynamique et des médias actifs et indépendants sont des éléments indispensables de la démocratie. L'administration ukrainienne actuelle nuit au développement démocratique sur tous les fronts. Elle procède à l'arrestation d'anciens députés de l'opposition, soi-disant pour des motifs de corruption, mais ces accusations n'arrêtent pas de changer, au fur et à mesure qu'avance le processus judiciaire.
    Une société ouverte et démocratique favorise la réflexion, l'innovation, l'entreprise et l'investissement. Une société fermée ne peut que puiser dans ses propres ressources; tôt ou tard, il ne reste plus qu'une coquille vide qui ne peut qu'imploser. Après 70 ans passés sous la domination du régime soviétique, les Ukrainiens savent cela mieux que la plupart des autres peuples. Nous devons nous engager auprès des Ukrainiens pour les appuyer dans leur désir de bâtir une société démocratique et libre. Toutefois, en agissant ainsi, nous ne devons pas renoncer à nos principes.
    Le Canada réitérera ses critiques concernant les lacunes qui menacent la construction d'une Ukraine pacifique, démocratique et prospère. C'est par le biais d'un engagement essentiel de ce genre que le Canada peut le mieux aider l'Ukraine à étancher sa soif de liberté et de démocratie.
(1940)
    Monsieur le président, le Congrès des Ukrainiens canadiens a déclaré que compte tenu du fait que le gouvernement de l'Ukraine cherche à imposer un régime autoritaire et à limiter les libertés, poursuit les gens pour des raisons politiques, restreint la liberté universitaire et la liberté de réunion, censure les médias, se livre à du harcèlement et applique une justice sélective fondée sur des motifs politiques, il est d'avis que l'accord de libre-échange Canada-Ukraine doit comprendre des dispositions visant à protéger les droits de la personne et que ces dispositions doivent être une condition préalable à la conclusion d'un tel accord.
    Le député d'en face souscrit-il à cette déclaration?
(1945)
    Monsieur le président, plusieurs possibilités s'offrent à nous. Peut-être pourrions-nous ajouter ces mots dans les accords commerciaux, mais il serait difficile de leur donner un véritable sens et de les définir. Je ne sais trop, car je n'ai jamais participé à la rédaction d'un accord commercial.
    Cela dit, nous pouvons faire autre chose. Par exemple, nous pouvons organiser une réunion du groupe d'amitié dont le député fait partie. La députée s'est rendue comme moi en Ukraine pour y observer les élections. Certains parlementaires ont aussi participé à ce processus dans le cadre de visites non officielles. Nous pouvons faire beaucoup de choses. Nous allons aussi soulever la question au Comité des affaires étrangères.
    Certaines des suggestions qui ont été formulées sont intéressantes et devraient aussi être envisagées. Je conviens parfaitement, comme l'ont dit des députés des deux côtés de la Chambre, qu'il s'agit d'un engagement que nous devons tous prendre et que nous devons tous collaborer politiquement et unir nos forces pour que cette question soit portée à l'avant-plan. Si nous décrions cette situation haut et fort, je crois que les gens seront à l'écoute. Je crois que le président sera à l'écoute.
    Monsieur le président, je tiens à saluer le travail qu'a accompli mon collègue depuis plusieurs années afin de promouvoir la démocratie en Ukraine. Il est un modèle pour tous les Canadiens fervents de démocratie, notamment pour les Canadiens d'origine ukrainienne. Le député sait que le ministre des Affaires étrangères a fait d'importantes déclarations au sujet de l'affaire Timochenko. Le 11 octobre, il a dit:
    Le Canada est préoccupé par la façon dont les autorités ukrainiennes ont procédé pour ce qui est de l’arrestation, du procès et de la condamnation de Mme Ioulia Timochenko. Le parti pris politique apparent et le caractère arbitraire des poursuites dans cette cause, et dans d’autres affaires, font obstacle au développement de la démocratie en Ukraine. Une opposition légitime et active fait partie intégrante de toute démocratie dynamique et efficace.
    Il appert que le déroulement du procès était loin de respecter les normes internationales relatives à l’équité, à la transparence et à l’application régulière de la loi.
    Le député pourrait-il donner son avis sur les déclarations du ministre des Affaires étrangères?
    Monsieur le président, c'est préoccupant pour tous les parlementaires. Je crois comprendre de l'affaire que Mme Timochenko était au pouvoir. Qu'elle ait été en situation réelle ou implicite d'immunité politique, le fait qu'une personne ayant participé au processus législatif et décisionnel fasse l'objet d'accusations criminelles lorsqu'elle quitte la politique va à l'encontre des principes qui régissent la démocratie parlementaire telle que nous la connaissons.
    Qui accepterait de prendre part au processus décisionnel s'il pouvait être pour toujours soumis à l'interprétation que fait une personne d'une disposition juridique alors que les lois elles-mêmes peuvent être confuses? Dans ce cas-ci, en plus d'être jugée selon une loi, Mme Timochenko a été reconnue coupable et emprisonnée en vertu de cette même loi. Qui voudrait emprunter cette voie et prendre le pouvoir en pareilles circonstances?

[Français]

    Monsieur le président, je remercie le député de son intervention. Le Canada joue un rôle important à l'échelle internationale dans son appui à la démocratie et aux droits de la personne. Quelles pressions diplomatiques le gouvernement du Canada exerce-t-il sur l'Ukraine en ce qui concerne les droits de la personne?

[Traduction]

    Monsieur le président, l'Ukraine est un pays souverain, mais ce que nous pouvons faire et ce que nous faisons en ce moment même, c'est ce que j'appellerais de fortes suggestions d'action. C'est une façon de s'y prendre.
    Le rapport de notre Parlement est déjà diffusé en Ukraine. Le journal Kyiv Post a rapporté aujourd'hui que notre comité prépare une étude sur la situation en Ukraine. Ces différentes mesures ont donc un effet, et elles ne sont pas passées inaperçues là-bas. En fait, nous faisons entendre notre voix et notre déception à Kiev.
(1950)
    Monsieur le président, c'est un privilège pour moi de participer au débat de ce soir sur le sujet important de la situation actuelle en Ukraine.
    Il se trouve que c'est le 120e anniversaire des Ukrainiens au Canada. Cette année, nous célébrons l'incroyable héritage que nous ont légué les Ukrainiens pendant ces 120 années grâce à leur contribution à l'édification de notre pays. Nous sommes fiers de la relation spéciale que nous entretenons avec l'Ukraine.
    Dans ma circonscription, Parkdale—High Park, on organise le plus important festival de rue ukrainien en Amérique du Nord. On y trouve la plus grande communauté ukrainienne. C'est là où se trouve également un musée dédié à Taras H. Chevtchenko.
    Comme mon collègue l'a mentionné, nous sommes nombreux à avoir été en Ukraine, à titre d'observateurs des élections, notamment celles de 2004, surnommées la révolution orange. Nous avons vu l'incroyable détermination des Ukrainiens et leur passion pour la démocratie et les droits de la personne. C'était inspirant. Des gens avaient campé pendant des mois sur la place Nezalejnosti au centre-ville de Kiev. Ils ont inspiré le pays dans sa quête de démocratie après la tenue d'élections entachées d'irrégularités. Ceux d'entre nous qui avaient le privilège d'être là, en tant qu'observateurs des élections, ont vu que la majorité des Ukrainiens étaient animés par un véritable désir d'avoir droit à des élections libres et équitables. De nombreuses personnes nous ont dit que tout ce qu'elles voulaient, c'était un pays normal. Ils voulaient une Ukraine normalisée.
    L'Ukraine a beau avoir une riche et longue histoire, cela fait seulement 20 ans qu'elle jouit d'une indépendance moderne. On craint vraiment que le pays se mette à régresser.
    La façon dont Ioulia Timochenko a été arrêtée, persécutée et condamnée par les autorités ukrainiennes est profondément troublante. La condamnation de l'ancienne première ministre à sept ans de prison est une indication alarmante de la détérioration, sous le gouvernement du président Ianoukovitch, de la démocratie et de la primauté du droit en Ukraine moderne. Le parti pris politique et la poursuite arbitraire apparents dans cette affaire-ci et d'autres freinent le développement démocratique de l'Ukraine. Une opposition légitime et active fait partie intégrante d'une démocratie dynamique et efficace, comme nous pouvons le constater à la Chambre.
    Il y a des indications manifestes comme quoi l'instance judiciaire ne s'est pas du tout déroulée conformément aux normes reconnues en matière d'équité, de transparence et d'application régulière de la loi. Le verdict est le fruit d'un procès à motivation politique qui ne répondait pas aux normes internationales et qui cherchait à museler un membre de l'opposition un an avant les élections.
    Nous sommes d'avis qu'une magistrature juste et indépendante est un organe essentiel de la gouvernance démocratique. À titre de vice-présidente du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, je joins ma voix à celle de mes collègues qui exhortent l'Ukraine à renforcer l'indépendance et la capacité de sa magistrature.
    Les dirigeants de l'Union européenne ont affirmé qu'ils ne signeront aucun nouvel accord d'association avec Kiev — accord qui marque la première étape de l'adhésion à l'Union européenne — à moins que les autorités ukrainiennes ne libèrent Mme Timochenko et ses ministres. Il est difficile d'imaginer que l'Union européenne soit disposée à signer un accord avec Kiev tant que celle-ci rejette une des valeurs fondamentales de la démocratie européenne, nommément que c'est dans le cadre d'une élection, et non devant les tribunaux, que les politiciens règlent leurs comptes.
    Le présent débat porte sur bien plus que le sort d'une dirigeante ukrainienne. Il va droit au coeur de la question qui consiste à savoir si le gouvernement de l'Ukraine respecte les droits fondamentaux de la personne et ses engagements internationaux et si les citoyens ukrainiens font l'objet d'un traitement égal aux termes de la loi.
    Il est plus important que jamais pour le Canada et ses alliés européens de collaborer afin de faire clairement savoir au gouvernement de l'Ukraine qu'il ne bénéficiera d'aucun des avantages découlant de l'intégration euro-atlantique tant qu'il continue de violer les valeurs que sont la liberté, le pluralisme politique et la primauté du droit, valeurs qui reposent au coeur même de la communauté euro-atlantique.
(1955)
    Nous exhortons le gouvernement du Canada à renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire et sa capacité. Cela est nécessaire à la société pacifique, démocratique et prospère que l'Ukraine aspire à devenir, et le Canada continuera de soutenir les efforts de ce pays en ce sens.
    De plus, le gouvernement du Canada doit faire part au gouvernement de l'Ukraine en termes non équivoques de ses préoccupations et demander l'assurance que les droits constitutionnels de Ioulia Timochenko soient respectés.
    Le Canada doit également affirmer clairement que les négociations avec l'Ukraine en vue de la signature d'un accord de libre-échange ne pourront pas progresser tant que le gouvernement de l'Ukraine refusera de garantir la protection des droits de la personne, de la primauté du droit et de la démocratie à l'intérieur de ses frontières. Le Congrès des Ukrainiens Canadiens réclame avec force arguments que des dispositions en ce sens soient incluses dans l'accord.
    En terminant, compte tenu de nos liens étroits, nous avons un programme parlementaire canado-ukrainien qui a réuni cette année pour la 21e fois plus de 30 étudiants talentueux venus au Parlement du Canada travailler avec des députés afin de voir la démocratie en action. C'est une manière pour nous d'aider l'Ukraine à bâtir sa démocratie.
    Les talentueux stagiaires qui travaillent avec nous — et il y en a un dans mon bureau — représentent une nouvelle génération de jeunes citoyens ukrainiens prometteurs. Ils travaillent d'arrache-pied chaque jour et rêvent d'un meilleur avenir dans leur propre pays. Je les invite, eux ainsi que tous les Ukrainiens, à faire de leur mieux et à ne jamais cesser de croire au brillant avenir de l'Ukraine et, le plus important, à travailler pour faire de grands changements dans leur vie et dans celle de leur pays.
    Aujourd'hui, nous souhaitons tous voir un grand pays et son peuple talentueux réussir à surmonter un passé difficile et à continuer d'édifier en Ukraine une société démocratique, stable, prospère et harmonieuse fondée sur le respect des minorités nationales et religieuses et sur des rapports solides et respectueux avec ses voisins immédiats et lointains.
    Comme nous disons dans Parkdale—High Park, slava Ukraini, slava Canada.

[Français]

    Monsieur le président, je voudrais remercier tout d'abord ma collègue de son excellent discours très éclairant. Je trouvais très intéressant qu'elle mentionne les jeunes Ukrainiens qui voyagent à l'international et qui voient, en Occident ou ailleurs, ce que la démocratie peut faire. Récemment, certains programmes ont été instaurés pour encourager le plus grand nombre possible d'étudiants et de jeunes Ukrainiens à venir au Canada pour étudier. Il pourrait être intéressant d'encourager encore plus ce genre de programme qui permet à des jeunes de venir au Canada, d'y étudier et de constater tout ce qu'on peut avoir en Occident. En retournant en Ukraine, ils voudraient peut-être implanter ça dans leur propre pays. Ma collègue peut-elle faire des commentaires là-dessus?
    Monsieur le président, je remercie ma collègue de sa question. Le Canada a des relations très étroites avec l'Ukraine, et nous pouvons aider les Ukrainiens de plusieurs façons, surtout les jeunes. Les jeunes ont beaucoup d'espoir et d'idées pour le futur. Ils veulent que leur pays soit meilleur à l'avenir. Alors, les échanges seraient une bonne occasion pour eux de voir comment fonctionne notre démocratie et nos universités. Pour le Canada, c'est un investissement très important, et j'encourage toujours notre gouvernement à faire ce genre d'investissement. Ça aide beaucoup à la démocratie en Ukraine.
(2000)

[Traduction]

    Monsieur le président, cette question m'intéresse à plusieurs égards. Tout d'abord, ma circonscription compte une importante communauté ukrainienne. De plus, quand je vivais sur la ferme, bon nombre de mes voisins et amis étaient d'origine ukrainienne. Je fais aussi partie de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN, où nous parlons souvent de l'Ukraine. Le Canada a été fortement en faveur de l'adhésion de la Géorgie et de l'Ukraine à l'OTAN. Enfin, je connais très bien certains députés ukrainiens. Quand je leur demande quelle est la situation en Ukraine, ils mentionnent l'arrestation et se montrent très inquiets.
    Il m'apparaît qu'à long terme, c'est la corruption qui entrave le plus le progrès de l'Ukraine. Ce pays ne réussit pas à se défaire de la corruption comme d'autres pays de l'ex-Union soviétique l'ont fait. Elle n'y parvient pas, et c'est ce qui ralentit les progrès en Ukraine.
    Si on regarde de façon générale la question de la corruption et les entraves que cela représente pour le pays, en quoi cette question se distingue-t-elle de l'arrestation de Mme Timochenko, d'après la députée? Et quel effet cela pourrait-il avoir sur les relations canado-ukrainiennes et sur le développement futur de l'Ukraine?
    Nous souhaitons tous à l'Ukraine un dénouement des plus favorables. C'est un pays qui a d'excellentes ressources et des citoyens merveilleux. Il devrait progresser plus rapidement qu'il ne le fait actuellement.
    D'après la députée, quelles pourraient être les retombées de cette arrestation?
    Monsieur le président, mon collègue a posé une question au sujet de la corruption et de son lien avec ce qui est arrivé dernièrement à Mme Timochenko. C'est une question de confiance dans nos institutions démocratiques. Si le citoyen ordinaire ne croit pas en la transparence et ne croit pas que nos institutions sont responsables et qu'elles oeuvrent pour le bien de la population, les gens perdent alors confiance. Des institutions corrompues et en piètre santé amènent immanquablement la population à douter de la démocratie.
    C'est pourquoi, comme mon collègue l'a mentionné un peu plus tôt, il est important que des jeunes viennent étudier dans une institution comme le Parlement et y prendre part dans le cadre d'un programme de stages. Il est important de participer à des échanges, comme plusieurs d'entre nous l'ont fait, et d'agir comme observateurs des élections pour voir les institutions en Ukraine, et pour contribuer à renforcer la démocratie dans ce pays.
    Les gens sont très inquiets. La diaspora ukrainienne et les Ukrainiens sont très inquiets, car dès qu'il y a un recul, les gens craignent de perdre tous leurs acquis.

[Français]

    Monsieur le président, j'en profite pour remercier ma consoeur de Parkdale—High Park de sa très belle prestation.
     Présentement, le Canada, par l'entremise de l'ACDI, est l'un des principaux fournisseurs de l'aide en Ukraine. Dans la mesure où cette aide est directement et exclusivement axée sur l'agriculture, ne serait-il pas pertinent d'accroître cette aide et de l'axer sur des activités de formation pour les juristes et les journalistes? Dans le cas présent, c'est manifestement l'absence d'indépendance de la justice vis-à-vis un pouvoir politique partisan qui est problématique.
    Monsieur le président, je remercie mon collègue de sa question.
    Justement, le Canada apporte actuellement beaucoup d'aide à l'Ukraine. C'est peut-être maintenant l'occasion de changer l'orientation de cette aide par la formation de journalistes et de juristes pour aider la démocratie.
    Beaucoup de soins sont apportés au maintien et à la croissance des institutions démocratiques pour l'avenir. Le Canada a une relation spéciale avec l'Ukraine, et je crois que nous pouvons aider beaucoup en la matière.
(2005)

[Traduction]

    Monsieur le président, je remercie la députée de son intervention, mais j'aimerais lui poser une question directe. Nous tenons en ce moment un débat exploratoire. Tous les partis pensaient qu'il était important d'avoir cette discussion. La députée pense-t-elle que cela pourrait avoir une véritable incidence sur les décisions qui sont prises en Ukraine?
    Le Canada entretient assurément une relation très solide avec l'Ukraine. Cette relation revêt une grande importance aux yeux des Ukrainiens. Elle importe certainement aux électeurs d'origine ukrainienne de ma circonscription. Je suis sûr que certains Canadiens se demandent l'effet que notre débat aura là-bas. La députée croit-elle que notre débat pourrait modifier la façon dont Mme Timochenko est traitée et la façon dont les choses se déroulent en Ukraine?
    Monsieur le président, je suis persuadée que l'ambassade ukrainienne d'Ottawa prend note de notre débat exploratoire. Je sais que les citoyens d'origine ukrainienne et les gens qui croient en la démocratie partout au pays regardent ce débat et applaudissent le fait que tous les partis se soient réunis pour exprimer leur inquiétude au sujet des événements qui se sont déroulés récemment en Ukraine et le fait que les parlementaires soient unis dans leur désir de favoriser l'établissement d'institutions qui contribueront à promouvoir la démocratie en Ukraine. Les gens veulent voir ce que le Canada peut faire pour aider l'Ukraine concrètement.
    Le Congrès des Ukrainiens canadiens a indiqué très clairement les mesures que le Canada peut prendre pour aider l'Ukraine à progresser dans la bonne direction. Nous désirons appuyer sans réserve ces recommandations. Nous savons que le Canada continuera de jouer un rôle prédominant dans la situation à venir en Ukraine.
    Avant de reprendre le débat, je signale aux députés qui se sont joints à nous récemment que lors d'un débat exploratoire, ils peuvent s'asseoir où ils veulent. Contrairement à ce qui se passe d'habitude à la Chambre des communes, les députés peuvent demander la parole et s'exprimer où qu'ils se trouvent dans la Chambre. Ils peuvent donc choisir le fauteuil qu'ils veulent et ils pourront quand même prendre la parole.
    Reprise du débat. Le député d'Etobicoke—Lakeshore a la parole.
    Monsieur le président, je vais partager mon tempsde parole avec le député de Mississauga-Est—Cooksville.
    C'est avec gratitude que j'interviens ce soir sur cette question d'importance vitale pour le peuple ukrainien, pour les Canadiens d'origine ukrainienne et pour les gens de partout qui chérissent la liberté, la démocratie et la primauté du droit.
    Je sais que les députés de tous les partis partagent mon inquiétude face à la condamnation à sept ans de prison infligée la semaine dernière à Ioulia Tymochenko sur la base d'accusations en rapport avec un accord de fourniture de gaz naturel avec la Russie. Des observateurs impartiaux de partout contestent les accusations et la façon dont le procès s'est déroulé. Le gouvernement du Canada et nos alliés occidentaux ont dénoncé à juste titre les actes du gouvernement ukrainien.
    J'ai eu plusieurs discussions avec des Canadiens d'origine ukrainienne de ma circonscription d'Etobicoke—Lakeshore. Il s'agissait notamment de représentants d'organisations actives dans la région du Grand Toronto et dans tout le Canada, telles que le Congrès de Ukrainiens canadiens et la Ligue ukrainienne canadienne, entre autres. Ils souhaitent que le gouvernement canadien collabore avec nos alliés pour faire pression sur le gouvernement ukrainien afin qu'il prenne des mesures équitables pour que sa magistrature fonctionne de façon équitable et indépendante.
    On a relevé de nombreuses anomalies dans ce procès, notamment: l'apparente motivation politique des accusations portées par le président Ianoukovitch, qui a battu de peu Mme Timochenko aux élections présidentielles de 2010; l'emprisonnement de Mme Timochenko durant son procès alors que le risque d'une évasion était minime; le fait qu'elle n'ait pas pu avoir accès à un avocat de la défense; l'absence de temps et de locaux pour lui permettre de préparer sa défense; le fait que le juge ait en outre refusé à Mme Timochenko le droit d'interroger les témoins dans les mêmes conditions que pour les témoins de l'accusation; et la condamnation supplémentaire interdisant à Mme Timochenko de participer à toute activité politique pendant une période de trois ans après avoir purgé sa peine.
    Précisons que les menaces qui pèsent sur la liberté et la démocratie en Ukraine ne se limitent pas à ce procès. Plusieurs personnalités de l'opposition font l'objet d'accusations semblables à celles qui ont été portées contre Mme Timochenko. Ces procès politiques vont à l'encontre des exigences de la Constitution ukrainienne, des lois de l'Ukraine, des obligations internationales de cet État et des normes généralement acceptées.
    Nous devons clairement affirmer que la persécution politique, que ce soit en Ukraine ou ailleurs, est totalement inacceptable. Le Canada ne se taira pas alors que sont foulés au pied les droits durement acquis du fier peuple de l'Ukraine.
    Le 14 octobre dernier, j'ai eu le plaisir de participer à un hommage rendu au premier ministre. À cette occasion, on lui a remis la médaille Taras Chevtchenko pour son dévouement au service du public, son leadership et, en particulier, sa contribution extraordinaire au développement de la communauté ukrainienne au Canada.
    La médaille Taras Chevtchenko, qui a été remise pour la première fois en 1961, est le plus grand honneur décerné par le Congrès des Ukrainiens canadiens. Le premier ministre est en bonne compagnie, puisqu'il partage cet honneur avec un autre premier ministre canadien — le premier à avoir reçu ce prix —, le très honorable John Diefenbaker.
    Taras Chevtchenko était un grand artiste et un poète de renom mais, surtout, il a été un chantre de la liberté en Ukraine. Pour cette raison, le tsar Nicolas I l'a condamné à vivre en exil, sous une surveillance des plus strictes, sans avoir le droit d'écrire ou de peindre.
    Même cette sentence cruelle n'a pu réduire Chevtchenko au silence. Dans les décennies qui ont suivi, ses mots et sa conduite ont motivé les Ukrainiens à lutter pour la liberté, non seulement contre les tsars, mais aussi contre les idéologies totalitaires des Soviétiques et des nazis.
    Ce qui unit nos deux pays, ce sont des valeurs et des principes. Lorsque l'Ukraine a déclaré son indépendance en 1991, le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître sa souveraineté. Le 1er décembre, l'Ukraine déclarait son indépendance, et dès le lendemain le Canada reconnaissait son statut d'État et son gouvernement.
    Pourquoi? Nous avons tous poussé un grand soupir de soulagement lorsque le communisme soviétique a finalement et irréfutablement été discrédité. L'idéologie communiste était censée être la solution à tous les maux de l'humanité. Il y avait toutefois un problème majeur. Avant de mettre leur programme en oeuvre, les communistes devaient emprisonner ou tuer tous ceux qui n'était pas d'accord avec leur idéologie. Des millions de personnes ont été assassinées et des millions d'autres sont mortes de faim. Cet épisode du passé ne doit pas être oublié. Il ne doit jamais être balayé sous le tapis.
    Nous nous joignons aux Ukrainiens pour veiller à ce que l'histoire de leur pays ne soit jamais oubliée. En 2008, suite à l'initiative de mon collègue, le député de Selkirk—Interlake, nous avons eu l'occasion de faire enfin quelque chose en ce sens et nous avons saisi cette occasion. Le Parlement du Canada a reconnu l'Holodomor comme un génocide, afin que nous n'oublions jamais ce qui s'est passé.
    Nous devons maintenant informer le gouvernement de l'Ukraine que nous l'implorons de respecter les droits de la personne et la primauté du droit. Nous l'implorons aussi de faire en sorte que les prochaines élections soient libres et justes et que le pays soit tourné vers l'avenir.
(2010)
    Nous envisageons un avenir meilleur pour l'Ukraine. Nous nous joignons aux citoyens de l'Ukraine pour exiger le respect des droits de la personne, un système judiciaire juste et indépendant, et la libération de tous les prisonniers politiques.

[Français]

    Monsieur le président, je remercie beaucoup mon collègue de son discours très intéressant. J'aimerais savoir quelles actions le gouvernement compte prendre pour concrétiser toutes ces paroles. Dans le fond, on est tous très préoccupés par la situation actuelle. Des actions concrètes seront-elles prises pour signifier au gouvernement ukrainien que nous sommes en désaccord avec lui et pourquoi? Comment peut-on agir pour signifier cela plus clairement?
    Monsieur le président, la semaine dernière, le premier ministre a écrit une lettre au président de l'Ukraine pour exprimer notre déception face aux actions du gouvernement de l'Ukraine. Cela a été rédigé dans un langage assez fort. C'est important que l'Ukraine et le monde entier sachent que nous ne sommes pas d'accord sur les actions du gouvernement de l'Ukraine. De même, c'est important que le peuple ukrainien lise nos commentaires dans ses journaux, sur Internet, avec ses moyens de communication. Il faut qu'il sache que le peuple canadien est avec lui et derrière lui. Cela lui donnera la force de résister aux actions déplorables du gouvernement ukrainien. Ces actions concrètes, ces formes de communication, sont, d'une part, la chose la plus importante que l'on peut faire à court terme.
     À moyen terme, il faudra qu'on s'engage à agir avec nos alliés, c'est-à-dire l'Europe, les États-Unis et d'autres pays qui partagent nos valeurs. En effet, il faudra mener une action concertée avec nos alliés pour pouvoir exercer une certaine influence sur l'Ukraine et sur le gouvernement qui résiste trop aux demandes de notre pays. C'est ce que nous allons faire.
(2015)

[Traduction]

    Monsieur le président, plusieurs fois pendant le débat de ce soir, des députés ont demandé si ce débat allait servir à quelque chose et ce que nous pouvions faire pour améliorer la situation.
    Quand j'étais en Ukraine, durant les dix jours de la révolution orange, 500 000 personnes s'étaient rassemblées sur la place de l'Indépendance et y restaient jour et nuit. Pendant dix jours, à minuit, j'ai écouté l'hymne national, qui s'élevait dans la tempête de neige et montait jusqu'à moi sur la colline où se situait l'hôtel ukrainien où je logeais. L'enthousiasme était palpable, la régularité immanquable. Les Ukrainiens étaient là pour défendre la démocratie et pour faire valoir leur vote.
    Quand j'ai parlé sur la scène de la place de l'Indépendance, j'ai dit aux 500 000 personnes rassemblées que le Canada était à leur côté. Les applaudissements que j'ai reçus, après la traduction de mes commentaires par l'interprète, étaient absolument incroyables.
    Je crois que, dans le cadre de cette révolution et des élections qui ont suivi, nous avons vu à quel point les Ukrainiens étaient fiers de se battre pour la démocratie et qu'ils voulaient des élections démocratiques.
    Maintenant, nous nous demandons si ce débat aura des effets. Ce débat sera montré en Ukraine, et je crois que les Ukrainiens prendront la parole sachant que le Canada est là pour les soutenir.
    Le député croit-il que cela sera utile?
    Monsieur le président, je crois certainement que cela sera utile.
    Je pense le monde a les yeux tournés vers l'Ukraine. Je pense que le gouvernement de l'Ukraine le sait et les habitants de l'Ukraine le savent. Plus nous répétons ce message, plus les Ukrainiens sauront que nous les soutenons et plus ces actions porteront des fruits.
    Nos échanges commerciaux et nos investissements donnent lieu à d'autres questions. Toutefois, nous devons continuer à interpeller les Ukrainiens et à améliorer nos communications avec eux. C'est l'approche que nous privilégions, et nous continuerons de poursuivre cette voie.
    Monsieur le président, lorsque le président Ianoukovitch a été élu, l'une des craintes, c'était qu'il rapproche l'Ukraine de la Russie et l'éloigne de l'Occident. Or, cela ne s'est pas produit. Justement, je crois que le Canada doit absolument exercer des pressions pour manifester son opposition à l'emprisonnement de Ioulia Timochenko et le processus qui y a mené. Pour toute personne de l'extérieur, il est évident que le processus, l'arrestation et le procès laissaient à désirer.
    J'avais des inquiétudes lorsque le nouveau président a été élu, mais elles étaient apparemment injustifiées. Or, maintenant, nous sommes confrontés à cette situation. J'aimerais que le député nous donne son opinion sur cette situation et l'importance d'exercer des pressions sur l'Ukraine pour qu'elle fasse marche arrière, respecte la démocratie et le processus judiciaire, en commençant par cette arrestation et cette situation.
    Monsieur le président, le député a raison. Même la Russie est mécontente des mesures prises et des propos tenus par le gouvernement de l'Ukraine. En fait, ce dernier déplorait les activités de la Russie et disait qu'elle avait fait preuve de mauvaise foi lorsqu'elle a négocié l'entente d'exploitation gazière.
    Je pense que l'Ukraine se retrouve de plus en plus isolée de la communauté internationale. Je crois que tous les pays ont besoin non seulement de participer à la vie commerciale internationale, mais aussi de se sentir acceptés par la communauté internationale. Plus nous exprimons notre désapprobation profonde et plus nous isolons l'Ukraine, mieux nous serons placés pour faire respecter l'indépendance judiciaire, la liberté et les droits de la personne dans ce pays.
(2020)
    Monsieur le président, l'année où les Canadiens d'origine ukrainienne célèbrent le 120e anniversaire de leur établissement au Canada et le 20e anniversaire de l'indépendance de l'Ukraine, la persécution judiciaire de Ioulia Timochenko est un événement extrêmement troublant.
    Le gouvernement a exprimé clairement qu'il était sérieusement préoccupé par le parti pris apparent des accusations portées contre Ioulia Timochenko.
    Peu importe dans quel pays nous habitons, la persécution politique est tout à fait inacceptable et l'apparence de parti pris politique dénote un déni de la primauté du droit.
    Dans tout le Canada, les Canadiens d'origine ukrainienne apportent des contributions importantes à notre société, au monde des affaires, au monde des sports, au monde universitaire, à la médecine et dans bien d'autres domaines. Nous devons souvent nous rappeler à quel point le combat pour les libertés fondamentales peut être difficile et long pour certains citoyens du monde et, en nous rappelant cela, nous pouvons être très fiers de savoir que le gouvernement du Canada exhorte le gouvernement de l'Ukraine à renforcer son indépendance judiciaire et qu'il continuera également de soutenir les efforts du peuple ukrainien pour bâtir une société pacifique, démocratique et prospère.
    La conduite du procès de Ioulia Timochenko ne correspond pas à une procédure équitable ni aux normes du système juridique canadien auxquelles les Canadiens sont attachés. Les conditions et le contexte qui ont conduit au verdict soulèvent de sérieuses questions au sujet de la possibilité que des motifs politiques soient le principal facteur dans la condamnation douteuse de Ioulia Timochenko.
    L'indépendance, l'équité et la transparence du procès soulèvent beaucoup de questions pour les Canadiens et les citoyens de partout dans le monde. Les Canadiens se targuent d'être capables de promouvoir la croissance et le renforcement de la démocratie tant au Canada qu'ailleurs dans le monde. Nous savons tous que l'indépendance du pouvoir judiciaire et une opposition politique vigoureuse sont cruciales dans l'édification d'un pays démocratique et prospère. Cependant, les événements entourant le procès de Ioulia Timochenko nous touchent tous et le gouvernement du Canada est très préoccupé par la voie que semble prendre le gouvernement de l'Ukraine.
    Des lois proposées à la Verkhovna Rada décriminaliseraient des gestes du genre de ceux qui sont allégués dans l'affaire Timochenko. Le président de l'Ukraine a déclaré officiellement que les modifications au code criminel pourraient s'appliquer avec effet rétroactif, mais pas dans le cas de Mme Timochenko.
    Ces faits peuvent avoir de graves conséquences sur nos rapports bilatéraux et tous les Canadiens, qui tiennent à la démocratie et à la primauté du droit pour lesquelles tant de gens se battent et donnent leur vie, sont solidaires du peuple d'Ukraine et réclament une fin juste et pacifique de cette affaire.
    J'exhorte toutes les nations démocratiques qui considèrent comme sacrée la notion de démocratie et de saine conduite des affaires publiques à se joindre à nous pour protester contre la grande injustice que subit Ioulia Timochenko.
    Cette question m'affecte beaucoup, car j'ai émigré au Canada. Je suis né et j'ai été élevé dans la Pologne communiste qui est maintenant indépendante. La Pologne est voisine de l'Ukraine. Je peux constater la renaissance d'anciennes forces au sein de ce pays. Ces gens méritent tout ce qu'il y a de mieux.
    Je reprends l'une des questions qui ont été soulevées ici, à savoir si le débat que nous tenons en ce moment peut avoir un effet sur ce qui se passe en Ukraine. Je soutiens qu'il en a un. Nous devons soutenir ces gens. Cela les incitera à poursuivre leur combat et à aller de l'avant.
    Les députés se souviendront sûrement que nous avons appuyé les Ukrainiens pendant la révolution orange et que les pressions exercées par la communauté internationale ont entraîné l'annulation de l'élection du président. Il faut que nous appuyions les Ukrainiens. Ils ne devraient pas avoir l'impression d'être seuls dans leur combat. Nous vivons dans un pays démocratique et nous devons aider les autres à obtenir la même liberté démocratique dont nous jouissons ici, au Canada, le pays le plus merveilleux du monde.
(2025)
    Monsieur le président, mon collègue a émigré de la Pologne, un pays qui entretient des liens très étroits avec l'Ukraine, au point même où ces deux États étaient parfois indissociables l'un de l'autre.
     Il y a quelques jours à peine, le premier ministre a reçu la plus haute distinction pouvant être remise à quelqu'un qui n'est pas citoyen de l'Ukraine, alors qu'au même moment, notre ministre des Affaires étrangères commentait avec des mots très durs les répercussions que les procédures intentées contre Ioulia Timochenko pourraient avoir sur les relations entre le Canada et l'Ukraine. Je le cite:
    Les faits qui se sont déroulés aujourd'hui peuvent avoir de graves conséquences sur nos relations bilatérales.
    Du point de vue de la diplomatie, c'est un langage très ferme.
    Les députés d'en face veulent savoir ce que le Canada fera. Il en a déjà beaucoup fait; il s'agit d'un long processus, et il faut y aller étape par étape. Nous espérons tous que ce débat exploratoire comptera comme une part importante de ce processus.
    Est-ce que le député pourrait nous expliquer dans quelle mesure la remise de cette haute distinction au premier ministre est importante à la lumière des malheureux incidents qui se déroulaient en même temps? La situation me semble contradictoire. Le député comprend probablement mieux que beaucoup d'entre nous ce qui se passe en Ukraine. Peut-il nous expliquer la situation?
    Monsieur le président, comme bon nombre de personnes qui vivent dans une démocratie, j'ai beaucoup de difficulté à regarder ce qui se passe en Ukraine.
    En décernant sa plus haute récompense au premier ministre, le Congrès des Ukrainiens Canadiens a souligné de façon importante les efforts déployés par le gouvernement pour défendre la liberté en Ukraine.
    Je me fonderai sur mon expérience personnelle pour répondre à la question concernant les répercussions que les mesures prises au Canada auront sur l'Ukraine.
    En 1981, j'étais encore en Pologne lorsque le gouvernement communiste a instauré la loi martiale pour étouffer le premier mouvement ouvrier indépendant dans cette partie de l'Europe dirigée par le régime soviétique. Les gens étaient rivés à leur poste de radio et de télévision en espérant que le reste du monde leur vienne en aide, et c'est ce qu'il a fait. Grâce à d'autres sociétés démocratiques, la Pologne a remporté sa lutte pour la démocratie. Puis ce fut le tour d'autres pays comme l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie ainsi que l'Ukraine. Comme toutes les démocraties, le Canada devrait se battre pour ce pays.
    Monsieur le président, j'appuie les commentaires de mon collègue, et je souhaite également y aller de ma propre intervention.
    Sur la place de l'Indépendance, pendant la révolution orange, le drapeau de la Pologne était probablement au second rang des drapeaux les plus en vue parmi ceux brandis par les Ukrainiens. J'ai communiqué avec beaucoup de Polonais pendant cette période. À la suite de la révolution orange, lorsqu'il était temps d'envoyer des examinateurs en Ukraine, j'ai rencontré à maintes reprises l'ambassadeur Ogrodzinski. Nous avons eu de très bonnes discussions.
    Je tiens à souligner que le soutien de la Pologne a été essentiel, tant au Canada qu'en Ukraine. Je crois que M. Walesa donnait également des discours en Ukraine. Le soutien était excellent.
(2030)
    Oui, monsieur le président, M. Walesa a pris la parole sur la place, tout comme l’ancien président de la Pologne. De nombreux autres dirigeants de mouvements démocratiques ont parlé en Ukraine et à l’extérieur, et c’était très important.
     Il est important d’appuyer tous ceux qui luttent pour la liberté et la démocratie dans le monde.
    Monsieur le président, je suis heureuse d'appuyer la motion présentée par le gouvernement pour stimuler la discussion sur cette question.
    Quelqu’un a demandé si notre débat, ce soir, aurait une quelconque incidence. Le simple fait que nous en débattions et que les députés soient disposés à rester à la Chambre jusqu’à une heure avancée traduit toute l’importance que nous accordons à cette question. Nous sommes ici parce que nous nous inquiétons de l’état de la démocratie en Ukraine. Lorsque la démocratie est attaquée ou fragilisée dans un quelconque pays du monde, cela a des répercussions non seulement dans ce pays, mais dans le monde entier.
     Aujourd’hui, j’espère que les personnes d’origine ukrainienne sont à l’écoute. Si elles ne le sont pas, je suis certaine qu’elles entendront parler de notre débat, car elles sont très inquiètes. La diaspora ukrainienne est solidement représentée au Canada. Dans des documents qu’ils ont publiés, ses membres ont exposé clairement leurs graves préoccupations au sujet de ce qui se passe dans leur pays d’origine. Ils sont Canadiens aujourd’hui, mais ils entretiennent encore des liens avec leur mère patrie ou le pays de leurs ancêtres, et j’ai lu dans un document produit par le Congrès des Ukrainiens canadiens que le recul de la démocratie en Ukraine les préoccupait énormément.
     Nous savons tous que pour bien fonctionner un régime démocratique doit établir une séparation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Lorsque cette séparation s’estompe, la démocratie en souffre. L’un des piliers institutionnels de la démocratie est la séparation de l’exécutif et du judiciaire. Ce pilier s’est effondré en Ukraine.
     Quand les politiciens sont au pouvoir, il peut y avoir un débat politique. Nous le savons tous. Nous tenons constamment d’excellents débats politiques dans cette arène. Parfois même les esprits s’échauffent un peu. Pourtant, le débat politique est essentiel à la démocratie parlementaire. Nous échangeons au sujet de points de vue différents. Pendant le processus électoral, nous participons aux élections. Nous exposons nos divers programmes. Nous exprimons nos différents points de vue. Au bout du compte, c’est l’électorat qui décide.
     Quand les électeurs prennent la décision d’élire un gouvernement, du même coup, ils élisent aussi l’opposition. Cette opposition a un rôle crucial à jouer dans un système démocratique comme le nôtre. En Ukraine, c’est ce système qui est sapé. Le chef du gouvernement au pouvoir, le président, se sert de son pouvoir exécutif pour punir l’opposition d’avoir des opinions différentes et il l’a fait en s’ingérant directement dans le système judiciaire. Comme chacun sait, il n’y a qu’une façon de régler des différends politiques et c’est en discutant et non pas en persécutant les gens et en intentant des poursuites devant les tribunaux.
     Nous devons nous demander quel est notre rôle dans un endroit comme celui-ci. J’ai été ravie d’entendre que les représentants de notre gouvernement avaient envoyé, à l’Ukraine, un message énergique disant que ce qu’elle fait sape la démocratie et que c’est inacceptable à nos yeux. Nous devons poursuivre le dialogue avec ce gouvernement. Nous devons recourir à la diplomatie chaque fois que nous le pouvons.
(2035)
     Nous pouvons peut-être améliorer les choses grâce à la diplomatie, mais en même temps, nous avons certaines cartes entre nos mains. L’Union européenne est prête à jouer ce genre de carte et à dire que les autorités doivent bien se conduire et commencer à respecter les institutions démocratiques faute de quoi elle ne signera pas d’accord. Elle ne dit pas qu’elle ne signera jamais. Nous avons, nous aussi, des négociations bilatérales avec l’Ukraine en ce moment. Nous ne devrions pas dire que nous allons nous retirer et que nous ne conclurons jamais d’entente. Néanmoins, comme la diaspora ukrainienne nous l’a demandé, nous devrions dire que tout accord de libre-échange que nous signerons devra protéger les droits de la personne et ceux qui ont des opinions différentes.
     Nous ne disons pas que nous ne voulons pas d’accord de libre-échange. Ce que nous voulons, c’est exercer une influence. C’est un puissant outil dont les pays comme le Canada disposent pour promouvoir les droits de la personne. J’exhorte nos négociateurs à le faire. Sans protection des droits de la personne et sans État de droit, nous devons nous demander si l’Ukraine a une démocratie. Ce sont deux choses vraiment fondamentales.
     Prenons également les engagements que nous avons pris envers l’Ukraine par l’entremise de l’ACDI. Je remarque qu’en 2009, le Canada a centré ses efforts sur l’Ukraine. Nous avons investi des millions de dollars pour améliorer les débouchés économiques des Ukrainiens dans une démocratie renforcée. Nous devons nous servir des projets de l’ACDI pour renforcer la démocratie. Parfois, lorsque nous observons des élections, ce qui est d’une importance cruciale, nous pensons que c’est chose faite. Néanmoins, à en juger par ce qui s’est passé en Ukraine, une intervention et une surveillance auraient été nécessaires depuis longtemps. Nous devons donner aux ONG les moyens de travailler avec la société civile pour bâtir et consolider la démocratie.
     Notre merveilleux projet parlementaire dans le cadre duquel nous avons fait venir des jeunes ici fournit une excellente occasion de montrer ce qu’est la démocratie. Ces jeunes repartiront chez eux avec ce bagage et deviendront là-bas des acteurs influents.
     Je ne pense pas avoir entendu qui que ce soit dire que nous devons couper toutes nos relations avec l’Ukraine et ce n’est pas non plus ce que je dis. Je dis qu’il faut utiliser les outils que nous avons et que la négociation d’un accord de libre-échange est un de ces outils. Servons-nous de cet accord de libre-échange, qui est d’une importance cruciale pour l’Ukraine, tout autant qu’il présente certains avantages pour nous, pour protéger les droits de la personne.
    Il y a aussi l'argent investi par l'entremise de l'ACDI. Examinons notre mandat, qui consiste à renforcer la démocratie. Voyons comme nous pourrions utiliser, rediriger ou canaliser nos efforts pour renforcer la démocratie en travaillant de concert avec des organisations de la société civile.
    Dans toute démocratie, il y a une autre chose qui est extrêmement importante, et c'est la protection des médias. Le rapport rédigé par le Congrès des Ukrainiens aborde les menaces qui planent sur la liberté des médias. Lorsque les médias sont menacés et ne peuvent plus présenter les nouvelles parce qu'ils se sentent bâillonnés, c'est le signe qu'on se dirige de plus en plus vers un régime autoritaire. Nous ne voulons sans doute pas poursuivre des négociations avec un État autoritaire sans d'abord l'informer que c'est le genre de situation qui nous préoccupe et que nous l'invitons à examiner de plus près.
    Les journalistes affirment qu'ils sont menacés et que, par conséquent, ils se tiennent tranquilles. En outre, le fait que l'octroi de licences aux médias soit lié de près au système judiciaire et au Cabinet suscite aussi d'importantes préoccupations.
(2040)
    N'oublions pas non plus les violations des droits de la personne et l'intimidation. Il n'est pas uniquement question de la chef de l'opposition. Elle n'est pas la seule visée. Beaucoup d'autres personnes sont également visées. Il nous incombe à tous d'exiger une démocratie forte en Ukraine.
    Monsieur le président, je semble constater une obsession au sujet des accords commerciaux. Voici la question que j'aimerais poser à ma collègue: si le gouvernement inscrivait dans les accords de libre-échange que les pays signataires doivent respecter la démocratie et les droits de la personne, le NPD voterait-il en faveur des accords de libre-échange?
    Monsieur le président, pour la gouverne de tous, je ne suis pas du tout obsédée par les accords de libre-échange. Il me vient en tête bien d'autres choses sur lesquelles je pourrais davantage faire une obsession.
    Pour l'heure, l'un des atouts que le Canada a en main, ce sont les négociations sur le libre-échange. D'après ce que je lis, le Congrès des Ukrainiens canadiens veut constitutionnaliser les droits de la personne. Il ne suffit pas d'inscrire ces mots dans la Constitution, mais de les traduire par des actions concrètes.

[Français]

    Monsieur le président, je voudrais remercier ma collègue de son excellent discours. C'était très intéressant. J'aimerais revenir sur un point assez crucial de son discours. Elle a parlé de la séparation du système exécutif du système judiciaire. La séparation de ces deux aspects d'une société est vraiment primordiale.
    J'aimerais qu'elle parle davantage des nombreux problèmes que cela pourrait causer et quel genre de précédents pourrait provoquer le mélange de ces deux systèmes.

[Traduction]

    Monsieur le président, certains députés ne le savent peut-être pas, mais j'ai déjà enseigné l'histoire. Dans le cadre de mes études et en regardant rétrospectivement différents gouvernements, j'ai entre autres appris que, dès que la séparation absolue entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire disparaît au sein d'un gouvernement, il y a atteinte fondamentale à la démocratie. Il ne suffit pas de séparer le pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif et de l'organe décisionnel, le Parlement; il faut également protéger la liberté d'expression et l'immunité des journalistes afin qu'ils puissent rapporter ce qu'ils voient sans crainte de représailles. Il s'agit là d'un aspect fondamental d'une société démocratique.
    Monsieur le président, la députée a pu apprendre ce soir que, vendredi dernier, à Toronto, le premier ministre s'était vu décerner le plus grand honneur du Congrès des Ukrainiens du Canada, le prix Taras Chevtchenko. Voici ce qu'il a déclaré au moment de recevoir ce prix:
    Par conséquent, je veux être clair. Notre gouvernement est très préoccupé par la voie dans laquelle le gouvernement de l'Ukraine semble s'engager. Les événements de mardi pourraient avoir de lourdes conséquences sur nos relations bilatérales. Le peuple ukrainien peut compter sur le Canada pour défendre sa liberté. Le Canada est toujours prêt à aider [...] les institutions démocratiques à prendre racine, tant en Ukraine qu'ailleurs dans le monde.
    La députée pourrait-elle nous dire si elle est d'accord avec le premier ministre là-dessus et si elle croit que le peuple ukrainien entendra cette déclaration?
(2045)
    Monsieur le président, je suis d'accord sur ce point. Ce sont les mots qu'il fallait employer dans ces circonstances. Le premier ministre du Canada a été honoré par la diaspora ukrainienne. C'est le plus grand honneur, et il était approprié qu'à cette occasion, il parle d'un sujet dont il était peu question et le propulse à l'avant-scène.
    C'est grâce à la position qu'a prise le premier ministre à cette occasion que nous pouvons aujourd'hui mettre davantage de pression sur le gouvernement ukrainien. Je crois que le débat de ce soir aura pour effet de faire sentir cette pression au gouvernement ukrainien, et nous devrons envisager d'autres moyens de pression également. Souvent, les mots ne suffisent pas. Parfois, il faut les appuyer par des gestes concrets, et nous avons quelques outils en réserve pour y parvenir.
    Monsieur le président, j’aimerais féliciter la députée d’en face pour l’exposé très efficace qu’elle nous a présenté ce soir. Les gens d’ascendance et de culture ukrainiennes dans ma circonscription entretenaient des liens étroits, même à l’époque où l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique. Un grand nombre d’entre eux rendaient visite aux membres de leur famille qui étaient malheureusement forcés de rester en Union soviétique et qui n’avaient pu immigrer au Canada. Un grand nombre ont immigré au Canada à la fin des années 1800.
    Nous avons vu une progression. Au début, ils essayaient seulement d’aider leur famille à survivre dans l’Ukraine soviétique, puis les choses ont changé. Je me souviens qu’au début des années 1980, l’Ukraine faisait encore partie de l’Union soviétique, mais à l’époque des agriculteurs ukrainiens sont venus ici pour étudier la gestion commerciale agricole. J’étais économiste agricole et j’ai donc travaillé un peu avec eux. Ils voulaient apprendre à gérer une exploitation agricole. C’était peine perdue, car ils ne comprenaient pas du tout le système de la libre entreprise.
    Puis le pays est devenu démocratique. De là, les choses ont progressé très lentement, je dirais, mais il y avait de l’espoir. Les Canadiens d'ascendance ukrainienne allaient plus souvent en Ukraine. Ils ont entrevu une lueur d’espoir et les choses progressaient. Maintenant, nous avons cette affaire.
    Le 6 août, Ioulia Timochenko a été arrêtée. En passant, elle a été première ministre, donc une personnalité politique de premier plan, et elle est actuellement députée de l’opposition. Lors de son arrestation, le ministre des Affaires étrangères a fait la déclaration suivante:
    Le Canada est préoccupé par la persécution, et aujourd’hui par l’arrestation, apparemment imputables à des motifs politiques, de Ioulia Timochenko. L’ingérence apparente de considérations politiques dans les procédures judiciaires compromet la primauté du droit dans la société. Le Canada exhorte le gouvernement ukrainien à renforcer l’indépendance du système judiciaire et continue d’appuyer l’Ukraine dans ses efforts en vue de construire une société pacifique, démocratique et prospère.
    Puis, le 11 octobre, le ministre des Affaires étrangères a déclaré: « Dans ma récente lettre au président Viktor Ianoukovitch, j’exhorte le gouvernement ukrainien à renforcer l’indépendance et les moyens dont dispose le pouvoir judiciaire. » Il a continué en disant: « Les faits qui se sont déroulés aujourd'hui peuvent avoir de graves conséquences sur nos relations bilatérales. »
     La députée a déjà mentionné l’accord commercial. Plus précisément, quelle autre mesure prendrait-elle maintenant si elle pouvait décider de la ligne de conduite du gouvernement du Canada relativement à cette affaire en Ukraine?
    Monsieur le président, je tenterai de répondre le plus précisément possible à la question.
    Jusqu'ici, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont soulevé la question. De plus, dans la dernière citation qu'il a lue, le député a indiqué qu'il y aurait des répercussions directes, que les relations bilatérales étaient menacées. Il s'agit là de mesures soigneusement calculées, qui sont prises une après l'autre. Nous savons que pour l'Ukraine, l'accord de libre-échange est fort important, tout comme l'intégration à l'Union européenne d'ailleurs.
    Nous ne voulons pas isoler l'Ukraine. Ce n'est pas ce que je veux dire. Toutefois, c'est un levier que nous pouvons utiliser. Nous pourrions aussi nous servir de certains projets de l'ACDI afin de renforcer notre appui à la société civile. À bien des égards, si on renforce la société civile, celle-ci devient capable de faire bouger les choses. Notre travail, en tant que pays étranger, est d'emprunter la voie diplomatique en utilisant tous les outils à notre disposition.
(2050)
    Monsieur le président, je tiens à préciser tout de suite que je partagerai mon temps de parole avec le député de Souris—Moose Mountain.
    Je suis heureux de participer à ce débat important et opportun. Comme les députés le savent, le Canada a mené le mouvement international visant à protester contre la condamnation de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko, survenue la semaine dernière. À la suite de l'annonce de sa condamnation, le ministre des Affaires étrangères a fait une déclaration sans équivoque indiquant que le Canada est inquiet de la façon dont les autorités ukrainiennes ont arrêté, accusé et condamné Ioulia Timochenko.
    Lorsque Mme Timochenko a été arrêtée pour la première fois, en août, le gouvernement canadien a fait valoir que les apparences de parti pris politique que revêtaient les procédures judiciaires allaient à l'encontre de la primauté du droit. Il a donc demandé au gouvernement de l'Ukraine de renforcer l'autonomie du système judiciaire. En septembre, le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères ont écrit au président de l'Ukraine, M. Ianoukovitch, pour lui réitérer que le Canada s'inquiète du processus ainsi que du caractère politique que semblent revêtir les procédures judiciaires.
    Le Canada n'est pas le seul pays à exprimer de la consternation. Les pays membres de l'Union européenne et les États-Unis, entre autres, ont condamné le procès et la condamnation et ont parlé d'application sélective de la justice dans des poursuites motivées par des intérêts politiques. En gage de reconnaissance envers les 1,2 million de Canadiens d'ascendance ukrainienne qui ont tellement contribué à bâtir le Canada, nous devons affirmer aussi clairement que possible aux autorités ukrainiennes qu'elles doivent respecter les droits fondamentaux de la personne et la primauté du droit.
    Le terrible paradoxe de cette situation vient du fait que le président Ianoukovitch est arrivé au pouvoir en 2010 au terme d'un processus électoral reconnu comme libre et juste. Ces élections marquaient une véritable étape dans l'établissement de la démocratie en Ukraine. Or, on constate aujourd'hui que ce gouvernement s'emploie à réduire à néant les institutions mêmes qui l'ont porté au pouvoir.
     L'autre paradoxe c'est que plus de 300 Canadiens ont participé à ce processus électoral à titre d'observateurs, dans le cadre de la contribution que le Canada fait depuis 2004 pour l'établissement de la démocratie en Ukraine. L'appui du Canada aux institutions démocratiques de l'Ukraine n'est qu'un exemple de ce que le Canada et les Canadiens ont fait pour aider à instaurer la démocratie en Ukraine depuis son indépendance en 1991. Au terme de 70 ans de domination soviétique, il y avait certes énormément de travail à faire pour bâtir une démocratie. Le moins qu'on puisse dire c'est que de parler de déficit démocratique après tant de temps revient à présenter les choses très poliment.
     Il fallait mettre en place non seulement des institutions et des processus, mais également tous les freins et contrepoids que nous tenons pour acquis au Canada, tous ces instruments qui assurent que la volonté du peuple sera respectée. Il fallait également instaurer la foi dans la démocratie, amener le peuple à croire que sa voix pouvait être prise en compte, « qu’un gouvernement doit travailler dans l’intérêt de sa population, et non pas l’inverse », comme le premier ministre l'a dit l'an dernier lorsqu'il est allé en Ukraine. Une reconstruction de cette ampleur prend du temps.
    La révolution orange de 2004 a été l'une des premières réalisations audacieuses et courageuses de ce pouvoir populaire dans la nouvelle Ukraine indépendante. Les Ukrainiens ont exprimé leur colère face à la corruption politique qui selon eux avaient marqué les élections présidentielles et ils sont descendus par milliers dans les rues; ils y sont restés jusqu'à ce que ces résultats soient annulés et que de nouvelles élections soient tenues. Plus tôt ce soir, nous avons entendu des interventions pleines de fougue de la part de gens qui étaient sur place à l'époque et nous avons entendu parler de la réaction des Ukrainiens à cette très importante révolution orange.
    Même si, dans les années subséquentes, la révolution orange est loin d'avoir tenu toutes ses promesses, le pays a néanmoins fait des progrès sur le plan démocratique, notamment avec l'accroissement de la liberté de presse et de la liberté politique. Ce sont ces libertés, pour lesquelles les Ukrainiens se sont battus, qui sont encore une fois en jeu. Le cas de Mme Timochenko n'est qu'un parmi tant d'autres. En effet, plus de 12 membres et haut fonctionnaires du gouvernement précédent ont été détenus dans le cadre d'enquêtes criminelles. Outre Mme Timochenko, un ancien ministre a également été emprisonné et un autre a fui vers la République tchèque, où il a obtenu le statut de réfugié politique.
    Je suis persuadé que ces mesures d'intimidation ne triompheront pas. Nous devons continuer à exhorter le gouvernement ukrainien à renforcer l'indépendance judiciaire et à soutenir les efforts visant à instaurer une société pacifique, démocratique et prospère en Ukraine, car nous entretenons des liens étroits avec les Ukrainiens.
    Qui peut oublier la générosité de la communauté ukraino-canadienne qui, en 1991, a assumé la majorité des coûts associés à l'ouverture de l'ambassade ukrainienne à Ottawa après son accession à l'indépendance? Cette générosité et ce soutien de principe se reflètent dans le soutien que nous fournissons à l'Ukraine depuis son indépendance en 1991.
(2055)
    Le Canada a fourni du soutien sur tous les fronts, notamment dans le cadre de programmes d'aide — le Canada est le quatrième donateur en importance d'aide bilatérale à l'Ukraine —, dans le cadre de programmes de coopération en matière d'instruction militaire et dans le cadre de programmes de soutien visant à réduire le trafic de matériaux nucléaires et radiologiques, un sombre héritage de l'ère soviétique.
    Il faut que cessent ces procès retentissants à caractère politique visant à intimider et à faire taire les voix démocratiques de l'opposition. Si, comme il le prétend, le gouvernement ukrainien veut vraiment s'attaquer à la corruption, il doit le faire dans le cadre d'un processus transparent qui respecte les normes internationales et qui est réellement indépendant.
    Comme bon nombre de commentateurs l'ont souligné, Mme Timochenko a subi un procès parce qu'elle a conclu des ententes exécutoires dont on ne conteste pas la légalité. En criminalisant une décision jugée inappropriée ou erronée de la part d'un représentant élu — ce qui semble avoir été le cas dans le procès de Mme Timochenko — , l'Ukraine renie visiblement l'autorité...
    À l'ordre. Nous passons maintenant aux questions et observations. Le député de Colombie-Britannique-Southern Interior a la parole.
    Monsieur le président, j'aimerais connaître l'opinion de mon collègue sur ce qui suit.
    M. Alexandre Tourchinov, qui est le sous-chef du parti Batkivtchina en Ukraine, a affirmé que les actions récentes du service de sécurité de l'Ukraine s'inscrivent dans le droit fil de la répression politique exercée contre l'opposition et que les dernières accusations portées contre Ioulia Timochenko à propos des sommes dues à la Russie par l'United Energy Systems of Ukraine sont absurdes et sans fondement. Il affirme aussi que ces nouvelles accusations sont encore plus absurdes que les accusations fabriquées qui avaient été portées au cours de la dernière année contre Mme Timochenko et qui avaient fait l'objet d'une enquête.
    Mon collègue convient-il qu'il semble y avoir une tendance à réduire au silence l'opposition? Nous avons entendu parler d'autres exemples ce soir. Mon collègue est-il d'avis que ces accusations sont une tentative ultime pour faire taire la personne qui pourrait être la principale rivale du président actuel lors des prochaines élections?
    Monsieur le président, je suis complètement d'accord avec le député. Je crois que nous observons une tendance, comme je l'ai mentionné il y a quelques instants.
    Ce n'est pas seulement Ioulia Timochenko qui est victime de persécution en raison de sa participation au processus démocratique en Ukraine. Plusieurs autres personnes sont aussi ciblées. Il semble qu'une constante se dégage ici. C'est pourquoi le premier ministre a écrit au président Ianoukovitch le 14 octobre pour lui faire part de ce qui suit:
[...] je suis très préoccupé par le fait que le procès de Mme Timochenko ne s'est pas déroulé conformément aux normes reconnues d'équité ou d'application régulière de la loi. Nous savons tous qu'une opposition politique vigoureuse et l'indépendance judiciaire sont essentielles pour bâtir une Ukraine démocratique et prospère. Le Canada appuiera l'Ukraine chaque fois que ce pays fera un pas vers la liberté, la démocratie et la justice.
    Cependant, notre politique étrangère est motivée par les principes, notamment la défense de la liberté. Comme le député l'a signalé, ces autres cas semblent enfreindre les principes de démocratie et de liberté, et nous nous y opposerons également.
    Monsieur le président, j'aimerais rappeler à tous mes collègues que, dans le cas de l'Ukraine, on traite avec des gens qui ne suivent pas les mêmes règles auxquelles nous sommes habitués dans les pays démocratiques. Ce sont des gens qui utilisent le système judiciaire pour mettre hors jeu des opposants politiques, faire fi de la liberté de presse et se débarrasser de ceux qui entretiennent des opinions différentes des leurs. Nous devons le reconnaître.
    Si nous devons prendre des mesures décisives, en tant que pays démocratique, nous ne devrions pas craindre de le faire. J'aimerais entendre l'avis de mon collègue à ce sujet.
(2100)
    Monsieur le président, il y a quelques instants, le député de Mississauga-Est—Cooksville a fait un plaidoyer très enflammé.
    Il sait de quoi il parle. Il a vécu l'oppression du régime communiste en Pologne et est arrivé au Canada avec des rêves de liberté et de démocratie. Il nous a dit ce soir que les Ukrainiens écouteront ce que nous avons à dire et que nos paroles les encourageront à se battre pour la liberté dans leur pays.
    Je veux profiter de l'occasion pour le remercier de son intervention. Ce sont des propos que je n'aurais pas pu prononcer moi-même, car contrairement à lui, je n'ai jamais vécu sous un tel régime. Je pense que les Canadiens partout au pays devraient entendre ces paroles et prendre conscience que ce que nous disons à la Chambre des communes ce soir et partout au pays au sujet de cette terrible atteinte à la démocratie en Ukraine apportera un certain réconfort à nos amis en Ukraine. Le Canada livrera bataille à leurs côtés pour réclamer la liberté, la démocratie et la primauté du droit en Ukraine.
    Monsieur le président, c'est pour moi un privilège et un honneur d'intervenir sur cette motion concernant l'érosion de la démocratie en Ukraine et la poursuite et la condamnation arbitraires et politiquement motivées de l'ancienne première ministre Ioulia Timoshenko par les autorités ukrainiennes. Ce débat et cette motion sont manifestement très importants.
    J'ai eu l'occasion d'aller en Ukraine et d'y participer à la surveillance des élections. Je pensais que l'Ukraine avait pris un virage et s'était bien engagée sur la voie de la démocratie et de la justice.
    J'estime aussi que c'est un honneur et un privilège pour moi d'intervenir aujourd'hui parce que mon grand-père, Nicolas, venait de la zone d'Ivano-Frankivsk, dans le sud-ouest de l'Ukraine. Il est venu ici à la recherche de la démocratie et de la liberté. Ce sont évidemment des valeurs précieuses.
    Quand nous étions là-bas, dans le cadre de la surveillance des élections avant 2010, j'ai eu la conviction que l'Ukraine avait la possibilité d'aller de l'avant. Elle avait la possibilité de montrer l'exemple de ce que l'on peut faire. Quand un gouvernement est à la tête d'une démocratie, cela veut qu'il la dirige pour le bien du peuple et non pour son propre bien. On sait qu'il avait cette possibilité.
    L'une des conditions de la démocratie, c'est qu'on peut perdre lors d'élections démocratiques justes et libres. On ne doit pas réduire ses opposants au silence en les emprisonnant, en les menaçant ou en les poursuivant. Cela ne se fait pas.
    La démocratie comporte des droits fondamentaux, le droit à un procès juste, le droit d'être présumé innocent et le droit d'avoir un procès au terme duquel les observateurs pourront dire que non seulement justice a été rendue mais qu'on a pu le voir. On ne doit pas pouvoir se dire qu'on s'en est pris à des personnes qui étaient précédemment des dirigeants politiques.
    Ioulia Timoshenko était la dirigeante du plus grand parti d'opposition de la Verkhovna Rada. Elle a aussi été première ministre en 2005 et de 2007 à 2010. C'est une des personnes qui ont détenu une charge publique et pris des décisions à ce titre.
    Dans son discours au Congrès des Canadiens ukrainiens, le Premier ministre a déclaré:
    Nous savons qu'une opposition politique vigoureuse et l'indépendance judiciaire sont essentielles pour bâtir une Ukraine démocratique et prospère.
    Ce sont là deux piliers extrêmement importants dans une démocratie. On fait échec à l'opposition politique en se servant des outils du gouvernement et des outils du système judiciaire. En fait, si c'est l'appareil judiciaire lui-même qui étouffe cette opposition, c'est un signe de recul. C'est une chose que l'on ne devrait pas permettre.
    C'est une bonne chose que le premier ministre ait écrit au président Ianoukovitch. Il tenait à lui communiquer sa profonde inquiétude face au fait que le déroulement du procès de Mme Timochenko ne reflète pas les normes acceptées de la procédure normale et de l'équité.
    Lorsqu'on considère la peine qui a été imposée, sept ans, c'est assez remarquable compte tenu de l'imminence des élections parlementaires en 2012 et de la tenue des prochaines élections présidentielles en 2015. Comment ces élections pourraient-elles être déclarées libres et justes si les dirigeants des deux partis d'opposition, y compris le chef de l'opposition officielle, ne peuvent y participer? C'est impensable.
    Toutefois, ce n'est que la pointe de l'iceberg. S'agissant de la liberté de la presse, de la liberté de réunion et de la liberté d'expression, on constate que toutes ces libertés sont étouffées. Quant à ce qui est arrivé aux leaders politiques en plein jour, nous considérons que c'est un symptôme d'un phénomène plus profond qui touche toutes les couches de la société et qui doit disparaître.
    Au cours de la révolution orange, nous avons été témoins de l'espoir d'un peuple et de son aspiration à former une grande nation. Cet espoir doit être ravivé. Même si le pays a fait un ou deux pas en arrière, la marche en avant doit se poursuivre. Des idéaux de liberté et de démocratie ont été exprimés lors de la révolution orange, et je pense qu'il faut continuer sur cette lancée.
(2105)
    L'important, ce sont les jeunes qui étaient là, les personnes impressionnables. Ceux et celles qui ont goûté à la démocratie et à la liberté ne peuvent revenir en arrière. Je m'adresse à eux: ils ne doivent pas reculer. Ils doivent aller de l'avant.
    Quant aux personnes qui occupent des postes de leadership ou qui sont des symboles d'autorité, il n'est pas trop tard pour réparer le mal qui a été fait. Il n'est pas trop tard pour que ceux que l'on a condamnés voient leur peine commuée à la suite d'un appel ou autrement, de façon à ce qu'ils puissent participer aux élections. Le temps est venu d'avancer, et non de reculer.
    Monsieur le président, mon collègue a mentionné plus tôt qu'il régnait une culture d'intimidation dans certains des anciens régimes soviétiques.
    J'aimerais vous raconter une anecdote à propos des élections ratées de 2004, auxquelles j'ai assisté. Il y avait le président élu, la même personne, et le régime qui appuyait son élection et voulait le maintenir en place. Pendant mon séjour, j'ai fait l'objet d'une filature par la police secrète. On a mis une flaque de sang dans ma chambre pour m'intimider. Il y avait aussi des bols de fruits pour m'effrayer, puisque à l'époque les menaces d'empoisonnement étaient fréquentes. Des conversations téléphoniques où la ligne se coupait subitement. Des appels téléphoniques où un des interlocuteurs devenait silencieux. Ces manoeuvres étaient constantes. Pourquoi? Parce que je transmettais des nouvelles de la place de l'Indépendance au Canada, et que je disais aux Canadiens quelle était la situation sur place.
    C'était une culture d'intimidation à l'époque. Et tout indique que cette culture d'intimidation revient de plus belle.
    Monsieur le président, de toute évidence, le député a eu l'occasion de voir comment les choses peuvent se dérouler. Il a aussi pu voir les espoirs et les aspirations des citoyens. Il est difficile de juguler ces espoirs et ces aspirations, sauf si on utilise des tactiques d'une époque révolue, une époque où les gens étaient opprimés, ne pouvaient pas s'exprimer, n'avaient pas la liberté de parole, ne pouvaient pas se réunir et faire connaître leurs idées. Mais maintenant, ils ont goûté à cette liberté. Ils la connaissent. Il serait regrettable et dangereux de tenter de revenir à l'ancien système.
    On doit donner aux citoyens de l'Ukraine la possibilité de progresser, de profiter des avantages de la démocratie et de voir comment fonctionne un vrai système judiciaire, dans lequel les accusations ne sont pas inventées de toutes pièces mais fondées sur des faits, justifiées et présentées de manière équitable; un système dans lequel les citoyens sont présumés innocents et peuvent se défendre.
    Nous attendons avec impatience que les dirigeants actuels prennent des mesures et fassent le nécessaire afin de régler les problèmes.
(2110)
    Monsieur le président, à la Chambre des communes, quand nous voulons museler l'opposition, nous le faisons en établissant de meilleurs liens avec la population canadienne, en tenant un meilleur débat à la Chambre des communes et en adoptant des positions auxquelles adhèrent un plus grand nombre de gens. C'est ainsi qu'on procède dans un pays démocratique.
    C'est pourquoi, quand nous voyons ce qui se passe en Ukraine — notamment la série d'accusations complètement bidons contre une ancienne première ministre, qui a été traduite devant la justice, puis emprisonnée —, nous savons que la situation est très grave. En fait, cette situation est essentielle à l'avenir à long terme de l'Ukraine. On ne peut pas l'oublier. Si les mesures prises ne sont pas renversées, je ne vois pas comment l'Union européenne, les États-Unis ou le Canada pourraient tout simplement ne pas intervenir et prétendre que rien ne s'est produit. Nous croyons en la démocratie. Nous ne pouvons tout simplement pas faire cela. Sinon, nous laissons tomber le peuple ukrainien et nos principes démocratiques.
    Selon le député, quelle importance faut-il accorder à cette situation? Quelles seraient les conséquences probables ou même certaines, si ces accusations bidons, ces arrestations — et je ne parle pas seulement du cas de l'ancienne première ministre — ne sont pas réglées d'une manière plus digne d'une démocratie? Quelles pourraient être les conséquences possibles à long terme pour l'Ukraine?
    Avant d'accorder la parole au député de Souris—Moose Mountain, je rappelle aux députés qu'ils doivent porter attention à la présidence pendant la période des questions afin que je puisse donner des indications de temps.
    Le député de Souris—Moose Mountain a la parole pour une brève réponse.
    Merci, monsieur le président. Nous ferons certainement attention à vos signaux.
    La question est sérieuse. Si la tendance observée ne change pas, cela pourrait nuire aux dirigeants actuels et sans aucun doute au peuple ukrainien. La population doit être rassurée. Il faut regagner sa confiance. Les Ukrainiens doivent voir que des mesures progressistes sont prises et qu'ils ne reviennent pas en arrière, mais avancent. Je crois que les jeunes Ukrainiens tout particulièrement et tous leurs concitoyens ne veulent absolument pas refouler davantage leurs aspirations.
    Je dirais que la tendance doit être renversée et que cela peut encore se faire si différentes personnes mettent de la pression à différents niveaux.
    Monsieur le président, comme beaucoup de Canadiens, et, je crois, tous les députés à la Chambre, je suis très préoccupé par la persécution pour des motifs politiques dont sont victimes les députés de l'opposition ukrainienne, y compris l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko.
    À maintes reprises, Ioulia Timochenko et Viktor Iouchtchenko, qui étaient venus ici, nous ont parlé de l'espoir qui régnait en Ukraine lors de la révolution orange de 2004. Nous avons entendu leur message d'espoir. Comme j'ai un peu de sang ukrainien dans les veines, j'étais très heureux que l'Ukraine ait finalement la chance d'être un membre véritable et à part égale de la communauté mondiale.
    Puis, en 2010, Viktor Ianoukovitch a remporté de justesse les dernières élections présidentielles.
    Je me suis rendu brièvement en Ukraine cet été. J'ai parlé à des membres de ma famille et à d'autres personnes. Il semble régner un sentiment de découragement dans le pays, surtout depuis la prise au pouvoir d'Ianoukovitch.
    En faisant quelques recherches, j'ai trouvé un article dans The Guardian qui décrit ce qui se passe. Le pays est entaché par la corruption depuis de nombreuses années. Dans l'article, on dit ce qui suit:
    En 2004, on a surpris Ianoukovitch en train de tenter de truquer les résultats électoraux. C'était honteux.
    Le député a parlé de sa présence aux élections.
    Le journaliste a ajouté que, juste avant les élections de 2010, il avait soupé avec des adjoints de Ianoukovitch qui avaient tenté de le convaincre que celui-ci était un Européen démocrate et passionné, qui croyait que le destin géopolitique de l'Ukraine reposait sur l'Union européenne, et ainsi de suite. Il a aussi déclaré ce qui suit:
    Dix-huit mois plus tard, les choses semblent être plutôt différentes. La décision prise aujourd'hui par un tribunal de Kiev d'imposer une peine d'emprisonnement de sept ans à Ioulia Timochenko pour abus de pouvoir relativement à un accord controversé sur le gaz signé en 2009 avec la Russie envoie un message non équivoque. Ce message dit que Ianoukovitch ne se soucie pas vraiment de ce que l'Union européenne pense de lui. Il confirme également ce que les détracteurs de Ianoukovitch disent depuis un certain temps, soit que, depuis qu'il est au pouvoir, le pays se dirige vers une « démocratie gérée » et un régime autocratique à la russe.
    L'article se poursuit comme suit:
    Depuis qu'il est arrivé au pouvoir, Ianoukovitch a renversé rapidement les gains démocratiques fragiles de la révolution orange.
    Nous devons nous rappeler que cette révolution était fragile et nouvelle.
    Il a resserré le contrôle exercé sur les médias indépendants du pays; la télévision se trouve maintenant entre les mains d'un groupe d'oligarques favorables au régime. Des journalistes fouineurs de l'opposition, comme le journaliste d'enquête Vasil Klimentiev — ont disparu. Au Parlement, le Parti des régions de Ianoukovitch a décroché la majorité des sièges en ayant recours à des moyens douteux. Timochenko et de hauts responsables de son groupe ont fait l'objet de poursuites judiciaires motivées par des raisons politiques [...]
    Selon certaines rumeurs, à la suite de la condamnation de Timochenko, Ianoukovitch, ayant eu gain de cause, cherchera à conclure une forme d'entente. Selon une version, les accusations portées contre elle seront « décriminalisées »; selon une autre, elle sera libérée contre l'acquittement d'une lourde amende [...]
    Toutefois, il est évident que l'affaire a été montée pour arrêter Timochenko et pour paralyser les forces pro-occidentales et anti-Ianoukovitch qu'elle représente.
    Elle ne pourra pas se présenter aux deux prochaines élections en Ukraine: les élections parlementaires, qui auront lieu en 2012, et les élections présidentielles, qui se dérouleront en 2015. Apparemment, c'était l'objectif visé. Des milliers de sympathisants de Timochenko sont descendus dans les rues de Kiev aujourd'hui pour protester bruyamment contre les tactiques brutales d'Ianoukovitch, qui rappellent les jeux de coulisse politiques qui avaient cours en Ukraine il y a dix ans.
    On peut comparer ce procès à celui de Mikhaïl Khodorkovski, l'oligarque russe qui s'était brouillé avec Vladimir Poutine.
    Nous constatons une tendance.
    Mes recherches m'ont permis de constater qu'il semble y avoir une volonté chez les partis de l'opposition de décriminaliser des parties du code criminel qui ont permis de condamner l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko. Toutefois, ils n'arrivent pas à s'entendre sur la manière de procéder. Le chef du Parti Batkivchtchina, Ivan Kirilenko, souhaite réétudier le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. En pareil cas, le président Ianoukovitch pourrait dire aux politiciens d'Europe à Bruxelles que la question de la poursuite judiciaire de l'opposition est résolue. Nous devons nous rappeler qu'il ira bientôt à Bruxelles et qu'il voudra faire bonne figure.
(2115)
    Nikolaï Martinenko, le chef du Parti NU-NS, appuie Kirilenko et réclame l'étude du projet de loi. Toutefois, le Parti des régions, qui est majoritaire, et son chef, Alexander Efremov, n'ont pas pris une position définitive à cet égard. En fait, ce dernier a dit que cela créerait un précédent, il use donc de tactiques politiques. N'oublions pas qu'il s'agit là du parti de Ianoukovitch. Cette situation est, de toute évidence, fort troublante.
    Le site Web d'un organisme qui s'appelle la Eastern Partnership Community présente un portail analytique où se déroulent des débats d'idées sur les événements. Un journaliste du nom de Valery Kalnysh, qui est le chef de pupitre politique de l'édition ukrainienne du quotidien Kommersant, a mentionné qu'elle pourrait être coupable, mais il ajoute qu'il ne croit pas qu'il était nécessaire de lui faire subir un procès et de la traîner devant les tribunaux pour une erreur de ce genre, si erreur il y a eu.
    Il dit que l'affaire est évidente. Selon lui, le gouvernement actuel ne veut pas montrer que l'Ukraine est un État de droit et qu'à entendre Ianoukovitch, on ne peut pas en conclure que la justice arrêtera tous les criminels, peu importe le rang qu'ils occupent dans la société. Il considère que l'affaire Timochenko est un procès-spectacle pour intimider l'opposition. Il ajoute qu'il connaît une trentaine de personnes de l'entourage de Timochenko qui sont actuellement détenues ou qui ont le bureau du procureur à leurs trousses. À l'inverse, un seul politicien du Parti des régions, qui détient la majorité parlementaire, fait l'objet d'une procédure semblable actuellement.
    Lorsqu'on y regarde de près, on constate que ce n'est pas seulement l'ancienne première ministre qui est visée, mais toute l'opposition que l'on essaie de museler, en particulier à l'approche des élections.
    Ioulia Mostova, rédactrice en chef de l'hebdomadaire Dzerkalo Tyzhnya, dit que l'affaire Timochenko est la manifestation d'une tradition nationale ukrainienne, soit l'idée que ceux qui gouvernent doivent par principe persécuter l'opposition depuis 1991. Elle dit qu'en s'attaquant à Ioulia Timochenko, on adopte le comportement que tous ceux qui suivent la politique ukrainienne attendaient. Ce n'est pas une surprise pour ceux qui suivent de près la situation, y compris les journalistes. Elle dit en outre que, selon elle, l'ampleur des mesures prises contre l'ancienne chef du gouvernement est disproportionnée comparativement aux infractions commises.
    Que devrions-nous faire? Quelques-uns parmi nous ont reçu des recommandations du Congrès des Ukrainiens du Canada, qui propose une stratégie au gouvernement du Canada. Toute mesure prise par le gouvernement du Canada ne doit pas entraîner un isolement de l'Ukraine. Nous ne pouvons pas agir ainsi. Nous devrions indiquer clairement que nous ne serons favorables à l'accord de libre-échange que si les droits de l'ancienne première ministre sont respectés. Cependant, nous ne devrions pas isoler le pays.
    Nous devrions recadrer la stratégie de l'ACDI. Selon le congrès, celle-ci devrait être axée sur un appui aux ONG ukrainiennes qui établissent et renforcent les organisations politiques et civiles, protègent le processus électoral et promeuvent la participation citoyenne, la transparence et la responsabilité du gouvernement.
    De plus, nous devrions aider les médias indépendants. Quelques députés ont parlé des persécutions contre les médias et des journalistes qui ont disparu. Cela me rappelle un livre d'une journaliste russe que j'ai lu juste avant qu'elle soit tuée à Moscou pour avoir levé le voile sur le gouvernement Poutine et ses activités.
    Nous avons un rôle à jouer en tant que parlementaires et en tant que membres du gouvernement du Canada. Nous devons appuyer notre premier ministre lorsqu'il demande que des mesures soient prises rapidement dans ce dossier. Toutefois, nous ne devrions pas isoler l'Ukraine. Nous devons collaborer avec nos frères et soeurs en Ukraine pour que leur pays soit enfin gouverné dans le respect de la démocratie.
(2120)

[Français]

    Monsieur le président, je remercie le député de son discours.
    Le NPD est très préoccupé par la persécution pour des raisons politiques et l'arrestation de députés de l'opposition ukrainienne. Les députés du NPD demandent au gouvernement de s'assurer du respect des droits de la personne en Ukraine.
    L'honorable député peut-il nous dire comment cette situation affecte les citoyens canadiens d'origine ukrainienne?
    Monsieur le président, je remercie ma collègue de sa question. En tant que citoyen canadien d'origine ukrainienne et russe, j'ai de la famille, comme bien des Ukrainiens ici, au Canada. On a des liens très étroits avec des amis et de la famille et ça nous touche, parce qu'on communique avec eux. Comme je l'ai dit tout à l'heure, ce qui se passe là-bas est un peu déprimant. Le pouvoir est maintenant entre les mains d'un président qui représente pas toute l'Ukraine, mais la région à l'Est, qui est sous l'influence de la Russie. Cela se voit au sein de son Parlement. Les députés qui viennent de cette région ne peuvent même pas parler l'ukrainien; ils font leurs discours en russe. Nous suivons la situation de près et on devrait continuer à le faire, et appuyer les citoyens de l'Ukraine pour qu'un jour, ils puissent avoir les mêmes droits que nous avons ici, au Canada.
(2125)

[Traduction]

    Monsieur le président, je crois fermement que nous Canadiens, nous parlementaires des deux côtés de la Chambre, et je suis vraiment désolé de constater qu'il n'y a pas de députés libéraux...
    À l'ordre. Je rappelle à tous les députés qu'ils ne doivent pas formuler de remarques sur la présence ou l'absence d'autres députés.
    Le député de Mississauga-Est—Cooksville a la parole.
    Monsieur le président, je m'excuse.
    Nous devons tous appuyer les Ukrainiens dans leur processus démocratique. Ils ont obtenu leur indépendance il y a 20 ans. Après des siècles de lutte, ils ont finalement obtenu leur pays indépendant. Ils doivent franchir une étape difficile, mais ils peuvent réussir avec l'appui des pays démocratiques du monde. Nous leur devons cela. Nous leur devons notre appui.
    Il va de soi que nous devrions collaborer ici, avec le Congrès des Ukrainiens canadiens, et avec les leaders de la scène politique en Ukraine, afin d'ébranler les restes d'un régime totalitaire d'inspiration soviétique.
    J'aimerais bien que le député d'en face nous donne son point de vue là-dessus.
    Monsieur le président, je suis certain que le député sait qu'au Canada nous avons un monument honorant les victimes du communisme totalitaire. Les Ukrainiens ont souffert d'une famine qui leur a été imposée lorsqu'on leur a enlevé des biens et des aliments pour les envoyer aux Allemands, en Europe. Nous avons vu les documents pertinents. Ma famille a souffert. Cette époque fut un épisode terrible de l'histoire. Des millions de personnes sont mortes aux mains du régime soviétique. Avant la mise en place de ce régime, mon père a grandi dans la région de Vinnitsa de l'Ukraine. Mon grand-père était un agriculteur appartenant à la classe moyenne. L'enseignement secondaire était dispensé en russe. Même s'il parlait ukrainien lorsqu'il était enfant, mon père a appris le russe. Il est devenu officier dans l'armée du tsar. Cette pression existait même à l'époque.
    Comme le député l'a mentionné, l'Ukraine a finalement eu la chance de se libérer du joug de la répression. Nous devons appuyer ce mouvement, indépendamment de nos origines, afin que l'Ukraine puisse vivre une transition pacifique vers un État libre et démocratique. J'exhorte tous les députés à accorder notre soutien de quelque façon que ce soit.

[Français]

    Monsieur le président, je remercie beaucoup mon collègue de son très bon discours. C'était très inspirant. J'aimerais lui poser une question par rapport à la jeune génération d'Ukrainiens. J'aimerais connaître son opinion: pense-t-il que cela pourrait être intéressant d'encourager encore plus de jeunes Ukrainiens à venir étudier ici, dans nos universités, à venir voir le Canada et ses institutions démocratiques? Je voudrais entendre ses commentaires sur le genre d'effet qu'il pense que cela pourrait avoir sur la population et l'avenir de l'Ukraine.
    Monsieur le président, je remercie de sa question ma collègue. Il y a deux ans, un étudiant ukrainien a travaillé à mon bureau. Il venait de l'Ukraine, et on reste en contact. Il est aux États-Unis maintenant.
    C'est important. Pourquoi? Les gens et les jeunes, surtout en Ukraine, sont découragés. Ils ne veulent pas faire partie du processus politique. Pourquoi? Parce qu'il faut des millions et des millions de dollars pour être député. Il faut payer des pots-de-vin. Il y a toute cette corruption partout. Par conséquent, ils ne s'intéressent pas à la politique. Alors, s'il y avait plus de jeunes qui venaient au Canada pour apprendre comment cela fonctionne, ils pourraient, en retournant chez eux, rapporter nos valeurs et essayer de bâtir leur pays.
(2130)

[Traduction]

    Monsieur le président, dans son exposé, le député a reconnu que la situation est très grave lorsqu'une ancienne première ministre et plusieurs autres personnes font l'objet d'accusations bidon, que leur cause est traitée par un système de justice qui n'en a pratiquement que le nom, du moins en ce qui concerne la procédure entreprise, et qu'elles sont emprisonnées. Il a également dit que la meilleure chose que pouvait faire le Canada, c'était de ne pas isoler l'Ukraine.
    Si le gouvernement actuel de l'Ukraine ne fait pas marche arrière, quelle mesure concrète le Canada devrait-il prendre ensuite, selon le député, pour que l'Ukraine ne soit pas isolée?
    Monsieur le président, c'est une très bonne question.
    Le Congrès des Canadiens ukrainiens a formulé des suggestions, que le député a probablement déjà lues.
    Outre ces suggestions, il faut conserver nos liens avec l'Ukraine. Il faut continuer d'avoir des échanges parlementaires et des discussions avec ce pays. Il est très difficile de changer un régime politique de l'extérieur, mais nous devons soutenir moralement les gens qui voudraient changer les choses de l'intérieur. Selon moi, c'est le rôle que nous devons jouer.
    Devrions-nous sanctionner ces politiques? Le problème, c'est que nous ne pouvons pas savoir si l'Ukraine sera isolée jusqu'à ce qu'elle ait mis de l'ordre dans ses affaires. La situation est délicate.
    Le congrès a formulé un certain nombre de suggestions. Je ne les lirai pas, mais nous pourrions les étudier et élaborer, en collaboration avec les Canadiens d'origine ukrainienne, une stratégie qui permettrait d'entretenir des liens avec l'Ukraine.
    Ma collègue a parlé des jeunes. C'est une excellente idée de faire participer de nombreux jeunes à ces échanges pour qu'ils puissent voir qu'il y a de l'espoir. Par la suite, lorsqu'ils feront de la politique, il ne s'agira pas pour eux de prendre part à la corruption pour en tirer le meilleur profit.
    Il faut penser à l'avenir et l'envisager avec espoir. Nous sommes tous ici parce que nous croyons qu'il y a de l'espoir.
    Monsieur le président, je prends la parole ce soir pour participer à cet important débat sur la grave situation de la démocratie en Ukraine. Comme d’autres l’ont déjà fait remarquer avant moi, il s’agit d’une question importante et, ces derniers mois, le Canada n’a pas hésité à dire ce qu’il en pensait.
    Le Canada est depuis longtemps un partenaire spécial de l’Ukraine. Depuis plus de 20 ans, il appuie l’Ukraine et coopère avec elle dans ses efforts pour devenir un pays libre, démocratique et prospère.
    Dans ce contexte, l'ensemble des Canadiens et moi-même ne pouvons nous empêcher de trouver très troublante la récente condamnation de l’ancienne première ministre Ioulia Timochenko. Les motivations politiques qui se profilent derrière cet acte semblent être non seulement d’éliminer la personne qui est venue si près d’infliger la défaite au président Ianoukovitch aux dernières élections présidentielles, en 2010, mais aussi d’intimider les opposants politiques pour éventuellement éliminer toute opposition.
    Je vais partager mon temps de parole avec l’excellent député d’Edmonton-Centre.
    S’agit-il d'intimidation et de tentative d’éliminer toute opposition politique? Ce sont là des mots durs, je l’admets, mais chacun est à même de constater les faits.
     Hélas, le procès et la condamnation de Ioulia Timochenko ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Au cours de la dernière année, il y a eu une série d’arrestations et de manœuvres d’intimidation visant les anciens membres de l’opposition.
     J’ai eu l’honneur de faire partie de la délégation canadienne qui s’est rendue en Ukraine en octobre 2010, et nous sentions qu’il se passait des choses. Nous avons rencontré un certain nombre de personnes et elles nous ont fait part de bien des préoccupations.
     Personne ne peut contester qu’il soit essentiel de s’attaquer au fléau de la corruption qui paralyse tellement le développement économique et social de l’Ukraine, mais il faut s’y attaquer dans la transparence et le respect du processus judiciaire et de la primauté du droit.
     Il ne semble pas que les choses se déroulent ainsi. Les poursuites ont été très sélectives, visant de nombreux membres en vue de l’opposition. Des indications claires montrent que les instances restent bien à court des normes internationalement reconnues de justice, de transparence et d’application régulière de la loi. Tout cela est profondément décourageant pour les Ukrainiens, qui se sont élevés avec tant de courage contre la corruption politique en 2004, contestant les résultats de l’élection présidentielle et imposant la tenue de nouvelles élections.
     Ce qu’on a fini par appeler la révolution orange a été un tournant dans le développement démocratique de l’Ukraine récemment devenue indépendante. Nous ne pouvons tolérer que disparaissent les acquis démocratiques réalisés grâce au courage des citoyens.
     Le Canada a soutenu les Ukrainiens avec fierté lorsqu’ils ont rebâti leur société après 70 ans de régime soviétique. Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l’indépendance de l’Ukraine en 1991, et nous lui avons apporté une aide non négligeable depuis lors dans le cadre d’un partenariat spécial. Nous l’avons fait au nom des principes, mais aussi par amitié. Nous sommes liés par une profonde amitié qui s’enracine dans des valeurs et une histoire communes.
     Il y a plus de 1,2 million de Canadiens d’origine ukrainienne qui, collectivement, ont beaucoup contribué à bâtir notre pays. Je suis au nombre de ces Canadiens dont les grands-parents sont venus d’Ukraine il y a environ 115 ans. Je suis un fier Canadien, mais je suis aussi fier de mon patrimoine ukrainien, et je suis fier de m’être rendu en Ukraine avec le premier ministre.
     Nous avons envers nos amis de l’Ukraine le devoir de les appuyer tandis qu’ils s’efforcent de se bâtir un nouvel avenir.
(2135)
    Monsieur le président, mon collègue de la Colombie-Britannique a souligné dans son exposé la nécessité absolue de séparer le pouvoir judiciaire du pouvoir exécutif.
    J'aimerais demander au député quelles mesures, selon lui, le gouvernement canadien pourrait maintenant prendre pour exercer des pressions supplémentaires sur le gouvernement ukrainien afin de faire respecter en Ukraine les droits de la personne et d'y apporter quelques-uns des changements qui sont nécessaires?
    Monsieur le président, je tiens à remercier la députée d'en face. Il est rare que tous les députés tendent tous vers le même objectif. Nous assistons à l'un de ces rares moments ce soir, et je sais que nous en vivrons d'autres dans les prochains mois puisque nous sommes tous déterminés à faire en sorte que l'Ukraine instaure la démocratie et respecte la dignité humaine ainsi que la primauté du droit.
    Le Canada joint sa voix à celle de nombreux autres pays, tout comme nous, les parlementaires. Le Canada et d'autres pays agissent en tant que leaders sur la scène internationale en s'unissant pour sommer l'Ukraine de faire ce qu'il faut faire, de faire preuve de transparence et de respecter la démocratie. Si l'on observe ce qui se passe dans d'autres pays et que l'on remonte le fil de l'histoire du monde, on constate que seuls les pays fondés sur la démocratie et les principes fondamentaux de la primauté du droit peuvent devenir prospères. Tout pays qui ne respecte pas la primauté du droit et ses propres citoyens ne peut aspirer à la prospérité. C'est aussi simple que ça.
    Nous voulons que l'Ukraine ait un bel avenir devant elle. Nous continuerons, comme parlementaires, d'unir nos voix et de collaborer avec d'autres partenaires à l'étranger afin d'encourager l'Ukraine à veiller à ce que les choses se fassent correctement et à faire preuve de transparence. Espérons que la situation de Ioulia Timochenko sera réexaminée et que l'on prendra les mesures qui s'imposent, car il est inacceptable que l'on traite l'opposition de la sorte.
(2140)
    Monsieur le président, l'Ukraine et sa population ont connu des moments difficiles après la chute du mur et le démantèlement de l'Union soviétique. En fait, je crois que l'Ukraine a éprouvé encore plus de difficultés que les pays voisins, que ce soit la Pologne, la République tchèque ou les États baltes. Il est évident que l'Ukraine a connu des moments plus difficiles. Les progrès s'y sont faits plus lents.
    La révolution orange a suscité beaucoup d'espoir, mais maintenant, la situation s'est dégradée. À mon avis, c'est une chose que les progrès se fassent plus lents, mais c'en est une autre que la situation se dégrade. Tout ça doit être extrêmement décourageant pour la population ukrainienne. Ça l'est certainement pour tous les gens de descendance ukrainienne. Je suis certain que ça l'est pour les parents et amis, et c'est ce qu'on observe dans ma circonscription, où une bonne partie de la population est d'origine ukrainienne.
    Ce revirement de situation marque un point tournant dans l'histoire de l'Ukraine. Nous ne savons pas ce qui se produira à partir de maintenant. Le député convient-il qu'il y a une grande différence entre des progrès qui se faisaient lent et ce revirement de situation?
    Monsieur le président, je conviens que la situation s'est dégradée. Bon nombre de députés ont embauché des stagiaires ukrainiens à leurs bureaux. Je leur ai demandé s'ils s'attendaient à ce qu'une telle chose se produise. Ils ont répondu non. Ils ont dit qu'ils ont suivi la situation de près, mais qu'ils ne pensaient jamais que cela se produirait. Lorsque nous sommes allés sur place il y a un an, nous n'avions aucune idée que la situation deviendrait aussi grave.
    Nous incitons le système judiciaire ukrainien à agir comme il se doit. Le monde entier abonde dans le même sens. Des lettres ont été rédigées par le Groupe d'amitié parlementaire Canada-Ukraine, par le gouvernement et, j'en suis sûr, par de nombreux députés pour inciter ces gens à agir comme il se doit. Or, Ioulia Timochenko est maintenant condamnée à sept ans de prison.
    Elle ne peut pas servir le peuple. C'est tout simplement inacceptable. Nous incitons l'Ukraine à remédier à cette situation.
    Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de m'adresser à la Chambre à propos de cette importante question de la démocratie en Ukraine.
    Ce qui se passe actuellement en Ukraine avec l'arrestation, le procès et la condamnation de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko est très préoccupant pour moi, pour tous les députés et pour le gouvernement du Canada. Cette persécution flagrante et politiquement motivée est très inquiétante et risque d'avoir des conséquences graves sur les relations entre le Canada et le gouvernement de l'Ukraine.
    Le premier ministre a écrit directement au président de l'Ukraine pour lui faire part de sa grave préoccupation. Le ministre des Affaires étrangères a déclaré que le comportement des autorités ukrainiennes à l'occasion de ce procès remettait en cause le progrès de leurs institutions démocratiques.
    Nous sommes unanimes à la Chambre pour affirmer qu'une opposition politique forte et dynamique et un pouvoir judiciaire robuste et totalement indépendant sont essentiels dans une Ukraine prospère, démocratique et libre.
    Permettez-moi de faire part à la Chambre de quelques exemples de violations flagrantes des règles de juste procédure dans le cas de Mme Timochenko.
    Un des aspects les plus choquants de ce procès a été le mépris du droit de Mme Timochenko à une défense juridique manifesté par la Cour constitutionnelle. La Constitution de l'Ukraine , le document juridique le plus important du pays, stipule que:
    Chacun a le droit à une assistance juridique.
    Et ajoute:
    Chacun est libre de choisir le défenseur de ses droits.
    Pourtant, dès la première audience de son procès le 15 juillet, on a refusé à Mme Timochenko ce droit élémentaire.
    Le juge a entamé les délibérations sans faire entrer ses avocats. Quand elle a protesté, le juge l'a interrompue et l'a fait expulser « pour atteinte à la procédure du tribunal ».
    Le procès s'est ensuite poursuivi en son absence et on ne lui a même pas laissé le droit de se défendre des accusations portées contre elle.
    Un tel mépris des droits fondamentaux est parfaitement inacceptable.
    Le Code criminel de l'Ukraine stipule aussi que le juge doit veiller à ce que les représentants tant de l'accusation que de la défense aient suffisamment de temps pour examiner le dossier et se préparer pour les audiences. Le dossier d'accusation de Mme Timochenko, constitué lors de l'instruction, représentait environ 5 000 pages. On n'a laissé que deux à trois jours à ses avocats pour examiner ces documents. Là encore, cela semble bien une violation flagrante de la Constitution de l'Ukraine, des principes de la primauté du droit et du droit de Mme Timochenko à une défense juste et raisonnable.
    On a aussi interdit aux avocats de Mme Timochenko de parler avec elle après son arrestation le 5 août et on les a ainsi empêchés de préparer ou d'utiliser d'autres arguments pour sa défense.
    J'ajoute que je ne présume nullement de la culpabilité ou de l'innocence de l'accusée, mais que je me contente d'exprimer ma profonde inquiétude face à l'absence manifeste et flagrante d'un procès équitable et dans les règles.
    Les Ukrainiens et la diaspora ukrainienne dans le monde ne sont pas heureux de la conduite de leur gouvernement. Les Ukrainiens ont toujours été un peuple épris de liberté et ils ont une solide tradition démocratique.
    Nous en avons été témoins il y a sept ans pendant la révolution orange, lorsqu'ils sont descendus massivement dans la rue pour protester contre ce qu'ils savaient être des élections injustes et antidémocratiques. En fait, l'origine des principes démocratiques en Ukraine remonte au début du XVIIIe siècle. En 1710, la première Constitution de l'Ukraine a été rédigée par Pylip Orlyk et, en avril 210, on en a célébré le 300e anniversaire. En comparaison, avec ses 144 ans, le Canada n'est pas une démocratie très ancienne; par conséquent, en tant que Canadiens nous tenons parfois pour acquis les libertés et les privilèges ainsi que les droits et les responsabilités associés au fait de vivre dans un pays aussi stable, sécuritaire et prospère.
    Tous les peuples du monde n'ont pas pareille chance. Pendant de nombreuses années, le peuple ukrainien a vécu sous la tyrannie étouffante de l'ancien empire soviétique et sous l'oppression des nazis, et il a enduré l'horreur absurde du génocide de l'Holodomor.
    Aujourd'hui, les Ukrainiens s'efforcent de bâtir un État démocratique sain, robuste et prospère. Ils peuvent compter sur le Canada pour défendre leur liberté.
    Notre politique étrangère repose sur des principes. Elle est ancrée dans la défense de la liberté et des éléments qui nous élèvent en tant qu'êtres humains: la liberté, la démocratie, le respect des droits de l'homme et la primauté du droit. Nous n'hésiterons pas à défendre et à promouvoir ces idéaux pour toutes les nations et tous les peuples du monde.
     Les Canadiens d'origine ukrainienne ont énormément contribué à enrichir notre pays, dans tous les aspects de la société, des arts à la politique et des affaires au sport. Ils ont aidé à bâtir le Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui, et nous nous en portons tous mieux.
    L'Ukraine chemine vers une société libre, ouverte et juste, et le Canada sera là pour l'appuyer. Nous n'allons pas fermer les yeux sur les poursuites engagées contre Mme Timochenko; toutefois, notre espoir, c'est que nos idéaux, qui sont la pierre d'assise de nos politiques, soient partagés par l'Ukraine.
    Nous trouvons du réconfort dans les mots du poète ukrainien Taras Chevtchenko, des mots qui ont servi d'inspiration au mouvement d'indépendance de l'Ukraine.
    Luttez et vous triompherez, car Dieu est avec vous. Les récompenses sont la gloire, la vérité et, chose sacrée entre toutes, la liberté.
(2145)

[Français]

    Monsieur le président, je remercie mon honorable collègue de son allocution.
    Au fond, je voulais lui poser la question que j'ai posée plus tôt à mon collègue de Colombie-Britannique-Southern Interior relativement aux jeunes Ukrainiens.
    Quelles mesures le Canada pourrait-il prendre pour aider les jeunes générations à connaître un peu mieux les démocraties à l'extérieur et les démocraties occidentales comme le Canada? Cela les inciterait peut-être à venir étudier chez nous et à voir ce qui pourrait être fait pour améliorer la démocratie dans leur propre pays lorsqu'ils y retourneront.
    Monsieur le président, je voudrais remercier ma collègue de sa question.

[Traduction]

    Dans notre bureau, nous avons actuellement un interne ukrainien, Oleksandr. Il y en a peut-être un dans le bureau de ma collègue, puisqu'il y en a quelques-uns ici. Nous espérons que leur expérience avec nous leur apprendra quelque chose. Car même s'il arrive que nous nous chamaillions à la Chambre, que nous discutions âprement d'une variété de sujets, nous sommes un exemple de coopération et de démocratie pour des gens de partout dans le monde.
    En fait, ma collègue d'en face et ses collègues ont vécu leur propre révolution orange récemment au Canada. Nous les félicitons de leur succès.
    Cette expérience peut nous apprendre quelque chose. Nous sommes parfois en désaccord, mais nous pouvons compter sur les principes fondamentaux de la démocratie et sur le principe que ce sont les gens qui peuvent changer les choses, des gens de tous les âges, souvent des jeunes. De toute évidence, je suis maintenant dans la deuxième moitié de ma vie. Ma collègue au contraire est dans la première moitié de sa vie, et nous comptons beaucoup sur les jeunes. Nous comptons sur les jeunes députés pour servir d'exemple, et nous voulons grâce à cet exemple inspirer des jeunes de différents endroits, comme l'Ukraine. Ils y travaillent depuis plus longtemps que nous, mais nous avons quelque chose à leur apporter, et je crois que ma collègue en est consciente.
    Monsieur le président, j'aimerais que mon collègue nous parle des effets à long terme sur le développement de la démocratie en Ukraine. J'aimerais connaître son avis sur la situation actuelle et savoir si, d'après lui, elle aura une incidence sur le développement de la démocratie en Ukraine.
(2150)
    Monsieur le président, c'est une question très importante.
    Tous les pays en développement connaissent des difficultés. C'est aussi le lot de tous les pays développés, et nous pouvons apprendre de ces situations et de ces difficultés. Chaque fois que nous essuyons un revers, nous avons une occasion de progresser.
    Je suis optimiste et je vois dans la situation actuelle en Ukraine une occasion de progresser. Le gouvernement a manifestement violé certains des principes et valeurs qui nous sont chers, tels que la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit, ce qui éveille chez un peuple comme les Ukrainiens l'esprit d'indépendance et de liberté, le genre d'esprit que nous avons observé il y a plusieurs années au moment de la révolution orange.
    Le genre d'état d'esprit que je vois en Ukraine, je le vois dans ma circonscription, qui compte de nombreux Ukrainiens. Ils sont souvent une source d'inspiration pour moi en raison de leur joie de vivre, de leur dynamisme et de leur soif de liberté et de démocratie. Les Canadiens d'origine ukrainienne peuvent aider les Ukrainiens dans leur bataille.
    Comme je l'ai dit, je vois dans ce genre de situation, pour tous les Canadiens, mais pour ceux d'origine ukrainienne tout particulièrement, une occasion d'aider les citoyens d'Ukraine à réaliser des progrès et à tirer parti d'une situation fâcheuse pour aller de l'avant.

[Français]

    Monsieur le président, le gouvernement fait valoir qu'un accord de libre-échange avec l'Ukraine cadrerait avec les objectifs de la politique étrangère du Canada, qui appuie la transformation démocratique et les réformes économiques entreprises par l'Ukraine.
    De quelle façon les négociations sur le libre-échange appuient-elles la transformation démocratique si l'on s'aperçoit qu'il y a une répression accrue sous la politique de l'opposition?

[Traduction]

    Monsieur le président, l'Ukraine et le Canada seront toujours unis par les liens de l'amitié. Les gens qui entretiennent des relations commerciales ont tendance à ne pas se battre. C'est un principe fondamental du commerce. Il n'est pas seulement question ici de prospérité économique. Il s'agit également de relations extérieures. Il s'agit des relations entre deux pays comme le Canada et l'Ukraine, comme le Canada et beaucoup d'autres pays. Les échanges commerciaux constituent une assise solide nous permettant d'aider l'Ukraine à consolider son économie et sa prospérité. Les gens prospères sont moins agressifs que ceux qui ne le sont pas.
    Toutes les mesures que nous pouvons prendre dans le cadre de nos accords de libre-échange pour aider l'économie ukrainienne à prospérer contribueront au bien-être et à la prospérité future des Ukrainiens. C'est le but du présent processus.
    Monsieur le président, je suis ravi de pouvoir participer au présent débat exploratoire, dont le but est de permettre à la Chambre de prendre note de l'état général de la démocratie en Ukraine, tout particulièrement du parti pris politique apparent, de la poursuite et de la condamnation arbitraires de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko par les autorités ukrainiennes.
    Il y a vingt-cinq ans, l'Ukraine a décidé, au terme d'un vote, de quitter l'Union soviétique pour devenir un pays indépendant. Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l'indépendance de l'Ukraine, avec qui il a établi des relations diplomatiques le 27 janvier 1992; c'est à partir de ce moment qu'elle s'est mise sur la voie de la réforme politique et économique, qu'elle a établi son indépendance et célébré sa culture et son identité propres.
    Il y a sept ans, en 2004, la révolution orange a donné au Canada et au reste du monde de grands espoirs quant à l'avenir de la démocratie et de la liberté en Ukraine. Il y a sept ans, Ioulia Timochenko, populiste démocrate toute d'orange vêtue, est montée sur scène dans une Kiev recouverte de neige. Je me souviens encore du moment où elle a électrisé la foule, galvanisé quelque 150 000 personnes qui manifestaient, à l'époque, contre la victoire de Viktor Ianoukovitch au terme des élections présidentielles truquées de 2004.
    Qui pourrait oublier une scène si remarquable, scène que je vois encore? Je n'ai aucun doute que beaucoup de Canadiens suivaient de près ce qui se passait en Ukraine à l'époque. Qui pourrait oublier ces scènes remarquables, Ioulia Timochenko émergeant, énergisant et captivant la foule pendant des jours, annonçant la victoire de Viktor Ianoukovitch, proclamant « Gloire à l'Ukraine! », la foule scandant son nom, « Ioulia! Ioulia! ».
    Le gouvernement libéral de l'époque a soutenu la diaspora ukrainienne du Canada et les Ukrainiens en Ukraine dans le cadre de notre lutte commune pour réaliser leurs aspirations démocratiques.
    À l'époque, le gouvernement canadien dont je faisais partie, a envoyé 1 000 observateurs en Ukraine durant les élections et a exprimé son appui au nouveau gouvernement et à la cause démocratique.
    La démocratie était en marche. La société civile commençait à s'épanouir. La liberté de la presse était une expression démocratique de cette marche vers la liberté à l'époque.
    La révolution orange a donné au monde l'espoir de voir s'établir une véritable démocratie en Ukraine avec l'appui tout à fait clair et sans équivoque du peuple ukrainien. Dans les années qui ont suivi, nous avons été témoins de l'émergence d'une démocratie quelque peu chaotique mais fondée sur le peuple.
    Maintenant, malgré son passé, Viktor Ianoukovitch a remporté l'élection présidentielle de 2010, dans le cadre d'un processus ouvert qui, ironiquement, découle de la révolution orange elle-même. Le Canada et les pays occidentaux l'ont félicité et ont dit vouloir travailler avec son gouvernement pour l'aider à se joindre à l'Union européenne et à la communauté des nations démocratiques occidentales.
    Ensuite, malheureusement, l'érosion de la démocratie dont nous prenons note dans ce débat a commencé sous la forme de toute une série d'événements que je vous résumerai brièvement puisqu'on en a déjà beaucoup parlé ce soir.
    Premièrement, il y a eu une série de modifications anticonstitutionnelles annulant les restrictions imposées précédemment au pouvoir du président et accélérant du même coup la concentration des pouvoirs entre les mains du président. La séparation des pouvoirs entre le président, le premier ministre et le gouvernement a été éliminée et le gouvernement et le Parlement sont passés sous le contrôle direct du président. Ainsi, les contrôles qui existaient auparavant ont disparu.
(2155)
    Deuxièmement, nous avons été témoins d'une justice sélective motivée par des fins politiques et de la répression à l'endroit des politiciens de l'opposition, répression qui s'est manifestée par la poursuite et la condamnation récente de l'ancienne première ministre Ioulia Timochenko dont on a parlé ce soir et qui fait partie du thème de notre débat exploratoire de ce soir. Il faut ajouter à cela notamment l'arrestation et l'emprisonnement de l'ancien ministre de l'Intérieur, Iouri Loutsenko et le départ en exil en République Tchèque de l'ancien ministre de l'Économie Bohdan Danylyshyn. La nomination d'un magnat de la presse, Valeriy Khoroshkovsky, en tant que chef des services de sécurité de l'Ukraine, s'inscrit dans un mouvement consistant à céder les pouvoirs de l'État à une oligarchie des affaires.
    Troisièmement, le Parlement européen a adopté le 7 juin 2011 une résolution sur l'Ukraine, dans laquelle il a affirmé qu'il était vivement préoccupé par l'absence de transparence dans les enquêtes, les poursuites et les procès et dans la reddition de comptes et il a mis en garde l'Ukraine contre toute utilisation du droit criminel comme outil pour parvenir à des fins politiques. Il s'est en outre dit inquiet de l'accroissement des poursuites sélectives contre les membres de l'opposition politique en Ukraine. Je le répète, la situation ne se limite pas au cas typique dont il est question ce soir, celui de Ioulia Timochenko.
    Dans sa résolution, le Parlement européen souligne également que les enquêtes en cours contre d'importants dirigeants politiques de l'Ukraine ne devraient pas les empêcher, comme c'est le cas, de participer activement à la vie politique du pays. Il demande aux autorités ukrainiennes de lever l'interdiction de voyager en Ukraine et à l'étranger qui frappe Ioulia Timochenko et d'autres personnalités politiques clés.
    De plus, la liberté de presse est menacée, car l'une des grandes réalisations de la révolution orange de 2004 fut la création de médias véritablement indépendants. Je le répète, depuis février 2010, il y a eu un nombre croissant d'incidents troublants, qui portent à croire qu'un risque de plus en plus grand plane sur la liberté de presse. Au cours de sa mission sur la situation en Ukraine en juillet 2010, le chien des garde des médias internationaux, Reporters Sans Frontières, a rapporté des cas où l'on s'en était pris physiquement à des journalistes, où l'on avait carrément empêché ceux-ci de faire leur travail et où l'on avait exercé diverses formes de censure. Cette tendance se maintient. Au moins 10 journalistes travaillant à la radio, à la télévision ou dans des journaux ont indiqué avoir été molestés en 2010 dans des villes partout en Ukraine, et cette tendance se poursuit en 2011. Les organismes de réglementation du gouvernement ont suspendu les licences de radiodiffusion des réseaux de télévision indépendants et je pourrais poursuivre dans la même veine.
    Selon le Country Reports on Human Rights Practices in Ukraine de 2010 du département d'État des États-Unis, les élection régionales du 31 octobre ne répondaient pas aux normes d'ouverture et d'équité établies lors des élections présidentielles plus tôt dans l'année. Deux ONG américaines ont menacé de se retirer d'un groupe de travail chargé d'élaborer une nouvelle loi électorale, affirmant que le groupe n'avait pas son mot à dire puisque le président prenait et contrôlait toutes les décisions.
    De plus, il existe des préoccupations croissantes et sérieuses au sujet des élections parlementaires qui viennent. Comment peut-on affirmer que ces élections sont libres et justes si les dirigeants des deux partis d'opposition, y compris le dirigeant de l'opposition officielle, ne peuvent pas y participer?
    Enfin, je souligne que le gouvernement du président Viktor Ianoukovitch a lancé une campagne de harcèlement et d'intimidation contre des universités indépendantes et des instituts de recherche, particulièrement ceux qui s'efforcent de rétablir la mémoire historique de l'Ukraine.
    Cela m'amène au procès de l'ancienne première ministre, Ioulia Timochenko. Lors de son procès, nous avons vu un cas type d'atteinte à la démocratie en Ukraine. En fait, les images contrastaient avec celles de la révolution orange de 2004.
    Je terminerai en citant un article:
    Cette fois-ci, l'ancienne première ministre, vêtue de gris, était assise dans un tribunal pour entendre un [...] juge lui infliger une peine de sept ans d'emprisonnement, lui interdire d'assumer toute charge publique pendant trois ans et lui imposer une amende de 190 millions de dollars comme supposée indemnisation des dommages qu'aurait causé l'accord gazier qu'elle a conclu avec la Russie en 2009.
    La signature de cet accord faisait partie de ses fonction normales. L'article se poursuit:
    La peine d'emprisonnement était symbolique: un an de prison pour chaque année passée depuis la révolution orange.
    Nous sommes devant un cas classique de poursuites sélectives et de l'arbitraire que les entoure, de négation du droit à un procès juste devant des juges impartiaux et indépendants, de négation du droit de connaître la nature des accusations, de négation du droit à un avocat. Nous sommes passés de l'enthousiasme suscité par la révolution orange de 2004 au creux le plus bas dont nous sommes témoins aujourd'hui en Ukraine.
(2200)

[Français]

    Monsieur le président, je remercie de son intervention mon collègue. J'ai un commentaire à formuler. Je suis assez contente de cette soirée que je viens de passer en cette Chambre et qui continuera peut-être jusqu'à 22 heures ou plus tard. Ce soir, j'ai constaté que nous pouvions, d'un côté et de l'autre de la Chambre, pousser dans le même sens et travailler ensemble. J'ai aussi constaté qu'il y avait en cette Chambre plusieurs députés d'origine ukrainienne, chose que j'ignorais jusqu'à ce soir. Il semble que nous parlions d'une même voix pour réclamer une chose: une meilleure démocratie en Ukraine. C'était là mon commentaire.
    Monsieur le président, je suis d'accord. Nous pouvons travailler ensemble pour la cause commune de la démocratie en Ukraine, pour appuyer cette lutte en faveur de la démocratie. Pour moi, c'est une inspiration de voir les députés de tous les partis en cette Chambre participer à cette lutte en faveur de la démocratie.
(2205)

[Traduction]

    Monsieur le président, il est absolument vrai que tous les partis rament dans la même direction tandis que nous exprimons nos préoccupations à l'égard de l'effritement des structures démocratiques en Ukraine. En tant que Canadiens et parlementaires, nous nous demandons également comment jouer un rôle efficace pour parvenir aux changements voulus.
    Si mon collègue était au pouvoir, quelles mesures voudrait-il que le gouvernement prenne pour exercer des pressions sur le gouvernement ukrainien afin qu'il respecte les droits de la personne et la primauté du droit?
    Monsieur le président, premièrement, le Canada devrait utiliser toutes les ressources diplomatiques à sa disposition pour faire savoir publiquement et en privé à l'Ukraine à quel point nous voyons d'un mauvais oeil la détérioration de la situation dont on a parlé au cours du débat de ce soir, et pour avertir le gouvernement ukrainien de conséquences négatives possibles s'il maintient sa conduite antidémocratique.
    Deuxièmement, nous devrions aider à favoriser le développement du secteur des ONG et surtout des groupes qui travaillent là-bas dans les domaines de la protection des droits de la personne, de l'éducation et de la réforme du droit. La société civile en Ukraine est encore puissante et nous devrions être solidaires de cette dernière.
    Troisièmement, un dialogue de gouvernement à gouvernement est nécessaire. Nous devrions envoyer une délégation de parlementaires canadiens en Ukraine pour qu'ils rencontrent leurs homologues là-bas pour leur dire que nous soutenons leur cause, tout en précisant au gouvernement de l'Ukraine qu'il devra rendre compte de ses actions.
    Nous devrions nous lancer dans des interventions diplomatiques appropriées au sujet des audiences à venir, comme le procès Loutsenko.
    Nous devrions également inclure la protection des droits de la personne dans les pourparlers sur le libre-échange avec l'Ukraine.
    Il faut aussi exercer un contrôle serré des élections, surtout des prochaines élections parlementaires en octobre 2012, et appuyer les médias indépendants en Ukraine, où des menaces pèsent sur les médias. Nous devrions peut-être envisager de rétablir la programmation ukrainienne de Radio-Canada International pour nous assurer de diffuser nos valeurs canadiennes en Ukraine.
    Monsieur le président, je vais partager mon temps de parole avec le ministre de la Citoyenneté, de l’Immigration et du Multiculturalisme.
    Je suis heureuse de prendre la parole ici ce soir pour traiter de cette situation grave et préoccupante. Cela dit, mes mots sont insignifiants comparés aux propos historiques formulés par le premier ministre du Canada vendredi soir, lors d'une allocution prononcée devant le Congrès des Ukrainiens Canadiens, à Toronto. Je vais profiter de l'occasion pour lire une partie de son discours lors de cet événement important, qui s'est tenu il y a quelques jours à peine. Le premier ministre a dit, en parlant de la médaille Taras Chevtchenko:
    Ce prix a été décerné à de nombreux Canadiens d'origine ukrainienne distingués, ainsi qu'à des amis de l'Ukraine. Ces amis incluent John Diefenbaker, qui fut le premier premier ministre à recevoir cet honneur. Je suis honoré de lui succéder [...] parce que M. Diefenbaker personnifiait la réalité toute canadienne selon laquelle des gens issus de tous les milieux peuvent réussir dans notre grand pays.
    Évidemment, cette présentation est spéciale parce qu'elle rend hommage à l'héritage de Taras Chevtchenko. Ses mots ont fourni l'inspiration qui a mené à l'indépendance de l'Ukraine. Il a dit, et je cite: « Luttez et vous triompherez, car Dieu est avec vous. La gloire, la vérité et cette chose sacrée qu'est la liberté seront vos récompenses. » Chevtchenko était un artiste brillant et un poète renommé. Mais il était avant tout un chantre de la liberté [...]
    Au cours des décennies qui ont suivi, sa détermination allait inciter les Ukrainiens à lutter pour la liberté, non seulement contre les tsars, mais aussi contre les idéologies totalitaires des nazis et des Soviétiques. Au Canada, compte tenu de nos traditions parlementaires profondément ancrées et de notre histoire relativement paisible, la démocratie est parfois tenue pour acquise. Il faut souvent se rappeler à quel point la lutte a été longue et difficile pour obtenir des libertés fondamentales, et il ne faut pas oublier qu'un grand nombre d'êtres humains doivent continuer à se battre pour les obtenir. La communauté ukrainienne au Canada a toujours fourni cette perspective et cette voix aux opprimés [...]
    Mais ce qui importe c'est ceci: aussi longtemps que je serai premier ministre, le gouvernement va toujours défendre les valeurs qui enrichissent l'être humain — la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit — et ce pour toutes les nations et tous les peuples [...]
    L'année dernière, lorsque je me suis rendu en Ukraine, je me suis fait un point d'honneur de visiter des lieux historiques afin de rendre hommage, au nom de tous les Canadiens [...]
    Comme vous le savez, lorsque j'étais à Kiev, j'ai aussi soulevé des questions qui préoccupent le gouvernement du Canada. Je me suis efforcé tout particulièrement de souligner l'appui du Canada au débat démocratique [...] en ayant une rencontre avec Ioulia Timochenko. Tout comme un grand nombre d'entre vous, je suis très préoccupé par sa situation [...]
    J'ai écrit directement au président Ianoukovitch. Je lui ai mentionné que j'étais très préoccupé [...] que la façon dont le procès de Mme Timochenko se déroulait ne correspondait pas aux normes reconnues d'équité ou d'application régulière de la loi.
    Mes amis, nous savons tous qu'une opposition politique vigoureuse et l'indépendance judiciaire sont essentielles pour bâtir une Ukraine démocratique et prospère. Le Canada appuiera l'Ukraine chaque fois que ce pays fera un pas vers la liberté, la démocratie et la justice. Toutefois, notre politique étrangère se fonde sur des principes et sur la défense de la liberté.
    Par conséquent, je veux être clair. Notre gouvernement est très préoccupé par la voie dans laquelle le gouvernement de l'Ukraine semble s'engager. Les événements de mardi pourraient avoir de lourdes conséquences sur nos relations bilatérales. Le peuple ukrainien peut compter sur le Canada pour défendre sa liberté. Le Canada est toujours prêt à aider [...] les institutions démocratiques à prendre racine, tant en Ukraine qu'ailleurs dans le monde. Je sais que chacun d'entre vous ici ce soir partage cette cause [...] et c'est pourquoi je suis si honoré d'être ici.
    Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part des propos formulés par le premier ministre relativement à cette situation grave et préoccupante.
(2210)
    Monsieur le président, j'ai trouvé l'intervention de ma collègue fort pertinente.
    Le Canada a toujours été un ami de l'Ukraine. Nous avons toujours défendu l'Ukraine. Nous avons été le premier pays à reconnaître l'Ukraine en 1991 lorsqu'elle a regagné son indépendance et réclamé la démocratie. J'aimerais que ma collègue nous fasse part de son point de vue et de ses observations sur le rôle historique que le Canada a joué à l'époque du premier ministre Mulroney et sur le rôle que certaines institutions canadiennes ont elles aussi joué dans la réémergence de l'Ukraine. J'aimerais également qu'elle nous indique de quelle façon nous pouvons aider ce pays à régler la crise actuelle et à se réengager sur la bonne voie.
    Monsieur le président, le Canada a toujours soutenu les efforts de l'Ukraine pour édifier une société pacifique, démocratique et prospère, et nous continuerons dans cette voie.
    Mon collègue était en Ukraine pour les élections de 2004 et il a été témoin pendant 10 jours de la révolution orange. Il m'a parlé de cette époque et de la démocratie qui émergeait en Ukraine il y a sept ans. La situation de ce pays était encore plus difficile il y a 20 ans.
    Comme le premier ministre l'a mentionné lors de son allocution de vendredi dernier à Toronto devant le Congrès des Ukrainiens canadiens, notre histoire a été relativement facile à cet égard. Le Canada n'a pas traversé les difficultés auxquelles l'Ukraine a été confrontée pendant de nombreuses années et avec lesquelles elle est encore aux prises.
    Le Canada continue d'appuyer le développement et l'instauration de la démocratie en Ukraine. Nous voulons nous assurer que les atteintes à la démocratie qui ont actuellement lieu prendront fin le plus tôt possible.
    Monsieur le président, je suis le président du Groupe d'amitié parlementaire Canada-Pologne. Je vois que mon collègue de Mississauga-Est—Cooksville participe également au débat. Je peux dire que les membres de la diaspora polonaise qui ont communiqué avec moi et les membres de la grande diaspora ukrainienne qui vivent dans ma circonscription sont très préoccupés et alarmés par la situation en Ukraine. Je sais que les Polonais s'inquiètent beaucoup du fait que, depuis les dernières élections, l'Ukraine tombe de plus en plus sous l'influence de l'ancien régime soviétique. Cette influence se manifeste maintenant de nouveau dans les politiques de l'Ukraine.
    Je sais qu'il y a beaucoup de personnes d'origine polonaise et ukrainienne dans la circonscription que ma collègue de Mississauga-Sud représente. Je me demande si elle pourrait nous dire ce que ces personnes pensent de la situation.
(2215)
    Monsieur le président, les Canadiens d'origine ukrainienne qui habitent dans Mississauga-Sud sont très inquiets de la persécution pour des motifs politiques de Ioulia Timochenko. Ils sont soulagés de constater que le Parlement et le premier ministre du Canada dénoncent fermement la dégradation des droits démocratiques en Ukraine.
    J'ai parlé à quelques-uns d'entre eux, et ils sont très fiers également que notre premier ministre ait été décoré de la médaille Taras Chevtchenko, le plus grand honneur pouvant être accordé à un Canadien par la communauté ukrainienne. Seulement deux premiers ministres ont déjà reçu cet honneur dans l'histoire, soit le premier ministre actuel et le premier ministre Diefenbaker.
    Nous continuerons d'oeuvrer au nom des Canadiens d'origine ukrainienne qui habitent au Canada, et nous veillerons aussi à ce que la démocratie, la liberté, les droits démocratiques et la primauté du droit soient rétablis en Ukraine.

[Français]

    Monsieur le président, je suis contente de pouvoir m'exprimer aujourd'hui sur les événements qui ont eu lieu en Ukraine depuis le début du mois d'août, et ce, pour plusieurs raisons.
    C'est d'abord pour des raisons personnelles. Je n'ai pas besoin de prendre des détours sans fin pour l'exprimer:
     [La députée s'exprime en ukrainien.]
    [Français]
    J'aime l'Ukraine.
    C'est un pays magnifique rempli de gens extraordinaires. C'est un peuple talentueux et courageux. L'histoire ukrainienne est une suite d'événements incroyables, tragiques et grandioses. C'est une patrie de grands poètes, de guerriers courageux, de petites grands-mères qui ramassent des champignons et de travailleurs acharnés fiers de leur pays. Quand le train traverse ses collines toutes jaunes de tournesols, le voyageur se sent redevenir heureux, comme durant l'enfance. Quiconque entre en contact avec ce pays s'expose à être séduit pour toujours.
    Je garde un souvenir éclatant de l'Ukraine, et je suis pleine de nostalgie quand je pense aux jours que j'y ai passés.
    Cette relation personnelle fait écho à une relation beaucoup plus profonde et ancienne que tous les honorables députés de la Chambre connaissent sûrement. Le Canada lui-même a une relation très étroite et vieille de plus de 100 ans avec le peuple ukrainien. Combien de millions d'immigrants ukrainiens sont venus s'établir dans les Prairies à l'aube du XXe siècle? Il en est venu tellement qu'il est presque justifié d'appeler le Canada « la petite Ukraine », « Malaukraïna ». Combien de Canadiens plus âgés se rappellent encore de leurs grands-parents arrivés de Galicie dans des conditions de pauvreté extrême? Combien de plus jeunes appellent encore leur grand-mère « baba »? Combien de nos élus étaient et sont de souche ukrainienne?
    Les chiffres sont tellement éloquents! À part la Russie et les autres nations issues de l'ancienne URSS, c'est le Canada qui compte la plus grande population ukrainienne au monde. Ce n'est quand même pas peu dire.
    À la fin de 2004, on a tous vu les milliers de gens réunis sur la place de l'Indépendance à Kiev pour demander qu'on annule les résultats frauduleux des élections présidentielles. On se souvient du président Iouchtchenko, défiguré par une tentative d'assassinat par empoisonnement, défait aux présidentielles. Les irrégularités étaient aussi évidentes que le ciel est bleu: des ballots trafiqués, de la fraude, des abus et du cynisme comme le Canada, malgré tout, n'en verra heureusement jamais.
    Le cynisme était une habitude acquise. Il s'exprimait par automatisme. Ce n'était rien de neuf. Presque toutes les anciennes républiques soviétiques avaient toutes les misères du monde à établir des réformes démocratiques réelles. Tous les experts disaient que c'était un legs soviétique, que c'était inévitable, que c'étaient les vieux réflexes et les vieux pièges d'une époque trop marquante; que c'était triste mais qu'il fallait respecter cette réalité politique et ne pas la juger.
    Mais c'était mal connaître le peuple ukrainien. Les événements qui ont suivi sont extraordinaires. Pendant des semaines, les protestataires ont tenu bon. Dans le froid, dans le vent et dans la neige, ils sont restés là et ont continué de refuser que leur pays soit trahi encore une fois. Et à la grande surprise de tous, ça a fini par fonctionner. À grands coups de slogans, de drapeaux orange et de courage, ces milliers de citoyens indignés auront raison d'une administration quasi-criminelle et antidémocratique. L'histoire incroyable de la nation cosaque s'écrivait sous nos yeux. C'est ce que tout le monde appelle maintenant la Révolution orange.
    Et c'est pendant cette Révolution orange qu'apparaît la principale intéressée du débat de ce soir. Je m'en souviens très bien. Pour le reste de l'Europe, c'est comme si elle était tombée du ciel. Iulia Timochenko monte sur les barricades et parle pour le peuple ukrainien. Avec sa tresse emblématique, elle ressemble à la poétesse Lessia Oukraïnka. Elle s'exprime dans un ukrainien splendide et frappe toutes les imaginations.
    Iulia Timochenko deviendra la grande héroïne d'un pays qui ne veut plus être relégué aux oubliettes de l'Occident. Je me souviens d'avoir vu dans les marchés à souvenir de Kiev et d'Odessa des posters de Iulia en Sainte Jeanne d'Arc. On peut y voir une exagération ou une métaphore valable, c'est au choix. Mais on ne peut nier la symbolique importante que cette femme représente pour son peuple.
    Rapidement, Iulia va se positionner dans le nouveau gouvernement démocratique de l'Ukraine, qui voit le jour après la victoire des protestataires orange. Son talent pour la politique est incroyable. Soudainement, elle est partout. Assez vite, elle apparaît comme la seule et unique voie possible pour une Ukraine européenne, démocratique, prospère et stable. C'est ce à quoi ce pays aspire depuis toujours, et avec Iulia Timochenko, on est plus près du but que jamais. C'est toute la substance de sa plateforme électorale, et elle ne la modifiera jamais.
    Mais l'Ukraine est un pays gigantesque et diversifié. Sa population est énorme: presque 46 millions de personnes. Sa transition vers le régime de marché a été difficile, et la disparition de l'État soviétisé laisse des grands pans du pays dans la gêne. On parle ici de conditions très difficiles à gérer. Et pour la première fois, il semble y avoir un espoir concret auquel on peut se fier.
    Mais les résultats électoraux qui vont suivre vont révéler et confirmer une crainte. Le pays, même s'il a une identité nationale unie, semble coupé en deux le long du Dniepr. D'un côté, on retrouve une grande majorité d'électeurs pro-Europe, pro-démocratie et pro-réformes, et de l'autre, un électorat plus conservateur, attaché au lien culturel avec la Russie, un milieu ouvrier et nostalgique du soviétisme industriel.
(2220)
    Concilier tout ce beau grand pays demande des efforts sans cesse renouvelés. C'est la rive gauche du Dniepr qui fera élire son candidat à la présidence en 2010. Viktor Ianoukovitch remporte les présidentielles par une toute petite marge. Immédiatement, le progrès accompli depuis l'automne 2004 est systématiquement sapé. On met un frein à toutes les réformes démocratiques réelles.
    Bien sûr, aux yeux de l'Occident, on prétend être un démocrate réformé et fiable. On poursuit l'agenda européen. On privilégie même Bruxelles par rapport à Moscou lorsque vient le temps d'un premier voyage officiel à l'étranger. En plus, les irrégularités électorales sont tellement minimes que les dirigeants étrangers sont obligés de reconnaître la validité de l'élection. Mais la réalité est tout autre. C'est un chemin bien différent que semble prendre le gouvernement ukrainien.
    Le 5 août dernier, l'ex-candidate présidente, Ioulia Volodimirivna Timochenko, est formellement accusée et arrêtée. Peu de temps avant, elle répond à ses accusateurs en s'adressant à la nation par l'intermédiaire de la télé et d'Internet, et elle clame son innocence haut et fort: « Je ne vous ai pas volé l'argent qu'on m'accuse de vous avoir dérobé. » Tout de suite, elle avertit que les accusations qu'on porte contre elle sont motivées par la simple vengeance politique. Personne, nulle part, n'a depuis démenti cette affirmation.
    Pire, le président Ianoukovitch le nie à peine lui-même. Après tout, sous le régime soviétique, c'était très normal de perdre son bon nom pour un rien. Toute cette charade judiciaire, c'est du réchauffé, comme on dit au Québec. Le plus normalement du monde, comme si on était encore en URSS, le régime, une fois le pouvoir accaparé, se venge de ses détracteurs.
    Je le répète, on avait tout de même attenté aux jours de Viktor Iouchtchenko lors des élections de 2004. Le régime, maintenant, préfère jeter ses opposants en prison. Il s'adoucit.
    Toutefois, cela va bien au-delà d'une simple vengeance. C'est la bâillonnement pur et simple de l'opposition. Comme l'exprime aujourd'hui le comité d'opposition citoyenne au régime de Ianoukovitch, « c'est une tentative d'exterminer l'opposition, c'est une résistance envers le monde démocratique en entier. Ce show-trial n'est pas seulement le procès de Ioulia Volodimirivna, mais aussi et surtout celui du gouvernement ukrainien. Il n'y a plus de place pour lui dans le monde civilisé. Une telle brutalité est une impasse et elle doit être anéantie ».
    Parce que malgré tout, c'est ce que c'est ce procès, un show-trial, comme sous Staline, moins brutal, mais héritier d'une tradition fondée sur l'illégitimité et la violence. L'Ukraine mérite mieux. L'Ukraine, telle que je la connais, désire mieux et, avec un peu d'aide, elle aura mieux.
    Heureusement, le reste du monde réagit à la situation. L'Union européenne et surtout la Pologne expriment très bien leurs craintes. La Pologne est le pays qui travaille le plus fort pour aider la Biélorussie et l'Ukraine à accomplir une transition vers la démocratie. Monsieur le président Komorowski considère des sanctions diplomatiques contre le gouvernement de Ianoukovitch. L'avenir européen de l'Ukraine est gravement compromis. Si la Pologne agit, c'est le devoir du Canada de la suivre.
    L'Ukraine est un pays riche d'une population intelligente, éduquée et talentueuse. Son peuple est dynamique, jeune et plein d'ambition. J'ai plusieurs amis en Ukraine, des gens qui vivent comme si toute cette magouille n'existait pas. Ils n'ont pas le choix. Pour eux, le chemin que l'Ukraine doit prendre est clair. L'Ukraine est un pays européen, le plus gros pays européen, en plus. L'Ukraine est aussi un pays riche en ressources de toutes sortes. Si l'Ukraine est perdue pour l'Europe, c'est une catastrophe. Si ce grand pays sombre dans la nuit de la dictature, c'est une tragédie.
    S'il faut ajouter des clauses de protection des droits humains dans nos accords avec ce gouvernement, faisons-le. Si la Pologne, qui travaille si fort depuis longtemps à l'intégration européenne de l'Ukraine, n'hésite pas à agir, eh bien, elle est un exemple. Suivons-la.
    Les efforts déployés par le Canada par l'intermédiaire de l'ACDI sont franchement recommandables. Vraiment, notre pays a bien compris que nous avions beaucoup à gagner à fréquenter les Ukrainiens et en les aidant à développer leur grand pays. Une Ukraine stable et développée est un gain pour le monde.
    N'oublions pas que le peuple ukrainien est innocent de toutes ces manigances. C'est à lui qu'il faut penser en premier. Les Ukrainiens devraient avoir un plus grand accès aux voyages en Europe et en Occident, en général. Il faut qu'ils puissent être témoins de la validité de leurs efforts pour la démocratie. Il faut que le rêve d'une Ukraine stable et démocratique ait sa chance. Je cite Ioulia Volodimirivna elle-même: « Razom peremojemo! » Ensemble, nous vaincrons! 
    Pensons aux jeunes Ukrainiens. Permettons-leur de venir étudier parmi nous. Aidons-les à voir autre chose que les universités de leur pays et les universités des anciennes républiques soviétiques auxquelles ils ont accès. Prenons le pari que, dans 25 ans, si une génération entière de jeunes Ukrainiens s'est vu ouvrir les portes du système éducatif canadien, les erreurs qui ont mené à cette triste situation ne se répéteront pas. Ils gagnent et nous gagnons. C'est simple: « Razom peremojemo! »
    Pour terminer, j'aimerais citer quelques lignes d'une lettre que Ioulia Timochenko a écrite durant son procès et qu'elle a réussi à faire passer aux journalistes: « Le courage et l'unité des gens honnêtes sont ce qui effraie le plus les dictateurs, et c'est ce qui, au bout du compte, fait tomber les régimes oppresseurs. »
    Slava Ukraïni!
(2225)

[Traduction]

    Monsieur le président, j'aimerais remercier ma collègue de son discours sincère et très passionné concernant la situation en Ukraine. Comme je l'ai déjà dit, il est rare que les parlementaires des deux côtés de la Chambre se prononcent au sujet d'un enjeu aussi important et — comme l'a dit un intervenant précédent — tendent vers le même objectif.
    Ma collègue a eu la chance de visiter l'Ukraine et d'y établir des contacts personnels. Le premier ministre a fait une déclaration sans équivoque, à l'instar du ministre des Affaires étrangères, lequel a également fait allusion à la menace qui plane sur les relations bilatérales. D'après ma collègue, quelles autres mesures le Canada pourrait-il prendre pour promouvoir les structures démocratiques en Ukraine?

[Français]

    Monsieur le président, je remercie ma collègue de sa question. Comme plusieurs l'ont déjà mentionné, il y a différentes choses que le Canada peut faire par le biais de ses accords de libre-échange. C'est extrêmement important pour le Canada de respecter les droits humains ainsi que la séparation du judiciaire et de l'exécutif. Il y a beaucoup de choses qu'on peut faire pour aider le peuple. Les gens qui veulent que ça change, ils veulent la démocratie, et on peut les soutenir dans leur lutte pour une Ukraine plus libre et plus démocratique. Il y a plein de choses qu'on peut faire en ce sens. Par exemple, on peut inciter les étudiants, les jeunes à connaître un peu plus les pays occidentaux comme le Canada. Les différents programmes qui invitent des stagiaires ukrainiens dans notre Parlement sont extraordinaires pour les aider à connaître notre système démocratique et les institutions de notre pays. Ce sont d'excellentes façons d'aider à la démocratie en Ukraine.
(2230)
    Comme il est 22 h 30, conformément à l'article 53.1 du Règlement, le comité s'ajourne et je quitte ce fauteuil.

    (Rapport est fait de l'initiative ministérielle no 6.)

[Traduction]

    La Chambre s'ajourne à demain, à 14 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
    (La séance est levée à 22 h 30.)
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