:
Monsieur le Président, comme vous le savez, c'est la deuxième fois que le gouvernement dépose ce projet de loi. Au cours de la dernière session parlementaire et pendant presque un an, la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, alors connue sous le nom de projet de loi , a fait l'objet d'une étude approfondie et de débats entre les parties intéressées et les parlementaires.
Nous savons le temps et les efforts que les députés, les parties intéressées et les Canadiens ont consacré à ce projet de loi. Le comité législatif formé pour étudier le projet de loi a entendu plus de 70 témoins et reçu plus de 150 mémoires. L'ensemble des parties intéressées a été consulté, et le gouvernement a reçu des lettres de partout au pays.
[Traduction]
Lorsque le projet de loi sera renvoyé à un comité de la Chambre des communes, nous nous attendons certainement à ce que ce dernier examine attentivement les travaux déjà faits et les témoignages reçus lors de la législature précédente, et qu'il en tienne compte.
Deux messages clairs se sont dégagés des audiences que le comité a tenues au sujet de ce projet de loi au cours de la législature précédente. Le premier message était que ce projet de loi tient compte des intérêts des différentes parties prenantes. Cette mesure, qui résulte de consultations et de discussions à grande échelle, établit une approche équilibrée pour entreprendre la réforme qui s’impose à l’ère numérique. Le gouvernement est convaincu que ce projet de loi représente un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs et les droits des créateurs, mais nous sommes prêts à apporter des amendements de forme susceptibles d’améliorer la clarté et l’intention de certaines dispositions.
Deuxièmement, nous entendons dire que le Canada doit légiférer de toute urgence pour mettre à jour la Loi sur le droit d’auteur. En présentant de nouveau ce même projet de loi, nous allons permettre aux parlementaires de donner suite au travail déjà accompli pour que ces importantes mises à jour législatives puissent être adoptées rapidement. Chaque année qui passe sans une modernisation de nos lois sur le droit d’auteur rend la nécessité de cette modernisation encore plus évidente au fur et à mesure que la technologie évolue et que de nouveaux problèmes surgissent.
La dernière fois que la loi a été modifiée, il n’y avait pas de lecteurs MP3, et les clubs vidéos n'offraient que des cassettes VHS. Personne ne pouvait imaginer que nous pourrions prendre des photos avec un téléphone cellulaire et les télécharger sur les écrans d’ordinateur du monde entier, ou nous servir d’un téléphone cellulaire pour télécharger des chansons et des films.
Le monde a tellement changé entre-temps que la Loi sur le droit d’auteur semble s'appliquer à une époque révolue. Le temps est venu de moderniser les lois sur le droit d’auteur du Canada et de les faire correspondre aux demandes et aux technologies de l’ère numérique.
[Français]
Il est crucial d'adopter ce projet de loi afin de moderniser le régime de droits d'auteur du Canada, conformément à la stratégie du gouvernement sur l'économie numérique.
La technologie numérique ouvre de nouveaux marchés et étend la portée des entreprises. Elle relie les gens et les idées d'une manière qui était encore impensable voilà quelques années. Lorsque les gens, les entreprises et les économies nationales créent et adoptent ces nouvelles technologies, plusieurs choses importantes se concrétisent. La productivité augmente, les innovations se multiplient et de nouveaux produits, processus et modèles d'affaires voient le jour.
La croissance de l'économie numérique au Canada dépend d'un régime de droits d'auteur clair, prévisible et juste qui appuie la créativité et l'innovation, tout en protégeant les titulaires de droits d'auteur.
L'économie mondiale demeure fragile. Ce projet de loi aidera à protéger les emplois et à en créer de nouveaux. Il suscitera l'innovation et attirera de nouveaux investissements au Canada. Il donnera aux créateurs et aux titulaires de droits les outils dont ils ont besoin pour protéger leurs oeuvres et multiplier leurs activités commerciales. Le projet de loi établit des règles plus claires qui permettront à tous les Canadiens de participer pleinement à l'économie numérique, tant aujourd'hui que demain.
Un des principaux objectifs du projet de loi est d'établir un équilibre entre les intérêts de toutes les parties intéressées par le régime de droits d'auteur. Atteindre cet équilibre est devenu de plus en plus complexe à la lumière de la croissance exponentielle d'Internet. Les Canadiens peuvent obtenir en ligne des oeuvres protégées, parfois par l'entremise de plates-formes ou de services lucratifs, mais aussi par l'entremise de services gratuits, tant légitimes qu'illégitimes. Notre capacité à utiliser des services Web de grande qualité pour obtenir, protéger et créer des oeuvres visées par le droit d'auteur sera essentielle à notre succès économique et à notre présence culturelle dans le monde.
C'est pourquoi, en 2009, notre gouvernement s'est tourné vers les Canadiens pour obtenir leurs idées et leurs conseils sur la réforme du droit d'auteur à l'ère numérique. Des milliers de Canadiens, d'entreprises et d'organismes de parties intéressées ont fait connaître leurs points de vue sur la meilleure façon d'adapter le régime de droits d'auteur du Canada à cette ère nouvelle. Ces consultations ont révélé que les Canadiens prenaient de plus en plus conscience de l'importance des droits d'auteur dans leur vie quotidienne et dans notre économie numérique.
Ce projet de loi vise, d'une part, à tenir compte de la réalité d'aujourd'hui alors que les diverses utilisations privées et non commerciales des oeuvres protégées sont devenues monnaie courante. Le projet de loi vient autoriser bon nombre de ces utilisations et établir des certitudes dans des cas qui, jusqu'à maintenant, demeuraient pour le moins flous.
Par exemple, les Canadiens pourront copier des oeuvres obtenues légalement sur leurs ordinateurs et leurs appareils mobiles pour en profiter, et ce, où qu'ils soient. Ils pourront entreposer et extraire du contenu dans le « nuage informatique » ou utiliser un service d'enregistrement vidéo personnel sur réseau.
Il sera aussi légal d'intégrer des oeuvres protégées à une oeuvre générée par un utilisateur à des fins non commerciales. Cela comprendrait, notamment, l'enregistrement sur une vidéo à domicile d'un enfant dansant sur une chanson ou la création de mixages originaux de chansons et de vidéos. Cette exception exige que les droits et intérêts des titulaires de droits d'auteur soient respectés. Il y a de nombreux exemples où les détenteurs de droits d'auteur ont tiré parti de l'exposition dont ils ont fait l'objet sur Internet grâce à des travaux effectués par des utilisateurs.
Enfin, le projet de loi met à jour la Loi sur le droit d'auteur afin de refléter les nouvelles technologies et utilisations en élargissant les exceptions et en en créant de nouvelles pour les établissements de formation et d'enseignement, les processus techniques et le développement de logiciels, les radiodiffuseurs et les personnes handicapées.
Je tiens à souligner que ces dispositions ont été rédigées avec beaucoup de soin, en tenant compte des besoins et de l'intérêt des titulaires de droits d'auteur. Les dispositions comportent d'ailleurs des limites et des restrictions sur l'utilisation des oeuvres protégées.
Par exemple, bon nombre de ces exceptions ne s'appliquent pas aux oeuvres protégées par une mesure technique de protection ou serrure numérique. Les titulaires de droits d'auteur nous ont indiqué que leurs modèles d'affaires numériques et en ligne dépendaient de la protection robuste que confèrent les serrures numériques. Ainsi, le projet de loi atteint un bon équilibre. Il permet aux Canadiens de faire une utilisation raisonnable du contenu, tout en accordant aux créateurs et aux entreprises, dont le travail dépend de ce contenu, les outils et les certitudes dont ils ont besoin pour lancer de nouveaux produits et services.
[Traduction]
Notre gouvernement n’ignore pas que la majorité des Canadiens sont des gens respectueux des lois, mais nous nous soucions du risque de lourdes sanctions auxquelles s’exposent les Canadiens qui empiètent sur le droit d’auteur à des fins non commerciales. À l’heure actuelle, ceux qui ont été reconnus coupables d’avoir violé le droit d’auteur peuvent avoir à payer des dommages-intérêts allant de 500 $ à 20 000 $ par œuvre.
Ceux qui téléchargent illégalement cinq chansons, par exemple, pourraient, en théorie, avoir à payer 100 000 $. À notre avis, ces sanctions sont excessives. Le projet de loi propose également de réduire les sanctions pour les violations non commerciales. Selon ces dispositions, les tribunaux auraient la possibilité d’imposer au total des dommages-intérêts allant de 100 $ à 5 000 $.
[Français]
Toutefois, bien que le projet de loi allège les sanctions en cas de violation non commerciale, il condamne toujours sévèrement ceux et celles qui tirent profit de violations. Les dédommagements de 500 $ à 20 000 $ par infraction continueront de s'appliquer au piratage commercial. De plus, le projet de loi propose de nouveaux outils pour atteindre ceux qui procurent des moyens de violer le droit d'auteur en ligne, et prévoit des recours sévères contre ceux et celles qui s'enrichissent en créant puis en offrant des outils et des services de crochetage de serrures numériques. Il deviendra alors très difficile de tirer profit du piratage.
:
Madame la Présidente, je suis ravi d’être ici en compagnie du . Je dois en outre certainement souligner la contribution du président du à la rédaction du projet de loi , la version antérieure du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui.
Comme l’a dit le ministre de l’Industrie, le projet de loi contient diverses dispositions que les Canadiens, j’en suis convaincu, accueilleront très favorablement. Il contient des dispositions qui permettront aux titulaires du droit d’auteur de contrôler les utilisations de leurs œuvres pour combattre le piratage informatique. Nous parlons des créateurs et des industries de la création, par exemple l’industrie des jeux vidéo, l’industrie du logiciel et l’industrie cinématographique. Nous leur donnons les outils nécessaires pour protéger leur art, leurs activités commerciales et leurs emplois.
[Français]
Par exemple, le projet de loi comporte des dispositions qui protègent les mesures techniques de protection et autorisent les titulaires de droits d'auteur à poursuivre ceux qui facilitent la violation du droit d'auteur — par exemple, par l'entremise d'un site de partage illégal de fichiers entre utilisateurs. Notre gouvernement reconnaît que la façon la plus efficace de combattre la violation des droits d'auteur en ligne est de viser ceux qui facilitent ce crime et en profitent.
Plus précisément, le projet de loi comporte une nouvelle définition de la responsabilité civile pour les personnes qui encouragent sciemment la violation du droit d'auteur en ligne. Le piratage en ligne prive les créateurs des revenus et décourage la création. Cette disposition lance un message clair: le Canada interdit les sites de piratage et donne aux titulaires de droits d'auteur les outils pour protéger leurs activités. D'ailleurs, le projet de loi comporte aussi de nouvelles dispositions pour freiner ceux qui élaborent et vendent des outils et des services pour contourner des mesures techniques de protection.
[Traduction]
Le Canada est l’un des premiers pays au monde, sinon le tout premier, à intégrer dans sa loi sur le droit d’auteur cet outil essentiel pour combattre le piratage informatique. Parallèlement, nous prenons des mesures pour que les Canadiens soient conscients qu’ils violent peut-être le droit d’auteur. Les fournisseurs d’accès Internet du Canada ont mis au point un modèle original qui leur permet d’aviser leurs abonnés qu’un titulaire de droit d’auteur leur a signalé qu’un abonné avait violé le droit d’auteur. C’est ce qu’on appelle un régime d’avis. Le projet de loi officialise cette pratique. Je voudrais seulement faire remarquer ici que c’est l’un des éléments clés que les consommateurs nous ont demandé d’inscrire dans le projet de loi.
Nous ne retenons pas la démarche américaine en matière de droit d’auteur. Nous avons un régime d’avis consacré par la loi, et non pas un régime d’avis et de retrait comme celui que les États-Unis ont adopté, et cela, pour une très bonne raison. Ces dispositions viennent s’ajouter à un large éventail de mesures de protection juridiques qui sont déjà prévues dans la Loi sur le droit d’auteur et que les titulaires peuvent utiliser pour affirmer leurs droits.
[Français]
Les professeurs, les étudiants, les artistes, les entreprises, les consommateurs, les familles et les titulaires de droits d'auteur, bref, tous les Canadiens utilisent la technologie d'une foule de façons, et ce projet de loi ne fait que reconnaître cette réalité. Il donne aux créateurs et aux titulaires de droits d'auteur les outils nécessaires pour protéger leurs oeuvres, leurs investissements, ainsi que pour développer leur entreprise grâce à des modèles d'affaires novateurs. Il établit des règles plus claires qui permettront aux Canadiens de participer pleinement à l'économie numérique, tant aujourd'hui qu'à l'avenir. Plus précisément, ce projet de loi donne aux créateurs et aux titulaires de droits d'auteur ces outils dont ils ont absolument besoin.
[Traduction]
Grâce à ce projet de loi, les Canadiens pourront en outre créer de nouvelles œuvres qui intègrent des ouvrages déjà publiés ou mis à la disposition du public, à condition de le faire à des fins non commerciales, comme l’a expliqué mon collègue. Le nouveau contenu produit par l’utilisateur ne peut remplacer l’œuvre originale ni porter sensiblement atteinte à l’œuvre originale ou à la réputation d’un créateur sur les marchés.
Les Canadiens ayant une déficience perceptuelle seront autorisés à transposer le matériel acquis en toute légalité dans un format qu’ils peuvent facilement utiliser. Par ailleurs, les photographes canadiens auront maintenant les mêmes droits d’auteur que les créateurs. À l’heure actuelle, les photographes ne sont pas considérés comme des auteurs d’œuvres exécutées sur commande. Le projet de loi modifie cette situation.
Les consommateurs et les utilisateurs de contenu constateront également que le projet de loi reflète leurs intérêts. Les Canadiens pourront enregistrer des émissions diffusées à la télévision, à la radio et sur Internet pour les regarder ou les écouter au moment qui leur convient, sans contrainte quant au dispositif ou à la technologie utilisés.
[Français]
Les Canadiens pourront également, à certaines conditions, copier pour leur usage personnel des oeuvres légalement acquises, que soit de la musique, un film ou une autre oeuvre, sur l'appareil ou le dispositif de leur choix. Ils pourront faire des copies de sauvegarde dans le format, sur l'appareil et le dispositif de leur choix.
[Traduction]
J'aimerais clore mon discours en faisant bien comprendre à la Chambre que le présent projet de loi a été, et ce, depuis le début du processus que nous avons entrepris tout juste avant l'été 2009, un effort en toute bonne foi de la part du gouvernement pour élaborer efficacement une mesure législative sur le droit d'auteur.
Le député de avait débattu du projet de loi lorsque nous avons déposé cette mesure législative. Il s'est trouvé que ce projet de loi ne reflétait pas l'équilibre que recherchaient les Canadiens, un équilibre que la présente mesure législative permet d'atteindre, à notre avis. Nous avons déposé le projet de loi C-61, puis nous sommes partis en campagne électorale à l'automne.
À notre retour à la Chambre, nous avons repris depuis le début le dialogue avec les Canadiens. Nous sommes repartis de zéro. Nous avons lancé des consultations sans précédent sur cette mesure législative. Nous avons parcouru le pays d'un bout à l'autre et avons écouté le point de vue de milliers de Canadiens dans des assemblées publiques. Nous avons également mené des consultations publiques en ligne. Le projet de loi est l'aboutissement de notre travail.
Comme des milliers de Canadiens ont pris part aux consultations, nous avons cru bon de respecter le processus...
Vous avez entendu 141 témoins lors de l'étude en comité et n'avez pas apporté un seul amendement.
L'hon. James Moore: Monsieur le Président, le député là-bas, qui a gagné son siège à l'arraché et qui croit être une autorité dans tous les domaines, piaille à mon intention.
Je disais donc que nous avons déposé le projet de loi après avoir mené des consultations sans précédent. Nous avons respecté le processus et avons déposé de nouveau notre mesure législative. Comme le député l'a mentionné, 141 témoins ont comparu devant le comité; il aurait donc été irrespectueux envers eux de ne pas permettre que le processus se poursuive. Nous avons déposé la présente mesure législative afin de poursuivre le processus que nous avons entrepris, de faire preuve de respect envers les membres du comité et de toutes les personnes qui ont participé au processus.
:
Madame la Présidente, je suis vraiment honoré d'intervenir aujourd'hui au nom du Nouveau Parti démocratique et à titre de représentant des gens de la magnifique région de Timmins—Baie James. C'est un honneur pour moi de servir les gens de ma circonscription, d'être à l'écoute des questions qu'ils me soumettent et de faire état de leurs préoccupations dans cette vénérable institution où nous débattons et légiférons.
Le droit d'auteur constitue une question cruciale pour les Canadiens. Nous devons aller de l'avant et instaurer une réforme du régime du droit d'auteur qui amènera le Canada au XXIe siècle.
En anglais, le mot « copyright », soit le droit de faire des copies, tire son origine de la common law britannique. J'aime la perspective différente adoptée dans la loi française où il est question du « droit d'auteur ». Ces deux perspectives sont très similaires, mais elles présentent un équilibre différent. Il faut trouver un équilibre approprié dans la façon de propager la culture au Canada, notamment en ce qui concerne le droit de faire des copies. Qui a le droit de faire des copies et d'en tirer profit? Cette guerre du « droit de copie » remonte à la guerre des livres des XVIIIe et XIXe siècles en Angleterre. On se demandait alors qui devait avoir autorité sur une oeuvre et on s'interrogeait sur le droit des auteurs d'être rémunérés pour leur travail et d'avoir leur mot à dire quant à l'exploitation de leur travail.
Le débat sur cette question a débuté bien longtemps avant l'ère numérique et l'avènement d'Internet. Le droit de faire des copies n'est pas un droit de propriété. On invoque ce droit depuis des années et les lobbyistes dans le domaine du droit d'auteur parlent aujourd'hui de leur propriété et de leur droit de la protéger. Ils soutiennent que leur travail leur appartient et, partant, ils affirment leur intention d'empêcher les gens d'y accéder ou de faire payer les gens désireux d'y accéder.
Cependant, il ne s'agit pas d'un bien. La créativité n'est pas un bien personnel. Le Parlement et les tribunaux en ont donné une définition.
Je renvoie aux débats de 1841 pendant lesquels lord Macaulay, lui-même un écrivain trompé et plagié à maintes reprises au fil des ans, s'est battu devant le Parlement anglais pour faire reconnaître qu'une oeuvre est un bien personnel et que le droit d'auteur a été créé pour la protéger. La position de lord Macaulay à l'époque s'apparentait énormément à celle qui se dégage du débat actuel. Il a même parlé des pirates de sa génération, les qualifiant de « fripons qui enlèvent le pain de la bouche des gens qui le méritent ». Il parlait des gens qui enfreignent le droit d'auteur et qui ne paient pas comme ils le devraient pour faire des copies.
En même temps, il disait que le droit d’auteur était mauvais. Il est intéressant qu’il ait tenu ces propos. Il a qualifié le droit d’auteur de mal nécessaire, qui ne devrait exister que pour un temps afin que l’auteur soit payé, mais qu’on ne devrait pas le laisser influencer le développement de la société. Il a ajouté que la création d’idées n’était pas une chose qui pouvait être compartimentée. Une fois une œuvre créée, elle doit s’insérer dans un cadre plus vaste. Partout dans le monde, les parlementaires cherchent à établir un certain équilibre entre le droit d’accès aux nouvelles idées et le droit de rémunération du créateur. Ce sont les deux éléments de base à équilibrer, qui reflètent les principes énoncés par le Nouveau Parti démocratique dans le cadre des débats qui ont eu lieu ces dernières années. Les deux principes fondamentaux de l’ère numérique sont les mêmes que ceux qui s’appliquaient au XIXe siècle: facilité d’accès et droit à la rémunération.
Nous parlons de copyright et de droit d’auteur, mais le projet de loi ne traite d’aucun de ces droits. Il traite des droits d’une personne morale, ce qui est différent du droit d’auteur. Les problèmes fondamentaux du projet de loi découlent de ses dispositions concernant les serrures numériques -- j’y reviendrai dans quelques instants -- et de l'attaque directe contre la gestion collective des droits d’auteur qui s’applique au Canada depuis des décennies dans le cas des artistes. Le droit de rémunération des artistes est constamment attaqué dans le projet de loi. Je vais passer en revue les domaines dans lesquels les artistes sont privés de ce droit et se voient conférer un droit factice, celui de verrouiller le contenu.
Les conservateurs s’y connaissent en verrouillage. Ils comprennent bien les prisons et les verrous. Nous avons entendu le ministre dire que les serrures vont rétablir le marché. J’ai passé des années dans l’industrie de la musique, mais je n’ai jamais rencontré un artiste capable d’utiliser une serrure pour donner à manger à sa famille. Les artistes font vivre leur famille en se prévalant de leur droit de rémunération sous forme de droits de reproduction mécanique, de droits de télévision et de droits sur les livres. Ils se battent très fort pour la préservation des droits de reproduction mécanique. Ce n’est pas grand-chose par rapport à leurs efforts, mais ce revenu est essentiel pour eux. Par conséquent, quand le gouvernement s’apprête, comme il le fait dans ce projet de loi, à supprimer les droits de reproduction mécanique garantis par la Commission du droit d’auteur, il veut en fait priver les artistes des millions de dollars qui leur permettent actuellement de poursuivre leur œuvre de création.
Il n’y a pas d’équilibre dans cette mesure législative. Nous avons besoin d’équilibre pour rétablir un bon régime de droit d’auteur au Canada, un régime qui tienne compte à la fois des droits des artistes et du droit d’accès du public.
Le Nouveau Parti démocratique a souvent parlé à la Chambre de la nécessité d’une stratégie numérique à long terme pouvant permettre aux Canadiens de participer pleinement à l’ère numérique dans les communes publiques numériques. Les communes publiques sont des endroits où les gens, non seulement du Canada mais du monde entier, peuvent échanger des idées et de l’art.
C’est certainement une notion qui comporte beaucoup de difficultés. Nous avons pu le constater en matière de téléchargement et de piratage. Il est essentiel pour le développement culturel au XXIe siècle que le Canada soit doté d’une stratégie numérique à long terme. Nous, du Nouveau Parti démocratique, croyons à la nécessité de légiférer pour assurer la neutralité d’Internet et empêcher les géants de l’industrie des télécommunications et les grandes entreprises de distribution de radiodiffusion de nous imposer le genre de contenu auquel nous pouvons accéder.
Nous souhaitons établir une norme nationale pour l’accès à large bande, notamment dans les dernières enchères du spectre. Quelles dispositions a-t-on prévues pour que les régions du Québec rural et du nord de l’Alberta obtiennent la même chance que le centre-ville de Montréal ou de Vancouver d’implanter une économie numérique? Il est essentiel de se donner une stratégie sur les communications à large bande dans la totalité de notre pays. C’est là le nouveau rêve national qu’il nous faut réaliser. Du côté des banquettes ministérielles, c’est un silence assourdissant qui règne, lorsqu’il s’agit d’élaborer une stratégie numérique pour les communications à large bande, mais le Nouveau Parti démocratique estime que c’est un élément essentiel. Nous souhaitons que les programmes du gouvernement du Canada appuient le renforcement des produits culturels numériques, car de plus en plus de produits s’éloignent des anciens modèles. Ceux-ci nous ont bien servis dans les années 1970, mais nous sommes en 2011, et il nous faut évoluer.
Il est un autre élément crucial que nous avons réclamé tant et plus: une réforme du droit d’auteur qui répondra aux besoins des consommateurs, des artistes et des étudiants canadiens dans le domaine numérique.
Le projet de loi répond-il à cette requête? Non. Dans sa forme actuelle, il n’en fait rien.
Nous devons rétablir l’équilibre. Dans l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas appuyer le projet de loi, mais nous sommes disposés à collaborer avec le gouvernement conservateur pour renvoyer le texte à un comité. Si nous pouvons apporter des modifications techniques essentielles pour garantir l’équilibre, nous ne demandons pas mieux que de mobiliser les efforts de notre parti, travaillant avec le gouvernement pour faire en sorte que le projet de loi restaure l’équilibre.
J’admets volontiers que le gouvernement a fait des efforts en proposant le projet de loi qui était un gâchis complet. Il était voué à l’échec dès le départ, car il était le produit le plus répugnant des démarches des lobbyistes qui s’agitent en coulisse, et il était impossible de faire accepter semblable projet de loi. Le projet de loi montre à l’évidence que les conservateurs ont compris que le projet de loi C-61 présentait des problèmes, mais ils ne sont pas allés au bout de leur démarche. Il nous reste à voir si le gouvernement est disposé à aller plus loin.
Je voudrais dire un mot de certains des plus gros problèmes qui entachent le projet de loi. Il y a trois domaines où on observe des lacunes fondamentales: l’offensive contre les licences collectives et la suppression du droit des artistes d’être rémunérés pour leur travail, la question de l’éducation et celle des verrous numériques.
J’ai interrogé mon collègue, le ministre du Patrimoine, au sujet du problème fondamental des dispositions relatives à l’éducation. J’ai demandé si les étudiants de Fort Albany, sur la côte de la baie James, qui veulent prendre un cours de niveau collégial seraient tenus de brûler leurs notes de cours au bout de 30 jours. J’ai aussi demandé si les professeurs du niveau collégial qui offrent des cours en télé-enseignement à des étudiants du nord du Canada seraient tenus de détruire toutes leurs notes de cours au bout de 30 jours puisqu’il s’agit d’une atteinte aux droits d’auteur.
Cette exigence ferait apparaître un nouveau régime moderne d’autodafé. Nous créerions aussi un ensemble de droits à deux vitesses. Il y aurait d’une part les droits du monde analogique, du monde du papier, qui permettraient aux étudiants torontois de conserver leurs notes de cours. Et ces notes sont importantes parce que, année après année, les étudiants les conservent pour se constituer un corpus qui leur permettra d’obtenir leur diplôme. Par contre, les étudiants d’une réserve du Nord qui se forment grâce au télé-enseignement n’ont pas les mêmes droits. Ils ont moins de droits.
J'ai été choqué d'entendre ce qu'a dit mon collègue, le ministre du Patrimoine, à propos de l'idée folle de brûler les livres comme à un autre âge, c'est-à-dire qu'après 30 jours, les élèves n'auraient pas le droit de conserver leurs notes de classe. Il a dit que cette idée venait des ministres de l'Éducation.
J'ai rencontré les ministres de l'Éducation à de nombreuses reprises, de même que des gens de tout le secteur de l'éducation, et je n'ai jamais entendu personne dire que la meilleure idée en vue du développement du numérique au Canada était d'obliger les jeunes ou les adultes qui retournent aux études à brûler leurs notes au bout de 30 jours.
Cette disposition est inacceptable. Elle est rétrograde et inutile. Elle ne protège aucun modèle d'affaires, mais elle aurait un effet néfaste important, alors, du point de vue de l'enseignement, elle doit être supprimée.
Les verrous numériques sont en revanche importants pour protéger le droit des créateurs à la protection de leurs oeuvres. Songeons au travail formidable réalisé par l'industrie des jeux électroniques au Canada, en particulier à Montréal, et aux millions de dollars investis pour créer des jeux qui sont joués partout dans le monde. Nous voulons nous assurer que ceux qui fabriquent ces produits ne se font pas complètement voler et que ce modèle d'affaires n'est pas éradiqué, alors on a recours à une disposition sur les verrous numériques pour protéger ces oeuvres.
Toutefois, le verrou numérique ne peut pas l'emporter sur les droits garantis par le Parlement.
Ce projet de loi aura pour effet de créer certains droits. Par exemple, le droit d'utiliser des extraits pour faire une satire, une parodie ou un commentaire politique. Nous sommes tous pour ce droit, mais il ne pourra pas être exercé s'il y a un verrou numérique. On nous dit que nous avons le droit de convertir une oeuvre dans une nouvelle forme de fichier, mais s'il y a un verrou numérique, nous ne pourrons y arriver.
Mon collègue, le ministre du Patrimoine, dit que, si nous n'aimons pas le verrou, nous n'avons qu'à ne pas acheter le produit. Voilà une façon plutôt cavalière de s'exprimer. Je me demande si ce type est vraiment conscient des particularités de l'univers numérique. Les gens achètent moins dans les commerces qu'en ligne. Alors, si nous adoptons des dispositions restrictives concernant les verrous numériques, les gens essaieront simplement de les contourner. C'est problématique.
Il est important que les Canadiens adhèrent aux règles concernant le droit d'auteur, parce que ce droit est fondamental pour constituer une économie forte et renforcer le monde de la création. Cependant, je vous dirais qu'il n'y a pas un seul enfant de six ans au pays qui ne sait pas comment faire sauter un verrou numérique. Les gens les feraient sauter en toute impunité. Devrait-on criminaliser un tel comportement? Je ne crois pas.
Nous devons nous demander pourquoi le Canada met en place des dispositions restrictives reliées aux verrous numériques. Aux États-Unis, aux termes de la DMCA, la loi sur le droit d'auteur la plus restrictive du monde, même les Américains ont reconnu le droit d'utiliser certaines oeuvres.
Permettez-moi de vous donner un exemple pour montrer à quel point les dispositions sur les verrous numériques sont stupides. Si un journaliste au bulletin de nouvelles du soir voulait montrer un extrait d'un film dont on discute ou débat, il en serait incapable, car il devrait forcer le verrou numérique pour parvenir à ses fins. Ce journaliste devrait se contenter de montrer une photo de l'écran sur lequel est diffusé le film. Peut-on m'expliquer en quoi cette façon de procéder protège le droit d'auteur et l'artiste lui-même lorsqu'un journaliste essaie d'utiliser une oeuvre pour les fins d'une émission.
La même situation vaut pour les producteurs de documentaires. Les intervenants dans le secteur des documentaires sont très inquiets des dispositions sur les verrous numériques, car elles nuiraient à leur capacité d'extraire certaines oeuvres, comme ils en ont le droit aux termes du projet de loi. Ils jouissent de tous ces droits juridiques, mais s'il y a un verrou numérique, ces droits ne voudront plus rien dire.
Le gouvernement dit que la loi canadienne devrait permettre à des multinationales américaines de décider des droits dont nous jouissons. Si elles considèrent que nous n'avons aucun droit, il en sera alors ainsi. Peu importe ce que le projet de loi prévoit ou ce que la Chambre dit, le gouvernement affirme qu'il va transférer tous ces droits à des entreprises. C'est fondamentalement inadmissible et c'est une approche qui laisse à désirer.
De plus, en agissant ainsi, le gouvernement ne respecte pas nos obligations aux termes des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Nous sommes signataires de conventions internationales sur la propriété intellectuelle et nous pouvons vérifier comment d'autres pays ont abordé les dispositions sur les verrous électroniques. En particulier, je répète, les articles 10 et 11 du Traité sur le droit d'auteur de l'OMPI précisent clairement que les limitations telles que les mesures techniques de protection sont acceptables à la condition de ne pas « porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ». C'est ce qui est précisé dans ce traité.
Je me rappelle que mes collègues conservateurs avaient l'habitude de dire qu'ils avaient inséré les dispositions sur les verrous électroniques pour respecter les traités de l'OMPI. Pourtant, l'OMPI elle-même dit que les pays pourraient décider eux-mêmes de la nature des exemptions et des limitations. Les limitations sont les mesures techniques de protection et les exemptions, les droits dont les consommateurs et les étudiants doivent pouvoir se prévaloir.
Tous ces droits sont éliminés dans le cas présent et nous sommes placés dans une situation désavantageuse par rapport à bon nombre de nos concurrents européens qui ont des dispositions beaucoup plus nuancées sur les verrous électroniques.
Nous avons posé une question plutôt directe pour déterminer si le gouvernement serait disposé à collaborer avec nous pour modifier les dispositions sur les verrous électroniques afin de s'assurer que les droits normaux auxquels les Canadiens devraient légalement avoir accès ne seraient pas relégués au second plan par les droits des entreprises. Le gouvernement a répondu non. À moins que les dispositions sur les verrous électroniques ne soient modifiées, le Nouveau Parti démocratique n'approuvera pas le projet de loi, parce qu'il n'est pas équilibré.
Nous devons modifier les dispositions en matière d'éducation et celles sur les verrous électroniques. Nous devons également nous attaquer au fait que ce projet de loi, ne cesse de miner les droits collectifs existants des artistes canadiens et n'établira pas le type de régime culturel dont nous avons besoin au Canada.
En matière de droits d'auteur, nous avons vu récemment quelques-unes des poursuites judiciaires les plus insolites. Aux États-Unis, des enfants ont été poursuivis pour des montants atteignant au moins 30 000 $ à 50 000 $. Les grandes entreprises comme Sony, Warner et EMI réclament des millions de dollars à des enfants qui téléchargent des chansons de Hannah Montana. Partout aux États-Unis, et également au Canada, il y a eu des poursuites massives engagées contre des personnes anonymes qui ont téléchargé le film Démineurs. Les demandeurs se fondent sur les adresses IP pour envoyer des avis de poursuite par courriel.
Cette façon de s'en prendre aux consommateurs est probablement le modèle de gestion le moins viable qu'on puisse imaginer. J'étais très heureux que des artistes canadiens et tous les grands groupes canadiens se soient rassemblés sous la bannière de la Creative Music Coalition pour dire qu'ils ne traînent pas leurs fans en justice, car c'est eux qui les font vivre. En poursuivant des enfants, des grand-mères et même des morts pour violation du droit d'auteur, les États-Unis adoptent un modèle voué à l'échec.
Nous avons entendu tous ces discours au sujet du piratage et des sites de piratage. Il est intéressant de constater que le tout premier site de piratage était à Los Angeles. Nous avons tendance à croire que Hollywood est un lieu de tournage qui va de soi, mais ce n'est pas le cas. Pourquoi, diable, les cinéastes allaient-ils dans la région désertique à l'extérieur de Hollywood pour faire des films, alors que la grande majorité de la population des États-Unis vivait sur la côte Est? Parce qu'ils voulaient échapper aux droits d'auteur imposés à l'époque. Ils ne pouvaient pas tourner de films sur la côte Est des États-Unis, car Edison détenait les droits d'auteur visant la caméra. Par contre les mêmes règles ne s'appliquaient pas en Californie; Hollywood est donc devenu le premier site de piratage.
La même situation s'est produite lorsque sont apparus les lecteurs VHS. Le porte-étendard de l'industrie hollywoodienne, Jack Valenti, appelait cet appareil l'étrangleur de Boston du cinéma, et il priait le Congrès de rendre son utilisation illégale, car il le percevait comme une menace.
Parce qu'elle a créé le lecteur VHS muni d'une fonction d'enregistrement, Sony était la grande société pirate de l'époque, celle-là même qui, aujourd'hui, poursuit des gens de partout dans le monde pour violation du droit d'auteur.
Il y avait à l'époque une guerre commerciale, et tout le monde disait que le VHS anéantirait Hollywood. Toutefois, comme vous le savez, madame la Présidente — vous êtes très jeune, mais vous étiez probablement dans la fleur de l'âge quand le VHS est sorti — les gens ont commencé à louer des films, chose à laquelle ils n'auraient jamais songé auparavant parce qu'ils allaient au cinéma. Ils pouvaient maintenant louer des films, et le piratage qu'Hollywood voulait éliminer s'est transformé en une nouvelle activité commerciale si profitable qu'il n'était même plus nécessaire de prendre la peine de diffuser les films en salle. On pouvait maintenant les diffuser en VHS, et plus tard, sur DVD.
Le lecteur Beta.
En effet, il y a eu le lecteur Beta, qui a été écarté. Je demanderais au député de ne pas intervenir jusqu'à ce que nous parlions du lecteur Beta.
Parlons un peu de l'industrie du disque. En 1906, les musiciens aux États-Unis ont tenté d'interdire les pianos mécaniques. Ils pensaient que ceux-ci rendraient les musiciens superflus et affirmaient donc que la musique mécanique était une menace pour les musiciens. Qui ne les a pas défendus? L'American Music Publishers Association. Elle se disait que les sommes qu'elle toucherait en droits d'auteur sur la vente de feuilles de musique augmenteraient proportionnellement avec la vente de pianos mécaniques. Ainsi, la vente de pianos mécaniques a été autorisée. Dans les années 1920, l'industrie du disque a cherché à interdire la radio parce que les diffuseurs ne payaient aucuns droits d'auteur. Tous les problèmes qui sont apparus au fil du temps avaient à voir avec la monétisation.
En cette ère numérique, le combat n'est pas bien différent qu'il l'était en 1928, quand les droits d'auteur des artistes ont chuté de plus de 80 p. 100 en raison de la popularité de la radio, le Napster de l'époque. L'industrie a pu établir un modèle de monétisation. Nous demandons au gouvernement de travailler avec nous pour établir un modèle de monétisation pour les artistes; si nous ne pouvons trouver une solution, la guerre des droits d'auteur durera pendant encore des décennies.
:
Madame la Présidente, je suis très heureux et honoré de participer — au nom du Parti libéral et des électeurs de ma magnifique circonscription, Halifax-Ouest — au débat sur le projet de loi .
Je suis déçu de constater que le et le ne semblent pas vouloir se donner la peine d'écouter ce débat.
Comme dirait Yogi Berra, le projet de loi « donne une impression de déjà vu, encore une fois ». Voilà qui me rappelle une autre phrase du même personnage. Lorsqu'on lui a posé une question au sujet de Coney Island, Yogi Berra a répondu: « Plus personne n'y va. Il y a trop de monde. »
Le gouvernement fonde son approche à l'égard de ce projet de loi sur la même logique. Le nouveau projet de loi sur le droit d'auteur, le projet de loi , est une copier-coller de l'ancien projet de loi sur le droit d'auteur, le . Il repose sur les mêmes principes idéologiques et comporte les mêmes lacunes et omissions. Il contient — comme mon collègue de vient de le dire — les mêmes dispositions sur les verrous numériques influencées par les Américains.
Les libéraux admettent toutefois qu'il faut moderniser la Loi sur le droit d'auteur. En outre, nous reconnaissons qu'il faut protéger les artistes, les créateurs, les enseignants et les consommateurs. Nous sommes conscients de la nécessité d'adopter une loi équilibrée. Nous pensons qu'il est important d'instaurer des règles équitables et équilibrées relatives au droit d'auteur.
Or, au lieu de cela, nous sommes aujourd'hui saisis d'un projet de loi recyclé qui comporte des dispositions sur les verrous numériques qui figurent parmi les plus restrictives au monde. C'est, en fait, une approche qui, comme le souligne, à juste titre, Michael Geist — qui occupe la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique à l'Université d'Ottawa — ne vise qu'à satisfaire les intérêts des États-Unis.
J'ai été ravi de lire l'entrée qu'il a publiée ce matin dans son blogue. Voici ce qu'il a écrit:
La position des libéraux est en accord avec le projet de loi C-60, le projet de loi sur le droit d'auteur qu'ils avaient présenté en 2005, lequel associait les règles de verrou numérique à des violations du droit d'auteur et n'interdisait pas le recours aux outils pouvant permettre de contourner les verrous numériques.
Visiblement, cet expert renommé en matière de droit d'auteur, d'Internet et de commerce électronique dit que c'est notre approche qui a du sens et qui est cohérente.
Eu égard à ces préoccupations, le Parti libéral n'appuiera pas le projet de loi . En effet, les dispositions sur les verrous numériques qu'il propose sont beaucoup trop strictes et viennent annuler presque tous les autres droits prévus dans la loi.
Par exemple, en vertu de ces dispositions, une mère commet une infraction si elle copie un film de son DVD sur son iPad ou son Playbook afin que ses enfants puissent le regarder pendant un long trajet en voiture.
[Français]
Ces dispositions signifient qu'un Canadien désirant simplement transférer un film de son DVD à son iPad ou son PlayBook pour que ses enfants puissent le visionner durant un long voyage en automobile violera la loi, car le fait de contourner la mesure de protection du DVD lui coûtera maintenant 5 000 $ en poursuites judiciaires. C'est épouvantable.
[Traduction]
Prenons le cas d’un étudiant qui a une déficience visuelle. Si cet étudiant doit reproduire un texte numérique dans un autre format pour pouvoir le lire, mais constate que le matériel source est visé par des mesures de protection, il ne pourra pas le lire, à moins d’enfreindre la loi. Comment peut-on considérer qu’il s’agit là d’une approche juste et équilibrée? C’est tout le contraire d’une approche juste et équilibrée.
Je sais que nombre de mes collègues d'en face ne croient pas que leur programme de lutte contre le crime pourrait s'attaquer à des mères de famille et des étudiants handicapés, mais ils devraient examiner de plus près les conséquences de ce projet de loi, parce que c’est exactement ce qui va se produire.
Ce matin, le a soutenu que lui et son gouvernement avaient l’appui du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada à l’égard de ce projet de loi. Pourtant, le conseil a déclaré que, comme de nombreux autres groupes du domaine de l’éducation, les ministres provinciaux considéraient que les dispositions sur les verrous numériques étaient trop restrictives.
Le ministre semble voir un appui dans cette déclaration, ce qui me paraît constituer une interprétation bien étrange.
Les libéraux ne peuvent absolument pas appuyer un gouvernement qui cherche à criminaliser le fait que de simples citoyens exercent leur droit de voir dans le format de leur choix du matériel qu’ils ont acheté en toute légalité. Le noeud de l'affaire, c'est la capacité de changer quelque chose de format. Ceux qui ont acheté un CD et qui souhaitent transférer la musique qui s’y trouve dans leur iPod ou, peut-être, dans leur BlackBerry, veulent pouvoir le faire. Le gouvernement leur dit qu'ils peuvent le faire. Il veut que les Canadiens croient qu’ils peuvent faire cela, mais il leur dit également qu’il leur donne ce droit, mais qu’ensuite il le leur enlève parce qu’il a placé un verrou numérique. C’est contradictoire.
[Français]
D'autres pays ont réussi à se conformer à leurs obligations liées à des traités internationaux en vertu de l'OMPI sans avoir recours à des dispositions de serrures numériques aussi rigides. Cela soulève la question de savoir pourquoi le Canada va bien au-delà de ce qu'on attend de lui. La réponse est claire. Ce projet de loi a été rédigé dans le but de répondre aux demandes des États-Unis plutôt que de répondre aux besoins des Canadiens et de défendre leurs intérêts.
[Traduction]
Des télégrammes de diplomates récemment publiés par l’entremise de WikiLeaks ont révélé qu’une grande partie du projet de loi a été rédigée précisément pour répondre aux attentes des Américains concernant les dispositions sur les verrous numériques. Cela me choque et me trouble. Il s’agit non pas des intérêts des Canadiens, mais plutôt de certains intérêts américains. Les conservateurs ont même offert d’envoyer au gouvernement américain un exemplaire du projet de loi avant même que le Parlement du Canada ne l’ait vu.
L'hon. Judy Sgro: C’est une honte.
L'hon. Geoff Regan: C’est honteux. Il est difficile d’imaginer qu’une telle chose puisse se produire. Donner à lire un projet de loi à un gouvernement étranger avant que les députés et les Canadiens aient une chance de l'étudier constitue un manque flagrant de respect pour le Parlement et la Chambre des communes de la part des conservateurs.
Pire encore, les télégrammes ont révélé que les conservateurs avaient demandé aux États-Unis d’inscrire le Canada sur la liste de surveillance antipiratage des représentants commerciaux américains. Ils voulaient effrayer les Canadiens pour les inciter à appuyer ce projet de loi sur le droit d’auteur. C’est une façon de s’y prendre qui est bien rétrograde, récidiviste et bizarre. Dix jours après la présentation de cette demande par les conservateurs, les États-Unis se sont fait un plaisir d’y accéder. Naturellement. Cela n’a vraiment rien d’étonnant.
Ce qui est ironique dans tout cela, bien sûr, c'est que les États-Unis sont maintenant en train d'assouplir leurs propres dispositions sur les verrous numériques. Durant le dernier examen des règles de contournement américaines, ils les ont considérablement assouplies. Alors qu'il est maintenant légal aux États-Unis de contourner une mesure de protection pour faire un collage sur YouTube, le gouvernement veut rendre ce geste illégal au Canada. Peut-on imaginer cela? Les conservateurs affirment que cette loi sur le droit d'auteur est moderne, équilibrée et équitable, mais elle est régressive.
Les membres du cabinet du premier ministre étaient en communication directe avec l'administration Bush, mais ils ne tenaient pas du tout compte des opinions et des conseils des intervenants, des citoyens et des experts canadiens.
Durant la 40e législature, un comité législatif spécial chargé de l'étude du projet de loi sur le droit d'auteur a entendu 142 témoins et a reçu 167 mémoires. C'est beaucoup d'information. En tant que députés, nous avons également reçu des commentaires de milliers de Canadiens. En fait, hier seulement, mon bureau a reçu près de 3 000 courriels sur ce sujet. Les Canadiens sont préoccupés par cette question et se sont beaucoup exprimés à ce sujet, mais le gouvernement ne les écoute pas.
La plupart des témoignages qui ont été rendus au comité l'hiver et le printemps derniers étaient très sensés. Toutefois, au lieu d'écouter ce que les témoins avaient à dire et d'affirmer qu'ils apporteraient les changements nécessaires, les conservateurs ont choisi de déposer un projet de loi identique, qui est formulé exactement de la même façon. Le gouvernement n'a pas changé une virgule ou un point, et il n'a pas déplacé une lettre dans ce projet de loi. La seule chose qui a changé est le numéro du projet de loi parce qu'il s'agit d'une nouvelle législature.
Le a déclaré publiquement qu'il n'accepterait aucune modification. Aujourd'hui, il semble tenir un discours quelque peu différent, mais il faudra attendre pour voir si c'est bel et bien le cas. Ses collaborateurs au sein du cabinet du premier ministre ont fait savoir qu'ils rejetaient même la tenue d'audiences complètes sur le projet de loi. Ils ne veulent pas que les députés — dont un grand nombre sont nouveaux à la Chambre — entendent les différents témoins et aient l'occasion de débattre pleinement du projet de loi. J'ai bien peur qu'aujourd'hui, le gouvernement agisse comme il l'a fait ces dernières semaines dans le cas de chacun des projets de loi importants présentés jusqu'ici, à savoir recourir à la clôture pour faire adopter à toute vapeur cette mesure législative. En raison de cette approche radicale, de l'influence indue des États-Unis et de la position inflexible et erronée du gouvernement au sujet des verrous numériques, les libéraux n'auront pas d'autre choix que de voter contre le projet de loi .
Une des principales inquiétudes soulevées lors des audiences antérieures du comité avait trait aux répercussions que pourrait avoir sur les artistes et les créateurs le fait d'étendre les utilisations équitables à d'autres domaines tels que l'éducation. De nombreux auteurs ont expliqué à maintes reprises que les modifications prévues dans le projet de loi nuiraient considérablement à leurs modèles d'affaires, ce qui nous inquiète beaucoup. Cependant, nous ne percevons dans le projet de loi aucune tentative destinée à améliorer les définitions de l'expression « utilisation équitable » ou à offrir une certitude quelconque aux auteurs.
Enfin, le Parti libéral a toujours été d'avis que les artistes et les créateurs méritent qu'on leur accorde un financement transitoire pour les aider à faire face aux répercussions qu'aura ce projet de loi sur leurs sources de revenus. Par exemple, étant donné que les créateurs ne pourront plus exiger de redevances en ce qui concerne les enregistrements éphémères, les artistes seront privés d'une source de revenus totalisant environ 8 millions de dollars par année. Nous croyons que le gouvernement devrait offrir un soutien transitoire afin d'aider les artistes à s'adapter à cette nouvelle situation. C'est pour cette raison que nous avons proposé, pendant la dernière campagne électorale, de créer un fonds pour rémunérer les artistes.
De nombreux députés savent que, par le passé, une redevance était imposée sur les cassettes et les disques compacts vierges. À une certaine époque, cette redevance générait des revenus de 27,7 millions de dollars pour les artistes canadiens; il s'agissait d'une source de revenus très importante pour eux. Malheureusement, au fil du temps, les choses ont changé et les gens n'utilisent maintenant plus autant de cassettes et de disques compacts vierges que par le passé. Par conséquent, les revenus ont diminué et ne totalisent plus que 8,8 millions de dollars par année. Il s'agit d'une diminution dramatique pour les artistes qui se fiaient à cette source de revenus. Je crois que le gouvernement devrait comprendre cette situation et tenter de trouver une façon d'y remédier, mais cela ne semble pas l'intéresser. Il ne semble pas se préoccuper des répercussions de cette situation; il y a de quoi s'inquiéter.
Compte tenu des nombreuses lacunes de ce projet de loi, et surtout parce que le gouvernement n'a pas démontré son intention d'apporter quelque changement que ce soit, et ce, même après avoir entendu 142 témoins, lu 163 mémoires et pris connaissance des commentaires formulés par des milliers de Canadiens, que ce soit en ligne, par courriel ou par d'autres moyens, je désire proposer l'amendement suivant. Je propose:
Que la motion soit modifiée par substitution, aux mots suivant le mot « Que », de ce qui suit:
« cette Chambre refuse de donner deuxième lecture au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, parce que celui-ci:
a) ne confirme pas les droits des consommateurs à choisir comment ils entendent profiter du contenu dont ils font l’acquisition à cause de dispositions trop restrictives concernant les serrures numériques;
b) ne contient pas de critère clair et rigoureux concernant « l’utilisation équitable » à des fins pédagogiques;
c) ne prévoit pas de système de financement transitoire pour aider les artistes à faire face aux pertes de revenus découlant de cette mesure législative ».
:
Madame la Présidente, voici à nouveau le projet de loi visant à moderniser le droit d'auteur, le même qui avait été présenté le 2 juin 2010 par le ministre de l'Industrie. Cette loi porte le titre de Loi sur la modernisation du droit d'auteur, mais je pense qu'ils se sont trompés dans l'appellation: on aurait dû l'appeler loi du verrou numérique ou loi du cadenas, selon nos racines historiques.
Il était temps que le gouvernement introduise, dans la loi, les principes des traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur le droit d'auteur et sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, auxquels il a apposé sa signature le 22 décembre 1997. Malheureusement, le gouvernement conservateur en a profité pour y inclure plusieurs dispositions qui affaiblissent les fondements du droit d'auteur. La Loi sur le droit d'auteur est l'assise juridique qui assure que les oeuvres peuvent être reproduites, présentées et communiquées au public tout en garantissant une rémunération à leurs créateurs.
Les grands oubliés de cette loi du verrou numérique, qu'on nous présente comme une loi sur le droit d'auteur, sont les créateurs. Affaiblir le droit d'auteur en créant une kyrielle d'exceptions qui permettent d'utiliser les oeuvres sans autorisation et sans compensation financière, c'est empêcher une catégorie de travailleurs de gagner leur vie en exerçant leur métier. On va voir plus loin les répercussions financières sur les créateurs des dispositions du présent projet de loi.
C'est aussi démanteler les sociétés de gestion collective, un outil que les créateurs se sont donné pour faciliter l'accès à leurs oeuvres dans le respect de leurs droits. C'est mettre en péril les industries culturelles en tarissant leur approvisionnement aux oeuvres et en les empêchant de développer des marchés qui répondent aux besoins des consommateurs tout en protégeant leurs investissements.
Le projet de loi contient plus d'une quarantaine de nouvelles exceptions, dont la plupart sans rémunération pour les créateurs, contrevenant ainsi à un principe fondamental, à savoir que dès qu'une utilisation est faite d'une oeuvre, il n'y a pas de raison pour qu'un auteur ne soit pas rémunéré. C'est simple, c'est précis. C'est la base du droit d'auteur.
Une redevance n'est pas une taxe. Depuis le début de ce débat, les conservateurs ont essayé de faire le lien entre la redevance et la taxe. Or ce n'est pas la même chose. Toutes les industries, à des degrés divers, bénéficient d'une aide gouvernementale sous forme d'investissements, de crédits d'impôt à la recherche et au développement, mais aussi de subventions directes. Qu'on pense aux industries de l'aéronautique, de l'agroalimentaire et des technologies de l'information, pour n'en nommer que quelques-unes.
Les industries culturelles ne sont pas une exception à cet égard. Or l'ensemble de ces industries protègent jalousement leur propriété intellectuelle soit en vertu de la Loi sur les brevets, de la Loi sur les dessins industriels, de la Loi sur le droit d'auteur ou de toute autre loi garantissant la protection de la propriété intellectuelle.
Qu'arrive-t-il, à la fin? Tout le monde, en tant que contribuables ou en tant que consommateurs, paie pour l'utilisation des créations de ces entreprises, qu'il s'agisse de logiciels, de médicaments ou de iPod, puisque les redevances sont intégrées au prix du produit ou au prix d'une licence de logiciel, par exemple.
Alors, quel est le problème lorsqu'il faut payer des redevances pour l'utilisation de musique, d'images, de vidéos et de livres auxquelles ont droit les auteurs de ces contenus, tout comme les enseignants ont droit à leur salaire et le maçon qui répare le mur de l'école, à sa rémunération?
Il ne s'agit pas d'une taxe, mais d'une redevance payée au détenteur de droits, comme nous le faisons au bénéfice de bien des créateurs dans une multitude de domaines. Avec tous les nouveaux outils technologiques mis à notre disposition, il faut cesser de se percevoir uniquement comme des consommateurs de la création des autres. Si on écrit une nouvelle ou un roman, si on ose proposer une chanson, si on invente une « patente », on souhaitera sans doute obtenir une juste rétribution pour notre création, notre travail.
Les créateurs sont des inventeurs. Ils ont des brevets d'invention sur leurs créations. C'est la juste part qui revient aux créateurs, et c'est pourquoi il faut « penser autrement », comme le clame la plus célèbre publicité d'Apple, en souhaitant que cette publicité se rende au bout de sa pensée.
Je vais faire avec vous un rapide survol des dispositions contenues dans le projet de loi et des différentes d'exceptions dont on a parlé, soit une quarantaine exceptions, qui vont priver les créateurs, artistes, compositeurs, musiciens et photographes des redevances auxquelles ils ont droit. Je pense aux écrivains, aussi.
Que veut dire l'élargissement de la notion de l'utilisation équitable aux fins d'éducation, de parodie et de satire? Évidemment, cela va se retrouver devant les tribunaux. Ils devront définir la portée de cet article. En attendant, l'incertitude persistera et les usagers, notamment les enseignants, de même que les titulaires de droit s'interrogeront sur les utilisations permises. Je l'ai déjà dit dans une autre présentation: avec l'arrivée du gouvernement conservateur majoritaire, avec la mise en place de nouvelles prisons, ces conservateurs vont nous inventer de nouveaux crimes pour remplir leurs prisons. On trouve plusieurs nouveaux crimes dans ce projet de loi. On ne savait pas que c'étaient des crimes, mais il y a maintenant des sanctions prévues. On sanctionnera des choses qu'on fait quotidiennement et qui prennent maintenant l'allure de gestes criminels.
Cette disposition remet en cause les sommes perçues par la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction, la Copibec, la Société du droit de reproduction des auteurs compositeurs et éditeurs du Canada, la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes. Tous ces organismes sont venus présenter leur mémoire lors des audiences, mais rien n'a été retenu de leurs présentations. Le gouvernement s'est plutôt inspiré des dispositions appliquées aux États-Unis. Il y a aussi la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN, et la Société québécoise des auteurs dramatiques qui ne sont pas d'accord sur cette disposition. Il en est de même en ce qui concerne la Société canadienne de gestion des droits des producteurs de matériel audio-visuel, Audio Ciné Films, Films Criterion, pour la reproduction des oeuvres littéraires, artistiques, dramatiques, musicales, audiovisuelles, l'exécution publique des oeuvres musicales et audiovisuelles, et la présentation des oeuvres dramatiques dans les maisons d'enseignement.
Parlons des redevances perdues au Québec à cause de l'élargissement de cette notion d'utilisation équitable. En fait, que veut dire « utilisation équitable »? On ne trouve rien dans la loi qui précise exactement ce que veut dire une utilisation équitable. Tout cela fera perdre 11 millions de dollars annuellement aux créateurs, aux ayants droit. Il y a 175 millions de copies, extraites d'oeuvres protégées, faites chaque dans les écoles, les cégeps, les universités.
Rappelons-le, l'utilisation équitable est un concept flou qui mettra fin au droit d'autoriser ou non l'utilisation d'une oeuvre, à la rémunération pour l'utilisation d'une oeuvre, dont celles de 23 000 auteurs et de 1 000 éditeurs québécois.
Les conservateurs ouvrent une boîte de Pandore. Le monde de l'éducation est très large. Cela n'a aucun bon sens. Si on photocopie des livres pour l'éducation sans qu'il y ait de rétribution, personne ne voudra écrire de livres. En outre, comme le terme « éducation » n'est pas défini dans cette loi, cette nouvelle exception pourrait s'appliquer à toute forme d'activité éducative et non seulement à celles qui se déroulent dans le cadre scolaire.
Une autre exception est la reproduction à des fins privées. Une personne physique pourra reproduire intégralement sur tout autre support ou autre appareil une oeuvre qu'elle détient légalement et elle pourra en permettre l'accès à des fins privées. Le gouvernement aurait pu choisir, comme le demandent les artistes et les interprètes, d'étendre le régime de compensation qui existe actuellement pour le transfert d'un enregistrement sonore sur les supports audio vierges comme sur les cassettes, mais il a opté pour la gratuité.
Effectivement, on sait présentement, quand on fait une copie d'une oeuvre sur une disquette, que des redevances — par exemple, c'est 29 ¢ sur les CD — seront redistribuées par la suite aux créateurs. Évidemment, avec la multiplication des supports virtuels, les revenus issus de cette redevance ont fondu comme neige au soleil, passant de 27 millions de dollars à 8 millions de dollars en quelques années. Il n'y a rien dans le projet de loi pour compenser ces pertes.
Les créateurs sont estomaqués de voir que, dans un projet de loi sur les droits d'auteur, la seule chose qui préoccupe le gouvernement, ce n'est pas la reconnaissance des droits d'auteur, mais celle des verrous numériques. Le nombre de cassettes et de DVD vierges vendus diminue sans cesse, les montants redistribués aux créateurs s'amenuisent et les associations de créateurs souhaitent qu'une redevance semblable soit appliquée à l'achat d'appareils tels que des baladeurs — on l'a dit en comité —, selon la taille du disque dur ou de leur mémoire flash. Le régime de copie privée actuel n'a toutefois aucune portée sur les appareils, seulement sur les supports. Or il y a de moins en moins de supports.
L'utilisation des photographies est une autre exception qui a été décriée par les artistes photographes. En effet, une personne physique pourra utiliser ou permettre qu’on utilise à des fins non commerciales ou privées la photographie ou le portrait qu’elle a commandé à des fins personnelles et qui lui a été remis en contrepartie d’une rémunération à moins d’une entente à l’effet contraire avec l’auteur de la photographie ou du portrait.
Quant au visionnement différé, une personne physique pourra enregistrer une émission communiquée par radiodiffusion afin de l’écouter ou de la regarder en différé. Elle ne pourra faire qu’un seul enregistrement à des fins privées et ne pourra conserver la copie que le temps nécessaire à l’utilisation en différé.
En résumé, je fais une copie d'une émission enregistrée que j'ai payée afin de la regarder en différé, mais je n'aurais le droit de conserver cette copie que le temps nécessaire à l'utilisation en différé. Comment vérifier cela, et qui va le faire? Qui va s'assurer que je ne garde pas cette copie indéfiniment ou que je ne la prête pas à mes voisins? Si je la prête à mon voisin, est-ce que ça va devenir un crime passible de 5 000 $ d'amende? Si je regarde les dispositions pénales contenues dans le projet de loi, ça pourrait bien être ça. Je deviendrais un criminel si je prête une émission à un de mes amis. Je trouve que la contrepartie pénale relative à ce type de comportement est exagérée par rapport aux circonstances.
En ce qui a trait à la copie de sauvegarde, le propriétaire d’une œuvre pourra faire des copies de sauvegarde et s’en servir pour remplacer une œuvre originale devenue inutilisable. On devra donc racheter un nouvel appareil pour remplacer celui devenu usé ou désuet mais on pourra multiplier le contenu gratuitement.
Il y a de drôles d'éléments, dans ce projet de loi. On en perd son latin.
Pour ce qui est de la communication d'une oeuvre par télécommunication, un établissement d’enseignement pourra transmettre par télécommunication à un élève une leçon qui intègre des œuvres protégées. L’établissement devra prendre des mesures « dont il est raisonnable de croire » qu’elles empêcheront la dissémination de l’œuvre, il devra aussi détruire la reproduction dans les 30 jours suivant la date où les étudiants ont reçu leur évaluation finale mais aucune sanction n’est prévue si l’établissement omet de prendre les mesures requises.
C'est une disposition un peu schizophrène. On envoie le message que ces oeuvres doivent être détruites et on n'a aucun dispositif pour le vérifier. De toute façon, si ce n'est pas détruit, ce n'est pas grave. Je me demande de quoi on parle. J'aimerais bien connaître l'agence de lobbying qui est allée voir le gouvernement conservateur pour lui demander d'inclure une telle disposition dans ce projet de loi. Je ne comprends pas.
Pour l'extension de licence de photocopie, les établissements titulaires d’une licence avec Copibec [...] pour la photocopie pourront également en faire des reproductions numériques et les communiquer par télécommunication aux étudiants. Les balises de la licence de photocopie s’appliqueront à ce type d’utilisation et les redevances seront calculées de la même façon. Comment interagiront l’utilisation équitable pour fins d’éducation et la présente exception?
Les établissements titulaires d'une licence pour la photocopie pourront également en faire des reproductions numériques et les communiquer par télécommunication. Les photocopies pour lesquelles on paie des droits pourront donc être envoyées par reproduction numérique, mais les reproductions numériques se perdent un peu dans le dédale de l'univers virtuel.
Pour ce qui est des oeuvres sur Internet, les établissements d’enseignement pourront, à des fins pédagogiques, utiliser une œuvre accessible sur Internet. On le fait tous: on utilise Google, on consulte Wikipédia, etc. Cette exception ne pourra s’appliquer aux œuvres protégées par une mesure technique, les verrous, ou à celles sur lesquelles on retrouve un avis bien visible — et non le seul symbole de copyright — interdisant l’utilisation de l’œuvre. On renverse ainsi le principe à l’effet qu’une œuvre est protégée dès qu’elle existe sous une forme matérielle sans autre formalité et on oblige les titulaires de droits qui ne veulent pas concéder un accès gratuit à leurs œuvres à les cadenasser ou à y mettre un avis. On fait également abstraction des millions d’œuvres sur Internet déjà gratuitement accessibles pour des fins pédagogiques par le biais de la licence.
Concernant la reproduction pour une présentation visuelle ou un examen, la loi actuelle permet la reproduction manuscrite d’une œuvre et sa présentation par le biais d’un rétroprojecteur. Le projet de loi en permettra la reproduction et sa présentation visuelle sur tout support ou par tout moyen technique comme une clef USB, un tableau blanc interactif ou des écrans d’ordinateur. Cette exception ne s’appliquera pas si les œuvres sont accessibles sur le marché canadien sur un tel support. Le législateur a toutefois retranché la possibilité d’obtenir une licence auprès d’une société collective comme constituant un frein à l’application de l’exception. Il s’agit d’une perte immédiate d’un demi-million de dollars pour les titulaires de droits représentés par Copibec.
On voit, là encore, qu'une disposition de ce projet de loi, non seulement n'aide pas les auteurs, mais les prive de revenus de l'ordre de 500 000 $.
On a parlé plus tôt des dispositions s'appliquant aux bibliothèques, musées et services d'archives. Voyons ce qu'il en est des prêts en établissements. Dans ce cadre, les bibliothèques, musées et services d’archives au sens de la loi, pourront désormais transmettre à un usager pour fins d’étude privée et de recherche, des articles de périodiques sous forme numérique. Elles devront prendre des mesures pour empêcher l’usager d’en imprimer plus d’une copie ou de les communiquer à un tiers.
Les bibliothèques devront prendre des mesures si elles transfèrent un article à un usager pour faire en sorte qu'il ne puisse transférer ces informations à un tiers. Je pense à ma bibliothèque municipale, à St-Hippolyte, qui va recevoir les directives de ce projet de loi. Comment va-t-elle faire?
La position générale du secteur culturel face au projet de loi est que, dans son état actuel, le projet de loi affaiblit les principes au coeur du droit d'auteur qui ont historiquement fourni un environnement favorable aux créateurs, producteurs, distributeurs et consommateurs de biens culturels. Le projet de loi va compromettre la compétitivité du Canada dans une économie numérique globale et miner l'avenir économique des créateurs de contenu canadien. Les artistes font valoir que plusieurs des articles inclus dans le projet de loi C-11 font montre d'un manque de compréhension des structures de l'industrie créative dans un environnement technologique en pleine ébullition. Les parlementaires se doivent d'amender le projet de loi et d'en préserver les aspects positifs. Les chances que le Canada développe une économie du savoir innovatrice dépend de la vigueur avec laquelle il défend la propriété intellectuelle.
Adopté tel quel, le projet de loi aura des conséquences financières considérables pour les artistes, les industries culturelles canadiennes, avec des pertes évaluées à 126 millions de dollars par année.
Il faut supprimer tous les articles qui nient le droit actuel et éliminent les revenus qu'ils génèrent actuellement, incluant les dispositions qui légalisent sans compensation certains genres de reproduction. On doit permettre l'utilisation pour des fins éducatives de matériel protégé sans compensation.
Il semble que toutes les tentatives de réforme du droit d'auteur au Canada aient eu très peu à voir avec la création d'un régime conciliant les droits des créateurs et ceux du public en général. C'est cette conciliation que veut le NPD. On ne veut pas criminaliser encore les agissements des personnes. On veut que ce projet de loi serve à baliser très clairement l'exercice du droit d'auteur pour les créateurs, pour les amener à venir dans un univers en pleine ébullition et en plein changement.
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Monsieur le Président, personne ne peut nier que Steve Jobs a été un grand innovateur dans le monde des affaires. Il a personnifié l'innovation et la recherche de la perfection dans le monde des affaires. Il est devenu une icône de la nouvelle économie. Il nous a quittés, mais les innovations de son entreprise restent parmi nous, notamment l'appareil numérique universel qu'est l'ordinateur personnel, dont les députés ne pourraient pas se passer pour faire leur travail quotidien. Je doute qu'un seul député ne soit pas d'accord pour dire que l'avènement de l'ordinateur personnel dans nos vies quotidiennes a entraîné des changements en profondeur dans notre société.
C'est par l'intermédiaire de mon père que j'ai eu mes premiers contacts avec le monde de l'informatique. Il travaillait comme chauffeur de camion pour une entreprise du nom de Control Data. Il transportait les cartes perforées sur lesquelles était contenue l'information issue des ordinateurs de l'administration fédérale, à Ottawa. Je faisais des dessins au verso de ces cartes lorsqu'on les jetait. Je fus peut-être l'auteur de l'une des premières oeuvres de fusion ou de détournement culturel.
Puis mon père a apporté à la maison un magnétophone. Nous enregistrions nos propres histoires et effacions les passages que nous n'aimions pas. Nous nous amusions pendant des heures à écouter nos voix aiguës. Puis, nous nous sommes rendu compte que nous pouvions enregistrer les chansons qui jouaient à la radio et les écouter plutôt que d'attendre qu'elles passent à la radio. Nous pouvions chanter ces chansons et les enregistrer en même temps. Nous pensions à toutes les possibilités que nous offraient les moyens technologiques dont nous disposions.
Pendant que nous nous amusions ainsi, M. Jobs mettait ses ordinateurs Apple sur le marché. Comme l'a mentionné le député, il y avait aussi un procès en cours; c'était l'affaire Betamax.
Dans ma famille, nous n'étions pas des précurseurs, nous n'avons donc pas acheté de magnétoscope immédiatement. Il paraît qu'à la sortie du Betamax, en 1976, l'industrie de la télévision s'est insurgée. Lorsque le magnétoscope a fait son apparition, il n'y avait pas de clubs vidéo, pas de location, rien du tout. Par conséquent, sa seule utilité était d'enregistrer des émissions de télévision. En fait, il est devenu le premier appareil de diffusion différée. Au lieu de s'asseoir à l'heure dictée par les télédiffuseurs, nous pouvions choisir l'heure à laquelle écouter nos émissions, à condition de savoir programmer le magnétoscope, ce que bien des gens trouvaient difficile. Ce sont les gens de ma génération qui s'en chargeaient, car nos aînés n'y arrivaient pas.
Les télédiffuseurs n'aimaient pas que les consommateurs disposent de ce nouveau moyen de contrôle, parce qu'ils voulaient les avoir à leur merci. Leur plus grande crainte était la perte de revenus attribuable au fait que les gens pouvaient faire défiler rapidement les messages publicitaires et regarder des films et des émissions de télévisions tirés de leurs propres vidéothèques, plutôt que de les écouter selon l'horaire du télédiffuseur. Le magnétoscope permettait aux gens de contrôler leur heure d'écoute des émissions.
Les dispositions législatives sur le droit d'auteur confèrent au titulaire du droit d'auteur un contrôle sur l'utilisation du contenu de son oeuvre. Grâce à elles, le droit d'auteur se traduit en revenus. Les gens ne peuvent pas utiliser ce qui appartient au titulaire du droit d'auteur à moins de lui verser un montant. L'idée, c'est que ces revenus servent d'incitatif et encouragent la création de nouvelles oeuvres.
Les diffuseurs craignaient de perdre des revenus. Les studios de cinéma étaient outrés que les consommateurs puissent enregistrer leurs films. Le ciel allait leur tomber sur la tête, disaient-ils. Ils ne voulaient rien savoir des magnétoscopes. Ils voulaient les interdir; ils ont donc engagé des poursuites contre Sony, le fabricant du Betamax. Les studios voulaient contrôler la conception du magnétoscope. Les télédiffuseurs et les studios de cinéma voulaient que l'on élimine certaines fonctions de l'appareil comme l'enregistrement et l'avance rapide. Que les députés s'imaginent le magnétoscope sans bouton d'avance rapide ou d'enregistrement, ou qu'ils songent un instant à ce qui serait arrivé si le magnétoscope avait été interdit, ce qui était, à l'origine, le résultat visé par ces poursuites judiciaires.
Je mentionne tout cela parce que la technologie a évolué. Les gens doivent s'engager dans la planification de leur vie familiale. Nous avons besoin d'une population plus active, d'une plus grande variété de choix et de possibilités. Il faut que les gens croient à l'idée que tout est possible; c'est l'essence même de l'innovation. Je rappelle aux députés que l'innovation est à la fois l'un des plus grands défis à relever et l'un des éléments les plus faibles au sein de l'économie canadienne actuelle.
Heureusement, la cour suprême des États-Unis a décidé, en 1983, que le magnétoscope était un appareil légal. Quelques années plus tard, l'industrie cinématographique encensait le magnétoscope, qu'elle considérait comme une invention merveilleuse. La vente de vidéocassettes a permis à l'industrie d'amasser des profits énormes. L'industrie qui manifestait autrefois de la peur et de l'ignorance à l'égard du magnétoscope s'est rendu compte que cette nouvelle invention pouvait lui faire gagner de l'argent. L'industrie voulait d'abord faire entrave au progrès, mais elle a cessé de craindre le magnétoscope dès qu'elle a compris qu'il lui offrait une source de revenus.
Quand j’avais 20 ans, j’ai réussi à mettre la main sur une caméra vidéo. J’ai filmé certaines des choses qui m’entouraient, j’ai pris mon CD de REM favori, prélevé quelques clips à la télévision et réuni le tout à l’aide d’un magnétoscope. Je reconnais que ce n’était pas très bon. C’était assez maladroit. J’avais toutefois créé quelque chose de nouveau, ma propre interprétation de la musique. Cette pratique a cours depuis très longtemps.
Les troubadours de l’époque médiévale modifiaient les paroles des chansons. Les conteurs changeaient certains éléments de l’histoire pour l’adapter à leur culture locale. À notre époque, nous avons des groupes comme Negativland et DJ Danger Mouse, entre autres, qui font à peu près la même chose.
Cette loi chercherait à rendre cette activité illégale. Le déverrouillage d’un verrou numérique, comme ce qu’un jeune Norvégien a fait pour le chiffrement des DVD au cours de la dernière décennie, deviendrait un crime.
La loi que les États-Unis ont adoptée en 1998, la DMCA, a été jugée impossible à appliquer. En fait, cette loi ne pourrait pas être appliquée. Ce serait trop difficile.
Le principal problème qui se pose ici est que nous sommes à l’ère du numérique et que nous avons une machine numérique universelle. Tous les renseignements que nous possédons actuellement, que ce soit de la musique, des films, des textes, existent sous forme numérique. Lorsqu’ils sont intégrés dans une machine numérique, ils sont tous traduits sous la même forme. C’est une innovation qui se produit lorsque les gens interagissent avec ces renseignements.
Toute l’information est numérique et donc, pour être vraiment efficace, pour protéger le propriétaire du droit d’auteur comme ce projet de loi tente de le faire, il faudrait exercer un contrôle sur les ordinateurs. C’est ce que les États-Unis ont essayé de faire. Ils ont essayé de lancer l’idée de la puce Fritz. Chaque dispositif numérique serait équipé de cette puce qui verrouillerait certaines activités sur le dispositif en question. Néanmoins, les spécialistes en informatique ont dit que c’était impossible, qu’ils ne seront pas capables d’inventer ce genre de système.
En fait, une machine universelle, un ordinateur personnel devrait être transformé en une machine assez limitée. Bien entendu, cela aurait pour effet de limiter l’innovation pour laquelle nous utilisons ces machines.
Des questions sont également soulevées dans les milieux juridiques quant au fait que les dispositions de cette loi relèveraient non pas de la Loi sur le droit d’auteur, mais du droit de propriété ou du droit civil qui sont du ressort des provinces.
Pour terminer mon discours, je voudrais énoncer 12 raisons pour lesquelles nos lois sur le droit d’auteur sont déjà suffisamment énergiques et n’ont pas besoin d’être renouvelées pour protéger les propriétaires de droits d’auteur.
Premièrement, le Canada compte environ 36 collectifs de droit d’auteur dont un bon nombre ont reçu d’importantes subventions gouvernementales directes et indirectes. Les États-Unis n’en ont qu’une demi-douzaine et ils ne reçoivent pas d’aide du gouvernement. Les États-Unis nous demandent d’imposer cette loi alors que nous avons déjà une Loi sur le droit d’auteur plus énergique que la leur.
Deuxièmement, le Canada a une Commission du droit d’auteur qui dispose normalement de quatre membres à plein temps, plus un juge en exercice ou à la retraite qui en est le président, ainsi qu’une douzaine d’employés professionnels et administratifs à plein temps. La commission a d’énormes pouvoirs en matière d’élaboration de politiques et de lois. À notre connaissance, aucun autre pays n’a ce genre de tribunal du droit d’auteur, à la fois important, permanent, puissant et à plein temps.
Troisièmement, les radiodiffuseurs paient des redevances beaucoup plus importants que leurs homologues des États-Unis, par exemple en ce qui concerne le droit éphémère. Les États-Unis prévoient une exemption pure et simple du droit éphémère à l’article 17 U.S.C.112.
Un regroupement formé d'une majorité de maisons de disque à dominance américaine exige environ 50 millions de dollars par année de plus pour ce droit, en plus des montants que reçoivent déjà les compositeurs, les auteurs et les maisons d'édition. En décembre 2008 et janvier 2009, la Commission du droit d'auteur du Canada a entendu une cause importante à propos de la radio commerciale, qui portait notamment sur cette question. La Commission prendra probablement de 18 à 24 mois après les auditions pour rendre sa décision, si on se fie au temps requis pour certaines de ses décisions récentes.
Quatrièmement, la Commission du droit d'auteur du Canada évalue séparément chacun des droits prévus par la Loi sur le droit d'auteur qui sont soumis à son examen. Elle ne tient pas compte de la multiplication des tarifs qui découlent d'une seule transaction. On pourrait se demander, à juste titre, si cette façon de faire résulte d'une approche inefficace de la part de la commission, d'une politique inefficace ou d'une mauvaise rédaction des lois. Quoi qu'il en soit, le système législatif des États-Unis met tout en oeuvre pour éviter ce genre de résultat, comme l'ont confirmé des décisions récentes des tribunaux.
Cinquièmement, les professeurs du Canada paient beaucoup plus cher pour obtenir une exemption du droit d'auteur que leurs homonymes américains. Aux États-Unis, il n'existe aucun mécanisme semblable à l'énorme coût de 5,16 $ par élève du primaire et du secondaire ou aux énormes frais par étudiant ou par ensemble de documents qu'il faut payer pour couvrir les droits d'auteurs dans les établissements postsecondaires. Le Québec a un système semblable. La Commission du droit d'auteur du Canada a réévalué ce qu'elle considère comme un traitement équitable à l'égard du milieu scolaire en fonction de ce que la Cour suprême du Canada semble exiger et de ce que la loi américaine autorise clairement. La décision controversée rendue par la Commission du droit d'auteur est actuellement soumise à un examen judiciaire.
Sixièmement, l'entreprise Access Copyright tente d'obtenir 24 $ par année pour chaque employé à temps plein que comptent les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada, sauf celui du Québec. On parle ici d'une facture potentielle de 6,5 millions de dollars que devraient assumer les contribuables canadiens, ce qui me semble tout à fait absurde à la lumière de l'arrêt de la Cour suprême du Canada CCH Canadienne Ltée. c. Barreau du Haut-Canada, car dans la quasi-totalité des cas, pour ne pas dire tous, la copie de matériel protégé serait vraisemblablement faite à des fins de recherche. Quoi qu'il en soit, la Commission du droit d'auteur risque d'être saisie de procédures extrêmement coûteuses, lesquelles risquent fort, après s'être étirées en longueur, de se retrouver devant les tribunaux. Même si la commission, contrairement à ses habitudes, faisait en sorte d'accélérer les procédures, ces dernières pourraient s'étendre sur plusieurs années.
Pareil tarif, ou mécanisme, ne pourrait jamais voir le jour aux États-Unis, notamment parce que l'immunité des États souverains est reconnue depuis longtemps par la Cour suprême des États-Unis. Le principe de l'immunité des provinces existe peut-être au Canada, mais personne ne sait trop dans quelle mesure il pourrait être invoqué. D'une manière ou d'une autre, ce tarif nouveau genre que cherche à imposer Access Copyright n'a pas d'équivalent aux États-Unis, ce qui me fait dire une fois de plus que les titulaires de droits d'auteur américains sont probablement mieux traités ici qu'ils ne le sont chez eux.
Septièmement, les lois canadiennes prévoient qu'un paiement doit nécessairement se rattacher à certaines formes d'usages pédagogiques, alors qu'un tel usage, comme la diffusion de films en classe, est précisément exempté au Sud de la frontière.
Huitièmement, il n'y a pas, dans les lois du Canada, de disposition qui exempte clairement la prestation d'oeuvres musicales servant à mousser la vente d'enregistrements sonores ou d'équipement audiovisuel, comme le fait le paragraphe 110(7) de la loi américaine sur le droit d'auteur.
Neuvièmement, les Canadiens paient déjà des sommes considérables à la SOCAN et à la Société de gestion de la musique pour les prestations qui ont lieu dans les bars, restaurants, magasins et autres établissements commerciaux de petite taille. Or, les États-Unis exemptent aussi ces établissements de l'application de la loi, même si, ce faisant, ils continuent d'enfreindre la décision rendue par l'OMC concernant l'application de l'article 110. Les États-Unis sont, et de loin, les plus grands auteurs de violations du droit international sur le droit d'auteur.
Je pourrais citer de nombreux autres exemples que j'ai trouvés en ligne, dans un blogue. Même si je viens d'expliquer à la Chambre ce qui amène l'auteur de ce blogue à conclure que nos lois sur le droit d'auteur sont déjà plus rigoureuses que celles des États-Unis, les multinationales font encore pression sur nous pour que nous imposions cette nouvelle mesure législative aux Canadiens, alors que nos lois en la matière sont déjà amplement suffisantes.
Voilà qui conclut mon intervention.
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Monsieur le Président, j’y arrivais. Quant à l'histoire au sujet de John Manley, elle montre bien le genre de luttes intestines typiques des libéraux, opposant les partisans de Jean Chrétien à ceux de Paul Martin. Toutefois, il est clair que ces propos ont été cités pour prouver la justesse de la mesure législative.
J’allais soulever d’autres préoccupations qui ont été exprimées par des tiers au cours du débat et que les Canadiens devraient entendre. L’une d’elles vient de Michael Geist, chroniqueur réputé dans le domaine des technologies. Il aurait dit du projet de loi qu’essentiellement, selon ce nouveau projet de loi, chaque fois qu’un verrou numérique est utilisé, que ce soit pour des livres, des films, de la musique ou des dispositifs électroniques, tous les droits sont brimés. Il a également dit:
Cela signifie que tant les droits d’utilisation équitable existants que les nouveaux droits en vertu du projet de loi [C-11] cesseront d’être respectés dès lors que le détenteur des droits placera un verrou numérique sur le contenu ou le dispositif.
Nous avons de la difficulté à accepter le concept du verrou numérique et nous croyons que des témoignages de ce genre remettent les choses dans une plus juste perspective puisqu’ils ne viennent pas uniquement d’utilisateurs. Plus tard, je citerai aussi les propos d’artistes.
J’ai des déclarations provenant des industries culturelles, qui représentent plus de 80 organismes voués à la culture et aux arts au Québec et au Canada. Selon ces industries, le projet de loi nuirait à l’économie numérique, il rendrait l’ensemble de la loi inefficace et il nuirait aux artistes.
La Writers Guild of Canada a une approche différente à l'égard du projet de loi. Elle estime que la question et le projet de loi sont complexes. Elle dit ceci:
Les verrous numériques ne sont pas une mesure progressiste et ils ne servent l'intérêt ni des consommateurs ni des créateurs. Au mieux, ils gèleront simplement les sources de revenu actuelles des créateurs.
D'autres experts dans le domaine, notamment la Clinique d'intérêt public et de politique d'internet du Canada Samuelson-Glushko, se sont prononcés sur la question. Voici ce que cet organisme a dit au sujet des verrous numériques:
Globalement, ces dispositions sur les verrous numériques sont parmi les plus restrictives au monde.
Pour atteindre un juste équilibre entre les utilisateurs et les propriétaires de droits d'auteurs, le gouvernement doit modifier les dispositions sur les verrous numériques avant que ce projet de loi ne soit adopté.
Voilà un autre exemple invalidant la pertinence du cas extrême concernant M. Manley et ses intérêts personnels qui sont mis en cause.
La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou la SOCAN, a dit ceci:
Sans cet équilibre, les contenus créatifs deviendront éventuellement moins abondants parce que les créateurs canadiens ne pourront plus vivre de leurs oeuvres.
À l'heure actuelle, le revenu moyen d'un créateur ou artiste canadien se chiffre approximativement à 12 000 $ par année. C'est insuffisant et le projet de loi leur enlèvera carrément une partie de ces revenus. Il s'agit d'une question fort importante pour les artistes parce que, dans la conjoncture économique actuelle, leur situation n'est certes pas facile. Par surcroît, au Canada, les créateurs et les artistes n'ont jamais constitué le segment de la population active le mieux payé en dépit du fait que l'industrie du spectacle génère des milliards de dollars de recettes qui, si je ne m'abuse, ont une incidence globale d'environ 7 p. 100 sur le PIB.
M. Howard Knopf, avocat spécialiste du droit d'auteur, a dit ceci:
Les dispositions concernant les mesures de protection technologiques, notamment les verrous numériques, continuent de diviser les Canadiens et sont loin de faire consensus. [Elles] sont plus sévères que ne l'exigent les traités de l'OMPI et plus sévères que nécessaire...
Pourquoi le projet de loi semble-t-il aller trop loin en ce qui concerne les verrous numériques?
La pression exercée par les États-Unis peut avoir une influence sur la question. Il était intéressant de voir l'ancien ministre de l'Industrie suggérer que nous devrions en fait informer les États-Unis, par anticipation et de façon officieuse, du contenu de notre projet de loi. Ce qui est intriguant ici c'est que plutôt que de communiquer le contenu de cette mesures aux Canadiens, qu'il a représentés à titre de ministre, M. Manley préférerait informer à l'avance les Américains du contenu du projet de loi pour ni plus ni moins connaître leur opinion ou avoir leur bénédiction.
Par la suite, l'adjoint ministériel de l'ancien ministre, le député de , a proposé que le Canada figure sur la liste de surveillance du piratage des États-Unis. Cela m'a aussi semblé curieux car j'ai collaboré avec le député d' pour améliorer les instances internationales du Canada au sujet du piratage à l'occasion de différentes visites que j'ai faites depuis 2002 avec l'Association parlementaire canado-américaine, un groupe bipartite. Nous avons rencontré des membres du Congrès et des sénateurs américains. Nous avons assisté à des réunions bilatérales. Nous avons participé à différentes conférences un peu partout aux États-Unis pour rencontrer des gouverneurs et des législateurs oeuvrant dans divers États et à l'échelle nationale.
On entend souvent dire que l'industrie cinématographique d'Hollywood était mécontente du fait que des films présentés au Canada pouvaient être enregistrés dans nos studios ou dans nos cinémas. C'était vrai. C'était une zone grise de la loi, et l'enregistrement et la distribution de films piratés posaient un problème qui a été monté en épingle dans tout le système américain et qui a entaché notre réputation à bien des égards. Pour être juste, il existait une preuve abondante selon laquelle dans certains cinémas à Montréal et ailleurs, on piratait des films. Ces versions piratées étaient vendues dans les rues de New York et ailleurs aussi facilement qu'au Canada, mais c'est devenu un problème.
Je suis au courant de l'excellent travail effectué par le député d' en tant que représentant canadien. Nous avons pu travailler en groupe et apporter, ici au Canada, des changements législatifs pour éliminer ce problème. Des efforts considérables ont été consentis pour réhabiliter la réputation que le Canada avait à cette époque aux États-Unis. En conséquence, j'ai du mal à comprendre pourquoi l'ancien ministre au deuxième degré laisse entendre que nous transmettrions une copie aux États-Unis, et que l'adjoint du ministre précédent, le député de Muskoka, voudrait que le Canada figure sur la liste de surveillance du piratage des États-Unis.
Le député de a évoqué certains des pays qui figurent sur cette liste. Ce ne sont pas des pays comme le Canada. Lorsque nous travaillons fort ensemble dans des dossiers concernant nos relations internationales et nos partenaires commerciaux, pourquoi voudrions-nous être assujettis à ce genre de comportement? Cela montre que le gouvernement va céder sous la pression, comme il l'a fait en maintes autres occasions dans le contexte des relations canado-américaines, ce qui a par la suite été coûteux pour les Canadiens.
Le problème des verrous numériques pourrait s'avérer coûteux pour les Canadiens, et c'est pourquoi nous croyons qu'il est important d'avoir une stratégie numérique. Je vais vous parler de la stratégie numérique parce que cela nous touche tous.
Les appareils dont nous nous servons aujourd'hui sont le fruit de changements spectaculaires et ils vont continuer de changer à l'avenir. Et le problème ne tient pas seulement aux appareils et à la façon dont on les utilise, mais aussi au transfert du contenu d'un appareil à un autre et aux nombreux usages qu'on en fait.
J'ai un PlayStation Sony. Lorsque je télécharge une chanson, je peux la transférer sur mon PS3, mais c'est une autre paire de manches pour ce qui est de mon Playbook. Lorsque j'achète une chanson en particulier, j'estime que je devrais avoir le droit de la transférer sur ces deux appareils. Par conséquent, c'est aussi la mécanique du transfert du contenu qui est en jeu.
On parle souvent de la neutralité d'Internet. Il faut que le Canada prenne le temps de définir cette notion. C'est important non seulement pour les consommateurs et l'usage qu'ils font de divers appareils de divertissement et autres, mais aussi pour les entreprises, surtout les petites. Nous avons entendu dans le passé des témoignages sur cette neutralité du réseau et sur les problèmes de ralentissement de la circulation de l'information qui limitent la possibilité pour certaines petites entreprises de faire de la diffusion en flux, d'avoir accès à cette diffusion et d'en profiter. Pour nous, la neutralité de l'Internet est importante aussi bien pour les consommateurs que pour les entreprises.
Nous voulons une stratégie nationale de connexion Internet à large bande. C'est très important. On a vu bien souvent des entreprises se concentrer sur des secteurs de développement bien précis, par exemple les grandes zones urbaines où les investissements sont plus rentables que dans les banlieues et dans les campagnes. Nous estimons qu'il faudrait que ça soit la même chose que pour notre réseau routier et les autres infrastructures du Canada qui relient les Canadiens d'un bout à l'autre du pays, et que nous devrions pouvoir communiquer de cette façon.
Voilà pourquoi CBC/Radio-Canada est aussi importante et pourquoi nous y croyons si fermement. À Windsor, où nous sommes inondés de contenu et de matériel en provenance des États-Unis, cela fait du bien d'entendre parler de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Yukon ou de la Colombie-Britannique grâce à un réseau national qui est important pour la préservation de notre identité nationale.
Nous parlons aussi d'avoir une stratégie sur la vente aux enchères du spectre. À la suite de la dernière vente de ce genre, le gouvernement s'est retrouvé devant les tribunaux. C'est un actif important. Le genre de spectre que nous pouvons avoir est important et il peut nous donner un avantage considérable pour la construction de notre infrastructure nationale. Il faut cependant bien voir d'où proviendront les ressources. La dernière fois, les fonds issus de cette vente ont été versés au Trésor. Il faut que nous ayons une stratégie nationale pour en profiter et que nous saisissions cette occasion de renforcer la situation de notre large bande et de notre société en général. Les États-Unis ont à peu près deux ans d'avance sur nous à cet égard. C'est important.
Nous ne savons pas quand le gouvernement procédera à la vente aux enchères du spectre ni dans quelles conditions finales. C'est crucial, car les entreprises ne veulent pas prendre des décisions parce qu'elles ne savent pas comment on utilisera ou on mettra en oeuvre les différentes composantes de recherche, de technologie, de communication, etc. Nous ne savons pas exactement quelle sera la prochaine étape et nous avons un retard à rattraper sur les États-Unis. Et à cause de ce retard considérable sur les États-Unis, on n'a pas les mêmes possibilités d'investir parce que c'est un élément qui entre en compte dans la prise de décision.
C'est comme pour l'infrastructure matérielle. Dans ma région, on est finalement en train de travailler à la mise en place d'un nouveau poste frontalier. Si la loi pertinente est adoptée au Michigan, nous pourrons prendre de meilleures décisions d'investissement au Canada. Une fois que tout cela sera concrétisé et que cette infrastructure sera en place, on pourra enfin se fonder sur quelque chose de prévisible.
Il faut aussi s'occuper du commerce électronique. Au Comité de l'industrie, nous avons entendu des témoignages sur ce commerce au Canada. Actuellement, c'est n'importe quoi. L'autre jour, un témoin nous a dit que le Canada avait un énorme retard en matière de commerce électronique et que cela nous désavantageait. Quelqu'un nous a aussi dit que nous n'avions pas le même traitement que les États-Unis et que les entreprises canadiennes payaient des frais et des droits plus élevés. Il faut se pencher sur tout cela.
Ce sont les éléments dont nous disposons pour envisager la nouvelle ère, car les choses que nous avons aujourd’hui seront très différentes demain.
Pour revenir au projet de loi , nous souhaitons qu’il soit renvoyé au comité pour que nous puissions entendre plus de témoignages. Nous espérons aussi que le gouvernement examinera un certain nombre de choses.
Je voudrais aborder quelques points que je juge importants.
Le projet de loi prévoit un examen quinquennal. J'ai déjà proposé des amendements à d’autres projets de loi, dont certains ont été adoptés par la Chambre, pour prescrire un examen triennal. La technologie évolue très rapidement et les artistes en subissent les conséquences. J'ai entendu différents témoignages de commerçants aussi bien que d'artistes, selon lesquels il y aura une baisse du contenu canadien et de la rémunération des artistes eux-mêmes. Nous ne devrions donc pas les laisser en plan pendant cinq ans. Il faudrait songer à un examen triennal.
L’un des facteurs qui revêtent une grande importance en ce qui concerne cet examen — et je suis sûr que cette question fera l’objet de discussions —, c’est de voir si le projet de loi, une fois adopté et mis en vigueur, se prêtera vraiment à une bonne analyse après cinq ans. Il serait nécessaire de faire des recherches à cet égard, mais j’aimerais bien que le projet de loi prévoie un examen triennal, ou, si l'examen quinquennal est maintenu, qu'il y ait d’autres mesures pour les artistes. Nous avons entendu suffisamment de témoignages pour savoir qu’il y a des problèmes.
Je voudrais aussi aborder brièvement la question du téléenseignement. On en parle le plus souvent dans le contexte rural, mais il ne faut pas oublier que le téléenseignement existe aussi dans les villes parce que les gens s’intéressent à des diplômes précis, à des renseignements déterminés ou à une formation particulière. Cela est important car nous avons entendu dire que, dans une société concurrentielle comme la nôtre, l’éducation doit s’améliorer.
J’ai aussi des doutes au sujet du délai de 30 jours accordé pour détruire le matériel ou pour organiser un autodafé de livres, comme cela s’est fait dans le passé. Je ne comprends pas. Si on achète un produit, on en a la propriété.
Je me souviens du temps où, à l’université, nous cherchions à vendre nos livres parce que la nouvelle édition avait paru et qu’elle était un peu différente. C’est un point important à signaler parce que je crois qu’il y a là de l’excès. Chaque année, les manuels ayant changé un tout petit peu, on nous obligeait à acheter la nouvelle édition. Je m’en souviens encore très bien: les changements étaient vraiment minimes, mais on nous imposait quand même d’acheter la nouvelle édition.
Je ne comprends pas pourquoi il faut imposer aux gens de perdre le matériel de cours et de formation qu’ils ont payé de leur poche sur la base d’un cycle de 30 jours. C’est très important. Je connais toutes sortes de professionnels, médecins et autres, qui consultent régulièrement les documents qui ont servi à leur formation.
Je le fais moi-même dans le cadre de mes recherches à la Chambre des communes. Si je fais faire un travail quelconque par la Bibliothèque du Parlement, il m’arrive souvent d’y revenir un certain nombre de fois à différents moments. Je ne vois pas l’avantage qu’il peut y avoir à interdire à une personne qui a suivi un cours donné à distance par un collège de revoir ses textes au moment et de la manière qui lui convient.
Nous pourrions certainement pousser plus loin nos recherches afin de savoir ce qu'il en est très précisément, de connaître la forme que prendront les définitions et de déterminer qui devra assurer le contrôle de tout ça. Ce sera intéressant d'entendre ce que les témoins auront à nous dire.
Je dois admettre que je suis plutôt impatient de le savoir, car je me souviens de certaines occasions — je crois que nous parlions alors de fibromyalgie ou d'autres types de limitations fonctionnelles — où les personnes concernées n'ont pas eu droit au soutien et aux outils dont elles auraient eu besoin, sous prétexte que leur limitation n'était pas aussi apparente qu'elle ne le devrait ou n'avait pas été clairement établie ou parce qu'on leur a demandé de payer un certain montant pour obtenir un billet de leur médecin ou d'autres types de documents d'aide à l'apprentissage. Je dois dire que ça m'inquiète quelque peu.
Je terminerai avec l'importante question des redevances. En fait, pour les artistes, les redevances constituent l'équivalent d'un fonds de stabilisation. Disons qu'au fil des ans, autant les types de documents et d'oeuvres que les modes de rémunération ont pu évoluer. Nous vivons dans un monde nouveau, dans une ère nouvelle, et c'est pour cette raison que nous n'en sommes pas à la première mouture de ce projet de loi. Or, cette question a toujours créé des problèmes, car nous voulons bien évidemment trouver le juste équilibre entre, d'une part, les consommateurs et, d'autre part, les artistes, qui doivent bien être rémunérés d'une quelconque façon. Ce n'est pas évident, car nous voudrions tous tout avoir, mais sans payer. Or, ce ne serait pas juste pour ceux et celles qui ont mis de leur temps, de leur énergie et de leur argent dans la création de leur oeuvre.
Hélas, ce n'est pas en leur coupant les vivres que nous atteindrons l'équilibre tant recherché. Il nous faut une solution acceptable. Comme je le disais, au Canada, le revenu annuel moyen des artistes se situe à environ 12 000 $. C'est loin d'être assez pour vivre de nos jours. Nous devons penser « compétitivité ».
Il n'y a rien d'exceptionnel au fait que nous entretenions d'excellentes relations avec les États-Unis. Moi-même, je m'y rends très souvent. Cela ne nous empêche pas pour autant d'être extrêmement fiers de notre contenu canadien et de notre identité canadienne, deux éléments qui sont non seulement reconnus par les États-Unis, mais valorisés. Nous nous infiltrons dans le contenu américain grâce aux artistes — hommes et femmes — du Canada.
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Monsieur le Président, je voudrais féliciter tous ceux qui sont intervenus à la Chambre pour parler de ce projet de loi jusqu'à maintenant. Nous avons beaucoup appris. Il s'agit d'un énorme projet de loi, très complexe. Il en est question depuis environ 12 ans et, comme notre collègue l'a signalé, nous recevons de nombreux courriels et toutes sortes de conseils et recommandations relativement à ce projet de loi. En 12 heures, j'ai reçu 2 200 courriels à ce sujet. Un grand nombre de ces courriels étaient adressés aux ministres compétents, les ministres du Patrimoine et de l'Industrie et j'en ai reçu une copie à titre de porte-parole de mon parti en matière de patrimoine. J'ai ainsi eu l'occasion de constater l'ampleur de la question. Les conséquences vont se faire sentir pendant pas mal de temps. Je veux remercier tous ceux qui ont écrit à notre parti ou qui m'ont écrit directement à propos de cette question et des dispositions du projet de loi.
Je ne ferai pas un historique de la question, qui remonte à Gutenberg, mais je voudrais certainement parler des derniers développements dans le débat et de la façon dont nous avons abordé la question en commençant par les traités de l'OMPI, dont je vous entretiendrai dans un instant.
Ces traités remontent à 1996 environ. En tant que signataires de ces traités, nous devons élaborer la bonne mesure législative pour parvenir à l'équilibre dont tout le monde parle. Il nous incombe dans l'opposition de nous assurer que cet équilibre est atteint et d'élever le niveau du débat à cette fin.
Une grande partie du débat tourne autour des verrous numériques. Comme notre collègue de l'a mentionné plus tôt, la suprématie des verrous électroniques est devenue une question très controversée. Je vais également parler de la création des oeuvres et de la protection des droits des artistes qui, selon nous, sont essentiels. En tant que porte-parole en matière de patrimoine, j'ai parlé à de nombreux artistes de cette question et de la façon dont ils veulent que leurs oeuvres soient protégées.
Comme nous l'avons tous mentionné, dans le cas du droit d'auteur et de l'équilibre que nous recherchons, la ligne est mince entre la violation du droit d'auteur et le droit d'utiliser une oeuvre protégée à des fins personnelles seulement et non pour d'autres motifs, qu'il s'agisse d'utilisation commerciale ou non commerciale. C'est pourquoi nous sommes ici pour établir cet équilibre et élever le niveau du débat.
Je vais maintenant donner un aperçu général de la question. J'aimerais également remercier la Bibliothèque du Parlement de nous fournir tous les renseignements pertinents sur ce qui était à l'époque le projet de loi et qui prend la forme maintenant du projet de loi . Ce que je vais vous lire touche le projet de loi C-32, mais comme le gouvernement l'a signalé, il a présenté de nouveau le même projet de loi à la Chambre, sous la même forme, sans modifications.
Le droit d’auteur est la formulation juridique des droits conférés aux créateurs au titre de leurs œuvres littéraires et artistiques. Le droit d’auteur est associé à une œuvre originale fixée dans une forme matérielle quelconque. Autrement dit, il protège l’expression d’une idée ou d’une création intellectuelle et non pas l’idée elle-même. Tel est l'équilibre qu'il faut atteindre, en ce sens que l'idée, la conception et le travail d'une personne doivent être protégés. Nous savons que la grande majorité des artistes et des auteurs ne sont pas toujours aussi bien rémunérés pour leur travail qu'ils le seraient dans d'autres secteurs.
La Loi sur le droit d'auteur, dont nous discutons et que nous souhaitons modifier, précise le droit d'autoriser ou d'interdire certains usages d'une oeuvre et de toucher un dédommagement en conséquence. Il s'agit en l'occurrence d'établir un équilibre entre le droit des créateurs de se servir de leur matériel pour réaliser un profit ou pour faire valoir une idée, et le droit d'autres personnes de se servir de cette idée et de faire la promotion de leurs propres desseins.
Il existe deux sortes de droits. Les artistes qui s'estiment être des créateurs ont le droit économique de tirer un avantage financier et de vivre de ce qu'ils font. Il y a aussi le droit moral lié à la protection de l'intégrité de leurs oeuvres originales.
Nous devons aussi examiner ces aspects lorsque nous discutons de droits éphémères, de verrous numériques, de mesures de protection technologiques ou d'accords internationaux. Nous devons aussi voir comment nous allons nous y prendre, parce qu'il faut tenir compte d'un autre facteur. En effet, même si nous pensons être saisis d'une mesure législative nationale, il s'agit en fait d'un concept international. C'est pour cette raison que les traités que nous ratifions sont assortis de mesures législatives. Un artiste peut avoir du matériel et s'en servir pour toucher un bénéfice, mais son matériel n'est pas utilisé uniquement au pays: il peut aussi l'être à l'étranger. Par conséquent, nous devons trouver des moyens de protéger les artistes et la façon dont ils souhaitent gagner leur vie.
Dans la partie I de la Loi sur le droit d'auteur, les oeuvres littéraires sont définies comme étant les livres, brochures, poèmes et autres oeuvres écrites. Les oeuvres dramatiques sont les films, vidéos, DVD, pièces de théâtre, scénarios et scripts. Les oeuvres musicales sont les compositions constituées de paroles et de musique, ou de musique uniquement. Enfin, les oeuvres artistiques incluent les peintures, dessins, cartes géographiques, photographies, sculptures et oeuvres architecturales.
La partie II de la Loi sur le droit d'auteur porte sur ce que nous appelons les « droits connexes », et plus précisément sur la protection de trois catégories d'oeuvres regroupées sous l'appellation « autre objet du droit d'auteur ». Sont ainsi visés les prestations d'artistes-interprètes, comme les acteurs, les musiciens, les danseurs et les chanteurs dont les oeuvres sont protégées par le droit d'auteur; les auteurs d'enregistrements sonores, comme les disques, les cassettes et les disques compacts, pour ceux qui se souviennent de cette époque, ainsi que les fichiers MP3 ou « dématérialisés », pour reprendre ce que je crois être les termes à la mode; et les radiodiffuseurs de signaux de communication. Les radiodiffuseurs ont aussi des droits d'auteur à l'égard de leurs signaux de communication.
Voilà que nous touchons à l'intention même de la Loi sur le droit d'auteur, dont les origines remontent à plusieurs centaines d'années, à savoir protéger l'intégrité des oeuvres à des fins économiques et accorder aux artistes originaux le droit moral d'être liés à leurs oeuvres. La notion de protection est d'autant plus importante que la reproduction d'une oeuvre, comme les publications imprimées ou les enregistrements sonores, peut prendre de très nombreuses formes: diffusion dans le cadre de prestations, radiodiffusion ou autre moyen de communication au public; traduction dans d'autres langues; et adaptation, comme lorsqu'on fait un scénario à partir d'un roman. Ce ne sont que quelques exemples de ce que nous cherchons à protéger.
Il faut aussi tenir compte de ce qui se trouve à la partie III de la Loi sur le droit d'auteur. C'est ici qu'entre en scène le concept d'utilisation équitable.
La terminologie est quelque peu différente aux États-Unis, mais au Canada et dans le reste du monde, l'expression consacrée est « utilisation équitable ».
Aux termes du projet de loi, les établissements d'enseignement sans but lucratif, les bibliothèques sans but lucratif, les musées, les services d'archives de même que les personnes ayant une déficience perceptuelle ou utilisant une oeuvre à des fins de parodie ou de satire sont réputés faire une utilisation équitable des oeuvres protégées, car ces dernières concourent alors à faire l'éducation des masses. Je pense entre autres aux musées et aux services d'archives, et bien entendu aux personnes handicapées.
Plus tôt, nous parlions de la formation à distance qui pourrait être menacée. Certains passages du projet de loi pourraient gravement nuire aux citoyens qui suivent de la formation à distance. Disons que c'est un élément qui nous préoccupe beaucoup, au Parti libéral.
Par le passé, il y a eu de profondes discussions sur les arrêts de la Cour suprême, notamment celui qui a été rendu dans l’affaire CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada. L’arrêt portait sur l’utilisation équitable dans le contexte où la question doit être abordée, soit l’utilisation équitable des œuvres protégées par droit d’auteur dans l’intérêt du grand public. Un processus en six étapes a découlé de cet arrêt. Il comprend environ six mesures différentes qui incluent notamment l’examen de cas particuliers au moyen d’un cadre d’analyse utile pour statuer sur le caractère équitable d’une utilisation dans des affaires ultérieures. Voici ces mesures: premièrement, le but de l’utilisation; deuxièmement, la nature de l’utilisation; troisièmement, l’ampleur de l’utilisation; quatrièmement, les solutions de rechange à l’utilisation; cinquièmement, la nature de l’œuvre; sixièmement, l’effet de l’utilisation sur la façon dont l’œuvre serait considérée sur le marché.
Il existe un autre principe international portant sur le droit d’auteur. Il se trouve dans ce qu’on appelle la Convention de Berne. Il s’agit d’un processus en trois étapes qui est très important, car il est utilisé dans de nombreux contextes internationaux.
Pour ma part, j’estime que c’est très bien ainsi, car cette disposition donne au grand public, aux législateurs et aux tribunaux un point de repère pour juger de ce qui semble une utilisation équitable. La notion sert dans de nombreux contextes. Elle a été utilisée au Canada notamment, bien qu’on y en ait fait un processus en six étapes.
Essentiellement, la Convention de Berne considère trois mesures: restriction aux cas personnels, absence de conflit avec l’attente normale à l’égard de l’œuvre et absence de préjudice déraisonnable aux intérêts légitimes de l’auteur.
Par conséquent, l’une des situations à considérer à cet égard est que, qu’il s’agisse d’un processus en trois ou en six étapes, il y a un processus comprenant un certain nombre d’étapes permettant aux tribunaux de juger adéquatement ce qui doit être considéré comme une utilisation équitable dans des situations comme celle de l’exception pour l’éducation.
Nous pourrons avoir une discussion sérieuse au comité au sujet des exceptions générales proposées, notamment pour le secteur non lucratif de l’éducation. J’ai reçu des centaines, voire des milliers de courriels au sujet de cette exception. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants estime que l’exception marche bien, puisqu’elle permet aux étudiants de favoriser leur éducation dans la mesure où l’auteur est respecté. Par contre, nous avons reçu beaucoup de courriels et de lettres, et nous avons eu des discussions avec les auteurs, qui ont aussi fait des exposés. Il s’agit de ceux qui gagnent leur vie en créant des manuels, par exemple. Ils estiment que le projet de loi n’assure aucunement l’équilibre susceptible de les aider de quelque façon.
Voilà pourquoi j’estime que, si nous commençons à discuter des exceptions, nous devrions aussi discuter d’un moyen de les gérer correctement. Un processus en plusieurs étapes est une bonne méthode à envisager. Bien des administrations dans le monde ont circonscrit ces exceptions parce qu’elles en ont observé le fonctionnement. C’est une chose dont il faudrait discuter au comité, et j’en parlerai tout à l’heure.
La partie IV traite des recours civils et criminels, des montants accordés pour dommages-intérêts et pertes de profits, des injonctions et des amendes.
Nous avons discuté des dommages-intérêts. Dans bien des cas, certains estiment qu’ils sont trop rigoureux tandis que d’autres les jugent trop légers. Il faut faire une distinction entre les utilisations ou infractions à caractère commercial ou non commercial. Une peine plus lourde s’impose dans le cas des infractions à caractère commercial en raison du tort qu’elles peuvent causer sur le marché et de la façon dont elles peuvent fausser certains marchés. Il faut aussi tenir compte des infractions sans dimension commerciale, mais non pas en fixant une valeur en argent plus élevée en ce qui concerne les amendes, les recours et même les peines de prison.
Une des situations qu'on a vues apparaître en 2005 ou 2006, c'est que de grandes multinationales du disque intentaient des poursuites contre des jeunes pour avoir violé les droits sur leur oeuvres. Je me rappelle avoir déclaré à un comité, à l'époque, que mon fils de 10 ans venait de télécharger une chanson à partir d'un site Web. Pour lui, c'était un partage de fichiers; il ne savait pas qu'il enfreignait la loi. Moi non plus, je ne savais pas, à ce moment-là, qu'il enfreignait la loi. Peut-être que je suis en retard dans le domaine technologique, mais il reste que c'était la même chose que si mon fils était entré dans un magasin HMV, avait pris un CD sur les rayons, l'avait mis dans sa poche et était sorti. Quelle est la différence? Dans les deux cas, il s'agit d'un vol de musique. On vole l'oeuvre de quelqu'un d'autre, et ce genre de comportement ne devrait pas être permis.
Pour pouvoir agir, nous devons nous adapter aux nouvelles technologies que nous utilisons pour nous divertir, créer de la musique, y avoir accès et l'écouter. Si j'achète un morceau qui me plaît, je peux l'écouter sur un CD, un MP3 ou mon BlackBerry. Ce qu'il faut déterminer, c'est la façon de rémunérer l'artiste pour son travail.
Cette discussion a eu lieu à la Chambre pendant la dernière session, quand nous avons parlé de la redevance. L'opposition l'avait appelée une « taxe sur les iPod », montrant par là une mauvaise foi très insultante pour les gens qui gagnent leur vie grâce à la musique.
Le plus cocasse, c'est qu'une semaine avant d'avoir utilisé ce nom de « taxe sur les iPod », le gouvernement a imposé aux passagers qui prennent l'avion des frais pour la sécurité. J'aurais pu facilement parler de « taxe sur les voyageurs ». Les droits pour la sécurité sont acceptables, mais la taxe sur les iPod est d'un tout autre genre.
Le député de a mentionné qu'une taxe est une taxe, même si on lui donne le nom de droits ou de redevance. Mais les droits ne cessent d'augmenter, comme ce sera le cas des cotisations d'assurance-emploi en janvier. On n'utilise jamais le terme de « taxe ». C'est seulement une taxe quand le gouvernement choisit de lui donner ce nom.
Malheureusement, le débat a tendance à s'écarter du sujet et à devenir tendancieux. Si nous soumettons ce dossier à un comité, nous devrions envisager de tenir un débat décent, mature et responsable sur la question centrale, c'est-à-dire l'importance de rémunérer les travailleurs pour leur travail. Nous savons tous que la musique est produite de multiples façons.
Autrefois, on considérait comme une redevance les droits prélevés sur les CD. Les gens qui achetaient un CD ou une cassette vierge pouvaient enregistrer du contenu grâce à la radio ou à d'autre appareils pour avoir de la musique gratuite. Cependant, ils devaient quand même acheter le CD ou la cassette vierge; la redevance était donc prélevée sur ce support. C'était une façon de payer les artistes dont la musique était volée par beaucoup de personnes, qui ignoraient parfois qu'il s'agissait d'un vol.
C'est le genre de débat que nous devons avoir à la Chambre. Je demande au gouvernement et à l'opposition de débattre de la question dès maintenant. Malheureusement, aucune modification n'a été apportée au projet de loi malgré plus de 140 témoins entendus et plus de 160 mémoires reçus.
Le gouvernement prétend qu'il souhaite vraiment aller de l'avant, mais pour faire quoi? Rien n'indique que des modifications seront apportées, outre pour les détails techniques, qui sont justement des points de détail.
Si le gouvernement veut poursuivre ce processus, il faudrait envisager de mener une discussion de fond à ce sujet et d'apporter des modifications importantes. C'est pourquoi j'appuie l'amendement proposé par mon collègue, le député d'. Il s'agit de trouver une façon d'adapter le projet de loi pour éviter qu'il soit trop ciblé et restrictif. J'ai des réserves à l'égard du verrouillage numérique et de l'exemption en éducation; il faut se pencher là-dessus. J'espère que nous pourrons avoir cette discussion.
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Monsieur le Président, j'ai le grand plaisir de parler du projet de loi , car j'y porte un intérêt particulier. J'ai passé près de 20 ans dans l'industrie du disque, qui a eu la vie très dure. À notre avis, on ne peut pas être contre l'idée de revoir la Loi sur le droit d'auteur. Il va de soi qu'aujourd'hui, en 2011, nous sommes des retardataires au niveau international quant à cette modernisation. Il est grand temps que ça se fasse. Les autres grands pays de l'Occident l'ont fait et c'est à notre tour. Il est vraiment passé l'heure.
On ne peut que déplorer le fait que le projet de loi se présente un peu comme un gruyère, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de bulles, beaucoup de vides par rapport à la protection des ayants droit et des créateurs. On parle de ce projet de loi sur une base théorique, mais concrètement, comme le disait tout à l'heure mon collègue, la façon dont on consomme un produit culturel aujourd'hui est différente. Autrefois, on achetait un disque pour 15 $ ou 20 $, on l'apportait chez soi et on l'écoutait. Si l'industrie du disque a maintenu sa cadence de production, si les budgets ont diminué légèrement — avec la progression technologique, on peut maintenant faire des enregistrements de musique pour moins cher —, il n'en demeure pas moins que c'est une entreprise culturelle. Des investisseurs, des industriels et des conseillers qui soutiennent un créateur investissent des sommes importantes pour que ça devienne un produit qui va se vendre.
Il ne s'agit pas d'un ménestrel qui joue du luth sur le perron de l'église. Ce sont des gens qui ont créé des chansons, d'autres qui y ont vu une occasion d'affaires en se disant que tout le monde va vouloir cette chanson ou cet album et qu'on sera prêt à payer un prix pour l'acheter et l'écouter. Ce que cette industrie du disque a vécu n'a pas d'équivalent pour ce qui est de la chute de revenus.
Je vais donner un bref aperçu. L'opération complète pour produire un album, ce qui comprend l'enregistrement, la représentation promotionnelle, les vidéoclips, les lancements, etc., nécessite un budget d'environ 100 000 $. Cela représente un budget très ordinaire dans une industrie du disque ordinaire. On ne parle pas d'une grosse opération comme un album de Michael Jackson qui a été fait avant sa mort et qui a peut-être coûté 1,5 million de dollars à produire. On parle d'un album qui aurait coûté 20 000 $, 30 000 $ ou 40 000 $ et tous les frais afférents.
Pour récupérer cet investissement, les compagnies, l'industrie du disque — donc des emplois, des gens qui travaillent dans ce domaine et dont j'ai eu la chance de faire partie — va vendre le disque entre 15 et 20 $. Or aujourd'hui, avec la modernisation, Internet, la numérisation de la musique et l'incroyable capacité de créer des copies d'une qualité de bande maîtresse, ce n'est plus la même génération que lorsqu'on était jeune. Autrefois, on copiait la musique sur des cassettes et il y avait souvent plus de bruit de fond que de musique. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, et c'est là l'enjeu.
Si la chanson numérisée existe quelque part, elle peut être copiée des milliers de fois en quelques heures et l'ayant droit aura été privé de ce qui lui revient. Aujourd'hui, quand les gens achètent de la musique sur Internet, ils achètent parfois l'album complet, bien que généralement, ils vont plutôt acheter le CD comme tel en magasin. Ceux qui achètent leurs CD et leur musique sur Internet y vont pièce par pièce très souvent, soit une, deux ou trois chansons. Le prix de détail est de 1 $ ou 1,49 $. Cela veut dire que l'industrie du disque, actuellement, si elle a tenté de récupérer son budget de production et de mise en marché d'à peu près 100 000 $, elle le faisait autrefois avec des retours de 15 à 20 $ pour un CD. Aujourd'hui, elle le fait avec 2 $ ou 3 $.
Je crois sincèrement qu'aucune industrie n'a vécu une telle chute en si peu de temps. On parle de pourcentages faramineux, de 15 $ ou 20 $ à 3 $. C'est du jamais vu. Cette industrie est déjà à genoux. Aujourd'hui, on doit légiférer pour que cette situation soit corrigée au bénéfice des ayants droit.
Le droit d'auteur est quelque chose d'essentiel. Je citerai ici les propos du en ce qui concerne le Canada: « L'industrie culturelle contribue deux fois plus au PNB que l'industrie forestière. »
Le secteur de la culture et des arts a des retombées de plus de 46 milliards de dollars et fait travailler plus de 600 000 personnes.On parle vraiment d'une industrie, d'un secteur de l'économie extrêmement important.
Dans le projet de loi , on trouve bien sûr des problèmes liés à YouTube, au milieu de l'éducation et à différentes situations plus corollaires. Cependant, le gros problème demeure actuellement le système de collecte collective des droits d'auteur. On parle ici de ce qu'on appelle communément le régime de la copie privée.
Tout à l'heure, je faisais la genèse de la façon dont on consommait notre musique. On sait tous qu'il y a une dizaine d'années, le CD-R est apparu. Avec un simple ordinateur de maison, on pouvait copier le disque qu'on avait acheté — idéalement — et en faire une copie, tout de suite après, absolument identique sur le plan de la qualité, sans avoir les présentations graphiques. Cette effervescence a fait que, les créateurs, les ayants droit se sentant lésés, ils ont cherché à obtenir avec succès un système de compensation. On parle bien d'une compensation. Le régime de copie privée est une compensation pour les pertes encourues par l'avènement d'une nouvelle technologie.
Ce système, qui au départ s'appliquait sur une cassette audio et sur les CD-R et DVD-R, a généré des sommes importantes. En 2008, par exemple, la somme s'élevait à 27,6 millions de dollars. Or, l'année suivante, les sommes amassées avec ce principe de régime de copie privée furent réduites à 10,8 millions de dollars et cela continue de descendre. Pourquoi? Il y a certainement parmi vous des gens qui ont acheté des CD-R à une certaine époque, et peu de gens de nos jours en achètent. En effet, en ce qui a trait à la consommation de musique — on parle bien sûr d'une consommation légale sur un support qui nous convient —, aujourd'hui les gens copient leur musique sur un baladeur numérique, un iPod, un MP3. Ce genre de transformation fait qu'aujourd'hui, le support sur lequel la redevance était prévue, comme le CD-R, est complètement obsolète.
C'est pourquoi les lobbys d'ayants droit ont demandé à avoir un prolongement de ce régime de copie privée sur les baladeurs numériques ou autres iPod. Comme le disait tout à l'heure mon collègue, les gens d'en face ont réagi en portant des teeshirts avec l'inscription No iPod tax. C'est brillant. C'est une très bonne pratique envers les créateurs qui se sont senti lésés, floués, abandonnés, dans cette circonstance.
Que peut-on proposer aujourd'hui à ces créateurs, lorsque, dans le projet de loi , on n'aborde pas le problème du régime de copie privée? Ce point est certainement le plus important de tous. Bien sûr, on pourra parler de l'exemption de type YouTube, qui devient de plus en plus le concurrent face à la médiatisation habituelle de la musique. Je parle beaucoup de la musique parce que c'est un milieu que je connais, mais aussi parce que la musique est la première victime de cette numérisation et de cette nouvelle accessibilité. La technologie aidant, dans quelques années, on pourra télécharger très rapidement un long métrage. Vous me direz que c'est déjà le cas, mais ce n'est pas encore usuel.
La particularité reliée à la musique, c'est que même la vidéo de cette même chanson prend beaucoup plus de temps. Donc, le problème que vit la musique actuellement se propagera très rapidement aux autres médiums culturels qu'on peut retrouver sur Internet.
Je vais m'arrêter pour l'instant.