propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Madame la Présidente, c'est pour moi un honneur de présenter un projet de loi qui me tient particulièrement à coeur et qui est aussi très important pour la Chambre des communes.
Tout d'abord, j'aimerais remercier les gens de Westlock—St. Paul de la confiance qu'ils m'ont témoignée en m'élisant député une troisième fois d'affilée pour défendre leurs intérêts dans cette auguste enceinte.
J'aimerais également remercier mes amis et ma famille de leur soutien et de leur dévouement au cours des six dernières années; mes parents, qui sont toujours prêts à m'aider; mes enfants, Ayden et Eastin, qui font preuve d'une patience et d'un amour infinis; et, par-dessus tout, ma femme, Amel, qui est ma meilleure amie et la pierre angulaire de notre famille. Sans l'amour et le soutien de tous ces êtres chers, mon travail serait beaucoup plus difficile.
J'aimerais enfin remercier mes collègues, actuels et passés, qui n'ont pas hésité à appuyer le projet de loi , qui vise à protéger les libertés.
Même si l'on apporte des amendements de forme à mon projet de loi à l'étape de l'étude en comité, il contribuerait à protéger et à favoriser notre liberté la plus fondamentale, c'est-à-dire la liberté de parole et d'expression. Comme George Washington l'a dit: « Si nous sommes privés de la liberté d'expression, alors, muets et silencieux, nous pouvons être menés, comme des moutons, à l'abattoir ».
À vrai dire, sans liberté d'expression, à quoi servent toutes les autres, comme la liberté de réunion ou la liberté de religion?
La liberté d'expression est la pierre angulaire de toutes les autres libertés. Ce principe, allié au concept de la justice naturelle et de l'application régulière de la loi, fait partie intégrante du tissu de notre grand pays depuis 144 ans. Comme on nous l'a rappelé récemment, à l'occasion du jour du Souvenir, des dizaines de milliers de Canadiens ont sacrifié leur vie pour protéger ces libertés fondamentales. Voilà pourquoi je prends la parole devant la Chambre aujourd'hui.
L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne érode cette liberté fondamentale. La plupart des gens sont scandalisés lorsque je leur explique qu'au Canada, ici même dans notre propre pays, un citoyen peut faire l'objet d'une enquête en vertu de l'article 13 pour avoir abordé des questions susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base de motifs de distinction illicite.
Le mot clé est « susceptible ». On conviendra qu'il s'agit là d'une définition très subjective et inutilement vague, et non d'une définition légale étroite qui conviendrait beaucoup mieux pour cet article. Pour cette raison, l'article 13 ne fait pas la distinction entre un discours haineux véritable, et ce que j'appelle souvent un discours malfaisant ou un discours tout simplement offensant.
Cela signifie qu'une personne qui en a offensé une autre et qui fait l'objet d'une enquête en vertu de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne peut plaider l'intention comme argument de défense. La vérité n'est plus une défense. La personne en question n'aurait plus droit à une procédure équitable, à un procès dans les meilleurs délais, ou même aux services d'un avocat pour la défendre. En fait, dans 90 p. 100 des enquêtes relatives aux droits de la personne diligentées en vertu de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, les accusés n'ont même pas le droit à des conseils juridiques car ils ne peuvent tout simplement pas se le permettre. Lorsque les résidants de Westlock—St. Paul entendent cela, ils sont scandalisés. Ce n'est tout simplement pas la manière canadienne de faire les choses.
En butte à de vives critiques en 2008, la Commission canadienne des droits de la personne a demandé au professeur Richard Moon d'évaluer l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À la page 31 de son rapport, au sujet de l'abrogation de l'article 13 et du recours aux dispositions du Code criminel sur les propos haineux, M. Moon déclare:
La principale recommandation formulée dans le présent rapport vise à abroger l’article 13 pour que la censure visant le discours haineux sur Internet relève exclusivement du droit pénal.
Cette recommandation a été rejetée par la Commission canadienne des droits de la personne, qui, en 2009, a fourni au Parlement une liste de modifications recommandées; aucune n'a été apportée à ce jour. Donc, même la Commission canadienne des droits de la personne a admis, en proposant ses propres modifications, que l'article 13 comporte de graves lacunes.
Cela fait maintenant plusieurs années que l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est controversé, et beaucoup reconnaissent qu'il contrevient au paragraphe 2 b) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui stipule que chacun a les libertés fondamentales suivantes: « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ».
Cette contradiction entre l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et le paragraphe 2b) de la Charte a également été soulignée par le Tribunal canadien des droits de la personne, qui a indiqué, en septembre 2009, que l'article 13 était inconstitutionnel.
Pour justifier le droit à la censure prévu à l'article 13 et son caractère constitutionnel, on invoque souvent la préséance de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés, et je suis convaincu que les opposants à mon projet de loi invoqueront cet argument.
L'article 1 de la Charte stipule que l'ensemble des droits et des libertés garantis ne peuvent être restreints que:
[...] dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
Cependant, l'application de cette disposition à l'article 13 pose quelques problèmes.
Tout d'abord, l'article 13 ne justifie pas de façon évidente les limites qu'il impose à notre société. Il n'établit pas la distinction entre les propos haineux, les préjudices moraux et les propos injurieux.
En outre, dans une société libre et véritablement démocratique, comment des dispositions aussi imprécises, vagues et subjectives que l'article 13 peuvent-elles l'emporter sur les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés?
L'article 13, qui est censé protéger les gens contre les actes de discrimination graves en ce qui a trait aux messages haineux, comme l'a expliqué précédemment la Cour suprême du Canada, a plutôt été utilisé pour régler les questions de divergence de valeurs ou d'opinions et entrave l'une des libertés civiles les plus fondamentales, qui nous est particulièrement chère, la liberté d'expression.
Je crois que le véritable enjeu du débat actuel est celui-ci: quand et dans quelle mesure la censure est-elle justifiée au Canada de nos jours?
Quand je parle de cette question, je pense à mon bon ami et concitoyen Bob Herrick, de Waskatenau, en Alberta.
Bob est un homme très intelligent qui connaît beaucoup de succès et qui, comme bien des gens de sa génération, a eu une vie extraordinaire remplie d'expériences intéressantes. Quel que soit le sujet dont nous parlons, qu'il s'agisse de chasse ou d'idéologie politique, Bob adore mettre nos convictions à l'épreuve et vérifier nos limites. Souvent, quand il remet en question les affirmations de quelqu'un, il dépasse les bornes de la rectitude politique et peut même devenir quelque peu offensant. Il a la capacité et la liberté de repousser les limites de la rectitude politique. Ce faisant, il vérifie le sérieux de nos convictions. Si, en société, nous perdons la capacité de vérifier les limites de la liberté d'expression, nous perdons également la capacité de grandir et de nous adapter pacifiquement en tant que pays.
Ici, au Canada, c'est en nous prévalant de notre droit à la liberté d'expression, et non en ayant recours aux émeutes ou aux soulèvements, que nous provoquons des changements dans les gouvernements. C'est l'une des particularités qui nous distingue de nombreux pays du monde.
Des femmes, comme Nellie McClung, ont obtenu le droit de vote en se prévalant de leur droit à la liberté d'expression pour contester les normes sociales.
Pas à pas, une étape à la fois, notre pays a crû et à réussi à se développer, en s'appuyant sur nos libertés fondamentales et en les améliorant. Aujourd'hui, nous devons continuer à lutter contre la bureaucratie tyrannique qui cherche à censurer la liberté d'expression et à nous dicter les limites qui devraient être imposées à notre société et nos droits individuels.
Certains se demandent peut-être comment il est possible de garantir la liberté d'expression individuelle tout en protégeant les gens et les groupes identifiables contre les préjudices directs si nous abrogeons l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La réponse, c'est que nous devons adresser ces plaintes à un système judiciaire équitable, ouvert et transparent, lequel a fait ses preuves au cours des derniers siècles.
Même si l'article 13 est abrogé, les particuliers auraient toujours des recours, tant dans le système de justice civile que pénale. En effet, les articles 318 à 320 du Code criminel protègent les groupes identifiables lorsque des déclarations faites en un endroit public incitent à la haine ou à la violence contre eux. Le fait que le Code criminel continuerait à s'appliquer aux messages haineux garantirait que toutes les personnes seraient protégées contre les actes menaçants et discriminatoires tout en préservant le droit fondamental à la liberté d'expression dans notre pays.
En vertu du Code criminel, un procureur général doit donner son consentement à toute poursuite engagée. Cela évite que des poursuites frivoles ou fondées sur une simple remarque vexatoire ne soient engagées.
Il est également important de souligner que le Code criminel prévoit des dispositions fondamentales pour l'accusé, lesquelles ne sont pas prévues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je le répète, les dispositions dont je parle ne sont pas prévues dans la Loi canadienne sur les droits de la personne. Parmi les dispositions, figurent les motifs autorisés; le droit de confronter son accusateur; le droit pour l'accusé de recouvrer les frais si une poursuite est rejetée; et le droit à un procès ouvert, équitable et transparent.
Ce ne sont que quelques-unes des libertés fondamentales existant en vertu du Code criminel. C'est un système éprouvé et doté de poids et de contrepoids. En vertu de ce système, notre société fait respecter les libertés fondamentales et la primauté du droit.
La meilleure description de ce système nous vient de John Fitzgerald Kennedy, qui a dit:
Nous n’avons pas peur de soumettre au peuple américain des faits désagréables, des idées venues, des philosophies différentes et des valeurs opposées aux nôtre, car une nation qui craint de laisser son peuple juger librement de ce qui est vrai et de ce qui est faux est une nation qui a peur de son propre peuple.
La liberté d’expression et le recours à la censure pour limiter cette liberté ne sont pas des questions qu’il faut prendre à la légère. On devrait les aborder avec la plus grande prudence. C'est pourquoi je trouve personnellement alarmant que notre enquêteur en matière de droits de la personne, un être à qui on a confié le rôle de gardien de nos libertés fondamentales et de la liberté de parole si chère au Canada, ait affirmé que ce n'est rien de plus qu’un concept américain.
C’est précisément l’esprit de l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'est une preuve de plus qu’il ne faut pas permettre que l’article 13 et la commission exercent le moindre pouvoir de censure de la liberté d’expression dans notre pays.
La liberté d’expression a tout autant de valeur ici, au Canada. En fait, c'est le seul véritable outil à la disposition des sociétés libres et démocratiques comme la nôtre pour lutter contre le sectarisme et l’ignorance. Toute restriction de cette liberté doit être prise au sérieux, et non être traitée comme si ce n’était rien de bien grave.
La solution n’est pas de tripatouiller un système redondant, inutile et qui ne fonctionne pas. Je crois que la solution est d’avoir recours aux lois que nous avons déjà et de donner aux autorités les outils et le soutien nécessaires pour qu’elles puissent faire appliquer ces lois soigneusement, comme il se doit.
Le gouvernement a déjà annoncé qu’il était prêt à soutenir les mesures visant à améliorer la capacité de contrer les messages haineux en vertu du Code criminel. Cet engagement, ainsi que le délai d’un an avant l’entrée en vigueur de mon projet de loi, permettrait d’assurer une transition fructueuse vers un système où la démocratie et la liberté de parole peuvent s’épanouir véritablement.
Il est temps que nous retirions le pouvoir confié au système bureaucratique quasi-judiciaire de s’occuper du problème des messages haineux pour éviter, à l’avenir, qu’on abuse des faiblesses du système. La liberté d’expression est la pierre d’assise de toutes les autres libertés. Elle est trop précieuse pour qu’on permette qu’elle soit la cible de la censure imposée par ce système. Sans la liberté d’expression, on peut se demander à quoi serviraient les autres libertés.
Enfin, j'invite tous les députés à se porter à la défense de nos libertés fondamentales, les libertés mêmes pour lesquelles nous avons souvent demandé à nos militaires de mettre leur vie en danger. La question ne se résume pas à une opposition entre les conservateurs, les néo-démocrates et les libéraux. Il s'agit d'une question de liberté, de transparence et d'équilibre pour tous les Canadiens.
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Madame la Présidente, je ne suis pas nécessairement convaincue par la réponse de mon collègue à ma question, mais je suis toujours très ouverte aux débats à la Chambre. Je dis bien aux débats libres et volontaires pour les gens qui ont le goût de s'exprimer sur une question. On a eu plusieurs questions importantes à la Chambre, et elles ont toutes été évacuées rapidement par le gouvernement.
Je veux bien croire que c'est un projet de loi émanant d'un député qui n'est pas ministre, secrétaire parlementaire ou autre chose, mais cela n'empêche pas qu'il y ait un problème à la Chambre, car on empêche constamment les gens de débattre. Je viens d'être informée à l'instant qu'on doit voter demain, encore une fois, pour limiter les débats en troisième lecture. On vient à la Chambre pour se faire dire qu'on va débattre de telle question. On présente un projet de loi. Ce sont des projets de loi parfois extrêmement volumineux, qui entraînent différentes façons de penser. Toutefois, aussitôt qu'il y a des objections, on met des limites de temps pour les débats. En deuxième lecture, on se fait dire qu'on pourra en débattre en comité lors de l'étude article par article. J'arrive d'une réunion de comité sur l'analyse du projet de loi . On est encore sous le coup, pratiquement, d'une motion de clôture pour terminer l'étude article par article. Or on parle de 208 articles dans un projet de loi qui va changer fondamentalement bien des choses.
On se fait dire ce soir par quelqu'un de l'autre côté de la Chambre qu'on présente le projet de loi et que c'est fait en fonction de la liberté d'expression. Venant de la bouche de quiconque siégeant sur les des banquettes du gouvernement, j'ai énormément de difficulté à y croire et à croire en son bien-fondé.
Il faut que les gens qui nous écoutent sachent en quoi consiste le projet de loi . Essentiellement, il veut supprimer l'article 13 de la Charte canadienne des droits et libertés. L'article 13 interdit les propos haineux.
Or cet article a été jugé conforme à la loi par la Cour suprême. Il y a eu la décision d'un commissaire il y a quelques années. Cela va suivre son cours normal. Depuis ce temps-là, cela semble avoir un petit peu congelé tout le monde. Par contre, la Cour suprême avait déjà dit dans l'arrêt Taylor que l'article 13 était tout à fait conforme et qu'il était nécessaire dans une société libre et démocratique.
Il faut bien comprendre que dans la Charte canadienne des droits et libertés, il y a des limites pour chaque droit et liberté. Pour l'un, c'est un droit, et pour l'autre, cela s'arrête où le droit de l'autre commence.
Il faut arrêter de faire peur au monde, ce qui est l'autre spécialité du gouvernement. Il fait peur aux gens comme si le bon citoyen se faisait poursuivre allègrement devant les tribunaux en regard de son droit à la liberté d'expression et qu'il dépensait des fortunes. Il n'y en a pas eu des tonnes. Ce n'est pas comme si tout le monde courait à la Commission des droits de la personne pour déposer des recours en fonction de l'article 13 pour se plaindre que quelqu'un a tenu des propos haineux. Je dis bien des propos haineux. La loi définit aussi les propos haineux. Ce n'est pas un petit fardeau de preuves. Ce n'est pas seulement dire à quelqu'un qu'on n'aime pas sa tête. Cela ne serait certainement pas considéré comme des propos haineux.
Par contre, j'ai reçu un tweet où on me demande ce que je vais faire comme députée de Gatineau dans un dossier où on associe mon ancien chef, malheureusement décédé cet été, à quelqu'un de la Gestapo et qu'on le compare à Hitler dans un site Internet appelé Park Avenue Gazette, sans vouloir lui faire de la publicité. C'est tellement dégueulasse qu'on a des haut-le-coeur quand on lit des choses comme cela. On y sort des choses et on met des symboles de ce qui s'est passé lors de la Seconde Guerre mondiale, et on accole cela à des gens qui sont des êtres humains. On imagine comme ces gens ou leur famille se sentent quand ils voient ces choses.
On se fait toujours dire par les gens d'en face que le Code criminel prévoit déjà des choses. Le député de n'a pas répondu à ma question.
Il n'y a pas répondu parce que le problème, c'est que le fardeau de la preuve est drôlement différent si on se fie strictement au Code criminel. Cela ne date pas d'hier, qu'il y ait à la fois des recours devant un « permissible » et en vertu du Code criminel, donc des actes d'accusation ou des infractions sommaires, et des recours civils ou en vertu de la Charte. C'est le cas ici.
Le Code criminel a un régime de preuve différent. On peut demander une preuve hors de tout doute raisonnable, tandis qu'en vertu de la Charte canadienne, on parle d'un fardeau de preuve un peu moindre. On maquille ça extrêmement bien en fonction de la liberté d'expression. Or la liberté d'expression ne me donne pas le droit de dégueuler sur quelqu'un pour n'importe quelle raison, de lui faire sentir qu'il est un illustre rien et qu'il ne mérite pratiquement pas de vivre.
Est-ce que cela mériterait un recours en vertu du Code criminel? J'émets des doutes sérieux à cet effet. Nos procureurs de la Couronne sont déjà assez débordés et ils le seront encore plus avec le projet de loi déposé par le gouvernement. Alors, je vois mal un procureur de la Couronne commencer à s'intéresser à des dossiers dont l'interprétation peut varier en fonction de ceci ou cela. La Commission canadienne des droits de la personne était un organisme spécialisé ayant comme objectif d'examiner un cas précis et de déterminer, avant même que ça aille plus loin devant le tribunal, s'il y avait matière à plainte en vertu de la charte des droits et libertés de la personne.
On ne veut pas cela parce que beaucoup d'amis du gouvernement — j'exagère quand je dis beaucoup —, disons certains amis, pour ne pas nommer des journalistes de l'Ouest, se sont efforcés de faire passer certaines choses et se plaignent depuis des lunes que l'article 13 les empêche d'exprimer tout ce qu'ils veulent. On vit au Canada et j'ai toujours cru qu'on devait être respectueux les uns envers les autres, qu'on pouvait être en désaccord mais qu'on n'était pas autorisé à dénigrer une personne. C'est de ça qu'on parle. Ce n'est pas de la liberté d'expression que de carrément faire sentir à quelqu'un qu'il est un moins que rien, de façon parfois systématique.
Je ne peux pas croire que les conservateurs veulent de ces sites qui dégueulent sur les francophones, sur les gens qui croient au bilinguisme et en la langue française, qui croient que ce pays existe grâce à deux nations, y compris les nations autochtones. Je ne peux pas croire qu'on veuille simplement mettre un x là-dessus et permettre qu'on dise à peu près n'importe quoi. C'est comme si je disais que ma collègue ici est comme ceci ou cela, que ce n'est pas grave car j'ai une liberté d'expression.
Je conviens qu'il est important d'avoir ce débat et jamais je ne voudrais le bloquer. J'espère que le plus de personnes possible se lèveront pour s'exprimer là-dessus et réitéreront haut et fort ce que la Cour suprême du Canada a dit dans l'arrêt Taylor.
Lorsqu'il a confirmé la validité constitutionnelle de l'article 13 dans l'arrêt Taylor, le juge en chef Dickson, qui avait une plume admirable, s'est exprimé au nom de la Cour suprême. Je vais terminer là-dessus, mais j'en aurais tellement long à dire. Encore une fois, ma liberté d'expression va être supprimée à cause du temps limité dont on dispose pour parler de ce sujet. Voici donc un extrait de cet arrêt:
La crainte du Parlement que la diffusion de la propagande haineuse n’aille à l’encontre de l’objet général de la Loi canadienne sur les droits de la personne n’est pas sans fondement. La gravité du préjudice occasionné par des messages haineux a été reconnue par le Comité spécial de la propagande haineuse au Canada (communément appelé le comité Cohen) en 1966. Le comité Cohen a fait remarquer que les individus soumis à la haine raciale ou religieuse risquent d’en subir une profonde détresse psychologique, les conséquences préjudiciables pouvant comprendre la perte de l’estime de soi, des sentiments de colère et d’indignation et une forte incitation à renoncer aux caractéristiques culturelles qui les distinguent des autres. Cette réaction extrêmement douloureuse nuit assurément à la capacité d’une personne de réaliser son propre « épanouissement », pour reprendre le terme employé à l’art. 2 de la Loi. Le comité indique en outre que la propagande haineuse peut parvenir à convaincre les auditeurs, fût-ce subtilement, de l’infériorité de certains groupes raciaux ou religieux.
Je pourrais continuer ainsi longtemps. C'est un grand débat qu'il faut avoir et j'espère que le Canada n'ira pas jusqu'à abroger l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
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Madame la Présidente, le projet de loi d’initiative parlementaire vise à abroger l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne parce que le fait de sanctionner les propos haineux mine la liberté d’expression, qui est, comme je l’ai déjà dit à d’autres occasions, le principe vital de la démocratie. Je conviens avec le député que c’est un principe élémentaire, et c’est ce que j’ai toujours affirmé.
Toutefois, la prémisse du projet de loi, quoique bien intentionnée, est fausse et trompeuse. Elle semble indiquer que la liberté de parole est un droit absolu, qui n’admet aucune limite, sans tenir compte du fait que toutes les sociétés libres et démocratiques ont reconnu l’existence de certaines limites à la liberté d’expression, dont les États-Unis, qui sont pourtant un véritable bastion de la liberté de parole garantie par le premier amendement. Le professeur Abraham Goldstein, mon mentor, qui était à l’époque doyen de la faculté de droit à l’université Yale, disait d’ailleurs que la liberté de parole n’est pas un droit absolu, même si les gens persistent à croire que c’en est un.
Toutes les sociétés libres et démocratiques, y compris les États-Unis, reconnaissent des limites à la liberté d’expression, afin de protéger certaines valeurs humaines fondamentales. Je pense notamment à l’interdiction de faire de faux serments, pour protéger le droit à un procès équitable, à l’interdiction de propager des propos séditieux, pour protéger la sécurité nationale, à l’interdiction visant la pornographie, pour protéger la dignité humaine des femmes et des enfants, à l’interdiction de tenir des propos diffamatoires, pour protéger la vie privée et la réputation, et à l’interdiction visant la publicité trompeuse, pour protéger les consommateurs. Je pourrais continuer ainsi, mais le fait est que les dispositions qui interdisent les propos haineux sont de même nature que ces limites qui protègent les particuliers et les minorités contre le dénigrement et contre les pratiques haineuses et discriminatoires qui les rabaissent dans la société et qui créent donc des inégalités et, de fait – et cela pourrait bien étonner le député qui présente la motion –, pour protéger les valeurs mêmes qui sous-tendent la liberté de parole.
Je citerai la Cour suprême du Canada, dans les affaires Keegstra, Smith et Andrews, et Taylor. Pour tout vous dire, j’ai participé à ces audiences à titre d’avocat, pour défendre la liberté d’expression et soutenir ce principe fondamental devant les tribunaux, et j’ai beaucoup écrit à ce sujet. Les propos haineux sont une attaque à l’endroit des valeurs mêmes qui sous-tendent la liberté d’expression.
La promotion de propos haineux constitue en fait une violation du principe fondamental qu'est la liberté d'expression. De plus, cet aspect est particulièrement pertinent dans le contexte de toute proposition d'abrogation de l'article 13. J'ai déjà fait valoir ce point devant la Cour suprême du Canada dans le cadre des trois affaires dont j'ai parlé tout à l'heure.
Les propos haineux soulèvent une question sur le plan de l'égalité et de la liberté de parole. L'incitation à la haine et au mépris contre un groupe identifiable porte préjudice à la personne et au groupe visés. Le raisonnement fondé sur le préjudice, comme l'appelle la Cour suprême, appuie la sanction de la propagande haineuse comme mesure de protection de l'égalité. Comme l'a affirmé la cour, la préoccupation suscitée par le racisme et l'incitation à la haine ne tient pas simplement à son caractère offensant, mais découle du préjudice très réel qu'elle cause. La députée de a fait ressortir ce point dans ses observations ce soir.
Par ailleurs, en ce qui concerne le droit international, les dispositions interdisant la propagande haineuse ont été mises en oeuvre à l'échelle nationale dans le cadre de nos engagements en vertu du droit international, c'est-à-dire en vertu des dispositions de traités internationaux, afin de lutter contre les propos haineux. Encore une fois, je cite la Cour suprême, qui a dit que la protection prévue par la liberté d'expression en droit international n'englobe pas les communications qui encouragent la haine raciale ou religieuse.
Dans le même ordre d'idées, la cour a invoqué l'article 27 de la Charte canadienne des droits et libertés pour soutenir que les messages haineux contreviennent, eux aussi, à notre patrimoine multiculturel et au principe normatif.
Par conséquent, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi , qui abrogerait l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il aurait pour effet d'empêcher que des poursuites soient engagées devant des commissions des droits de la personne, en vue de protéger un groupe donné contre des propos diffamatoires, tout en maintenant la liberté de parole et les valeurs sous-jacentes.
Je comprends que le gouvernement a des réserves à l'égard de l'article 13, mais il ne devrait pas abroger cette disposition sous prétexte qu'elle constitue une violation de la liberté d'expression, un principe que je défends depuis longtemps, comme bien d'autres députés. Le gouvernement ne devrait pas faire abstraction du besoin d'assurer une protection contre tout propos diffamatoires à l'égard d'un groupe donné.
En clair, la solution ne consiste pas à abroger la législation dont la validité constitutionnelle a été maintenue par la Cour suprême, mais à atténuer les préoccupations et à offrir des propositions pour modifier le régime actuel. J'exhorte donc le gouvernement à envisager les réformes possibles pour répondre aux préoccupations valables que je vais souligner dans mes observations. Ce serait là une solution préférable à l'abrogation.
Comme les députés le savent peut-être, la Cour suprême du Canada se penche actuellement cet article précis de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Si je puis me permettre, le débat est donc quelque peu prématuré. Avant de l'entamer, nous devrions attendre que la plus haute cour du pays définisse la portée de la liberté d'expression.
Cela dit, la Cour suprême a déjà tranché à diverses reprises dans ce domaine. Elle a jugé qu'en droit constitutionnel, les propos haineux portent atteinte aux principes les plus fondamentaux de la liberté d'expression: la recherche de la vérité, la protection de l'autonomie individuelle ainsi que le débat et la stabilité démocratiques. Tout en protégeant les groupes vulnérables des messages haineux, elle défend et garantit le principe fondamental qu'est l'égalité.
Même s'il devait être déterminé que cela restreint à première vue la liberté d'expression, comme l'a écrit l'ancien juge en chef Dickson, cette restriction peut être qualifiée de limite raisonnable prescrite par la loi dont la justification peut se démontrer dans une société libre et démocratique. C'est dans ce contexte et dans cet esprit que je formule les recommandations suivantes.
Premièrement, le Code criminel, qui a été évoqué pour ses éléments traitant des propos haineux, comporte un mécanisme de filtrage intégré: la nécessité d'obtenir l'approbation préalable du procureur général du Canada pour entamer des poursuites. Je recommande d'intégrer à la Loi canadienne des droits de la personne une disposition de filtrage semblable.
Deuxièmement, on pourrait instituer une protection procédurale afin de restreindre les plaignants à une administration à la fois, alors qu'à l'heure actuelle, de nombreuses plaintes fédérales et provinciales peuvent être déposées contre une même personne ou un même groupe, ce qui constitue une poursuite stratégique contre la mobilisation publique, ou poursuite-bâillon, et qui, comme on peut le comprendre, peut servir à étouffer la liberté d'expression.
Troisièmement, nous pourrions ajouter dans la loi des définitions des mots « haine » et « mépris » qui seraient conformes à celles formulées par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Taylor.
Quatrièmement, nous pourrions prévoir une disposition en vertu de l'article 41 qui permettrait le rejet anticipé de plaintes formulées en vertu de l'article 13 dans les cas où les messages ne sont pas conformes à la définition étroite de « haine » ou de « mépris ».
Cinquièmement, nous pourrions abroger la disposition qui permet l'évaluation d'une sanction.
Sixièmement, nous pourrions mettre en oeuvre de meilleures garanties procédurales relativement au déroulement des procès et aux normes en matière de preuves.
Enfin, au nombre des autres réformes que le gouvernement pourrait examiner, mentionnons la mise sur pied de commissions chargées de l'allocation des dépens, ce qui dissuaderait le dépôt de plaintes futiles. Ces commissions pourraient aussi éliminer la possibilité qu'une personne présente une plainte de façon anonyme, de sorte que le droit de confronter l'accusateur soit mieux respecté.
En terminant, je pense que nous devrions attendre la décision de la Cour suprême avant de débattre de cette question. Néanmoins, compte tenu des décisions de la Cour suprême qui sont déjà connues, ce soir, notre débat devrait porter sur la façon dont nous pourrions réformer et structurer les commissions des droits de la personne afin de protéger à la fois la liberté d'expression et les personnes et les membres des minorités vulnérables contre la haine et la diffamation. C'est ce que nous devrions faire, plutôt que d'abolir le régime au complet, car celui-ci peut faire l'objet de réformes positives. Comme je l'ai dit ce soir, c'est ainsi que nous pourrions répondre aux préoccupations du député.
J'exhorte le gouvernement à modifier son approche et à examiner certaines des réformes que j'ai décrites dans mes observations. Ces réformes sont destinées à protéger le principe fondamental qu'est la liberté d'expression, les valeurs qui le sous-tendent ainsi que les personnes, les groupes et les minorités vulnérables contre les propos diffamatoires.
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Madame la Présidente, c'est un grand privilège pour moi de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi .
J'appuie sans réserve ce projet de loi parce qu'il protège un des droits les plus importants des Canadiens, à savoir la liberté d'expression. Depuis le temps que je siège au Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes, il nous est souvent arrivé de dénoncer des régimes répressifs partout dans le monde qui bafouent les droits de leurs propres citoyens, et ce, de manière tout à fait implacable. Et pourtant, voici que le droit fondamental à la liberté d'expression est menacé ici, au Canada.
Je suis heureux que le projet de loi proposé par le député de vise à remédier à cette situation. Comme l'a dit l'intervenant précédent, la liberté d'expression est un droit fondamental sur lequel reposent tous les autres droits. Sans liberté d'expression, les citoyens ne pourraient pas se rassembler publiquement pour manifester pacifiquement leur opposition aux politiques du gouvernement, un acte fondamental dans notre démocratie.
À la limite, on pourrait dire que, sans liberté de'expression, nous ne pourrions pas vénérer Dieu, pratiquer notre foi, nous syndiquer ou nous prononcer lors des élections ou à toute autre étape du processus démocratique. Ce sont là certains des reproches que nous faisons aux régimes totalitaires.
Nous n'avons qu'à penser aux événements récents en Égypte et en Libye ainsi qu'au printemps arabe qui se poursuit pour comprendre qu'en fin de compte, la liberté d'expression doit toujours l'emporter. L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est une violation directe de la liberté d'expression qui nous est garantie en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés.
L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne autorise la Commission canadienne des droits de la personne à intenter une poursuite contre quiconque a prétendument dit ou écrit des mots qui exposent une ou plusieurs personnes à la haine ou au mépris, peu importe qu'il y ait eu ou non une victime réelle. Essentiellement, c'est comme inculper une personne en raison de la probabilité qu'elle enfreigne la loi, même si elle n'a jamais commis une infraction.
Parmi les gens qui ont vu le film à grand succès de Hollywood paru en 2002 et intitulé Rapport minoritaire, il s'en trouvera pour dire que nous sommes sur la pente savonneuse nous conduisant à un scénario semblable à ce film. Les personnages principaux du film sont trois médiums que l'on qualifie de « précognitifs ». L'histoire se déroule dans un futur sinistre où l'organisation gouvernementale Précrime se sert de supercalculateurs pour apposer l'étiquette de criminels à des gens avant qu'ils ne commettent un crime. Cependant, le système fonctionne en ignorant ses propres faiblesses ou rapports minoritaires, ce qui fait qu'il étiquette des innocents et marginalise toute une sous-classe ne répondant pas aux normes sociales définies au sommet.
Quoiqu'il s'agisse d'une fiction, elle m'est utile pour illustrer mon propos par un cas extrême. Dans la réalité d'aujourd'hui, il est indéniable que l'article 13 est incompatible avec notre démocratie et avec le Code criminel, qui respecte le principe voulant qu'une personne puisse être inculpée seulement après avoir commis un crime, et non avant.
Si c'est le principe qui sous-tend le Code criminel, pourquoi ce principe n'est-il pas également au coeur de la Loi canadienne sur les droits de la personne? Voilà l'anomalie que vise à corriger le projet de loi présenté par le député de . Il s'agit d'appliquer aux droits de la personne, et donc à la Commission canadienne des droits de la personne, le même principe qui est en vigueur dans notre système de justice éprouvé.
Nul n'a besoin de chercher très loin pour trouver un exemple clair de l'obstacle à la liberté d'expression que représente l'article 13 au Canada. Comme le député de l'a déjà indiqué, lorsque M. Dean Steacey, enquêteur de la Commission canadienne des droits de la personne, s'est vu demander quelle valeur il accordait à la liberté d'expression dans ses enquêtes, il a tenu des propos choquants à mes yeux: « La liberté d’expression est un concept américain. Je ne lui accorde donc aucune valeur. Je ne suis pas payé pour valoriser un concept américain. »
Je m'inscris en faux contre ses propos. La liberté d'expression est, dans une vaste mesure, un principe canadien, dont on devrait être fier. Surtout, deux semaines après le jour du Souvenir, n'oublions jamais le sacrifice ultime qu'ont consenti des milliers de Canadiens, des tranchées d'Europe aux montagnes de l'Afghanistan, afin que l'on puisse jouir de nombreuses libertés, notamment la liberté d'expression, et que des millions de personnes qui ont souffert en Europe lors des deux guerres mondiales et dans d'autres conflits depuis puissent elles aussi être libres.
La liste des personnes visées et muselées par l'article 13 est longue et ratisse large. Aux termes de la loi, chaque journaliste, auteur, webmestre, blogueur, éditeur, politicien et citoyen canadien pourrait faire l'objet d'une plainte concernant les droits de la personne pour avoir exprimé une opinion ou avoir dit la vérité sur quelque question que ce soit.
Étant donné le caractère ambigu de l'article 13, il est pratiquement impossible pour toute personne de déterminer si elle risque d'enfreindre la loi, ce qui, en somme, crée une culture de censure et de répression chez ceux qui osent dire ce qu'ils pensent. C'est inacceptable et injustifiable dans la société libre que le Canada se vante d'être. C'est également inconcevable à l'heure où le numérique a redéfini la façon dont notre société communique. Est-il possible qu'un message de 140 caractères sur Twitter puisse être mal interprété? Est-il possible qu'un blogue puisse être censuré à tort?
Le projet de loi peut corriger et corrigerait effectivement ce problème. C'est pour cette raison que je prends la parole aujourd'hui à la Chambre pour l'appuyer.
Certains diront que l'abrogation de l'article 13 de la Loi sur les droits de la personne laisserait libre cours aux propos haineux. Comme l'a fait remarquer le député de, les articles 318 à 320.1 du Code criminel interdisent déjà la propagande haineuse, notamment à l'alinéa 320(8)e), qui définit la propagande haineuse comme « tout écrit, signe ou représentation visible qui préconise ou fomente le génocide ».
Il n'y a rien de plus vil en ce monde que la propagande haineuse. Voilà pourquoi, au cours des dernières années, je me suis efforcé d'attirer l'attention sur la menace grandissante de l'antisémitisme et de prendre des mesures à cet égard. Les gens continueront-ils d'avoir des propos blessants, que tous les députés trouveraient choquants? Bien entendu.
Toutefois, dans la mesure où il ne s'agit pas de propagande haineuse, ne devrions-nous pas défendre le droit de prononcer ces paroles, afin de préserver pour tous le droit de livrer le fonds de sa pensée et, par le fait même, le droit de dénoncer les propos de mauvais goût?
Pour terminer, je réitère l'importance de la liberté d'expression au Canada. C'est l'une des assises de notre pays. Les anciens combattants se sont battus pour la préserver. La Chambre doit s'assurer que l'article 13 ne nuira pas à la liberté d'expression.
Que Dieu bénisse le Canada.
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Madame la Présidente, je vais débuter en disant que les conservateurs parlent toujours de leur volonté de rendre nos collectivités plus sûres. Cependant, ils semblent décidés à affaiblir les restrictions contre les crimes haineux, ce qui me semble contradictoire.
Nous savons tous que ce gouvernement conservateur a une histoire d'amour avec les Américains de droite à la George Bush. C'est en effet les républicains qui ont soutenu les peines minimales obligatoires et le retrait des demandes de pardon dans les années 1980. Tout cela a contribué à faire exploser la population carcérale et n'a pas nécessairement amélioré la sécurité des citoyens. Ce sont ces mêmes républicains qui s'accrochent au premier amendement de la Constitution: la liberté d'expression inconditionnelle. Malheureusement, il y a des groupes extrémistes de toutes sortes qui en profitent pour tenir des discours homophobes, racistes, islamophobes et antisémites, tout en se protégeant avec le premier amendement. Par ailleurs, cette norme américaine va à l'encontre de certaines conventions internationales, comme la Convention internationale sur les droits civils et politiques, qui interdisent les discours haineux.
Les conservateurs aiment parler des victimes et démontrer de l'empathie pour leur situation, comme nous devrions le faire justement. Toutefois, dans ce cas-là, leur idéologie les aveugle complètement. Ils oublient les gens déjà marginalisés, tels que les minorités raciales et religieuses, les communautés gaies, lesbiennes et transsexuelles. Ils oublient l'effet dramatique que peuvent avoir les discours haineux sur une personne déjà marginalisée. Ils oublient l'épidémie de suicides chez les adolescents gais, lesbiennes et transsexuels aux États-Unis et au Canada. Ils oublient les assauts contre les minorités visibles. L'expression de la haine et l'intolérance sont les principales causes de ces tragédies et c'est pourquoi nous devons à tout prix maintenir les protections contre ces formes d'expressions préjudiciables.
J'ai entendu le député d'en face parler dans son discours du fait qu'il n'y a pas toujours une victime en bout de ligne quand quelqu'un écrit un discours haineux. Ce n'est pas nécessairement le cas. Lorsque quelqu'un écrit quelque chose de haineux et qu'il n'y a personne en train de crier et de dire que cela lui fait mal, cela ne veut pas dire que ce n'est pas le cas. On ne sait jamais l'effet que peut avoir ce qu'on écrit sur une personne.
Au Tribunal canadien des droits de la personne, nous avons vu de nombreux cas fondés sur l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Parmi ceux-ci, il y avait de nombreux cas relatifs à la suprématie de l'homme blanc, le déni de l'Holocauste et d'autres formes d'antisémitisme.
L'argument des conservateurs contre l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est qu'il contrevient à leurs droits à la liberté d'expression protégés dans la Charte des droits et libertés. Par ailleurs, ils soutiennent que les Canadiens sont déjà protégés contre les discours haineux par le paragraphe 319(2) du Code criminel? Sur ces deux points, une dévotion totale à l'idéologie cause à ce gouvernement une amnésie et une ignorance volontaire face aux détails.
Soyons clairs et honnêtes en cette Chambre. L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne contrevient pas à la liberté d'expression des droits protégés par la Charte canadienne. Comment puis-je le savoir? C'est parce qu'en 1990, la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Canada (Commission canadienne sur les droits de la personne) c. Taylor, a précisément statué ainsi. Cela me préoccupe lorsque le gouvernement fédéral choisit d'ignorer complètement les décisions de la Cour suprême.
En ce qui concerne le second argument avancé par le gouvernement, c'est-à-dire que le Code criminel protège déjà les Canadiens face aux discours haineux, il omet stratégiquement la prise en compte des différences importantes entre le paragraphe 319(2) du Code criminel et l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Ces différences ne sont pas sans conséquence. En fait, elles sont profondément importantes pour les victimes d'actes haineux.
Permettez-moi d'éduquer les députés d'en face sur certaines de ces différences. Tout d'abord, la procédure de plainte est différente. La Loi canadienne sur les droits de la personne permet aux individus de déposer des plaintes. Si la commission estime que la plainte est importante, le tout ira devant un tribunal. Selon les dispositions du Code criminel, une action pénale ne sera engagée qu'avec le consentement du ministre de la Justice du Canada. Les victimes d'actes haineux ne devraient pas avoir à attendre que les procureurs de la Couronne se saisissent d'une affaire seulement après que le ministre de la Justice ait donné son feu vert.
Parlons maintenant de la norme de preuve. La Loi canadienne sur les droits de la personne crée une norme différente de preuve de la culpabilité. Alors qu'une affaire criminelle exige une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable, un cas devant le Tribunal canadien des droits de la personne exige une preuve de base sur la prépondérance des probabilités. Cela constitue une grande différence pour les victimes et les auteurs de crimes haineux.
Comme nous le savons, O.J. Simpson a été acquitté au criminel parce que la poursuite a été incapable de prouver hors de tout doute raisonnable qu'il avait commis le meurtre. Pourtant, il était coupable au civil, selon la prépondérance des probabilités. La procédure de plainte et la norme requise pour prouver la culpabilité diffèrent entre l'article 13 et le paragraphe 319(2) du Code criminel. Elles ont des implications très différentes pour les victimes d'actes haineux. Comme la Commission canadienne des droits de la personne l'a déjà souligné, elles sont complémentaires et non en concurrence.
La chose la plus importante à souligner ici est que nous devons nous efforcer de vivre dans une société libre d'actes haineux et sans intolérance. En tant que telles, les victimes d'actes haineux ne devraient pas avoir besoin de l'autorisation du ministre de la Justice — qui est partisan, rappelons-le — pour poursuivre les auteurs d'actes haineux. Par ailleurs, il n'est pas toujours facile de prouver la culpabilité hors de tout doute raisonnable dans le cas de crimes haineux. C'est pourquoi un autre mécanisme complémentaire en dehors du Code criminel est nécessaire pour s'assurer que les minorités visibles ont la capacité de se défendre contre les actes haineux.
Quand les conservateurs de ce pays vont-ils se rendre compte que les crimes haineux sont réels et que le ministre de la Justice ne devrait pas pouvoir décider lesquels sont réels et lesquels ne le sont pas?
J'encourage mes collègues à voter contre ce projet de loi.
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Madame la Présidente, j'ai l'honneur et le plaisir de prendre la parole en faveur du projet de loi .
La liberté d'expression est un droit fondamental dont bénéficient toutes les sociétés libres et démocratiques.
J'ai écouté attentivement les trois députés d'en face qui ont exprimé des préoccupations à l'égard du projet de loi du député de . Les parlementaires bénéficient d'une grande liberté d'expression. D'ailleurs, parlement vient du mot « parler ». À la Chambre et aux comités, les parlementaires et les témoins sont libres de s'exprimer comme ils l'entendent. Il me semble quelque peu hypocrite que nous n'offrions pas à la société, aux personnes qui écrivent dans des blogues ou des sites Web, lesquels sont assujettis à la réglementation fédérale, les mêmes droits et privilèges que ceux dont nous bénéficions au Parlement.
Le député de , pour qui j'ai un grand respect, a raison quand il dit qu'il y a des limites à la liberté d'expression.
Je suis convaincu que les députés sont au courant des recours et des limites déjà en place en ce qui concerne la liberté d'expression. Il existe des dispositions législatives contre le parjure et les préjudices causés par la diffamation verbale ou écrite; les plus importantes et les plus pertinentes pour ce débat sont les articles 318 à 320 du Code criminel, qui prévoient des mesures de protection contre les propos haineux.
Il faut établir une distinction entre les propos haineux et les propos blessants, ou le soi-disant droit de ne pas subir de préjudices moraux. Personne n'a le droit de ne pas subir de préjudices moraux. J'en suis désolé, mais ce droit n'est pas prévu dans la common law, et il n'existe pas dans les sociétés libres et démocratiques.
Les sanctions prévues dans les articles 318 à 320 du Code criminel à l'égard de la liberté d'expression visent des conséquences plus graves que les préjudices moraux. Elles ciblent les véritables propos haineux pouvant faire l'objet de poursuites judiciaires. Si quelqu'un encourage le génocide, la destruction des biens d'un groupe précis, ou encore l'imposition de préjudices ou de dommages à un membre de ce groupe, cette personne enfreint les dispositions du Code criminel sur les propos haineux, et je crois que c'est juste. Cependant, c'est très différent du soi-disant droit de ne pas être offensé, ou de ce que mes amis appelaient des propos blessants.
Pour qu'elle existe, la liberté d'expression ne peut faire l'objet de formalités administratives. La liberté d'expression réglementée par l'État, ça n'existe pas. La liberté d'expression existe ou n'existe pas.
Ce sont les propos très offensants qui requièrent une protection juridique. Ce débat n'aurait probablement pas lieu si personne n'avait proféré de paroles qui n'étaient pas politiquement correctes, qui étaient offensantes et même parfois extrêmement offensantes, pour ensuite essayer de se prévaloir des droits concernant la liberté d'expression conférés par l'alinéa 2b) de la Charte. J'estime que c'est ce discours très offensant qui requiert une protection.
Tout ce qui est provocant soulève la controverse. Si nous devions tenir un débat intelligent sur la religion, par exemple les mérites du christianisme par rapport à ceux de l'islam, ou encore sur l'avortement, les droits des gais ou même le changement climatique, il serait impossible de le faire sérieusement et en profondeur sans risquer de heurter quelqu'un en cours de route.
Une société libre a besoin de la liberté de parole pour qu'il y ait un bon brassage d'idées et un échange intéressant. Certaines idées ne seront ni populaires ni politiquement correctes, mais elles nourriront le débat. C'est en fait grâce à la liberté de parole que la société progresse.
Certaines choses étaient politiquement incorrectes au moment où elles se sont passées. Par exemple, il y a quelques siècles, quand Galilée a émis l'avis que la Terre était ronde, il s'est fait traiter d'hérétique. Il l'a tout de même affirmé, on en a débattu et on a fini par le prouver.
C'est grâce à la liberté d'expression pour laquelle nous nous battons aujourd'hui en réclamant l'abrogation de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne que la société peut améliorer sa situation, voir la lumière et découvrir des vérités qui peuvent ne pas sembler vraies à l'heure actuelle.
Donc, la Commission des droits de la personne...