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Monsieur le Président, je suis ravi de prendre la parole au sujet des importantes modifications contenues dans le projet de loi et de la manière dont ses dispositions favoriseront le dynamisme de l'union économique au Canada.
Le projet de loi vise à améliorer l'Accord sur le commerce intérieur, comme en ont convenu le gouvernement du Canada, toutes les provinces et tous les territoires. Les modifications proposées devraient affermir l'application de cet accord important et faire en sorte que les gouvernements rendent des comptes quant au respect de leurs obligations au titre de l'accord.
Je tiens à souligner aujourd'hui un point en particulier: le projet de loi témoigne de la résolution du gouvernement du Canada à constamment resserrer notre union économique par la collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux. Toutefois, il présente aussi d'autres éléments nouveaux, et je désire profiter de l'occasion pour en présenter quelques-uns.
Dans un premier temps, je rappellerai brièvement aux députés ce qu'est l'Accord sur le commerce intérieur et ferai le point sur les améliorations qui y ont été apportées récemment et qui vont au-delà de la manière dont il est appliqué. Je crois que ça permettra d'énoncer les motifs justifiant le projet de loi présenté à la Chambre aujourd'hui. Qu'on me permette d'abord de faire une parenthèse au sujet de l'importance du commerce intérieur pour notre économie.
La conjoncture économique mondiale continue d'être difficile. Or, grâce à de saines mesures économiques et de bonnes pratiques de réglementation, le Canada résiste mieux à la crise que presque tous les autres pays. Comme la situation mondiale reste précaire, il est plus important que jamais de faire en sorte que l'économie du Canada demeure solide. Le gouvernement a toujours été d'avis que le renforcement des échanges commerciaux ne se fait pas que sur le plan international, mais aussi sur le plan national. Le commerce intérieur renforce la concurrence, ce qui offre plus de choix aux entreprises et aux consommateurs et stimule la productivité et l'innovation. Nous sommes donc résolus à favoriser les pratiques efficaces en matière de commerce intérieur au Canada et à participer activement à leur mise en oeuvre.
Le principal outil pour renforcer les liens commerciaux intérieurs, c'est l'Accord sur le commerce intérieur, dont il convient de donner un aperçu historique pour préparer le terrain en vue de la discussion qui s'ensuivra aujourd'hui.
L'Accord sur le commerce intérieur, le seul accord canadien qui régit la libre circulation des personnes, des biens, des services et des investissements au Canada, a pris effet le 1er juillet 1995 après avoir été conclu en 1994 par le gouvernement du Canada et 12 gouvernements provinciaux et territoriaux. Il prévoit notamment des règles générales qui empêchent les gouvernements d'ériger de nouveaux obstacles commerciaux et qui les obligent à réduire les obstacles existants dans les domaines visés par l'accord. Il prévoit aussi des obligations précises dans des secteurs économiques clés, comme les transports, les ressources naturelles et les communications, qui représentent un pourcentage important de l'activité économique au Canada. De plus, l'accord porte sur des enjeux multisectoriels, par exemple la protection des consommateurs ainsi que la rationalisation et l'harmonisation des règlements et des normes.
Pour que chaque gouvernement respecte les engagements pris en vertu de l'Accord sur le commerce intérieur, les gouvernements et les particuliers peuvent contester le comportement de n'importe quel gouvernement qui est partie à l'entente. En fait, l'accord contient des dispositions régissant l'administration et la résolution des plaintes en matière de commerce intérieur. Ce processus est garant de l'efficacité de l'accord, car il incite les gouvernements à respecter leurs engagements en faveur de marchés intérieurs ouverts et intégrés et d'une union économique plus forte.
Ce qu'il faut vraiment retenir à propos de cet accord, c'est que ce n'est pas un instrument statique aux règlements invariables. Il évolue plutôt de façon constante pour répondre aux besoins changeants de notre économie, qui évolue elle aussi. Le gouvernement du Canada est toujours prêt à travailler avec les provinces et les territoires pour améliorer les dispositions de l'accord et pour en élargir la portée à l'ensemble de l'économie canadienne.
L'accord a réellement évolué de façon à répondre aux nouveaux besoins du commerce et du marché du travail. Par exemple, au cours des dernières années, avec le concert des provinces et des territoires, le gouvernement du Canada a ajouté un chapitre sur l'agriculture favorisant la libéralisation de l'échange de produits agricoles. D'autres chapitres ont aussi été modifiés, comme celui qui concerne les méthodes d'approvisionnement du gouvernement, auquel on a ajouté d'autres entités, et celui qui concerne la mobilité de la main-d'oeuvre.
À ce sujet, j'aimerais prendre quelques instants pour parler des nouvelles obligations de l'Accord sur le commerce intérieur sur lesquelles le gouvernement ainsi que les provinces et les territoires se sont entendus et qui permettront d'améliorer la qualité des bassins de main-d'oeuvre qualifiée et disponible.
Comme les députés le savent déjà, la mobilité de la main-d'oeuvre était un des plus grands obstacles à la libéralisation du commerce intérieur. Au fil des décennies, il a été très ardu de s'entendre sur cette question difficile et controversée. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'en janvier 2009, le du Canada et d'autres premiers ministres provinciaux ont eu le bonheur d'annoncer s'être enfin entendus sur les modifications à apporter à l'Accord sur le commerce intérieur pour accroître la mobilité de la main-d'oeuvre au pays.
La nouvelle version du chapitre sur la mobilité de la main-d'oeuvre est entrée en vigueur en août 2009. Grâce aux nouvelles dispositions, quand un travailleur est accrédité par l'organisme de réglementation d'une province ou d'un territoire, son accréditation est reconnue dans les autres provinces et territoires. Les travailleurs accrédités n'ont plus besoin de suivre une formation supplémentaire, ni de subir un test ou une évaluation: leurs compétences sont automatiquement reconnues dans toutes les provinces et tous les territoires. Ce changement a pour effet d'accroître les possibilités d'emploi et de permettre aux employeurs canadiens d'avoir accès à un bassin de main-d'oeuvre plus vaste et plus intéressant.
Comme nous le voyons, le commerce intérieur joue un rôle clé dans notre économie, et l'ACI a permis au gouvernement fédéral d'agir, en collaboration avec les provinces et les territoires, afin de bâtir un Canada meilleur et plus fort. Nous continuons à y travailler ensemble.
Le projet de loi constitue la prochaine étape de l'amélioration du commerce intérieur. Il permettrait d'améliorer le processus de règlement des différends et le mécanisme d'application de l'Accord sur le commerce intérieur.
Permettez-moi d'expliquer pourquoi ces éléments sont importants dans le contexte actuel. Il est déjà reconnu que l'inefficacité du mécanisme de règlement des différends constitue l'une des faiblesses de l'accord. Comme l'accord ne prévoit pas d'outils d'application solides, il est d'une efficacité limitée quand il s'agit de favoriser la libéralisation et l'ouverture des marchés intérieurs. Étant donné l'absence de pénalités sérieuses, il est possible de faire fi des décisions du groupe spécial sans avoir à en subir les conséquences. Cette question a été soulevée par divers groupes d'intervenants du secteur privé, des groupes de réflexion et même des organismes internationaux.
Le gouvernement du Canada comprend que les accords sur le commerce intérieur doivent être appliqués plus rigoureusement et il souscrit à cette idée. C'est pourquoi tous les partis ont approuvé, en octobre 2009, des changements visant à améliorer le processus de règlement des différends et à renforcer les outils d'application de l'ACI. Ces changements concernent les différends qui surviennent entre des gouvernements canadiens participant à l'ACI; ils ne concernent pas les différends qui touchent un citoyen, une entreprise ou une association.
Parmi les changements approuvés, l'un des plus importants est l'ajout de sanctions pécuniaires pouvant être imposées à un gouvernement qui contrevient continuellement à l'accord. En termes simples, cette sanction est semblable à une amende; on l'impose à un gouvernement qui n'a pas respecté son engagement alors qu'il était censé garder ses frontières intérieures ouvertes, de manière à créer une économie plus intégrée qui offre une multitude de choix aux Canadiens. Maintenant que ces amendes font partie intégrante du processus, elles incitent davantage les gouvernements à respecter l'accord et à faire leur part pour la viabilité de notre économie.
À combien s’élèvent ces sanctions? Le montant des sanctions pécuniaires varie en fonction de la population des juridictions afin de tenir compte des limites budgétaires des petits gouvernements. Le maximum va de 250 000 $ pour les provinces et les territoires les plus petits, comme l’Île du Prince-Édouard, à 5 millions de dollars pour le gouvernement du Canada et les grandes provinces, comme l’Ontario et le Québec.
En outre, ces sommes tiennent compte de la gravité de la conduite reprochée. Les nouvelles modifications apportées au processus de règlement des différends permettent à un organe appelé « groupe spécial de l’observation des décisions », qui s’occupe des plaintes à l’endroit de gouvernements pour le non-respect de l’Accord sur le commerce intérieur, de fixer un montant proportionnel aux répercussions négatives de la mesure en question. Elles prennent également en considération le fait qu’un gouvernement se soit ou non efforcé, en toute bonne foi, de respecter l’accord.
Les députés devraient également savoir qu’un gouvernement peut perdre son droit de porter plainte contre un autre gouvernement s’il ne fait pas d’effort pour remédier à sa propre conduite non-conforme. L’application de ces mesures encouragerait toutes les parties à remplir leurs obligations et, à la longue, contribuerait à créer un libre marché ouvert qui offrirait plus de choix aux entreprises et aux consommateurs. De plus, dans le nouveau processus, les appels seront permis et les critères d’admission des membres du groupe pourront être modifiés.
En résumé, ce sont là certaines des modifications, au chapitre de l’exécution des décisions en matière de commerce intérieur, sur lesquelles se sont entendus les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Pour appuyer l’accord, les 13 gouvernements ont pris ou prendront prochainement les mesures nécessaires pour appliquer ces modifications, y compris en présentant des projets de loi ou des projets de loi modificatifs.
C’est là qu’entre en jeu le projet de loi , qui constitue la proposition du gouvernement du Canada pour mettre en vigueur les nouvelles dispositions sur l’exécution des décisions prises dans le cadre de l’Accord sur le commerce intérieur. Comme le projet de loi C-14 est très court, il n’y a pas beaucoup de détails à expliquer, mais c’est la teneur de ses dispositions qui donne toute sa force au message.
Le projet de loi vise à remplir un engagement pris par le gouvernement fédéral lorsqu’il s’est concerté avec les gouvernements provinciaux et territoriaux en vue de mettre en place un mécanisme plus efficace d’observation des décisions relatives à des différends entre gouvernements dans le cadre de l’Accord sur le commerce intérieur. C’est la mesure législative dont a besoin le gouvernement du Canada pour s’assurer de pouvoir appliquer le nouveau processus de règlement des différends prévu dans l’accord.
En vertu des nouvelles dispositions, les gouvernements ont accepté de prévoir des sanctions pécuniaires. Le projet de loi vise à faire en sorte que toute sanction pécuniaire imposée au gouvernement du Canada soit aussi exécutoire qu’une ordonnance de la Cour fédérale du Canada.
Voici le point important. Aux termes du projet de loi, les tribunaux pourront exiger le paiement d’une sanction pécuniaire imposée au gouvernement du Canada si jamais le gouvernement négligeait de s’acquitter de la sanction. La somme serait puisée dans le Trésor.
Je ne dis pas que cela se produira, mais le gouvernement tient à assumer ses responsabilités à la suite de son engagement à renforcer notre union économique. Il convient donc de prévoir de bons mécanismes de reddition de comptes. Nous devons assumer la responsabilité de nos actes, qui seront évalués par un groupe spécial chargé d’étudier les marchés intérieurs du Canada.
Ce n’est pas tout ce que fait le projet de loi . Il permet aussi au gouverneur en conseil de nommer les membres des groupes spéciaux, en fonction des nouveaux critères de compétence, afin d’améliorer le processus de prise de décision. En outre, il donne suite à quelques modifications d’ordre administratif apportées à la Loi de mise en oeuvre de l’Accord sur le commerce intérieur et à la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, afin que la législation soit claire et à jour dans ce domaine.
Au bout du compte, le projet de loi est la preuve de l’engagement du gouvernement fédéral à améliorer l’Accord sur le commerce intérieur et à continuer de renforcer l’union économique. Comme les provinces et les territoires prennent des mesures semblables dans leur champ de compétence afin de mettre en œuvre les changements apportés au mode de règlement des différends, le projet de loi illustre également la collaboration du gouvernement fédéral avec les provinces et territoires et les efforts consentis pour faciliter l’application de l’accord.
Je crois dans la valeur de ces démarches. Grâce au travail des divers ordres de gouvernement qui s’assurent que les changements seront mis en œuvre partout au pays, les Canadiens auront un accord national plus solide, qui réglera globalement quelques-unes des préoccupations formulées par les groupes d’intéressés, donnera suite à certaines de leurs recommandations et assurera une plus grande reddition de comptes de la part des gouvernements.
Les travaux progressent. Le projet de loi prévoit uniquement la mise en oeuvre des changements qui touchent le gouvernement du Canada. Quant aux ministres provinciaux et territoriaux siégeant au Comité du commerce intérieur, ils s'appliquent à faire adopter, si ce n'est déjà fait, une mesure législative semblable avec l’accord du premier ministre de leur province. Il se peut aussi qu'ils prennent d’autres mesures pour bien définir les responsabilités de chacun, au Canada, en ce qui concerne le respect de l’Accord sur le commerce intérieur.
J’ai parlé de l’importance du commerce intérieur pour l’économie, du rôle de l’accord national sur le commerce intérieur, des améliorations apportées récemment à cet accord et des objectifs du projet de loi . Avant de conclure, je veux revenir sur quelques faits concernant l’importance du commerce intérieur pour l’économie.
Le commerce intérieur est primordial pour notre fédération à paliers multiples. Il constitue une priorité pour le gouvernement du Canada, qui demeure résolu à travailler avec les provinces et les territoires à renforcer l'union économique.
J'ai déjà dit que les gouvernements du Canada avaient assuré une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre, ajouté un chapitre sur l'agriculture à l'Accord sur le commerce intérieur et amélioré la couverture des règles régissant les marchés publics. Une chose que je n'ai pas mentionnée, c'est le succès que nous avons eu quand nous avons aboli les obstacles au camionnage interprovincial. Tous ces efforts correspondent aux ingrédients nécessaires pour bâtir une union économique forte qui tient compte de la nécessité de travailler avec les provinces et les territoires pour éliminer les obstacles qui empêchent les entreprises de croître, de soutenir la concurrence et de produire. Ce sont tous des éléments essentiels au soutien de notre situation économique en ces temps difficiles.
À première vue, le projet de loi , qui traite de l'administration des sanctions pécuniaires prévues au chapitre sur le règlement des différends de l'Accord sur le commerce intérieur, peut sembler court et plutôt technique. Dans l'ensemble, les changements apportés peuvent paraître relativement mineurs. D'un point de vue technique, il peut sembler en être ainsi, mais du point de vue des principes, ils ont une réelle importance.
En adoptant le projet de loi , nous nous joignons à nos collègues des autres ordres de gouvernement. Ensemble, nous montrons que le gouvernement du Canada, en collaboration avec ceux des provinces et des territoires, s'engage à assurer l'avancement national en éliminant les obstacles économiques à des marchés plus concurrentiels offrant davantage de choix aux Canadiens. De façon générale, nous profitons tous de la collaboration entre les gouvernements qui unissent leurs efforts dans l'intérêt supérieur du Canada et de l'union économique dont nous faisons partie et dont nous sommes tous fiers.
L'administration efficace et l'évolution de l'Accord sur le commerce intérieur continueront de dépendre de la coopération. Le gouvernement du Canada doit faire sa part et adopter le projet de loi . À cette fin, j'exhorte maintenant tous les députés à adopter cet important projet de loi d'ordre économique.
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Monsieur le Président, je suis très heureux de me lever à la Chambre pour parler du projet de loi , et qui parle d'amendements.
Je suis heureux, parce que peu importe ce que les gens de l'autre côté de la Chambre peuvent dire, le NPD appuie l'élimination de barrières internes au commerce, l'expansion du commerce intérieur et des occasions et la mobilité de la main-d'oeuvre. Plus spécifiquement, on appuie les parties de ce projet de loi qui vont faciliter le passage des Canadiens de province en province pour y travailler. Nous trouvons donc intéressants certains éléments de ce projet de loi.
L'Accord sur le commerce intérieur, comme mon collègue le sait, est une entente entre les provinces avec le gouvernement fédéral qui a été signée en 1994 et qui est entrée en vigueur en 1995. Depuis, elle a été modifiée à plusieurs reprises. On discute présentement du contenu du 10e amendement. Un 11e amendement a été proposé et négocié depuis ce temps. Il faut reconnaître, et c'est le point que j'essayais de soulever dans la question que j'adressais à mon collègue, l'importance de l'équilibre dans une entente de libre-échange comme celle-ci, car c'en est une.
C'est une entente de libre-échange qui s'apparente davantage à celle qui a été négociée par le biais de l'ALENA qu'à celles qu'on a vues à l'Organisation mondiale du commerce. Il est aussi évident qu'une entente comme l'Accord sur le commerce intérieur entraîne une perte de souveraineté pour les provinces. C'est le fondement de l'accord. Les provinces l'ont signé et l'acceptent. Mais la question fondamentale porte sur l'équilibre de cette perte de souveraineté. Je vais parler un peu plus loin.
Il faut également s'attendre à ce qu'il puisse harmoniser les normes entre les provinces, ce qui, dans plusieurs cas, peut être une bonne chose. Cependant, un manque d'équilibre sur ce plan peut entraîner des problèmes relativement sérieux pour certains secteurs. En effet, cela peut créer des obstacles à la capacité d'une province de légiférer en matière d'environnement et de sécurité au travail ou en d'autres matières qui ne seraient peut-être pas un obstacle au commerce en tant que tel, mais qui pourraient répondre à des préoccupations particulières de la province en question.
Il y a eu des cas au sein de l'Accord sur le commerce intérieur. Il y avait notamment un exemple qui opposait l'Ontario à l'Alberta et la Colombie-Britannique concernant les substituts et les mélanges de produits laitiers. En fait, l'Ontario interdit la vente et la fabrication de produits qui imitent ou ressemblent à des produits faits avec du lait ou des ingrédients laitiers. Le groupe spécial de 2004 constitué pour parler de cette question a conclu que la Loi sur les produits oléagineux comestibles de l'Ontario contenant ces mesures ne respectait pas l'Accord sur le commerce intérieur. Le groupe spécial de 2004 a donc conclu que ces mesures constituaient de la discrimination, que les produits laitiers de l'Ontario constituaient un produit similaire et que l'Ontario leur accordait un meilleur traitement.
Le groupe spécial a également jugé que ces réglementations portaient atteinte au droit d'entrée et de sortie, la Loi sur les produits oléagineux comestibles restreignant ou empêchant la circulation entre les provinces de produits ou de services connexes, et qu'elles créaient ainsi un obstacle au commerce. Après la publication du rapport du groupe spécial constitué en vertu des dispositions de l'Accord sur le commerce intérieur, l'Ontario avait jusqu'au 1er février 2011 pour se conformer.
Mais la question est plutôt de savoir si l'Ontario a été brimé dans sa capacité, non pas de protéger son secteur laitier, mais d'établir une distinction entre la consommation de produits laitiers et de produits oléagineux, qui sont différents mais qui tentent d'imiter les produits laitiers ou le lait lui-même.
L'Ontario prétend toujours que la protection de son secteur laitier, non pas du point de vue commercial mais bien du point de vue du consommateur, est un objectif légitime. Cela soulève également une autre question sur la gestion de l'offre. On sait que la gestion de l'offre, au Canada, touche les Maritimes, mais surtout trois provinces: l'Ontario, la Colombie-Britannique, et bien sûr, le Québec. Le Québec et l'Ontario à eux seuls assument 50 p. 100 de la production laitière du Canada.
Il y a donc une volonté très forte de la part de ces deux provinces de protéger intégralement le système de gestion de l'offre. Que dit l'Accord sur le commerce intérieur?
Le chapitre relatif à l'agriculture permet notamment aux parties d'adopter ou de maintenir des mesures relatives aux systèmes de gestion de l’offre réglementés par les gouvernements fédéral et provinciaux et aux offices de commercialisation régis par les gouvernements provinciaux, qui ne sont pas des mesures techniques.
Selon l'accord, une mesure technique est un règlement technique, norme, mesure sanitaire ou phytosanitaire ou procédure d’évaluation de la conformité. Selon cette définition, la gestion de l'offre est-elle protégée? On n'en est pas entièrement sûrs.
La mesure technique est un règlement technique et lui-même est un document ou un instrument de nature juridique définissant les caractéristiques des produits, de leurs procédés ou de leurs méthodes de production connexes, y compris les dispositions administratives applicables, et dont le respect est obligatoire de par la loi. Il peut aussi traiter exclusivement de la terminologie, des symboles, de l’emballage, du marquage ou des exigences en matière d’étiquetage applicables à un produit, à un procédé ou à une méthode de production.
Que vaut alors la gestion de l'offre? Peut-on protéger le marché du lait? Peut-être, mais on ne peut pas réglementer ni son procédé de fabrication ni son étiquetage, son mode de production ou ses caractéristiques pour éviter justement le contournement du système par l'emploi de succédanés.
Si je soulève la question de la gestion de l'offre, c'est qu'un accord comme l'Accord sur le commerce intérieur a bien sûr des ramifications vers les accords de libre-échange que nous négocions à l'étranger. Toutes les règles que nous voulons appliquer à notre commerce intérieur sont vraiment suivies de très près par nos partenaires commerciaux internationaux. Ils peuvent effectivement y voir la possibilité de brèches et demander des éléments qui, jusque-là, étaient protégés ou à l'extérieur de la table de négociation avec le gouvernement du Canada.
Comme pour tout accord de libre-échange, il est primordial d'avoir un cadre clair quant aux responsabilités des parties. Il est encore plus important d'avoir la flexibilité de pouvoir protéger les secteurs d'activités qui sont centraux pour leur économie, comme la gestion de l'offre. Parlant de cette question, que peut-on dire également des programmes de promotion de la consommation locale? Ce n'est pas une question de santé publique ni une question de protection du consommateur. Selon l'Accord sur le commerce intérieur, cela pourrait donc ne pas être un objectif légitime.
Ces politiques seront-elles contestées en vertu de l'Accord sur le commerce intérieur parce qu'elles offrent une visibilité supplémentaire aux produits locaux? Nous sommes en faveur de l'introduction d'exceptions pour que les groupes créés en vertu de l'Accord sur le commerce intérieur pour juger des causes puissent considérer certaines de ces exceptions. Encore une fois, ces exceptions ne sont pas là pour entraver le commerce ni pour causer des problèmes, en termes de commerce interprovincial. Nous sommes davantage favorables à une réelle réponse aux besoins spécifiques de plusieurs provinces.
Plusieurs des inquiétudes du gouvernement et de ces groupes méritent qu'on s'y attarde et, par conséquent, le NPD souhaite la convocation de témoins experts en comité afin d'obtenir des éclaircissements sur les conséquences potentielles d'un tel projet de loi.
Comme je le soulignais, il faut comprendre que l'Accord sur le commerce intérieur est comparable à l'ALENA en termes de structure. Un des éléments de l'ALENA qui nous inquiète — il nous inquiète toujours puisque l'ALENA est toujours en vigueur —, ce sont les chapitres 11 et 19, en particulier les dispositions « investisseurs-État ». Ces dispositions permettent aux investisseurs de poursuivre directement les États étrangers. Un investisseur américain peut donc poursuivre le gouvernement canadien ou le gouvernement mexicain pour toute mesure qu'il juge comme étant une entrave à sa capacité de pouvoir faire du commerce dans un pays, ou sa capacité de pouvoir faire un profit dans ce pays. Évidemment, quelques exceptions existent dans l'ALENA et elles semblent relativement faibles.
Cela donne lieu à des mesures qui ont été le sujet de la question que j'ai posée au . On parle de compagnies qui intentent des poursuites contre certains États pour des raisons qui ne sont pas nécessairement commerciales, mais qui visent à empêcher une législation tout à fait valable et pertinente de la part d'un État, dans ce cas particulier, du point de vue environnemental.
Je vais donner deux exemples. Dow AgroSciences a poursuivi le Canada pour 2 millions de dollars pour une mesure que le Québec avait prise pour interdire les pesticides qu'elle produisait. On s'entend pour dire que les pesticides sont une question environnementale fondamentale qui a été soulevée depuis au moins une quarantaine d'années. Plusieurs produits commercialisés par diverses entreprises ont été reconnus comme étant dommageables non seulement pour l'environnement, mais également pour la santé des gens qui vivent près des endroits où ces pesticides sont utilisés.
Dow AgroSciences a tenté, et tente toujours, de poursuivre le Canada pour 2 millions de dollars pour une telle mesure. Ce n'est pas la seule poursuite dans ce sens. La compagnie Crompton a également poursuivi le Canada pour 83 millions de dollars en raison de l'interdiction, par certaines municipalités, de l'utilisation du pesticide lindane. Ces deux cas reflètent bien la faiblesse ou le manque d'équilibre des dispositions investisseurs-État quant à la capacité de l'État de protéger la santé publique.
L'Accord sur le commerce intérieur comporte des dispositions qui permettent à une personne ou à une entreprise de poursuivre une autre province pour des décisions, des règlements ou des lois qu'elle juge contraires à ses intérêts et à sa capacité de tenir commerce dans cette province. Ces éléments sont dans l'accord en vigueur négocié entre les provinces et le gouvernement fédéral. Nous allons continuer à parler de ces éléments et de toute disposition des accords internationaux ou intérieurs qui ne protégeraient pas les droits environnementaux, les droits des travailleurs et travailleuses au regard de la santé et de la sécurité au travail. Nous voulons que les provinces aient toujours la possibilité de réglementer leur environnement et de protéger la santé de leurs concitoyens et concitoyennes.
Nous sommes en faveur de l'Accord sur le commerce intérieur jusqu'à un certain point, en autant qu'il respecte tous les points que je viens de soulever. Nous voulons que les projets de loi ayant trait à l'Accord sur le commerce intérieur ou aux accords internationaux évitent d'encourager des politiques forçant la déréglementation ou la privatisation sur des provinces et des territoires. Nous voulons que les projets de loi évitent de presser le gouvernement fédéral ou provincial à agir par procuration en faveur de certains intérêts d'une industrie ou d'un investisseur majeur.
On veut aussi empêcher que les projets de loi réduisent sérieusement la capacité d'un gouvernement à acheter des produits de fournisseurs locaux. C'est un élément très important, particulièrement lorsqu'on parle de stratégie de relance économique. On veut éviter de restreindre ou d'empêcher les provinces et les territoires de venir en aide à leurs compagnies et à leurs industries provinciales dans le cadre d'une stratégie d'emploi ou de relance économique.
Dans un accord de libre-échange, il faut qu'il y ait toujours un équilibre entre les divers intérêts. Le projet de loi comporte des dispositions qui sont encourageantes à certains égards. J'ai mentionné les poursuites qui ont été intentées contre le Canada en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain. Au moins, ce projet de loi limite les conséquences potentielles de ces poursuites. On parle de conséquences économiques d'environ 5 millions de dollars pour une province assez grande comme l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Au prorata, l'amende maximale serait moindre selon la taille et la population de la province, afin d'éviter que les provinces subissent des poursuites souvent frivoles ou visant à instaurer ce que j'ai appelé le « chill effect », comme la poursuite de 83 millions de dollars dont je viens de parler. Il y a des poursuites qui s'élèvent même à quelques milliards de dollars. Je suis tout de même encouragé qu'une limite comme celle-ci ait été imposée.
Une autre de nos préoccupations au sujet de ce projet de loi a trait à la composition des groupes spéciaux, soit ceux qui sont présentés par les parties pour entendre une cause en particulier.
Des cinq membres des parties pouvant être présentés par les deux parties impliquées, on n'exige qu'un seul soit un expert du droit commercial canadien. Les quatre autres personnes peuvent avoir d'autres expertises qui ne sont pas nécessairement reliées au cas devant être discuté dans la convocation de ce groupe spécial. Nous trouvons que c'est un problème, et nous aimerions le corriger.
L'autre problème est que l'on mentionne qu'une seule de ces cinq personnes doit être bilingue et pouvoir agir en français et en anglais. Pourquoi n'y a-t-il qu'une seule personne? Il faut comprendre que s'il y a une personne bilingue dans un groupe et que les quatre autres personnes ne parlent pas le français, les discussions vont se dérouler en anglais. Si on parlait de différents droits commerciaux, on aurait pu exiger, par exemple, qu'une bonne portion soit bilingue pour pouvoir discuter en français et en anglais. Cependant, je ne vois pas la justification d'avoir une seule personne bilingue de part et d'autre dans les parties, tout comme on ne voit pas la justification qu'il y ait une seule personne qui soit experte en droit commercial canadien.
Il est donc clair que le NPD va appuyer le projet de loi en deuxième lecture pour pouvoir en discuter davantage en comité et corriger certaines faiblesses, comme un certain manque d'équilibre. En effet, on constate un manque de définition ou certaines limitations pouvant s'appliquer à des personnes, à des entreprises ou à des provinces pour empêcher l'utilisation éventuelle des dispositions investisseur-État. Or celles-ci peuvent parfois créer des chill effect et faire en sorte qu'une province craigne d'entreprendre, d'accepter ou de légiférer, même pour le bien de ses citoyens, sur des questions environnementales ou sur des mesures de relance économique qui leur sont propres. Je pense notamment aux municipalités.
C'est pour cela que nous désirons discuter de ce projet de loi davantage. Nous aurons la chance de le faire en comité. J'apprécie beaucoup l'occasion qui nous a été offerte de présenter notre opinion sur ce projet de loi.
Je suis disposé à répondre aux questions de la Chambre.