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En 2000, la Maison des métiers d'arts de Québec, la MMAQ, a créé la galerie Materia, installée au rez-de-chaussée de son édifice de huit étages, au coeur du quartier Saint-Roch, à Québec. À l'époque, au Québec, il n'existait aucun lieu de diffusion quant aux métiers d'art. En annexant une galerie publique à ses locaux, la MMAQ s'ouvrait sur le monde en attirant les regards des passants, mais aussi en permettant à des maîtres venus de partout d'y exposer leurs oeuvres et de les faire connaître.
En 2003, la galerie Materia devient le Centre Materia, un centre d'artistes autogéré et supervisé par un conseil d'administration indépendant de celui de la MMAQ. La pérennité de Materia est due, encore aujourd'hui, à l'important soutien financier de la MMAQ.
Materia a pour mission de diffuser et de promouvoir la recherche et la création dans le domaine des métiers d'art, à l'échelle nationale et internationale. Seul centre d'artistes autogéré en métiers d'art d'expression au Canada, Materia s'emploie à mettre en valeur le travail des plus grands créateurs ainsi que des artistes de la relève en les présentant dans un contexte professionnel. Materia s'impose comme un lieu unique de diffusion et d'interprétation des métiers d'art actuels. Au fil des années, l'excellence des événements présentés à Materia contribue à changer les mentalités et à ouvrir les perceptions sur les métiers d'art.
Depuis sa création, le centre a exposé les oeuvres de près de 600 artisans sélectionnés par des jurys formés par des pairs. À raison de cinq ou six expositions par année et de plusieurs activités satellites, comme des conférences, des colloques, des vidéos et des publications, Materia a coordonné, jusqu'à ce jour, plus de 100 expositions et accueilli près de 70 000 visiteurs. Au total, cela représente des retombées directes de l'ordre de 680 000 $ pour les artistes, que ce soit en droits d'auteur, en droits d'exposition, en honoraires ou en ventes d'oeuvres. L'impact sur le milieu n'est pas seulement monétaire, il est direct et quotidien sur tous les types d'utilisateurs.
Le principal enjeu, pour Materia, a trait au financement lié au fonctionnement. Il y a des centres d'artistes qui sont reconnus et soutenus pour leur mission, mais l y en a d'autres, comme Materia, qui sont reconnus, mais pas soutenus. Depuis bientôt 18 ans, le centre espère que sa mission soit enfin reconnue par le Conseil des arts du Canada.
Nous recevons occasionnellement de l'aide aux projets de la part du Conseil des arts du Canada. Ce financement est certes essentiel, mais il vise le court terme. Des stratégies fortes ayant un impact durable sur un milieu ne se construisent pas dans l'immédiateté.
Selon Mme Mana Rouholamini, du Conseil des arts du Canada, l'an dernier, les sommes allouées aux projets ont augmenté de 224 %, tandis que les sommes allouées au fonctionnement ont augmenté de seulement 55 %.
Je suis directrice d'un centre d'artistes qui emploie quatre personnes, dont trois sur une base permanente. En tant que directrice générale, j'ai un baccalauréat et mon salaire est de 29 700 $. La coordonnatrice des projets, qui est titulaire d'une maîtrise en muséologie, touche 22 300 $ annuellement. La responsable des publics et du montage, qui a obtenu un DEC technique, reçoit 15 600 $.
La rétention du personnel est excessivement difficile. En moyenne, les directeurs généraux restent en poste 3,4 années, les coordonnatrices, 1,4 année, et les responsables des publics, 0,6 année.
Ces mouvements de personnel ralentissent considérablement le développement du centre et font en sorte qu'il est difficile de tisser des liens stables. À cause de ces mouvements, le démarchage est quasi inexistant et la fonctionnalité organisationnelle, précaire, sans compter les frais et le temps consacrés à embaucher et à former le personnel.
Les solutions apportées afin d'équilibrer les budgets sont celles qui ont le moins d'impact sur la qualité des expositions. Dans ces conditions, il est pratiquement utopique d'espérer déployer le plein potentiel d'une organisation.
Le financement anémique et la non-indexation des subventions au fonctionnement ont des conséquences directes sur la pérennité du centre.
Au Québec, en mai 2018, le taux d'augmentation du salaire minimum sera de 6,6 %. Les centres d'artistes ne peuvent pas augmenter leurs prix pour compenser les pertes. Les contrecoups se feront sentir sur les travailleurs des milieux culturels, que ce soit par la réduction des heures de travail ou par les suppression de postes.
Finalement, en ce qui nous concerne, l'augmentation des sommes versées pour le fonctionnement ainsi que l'augmentation du nombre de centres ayant droit à ces subventions sont d'une importance capitale. Une aide financière à la mission confirmée sur plusieurs années — par exemple trois ans — permettrait aux centres d'artistes de planifier leur offre culturelle plus adéquatement et en tenant compte du long terme. Par-dessus tout, cela améliorerait grandement la qualité de vie des artistes et des travailleurs culturels passionnés qui y vivent.
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Bonjour; je vous remercie beaucoup de m’avoir invité à témoigner devant votre comité.
Je m’appelle Mark Sandiford et je suis le directeur général de Creative P.E.I, qui est le conseil sectoriel des industries culturelles et créatives de l’Île-du-Prince-Édouard.
Comme dans toute province et tout territoire, les industries culturelles sont extrêmement importantes à l’Île-du-Prince-Édouard, tant sur le plan social que sur le plan économique. Toutefois, ce qui est particulier à l’Île-du-Prince-Édouard, c’est le degré de collaboration qui existe entre les disciplines et les secteurs, ce qui résulte du fait que nous sommes une petite société très unie. De ce fait, nous avons beaucoup de centres culturels, à la fois formels et informels, dont j’aimerais vous donner quelques exemples.
Commençons par une définition. Pour moi, les centres culturels sont des endroits où les gens se réunissent pour participer à des expériences culturelles. Dans le passé, à l’Île-du-Prince-Édouard, les gens se réunissaient pour cela dans les églises ou dans leurs cuisines, dans les bibliothèques publiques et dans les salles de bal, mais nous avons maintenant des centres culturels comme ceux dont nous parlons aujourd’hui.
À l’Île-du-Prince-Édouard, un centre culturel commence généralement avec un organisme qui joue un rôle d’ancrage, comme le Centre de la Confédération à Charlottetown, le Victoria Playhouse à Victoria-by-the Sea, Artisans on Main à Montague, et Green Gables House à Cavendish. Ces établissements sont des aimants qui attirent d’autres activités et organismes culturels, lesquels finissent par composer ensemble un véritable district culturel.
L’expérience nous a appris que les ancrages qui réussissent sont souvent des établissements à vocation unique. L’aspect pluridisciplinaire du centre émerge de lui-même avec le temps, au fur et à mesure que d’autres se raccrochent à lui. Je crois que c’est là un facteur important. Les centres culturels sont plus solides si on les encourage à avoir une croissance organique, au lieu de vouloir trop planifier et trop construire. Ce qui compte avant tout pour lancer un centre culturel, c’est de créer un organisme à vocation limitée, très focalisé, dynamique, et durable. Ensuite, pour stimuler sa croissance, il faut encourager d’autres acteurs à aménager d’autres établissements à distance de marche du point d’ancrage.
L’une des chances de l’Île-du-Prince-Édouard est que les prix de l’immobilier y sont moins élevés que dans le reste du pays. Le succès que nous avons eu dans l’épanouissement de notre secteur culturel est dû en partie au caractère abordable des loyers domiciliaires et commerciaux. Toutefois, nous commençons à voir apparaître chez nous le phénomène de l’embourgeoisement des quartiers. L’île bénéficie d’une bonne croissance démographique, mais cela crée une pression à la hausse sur les prix de l’immobilier, et c’est un problème auquel il va bientôt falloir s’attaquer.
Je me disais récemment que les bibliothèques publiques pourraient être des modèles de centres culturels. Le Canada possède un vaste réseau de bibliothèques qui ont toutes une vocation culturelle. Comme la location de livres sur support papier diminue continuellement, il est peut-être temps d’envisager de transformer les bibliothèques publiques en centres culturels.
Les organismes sont plus forts lorsqu’ils font partie de réseaux. À l’Île-du-Prince-Édouard, les théâtres professionnels ont récemment constitué un réseau pour s’entraider. Ce réseau permet aux petits théâtres ruraux, comme le Watermark à North Rustico, de collaborer avec les plus grands, comme le Centre de la Confédération et The Guild, à Charlottetown, dans des domaines tels que la formation et le recrutement du personnel, et le marketing.
Films P.E.I. a récemment ouvert un centre axé sur les médias qui essaie activement d’offrir ses installations et ses programmes, non seulement à ses membres, mais aussi à d’autres groupes, tels que le P.E.I. Crafts Council et la Confédération micmaque. C’est en établissant ces relations horizontales entre les centres qu’on peut maximiser l’impact des investissements en infrastructures.
Cela m’amène aux questions de programmation. C’est bien beau d’avoir des bâtiments, mais je crois qu’on y attache trop d’importance, au détriment de la programmation. Patrimoine canadien devrait étendre la portée de son excellent Fonds du Canada pour les espaces culturels, afin de donner aux centres un financement organisationnel stable qui leur permettrait d’avoir du personnel adéquat et d’offrir de bons programmes.
J’aimerais conclure en parlant de l’impact économique. À l’Île-du-Prince-Édouard, ce facteur est très saisonnier. Notre marché est minuscule. Nous n’avons que 150 000 habitants, mais nous accueillons chaque été plus d’un million et demi de visiteurs.
Cela se traduit par deux saisons culturelles très différentes. De juin à septembre, les théâtres sont pleins à craquer, on organise beaucoup de festivals et les artisans font de bonnes affaires. À partir du 1er novembre, pratiquement tout est fermé dans les régions rurales et il n’y a plus d’activité culturelle qu’à Charlottetown.
Cela étant, il est remarquable que le secteur culturel de la province arrive juste en dessous de la moyenne nationale pour ce qui est de l’emploi et du PIB, car il obtient ces bons résultats quasiment en quatre mois.
La saisonnalité pose un gros problème aux travailleurs. Je crois qu’une partie de la solution pourrait être de les réaffecter, pendant la morte-saison, à l’organisation d’expériences culturelles pour nos propres résidents. Les centres culturels seraient un outil idéal pour le faire.
À Charlottetown, nous voyons déjà des signes de cette réorientation. Le Centre de la Confédération et The Guild réorientent leur programmation pour le public local. On voit apparaître des cours de danse ainsi que des festivals d’hiver pour faire sortir les gens. On constate aussi de nouvelles initiatives fascinantes qui pourraient accélérer ce processus: un nouveau Centre de la découverte axé sur les disciplines STGM et un espace des inventeurs sont en cours de planification à l’intérieur du district culturel.
Ce qu’il faut maintenant, c’est voir comment les organisations culturelles et les différents paliers de gouvernement pourraient agir en partenariat pour stimuler la croissance de ce genre d’initiatives.
Merci beaucoup.
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Bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à nous adresser au Comité sur la question des centres et districts culturels au Canada.
Nous apprécions beaucoup le soin qu’a pris le Comité pour mener à bien cette étude très opportune sur deux sujets connexes et importants pour toutes les collectivités canadiennes. Vous constaterez en nous écoutant que nous employons indistinctement les expressions « centres créatifs » et « centres culturels ».
En guise de préface à mon témoignage, je vais vous dire ce qu’est et ce que fait La Piscine, et je dirai aussi quelques mots sur son projet d’ancrage à l’immeuble Rodier, premier site de Montréal consacré à l’entrepreneuriat culturel et créatif.
La Piscine est un organisme à but non lucratif créé en 2015 dont la vocation est de catalyser et de cultiver le tout premier écosystème consacré au développement de l’entrepreneuriat culturel et créatif à Montréal, au Québec et au Canada. Son expertise et, par conséquent, ses principales activités portent d’abord sur la conception et la prestation de programmes sur mesure de développement accéléré afin d’accompagner l’épanouissement d’entrepreneurs et d’entreprises créatifs et culturels à fort potentiel de croissance, ainsi que sur la conception et l’animation du tout premier site de Montréal consacré à l’entrepreneuriat culturel et créatif, site qui deviendra un véritable centre culturel.
La Piscine se concentre sur l’innovation et la création de valeur en permettant à des entrepreneurs des industries culturelles et créatives de réaliser leur plein potentiel de croissance économique et d’optimiser leur impact social sur leurs communautés, quelle que soit leur taille. En juillet 2017, La Piscine et son partenaire immobilier, Gestion Georges Coulombe, ont procédé à l’acquisition de l’immeuble Rodier situé au coeur du Quartier de l'Innovation, en plein centre-ville de Montréal.
L’acquisition de l’immeuble à la Ville de Montréal s’est faite dans le cadre d’un appel de propositions devant répondre à des objectifs économiques, sociaux et culturels. Cet immeuble emblématique, construit en 1875, est un élément remarquable du patrimoine historique et culturel de la ville. Il est actuellement en cours de rénovation et entamera bientôt sa nouvelle vie comme centre culturel entièrement consacré à l’entrepreneuriat culturel et créatif.
Permettez-moi de vous montrer quelques photographies de cet immeuble, que vous reconnaîtrez peut-être.
Vous voyez sur la gauche une photo de l’immeuble Rodier autour de 1901 et une deuxième photo plus moderne, dirai-je, datant des années 1980. Il y a ensuite une photo de l’immeuble prise de côté, qui montre pourquoi on l’appelle l’immeuble Flatiron de Montréal. Vous voyez aussi une photo prise juste avant l’acquisition de l’an dernier. Ce que vous voyez maintenant, ce sont des représentations architecturales de l’extérieur de l’immeuble tel qu’il sera à la fin de cette année, avec d’un côté la face nord, tournée vers le centre-ville de Montréal et, de l’autre côté, la face sud, tournée vers le Vieux-Port.
En créant un lien solide entre le patrimoine de Montréal et l’innovation culturelle, c’est-à-dire en fait un lien historique dans le cas de cet immeuble, le Rodier sera un point de convergence des entrepreneurs, des investisseurs et de toute la communauté qui oeuvre à l’épanouissement et à la croissance de la culture et de la créativité à Montréal, au Québec et au Canada.
La Piscine est le partenaire de projet qui pilote la création du centre créatif, dont l’inauguration est prévue pour la fin de cette année et qui reposera sur les cinq éléments suivants. Premièrement, ce sera un espace destiné à accompagner le développement et la croissance de l’entrepreneuriat culturel et créatif avec des programmes spécialement conçus pour stimuler l’incubation et l’accélération de talents, d’entreprises et d’organismes culturels et créatifs. Deuxièmement, il fournira un accès libre à la collaboration et à l’expérimentation, que ce soit pour tester de nouveaux modèles d’entreprises, de nouveaux produits ou de nouvelles méthodes de mobilisation du public.
Troisièmement, ce sera un lieu pour les organismes et entreprises dont la mission est d’accompagner l’épanouissement du secteur culturel et des industries créatives. Quatrièmement, ce sera un espace public encourageant l’expérimentation dans les arts culinaires et stimulant la communauté culinaire innovatrice de Montréal et l’esprit d’entrepreneuriat qui l’anime. Cinquièmement, il participera de manière proactive au développement et au renouveau de Griffintown, où se trouve l’immeuble Rodier, et qui est également au coeur du Quartier de l'Innovation. Ce sera donc un véritable laboratoire vivant, conçu pour des expérimentations avec les résidents locaux, dans le but d’avoir un impact social.
Je voudrais maintenant vous donner un aperçu de ce que devraient être, selon nous, un centre et un district culturels.
Un centre culturel est un espace physique offrant des possibilités accessibles à un large éventail d’acteurs du monde des arts, de la culture et du patrimoine ainsi qu’à des entreprises et des individus des industries créatives pour qu’ils puissent innover ensemble et collaborer.
La collectivité qui donne vie à un centre culturel doit être représentative d’un écosystème englobant artistes et créateurs de tous les domaines: arts, culture, patrimoine, organismes et entrepreneurs créatifs; organismes de service; et professionnels experts dans le domaine des industries culturelles et créatives et dans l’accompagnement des entreprises connexes, par exemple par l’investissement de capital, le développement des marchés, etc. Ce sont des acteurs qui se rassemblent dans le but explicite d’oeuvrer et de collaborer en tirant parti des synergies issues de la diversité des expertises, des capacités, des relations et des opportunités présentes dans le centre.
Un centre culturel réunit et nourrit cette collectivité en accompagnant le développement de l’entrepreneuriat et des compétences commerciales, en encourageant les participants à partager leurs connaissances et leurs meilleures pratiques, et en exposant leur travail dans le but fondamental de créer de la valeur et d’offrir aux participants l’occasion d’assurer leur croissance économique et leur impact social.
Un centre culturel stimule la participation des citoyens, des entreprises, des organismes communautaires et des institutions là où il est établi, et il joue un rôle de leader pour l’épanouissement du milieu environnant. La communauté locale peut être un excellent terrain d’essai pour le développement régional, national et international ainsi que pour calibrer l’activité et mesurer son impact.
Un centre culturel n’est pas un moyen pour atteindre une fin. En fait, nous croyons que le but n’est pas d’enfermer les artistes et les acteurs de l’industrie culturelle dans un immeuble ou un secteur géographique donné en espérant qu’ils en ressortiront avec un produit différent et meilleur, mais de les aider à créer de la valeur et de la croissance qu’ils pourront expérimenter à l’échelle locale puis développer à l’échelle internationale. Il ne faut jamais oublier qu’un centre culturel est en réalité une voie de passage, un peu comme un aéroport où les gens passent pour aller ailleurs et où ils reviennent pour se rendre vers une autre destination.
Quand je parle de centre culturel, j’aime l’associer à l’idée de communauté.
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Merci. Je vais conclure.
À nos yeux, le rôle fondamental d’un centre culturel n’est pas seulement de valider et de reconnaître des artistes et des créateurs en valorisant leur art, leur discipline créative, ou leurs pratiques, organisations ou entreprises, aux yeux de leur communauté et de la société dans son ensemble. Un centre culturel doit avant tout être un pôle communautaire, en fait. Un centre culturel doit avoir l’âme d’un pôle communautaire et être un lieu dont la communauté est à la fois la valeur et la philosophie. Il doit susciter un fort sentiment d’appartenance. Il doit aussi entretenir et cultiver une notion de communauté qui transcende l’espace physique et recouvre tout son territoire géographique, sans limitations.
Nous oeuvrons dans le domaine de l’innovation et de l’entrepreneuriat culturel, et j’aimerais faire quelques remarques à ce sujet. C’est ce qui sous-tend notre vision de l’immeuble Rodier. Tout commence avec l’idée que l’artiste est un entrepreneur. De par la définition de leur processus de recherche créative, les artistes sont foncièrement des innovateurs proactifs. Ils pratiquent l’innovation.
Nous avons la conviction que cette sensibilité inhérente peut générer plus de valeur économique et sociale.
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Brièvement, nous pensons qu’on peut résumer un district culturel en deux phrases. C’est un espace de vie où les gens se rencontrent, une sorte de terrain de jeux pour ceux qui utilisent et partagent l’espace privé et public. C’est aussi un espace expérimental, où l’on peut stimuler le développement social, économique et civique.
Nous souhaitons formuler trois recommandations portant sur la manière dont le gouvernement fédéral peut stimuler et accompagner la création de centres et de districts culturels et les aider à atteindre leur plein potentiel.
La première concerne la stimulation de l’innovation culturelle. Jusqu’à présent, on a surtout prêté attention à l’innovation de produits, et nous pensons que l’innovation culturelle, notamment dans le contexte du développement ou de l’innovation organisationnels et de la véritable transformation dont ont besoin les modèles organisationnels, exige qu’on accorde plus d’attention et de soutien à la réalisation du potentiel de croissance des secteurs culturels et créatifs.
Deuxièmement, nous croyons que le gouvernement fédéral doit collaborer encore plus étroitement avec les autorités municipales, provinciales et territoriales en vue d’harmoniser les priorités locales, les opportunités, les défis et les programmes. Selon nous, beaucoup des politiques dans ce domaine sont issues des portefeuilles de développement économique et d’innovation. Nous savons que l’attention portée à l’économie créative au Canada est surtout axée sur le secteur de la technologie, mais il ne faut pas oublier que le secteur de la culture et du patrimoine opère sur un plan relativement différent et a beaucoup à offrir à une stratégie d’économie créative plus forte et plus intégrée, et que le gouvernement fédéral pourrait certainement en être le champion.
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Plusieurs programmes sociaux essaient de quantifier ce qu’ils font en termes économiques, et ils étudient différents modèles pour ce faire. Pour le moment, nous n’avons pas de méthode permettant de mesurer exactement l’impact économique, mais il y a beaucoup de modèles. La plupart ont été conçus par des chambres de commerce et d’autres organismes de cette nature. Nous savons cependant qu’il existe des chiffres assez précis pour l’industrie du tourisme ou pour le développement économique local.
Nous pensons donc qu’il devrait être possible d’élaborer des indicateurs de rendement pour mesurer l’impact économique du développement culturel, du point de vue du potentiel de croissance et du point de vue de la contribution réelle au PIB local et au-delà. On parle de plus en plus de l’impact international des entreprises créatives en disant qu’il est très ancré localement.
Nous croyons aussi, et je laisserai la parole à mon collègue à ce sujet parce qu’il travaille beaucoup dans le domaine de l’impact social, qu’il n’existe pas d’indicateurs qui permettraient de mesurer l’impact social de beaucoup des choses dont nous parlons. On discute depuis 25 ans dans le secteur culturel de la question de savoir si on devrait ou non essayer d’en concevoir. Évidemment, la culture, l’action culturelle, l’engagement culturel ont un impact sur les collectivités, mais c’est assez peu concret et ça se mesure difficilement.
Comment pourrait-on mesurer cela efficacement de manière à rendre compte de la réalité concrète, car l’art et la créativité transcendent évidemment, si je peux dire, toute forme d’expression numérique.
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Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins qui ont fait des exposés très intéressants.
Il y a une déclaration qui m’a vraiment interpellé, venant du représentant de l’Île-du-Prince-Édouard. Je suis heureux de savoir que la saison va être un peu plus longue que d’habitude. Je suis allé à l’Île-du-Prince-Édouard.
Vous avez parlé des trois mois pendant lesquels les organismes culturels sont très actifs, et je peux dire que, si vous allez là-bas au début du mois de juin ou à la fin du mois de septembre, vous trouverez beaucoup de portes fermées, et je me demande bien qui d’autre il peut y avoir à l’Île-du-Prince-Édouard en dehors de ces trois mois.
Vous avez parlé de « bibliothèques publiques », et c’est un secteur dans lequel j’ai travaillé. Si l’on veut transformer les bibliothèques en centres culturels, on aura un gain énorme de synergie grâce à tout ce qui peut s’agglutiner autour.
Par exemple, nous avons reconstruit un centre récréatif communautaire pour 20 millions de dollars et, sans que la bibliothèque le sache, nous avons ajouté 5 millions de dollars au budget pour construire une nouvelle bibliothèque. Leur jour d’achalandage le plus faible est aujourd’hui le triple de ce qu’il était dans l’ancienne bibliothèque. Il y a beaucoup d’exemples de synergie de ce genre lorsqu’on inclut une bibliothèque dans un centre. Ce sont des programmateurs naturels. Ce sont des réseauteurs naturels.
Voudriez-vous ajouter un mot sur le monde bibliothécaire?
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C’est une excellente question. Je vais répondre brièvement à M. Hoggs, car les deux questions sont liées.
Nous sommes une organisation à but non lucratif, mais nous sommes aussi partenaires avec un promoteur immobilier spécialisé dans la restauration et la gestion de bâtiments patrimoniaux; c’est donc un excellent partenaire. Le modèle est déjà hybride au départ, puisqu’il y a une société immobilière dans laquelle nous sommes représentés. Dans ce projet, nous sommes le prestataire du service.
Notre modèle d’entreprise s’arc-boute sur un certain nombre de piliers. Premièrement, nous recevons au départ du financement de démarrage pour les programmes et pour préparer le modèle d’entreprise d’un bâtiment donné, ce que nous sommes en train de faire en ce moment précis. Je devrais dire les modèles d’entreprise, parce qu’il n’y a pas qu’un modèle d’entreprise pour l’exploitation de ce bâtiment. Il faut envisager plusieurs modèles hybrides, avec un partenaire dans l’immobilier et d’autres partenaires dans le secteur. Beaucoup sont intéressés à examiner les différentes façons d’exploiter le bâtiment.
Notre objectif est de fonctionner comme une start-up frugale. Nous ne voulons pas devenir une grande institution. Nous allons être un nombre limité de personnes à travailler dans un écosystème, selon un modèle de gouvernance à but non lucratif, et avec l’objectif d’accompagner et de dynamiser la communauté et d’attirer les personnes et les organisations qui seront en mesure de développer son potentiel.
Nous avons également la possibilité, qui est inscrite dans la constitution de l’organisation, de devenir un jour copropriétaire du bâtiment, ce qui nous permettrait de toucher des revenus de location et de financer ainsi certaines de nos dépenses. Le bâtiment accueillera un restaurant, comme je l’ai dit, qui pourra aussi fournir des services.
Cela ne représente pas un coût d’exploitation énorme. Nous cherchons quelques personnes clés, au sein de l’organisation, qui pourront expliquer clairement ce que la création de cette communauté et de cet écosystème signifie, du point de vue du bâtiment.
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Merci, madame la présidente.
C’est une discussion très intéressante. Merci de votre contribution.
Pour optimiser mon temps de parole, qui est limité à sept minutes comme vous le savez, je compte vous poser plusieurs questions à la fois, auxquelles vous aurez le temps de réfléchir pendant que les autres répondent.
J’aimerais pour l’essentiel revenir sur la recommandation de M. Moss au sujet du financement qui devrait être alloué aux programmes opérationnels. Mme Ouellette a parlé des structures physiques et de la nécessité d’avoir un financement régulier pour pouvoir payer les factures d’électricité. Ensuite, M. Sandiford a parlé de développement organique.
Quel est le rôle du gouvernement? Il y a la question de l’accès. Nous avons un dispositif réglementaire qui encourage les spectacles à grand succès. Quel devrait être notre rôle? Compte tenu de votre expérience, comment devrions-nous nous y prendre avec les territoires, avec les provinces et avec les villes pour faire avancer les choses?
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En comparaison avec le Centre for Social Innovation, il y a des espaces à Montréal, notamment l'Esplanade, qui jouent ce rôle. Je pense que la spécificité de La Piscine réside dans l'articulation des clientèles qu'elle sert, c'est-à-dire le monde des arts, de la culture et de la créativité. Elle est donc vraiment spécialisée comparativement à la mission du Centre for Social Innovation, qui est très large et transversale dans ce milieu.
Je dirais que le défi principal que nous avons dû affronter a été de démontrer aux villes que la part de ces entreprises est quand même importante. Plus de 7 % du PIB de la région de Montréal est généré par ces entreprises, mais il a fallu faire reconnaître l'importance du rôle des artistes et des entrepreneurs culturels dans la réalité montréalaise.
Je reviens à la question que vous avez posée. Fondamentalement, la réalité est que La Piscine est reconnue internationalement parce que, par définition, ses entrepreneurs sont nés avec une vision mondiale. On ne se rend pas souvent compte de l'importance, à Montréal, de ces entrepreneurs, parce que la plupart sont davantage connus à l'international — nous en avons tellement d'exemples — qu'ils ne le sont à Montréal.
Dans ce modèle hyper local, le défi est à la fois de pouvoir articuler une offre à l'échelon local et d'avoir une présence à l'international, de travailler aux échelles nationale et internationale avec des écosystèmes, à Toronto et ailleurs au pays, et aussi avec d'autres auteurs d'oeuvres créatives, parce qu'il y a actuellement un mouvement international, à ce titre, qui est en train d'être généré.
Monsieur Sandiford, vous avez raison de dire que la créativité a besoin d’espace pour s’épanouir, et que cela évolue avec le temps. Il m’arrive souvent de penser, depuis que nous avons entrepris cette étude, que nous risquons de trop réglementer ou de trop légiférer. Cela m’inquiète vraiment, parce que nous voulons sincèrement vous venir en aide et ne pas nous contenter de vous accorder des financements d’exploitation. Je sais que nous finançons davantage la programmation, en plus des infrastructures.
Votre groupe et bien d’autres ont souligné l’importance de la collaboration et de la nécessité de permettre à des groupes de se rencontrer, non seulement à l’échelle de la ville, mais aussi à l’échelle du pays et même à l’étranger. Nous devons trouver le moyen d’aider, de façon très naturelle, nos différents centres culturels.
J’ai dépassé le temps qui m’était attribué, mais je tiens à vous remercier de vos commentaires à ce sujet, car c’est très important pour nous. Encore une fois merci de vos magnifiques exposés.
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Nous allons reprendre nos travaux.
Nous avons quatre groupes de témoins. Il en manque un, mais nous allons commencer quand même, et j’espère qu’ils ne tarderont pas à arriver.
J’aimerais souhaiter la bienvenue à Kasey Dunn et à Victoria Velenosi, qui représentent Brick and Mortar, une organisation établie dans ma propre ville.
Je suis ravie que vous soyez ici.
[Français]
Nous recevons aussi M. Vincent Roy, d'EXMURO arts publics, et nous attendons les représentants de La Filature.
[Traduction]
Nous accueillons également, par vidéoconférence, The Theatre Centre, qui est représenté par Franco Boni.
Pour des raisons techniques, il est généralement préférable de commencer par la vidéoconférence. Je vous invite donc à prendre la parole en premier, monsieur Boni. Merci.
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Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler du Theatre Centre.
J’aimerais d’abord vous montrer une image de l’immeuble qui accueille notre théâtre. C’est une ancienne bibliothèque Carnegie, au coeur du quartier de la rue Queen Ouest à Toronto, où habitent beaucoup d’artistes. Pour citer Jane Jacobs, je dirai que les nouvelles idées ont besoin d’anciens immeubles. La bibliothèque est un ancien immeuble qui a été rénové il y a environ quatre ans, avec une aide de tous les paliers de gouvernement. Nous étions déjà établis dans le quartier, au service des artistes, depuis 25 ans, mais ce n’est qu’après avoir emménagé dans cet immeuble que nous nous sommes rendu compte que notre responsabilité était beaucoup plus étendue.
Le quartier était en train de s’embourgeoiser. Il y avait beaucoup de condominiums, des milliers de personnes affluaient dans le quartier, et la communauté risquait vraiment de perdre ses espaces publics. Il y a bien un parc, mais c’est à peu près tout. Les autres immeubles du quartier sont souvent des établissements commerciaux comme des bars et des restaurants, et il n’y a pas beaucoup d’espaces publics. Il était donc extrêmement important que le Theatre Centre soit un espace public, un espace de rencontre pour la communauté. La première question que nous nous sommes posée, au moment d’élaborer notre programmation, mais aussi par rapport à notre philosophie, était de savoir ce que peut être un théâtre et à qui il s’adresse.
Voici quelques diapositives qui vous donnent un aperçu de ce que nous sommes et de notre rôle au sein de la communauté, à savoir un pôle de recherche et de développement pour la communauté, au service des artistes de tout le pays. Si on regarde vers l’avenir, l’essentiel est de trouver l’inspiration: quelle est notre vocation? Quelle est la vocation d’un espace public? C’est important. Comme je dis souvent, construire un théâtre, c’est animer un espace public, et c’est ce que nous faisons tous les jours. Les portes du théâtre ne sont pas seulement ouvertes au moment des spectacles. Elles ouvrent à huit heures du matin, et nous avons un café qui accueille les gens, avec le Wi-Fi. Nous sommes un troisième espace.
J’aimerais vous dire quelques mots sur nos programmes de perfectionnement, qui se déroulent en résidence, et du Progress Festival.
J’ignore de combien de temps je dispose, c’est pour cela que je vais un peu vite.
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Bien. Excusez-moi, c’est un peu plus de temps que je ne pensais.
S’agissant du concept de pôle communautaire, je dois vous dire que c’est comme ça qu’on nous appelle maintenant, même si nous ne l’avons pas revendiqué. Nous n’avons rien demandé. Nous n’avons pas affirmé tout d’un coup que nous étions un pôle communautaire. Nous avons essayé de créer la confiance et le respect, de faire preuve de générosité dans la façon dont nous créons et organisons nos programmes, et c’est comme ça que nous sommes devenus un pôle communautaire. Vous ne pouvez pas désigner un espace dans une communauté et déclarer, du jour au lendemain, que c’est un pôle communautaire. C’est quelque chose qui prend des années à se faire. Le Theatre Centre est implanté dans le quartier depuis plus de 20 ans.
J’aimerais passer en revue quelques-uns de nos programmes, en déroulant les diapositives au fur et à mesure, jusqu’à la diapositive numéro 24, puisque le temps est limité, afin de vous donner une idée de ce qu’est le café/bar de notre Theatre Centre, car c’est vraiment le coeur de notre espace. Là, nous organisons un repas communautaire une fois par mois. Nous avons un « boulanger en résidence ». C’est un boulanger local qui fabrique et vend des produits de boulangerie frais. Tout est local. Notre Objectorium, dans le café, vend de l’artisanat fabriqué par des artisans locaux. Nous avons un programme d’animation. Comme l’indique la diapositive suivante, il y a des oeuvres d’art dans tous les coins du bâtiment, qui sont laissées au regard du public. Notre galerie/bibliothèque, qui est en fait un clin d’oeil à l’ancienne bibliothèque Carnegie dont nous occupons l’emplacement, accueille une bibliothèque gratuite au rez-de-chaussée et une galerie d’art multidisciplinaire à l’étage.
Je dis souvent que l’espace est en fait un terrain de jeu. C’est comme ça que je le vois, et je voudrais que le public le considère lui aussi comme un terrain de jeu. Nous avons des boîtes lumineuses à l’extérieur, qui nous permettent d’adresser des messages au public. Des milliers de gens circulent sur la rue Queen et lisent nos messages. Vous voyez ici un panneau où nous encourageons les habitants du quartier à voter aux élections. Nous avons même organisé une petite fête pour les élections.
Passons maintenant à 36 Lisgar et à Active 18, qui est une association de quartier qui se réunit régulièrement dans notre espace. Nous avons un projet qui nous permet de travailler, dans l’immeuble, avec les résidants d’un condominium pour savoir ce qu’ils attendent de nous, ce qu’ils attendent d’un théâtre. Le démarrage a été un peu lent, mais maintenant, nous avons réussi à créer des liens.
Comme je dis souvent, il s’agit de jouer son rôle dans la vie civile. Ce que je veux dire par là, c’est que nous jouons tous un rôle. Nous savons que lorsque les membres de la communauté participent à des activités artistiques, ils sont plus susceptibles d’aller voter et de s’intéresser à la planification urbaine. Par conséquent, quels sont les espaces qui se prêtent à ce genre d’activités civiles?
Un autre projet concerne les nouveaux arrivants...
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Bonjour et merci de nous avoir invitées à venir vous parler des centres culturels au Canada.
Brick and Mortar est une petite entreprise qui exploite des pôles artistiques à Toronto. Vikki et moi exploitons quatre espaces que nous louons à des artistes, à des groupes communautaires et à des entreprises. Nous accueillons des dizaines de groupes tous les jours, et notre clientèle représente plus de 1 000 personnes. Nous louons ces espaces à l’heure, à la journée ou à la semaine. Nous louons également l’équipement de base et les services de soutien nécessaires pour toutes sortes d’activités artistiques, sans engagement à long terme. Dans tous les immeubles où nous travaillons, nous utilisons des baux commerciaux ou des ententes de partenariat. Nous couvrons le coût du loyer, de la location, des taxes foncières, de l’assurance et des services publics, et les espaces sont équipés des fonctionnalités de base.
Pour nous, les pôles artistiques sont des espaces qui fournissent aux artistes entrepreneurs tout ce dont ils ont besoin pour exploiter leurs talents et créer leur propre entreprise. Nous leur fournissons les ressources de base pour monter leur propre entreprise. Comme nous sommes l’endroit où ces créateurs en herbe font leurs premiers pas dans l’entrepreneuriat, nous sommes aussi l’endroit où ils connaissent leurs premières difficultés ou leurs premiers échecs.
Nous avons ouvert ces espaces parce que nous avions constaté qu’il n’y en avait pas assez et que c’était le principal problème auquel les artistes se heurtaient. Nous nous sommes rendu compte que, même si le coût de l’espace est un problème pour les artistes, c’est plus le symptôme d’un problème plus important. Même quand nous offrons un espace gratuitement, cela ne garantit pas le niveau de succès dont un artiste a besoin, et cela ne lui assure pas non plus un emploi durable. Les créateurs ont besoin qu’on leur donne plus que de l’espace. Si personne ne vient acheter des tickets pour leur spectacle, leurs oeuvres d’art ou leurs services, ils ne connaîtront pas le succès, même si nous leur offrons un loyer à très bas prix, sans compter que bon nombre d’entre eux n’ont aucune idée par où commencer. Pour pouvoir imaginer comment un pôle artistique comme Brick and Mortar peut se développer, nous devons plutôt imaginer comment nos artistes peuvent se développer. Notre dynamisme n’est que le reflet de la communauté que nous essayons de servir.
Pour réussir, nous devons attirer des artistes reconnus qui peuvent revenir régulièrement chez nous pour s’y produire. Malheureusement, c’est notre plus gros défi. Ce n’est pas parce qu’ils vont dans d’autres centres culturels, c’est parce qu’ils abandonnent complètement et quittent l’industrie. Ils font face à des obstacles considérables, qu’ils n’ont ni la formation ni les ressources pour surmonter. Même si nous travaillons avec des compagnies bien établies comme Stratford ou Shaw, la majorité de nos clients vont d’un projet à l’autre. Ils représentent une clientèle très vulnérable, ce qui nous rend nous aussi vulnérables lorsque nous essayons de leur offrir des services, plutôt que les groupes plus importants et mieux financés.
Certes, les artistes ne veulent pas tous créer leur propre entreprise, mais ceux qui viennent frapper à notre porte veulent le faire, sans savoir toujours comment. S’ils viennent nous voir, c’est parce qu’ils ont envie de créer quelque chose, de prendre le contrôle de leur propre carrière et de tirer un revenu de leur art. Ce dont ils ont davantage besoin, c’est d’un soutien pour faire le saut et commencer à se mettre dans la peau d’un entrepreneur.
Nous pensons que le gouvernement du Canada peut contribuer à développer ce nouvel écosystème. À notre avis, le besoin le plus criant est celui de la formation, pour jeter un pont entre l’art et l’entrepreneuriat. Toutes les compagnies et tous les artistes avec lesquels nous avons travaillé ont déploré le manque de formation dans les domaines du marketing, de la finance et de l’administration appliqués aux arts. Même si tout le monde reconnaît que l’autoproduction est la première étape dans l’industrie artistique, aucun collège canadien n’offre des programmes de formation adaptés à ce besoin. Il faudrait pourtant que les futurs artistes puissent apprendre comment appliquer au secteur artistique les méthodes utilisées dans d’autres secteurs pour créer une start-up novatrice. Il serait souhaitable que des fonds soient alloués à des programmes de formation commerciale destinés aux artistes qui veulent créer leur entreprise.
Dans les centres culturels eux-mêmes, il serait souhaitable d’avoir les fonds nécessaires pour organiser des formations, des ateliers et des programmes de mentorat, afin d’apprendre aux artistes comment utiliser nos espaces de façon efficace. Plutôt que des subventions qui n’offrent aux artistes qu’un financement ponctuel pour un projet, on devrait s’intéresser en priorité au développement et à la durabilité d’une compagnie, et envisager par exemple des subventions de démarrage, comme on le fait pour les entrepreneurs d’autres secteurs. Les directeurs de centres culturels comme nous aimeraient bien avoir davantage de possibilités de formation en gestion commerciale. En fait, c’est un peu un apprentissage par tâtonnements.
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Merci, madame la présidente.
Honnêtement, je dois dire que je ne m'attendais pas à une telle rencontre. Je pensais qu'elle serait un peu plus intime; je suis un peu impressionné.
Je m'appelle Vincent Roy. Je suis le fondateur et le directeur général et artistique d'EXMURO arts publics. L'organisme est essentiellement voué à la diffusion et à la production de projets temporaires en arts publics dans l'espace public. J'ai fondé cet organisme en 2007. À l'époque, je travaillais dans des centres d'artistes, mais je trouvais que ce milieu de recherches n'avait pas beaucoup de liens avec la population. C'était un milieu dédié aux arts actuels. J'ai décidé de sortir un peu des murs et de rendre l'art accessible à la population.
Petit à petit, les projets ont pris de l'importance. Au début, c'était nouveau à Québec. Ensuite, les autorités de la Ville et la municipalité se sont rendu compte du potentiel que pouvait apporter la présence de l'art public dans l'expérience des gens et le plaisir de vivre en ville. Depuis ce temps, nous sommes assez bien appuyés par les paliers de gouvernement, surtout par le palier municipal.
Cette année, EXMURO tiendra la cinquième édition de « Passages insolites », un événement financé presque à 100 % par la Ville de Québec.
Je vais présenter le projet « Passages insolites » en essayant de formuler mon propos de façon à reprendre les thèmes qui font l'objet de votre étude, soit les centres culturels et les districts culturels.
À Québec, entre 1990 et 2000, le maire de l'époque, Jean-Paul L'Allier, voulait revitaliser le quartier Saint-Roch. Aujourd'hui, c'est un quartier plutôt d'avant-garde, qui s'est embourgeoisé et qui est très vivant. C'est un genre de poumon culturel. Auparavant, c'était un quartier malfamé, voire un peu dangereux. Le maire L'Allier a donc décidé de créer un parc et de rendre accessible les ateliers d'artistes à coûts modiques pour eux en les exemptant des taxes commerciales. Il a également créé plusieurs ateliers d'artistes. En peu de temps, le quartier a été revitalisé. C'est donc un exemple inspirant. Certains pourraient dire que cela instrumentalise les artistes, mais lorsqu'on regroupe les artistes, cela constitue quand même une force.
Au cours des trois dernières années, nous avons assisté à un phénomène appelé le « branding artistique », ou l'image artistique. Le quartier Saint-Roch est maintenant un quartier technoculturel, et le croissant Place-Royale/Vieux-Port et le Quartier Petit Champlain, des endroits très touristiques, sont maintenant devenus « Le Quartier Création ». Enfin, le quartier Montcalm est devenu le Quartier des arts.
On dirait que tout le monde veut s'approprier l'identité artistique, ce qui est très bien parce qu'il y a là, à mon avis, un potentiel d'attractivité. En ce qui a trait au branding, à l'image, il faut que cela vienne du coeur. Il faut que cela vienne du noyau que sont les artistes. Il faut que les artistes y travaillent et qu'ils y développent leurs pratiques. Lorsque les artistes prennent possession d'un lieu, cela crée un écosystème.
Plus tard, je vais vous montrer des images de « Passages insolites » pour vous permettre de voir ce que nous faisons. L'idée est un peu celle de la décentralisation. Grâce à « Passages insolites », qui existe depuis quatre ans, il y a une dizaine d'oeuvres installées dans le Vieux-Québec, c'est-à-dire dans des quartiers hautement touristiques. Nous avons donc la chance de rencontrer beaucoup de gens.
Par ailleurs, dans la dernière année, il y a eu une volonté de décentralisation, c'est-à-dire de se diriger vers les banlieues, vers les arrondissements, afin d'atteindre davantage de citoyens en transposant le pouvoir de l'art à l'extérieur. Personnellement, je le vois un peu comme une antenne permettant de promouvoir ce que nous faisons dans les centres culturels. Je pense que c'est important de garder la culture et l'art public dans le poumon culturel, dans le centre culturel.
Par contre, c'est peut-être un des derniers bastions. Je ne sais pas si c'est la même chose ici ou dans vos circonscriptions respectives, mais plusieurs commerces de proximité ont été décentralisés, c'est-à-dire qu'ils se sont installés dans les banlieues. Des boutiques et des entreprises commerciales du centre-ville s'étendent maintenant aux banlieues. À mon avis, il faut garder ce genre d'écosystème dans les centres culturels.
Vous allez maintenant voir défiler des images.
Au départ, les objectifs du projet Passages Insolites étaient de promouvoir l'art public. Comme je viens de le dire, on a décidé de créer un branding, une image de quartier de création. Après, il a bien fallu créer. On nous a donné une enveloppe quand même substantielle s'élevant à 150 000 $ pour créer des oeuvres d'arts publics dans les quartiers historiques. En présentant des oeuvres d'art contemporain, nous avons eu l'occasion d'offrir un contraste avec le côté historique de la ville, dont l'aspect est comparable à celui de la vieille Europe. C'est vraiment un beau privilège. Cette initiative fait beaucoup jaser et connaît beaucoup de succès. Au départ, cela devait durer seulement un an, mais en raison du succès qu'a eu ce parcours d'oeuvres, on a décidé de reconduire l'initiative pour une deuxième année, puis pour une troisième année. Maintenant, nous en sommes à notre cinquième édition.
Les municipalités commencent à comprendre que cela pourrait aussi ramener des résidants dans le quartier. J'ai parlé plus tôt du pouvoir de l'art. Les résidants avaient peu à peu délaissé le Vieux-Québec, mais on s'est rendu compte que l'occupation de ces quartiers et la mise sur pied de tels projets culturels venaient rendre ces quartiers plus agréables, en quelque sorte. Des jeunes pourraient aussi vouloir s'y installer. On n'est plus dans le tourisme traditionnel ni dans le tourisme inspiré de Disneyland.
Aujourd'hui, l'idée est de ramener les résidants dans les quartiers qu'ils ont quittés. Chez EXMURO, nous travaillons dans le centre-ville, dans le quartier Saint-Roch, qui est le poumon culturel.
Il y a un aspect du sujet de votre étude auquel je suis sensible. J'ai cru comprendre que lorsqu'on parle de centres culturels, il s'agit aussi d'établissements et d'immeubles.
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Bonjour, je m'appelle Jean-Yves Vigneau. Je suis, d'abord et avant tout, un artiste en arts visuels, mais je suis aussi président de La Filature. Je vous présente Mme Diane Charland, qui s'occupe de la tenue des livres et de l'administration quotidienne. Elle travaille à temps partiel, alors que, pour ma part, je travaille de façon bénévole.
La Filature est située de l'autre côté de la rivière, tout près du centre-ville de la Ville de Gatineau, aux abords du ruisseau de la Brasserie. Je vais vous présenter un très court historique, qui abordera une décennie par phrase.
Au cours des années 1980, plus précisément en 1983, la situation était problématique: les artistes quittaient la région pour s'établir dans les grandes villes, surtout à Montréal. Des artistes, dont j'étais du nombre, ont décidé de se regrouper. Nous avons trouvé un vieil édifice abandonné qui appartenait à la municipalité et, comme beaucoup d'autres organismes, nous avons commencé à nous occuper du lieu et à nous y installer. L'endroit a été nommé AXENÉO7. Nous y avons présenté une première exposition, celle d'un jeune artiste, en septembre 1983. Trois ans plus tard, en raison de l'arrivée de nouvelles technologies, comme la vidéo, le centre d'artistes DAÏMÔN a vu le jour.
Un peu avant l'an 2000, il est devenu évident que nous devions absolument déménager. Il y avait déjà des années que nous y réfléchissions. L'édifice que nous occupions allait nous tomber en ruine et l'espace y était beaucoup trop restreint. En collaboration avec les centres d'artistes AXENÉO7 et DAÏMÔN, qui sont des organismes artistiques de production et de diffusion gérés par des artistes, nous avons fait des démarches en vue de récupérer un vieux bâtiment industriel qui était barricadé depuis environ 25 ans. Il était contaminé et personne n'en voulait.
Il fallait des artistes pour oser se lancer dans une telle aventure, mais nous l'avons fait. Ce projet, qui a coûté au total 2,5 millions de dollars en 2002, a été financé majoritairement par le ministère de la Culture et des Communications du Québec, la Ville de Gatineau — qui s'appelait encore Hull, à l'époque — et Patrimoine canadien dont la contribution, par le Fonds du Canada pour les espaces culturels, a constitué environ 7 % du budget global et a permis l'achat d'équipement.
La Filature, qui existe depuis 2002, est aujourd'hui un organisme qui se porte très bien. Il n'est pas subventionné. C'est un édifice, un terrain, un espace qui appartient aux artistes. Nous en sommes les propriétaires et nous le gérons. La Filature, ainsi que les organismes AXENÉO7 et DAÏMÔN, dont je vous dirai quelques mots plus tard, se partagent les coûts. Nous louons aussi quelques ateliers à des artistes. C'est un partage de coûts. Le financement provient de la contribution des gens aux frais et aux dépenses. On ne peut pas parler vraiment de locataires. Nous fonctionnons un peu comme une coopérative. De plus, il y a beaucoup de bénévolat.
Comme je le disais plus tôt, on trouve à l'intérieur de l'édifice deux organismes: AXENÉO7 et DAÏMÔN. Ces deux centres se sont bâti une réputation dans l'ensemble du Canada. Ils agissent sur les plans local, national et, de plus en plus, international, en permettant à des artistes de venir créer de nouvelles oeuvres et de les présenter. Depuis que nous sommes établis à cet endroit, le lieu a grandi de plus en plus. C'est devenu un lieu de rassemblement. Il y a, par exemple, des vernissages et des lancements d'expositions. On compte par centaines les gens qui s'y présentent, et je peux vous dire qu'ils viennent des deux côtés de la rivière.
Il faut dire que La Filature gère un ensemble de productions. Les productions artistiques émanent principalement des deux organismes, mais aussi d'artistes à titre individuel. AXENÉO7 et DAÏMÔN non seulement conçoivent des programmations, mais ils mènent aussi, à l'occasion, des projets d'envergure dont vous avez peut-être entendu parler. L'an dernier, en 2017, pour le 150e anniversaire du Canada, nous avons réalisé une importante exposition intitulée « À perte de vue », qui a permis de regrouper une douzaine d'artistes de partout au pays, soit des artistes majeurs qui ont réalisé des projets majeurs.
Les organismes qui occupent ce bâtiment travaillent avec un budget d'environ un-demi million de dollars par année pour appuyer les activités, mis à part les événements spéciaux comme celui de 2017, qui a pratiquement fait doubler tous les budgets d'exploitation précédents.
Nous occupons cet édifice depuis 2002; cela fait déjà 16 ans. Nous commençons déjà à penser que le vieux bâtiment que nous avions rénové il y a 20 ans commence à être dépassé. De plus en plus, les organismes et les artistes se sentent un peu coincés, ils manquent d'espace. Nous avons donc déjà sur la table à dessin des projets de rénovation, d'agrandissement et de développement. Il y a toutes sortes de possibilités qui permettraient de répondre aux besoins.
En 2002, nous avons élaboré un projet qui pouvait durer 20 ans, mais, à présent, nous constatons qu'il faut penser en fonction des 20 années qui suivent. Je ne sais pas si je serai là dans 20 ans, mais j'y étais il y a 20 ans.
Cela résume à peu près l'ensemble des activités qui permettent de présenter des projets d'artistes d'un peu partout. Notre centre agit véritablement comme un lieu de rencontre fort pour les artistes qui se consacrent aux arts visuels et aux arts médiatiques contemporains dans toute la région, et qui, en même temps, travaille à l'échelle nationale et internationale. Depuis deux ou trois ans, cela a permis, à titre d'exemple, à plusieurs artistes autochtones et inuits de venir réaliser des oeuvres. Nous essayons donc d'avoir une ouverture très large quant à la production canadienne.
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La Filature n'a le soutien de personne, sauf en ce qui concerne la rénovation du bâtiment. Tout récemment, un des organismes, DAÏMÔN, a reçu une subvention de Patrimoine canadien pour la mise en place d'équipement culturel pour aménager un studio de prise de son, ce qu'il n'avait jamais réussi à faire.
En fait, nous avons toujours voulu démontrer que, si on nous permet de mettre en place de l'équipement, des infrastructures et des outils, c'est notre responsabilité de les gérer. Comme je le dis souvent, on ne veut pas demander à une instance gouvernementale de payer nos factures de chauffage et d'électricité. Par ailleurs, nous ne pouvons nous permettre d'investir, d'emprunter et de nous endetter pour rénover un bâtiment, ou même pour l'agrandir, parce que ce serait un fardeau énorme à pour les organismes et les artistes qui dépendent des subventions.
Comme je le disais, AXENÉO7 et DAÏMÔN ont le soutien principalement du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec. Les artistes qui fréquentent ces ateliers reçoivent aussi occasionnellement des bourses du Conseil des arts du Canada et du Conseil des arts et des lettres du Québec, mais nous ne pouvons pas appeler cela des revenus garantis.
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Effectivement, je n'en ai pas parlé dans ma présentation.
Selon un contrat conclu avec le ministère du Patrimoine canadien, nous prenons des oeuvres qui étaient utilisées dans le projet « Passages Insolites » et les réinstallons ailleurs et les faisons circuler. La circulation des oeuvres est un volet que nous voulons exploiter de plus en plus, parce qu'il y a une demande pour cela.
Nous avons fait venir quatre oeuvres dans la région, soit deux à Ottawa et deux à Gatineau, dont « Mythe et évidence ». D'ailleurs, nous sommes allés la voir hier, la licorne, et elle se porte très bien.
Vous me demandez quelles sont les répercussions de nos projets. Nous ne sommes pas toujours postés à côté des oeuvres. Elles sont laissées au regard du citoyen ou du passant et elles sont autonomes le plus possible. Selon les commentaires que nous recevons, les répercussions concernent vraiment la qualité de vie. C'est ce que je remarque depuis la fondation d'EXMURO, il y a 10 ans. S'il n'y a pas d'art public, qu'y a-t-il dans l'espace public? Quelle poésie peut-il y avoir?
Il ne faut pas sous-estimer l'impact que peut avoir sur les gens le fait de regarder quelque chose par plaisir, quelque chose qui ne soit pas de la publicité et qui ne leur offre rien à vendre. Cela les amuse et les rassure. Ils sont simplement contents de voir quelque chose qui les surprend. Nous jouons beaucoup avec ce rapport qu'ont les gens avec l'art gratuit. Ce sont les répercussions que nous observons le plus souvent.
Grâce aux millions de photos qui sont prises, nous bénéficions d'une grande visibilité. C'est assez phénoménal, et cela fait virtuellement voyager ces oeuvres partout dans le monde. Notre réalité est très liée aux images. Pour une ville ou une municipalité, c'est toujours très bien d'afficher une image d'ouverture, d'audace et d'originalité.
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Au départ, la principale difficulté avait trait au refus qu'on nous servait d'exposer de l'art public, mais maintenant, les municipalités sont plus ouvertes à cela. Elles ont même assoupli certaines règles. Au départ, on considérait nos oeuvres comme de l'affichage et il a fallu modifier à nouveau les règlements municipaux.
Dix ans plus tard, la population en redemande. Nous aussi, nous devons fonctionner avec des revenus de 400 000 $, 500 000 $ ou 600 000 $. Notre financement n'est accordé que par projet. Nous ne recevons de financement destiné au fonctionnement ni du Conseil des arts et des lettres du Québec, ni du Conseil des arts du Canada. Notre financement lié au fonctionnement est de 5 000 $ seulement. Selon nous, cela fragilise nos projets.
Nous avons beaucoup de soutien et les projets fonctionnent bien, mais on dirait que nous n'avons jamais réussi à avoir de subventions destinées au fonctionnement parce que les enveloppes étaient saturées. Cela est en train de changer un peu et nous allons essayer d'en profiter.
Nous sommes obligés de gérer notre organisme un peu comme une entreprise, dans la mesure où nous ne pouvons pas nous fier uniquement aux subventions. Alors, nous créons des projets et des partenariats. Cela fait en sorte que nous sommes assez dynamiques dans notre recherche de financement. Ce qui nous manque le plus a trait aux programmes de financement destiné au fonctionnement.
Il y a aussi le nouvel emplacement, où nous, les créateurs, voulons nous regrouper pour créer ensemble. La Ville de Québec s'occupe de rénover le bâtiment afin de le rendre conforme aux normes — au coût d'environ 1 million de dollars — et nous en sommes locataires. C'est une enveloppe vide. Il faut aussi prévoir une étape d'installation.
Nous en sommes à un stade où cela peut être un lieu dynamique et où nous pouvons vraiment prendre notre place et de l'expansion dans l'écosystème du milieu.
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Merci, madame la présidente. Je remercie tous les témoins qui comparaissent ce matin.
Depuis que nous avons commencé notre étude sur les centres culturels et les districts culturels au Canada, je me rends compte que vous, les directeurs de ces centres, offrez toute sorte de services: art contemporain, artisanat et design, théâtre, danse, écriture et édition, bibliothèques, musique, musées et patrimoine, cinéma et télévision, etc. Certains témoins nous ont même dit, comme vous, monsieur Boni, qu’ils dirigeaient leur centre comme une entreprise. Il y en a même qui ont un café ou une boulangerie dans l’établissement.
Mais on ne parle que de l’aide financière que pourrait apporter le gouvernement municipal, le gouvernement de district, le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral, surtout pour la construction de complexes ou autres structures de ce genre. On nous dit généralement que plus le complexe est grand et gros, plus il génère d’activités différentes dans les centres culturels. Je suis curieux de savoir… Cette question s’adresse à vous quatre, et je vais commencer par M. Vincent Roy.
Vous attendez-vous à ce que les artistes vous paient quelque chose lorsqu’ils utilisent vos installations, que ce soit pour de la formation ou de l’apprentissage? Touchez-vous une commission quelconque lorsque certains artistes que vous avez aidés connaissent le succès?
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Merci, madame la présidente.
Merci à tous d'être venus nous présenter vos organismes afin de nous éclairer un peu au sujet des centres culturels.
[Traduction]
En fait, je vais m’exprimer en français, car vous ne recevez peut-être pas l’interprétation.
Le Theatre Centre et le Brick and Mortar sont manifestement des centres culturels, mais de façon différente. Je pense que le Theatre Centre est plutôt un centre théâtral, parce que vous avez des citoyens qui viennent participer et ont accès aux salles. Si j’ai bien compris, vous avez deux ou trois compagnies qui occupent une salle et s’y produisent.
Comment aimeriez-vous que ce programme évolue? Nous avons entendu beaucoup de témoins, et je constate aujourd’hui que vous êtes des exemples concrets de l’évolution naturelle d’un centre culturel. Vous avez besoin d’aide pour financer ce que vous faites concrètement, mais vous ne voulez pas d’une intervention extérieure qui viendrait stériliser ou étouffer la spontanéité de ce qui se passe dans votre centre. C’est cela?
[Français]
Monsieur Roy, monsieur Vigneau et madame Charland, vos organismes reflètent, encore une fois, toute la spontanéité d'un centre créatif et toute la spontanéité des artistes qui travaillent ensemble. Dans votre cas, cela m'apparaît davantage comme une forme de coopérative d'artistes. Je vous félicite de votre ténacité et de la vérité de vos témoignages. Nous sentons que vous êtes des libres penseurs et, encore une fois, je vous en félicite.
Monsieur Roy, de toute évidence, EXMURO est une espèce de centre créatif qui a été créé, à l'époque, dans le quartier Saint-Roch.
Aujourd'hui, on dirait que Québec a les moyens de s'embellir. Le mot « moyens » me vient, parce ce que vous avez parlé des partenaires privés qui vous soutiennent. Chaque fois que j'ai vu quelque chose chez vous, à Québec, il m'a toujours semblé qu'il en résultait une grande bonification de la qualité de vie des gens de Québec. Le fait de passer devant un immeuble et de voir, tout à coup, des arbres qui sortent par la fenêtre, c'est exceptionnellement merveilleux, c'est amusant, cela met de la vie. Je pense que c'est un travail de longue haleine dont votre organisme est, d'une certaine façon, un peu le fruit.
Je vais simplement vous poser la question suivante. De quelle manière voyez-vous l'intervention du ministère du Patrimoine canadien dans le cas de ce programme? Quels en sont les aspects positifs et quel est le danger qui peut s'y rattacher?
Je vais m'arrêter ici, car il ne me reste que quatre minutes.
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Oui. Je suis d'accord avec M. Vigneau lorsqu'il dit que la situation a peut-être fait de nous de très bons gestionnaires. Concrètement, nous avons besoin de stabilité, soit de subventions consacrées au fonctionnement, pour compléter notre montage financier. Nous réalisons généralement quatre ou cinq projets majeurs par année dans le cadre de partenariats internationaux. Nous allons en France et nous revenons ici, notamment pour gérer la circulation des oeuvres. Nous sommes deux à nous occuper de tout cela.
Il a été question de bénévolat plus tôt. En voici un exemple. Nous sommes payés pour la moitié du travail que nous accomplissons. La deuxième moitié est une affaire de passion et de foi. C'est très bien comme cela. Je suis un créateur et c'est ma passion. Toutefois, des problèmes comme l'épuisement professionnel nous menacent. Bien sûr, nous marchons toujours sur la corde raide.
Nous avons aussi besoin d'un lieu de création. Nous sommes comme des garagistes qui se déplacent pour aller réparer des voitures dans la rue. Nous avons aujourd'hui besoin d'un lieu physique. Nous faisons de l'art public et, comme vous avez pu le constater, les oeuvres sont assez volumineuses. Les artistes ne disposent pas nécessairement d'un garage ou d'un atelier pour souder ou assembler de grandes pièces. Nous voulons donc offrir ce nouveau service. Il n'y en a pas de cette envergure ailleurs à Québec.
Nous voulons aussi disposer d'espace pour entreposer les oeuvres. Ce que je vais dire semblera un peu invraisemblable, mais il arrive que nous soyons obligés de jeter des oeuvres, simplement parce que nous n'avons pas d'espace d'entreposage. Les oeuvres appartiennent aux artistes. Nous sommes en quelque sorte les gestionnaires de ces oeuvres. La Ville ne veut pas les acheter pour certaines raisons et nous ne voulons pas les acheter non plus. Les artistes n'ont pas d'endroit où ils peuvent les entreposer. Ces oeuvres sont encore en très bon état, étant donné qu'elles ne passent que quatre mois et demi dans l'espace public. On parle donc de deux à cinq ans de stabilité. Il nous faut donc de l'espace, c'est clair. Nous avons essayé de faire circuler les oeuvres, et cela fonctionne très bien. Nous voulons aussi en distribuer un peu partout dans les municipalités. Quoi qu'il en soit, nous avons vraiment besoin d'un endroit.
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Je vous remercie de la question.
Spontanément, je vous dirais que la collaboration et l'établissement de partenariats ne comportent que des avantages du fait que ce sont des échanges culturels, même s'il s'agit de la petite ville d'à côté. À l'heure actuelle, nous travaillons de concert avec la Ville de Gatineau, justement, dans le cadre d'un autre projet. Nous avons aussi travaillé avec la Ville de Montréal, qui a accueilli l'un de nos projets l'année dernière. Créer des partenariats fait partie de notre liste d'objectifs parce que c'est souvent dans ce contexte que nous générons des projets. Présentement, nous travaillons en collaboration avec des gens qui tiennent un festival en France. Nous mettons sur pied des partenariats et nous créons ensuite.
Nous travaillons souvent de cette façon quand nous sommes à l'extérieur de la ville de Québec. Même à Québec, nous avons travaillé en collaboration avec des organismes culturels, des centres d'artistes, le Musée national des beaux-arts, des événements comme le Festival d'été de Québec, et ainsi de suite. Notre produit artistique peut tout de même intéresser un bon nombre de partenaires.
[Français]
Tout d'abord, je tiens à remercier nos témoins de leurs superbes présentations.
[Traduction]
Je vais m’adresser à vous, monsieur Boni, en partie pour une raison très personnelle: votre espace théâtral est situé à une centaine de mètres de ma circonscription de Je voudrais commencer par vous remercier d’offrir un espace aux créateurs et artistes extraordinaires qui vivent dans des endroits comme Parkdale, afin de leur permettre non seulement d’y développer leurs talents, mais aussi d’y présenter leur travail aux citoyens, pour engager une conversation avec eux, comme vous l’avez si bien dit, dans un environnement culturel.
J’aimerais revenir sur ce que vous avez dit il y a deux ou trois minutes en réponse à une autre question, et vous demander des précisions sur votre programme de résidences. Pouvez-vous nous dire comment cela facilite les rencontres entre artistes et non artistes? Ma question est liée aux enjeux dont vous avez parlé tout à l’heure, notamment la santé mentale, et cela concerne ma circonscription aussi bien que le centre-ville. Je sais qu’une neurologue du Centre for Addiction and Mental Health est actuellement en résidence dans votre centre culturel.
Dans quelle mesure cette personne est elle en mesure d’engager, par la voie d’un médium artistique, un débat sur la santé mentale avec des gens du centre-ville de Toronto?
Je vous laisse répondre.
Premièrement, Suvendrini Lena est une neurologue du CAMH, et elle est venue nous voir parce qu’elle voulait mieux observer les premières phases de la schizophrénie. C’est une maladie qui l’intéresse d’un point de vue professionnel. Elle ne savait pas comment réaliser une oeuvre, mais elle est passionnée par l’art, et nous lui avons proposé de faire quelque chose avec elle. De quoi cela pourrait-il avoir l’air?
Pendant presque six mois, nous avons discuté avec elle de ce qu’elle voulait vraiment faire, puis nous nous sommes rendu compte que ce qu’il lui fallait, c’était un sonoriste. Nous lui en avons trouvé un dans la communauté, ainsi qu’un scénographe, et maintenant, elle est en train de monter cette installation. C’est le projet auquel elle travaille, et en plus, elle donne ici, au théâtre, son cours de théâtre et de médecine de l’Université de Toronto. Chaque mois depuis un an — il y a un petit battement en ce moment —, des médecins viennent au centre pour lire des pièces, pour parler d’interprétation, et pour essayer de mieux comprendre ce qu’est l’empathie, car c’est une chose que les arts facilitent grandement.
C’est aujourd’hui un personnage-clé de notre programme de résidences. Elle est chez nous depuis trois ans et demi maintenant, et elle travaille à son installation qui devrait être prête l’an prochain. Comme nous travaillons avec des artistes et des citoyens, c’est sur le temps long, et on se pose toutes sortes de questions. Nous avons maintenant un partenariat avec le CAMH et un certain nombre d’organisations du secteur de la santé mentale pour essayer d’aller au fond de toutes les questions que soulève Suvendrini.