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Merci, madame la présidente.
Je m'appelle Jason Kee. Je suis conseiller, Politiques publiques et relations gouvernementales, chez Google Canada.
Merci de nous avoir donné l'occasion de participer à votre étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs.
Chez Google, notre approche en matière de rémunération et de revenu est un modèle de partenariat. Dans ce modèle, les créateurs, comme les éditeurs, les artistes, les producteurs ou les développeurs d'applications, créent et fournissent le contenu tandis que nous assurons la distribution et la monétisation, y compris l'infrastructure technique, les équipes de vente, les systèmes d'opérations et de paiement, le soutien aux entreprises, etc. Nous profitons du revenu qui en découle, dont la majeure partie revient au créateur, à tout coup. En vertu de ce modèle de partenariat, nous ne gagnons des revenus que lorsque nos partenaires en génèrent. Il est donc dans notre intérêt de veiller à ce que nos partenaires réussissent.
Google propose une grande variété de plateformes pour différents types de créateurs. Nous offrons aux éditeurs des plateformes publicitaires leur permettant de monétiser leur contenu en hébergeant des annonces sur leurs sites et leurs applications et de partager ces revenus.
Google Play, notre boutique en ligne, donne accès à un imposant public mondial pour les développeurs et autres partenaires de contenu, les développeurs touchant 70 % ou plus des revenus. Google Play Films et TV propose des émissions ou des films à la location ou à l'achat, tandis que Google Play Musique offre un accès illimité, sans publicité, à plus de 40 millions de chansons, moyennant des frais mensuels, ainsi qu'un accès à un service parallèle plus limité payé par la publicité. Il s'agit de services sous licence complète qui versent des redevances aux titulaires de droits, conformément à des contrats de licence, et qui procurent une source de revenus importante à nos partenaires de contenu.
Enfin, YouTube, la plateforme mondiale de vidéos en ligne de Google, compte plus de 1,9 milliard d'utilisateurs connectés chaque mois, et plus de un milliard d'heures de vidéo sont visionnées chaque jour. Chez YouTube, notre mission consiste à donner la parole à tous et à leur montrer le monde. C'est le véritable pouvoir de YouTube: avec seulement une caméra et une connexion Internet, tous les gens, sans distinction d'âge et de milieu, peuvent participer, avoir voix au chapitre et créer un public mondial.
Et ils le font. Plus de 400 heures de contenu vidéo sont téléchargées sur YouTube chaque minute, ce qui en fait l'une des plus grandes collections vivantes de culture humaine jamais rassemblée. Ces téléchargements représentent pratiquement tous les types de contenu vidéo imaginables, des vidéos personnelles au contenu généré par l'utilisateur, en passant par le contenu cinématographique et télévisé haut de gamme. Grâce à des plateformes comme la nôtre, de plus en plus de personnes dans le monde peuvent se considérer comme des auteurs, des artistes et des créateurs.
YouTube est également une « expérience intégrée », dans laquelle les créateurs interagissent directement avec une collectivité de fans engagés et passionnés qui partagent, commentent et contribuent. Cette connexion personnelle et directe que les créateurs de YouTube partagent avec leurs fans les rend plus authentiques; il est plus facile de s'identifier à eux, et c'est ce qui distingue YouTube des autres plateformes.
Le Canada compte une collectivité de créateurs très vaste et dynamique sur YouTube qui produisent des contenus attrayants et de grande qualité, appréciés en grand nombre, à l'échelle nationale et dans le monde. Le Canada est l'un des principaux exportateurs de contenu sur YouTube. À l'échelle mondiale, en moyenne, 50 % du temps de visionnement ou d'écoute d'un créateur provient de l'extérieur de son pays, mais pour les créateurs canadiens, plus de 90 % de ce temps provient de l'extérieur du Canada. Ce pourcentage est supérieur à celui de tous les autres pays de la plateforme et démontre que nous produisons du contenu très exportable.
Au cours de la dernière année, le temps de visionnement des chaînes canadiennes a augmenté de 45 %, tandis que les chaînes dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à six chiffres ont connu une augmentation de 24 % par rapport à l'année dernière. Les réussites canadiennes sont nombreuses, et beaucoup de ces créateurs ont connu une croissance suffisamment importante et une notoriété qui leur ont permis d'employer des équipes de gestionnaires d'entreprise, de chercheurs, de caméramans, de monteurs et autres, devenant ainsi de petits studios de production.
Le Canada compte également une vaste collectivité de créateurs émergents — la classe moyenne créative de YouTube —, parmi lesquels de nombreux créateurs québécois, qui produisent principalement du contenu en langue française très populaire sur le marché québécois et francophone.
Les radiodiffuseurs et producteurs canadiens s'associent de plus en plus avec YouTube et exploitent la plateforme pour rejoindre de nouveaux publics internationaux. Nous nous sommes associés au Fonds des médias du Canada sur Encore+, une chaîne YouTube présentant un contenu canadien classique qui n'est plus diffusé, comme The Littlest Hobo — Le Vagabond — et Wayne and Shuster. Nous avons fourni des services de diffusion en direct pour des événements importants, notamment le dernier concert de Tragically Hip, les prix Juno, les prix Écrans canadiens et la journée des Autochtones en direct d'APTN, entre autres, ce qui permet d'étendre la portée de ces moments canadiens. Nous travaillons en étroite collaboration avec ces partenaires pour les aider à maximiser leurs possibilités sur la plateforme.
Merci de votre exposé, qui était très bien, très fluide. Je pense que c'est l'essentiel de votre carrière, car vous le faites très bien.
Pour moi, le membre ignorant de votre public qui écoute vos propos, cela ne fait pas partie de mon monde en particulier, comme c'est le cas pour bien des gens, mais je comprends la plateforme. J'analyse le sens de ce que vous évoquez, et ce à quoi nous nous intéressons, ce sont les artistes de spectacle canadiens. Je vois votre modèle. Si les partenaires s'en tirent mieux, vous faites de même, mais notre préoccupation est de savoir comment faire en sorte que les partenaires canadiens obtiennent de meilleurs résultats.
Je sais que cela vous a déjà été demandé dans une certaine mesure et j'ai entendu votre réponse. J'aimerais que vous reveniez à votre recommandation. Je comprends la transparence, et vous avez confié cette responsabilité à quelqu'un d'autre dans la chaîne d'approvisionnement parce que c'est un aspect que vous perdez de vue.
Revenez à la première partie de votre recommandation. Pouvez-vous la répéter?
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Souvent, les créateurs, les musiciens et les artistes trouvent des moyens de tirer parti des possibilités offertes par cette gamme de plateformes. Là encore, l'accès à un public de 1,9 milliard d'utilisateurs connectés est extrêmement puissant. Cela signifie que vous avez accès à un public mondial et que vous pouvez créer des entreprises viables en procédant à une mise à l'échelle et en trouvant des façons de monétiser ce public.
Toutefois, cela exige une approche très différente de celle traditionnellement adoptée par les artistes. Cela nécessite ce que j'appellerai davantage une approche entrepreneuriale créative: en gros, il s'agit non pas uniquement de créer, d'écrire et d'interpréter la musique, mais également d'entreprendre le large éventail d'activités commerciales nécessaires pour créer presque une marque personnelle que vous exploitez en tant que possibilité de revenus.
En conséquence, les artistes et les créateurs qui ont pu le faire et qui portent tous les chapeaux — qui sont également nos spécialistes du marketing, nos chefs d'entreprise, et ainsi de suite — ont pu obtenir un succès formidable sur la plateforme. Comme je l'ai dit, ils ont été en mesure d'obtenir des commandites et des offres de marque qui peuvent donner lieu à des contrats très lucratifs, à l'intégration de produits, etc.
C'est la principale manière pour les artistes de connaître le succès, car c'est aussi la manière dont ils se diversifient. Comme tout investisseur, vous souhaitez diversifier vos sources de revenus pour vous assurer que si l'une d'elles change, tout va encore bien pour vous. C'est ainsi que la plupart des créateurs vont réussir sur Internet.
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Comme vous travaillez pour Google depuis cinq ans, cela signifie que vous avez commencé en 2012. En 2012, les revenus publicitaires de Google se chiffraient à environ 40 milliards de dollars aux États-Unis. Aujourd'hui, ils représentent plus du double. Les affaires ont été très bonnes, manifestement.
Comme mon collègue l'a dit, vous avez présenté un exposé très fluide. C'est clairement votre travail. Vous travailliez pour une autre entreprise auparavant, effectuiez le même travail, et je comprends la valeur de cela. Il est important que toutes les parties s'expriment.
Des non-professionnels du lobbying sont venus ici pour parler non pas au comité des consommateurs, ni au comité de l'industrie, mais au comité du patrimoine, en pleurant et en disant qu'ils ne peuvent plus gagner leur vie parce que le modèle a changé. D'autres sont venus dire que c'est terrible, parce que les contrats des grandes entreprises sont tellement mauvais qu'ils ne reçoivent pas d'argent. Oui, mais le problème ne se situe pas entre les artistes, les maisons de disques et les diffuseurs; c'est à cause des nouveaux venus dans le système, c'est-à-dire vous et tous les géants du web.
L'exposé que vous avez présenté est évidemment enthousiaste. Tout le monde est sidéré de voir à quel point vous êtes puissant, dynamique et positif. À vrai dire, j'ai même remarqué que Google est l'une des marques les plus appréciées, du côté tant républicain que démocrate. Vous êtes dans une très bonne position.
La réalité, cependant, est que les artistes s'adressent à nous. David Bussières est venu nous voir avec beaucoup de paperasse. C'est un artiste intéressant parce qu'il est créateur et qu'il gère lui-même ses oeuvres. Il a des graphiques sur tout ça, et il vient de faire cette comparaison.
David Bussières nous a dit qu'il avait reçu 150,04 $, soit 0,5 ¢ par visionnement, pour 60 000 visionnements de sa vidéo sur YouTube. À la radio, il reçoit 2,89 $ par utilisation.
Comment expliquez-vous un tel écart? Vous me direz que c'est un modèle différent, mais la réalité est que les gens se tournent vers votre modèle. Comment expliquez-vous que tout le monde est en colère? La seule chose que je puisse dire à quiconque à ce sujet est: « Eh bien, suivez l'argent à la trace. » Où est l'argent? Je sais qu'il est en Californie, mais il s'est tout retrouvé dans vos poches — pas les vôtres, mais celles d'Alphabet.
Vous êtes un homme formidable. Je vous ai rencontré à maintes reprises. On ne peut pas dire que vous n'êtes pas convaincant et que vous n'êtes pas là pour protéger cette croissance technologique exceptionnelle, que nous utilisons tous les jours. Je suis le premier à être sur Google, tout le temps. Toutefois, comment expliquez-vous qu'il existe un tel décalage entre ce que vous dites « Nous faisons tout ce que nous pouvons, c'est incroyable, hourra, hourra, hourra! », et les gens qui viennent ici et pleurent en disant qu'ils ne peuvent pas gagner leur vie en tant que créateurs?
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Cela revient à une simple confrontation avec la réalité. Certes, j'étais là au moment où Galaxie est venue demander des licences pour les morceaux que nous produisions à la maison de disques. J'ai dit: « Si votre produit empêche les gens d'acheter des disques parce que votre service est vraiment fantastique, je vais vous demander plus que le tarif normal que je demande pour la radio. » Je comprends cela.
Force est de constater que, au cours des vérifications comptables concernant les artistes, le talent artistique et toutes les personnes qui y sont associées, on dira: « Eh bien, nous perdons du terrain ». Certains diront: « Eh bien, vous savez, les maisons de disques... » La question n'est pas là; suivez simplement l'argent à la trace.
Quand nous avons eu ces exceptions pour les diffuseurs il y a 20 ans, afin de leur donner une chance avec leur première tranche de 1,5 million de dollars de ventes dans leur petit marché radiophonique, pourquoi avons-nous fait cela? Nous l'avons fait parce qu'ils traversaient des moments difficiles, et les artistes ont dit: « D'accord, nous allons leur donner une chance. » C'est un écosystème, et ils ont vécu des moments difficiles. Maintenant, les radiodiffuseurs prétendent qu'ils n'ont plus de difficulté et ils veulent donc que cette disposition cesse. C'est compréhensible. C'est au sein de la famille, parce que ce sont des choses que nous réglementons, des choses sur lesquelles nous sommes d'accord. Lorsque nous voyons ce qui se passe en Europe avec ce qu'on vient de dire au Parlement européen, par exemple, de vous obliger à conclure des accords équitables avec les artistes, cette position évoque la même réalité en Europe, soit que les artistes meurent de faim.
Comment pouvez-vous expliquer, par exemple, que les revenus de YouTube pour les artistes varient autant? Nous avons des changements, et si je ne me trompe, la moyenne est non pas de 7/1 000 d'un cent, mais de 7/10 000 d'un cent par écoute. Je comprends la situation, mais cela varie quand même pour un million d'écoutes, entre 250 $ et 4 000 $. Comment cela peut-il varier autant? Comment peut-il être possible pour les entreprises de petite taille de suivre cette tendance? Comment peut-on passer de 250 $ à 4 000 $ par million d'utilisations ou d'écoutes? Comment cela peut-il changer à ce point?
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Un moyen consiste à créer de nouvelles fonctionnalités et de nouveaux produits pour aider, en fait, les créateurs et les artistes à diversifier leurs sources de revenus. Encore une fois, je ne peux pas minimiser l'importance de cet aspect, principalement en raison de la variabilité des annonces.
C'est pourquoi nous avons beaucoup investi dans le déploiement d'un produit d'abonnement premium pour les vidéos et YouTube. Un produit d'abonnement premium selon lequel les utilisateurs paient un abonnement mensuel fixe — généralement 10 $ par mois — génère des revenus considérablement plus importants pour les créateurs, et c'est pourquoi nous investissons énormément dans son développement.
En réalité, nous avons lancé YouTube Music Premium il y a seulement quelques mois. Nous nous retrouvons maintenant dans 20 marchés différents environ, et nous cherchons à prendre de l'essor. À mesure que nous entrons sur de nouveaux marchés, les créateurs disposent d'une base d'utilisateurs beaucoup plus vaste, ainsi que de fonctionnalités supplémentaires — l'adhésion à un canal, à titre d'exemple —, comme je l'ai déjà mentionné.
C'est là qu'un créateur de musique — par exemple, un musicien — suscite l'attention de nombreux fans. Disons qu'il a un million d'abonnés; cela peut générer des revenus publicitaires décents, mais comme je l'ai dit, ceux-ci sont très variables. S'il compte un petit nombre d'abonnés, si 1 % de ce nombre est diposé à lui verser 5 $ par mois pour le soutenir, c'est une source de revenus très saine dont il peut se servir pour maintenir son entreprise, ce qui l'aidera ensuite à diffuser son oeuvre artistique auprès des autres membres de son public.
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Voilà une question complexe. Il y a violation du droit d'auteur lorsqu'une personne porte atteinte à l'un des droits exclusifs conférés par la loi, à savoir le droit de reproduction, le droit de communication au public, etc.
Ce qui constitue ou non une violation du droit d'auteur dépend des circonstances particulières, et c'est ce qui rend le droit d'auteur très complexe à gérer. Même s'il existe un exemple de copie — une personne s'est approprié l'oeuvre de quelqu'un d'autre et l'inclut, par exemple, dans une vidéo —, il existe également des raisons très légitimes pour lesquelles elle est autorisée à le faire, car il existe diverses exceptions ou limitations en vertu du droit d'auteur, notamment l'utilisation équitable, par exemple, qui permet des utilisations limitées de l'oeuvre; il existe également un certain nombre d'exceptions expressément énumérées en vertu de la loi.
Ensuite, même si, à première vue, il s'agit d'une violation du droit d'auteur, qu'elle relève ou non des exceptions, cette violation dépend beaucoup du contexte. Partant, le droit d'auteur peut être très difficile à juger.
Un parfait exemple est le système Content ID. Là encore, il s'agit d'un outil de gestion du droit d'auteur extrêmement puissant. Il est très efficace pour détecter les copies d'une oeuvre qui a été téléchargée et qui nous a été fournie en tant que fichier de référence, puis pour appliquer automatiquement une politique sélectionnée par le détenteur des droits — bloquer, monétiser ou suivre à la trace.
Le système ne le fait pas d'une manière très nuancée. Le détenteur des droits nous dit comment il veut que l'outil soit mis en place. Il peut l'établir dans un territoire à la fois. Il peut le configurer de sorte que vous puissiez utiliser l'oeuvre pendant cinq secondes, mais pas pendant 30 secondes; l'outil ne peut cependant pas déterminer si une exception s'applique ou non.
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Je pense que vous avez frappé dans le mille. C'est souvent l'approche que nous observons chez les créateurs qui ont du succès et qui sont en mesure de tirer adéquatement profit des plateformes et de les transformer en entreprises importantes au fil du temps.
Encore une fois, il s'agit d'une approche de création axée sur l'entrepreneuriat, qui consiste à mettre la plateforme à profit. Oui, elle vous procure un certain revenu, mais elle permet en fait d'établir le public mondial, dont vous tirez profit en tenant des événements comme des spectacles, concluant des contrats avec des marques et des commanditaires, en publiant un livre ou en offrant des produits dérivés. Ainsi, on peut obtenir une entreprise durable qui a du succès.
Ce sont les exemples que nous voyons sans cesse. Si vous voulez un exemple, How To Cake It est une chaîne qui connaît du succès; elle compte parmi celles qui en ont le plus sur YouTube. Cette émission passait à la télévision, mais on l'a annulée, et on l'a transférée sur YouTube. On utilisait une stratégie de commerce électronique complète: on produisait des vidéos hebdomadaires, mais on appliquait également une stratégie de commercialisation de produits, de commerce électronique, qu'on mettait en œuvre, puis on a essentiellement obtenu des millions d'abonnés en une période de six mois. C'est parce qu'on a pleinement mis à profit et compris le pouvoir de la plateforme et qu'on l'a transformée en un flux de revenu approprié.
Ce qui est fondamental, c'est d'avoir des entrepreneurs créatifs comme ceux auxquels vous avez parlé — et comme ceux dont je parle —, et de trouver des façons de les faire intervenir auprès d'autres artistes qui ont plus de difficultés sur la plateforme, afin de déterminer où se situent les occasions pour eux de croître et de tirer des avantages, de fonctions supplémentaires que nous intégrons essentiellement dans la plateforme afin de les aider à obtenir des flux de revenu supplémentaires.
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Merci de m'avoir rafraîchi la mémoire.
À de nombreux égards, encore une fois à cause de l'approche que nous adoptons, nous considérons vraiment qu'un grand nombre de ces problèmes relèvent fondamentalement de l'aspect opérationnel. Ces défis sont liés à la nature des marchés et à ce que les utilisateurs sont disposés à payer, à tolérer. Il faut établir comment nous pouvons les encourager à acheminer plus d'argent à l'industrie, afin que l'écosystème soit durable, parce que, encore une fois, notre modèle de partenariat suppose que notre succès dépend du leur.
Dans ce cas-là, nous ne considérons pas nécessairement qu'une intervention législative relative au salaire soit la première chose à faire, car il s'agit d'un instrument très compliqué et encombrant qui pourrait avoir de nombreuses conséquences imprévues, et c'est en grande partie ce qui suscite nos préoccupations à l'égard de ce qui a été proposé dans l'Union européenne.
Je pense que, si on examine la situation du point de vue des politiques, si on veut trouver des moyens qui ne sont pas législatifs d'encourager les parties à se rassembler, selon moi, le rôle de facilitateur en est un que le gouvernement peut jouer en dehors du domaine législatif. Vous êtes le médiateur honnête qui peut rassembler les parties afin qu'elles tiennent des discussions dans le but de trouver des solutions et de déterminer la meilleure approche à adopter dorénavant. À de nombreux égards, je pense qu'il s'agit d'une solution logique.
En outre, comme je l'ai dit, des problèmes se posent en ce qui a trait à la transparence, surtout en ce qui concerne la pleine visibilité de chaque artiste aux endroits d'où provient le flux de revenu, lesquels ne sont pas nécessairement connus des artistes, dans bien des cas. Tout ce qu'ils savent, c'est qu'ils reçoivent un chèque à la fin du mois.
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Merci, madame la présidente.
C'est la première fois que je siège au Comité du patrimoine. Je suis habituellement au comité de la santé. Durant les trois années où j'y ai siégé, nous avons discuté de maladies rares, de résistance antimicrobienne, de diabète et de commotions cérébrales, alors ma présence aujourd'hui et le fait d'écouter vos exposés est une bouffée d'air frais.
C'est un peu ironique, parce que ma famille participe beaucoup à la promotion de la musique, à Calgary. Nous avons une émission de télévision, Stampede City Sessions. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler ou pas. Elle est diffusée partout sur la côte nord-ouest du Pacifique ainsi qu'à Memphis et à Nashville, au Tennessee. Quand nous produisons une émission, nous faisons venir des talents locaux afin qu'ils jouent à notre centre des arts d'interprétation. Nous faisons venir des talents — qu'ils viennent de la région, d'ailleurs au Canada ou de n'importe où dans le monde —, et nous les faisons connaître. Nous sommes très fiers du fait que nous aidons ces jeunes personnes et groupes de musique à prospérer.
Comme j'ai appris à connaître certains des artistes, je sais qu'ils adorent vraiment YouTube. C'est ainsi qu'ils commercialisent leur talent. Sans vos services, sans la chaîne Spotlight que vous avez mentionnée, et sans Creator on the Rise et toutes ces émissions différentes, ils auraient certainement de la difficulté, bien plus qu'ils n'en ont actuellement. Songez à une personne comme Justin Bieber. Il a commencé sur YouTube, n'est-ce pas? N'est-ce pas là qu'on l'a découvert?
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Je vous remercie, madame la présidente, et je remercie les vice-présidents, les députés, le greffier et les membres du personnel du Comité de me donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur les modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs, dans le contexte du droit d'auteur.
Je m'appelle Frank Schiller. Je comparais à titre de conseiller canadien pour Border Broadcasters, Inc., une société de gestion des droits d'auteur sans but lucratif représentant 26 stations de télévision locales américaines par ondes hertziennes, y compris des filiales d'ABC, de la CBS, de la NBC et de Fox situées un peu partout en bordure de la frontière qui sépare le Canada des États-Unis.
Dans le cadre de votre étude, j'espère informer votre comité et obtenir son soutien sur trois fronts.
Premièrement, j'espère vous permettre de mieux comprendre en quoi les régimes de retransmission et de droit d'auteur canadiens actuels sont fondamentalement injustes, non seulement pour les stations frontalières américaines, mais aussi pour les téléspectateurs des radiodiffuseurs canadiens.
Deuxièmement, j'exhorte votre comité à appuyer et à recommander le consentement à l'égard de la retransmission pour qu'il devienne le nouveau modèle de rémunération canadien offert aux radiodiffuseurs locaux de contenu par ondes hertziennes, y compris les stations frontalières américaines, afin qu'ils puissent recevoir les nouveaux revenus commerciaux dont ils ont cruellement besoin pour créer des industries.
Troisièmement, j'encourage le Comité à recommander que les modifications législatives nécessaires soient apportées à la Loi sur le droit d'auteur afin de faciliter la mise en oeuvre de ces nouveaux modèles de rémunération ainsi que d'assurer l'équité et un traitement non discriminatoire dans l'avenir.
Les signaux locaux et éloignés et les émissions provenant des stations frontalières américaines font partie des services de télévision payante réglementés du Canada. On s'approprie les signaux provenant de ces stations, on les inclut dans des forfaits de chaînes et on les vend aux abonnés canadiens de la télévision par câble et par satellite sur tous les marchés de l'ensemble du pays. C'est le gouvernement du Canada qui permet à ces stations américaines de figurer sur la liste et d'être autorisées à des fins de distribution au Canada. Ce qui est remarquable, c'est que cela se produit sans que les propriétaires des stations américaines soient mis au courant ou consultés, et sans qu'on ait obtenu leur consentement dans le processus. Ces pratiques canadiennes sont discriminatoires et fondamentalement injustes à l'égard des stations américaines. Par conséquent, les propriétaires de ces stations dont le contenu est retransmis au Canada subissent des préjudices et dommages économiques démontrables des points de vue du droit d'auteur, de la publicité et du consentement, en ce qui a trait aux possibilités de rémunération.
Le Canada importe des signaux et des émissions de télévision des États-Unis depuis plus de 50 ans. Au départ, ces pratiques et politiques avaient pour but d'offrir une aide directe aux industries canadiennes alors naissantes du câble et du satellite. Le modèle d'affaires était simple: prendre gratuitement du contenu des stations de télévision américaines et le vendre aux abonnés à la télévision payante canadienne.
À mesure que la technologie est passée du câble au satellite, puis au numérique, le nombre de stations américaines figurant sur la liste relative aux retransmissions au Canada a augmenté de façon exponentielle; nous sommes passés de l'ensemble initial de trois chaînes américaines à une liste qui contient maintenant de multiples ensembles de ce qu'on appelle les « 4+1 » américains, en plus des superstations, et ce n'est pas tout. L'abonné canadien moyen est maintenant susceptible de recevoir de 8 à 15 stations américaines par ondes hertziennes dans son forfait.
Ce n'est qu'au début des années 1990 que les stations américaines sont même devenues admissibles à recevoir des redevances sur les droits d'auteur touchant leurs émissions diffusées au moyen de signaux éloignés retransmis au Canada. C'était grâce aux efforts déployés dans le cadre de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis dans le but qu'une rémunération correspondant à celle qui était prévue dans la U.S. Copyright Act de 1976 soit touchée.
Trente ans plus tard, les stations de télévision américaines attendent encore d'être traitées de façon non discriminatoire au Canada. Le pays n'exige aucun rapport, aucun audit ni aucun avis lorsque des distributeurs canadiens sont autorisés à créer des forfaits et à vendre des chaînes américaines figurant sur la liste à des abonnés à la télévision canadienne. En conséquence, les stations américaines ne peuvent pas déterminer raisonnablement où et quand leurs signaux de radiodiffusion numérique et leurs émissions sont vendus aux Canadiens.
Le Canada accepte des données inexactes et incomplètes concernant les visionnements canadiens de contenu retransmis de stations américaines, et cette situation cause également des préjudices économiques aux propriétaires de stations américaines.
Par exemple, en 2010, les mesures du nombre de visionnements à la télévision ont changé au Canada et ont entraîné une sous-représentation importante des stations frontalières américaines. En même temps, le Canada a modifié sa réglementation sur les signaux éloignés. L'incidence immédiate a été la sous-déclaration importante des taux de visionnement canadiens de contenu de stations américaines. Par conséquent, les redevances pour droits d'auteur versées aux stations frontalières américaines ont été réduites rétroactivement de 64 %. La responsabilité de Border Broadcasters, Inc. a été engagée à hauteur de plus de 8 millions de dollars, ce qui est tout à fait injuste.
L'intérêt public et l'application de saines politiques publiques appuient la remise immédiate de ces redevances pour droits d'auteur que Border Broadcaster, Inc. a injustement dû verser à la suite de ce rajustement rétroactif. Il vaut également la peine de souligner que les stations locales ne reçoivent aucune redevance pour droit d'auteur dans le cas de la retransmission de signaux locaux au Canada, et ce problème peut facilement être corrigé par une petite modification de la Loi sur le droit d'auteur.
Il existe de nombreux autres exemples d'iniquité pour les stations américaines sous le régime du droit canadien, notamment en ce qui concerne l'avènement des services en HD. Là où je veux en venir, c'est que le système de droits d'auteur du Canada n'assure pas le traitement non discriminatoire des stations américaines. Il y a quelque chose de fondamentalement inacceptable dans le processus relatif à la liste canadienne qui permet au gouvernement du Canada de décider quels signaux de radiodiffusion peuvent être transmis, sans avis niconsentement, même dans les cas où les signaux ne sont pas accessibles par voie hertzienne au Canada.
L'iniquité n'est qu'exacerbée par le fait que les exploitants canadiens de câble et de satellite modifient volontairement les signaux américains en couvrant les publicités, en retirant du contenu comme des sous-titres pour malentendants ou en insérant des publicités par-dessus les retransmissions. Le Canada n'a pas besoin d'un accord commercial international pour réformer ses procédures en la matière et remédier à un processus intrinsèquement vicié et injuste.
En 1992, le Congrès des États-Unis a établi un régime de consentement à la retransmission destiné aux stations américaines. Les stations locales peuvent négocier une compensation pour la retransmission de leurs signaux par des distributeurs de câble et d'autres services de télévision payante. Ces frais de consentement à la retransmission sont maintenant des sources vitales de revenu pour les stations locales, qui en dépendent pour investir dans des infrastructures de radiodiffusion numérique modernes, offrir un service étendu de nouvelles locales et établir des systèmes d'alertes d'urgence.
De nouveaux revenus commerciaux tirés d'un régime de consentement intégré aux processus canadiens d'autorisation et d'établissement de la liste, en plus du versement non discriminatoire de redevance pour droit d'auteur, profiteront également aux stations locales canadiennes et aux téléspectateurs. La radiodiffusion canadienne profitera des nouvelles recettes commerciales qui compenseront les pertes croissantes, d'année en année, qu'essuient les radiodiffuseurs conventionnels privés du Canada, qui ont subi plus de 700 millions de dollars de pertes au cours des cinq dernières années. En comparaison, l'expérience américaine confirme que les stations de télévision locales peuvent générer des profits. Des études récentes soulignent également que, sur la plupart des marchés de petite et moyenne taille, ce sont les stations de télévision locales qui sont les principales créatrices et génératrices de nouvelles locales en ligne.
Maintenant que la transition vers le numérique est terminée et que la multidiffusion en haute définition est offerte, les stations américaines se préparent à l'arrivée d'une nouvelle norme en matière de radiodiffusion numérique, ATSC 3.0. Cette avancée comprend la prestation de services numériques de la prochaine génération à des récepteurs fixes et mobiles, ce qui combinera harmonieusement la diffusion à large bande et la diffusion par voie hertzienne.
Dans le cadre du régime actuellement injuste du Canada, les abonnés à la télévision canadienne doivent payer des frais de télévision plus élevés, l'offre de nouvelles locales et de services numériques est réduite, et l'expérience télévisuelle est inférieure. Les Canadiens paient pour de coûteuses reproductions de la programmation américaine dans leur forfait de chaînes de télévision, qu'ils regardent ces émissions ou pas. Ce sont les régimes de droit d'auteur et de retransmission du Canada qui fournissent l'incitatif économique motivant l'offre exagérée de services américains par des distributeurs canadiens à des abonnés canadiens. En même temps, l'infrastructure de radiodiffusion locale du Canada n'est pas convertie de l'analogue au numérique sur tous les marchés. Par conséquent, l'accessibilité de la télévision en haute définition gratuite par voie hertzienne est réduite pour certains Canadiens.
Enfin, le coût de ces recommandations, y compris l'établissement de nouveaux modèles de rémunération et d'un régime de droit d'auteur équitable, pour les abonnés à la télévision payante canadienne, est susceptible d'être négligeable, et ces changements pourraient même entraîner une réduction des frais de télévision payante, en fonction des forfaits de chaînes et de la mise en oeuvre.
La télévision locale nous ressemble. La télévision transfrontalière reflète nos valeurs communes, unit les communautés d'intérêt et met en valeur la diversité de nos émissions. Les stations frontalières locales américaines ont joué un rôle important au chapitre du renforcement et de l'approfondissement de la relation entre le Canada et les États-Unis. Si vous éliminez l'iniquité fondamentale qui sous-tend les régimes de retransmission et du droit d'auteur du Canada et que vous adoptez le consentement à la retransmission, votre comité offrira de nouvelles possibilités de rémunération aux créateurs, y compris ceux de nouvelles locales, et cela profitera aux téléspectateurs, aux collectivités, aux créateurs et aux radiodiffuseurs locaux des deux côtés de la frontière.
Merci.
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Bonjour. Je m'appelle Catherine Jones, et je suis la directrice exécutive de Connect Music Licensing.
J'ai la chance de travailler dans l'industrie musicale depuis 25 ans. J'ai travaillé dans une maison de disques et pour un radiodiffuseur et, maintenant, je suis chez Connect. J'ai été directement témoin du changement sismique qui s'est produit depuis l'aube de l'ère numérique. À l'époque de mes débuts, à Universal Music Canada, je me souviens de la première fois que nous avons reçu un courriel — interne d'abord, puis externe. C'était le début d'une série de changements qui allaient modifier fondamentalement la façon dont les musiciens et les maisons de disques sont payés pour leur travail et leurs investissements. En conséquence de ces changements et de leurs effets sur l'industrie, j'ai traversé cinq restructurations majeures, et je m'en suis tiré dans quatre cas.
À Connect, nous représentons plus de 2 700 titulaires de droits relatifs à des enregistrements sonores au Canada. Nos membres proviennent de l'ensemble de l'industrie musicale canadienne, et nous travaillons avec une multitude de créateurs, des artistes-entrepreneurs solitaires qui s'autoproduisent et qui vendent eux-mêmes leurs oeuvres, aux plus grandes maisons de disques du Canada, en passant par les principales maisons de disques indépendantes du pays.
La mission que nous menons au nom de nos membres consiste à obtenir un rendement d'une valeur maximale lorsque leurs enregistrements sonores sont utilisés par d'autres à des fins commerciales. Cette utilisation comprend la distribution de redevances pour des représentations publiques ou des enregistrements publics, la négociation d'accords de licences avec des utilisateurs de musique du monde commercial et la perception de droits de licences auprès des personnes qui effectuent des reproductions des enregistrements sonores de nos membres. Nous délivrons des licences notamment à des services comme Stingray, à des fournisseurs de musique de fond, à des radiodiffuseurs et télédiffuseurs, à des services de musique en ligne. Comme iHeartRadio, et à de nombreux autres intervenants.
Pour vous donner des précisions sur le changement sismique que j'ai mentionné plus tôt, les nouvelles technologies ont changé les façons d'accéder à la musique, de la consommer, d'en rendre compte et de payer pour l'utiliser. Connect s'est adaptée dans le but de générer la plus grande valeur pour ses membres — qui se sont aussi en grande partie adaptés —, puisque nos façons d'écouter la musique et d'interagir avec elle ont évolué.
Il y a deux ans, Connect a procédé à un remaniement radical de ses activités avec ses partenaires de Ré:Sonne, lequel a entraîné une réduction de nos frais d'administration de 28 %, ce qui a augmenté de 1,2 million de dollars ces redevances qui sont versées annuellement aux membres de Connect. Dans le cadre de ce remaniement, nous avons recensé et éliminé les processus redondants et mis en oeuvre un moyen plus simple et plus direct de lier directement les identificateurs que nous fournissent nos membres à l'égard de leurs enregistrements avec les données que reçoit Ré:Sonne des utilisateurs de musique à des fins commerciales. Ce processus génère davantage de revenus pour nos membres, et il accélère le traitement et augmente le montant de leur chèque de paye lorsque leur musique est utilisée.
Nous sommes une société de gestion des licences de musique leste et souple qui s'engage à appliquer les pratiques exemplaires internationales, et nous faisons notre possible pour qu'une plus grande part de chaque dollar que nous percevons retourne dans les poches des créateurs de musique, selon notre cadre de droits d'auteur actuel. La réalité pour nos membres, c'est qu'à l'intérieur de ce cadre, il existe un énorme écart entre la valeur de leur musique et ce qui leur est remis par ceux qui utilisent leur musique à des fins commerciales et en tirent des profits.
On appelle cette disparité l'écart de valeur, terme que vous avez tous appris à connaître très bien dans le cadre de cette étude des modèles de rémunération pour les artistes et les créateurs. L'écart de valeur ne découle pas du défaut de s'adapter de l'industrie musicale ou de l'artiste; il est plutôt la conséquence de dispositions législatives mal appliquées et désuètes en matière de droits d'auteur qui n'ont pas suivi la cadence des changements technologiques.
Pour vous donner une idée de l'ampleur des préjudices causés par l'écart de valeur, de 1999 à 2013, les revenus mondiaux générés par la musique ont diminué d'environ 70 % en valeur réelle. Au Canada, de 1997 à 2015, les revenus tirés de la musique ont chuté jusqu'à atteindre un cinquième seulement de ce qu'ils auraient été s'ils avaient suivi la cadence de l'inflation et de la croissance réelle du PIB. Ce n'est que maintenant, depuis trois ans, que l'industrie observe une croissance modeste.
Andrew Morrison, du groupe The Jerry Cans, et l'artiste et propriétaire de maison de disques Miranda Mulholland, tous deux membres de Connect, ont déjà comparu devant le Comité et présenté un aperçu direct de leurs réalités économiques. Ils ont de plus en plus de difficultés à compter sur la valeur de leurs enregistrements musicaux pour assurer leur stabilité financière. Ils craignent la disparition du musicien de la classe moyenne.
Toutefois, le Comité pourrait recommander que soient apportées à la Loi sur le droit d'auteur des modifications qui amélioreraient immédiatement l'écosystème musical pour les membres de Connect.
La première serait que l'on retire l'exemption de 1,25 million de dollars s'appliquant aux redevances radiophoniques. Depuis 1997, les stations de radio commerciales ne sont tenues de payer que 100 $ de droits de représentation sur leur première tranche de 1,25 million de dollars de revenus publicitaires. Cette exemption datant d'il y a 20 ans est désuète, inéquitable, et, en 2018, entièrement injustifiée. Je crois savoir que cette recommandation a suscité pas mal de tension au sein du Comité, alors je voudrais fournir certaines précisions.
Nous avons entendu les préoccupations soulevées par les stations de radio communautaires durant la séance de la semaine dernière. Je tiens à préciser que, ce qui a été proposé par les groupes de l'industrie musicale et par les artistes n'aurait aucun effet sur les stations de radio communautaires. Elles ne sont pas visées par l'exemption de 1,25 million de dollars. De fait, elles sont entièrement exemptées, séparément, de redevances, à l'exception d'un paiement forfaitaire. Nous sommes favorables au maintien de l'exemption s'appliquant aux stations de radio communautaires, qui exige qu'au total, 100 $ de redevances soient versés par ces stations annuellement aux maisons de disques et aux interprètes. Cela dit, les plus grandes entreprises médiatiques ayant une présence verticale au Canada — les sociétés commerciales qui profitent de l'exemption pour chaque station de radio qu'elles possèdent — n'ont plus besoin d'être subventionnées par les musiciens et les maisons de disques.
Le deuxième changement consisterait à modifier la définition du terme « enregistrement sonore » dans la Loi sur le droit d'auteur. La définition actuelle de ce terme ne comprend pas le versement aux interprètes et aux maisons de disques de droits de représentation lorsque les enregistrements sont diffusés dans des bandes sonores de films et d'émissions de télévision.
Miranda Mulholland a brièvement résumé ce problème lors de son témoignage devant ce comité avec son exemple de Republic of Doyle. Bien que l'on peut l'entendre jouer du violon dans presque chaque épisode de la série, et bien que ce programme soit distribué sous licence dans de nombreux marchés internationaux, elle n'a reçu qu'un seul cachet négocié par le syndicat pour chaque séance d'enregistrement.
Comparons cela avec le cas du compositeur de musique à l'image Ari Posner, qui représente la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l'image et qui a affirmé au Comité la semaine dernière qu'il n'était pas en mesure de vivre uniquement de ses cachets, et qu'il dépend des redevances pour la représentation publique de ses compositions afin de payer ses factures et de subvenir aux besoins de sa famille.
Nous recommandons simplement que les interprètes et les maisons de disques aient les mêmes droits que les compositeurs et les diffuseurs lorsque leur travail pour un film ou pour la télévision est diffusé ou interprété.
De plus, nous recommandons également la création d'un fonds pour les copies à usage personnel. Cela permettrait aux détenteurs des droits d'enregistrement, ainsi qu'aux interprètes, aux compositeurs et aux diffuseurs, d'être indemnisés équitablement pour la reproduction non commerciale de leurs enregistrements, sans générer de coûts supplémentaires pour les consommateurs.
J'enseigne l'attribution de licences et le droit d'auteur au Humber College à Toronto. Je présente la Loi sur le droit d'auteur à mes étudiants en leur expliquant que chaque chanson qu'ils écoutent à la radio, en diffusion continue, sur un vinyle ou sur disque compact comprend deux droits d'auteur distincts qui forment un tout.
L'un d'entre eux est destiné à la composition des paroles et des notes de la chanson; l'autre est destiné à l'enregistrement sonore, ou à la chanson, et appartient à la personne qui produit l'enregistrement ainsi qu'aux musiciens. Dans presque tous les usages de la musique, les deux droits sont traités de façon égale — pour le téléchargement et la diffusion en continu, par exemple —, mais pour le cinéma et la télévision, et avec l'exemption s'appliquant aux redevances versées par les radios, ce n'est pas le cas. Ces dispositions ont pour conséquence que nos membres financent les entreprises de média de masse qui siphonnent une partie de la valeur de leur musique.
Au nom des membres de Connect, je vous demande d'examiner attentivement ces recommandations afin de diminuer l'écart de valeur au Canada.
Merci.
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Merci, madame la présidente.
Merci aux membres du Comité.
Je m'appelle Mathieu Dagonas et je suis le directeur exécutif des Documentaristes du Canada.
Documentaristes du Canada est la voix collective des documentaristes indépendants au pays, un organisme national sans but lucratif du secteur des arts qui représente plus de 800 réalisateurs, producteurs et artisans provenant de toutes les provinces et régions du pays et oeuvrant dans le domaine du documentaire.
Documentaristes du Canada milite pour ses membres afin d'encourager la mise en place d'un environnement qui favorise la production de documentaires et travaille à renforcer ce domaine au sein de la vaste industrie de production cinématographique et télévisuelle. Ce faisant, Documentaristes du Canada cherche à s'assurer que les auditoires canadiens et étrangers ont accès à une programmation de haute qualité et originale qui met en lumière les événements survenus au pays, et reflète le mode de vie et les valeurs du Canada.
D'ailleurs, il y a 25 ans, nous avons fondé le plus grand festival du documentaire au Canada, Hot Docs, ainsi que la plus importante revue canadienne du milieu du documentaire, POV.
Les Canadiens peuvent être fiers du système de radiodiffusion qui a été construit depuis les 80 dernières années. Il a encouragé et soutenu des diffuseurs publics et privés prospères. Ce système a soutenu la création d'une industrie de production respectée. Plus encore, il a su refléter les valeurs canadiennes et raconter des histoires qui nous sont propres à des auditoires d'ici et de partout dans le monde.
Cependant, le système a grandement besoin d'être mis à jour, comme vous avez pu le remarquer au cours du présent processus. Aux yeux de Documentaristes du Canada, les dispositions stratégiques clés prévues à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion demeurent valides. Pour ce comité, la condition stratégique suivante:
tous les éléments du système doivent contribuer, de la manière qui convient, à la création et la présentation d’une programmation canadienne
s'avère particulièrement pertinente.
Les politiques conçues par le gouvernement et le CRTC afin d'assurer la création d'une programmation canadienne de qualité ont également bien fonctionné.
À l'ère numérique, cependant, il manque un élément important, lequel, j'en suis sûr, vous est familier. Alors que l'auditoire se tourne massivement vers les nouveaux services de diffusion continue, nous n'avons aucune politique en place pour nous assurer que ces services, étrangers et canadiens, contribuent de façon appropriée à la création d'une programmation canadienne de qualité.
Dans le temps de la télévision analogique, le CRTC assurait une contribution indirecte de la part des stations américaines en bordure de la frontière canadienne et des réseaux spécialisés grâce à ses règles de substitution simultanées. Les réseaux spécialisés étrangers ont contribué à l'abonnement aux distributeurs par satellite et par câblodiffusion canadiens qui sont obligés d'offrir une prépondérance de chaînes canadiennes.
Les services de diffusion en continu, cependant, sont actuellement exemptés des règlements et ne contribuent aucunement au système canadien. L'exemption du CRTC de 1999 relative aux services de diffusion par Internet était fondée sur la conclusion que l'octroi de licences pour de tels services ne contribuerait aucunement de façon matérielle — croyez-le ou non — aux objectifs visés par la loi. Ce qui était vrai à ce moment-là ne l'est certainement plus maintenant.
Documentaristes du Canada se réjouit que le CRTC, dans son récent rapport au gouvernement, reconnaisse la situation. Je ne ferai pas la lecture de la citation en entier, je n'en lirai qu'une partie. Le CRTC affirme ce qui suit:
[…]si des modifications législatives sont apportées, elles devront clairement et explicitement assujettir à la législation et intégrer dans le système de la radiodiffusion tout service audio ou vidéo offert en sol canadien ou percevant des revenus de la part de Canadiens. Cela devrait s’appliquer aux services traditionnels ou nouveaux, qu’ils soient canadiens ou non. De plus, toute législation, nouvelle ou révisée, devra être fondée sur le principe qu’il faut s’assurer que les Canadiens ont toujours accès à du contenu audio et vidéo de haute qualité, créé pour et par des Canadiens, ainsi qu’au meilleur contenu à l’échelle mondiale, à partir de n’importe quelle plateforme, appareil ou technologie qu’ils souhaitent utiliser. Ce principe est essentiellement semblable à un grand nombre des objectifs actuels de la Loi sur la radiodiffusion, mis à jour pour mieux illustrer l’avenir de la distribution du contenu au Canada.
Il s'agit actuellement de l'un des plus gros défis pour les décideurs, et je n'envie pas votre position. Il s'agit également de la politique présentant les plus grands avantages éventuels pour les producteurs canadiens et reposant le plus sur le travail du Comité.
S'il est possible de parvenir à obtenir une contribution appropriée de la part des services de diffusion en continu et un cadre en matière de droit d'auteur qui soit équitable, les producteurs de documentaires canadiens seront en mesure de négocier une rémunération équitable pour leurs programmes en utilisant la combinaison existante d'investissements du secteur privé, de politiques fiscales, de redevances et de fonds publics et privés.
Nous envisageons d'autres options afin d'assurer la rémunération équitable des artistes. En termes simples, il s'agit de faire grossir le gâteau. Je suis conscient que je m'éloigne du sujet ici, mais ces options incluent: un investissement dans Téléfilm Canada de 50 millions de dollars, soutenu et proposé par la CMPA il y a quelques semaines; un retour du FCFVI —il s'agit d'un sujet que le ministre connaît bien, et d'une avenue avec laquelle Documentaristes du Canada s'engage à travailler avec les membres du Comité — ce fonds qui a été brusquement annulé en 2009 et qui aidait à faire connaître les histoires des francophones, des personnes des milieux ruraux et des Autochtones, qui sont rarement mises en lumière; et une rémunération équitable pour un travail égal, pour qu'on puisse s'assurer que le système empêche les diffuseurs de ne payer qu'une fraction du travail offert sur les plateformes numériques, lequel permettrait au créateur de toucher un salaire décent s'il avait été réalisé pour la télévision, par exemple.
Finalement — et c'est plus étroitement lié à la portée du travail du Comité aujourd'hui —, la Loi sur le droit d'auteur permet l'utilisation d'oeuvres visées par des droits d'auteur — trames sonores de film et oeuvres littéraires audiovisuelles — pour des utilisations précises sans obtenir la permission du propriétaire ni payer de redevances. Ces utilisations incluent la recherche, l'étude personnelle, la pédagogie, la parodie, la satire, la critique ou la réalisation de reportages.
En fait, nous sommes à la fois utilisateurs et détenteurs des droits. Cette règle, appelée « l'exception d'utilisation équitable », est souvent utilisée par les documentaristes et est nécessaire pour la représentation d'une réalité qui soit plus complète et plus véridique dans notre domaine. Bien que son application pratique ne soit pas parfaite, nous croyons que cette disposition doit rester intacte après cet examen.
Merci de votre attention. Je serai heureux de répondre à toute question.
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Oui, c'est une grande question.
Je crois que cela dépend du cinéaste. Assurément, certains cinéastes se sont adaptés plus rapidement à l'évolution du contexte, alors que d'autres comptent sur les diffuseurs pour qu'ils continuent à commander leurs oeuvres. Vu le déclin du nombre de diffuseurs et d'acheteurs dans le marché, les fonds diminuent.
J'ai parlé du fait que le gâteau rapetisse et du fait qu'il faut inciter le gouvernement à le faire grandir. Je crois que c'est important, pour que le marché soit plus concurrentiel et qu'on compte davantage de documentaristes, parce que, encore une fois, la demande pour des oeuvres de ce genre a augmenté, pas seulement au Canada, mais, comme vous le savez, en raison de Netflix et d'autres diffuseurs. Nous avons commandé un sondage, et les résultats ont montré que les gens regardent des documentaires au moyen de nombreuses différentes plateformes, mais que Netflix arrive au premier rang. À la lumière de ces résultats, encore une fois, nous sommes d'avis qu'il y a du travail à faire sur le plan de l'utilisation équitable et aussi sur le plan numérique. Les documentaristes sont souvent des artistes qui ont très peu de moyens — je crois que vous l'aviez mentionné précédemment —, et c'est pourquoi ils ne sont pas en position de négociation équitable face à un acheteur ou un diffuseur et ne peuvent pas obtenir un prix pour leur oeuvre qui, selon eux, correspond à un salaire suffisant. Ils sont désavantagés quand ils essaient de vendre leurs oeuvres.
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Monsieur Schiller, je suis assez surpris que le point de vue des stations frontalières américaines s'inscrive dans le contexte de l'étude du droit d'auteur.
Honnêtement, je ne m'attendais pas à cela. J'étais un peu au courant de cet espèce de piratage avalisé. Je croyais que c'était un enjeu qui allait être traité plutôt dans la Loi sur la radiodiffusion canadienne. Expliquez-moi quel est l'enjeu? Comment se fait-il que cela se retrouve dans l'étude sur le droit d'auteur?
Pour rendre les choses plus simples, disons que j'ai un forfait quelconque de câblodistribution et qu'on me fait une proposition. Je suis abonné à ABC, CBS et je ne sais quel autre réseau américain.
J'ai grandi en écoutant WPTZ Plattsburgh. Je me souviens très bien de Channel 8. Cela venait du câblodistributeur. Nous recevions donc le signal américain des stations frontalières.
Si j'ai bien compris ce que vous me dites, le signal nous était transmis sous prétexte qu'il était disponible localement avec une antenne. Nous pouvions donc prendre ce signal, TVA, Radio Canada, CBC et, dans la région de Montréal, CTV. Finalement, c'est ce qui légitimait la prise du signal.
En quoi cette situation est-elle liée au droit d'auteur?