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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 082 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 1er novembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Bonjour. Conformément à l'article 108(2), le Comité du patrimoine canadien fait une étude sur les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques.
    Nous entendrons deux témoins au cours de la première heure de la séance, soit de 15 h 30 à 16 h 30. Nous accueillons Me Don Hutchinson, qui est auteur et qui comparaît à titre personnel. Nous accueillons également M. Cecil Roach, surintendant en coordination de services d'éducation, d'équité et communautaires au conseil scolaire de district de la région de York.
    Vous disposez de 10 minutes chacun. Je vous ferai signe lorsqu'il vous restera deux minutes de sorte que vous puissiez conclure. Nous vous poserons des questions par la suite.
     C'est Me Hutchinson qui commence. Allez-y, s'il vous plaît.
    Madame la présidente, je vous remercie de me donner l'occasion de participer à vos travaux. Mes observations sont dans le mémoire que je vous ai soumis, et je crois comprendre qu'il vous a été fourni la semaine dernière.
    Au Canada, la discrimination contre la religion ne vise pas qu'une seule communauté religieuse, et le degré d'importance que l'on accorde aux incidents antireligieux ne peut dépendre simplement de la communauté religieuse ciblée.
    Bien qu'il soit malheureux que la motion 103 ne soit axée que sur une communauté religieuse, elle a provoqué un débat national et a donné à votre comité un mandat qui va au-delà des préoccupations d'une communauté religieuse ou au sujet d'une communauté religieuse.
    Je ne prononcerai pas sur l'utilisation du terme « islamophobie », qui est incertain, sauf pour dire qu'à mon avis, le Comité devrait se pencher sur la question des mauvais traitements subis par des croyants, peu importe de quelle communauté religieuse il s'agit. L'islam n'est pas une race. Les musulmans, comme les membres d'autres communautés religieuses appartiennent à différentes races. Mes observations porteront sur certaines questions liées à l'étude du Comité, soit les mauvais traitements que subissent des gens en raison de leur religion et la réduction de la discrimination systémique fondée sur la religion.
    Le Canada est un pays dont l'histoire est marquée par des tensions religieuses, des accommodements religieux et l'établissement de principes politiques, juridiques et constitutionnels solides en ce qui a trait à la liberté de religion, qui, entre autres, interdisent la discrimination fondée sur la religion.
    Un bref historique de ces tensions et accommodements religieux est présenté dans les paragraphes 8 à 16 de mon mémoire, dans lequel je souligne en particulier que la Loi constitutionnelle de 1867 n'attribuait ni au gouvernement fédéral ni aux gouvernements provinciaux la responsabilité en matière de religion, bien que les deux ordres de gouvernement ont un rôle à jouer. Le gouvernement fédéral jouait un rôle relativement à la religion par ses pouvoirs en matière de droit criminel et de taxation. Les provinces, compte tenu de leur compétence constitutionnelle en matière de droits civils, ont adopté des lois sur les droits de la personne reconnaissant des droits religieux, à savoir les droits de croyance, d'association, d'assemblée, d'enseignement, de pratique et de culte.
    La Loi constitutionnelle de 1982 comprend la Charte canadienne des droits et libertés, qui s'applique au gouvernement fédéral, aux provinces et territoires, aux administrations municipales, aux conseils scolaires, à d'autres organismes publics et à tous les Canadiens.
     La liberté de conscience et de religion est la première liberté qui figure dans la Charte.
    Dans des décisions portant sur des affaires relatives à la Charte, la Cour suprême du Canada a confirmé plusieurs principes juridiques antérieurs à la Charte en ce qui concerne la liberté de religion et les accommodements religieux, et j'en fais une brève description aux paragraphes 17 à 20 de mon mémoire. Dans la Charte, la liberté de religion est étroitement liée aux libertés qui sont énoncées par la suite à l'article 2.
    De plus, la religion fait partie des motifs de discrimination interdits en vertu de l'article 15, qui porte sur les droits à l'égalité. Aux termes de l'article 27, « toute interprétation de la [....] Charte doit concorder avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens », ce qui inclut nécessairement le patrimoine pluriconfessionnel.
    La Cour suprême a donné une définition rigoureuse de la liberté de religion qui concorde avec la Déclaration universelle des droits de l'homme:
Une société vraiment libre peut accepter une grande diversité de croyances, de goûts, de visées, de coutumes et de normes de conduite [...] Le concept de la liberté de religion se définit essentiellement comme le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse, le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchement ou de représailles et le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou par leur enseignement et leur propagation.
    La Cour dit ensuite ceci:
La liberté au sens large comporte l’absence de coercition et de contrainte et le droit de manifester ses croyances et pratiques. La liberté signifie que, sous réserve des restrictions qui sont nécessaires pour préserver la sécurité, l’ordre, la santé ou les mœurs publics ou les libertés et droits fondamentaux d’autrui, nul ne peut être forcé d’agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience.
    Le droit s'applique aux individus, aux groupes et aux institutions parce que la religion est pratiquée tant individuellement qu'en communauté.
     Au Canada, il n'existe pas de doctrine de la séparation de l'Église et de l'État, un concept constitutionnel aux États-Unis. La Cour suprême a conclu que l'État canadien doit demeurer neutre en matière religieuse, qu'il ne peut pas jouer à l'arbitre en ce qui concerne des croyances religieuses ou favoriser une religion au détriment d'une autre. En outre, le gouvernement ne peut pas exiger que sa relation avec les Canadiens soit exempte de toute forme de religion. Sur le plan constitutionnel, tous les Canadiens sont libres de participer à la vie canadienne en fonction de la conception ou de la vision du monde qui orientent leur façon de vivre, sans craindre de subir de mauvais traitements ou d'être punis.
    Statistique Canada confirme que la plus grande communauté religieuse identifiable de notre nation est simplement la plus grande communauté religieuse minoritaire au pays. Les catholiques, dont les catholiques romains, représentent moins de 40 % de la population canadienne. Notre pays est composé de minorités.
    Les données de 2015 sur les crimes haineux indiquent que 35 % des incidents déclarés étaient motivés par des préjugés antireligieux. Parmi les incidents antireligieux, 37 % visaient la communauté juive, qui représente 1,1 % de la population canadienne, et 34 % visaient la communauté musulmane, qui représente 3,2 % de la population canadienne.
    Ces observations et ce bref rappel historique s'appuient sur ce qu'a dit un ami micmac. Il faut apprendre comment le problème a été pris en compte dans le passé, évaluer la situation actuelle, puis évaluer les répercussions des mesures prises aujourd'hui sur les sept prochaines générations. En sept générations, nous passerons du 150e au 300e anniversaire du Canada. Si cela semble beaucoup, pensons au moins au 200e — que vivront bon nombre de gens ici présents — plutôt que de nous préoccuper exagérément des prochaines élections fédérales de 2019 ou de 2023.
    Les recommandations que je ferai ici sont formulées conformément à l'esprit de la disposition de la Loi constitutionnelle de 1867 qui prévoit que le gouvernement fédéral « fait des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada »; à la description du Canada énoncée dans la Loi constitutionnelle de 1982 — « société libre et démocratique » — et à une solution pangouvernementale.
    Les parlementaires sont invités à communiquer ouvertement avec des personnes ayant diverses croyances religieuses, ce qui inclut l'établissement de liens avec des organismes confessionnels de la communauté et ceux qui participent au processus d'élaboration des politiques.
    Il faut continuer d'assurer la protection. Les parlementaires devraient supprimer l'article 14 du projet de loi C-51, qui propose d'abroger l'article 176 du Code criminel. L'article 176 protège la capacité des congrégations et des célébrants religieux de célébrer un service religieux sans être menacés, gênés ou troublés. Si le Code criminel ne contenait pas déjà une telle disposition, son ajout serait précisément le type de recommandation attendue de la part de votre comité.
    Il faut que soit conservé l'article 30 du projet de loi C-51, qui propose d'abroger l'article 296, soit la partie du Code criminel qui porte sur le libelle blasphématoire. Dans d'autres pays, l'adoption de lois criminalisant le blasphème a entraîné des actes de persécution à l'endroit de minorités religieuses et non religieuses allant à l'encontre des valeurs d'une société libre et démocratique. Au Canada, toutes les croyances et les pratiques, religieuses ou non religieuses, doivent pouvoir faire l'objet d'une évaluation critique, de discussions pacifiques, de débats et de désaccords.
    Il faut conserver les dispositions du Code criminel intitulées « propagande haineuse » et « méfait: culte religieux ».
    Il faut passer de la protection à la promotion. Il s'agit de chercher des occasions de renseigner les Canadiens sur les points de vue concernant la liberté de religion sur le plan constitutionnel et juridique. Il importe de promouvoir la compréhension des droits au lieu de seulement les protéger.
    On doit s'assurer que des représentants religieux participent à des activités gouvernementales appropriées, y compris à des activités publiques ainsi qu'à des initiatives comme celles consistant à donner des dons équivalents à ceux recueillis pour des secours d'urgence en cas de catastrophe. Il faut continuer à travailler en collaboration avec des organisations religieuses qui mènent des travaux dans l'intérêt public. Il faut continuer à créer des plaques commémoratives reconnaissant la contribution de personnes et de collectivités religieuses à l'évolution du pays. Il faut poursuivre la collecte et la communication de données sur les pratiques religieuses des Canadiens.
    Le gouvernement du Canada devrait tenir une conférence des premiers ministres dont l'ordre du jour serait axé sur la promotion de la liberté religieuse.
    Le gouvernement du Canada est invité à établir des lignes directrices facilitant les activités confessionnelles dans la fonction publique qui seraient appliquées de façon uniforme dans tous les ministères. Il faut inciter les Canadiens à continuer d'appuyer les organismes religieux qui répondent à l'intérêt public, notamment au moyen de crédits d'impôt personnels.
    Les détenus incarcérés au pays et les militaires canadiens doivent continuer d'avoir accès à des services d'aumônerie bien financés. Il faut également continuer d'offrir aux militaires des séances d'information sur la religion propre à l'endroit où ils sont déployés.
    Le Bureau de la liberté de religion devrait être rétabli ou un bureau semblable voué au même objectif devrait être créé. Les questions relatives à la théologie politique et à la littéracie religieuse sont essentielles à l'engagement à l'échelle mondiale.
    Il faut rétablir les consultations annuelles d'Affaires mondiales Canada, dans le cadre desquelles des représentants de communautés religieuses et d'autres communautés peuvent formuler des commentaires sur l'évolution de situations dans le monde.
     Les Canadiens sont touchés par des enjeux relatifs à la liberté religieuse et par les actes de discrimination religieuse systémique commis au Canada et ailleurs dans le monde, ce qui nécessite une solution pangouvernementale.
    Merci, madame la présidente.
(1540)
     Merci, monsieur Hutchinson.
    C'est maintenant au tour du représentant du conseil scolaire du district de la région de York, qui dispose de 10 minutes.
    Monsieur Roach.
    Je veux tout d'abord vous remercier de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui. Cependant, je veux que vous sachiez que je ne comparais pas devant vous à titre de représentant du conseil scolaire du district de la région de York; je vous donnerai plutôt mon point de vue personnel.
    Dans un esprit de réconciliation, je veux souligner que je me trouve sur les terres ancestrales du peuple algonquin de l'Ontario. Je souligne également qu'en tant que personne qui est arrivée plus tard sur l'île de la Tortue, qu'on appelle maintenant le Canada, je suis grandement redevable aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, qui ont pris soin de ce merveilleux pays que j'appelle maintenant ma patrie.
    En tant qu'éducateur, je veux faire en sorte que nos élèves autochtones puissent apprendre dans un système scolaire qui reconnaît expressément que dans le passé, pour eux, l'éducation a entraîné la destruction de leurs familles, de leurs communautés, de leurs langues et de leurs âmes.
    Je veux dire également qu'en réfléchissant à la réconciliation, nous ne pouvons pas simplement balayer du revers de la main l'horrible vérité sur notre histoire, le colonialisme, la tentative d'effacer toute trace autochtone au moyen de politiques — ce qui inclut les horreurs des pensionnats —, et nos longs antécédents de racisme envers les Autochtones en général. Notre dernier recensement révèle que les Canadiens autochtones sont des gens résilients. C'est l'une des populations du pays qui connaît la croissance la plus rapide. Penchons-nous sur l'horrible histoire de nos relations avec les Canadiens autochtones et favorisons la réconciliation.
    Concernant le sujet à l'étude, il est indéniable que le racisme et la discrimination religieuse existent dans le Canada d'aujourd'hui. J'ai plus de 25 années d'expérience en éducation, au Québec et en Ontario, et j'ai été témoin de nombreux actes de racisme contre les Noirs.
    Par exemple, récemment, dans le cadre d'une activité liée au perfectionnement professionnel, un participant s'est senti à l'aise de dire que les élèves noirs n'auraient peut-être pas toujours des ennuis et ne feraient pas toujours l'objet de suspension si leurs mères cessaient d'avoir des enfants avec différents partenaires et s'ils avaient des modèles masculins dans leur vie. Un autre exemple pas si lointain correspond à ce que j'appellerais du racisme « ordinaire » visant les Noirs. Pendant qu'un membre du personnel accompagnait des membres du service des incendies jusqu'à une école secondaire, ils sont passés devant un groupe d'élèves noirs. La personne a dit que les élèves n'avaient rien à craindre, car il ne s'agissait pas de policiers.
    Comme je l'ai dit, j'ai été témoin de nombreux actes racistes, mais le fait est que le racisme systémique n'est pas un problème individuel, mais structurel. C'est ce que l'honorable Murray Sinclair, que j'ai eu le grand honneur de rencontrer en 2015, a dit à votre comité: « c'est le racisme qui reste après qu'on s'est débarrassé des racistes ».
    Oui, j'aimerais réfléchir au racisme systémique et à ses répercussions sur la communauté noire en général et en particulier sur les élèves noirs. Tout d'abord, le racisme systémique découle de valeurs, de structures, de politiques et de pratiques qui entraînent la discrimination à l'égard de groupes de gens identifiables.
    Parlons des lois canadiennes en matière d'immigration. Avant que Donald Moore mène une délégation de 34 représentants de la Negro Citizenship Association dans un voyage historique en train jusqu'à Ottawa le 27 avril 1954, on pouvait décrire la politique d'immigration du Canada comme un parfait exemple de racisme systémique. À l'époque, le Canada permettait à des sujets des colonies britanniques ou d'anciennes colonies britanniques d'entrer au pays; toutefois, sa définition de « sujets britanniques » n'incluait que les sujets du Royaume-Uni, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, de l'Afrique du Sud et de l'Irlande. Les sujets britanniques des Antilles britanniques, à l'époque, de l'Inde, du Pakistan et de l'Afrique se voyaient refuser le droit d'entrer au Canada.
    Cette politique, les pratiques qui en découlent et les attitudes qui en ont résulté n'indiquaient pas précisément que le Canada ne voulait pas accueillir d'immigrants de race noire, mais elles se sont traduites par l'exclusion raciste systémique des gens qui me ressemblent.
    J'aime raconter cette histoire, car je me considère comme un fils de Donald Moore. Ce qu'il a exprimé au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de l'époque, Walter Harris, et la conférence de presse qui a eu lieu par la suite ont mené à l'assouplissement des lois canadiennes en matière d'immigration et qui ont permis aux infirmières et aux domestiques antillaises d'entrer au Canada. Ma mère était l'une de ces domestiques.
    C'était un parfait exemple de racisme systémique, tout comme les structures, les moeurs et les pratiques qui, aujourd'hui, se traduisent par une surreprésentation du nombre d'élèves noirs dans les catégories de cours non théoriques et leur surreprésentation au chapitre des taux de suspension, d'expulsion, et de décrochage au secondaire. Pour les parents canadiens noirs, le corridor entre l'école et le pénitencier n'est pas qu'une réalité américaine.
    Le racisme systémique est insidieux. En tant qu'éducateur, j'ai vu des enseignants bienveillants et bien intentionnés envoyer au département d'orientation scolaire des élèves noirs qui étaient récemment arrivés pour qu'on change leur parcours, pour qu'ils suivent des cours appliqués plutôt que des cours théoriques, parce qu'après tout, il était impossible qu'une personne qui vient de la Jamaïque puisse être candidate pour le cours d'anglais du volet théorique. Je dirais que ce type d'opinion qui dévalorise des élèves est également intériorisé par les élèves, qui en viennent à croire que le parcours préuniversitaire n'est pas pour eux, en fait. Lorsque j'ai commencé à enseigner l'anglais en Ontario, un élève noir m'a dit «  allez, monsieur Roach, vous savez bien que les enfants noirs ne suivent pas de cours préuniversitaire de l'Ontario ».
(1545)
    Ce juin-là, je me suis donné la mission de passer en revue tous les examens de CPO et ce que j'ai vu m'a choqué. Dans une école qui compte une population importante d'élèves noirs, très peu d'élèves noirs avaient passé l'examen d'admission à l'université. Je me rappelle avoir dit à un autre enseignant noir que nous étions peut-être des anomalies intellectuelles qui ont pu réussir à l'école et entrer à l'université. Il s'est empressé de me signaler que presque chaque enseignant noir qu'il connaissait avait reçu leur enseignement primaire à l'extérieur du Canada.
    À l'époque, nous utilisions l'expression « racisme institutionnalisé ». Ce qui est intéressant, c'est que plus de 20 ans plus tard, nous tenons le même débat sur le racisme systémique dans les écoles et sur l'incidence sur les élèves noirs.
    Je sais que pour la majorité des enseignants, l'idée selon laquelle nous travaillons dans un système qui a des préjugés systémiques face à la réussite des élèves noirs semble être une énigme. Après tout, nous nous considérons comme étant des professionnels bienveillants et bien intentionnés pour tous nos élèves. Certains ont qualifié cela de « discours de la bonne personne ». Cette réaction émotive est un sentiment que nous devons apprendre à gérer à mesure que nous progressons dans nos travaux pour éliminer les obstacles systémiques à la réussite et au bien-être de tous les élèves, y compris les élèves noirs et les élèves marginalisés. Ce qui est formidable, c'est que de nombreux districts scolaires commencent à déployer des efforts pour favoriser une conscience critique chez le personnel et pour aider les enseignants à reconnaître que ce racisme systémique existe dans notre société et dans nos établissements, et que nous devons prendre des mesures explicites et délibérées pour combattre ce racisme.
    Je sais que la motion 103 réclame la condamnation de l'islamophobie et de toutes les formes de discrimination religieuse. Je sais également que certaines personnes semblent se demander si nous devrions qualifier d'« islamophobie » la peur irrationnelle ou la haine à l'égard des musulmans. Dans un premier temps, l'islamophobie est bien réelle, et c'est particulièrement vrai pour les Canadiens musulmans dont l'appartenance à ce pays est parfois remise en question pour la simple raison qu'ils sont musulmans. Pour mes collègues musulmans en éducation, c'est une réalité lorsque leurs élèves sont qualifiés de terroristes d'Oussama à l'école. C'est une réalité lorsqu'une petite minorité se livre à des attaques terroristes au nom de l'Islam et que des musulmans me demandent s'il est sécuritaire d'envoyer leurs enfants à l'école. C'est une réalité lorsque, après une attaque perpétrée contre une ville européenne, ils choisissent de conduire leurs enfants à l'école plutôt que de les laisser emprunter le transport public ou l'autobus scolaire. C'est une réalité lorsque leurs enfants reviennent à la maison et demandent de changer de nom à cause de l'intimidation islamophobe incessante dont ils sont victimes à l'école.
    Nous savons qu'au Canada, les crimes haineux contre des musulmans ont connu une hausse alarmante de 60 % en une année, ce qui les place au deuxième rang derrière les Canadiens d'origine juive en tant que cibles de haine motivée par la religion. Nous savons également que les musulmans respectueux des lois sont très surveillés aux aéroports, aux postes frontaliers et dans leur vie quotidienne de Canadiens ordinaires. Bien entendu, nous avons vu cette peur irrationnelle à l'égard des musulmans se transformer en un meurtre violent à la mosquée de la ville de Québec lorsque six hommes musulmans ont été tués de sang-froid pendant qu'ils priaient. À mon avis, il est judicieux de qualifier d'« islamophobie » la peur irrationnelle ou la haine à l'égard des musulmans.
    Nous savons aussi que l'antisémitisme est bien réel pour les Canadiens d'origine juive. Au Canada, les juifs sont la cible numéro un de la haine motivée par la religion. Les actes haineux perpétrés contre les juifs ont grimpé en flèche récemment. Dans le domaine de l'éducation, nous enregistrons une augmentation des graffitis antisémites et d'élèves qui font des remarques antisémites ou qui affichent des images antisémites sur les médias sociaux. Nous ne pouvons pas non plus ignorer le fait que les suprémacistes blancs semblent maintenant se sentir enhardis et quittent leurs écrans d'ordinateur pour manifester publiquement leur haine envers les juifs, les musulmans, les immigrants et toutes les personnes racialisées. Il faut alors se demander comment nous pouvons lutter contre le racisme systémique et la discrimination religieuse qui, nous le reconnaissons tous vraisemblablement, nous diminuent en tant que Canadiens.
    Je vais formuler quelques recommandations.
(1550)
    Premièrement, le ministère du Patrimoine canadien et le gouvernement du Canada ne devraient ménager aucun effort pour dénoncer et condamner le racisme dirigé contre les Noirs et les Autochtones, l'antisémitisme et l'islamophobie. Lorsque des crimes haineux sont commis dans notre merveilleux pays, la voix de notre gouvernement pour dénoncer ces crimes doit être au premier plan.
    Deuxièmement, le ministère du Patrimoine canadien devrait élaborer un plan d'action de lutte contre le racisme, qui inclut du financement pour des initiatives communautaires conçues pour combattre pacifiquement la haine et bâtir des collectivités inclusives. Une partie de ce financement devrait être explicitement versée aux élèves et aux jeunes qui, je crois, sont prêts à assumer cette tâche. Cette initiative doit inclure des mesures de reddition de comptes qui sont qualitatives et quantitatives.
    Pour terminer, le gouvernement du Canada devrait déclarer que l'éducation des Autochtones est une urgence nationale et élaborer un plan d'action assorti d'échéanciers définis pour veiller à ce que les taux de décrochage nationaux chez les élèves autochtones diminuent aux niveaux de ceux des élèves blancs. Je demanderais de prendre des mesures semblables pour les élèves noirs, mais je me rends compte que leur éducation relève des provinces.
    J'espère avoir respecté mes 10 minutes. Je tiens à dire aux membres du Comité que le racisme systémique et la discrimination religieuse constituent un fléau national qui nous diminue tous en tant que Canadiens.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la période des questions. Les interventions seront de sept minutes.
    Je vais commencer avec Mme Dzerowicz pour les libéraux, pour sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous deux de vos merveilleux exposés, et merci d'avoir fait tout ce trajet pour participer à cette discussion et à ces délibérations.
    Monsieur Roach, même si vous avez signalé que ce sont là vos opinions personnelles, puisque vous avez travaillé dans le système d'éducation aussi longtemps, je vais mettre à contribution votre expertise avec quelques-unes de mes questions. Y a-t-il une définition de crime haineux dans le système d'éducation à l'heure actuelle, et des données sont-elles recueillies, que ce soit de façon officielle ou non, au sein du système d'éducation?
    Tout d'abord, dans notre district, nous n'avons pas recueilli de données. Cependant, nous avons un protocole en place pour gérer les incidents haineux. Nous l'avons à tous les niveaux primaires et secondaires. Conformément à notre protocole, les élèves sont suspendus pour au moins une journée d'école et doivent participer à une journée d'apprentissage où nous leur fournissons des ressources. Nous croyons que nous ne laisserons jamais tomber les jeunes, et nous déployons vraiment des efforts pour les éduquer.
    En ce qui concerne une définition, nous utilisons les 17 motifs énoncés dans le Code des droits de la personne de l'Ontario comme moyen de gérer les incidents haineux.
(1555)
    La raison pour laquelle je mentionne ceci est en partie à cause d'une observation que nous recevons régulièrement de la majorité de nos témoins selon laquelle il n'y a pas de définition uniforme de « crime haineux » au pays. On collige des données sur les crimes haineux au pays, mais la situation n'est pas la même partout. Pour moi, il est important qu'un protocole soit prévu dans notre système d'éducation, que ce soit avec nos enfants ou nos enseignants. C'est la raison pour laquelle j'ai posé la question. Il est bon de savoir qu'il y a un protocole.
    Si je puis ajouter, notre protocole consiste en partie à communiquer avec la division des crimes haineux de la police et, dans notre cas, les services de police de York. Nous entretenons une relation avec eux. Le protocole vise à communiquer avec eux, et ils effectuent la collecte de données. Nous communiquons également avec nos organismes communautaires au sujet de ces types d'incidents, qui sont malheureusement en hausse à l'heure actuelle.
    Merci.
    Vous avez fait une déclaration que j'allais citer, alors vous m'avez un peu devancée. C'est ce que le sénateur Sinclair a dit à propos du fait que les gens ont du mal à comprendre la discrimination systémique et le racisme systémique. Il a dit que le racisme systémique est le racisme qui reste après s'être débarrassé des racistes. Ensuite, il parle du système judiciaire et dit que ce système continue de faire preuve de racisme, car il suit certaines règles, procédures, lignes directrices, jurisprudences et lois qui sont fondamentalement discriminatoires.
    J'essaie de voir ce que nous pouvons faire à l'échelle nationale. Y a-t-il une initiative semblable dans un système d'éducation...? Lorsque vous regardez toutes nos recommandations, nous parlons d'un plan d'action national et d'un plan d'éducation important, mais pour moi, s'il y a des problèmes systémiques inhérents entourant la discrimination au sein du système d'éducation actuel, y a-t-il des mesures que nous devons prendre pour les cibler et les régler pendant que nous essayons d'élaborer un plan en matière d'éducation?
    Ce que vous devez faire, c'est de cibler le problème, puis de travailler à éduquer les gens.
    L'une des mesures que nous prenons en tant que district, en tant qu'organisation particulièrement importante et complexe, c'est d'examiner si les gens qui travaillent pour nous ont des attitudes qui vont à l'encontre de quelques-uns de nos principes de base, d'étudier notre façon de faire pour éliminer ces conduites ou de voir comment nous pouvons nous assurer que les gens adoptent une sorte d'approche psychométrique afin que nous sachions qu'ils n'ont pas certaines opinions à propos de certaines personnes.
    Ce qui arrive avec les systèmes, c'est qu'avec le temps, ils s'insinuent dans les attitudes des gens à propos d'autres personnes. Ce genre de changement de mentalité est sournois et difficile à corriger, à moins de suivre une formation explicite et délibérée pour régler le problème. Je sais que nous examinons l'anti-oppression comme moyen d'étudier la façon dont nous travaillons avec nos employés pour leur faire comprendre certaines choses, car c'est très personnel de dire à des gens qu'ils sont complices d'un système qui est systématiquement raciste ou qui érige des obstacles systémiques qui empêchent des groupes d'enfants identifiables à bénéficier de tous les avantages de notre système d'éducation.
    Lorsque vous parlez de la dénonciation et de la condamnation, c'est votre première recommandation.
    Que voulez-vous que le gouvernement fasse? Nous pourrons intervenir lorsque nous serons témoins de ces situations. Comment pouvons-nous émettre des lignes directrices pour amener les gens à agir en ce sens? Pouvez-vous préciser votre recommandation?
    Je pense que lorsque des situations surviennent... Je sais qu'il s'agit de cas très médiatisés. Lorsque nous avons des suprémacistes blancs qui manifestent dans notre pays, je pense qu'il est important que nos dirigeants interviennent et les qualifient de ce qu'ils sont. Dénoncez-les et faites-savoir aux gens qu'ils ne représentent pas qui nous sommes en tant que nation. Nous avons foi dans le Canada. C'est l'esprit du Canada. Cependant, il y a un certain passé que nous devons aborder ouvertement.
    Comme je l'ai dit, nous devons affronter la vérité avant de commencer à aller de l'avant. Je pense que nous parlons de la vérité et de la réconciliation. Nous nous empressons de nous réconcilier, mais nous avons peur d'affronter la vérité, n'est-ce pas? Je pense que nous ne pouvons pas nous réconcilier avant de faire face à la vérité, peu importe à quel point la vérité est horrible. C'est quelque chose que nous devons affronter, gérer et régler avant d'aller de l'avant.
(1600)
    Nous devons en parler ouvertement.
    Le temps file.
    Mais très rapidement...
    Effectivement, il vous reste environ une minute.
    Merci.
    Les médias sociaux dans notre système scolaire peuvent être bons ou mauvais.
    Comment devrions-nous les utiliser dans le cadre d'une approche pour réduire et éliminer la discrimination systémique et religieuse?
    Je pense que nous devons adopter les médias sociaux. Je dis tout le temps à mon personnel que s'il laisse le soin aux élèves de régler le problème, ils le feront.
    Il y a un petit pourcentage d'entre eux qui ont des points de vue sournois. Cependant, la majorité de nos élèves sont de bons élèves qui veulent faire ce qui s'impose. Adoptons les médias sociaux. Utilisons-les comme une force positive.
    Maître Hutchinson...
    Vous avez 20 secondes.
    Eh bien, 30 mais...
    Maître Hutchinson, j'allais vous demander si vous avez vu ou non un plan stratégique de lutte contre le racisme en Ontario, et si vous pensez que ce pourrait être une bonne base sur laquelle nous inspirer pour notre approche pangouvernementale à l'échelle nationale.
    Je pense que le plan de l'Ontario, le document préparé par la Commission ontarienne des droits de la personne concernant la discrimination, de même que la décision de 2013 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Whatcott seraient tous utiles pour vous éclairer.
    D'accord.
    Merci énormément.
    Madame Dzerowicz, lorsque vous dites qu'il vous reste 20 secondes, je sais que c'est parce que vous allez dépasser votre temps de parole de 10 à 15 secondes. Je vous les accorde toujours.
    Cette fois-ci, vous avez eu sept minutes et trois secondes.
    Merci.
    C'est correct.
    Le prochain intervenant est David Anderson, pour les conservateurs.
    Vous avez sept minutes, David.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Maître Hutchinson, vous avez mentionné que nous devrions vraiment nous concentrer sur le mauvais traitement des gens plutôt que sur les religions. Je pense que c'est la préoccupation initiale de la majorité d'entre nous. C'était l'une des raisons pour lesquelles nous avons apporté la modification à la Chambre.
    Je veux revenir à votre mémoire écrit. Vous évoquez l'islamophobie et, parce que c'était le thème central de la motion, j'aimerais que vous commentiez la déclaration suivante que vous avez formulée, à savoir que vous faites abstraction de l'observation selon laquelle le terme « islamophobie » est incertain sur le plan étymologique, très vaste et indéfinissable.
    Je me demande si vous pourriez expliquer un peu plus votre déclaration. Précisez ce que vous entendez par là. Que vouliez-vous dire?
    Elle porte sur l'utilisation du terme « islamophobie ». Il est défini différemment par différents groupes et par différentes personnes. Habituellement, lorsqu'on la présente, la définition dans l'esprit de l'intervenant peut ne pas coïncider avec celle dans l'esprit du destinataire. C'est devenu un terme énormément problématique qui porte sur une crainte à l'égard d'une communauté religieuse. Si vous regardez le terme sur le plan étymologique, il se rapporte à une race mais, comme je l'ai dit, les musulmans sont issus d'un éventail de races, comme les gens dans d'autres communautés religieuses.
    C'est la grande préoccupation avec l'étymologie du mot. Je pense qu'il serait plus approprié de remplacer le terme par « comportement antimusulman » ou « comportement antireligieux à l'égard des musulmans ».
    Même en ce qui concerne la communauté juive, l'antisémitisme signifie maintenant la discrimination religieuse et raciale, mais il serait préférable de parler d'antisémitisme lorsqu'on fait référence à la race, comme on l'utilise souvent dans ce cadre, et d'anti-judaïsme dans le contexte religieux.
    Nous n'avons pas entendu beaucoup de témoignages à propos du projet de loi C-51 et de l'article 14. Vous y faites maintenant référence.
    Pouvez-vous me donner un peu plus de renseignements sur ce dont vous parlez ici? Le projet de loi C-51 a été présenté à la Chambre. Je pense que le comité de la justice en est saisi à l'heure actuelle.
    Pourriez-vous simplement parler de vos préoccupations sur ce qui se passe ici?
    Au cours des 50 dernières années, voire plus, la Cour suprême du Canada a graduellement élargi la définition de « clergé », qui inclut les imams, les rabbins et les dirigeants qui, dans certaines traditions religieuses, comme les fraternités, n'ont pas un titre précis. Précisons que cela a commencé lorsque les Témoins de Jéhovah ont contesté la conscription lors de la Deuxième Guerre mondiale. Les hommes ont été reconnus comme des dirigeants religieux, et il y avait aussi les aînés. La Cour suprême du Canada a établi cette définition large et générale.
    Dans l'arrêt Gruenke, on a redéfini les conversations entre membres du clergé et paroissiens; elles sont considérées comme des communications religieuses, de façon à ce que cela s'applique aux communautés religieuses. Dans le renvoi relatif au mariage entre personnes de même sexe, la Cour suprême du Canada a utilisé les notions d'autorités religieuses et de célébrants religieux. Modifier l'article 176 pour y inclure les termes « autorités religieuses » ou « célébrants religieux » réglerait le problème, mais ce serait aussi le cas s'il était laissé tel quel et si on utilisait la définition plus large de « clergé » déjà établie par les tribunaux.
    Il faut savoir que les autres articles du Code criminel qui ont été mentionnés dans un courriel que j'ai reçu d'un membre du Cabinet ne couvrent pas entièrement les atteintes à la liberté de religion et la perturbation des cérémonies religieuses. Certaines sanctions sont très lourdes et devraient uniquement s'appliquer aux infractions punissables par voie de mise en accusation. Je vais arrêter là.
(1605)
    Un autre élément que vous avez mentionné et dont nous n'avons pas entendu beaucoup parler est le Bureau de la liberté de religion. Vous avez participé à sa création. Pourquoi estimez-vous qu'il doit être rétabli? En quoi est-ce important?
    Deux facteurs importants entrent en jeu sur la scène mondiale. Il y a ce que j'appelle la littératie religieuse — la compréhension de la religion des dirigeants d'un autre pays — et la théologie politique. Plusieurs pays ont des groupes religieux majoritaires; par exemple, le Myanmar est majoritairement bouddhiste, tandis que l'Iran est majoritairement musulman. La composition religieuse a une incidence considérable sur la structure de gouvernance d'un pays.
    J'ai participé, en compagnie de représentants du ministère des Affaires étrangères, à des séances d'information avec l'ancien ambassadeur du Bureau. Je dois dire que j'ai été stupéfait du désintérêt à l'égard de la compréhension de la réalité religieuse du monde dans lequel nous vivons et à l'égard des réalités idéologiques liées aux relations avec des pays comme la Chine communiste, la Russie, ou la Corée du Nord, par exemple. Ces idéologies sont en soi des mécanismes apparentés à la religion qui permettent d'exercer une surveillance et un contrôle dans ces pays.
    Vous dites qu'il nous faut un organisme de ce genre pour comprendre ces choses.
    Il serait plus utile d'avoir un bureau spécialisé plutôt qu'un bureau ayant diverses responsabilités, parce que les responsabilités du bureau actuel se chevauchent et sont parfois incompatibles. J'irais jusqu'à suggérer qu'en plus d'un bureau de la liberté de religion, tout gouvernement préoccupé par les questions des droits de la personne devrait avoir des bureaux indépendants misant sur des spécialistes dans ces domaines pour renseigner le ministère des Affaires mondiales.
    Je veux vous poser une autre question; je pense que nous avons juste assez de temps pour cela. J'aimerais que vous nous résumiez la thèse de votre livre — je sais que vous en avez un exemplaire ici — et que vous nous parliez davantage de l'avenir de la liberté de religion Canada, selon votre point de vue.
    Le livre s'intitule Under Siege: Religious Freedom and the Church in Canada at 150 (1867-2017), et je sais que de nombreux parlementaires — entre 50 et 70, environ — en ont un exemplaire. J'ai apporté des exemplaires, que je vends, parce que tous ceux qui en ont un l'ont déjà acheté. Vous les offrir gratuitement ne me poserait pas problème, mais j'aime traiter tout le monde de manière égale.
    Le livre est un regard sur le chemin parcouru et les perspectives d'avenir. Nous devons prendre conscience que nous jouissons d'une grande liberté de religion dans ce pays, mais que sa promotion fait défaut. Les médias ne portent aucun intérêt à la diffusion de bonnes nouvelles sur nos libertés. Le Parlement et les assemblées législatives sont avantageusement placés pour accroître la promotion de nos libertés, étant donné que les parlementaires établissent des relations avec le public et avec les organismes religieux.
    Aujourd'hui, c'est avec un grand enthousiasme que j'ai pris connaissance de l'annonce du premier ministre concernant les dons jumelés pour le Myanmar, car nous revenons à la situation où nous étions il y a 18 mois, avec le retour de World Relief et Vision mondiale dans le groupe qui comprend la Croix-Rouge, notamment.
    Merci.
    Je pense que nous avons dépassé de beaucoup le temps imparti, soit 38 secondes de plus que les sept minutes prévues.
    Pourriez-vous demander au témoin s'il accepterait de nous donner un exemplaire de son livre, à titre de témoignage?
    Maître Hutchinson, pourriez-vous donner au greffier un exemplaire du livre pour que le Comité puisse l'inclure dans les témoignages?
    Avec plaisir.
    Merci beaucoup.
    Je suis désolé, madame la présidente. J'invoque le Règlement.
    Mon point est simplement le suivant: je ne sais pas si Me Hutchinson nous a fourni sa présentation par écrit. Il a fait référence à plusieurs causes juridiques, dont certaines pourraient être difficiles à suivre. Je me demande s'il pourrait fournir les noms à nos analystes, si ce n'est déjà fait.
(1610)
    Je pense qu'il nous la fait parvenir. C'est ce qu'il vient d'indiquer.
    Merci.
    L'affaire Whatcott figure à la note en bas de page numéro 30.
    Merci.
    Nous nous trouvons à utiliser une bonne partie du temps d'autres intervenants.
    Nous passons à Mme Hardcastle, pour les néo-démocrates.
    Merci beaucoup, madame la présidente. C'est un privilège d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Roach, j'ai été fort intriguée lorsque vous parliez de l'idéal selon lequel nous devons confronter la vérité si nous voulons aller de l'avant avec un plan significatif en matière de vérité et réconciliation. Il y a une corrélation directe entre la collecte de données et la prise de conscience de la vérité.
    Vous avez brièvement parlé d'un protocole que vous avez mis en place dans votre milieu de travail et vous avez indiqué que cela inclut les services policiers. J'aimerais avoir vos observations sur la façon dont nous devrions aller de l'avant sur le plan de la collecte de données. Des témoins ont abordé le sujet et je sais que nous avons eu certaines lacunes concernant la collecte de données lors de discussions et même lorsque nous traitions des questions de vérité et de réconciliation. J'aimerais que vous parliez brièvement de votre expérience à cet égard.
    Essentiellement, si vous avez l'impression que les idées se bousculent dans votre tête, vous êtes libre d'utiliser tout le temps qui m'est imparti.
    À mon avis, la collecte de données sur les crimes et les actes haineux est un facteur extrêmement important. Actuellement, cette tâche incombe aux organismes d'application de la loi et la plupart des données que nous avons proviennent de ces organismes.
    De façon générale, la collecte de données sur les étudiants autochtones est un aspect plutôt intéressant. Dans les commissions scolaires de l'Ontario, on leur demande de s'auto-identifier, mais nous connaissons les conséquences de l'auto-identification pour cette population au cours de l'histoire. Nous devons aussi reconnaître que c'est une réalité. Il faudra du temps pour amener les Canadiens autochtones à s'auto-identifier comme tels, et je pense que nous devons entretemps prendre conscience de la nature de nos relations historiques avec cette population.
    Je sais que beaucoup de commissions sont réticentes à collecter de prétendues données fondées sur la race — que j'appelle des données démographiques —, mais elles ont commencé à le faire. En fait, le gouvernement de l'Ontario exige que les commissions scolaires collectent des données démographiques. Notre commission scolaire a entrepris de collecter de telles données. Nous avions déjà commencé à le faire, mais cela a été suspendu pendant un certain temps, malheureusement.
    Nous devons avoir un portrait précis de la situation. Nous devons connaître la situation de groupes identifiables parmi la population étudiante. Je sais que certains ont tendance à dire que la situation est la même d'un étudiant à l'autre, mais nous savons que le système d'éducation n'offre pas les mêmes avantages pour tous. Jusqu'à ce que nous puissions l'admettre, il est insensé d'affirmer que tous les étudiants sont dans la même situation.
    J'ai toujours trouvé intéressantes les discussions sur les données relatives à la liberté de religion, par exemple. Je considère Don comme un bon ami; j'ai été directeur de l'école de sa fille.
    À titre d'exemple, la liberté peut-elle être un prétexte pour priver les membres de la communauté LGBTQ des types de services auxquels ils ont droit, comme nous le savons, en tant que Canadiens? Qu'est-ce que cela signifie vraiment? Cela me préoccupe et j'espère que ce n'est pas vers cela que nous nous dirigeons.
    En résumé, je pense que les données sont nécessaires. Il nous faut autant de données que possible, des données ventilées que nous pourrons examiner pour établir un portrait de la situation et prendre des décisions relatives à l'offre de services et à l'affectation des ressources, etc.
    Selon vous, devrions-nous faire appel aux ONG pour obtenir ces données, ou devrions-nous également modifier les directives sur les pratiques gouvernementales de façon à rendre cela obligatoire?
    Je recommanderais de collaborer avec les organismes d'application de la loi. Les gens sont tenus de signaler ce genre de choses aux organismes d'application de la loi. Nous savons également que bon nombre de crimes haineux ne sont pas déclarés. Je sais, pour en avoir discuté avec des collègues de travail, qu'ils n'ont pas pris la peine de signaler certains incidents. Ils se contentent de trouver des stratégies pour que leurs enfants puissent gérer la situation.
    Collaborons avec nos organismes d'application de la loi pour trouver des façons de recueillir des données, en particulier pour les crimes haineux, les cas de discrimination religieuse, etc.
(1615)
    Monsieur Roach, vous savez certainement que nous avions un plan d'action contre le racisme, en 2005, et qu'il s'est terminé cette même année. Je ne connais pas votre degré de connaissance sur ce plan et je me demande si vous auriez des observations sur...
    Je connais ce plan.
    Voilà le défi auquel nous sommes confrontés; cela dépend évidemment des priorités du gouvernement. Je préconise l'adoption d'un plan d'action national et je pense qu'il doit être conçu de manière à survivre à un changement de gouvernement. Je ne sais pas quand précisément comment cela pourrait se faire, mais je pense qu'il est essentiel de mettre en place des choses de ce genre, car le Canada doit aller de l'avant. Comme nous le découvrons actuellement, notre pays est de plus en plus diversifié. À mon avis, nous ne devons pas simplement faire du Canada un pays accueillant, mais nous devons aussi modifier nos approches relatives à l'intégration des gens de communautés diversifiées qui ont décidé de faire de notre pays leur patrie. Pour ce faire, il nous faut un plan d'action et, qui plus est, un plan d'action qui pourra survivre aux changements de gouvernement.
    Merci.
    Monsieur Hutchinson, pourriez-vous aussi répondre à la question? Vous connaissez, j'en suis certaine, les objectifs du plan d'action national contre le racisme, qui est maintenant terminé. Quelles sont vos observations sur la façon de le rétablir?
    Comme je l'ai mentionné par rapport à la discrimination fondée sur la religion, je pense qu'il est essentiel, comme M. Roach l'a indiqué, que les recommandations du Comité aient une portée qui s'étend au-delà de la prochaine élection ou même de l'élection subséquente. Les observations que nous avons entendues de M. Gord Downie, qui tenait compte du point de vue des Autochtones, d'un ami micmac — dont j'ai parlé — et de bon nombre de membres des collectivités autochtones convergent sur un point: nous devons réfléchir en fonction des sept générations à venir.
    Cela fait 150 ans. J'ai proposé de réfléchir sur un horizon d'au moins 50 ans, et nous devons faire de même pour les autres facteurs de discrimination. Il faut des mesures qui résistent aux changements de gouvernement. Cela pourrait commencer ici, mais il faut que cela puisse se poursuivre après, par l'intermédiaire des ONG ou d'autres organismes gouvernementaux. Il pourrait être nécessaire de créer un mécanisme de signalement permettant la production de rapports d'étape, probablement pour votre comité, si jamais une recommandation du Comité en ce sens était approuvée par le Parlement.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Breton, du Parti libéral, pour sept minutes.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Roach, en 2016, dans votre commission scolaire, il s'est produit un événement malheureux qui a été assez médiatisé, alors qu'une directrice de la commission scolaire a tenu des propos contre les musulmans sur les réseaux sociaux.
     Cette cause a été portée devant l'Assemblée législative de l'Ontario, qui a décrété qu'un plan stratégique contre le racisme devait être mis sur pied, si je ne me trompe pas.
    Votre commission scolaire a mis en oeuvre des mesures proactives, et non pas des recommandations, pour que cela ne se reproduise plus au sein de la commission scolaire. Un groupe d'experts s'est aussi penché sur les incidents. Toutefois, selon ce que nous savons, d'autres cas semblables se sont produits au cours des dernières années. Récemment, c'est-à-dire au printemps dernier, des recommandations spécifiques ont été faites à la commission scolaire par le groupe d'experts.
    Comment avez-vous accueilli ces recommandations, et où en leur application? Par ailleurs, si vous considérez que ce sont de bonnes recommandations, comment peut-on les exporter vers d'autres commissions scolaires? Enfin, comment le gouvernement peut-il s'approprier ce type de recommandation?
(1620)

[Traduction]

    Merci de la question.
    Notre commission scolaire a en effet traversé une période très tumultueuse. Nous avons reçu 21 directives du ministère de l'Éducation, portant notamment sur l'établissement d'un bureau des droits de la personne, ce que nous avons fait. Nous offrons une formation exhaustive en matière de droits de la personne et d'équité. Nous avons notamment créé un poste de commissaire à l'intégrité et nous avons maintenant une politique plus claire sur la gestion des incidents comme celui des propos islamophobes diffusés par cette directrice.
    J'ai des liens avec des gens de nombreuses commissions scolaires de la province, et j'estime que nous ressortons tous grandis et mieux renseignés de cette expérience. À mon avis, les recommandations ont été bien reçues, car elles insistent de toute façon sur les mesures que devraient prendre la plupart des commissions scolaires, qu'il s'agisse de collecte de données, de la gestion des plaintes de discrimination et des plaintes relatives aux droits de la personne, ou encore de la formation que devraient suivre les directeurs d'écoles, les dirigeants du réseau scolaire et les enseignants pour assurer la gestion d'une commission scolaire aussi diversifiée que la nôtre.
    Notre district scolaire est en croissance depuis 2012; cette croissance est exclusivement attribuable à l'immigration. L'an dernier, nous avons accueilli 3 000 nouveaux élèves par l'intermédiaire de notre service d'accueil. Il s'agit du seul facteur de croissance. Nous savons que dans certaines de nos régions, comme la région d'East Gwillimbury — une petite collectivité située au nord-est de la nôtre — a accueilli 24 000 élèves et prévoit en accueillir 81 000 d'ici 2025. Nous savons que cette croissance vient exclusivement de l'immigration. Si vous discutez avec la mairesse, elle vous dira sûrement que le prochain lieu de culte à être construit ne sera pas une église.
    Nous sommes manifestement à l'aube d'un changement. À mon avis, ce sera un changement considérable partout au pays, comme nous pourrons conclure d'après le recensement. La question est de savoir comment nous pourrons travailler, en tant que nation, pour créer des communautés accueillantes où des familles comme la mienne pourront grandir, prospérer et tirer parti des occasions formidables qu'offre ce pays. Je pense que nous devons le faire en veillant à ce que tous nos élèves, peu importe leur appartenance sociale, soient traités équitablement, respectés et bienvenus.
    Hier, nous avons tenu une conférence pour nos élèves LGBTQ à laquelle plus de 300 élèves et leurs alliés ont participé. L'objectif était de réfléchir aux stratégies que nous devons mettre en place pour veiller à ce que nos écoles soient des endroits où ces élèves puissent se sentir en sécurité, puissent se sentir inclus et puissent se sentir respectés.
    Je pense qu'il nous reste du travail à faire, mais que nous avons progressé. Ces recommandations nous ont certainement donné une bonne impulsion pour aller de l'avant.

[Français]

     Ces événements sont quand même récents, tout comme les mesures qui ont été mises en place. Selon ce que nous avons entendu, beaucoup de sensibilisation et d'éducation ont été faites auprès de tout le personnel.
    Selon vous, le racisme systémique a-t-il diminué depuis la mise en place de ces recommandations? Selon vous, d'autres commissions scolaires de l'Ontario ou d'ailleurs ont-elles appliqué les mesures que vous avez mises en place?

[Traduction]

    Je crois que ce qui s'est passé nous a forcés à établir un processus clair pour gérer les cas de haine et de discrimination, parce que nous avons dû regagner la confiance de nos collectivités à cet égard. Nous avions perdu la confiance de bon nombre d'entre elles.
    Depuis l'année dernière, le nombre de cas de haine a malheureusement augmenté... Certains aiment mettre la faute sur Trump, mais je crois que cette haine a toujours été présente. Comme je l'ai dit, certaines personnes ont pu sortir de l'ombre et parler plus ouvertement que par le passé, mais je crois que la plupart des conseils scolaires de la province savent qu'ils doivent aborder et gérer ces questions de manière très explicite et délibérée, et dire les choses telles qu'elles sont. Si c'est du racisme, il faut le dire. Si c'est de l'islamophobie, il faut le dire. Si c'est de l'homophobie, il faut le dire. Nous n'allons pas nous cacher derrière des euphémismes.
(1625)

[Français]

     Je vous remercie, monsieur Roach.

[Traduction]

    Merci.
    Il nous reste quelques minutes avant de devoir demander aux témoins de laisser la place au prochain groupe.
    Monsieur Roach, vous avez beaucoup parlé de vérité. Je crois que la Commission de vérité et de réconciliation a su regarder la vérité en face. J'ai entendu bon nombre de personnes dire que c'était dangereux de le faire, étant donné l'environnement politiquement correct dans lequel nous vivons. Ainsi, les gens n'aiment pas dire la vérité parce qu'ils craignent de se faire étiqueter. Comment la collecte de données dont vous avez parlé peut-elle donc nous permettre de connaître la vérité?
    Je crois que la collecte de données va au-delà des statistiques. Les statistiques nous révèlent certaines choses, mais pas tout. En ce qui a trait aux données qualitatives et expérientielles, comment croyez-vous que le gouvernement fédéral — qui n'a aucun rôle à jouer dans l'éducation primaire et secondaire — puisse trouver le moyen de demander aux conseils des écoles primaires et secondaires de recueillir des données aux fins d'une base de données nationale? Est-ce qu'on peut passer par l'Association canadienne des directeurs d'école? Comment peut-on faire?
    Les données communautaires sont fournies par la police. Les données statistiques et démographiques sont fournies par Statistique Canada. Comment pouvons-nous en savoir plus sur la vie des élèves de la maternelle jusqu'à la 12e année si nous n'avons pas compétence dans ce domaine?
    C'est la question à un million de dollars. Comme je l'ai dit plus tôt, je crois que si nous finançons des initiatives communautaires en veillant à ce qu'une partie du financement soit destinée aux jeunes, surtout ceux qui fréquentent les écoles et les universités et qui pourront élaborer des plans pour bâtir des collectivités sécuritaires, accueillantes et inclusives, alors cela nous aidera.
    Je crois aussi qu'en collaborant avec les ministres de l'Éducation, le gouvernement du Canada peut élaborer une stratégie pour offrir un soutien dans ce domaine. Je sais que le problème avec la collecte de données pour connaître la vérité, c'est qu'elle coûte cher. Pour un conseil comme le nôtre, qui compte 125 000 étudiants, la collecte de données coûterait environ 300 000 $; ce n'est pas donné.
    Je crois qu'on pourrait trouver un moyen de travailler avec les premiers ministres. On pourrait aussi utiliser les fonds réservés à cette fin dans le budget.
    Merci.
    Maître Hutchinson, je vais vous donner quelques minutes pour nous parler de la collecte de données.
    C'est incroyable ce que peut faire Statistique Canada...
    Oui, je le sais.
    ... et les données dont il dispose, mais qu'il ne publie pas, à moins que vous les demandiez et que vous puissiez comprendre les tableaux. Il recueille déjà des données sur ce type d'activité par l'entremise de divers sondages, tout comme diverses ONG. Bien sûr, dans la communauté juive, on sonde les étudiants dans les écoles secondaires. La communauté LGBTQ réalise elle aussi des sondages, par l'entremise des ONG. C'est aussi le cas dans la communauté évangélique.
    Je crois que la proposition de M. Roach voulant qu'on travaille à offrir un financement de base et peut-être une initiative fédérale-provinciale est pertinente. Statistique Canada peut facilement modifier ses questions entre les recensements pour vous aider à obtenir des réponses. On pourrait par exemple demander: « Avez-vous subi un comportement discriminatoire? Avez-vous été assujetti à un comportement que vous jugez haineux en raison de votre religion ou de votre race? » Statistique Canada pourrait poser ces questions parce qu'il recueille déjà des données sur la religion et la race.
    Merci beaucoup, maître Hutchinson et monsieur Roach, d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui. Vos témoignages nous ont été très utiles.
    Nous allons maintenant suspendre la séance pendant quelques minutes afin de nous préparer pour la prochaine heure.
    Merci.
(1625)

(1635)
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité du patrimoine étudie les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques au Canada. Pour la deuxième heure de notre réunion, nous recevons les vice-présidents de la Canadian Association of Jews and Muslims, Barbara Landau et Shahid Akhtar. De plus, c'est un honneur pour nous de recevoir le grand chef Perry Bellegarde et Jed Johns, de l'Assemblée des Premières Nations.
    Nous allons commencer. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite à la période de questions.
    Nous allons commencer par les représentants de la Canadian Association of Jews and Muslims. Vous pouvez partager votre temps de parole, mais vous ne disposez que de 10 minutes en tout.
    Merci.
    Nous allons chacun prendre cinq minutes. Comme nous n'avons que très peu de temps, je vais parler très vite.
    Je vous aviserai lorsqu'il ne vous restera qu'une minute.
    Merci.
    La Canadian Association of Jews and Muslims est la première organisation bilatérale juive et musulmane à se consacrer à la collaboration entre les juifs et les musulmans en vue de lutter contre l'antisémitisme et les préjugés à l'égard des musulmans. Nous avons créé la CAJM à une époque où l'islamophobie n'était même pas encore un concept connu; le mot n'avait même pas encore été inventé.
    Je n'aborderai que quelques points, puisque vous pouvez lire notre mémoire.
    Premièrement, comme vous abordez la question du racisme et de la discrimination religieuse systémiques, il n'y a pas pire démonstration de racisme systémique que l'élimination d'un groupe entier en fonction de sa race, de sa religion ou de son ethnicité. Il n'y a pas pire exemple de cela que ce qui se passe avec les musulmans rohingyas en Birmanie. Le Comité peut jouer un rôle très important à cet égard, parce que la chef du gouvernement qui commet ces crimes contre l'humanité est une citoyenne canadienne honoraire.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, vous savez que la citoyenneté canadienne, qu'elle soit honoraire ou autre, est une marque d'honneur. Les gens qui piétinent les valeurs canadiennes ne devraient pas avoir droit à cet honneur. Le Parlement doit être au courant. J'espère que grâce à vous, le message se rendra à Bob Rae, l'envoyé spécial nommé par le premier ministre, afin qu'il fasse comprendre à ce gouvernement que le génocide, le carnage et le nettoyage ethnique doivent cesser immédiatement. Sinon, je vous demande de convaincre les députés de retirer la citoyenneté honoraire — cet honneur — à Aung San Suu Kyi.
    Deuxièmement, j'aimerais parler de cette mesure honteuse prise par les décideurs québécois pour supprimer les droits d'un groupe précis de femmes, tout simplement parce qu'elles sont musulmanes. Avec leur projet de loi 62, les décideurs québécois replongent la province et la nation dans l'âge des ténèbres, où il était acceptable de dicter aux femmes ce qu'elles pouvaient et ne pouvaient pas porter. On justifie cette discrimination par une excuse pathétique voulant que l'habillement de certaines femmes musulmanes gêne certaines personnes.
    Les juifs et les musulmans se demandent quelle sera la prochaine mesure adoptée. Est-ce que les juifs orthodoxes seront les prochains visés? Dans les années 60, on interdisait l'accès des juifs et des Noirs à certaines plages; cela ne fait pas si longtemps. Est-ce que les bouddhistes ou les sikhs seront les prochains, parce qu'on n'aime pas leurs robes, leurs turbans ou leurs kirpans? Est-ce qu'on relance un débat sur le burkini contre le bikini?
(1640)
    L'antisémitisme ne vient pas seulement de l'extérieur. Il se vit aussi parmi les juifs et les musulmans. J'aimerais beaucoup que le Comité convainque les députés du Parlement d'utiliser la crédibilité du Canada à l'échelle mondiale pour demander une conférence internationale entre Israël et tous les pays musulmans. Il faut les réunir pour créer des relations d'arrière-plan avec les pays musulmans qui, à l'heure actuelle, n'ont pas de relations diplomatiques avec Israël ou entre eux.
    Cela étant dit, je vais passer mon dernier point et céder la parole à ma coprésidente, Barbara Landau.
    Avant de donner la parole à Mme Landau, j'allais dire que vous pourrez peut-être aborder ce point dans la réponse à une question.
    Merci.
    Madame Landau, vous avez la parole.
    Bien que le Canada jouisse d'une excellente réputation à l'échelle internationale, il ne faut pas faire preuve de complaisance. Malheureusement, les divisions entre les religions, les cultures, les races et autres sont permanentes. Je vais vous parler de certaines de ces tensions et vous offrir certaines recommandations. Je vous ai déjà transmis mes notes du 4 octobre et de nouvelles notes, mais mes déclarations étaient trop longues, alors je vais les résumer ici aujourd'hui. Vous pourrez lire mon mémoire.
    J'aimerais d'abord parler du libellé de la motion M-103, qui sous-entend une compétition entre les victimes. Les membres de la communauté juive et de la communauté musulmane sont divisés au sujet du libellé de la motion M-103, comme l'a fait valoir Shahid. Derrière nombre des conflits se cache la peur, la peur que les cas de racisme et de discrimination ou l'identité ne soient pas pris au sérieux. Bien que la peur soit légitime, on s'en sert souvent pour diviser les gens et exacerber les tensions entre les groupes qui sont victimes de stéréotypes. La controverse a trait au fait qu'on ne nomme pas spécifiquement l'antisémitisme et que cela sous-entend que la haine envers les juifs est ignorée, même si une motion similaire sur l'antisémitisme a été approuvée par le gouvernement.
    La motion M-103 a été présentée à un moment tragique, alors que six musulmans canadiens avaient été tués pendant les prières du vendredi. Je tiens à souligner qu'au moins neuf synagogues progressistes avaient réagi avec empathie à cet événement en formant des cercles de la paix autour des neuf mosquées pendant les prières du vendredi. Les musulmans étaient fort émus et reconnaissants et des liens d'amitié immédiats s'étaient tissés entre les groupes.
    Toutefois, une importante organisation juive, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, le CIJA, avait réagi tout autrement. Il avait transmis un bulletin aux nombreux membres de sa liste de diffusion, dans lequel on suscitait la peur en racontant l'histoire d'un sermon prononcé plusieurs années auparavant par un conférencier. C'était un message antisémite, mais on ne donnait aucun contexte ni preuve que ce sermon avait donné lieu à des gestes antisémites. Cette diffusion concordait avec le message du CIJA visant à dénoncer la motion M-103. La CAJM avait critiqué cette approche qui divisait les gens et manquait d'empathie, dans une lettre publiée dans le Canadian Jewish News, que vous trouverez dans mon mémoire.
    Le Toronto Star avait rapporté un incident similaire associé aux prières dirigées par l'imam Ayman Elkasrawy à la mosquée Masjid de Toronto. Plusieurs journaux avaient rapporté que certaines de ces prières étaient antisémites. B'nai Brith Canada avait exhorté l'Université Ryerson de congédier l'imam de son poste à titre d'auxiliaire à l'enseignement; on demandait qu'il soit congédié de son poste d'adjoint à la mosquée. Encore une fois, le CIJA avait diffusé un article qui avait suscité des craintes et même la terreur à l'égard de l'antisémitisme. L'imam s'était excusé et avait demandé à discuter avec les leaders juifs afin de comprendre ce qui avait pu être offensant. Ses excuses n'avaient pas été acceptées et il n'avait pas eu l'occasion de corriger ses fautes. Il a perdu ses deux emplois sans qu'une enquête soit menée.
    Bernie Farber, l'ancien président et directeur général du Congrès juif canadien et du Mosaic Institute, avait offert de le rencontrer. Après leur rencontre, M. Farber était convaincu que l'imam n'était pas antisémite et l'avait invité à participer à plusieurs séances de sensibilisation à la culture qu'il avait organisées avec Karen Mock et d'autres membres du clergé multiconfessionnel. Il avait demandé à un journaliste d'y assister à titre d'observateur. Le journaliste s'était demandé si les prières avaient bien été interprétées et avait demandé à plusieurs universitaires arabes de les traduire. Leurs traductions avaient permis de démontrer que les propos avaient à l'origine été traduits de manière à les rendre plus négatifs.
    Il faut prendre au sérieux les réalités que sont l'antisémitisme et l'islamophobie et éviter d'alimenter les flammes de la peur et de la haine à titre de moyen de justifier notre...
(1645)
    Il vous reste une minute.
    D'accord.
    Nous devons mieux faire connaître l'histoire, la culture et les sensibilités de chaque groupe et les enseigner aux jeunes.
    Ensuite, il y a la définition de l'islamophobie et de l'antisémitisme. Dans les documents que je vous ai transmis, je présente des définitions canadiennes et internationales reconnues. À mon avis, chaque groupe devrait choisir sa propre définition et son étiquette plutôt que de se les faire imposer par d'autres, ce qui est irrespectueux.
    En ce qui a trait au projet de loi 62 du Québec — Shahid en a parlé —, bien que la province souhaite préserver son identité distincte, les conséquences négatives du projet de loi sur la vie d'un petit nombre de femmes musulmanes sont plus inquiétantes que toute menace à l'identité québécoise.
    Le comité sur le multiculturalisme devrait proposer des programmes d'éducation en vue d'atténuer ces peurs déraisonnables. Je tiens à parler du mouvement BDS, des alertes à la bombe et de l'exclusion des étudiants universitaires juifs des campus du Manitoba, de l'Ontario et du Québec. Tout cela soulève des préoccupations, tout comme le refus du conseil scolaire catholique de l'Alberta d'offrir un cours d'éducation à la sexualité et un cours sur l'identité sexuelle, malgré les preuves de marginalisation et de discrimination à l'égard des étudiants LGBT.
    Nous avons fait des recommandations précises sous les rubriques « Prévention », « Partenariat » et « Protection », qui se trouvent dans les documents que je vous ai transmis.
    Madame Landau, vous abordez ces sujets dans vos documents, mais encore une fois, vous aurez peut-être l'occasion pendant la période de questions...
    Oui.
    ... d'y revenir.
    Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant vous.
    C'est nous qui vous remercions, madame Landau.
    Nous allons maintenant entendre les représentants de l'Assemblée des Premières Nations.
    Grand chef Bellegarde et Jed Johns, vous disposez de 10 minutes. Comme vous ne partagerez pas votre temps de parole, je vous avertirai lorsqu'il vous restera deux minutes.
    [Le témoin s'exprime en cri.]
    À tous mes parents et amis, je suis heureux d'être ici sur les terres traditionnelles non cédées des Algonquins.
    [Le témoin s'exprime en cri.]
    Je viens d'une petite réserve du sud de la Saskatchewan, sur le territoire issu du Traité no 4, qui s'appelle Little Black Bear. Nous sommes des Cris Nakotas.
    C'est un honneur pour moi d'être ici aujourd'hui pour vous parler de racisme et de discrimination. Je vous dis bonjour.
    En tant qu'Autochtones, nous considérons les autres comme des amis, des parents. Je veux vous faire part de notre vision à cet égard. Dans notre monde, la couleur n'existe pas. Dans notre monde — et je tiens à vous le dire parce que c'est très important —, dans nos cérémonies, il n'y a pas de gens noirs, blancs, jaunes ou rouges. Nous formons une tribu d'êtres à deux pattes.
    Lorsque nous tenons une cérémonie, nous saluons bien sûr le Créateur...
    Excusez-moi, madame la présidente, il y a problème avec l'interprétation.
    Je vais parler lentement.
    Non. Nous allons simplement suspendre la séance une minute. Vous n'avez pas perdu de temps.
    Le problème est réglé. Reprenons.

[Français]

     Je parle un peu français.

[Traduction]

    Dites à l'horloge que j'ai deux minutes de plus.
    C'est moi, l'horloge. Vous aurez vos deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je souhaite vous expliquer très brièvement que selon notre vision du monde, nous sommes tous liés comme des parents et amis. Nous ne voyons pas la couleur de la peau. Nous appartenons tous à la tribu à deux jambes. Lors d'une cérémonie, nous rendons bien sûr hommage à l'être supérieur et au pouvoir, de même qu'au père ciel, à la terre mère, à la grand-mère lune, au grand-père soleil et à nos proches, les étoiles. Nous rendons hommage aux directions de l'est, du sud, de l'ouest et du nord, où se trouvent des esprits. Mais nous saluons aussi nos parents qui marchent à quatre pattes, qui volent, qui nagent ou qui rampent, de même que les plantes mâles et femelles.
    Je vais rapidement vous partager notre vision du monde. Lorsque je parle de tous nos parents et amis, je rends hommage à vous qui marchez sur deux jambes, mais aussi aux créatures que je viens de nommer. C'est ainsi que nous voyons le monde. Je suis d'avis que si la planète entière pouvait adopter cette idéologie dans les secteurs publics et privés, il n'y aurait ni racisme ni discrimination. Nous appartenons tous à cette famille, et nous sommes tous liés dans ce grand cycle de la vie. Je commence ainsi.
    Notre Assemblée des Premières Nations, ou APN, regroupe 634 collectivités des Premières Nations d'un bout à l'autre du Canada, 58 nations et tribus différentes, et environ 1,4 million de personnes, dont la moitié vit dans les réserves et l'autre moitié, à l'extérieur des réserves. Ce sont de gros chiffres, mais l'APN existe depuis de nombreuses années et préconise toujours la justice sociale, l'égalité et l'équité pour tous nos peuples. C'est ce que nous faisons depuis maintenant plus de 50 ans. Aussi, nous accueillons favorablement nos partenaires et alliés qui travaillent assidûment et résolument avec nous pour faire valoir les mêmes principes que ceux auxquels j'adhère. Votre comité étudie la façon de lancer une initiative pangouvernementale visant à réduire ou à enrayer les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques. En tant que membres des Premières Nations, nous savons que nous en avons été la cible à maintes occasions.
    Je vais brièvement parler des différents secteurs. Dans le secteur de la justice, nous voyons des choses comme le cas d'Angela Cardinal, victime d'une agression, qui a dû prendre l'autobus avec son agresseur. C'est ce qui se passe du côté de la justice. Nous voyons des affaires comme celle d'Anthony Peter-Paul, à qui on a même refusé une cérémonie de purification par la fumée à Saint John, ce qui ne reconnaît nullement notre système visant à essayer de nous connecter. Dans les années 1990, il y avait à Saskatoon des balades au crépuscule qu'on appelait « twilight tours ». Ce que j'entends par là, c'est que le service de police de la ville emmenait des hommes des Premières Nations en périphérie de la ville, puis les laissait marcher à des températures de 30 ou 40 degrés sous zéro, ce qui a donné lieu à l'enquête Stonechild en Saskatchewan.
    Nous voyons aussi les services de police être remis en cause dans le cas des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées. Quand entendons-nous parler des familles? Les services de police doivent être revus, car lorsqu'il s'agit de notre peuple, ils n'allouent pas les mêmes ressources aux recherches et aux enquêtes, puis ne communiquent pas les résultats aux familles. Il ne fait aucun doute qu'il faut revoir les services de police. Les chiffres sont éloquents: les Premières Nations représentent 4,5 % de la population canadienne, mais les prisons en sont pourtant remplies, de sorte que nous sommes surreprésentés dans ce système.
    En outre, les services de police au sein de nos réserves ne sont pas considérés comme des services essentiels — le maintien de l'ordre n'est même pas essentiel. Nous remettons en question ce système de justice, et même la Constitution à plus grande échelle, dont la partie I porte sur la Charte canadienne des droits et libertés, la partie II comprend l'article 35. Comment se fait-il que nos droits soient figés dans le temps, qu'ils n'évoluent pas et qu'ils ne doivent pas être mis à jour aussi, alors que les droits de tous les autres Canadiens le sont? Nos droits n'évoluent aucunement.
    Suis-je censé exercer mon droit issu de traités qui me permet de chasser à l'arc et à la flèche? Nos droits n'évoluent pas, contrairement à ceux de tous les autres Canadiens. C'est presque comme s'il s'agissait de droits éventuels. Il faut donc remanier l'ensemble du système de justice.
    Sur le plan de l'éducation, les réserves reçoivent 6 500 $ par enfant pour les frais de scolarité de la maternelle à la 12e année, alors que les systèmes scolaires provinciaux versent le double, à savoir 12 ou 13 000 $ par tête. Dans les milieux francophones, on parle même de 20 000 $ par enfant. C'est une différence et un écart énormes. Même dans les universités, combien de membres des Premières Nations… Comment appelle-t-on cela, une permanence? Combien de membres des Premières Nations obtiennent vraiment une permanence dans ce système? Nous pouvons en parler, mais il n'en demeure pas moins que le problème touche le système d'éducation. C'est ainsi dans les deux volets, qu'il s'agisse de la maternelle à la 12e année ou des universités et des programmes techniques.
    En ce qui a trait au système de santé, bon sang que nous pourrions passer du temps à donner des exemples. À Winnipeg, Brian Sinclair est décédé après avoir attendu 34 heures pour obtenir des soins. C'est dans l'ère moderne et dans une grande ville. Dans le Nord, c'est comme s'il y avait un système de santé à deux vitesses pour notre peuple. Il n'y a bien souvent ni hôpital ni médecin compétent. Le système de santé du Nord a deux vitesses. Dans le nord du Manitoba et de l'Ontario, c'est la même chose. Les services ne sont pas accessibles.
    Nous pourrions continuer longtemps.
(1650)
    Sur le plan social, nous sommes au courant de la discrimination qui persiste du côté des services de protection de l'enfance. Nous le savons et le voyons. Le Tribunal canadien des droits de la personne affirme que des injustices règnent encore lorsqu'il est question des enfants. Même le modèle de financement de la protection de l'enfance laisse à désirer puisqu'il n'entre pas en jeu avant que nos enfants soient appréhendés. C'est à ce moment que le processus s'enclenche. L'ensemble du modèle de financement est donc vicié. Tout le système de la protection de l'enfance comporte de graves lacunes. Il y a énormément de racisme et de discrimination de ce côté.
    Maintenant que nous avons exposé le problème, comment pouvons-nous y remédier? Que devons-nous faire?
    Revenons maintenant aux recommandations. Nous avons parlé de la réconciliation et de sa grande importance. Tout le monde parle actuellement de réconciliation au pays afin de régler ces problèmes. Une des façons les plus importantes d'y arriver est l'adoption et la mise en œuvre complète de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il s'agit à nos yeux d'une feuille de route vers la réconciliation. C'est une façon de mettre fin à la discrimination et au racisme qui persiste au pays et dans le monde. Voilà un volet.
    Nous parlons des outils qui permettent d'éradiquer tous ces problèmes. Il y a deux doctrines, à savoir celle de la découverte et celle du territoire sans maître. On commence rapidement à les considérer comme des doctrines illégales et racistes non seulement au Canada, mais dans le reste du monde aussi. C'est très important puisque cela aura une incidence sur tout ce qui se rapporte aux terres, aux ressources et aux territoires. Familiarisez-vous avec le concept de souveraineté et de pouvoir proclamé de la Couronne, car il découle de ces deux doctrines.
    La reconnaissance de l'appartenance de notre peuple et nos nations à la grande famille humaine mondiale est au coeur de la Déclaration des Nations unies. Chaque disposition de la Déclaration doit être interprétée « conformément aux principes de justice, de démocratie, de respect des droits de l’homme, d’égalité, de non-discrimination, de bonne gouvernance et de bonne foi. »
    Je demande au Comité d'appuyer les initiatives auxquelles nous travaillons.
    Je demande au Comité de soutenir l'enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et de mettre en place toutes les recommandations à venir.
    Je demande au Comité d'appuyer la mise en oeuvre des 94 appels à l'action de la Commission de vérité et de réconciliation.
    Je demande au Comité de veiller à ce qu'on investisse suffisamment dans l'éducation de la maternelle à la 12e année, ainsi qu'au niveau postsecondaire.
    Je demande au Comité de collaborer avec nous à l'élaboration d'un nouveau cadre fiscal au pays, de sorte que les Premières Nations bénéficient d'un financement à long terme, durable et prévisible.
    Je demande au Comité de collaborer avec nous pour réaliser cet examen des lois et des politiques. Toute législation encore raciste et discriminatoire doit être harmonisée à l'article 35 de la Déclaration des Nations unies. Il faut corriger les textes. Nous devons nous doter d'un processus d'examen des lois et des politiques. Les dispositions sur les revendications territoriales globales, les revendications particulières, les ajouts aux réserves et le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale doivent tous être rectifiés puisqu'ils se fondent sur l'annulation des droits plutôt que sur la reconnaissance des droits et des titres. Je vous demande donc tous d'appuyer ces travaux.
    La mise en œuvre des traités conformément à leur esprit et leur intention est fort importante. Il s'agit de relations avec la Couronne découlant des traités. Ces relations reposaient sur le partage de la richesse de la terre et des ressources, et non pas sur la cessation ou la renonciation. Nous avons énormément de travail à faire.
    Il doit y avoir plus de membres des Premières Nations au sein des conseils et des autorités décisionnels, comme la Cour suprême du Canada, l'Office national de l'énergie, les conseils d'administration, les PDG, et ainsi de suite. Nous devons être présents là où ces décisions sont prises.
    Je sais qu'il me reste peu de temps. J'aborderai certains éléments en réponse aux questions, et je vais m'arrêter ici.
     Ekosi.
(1655)
    Il vous reste 30 secondes, si vous souhaitez poursuivre.
    J'avais quatre ou cinq points à faire valoir.
    Nous devons remanier le système de justice et privilégier un système de justice réparatrice plutôt que punitive. À quoi cela ressemble-t-il? De nombreux éléments doivent être pris en compte.
    Nous aimerions qu'il y ait deux textes de loi. Le premier porte sur les langues autochtones et serait une loi sur la revitalisation des langues autochtones. Il s'agirait d'un investissement dans le capital humain. Le segment de la population canadienne qui connaît la croissance la plus marquée est les jeunes hommes et les jeunes femmes des Premières Nations. Ils doivent savoir qui ils sont et d'où ils viennent. Les études montrent que lorsque les Autochtones maîtrisent leur langue, ils réussissent mieux à l'école, et plus tard dans la vie. La langue est primordiale.
    La Déclaration des Nations unies et le cadre de réconciliation s'insèrent ici.
    Merci infiniment. Nous étofferons ces points dans la période de questions et de réponses.
    La première intervenante est Mme Dhillon, du Parti libéral, qui a sept minutes.
    Bonjour. Je vous souhaite tous la bienvenue aujourd'hui, et je vous remercie d'être venus témoigner devant nous.
    Je vais d'abord m'adresser aux représentants de la Canadian Association of Jews and Muslims. Je tiens à féliciter votre organisation de réunir deux communautés sous un même toit. C'est unique.
    Ma première question s'adresse à M. Akhtar. Vous n'avez pas eu le temps de terminer votre deuxième point. Si vous voulez le faire maintenant, vous pouvez y aller.
    Je vous remercie infiniment de me donner cette occasion. Dans ce deuxième point, je disais notamment que l'islamophobie et l'antisémitisme sont les deux côtés d'une même médaille. Nous avons la manie d'isoler ces deux concepts comme étant des problèmes distincts.
(1700)
    Je vois.
    Cela ne fait qu'alimenter, involontairement peut-être, le ressentiment au sein du groupe qui n'est pas visé. En toute circonstance, et quel que soit le discours, lorsque vous parlez de discrimination religieuse et qu'il est question d'antisémitisme et d'islamophobie, ces deux mots devraient être prononcés ensemble dans la même phrase et du même souffle, car c'est exactement la même chose.
    Ne vous empêtrez pas dans les détails techniques des définitions, sans quoi l'antisémitisme… Savez-vous ce que le terme signifie? Il désigne des préjugés à l'égard des Sémites. Et qui sont les Sémites? Ce sont les Saoudiens, les Palestiniens et les Jordaniens. Ce sont eux, les Sémites, de sorte qu'il ne faut pas être prisonnier des définitions techniques du dictionnaire. Attardez-vous à ce qui a vraiment une incidence. Parlez des gens qui souffrent. Si les juifs souffrent et qu'ils souhaitent appeler cela de l'antisémitisme, acceptez-le. Si les musulmans souffrent et qu'ils souhaitent appeler cela de l'islamophobie, acceptez-le, mais agissez de façon à en éliminer la cause fondamentale.
     Je veux aussi dire que si vous n'agissez pas assez vite, madame la présidente, je crains vraiment, à l'instar des juifs et des musulmans, que le Canada ne crée un environnement semblable à celui qui prévaut chez nos voisins du Sud depuis l'élection de Donald Trump. Il a enhardi des personnes qui partagent exactement les mêmes idées, mais qui s'en cachaient. Ils sont maintenant au grand jour et organisent des marches pronazies et pour la suprématie blanche. Un tel phénomène pourrait vraisemblablement se produire au Canada aussi, à moins que votre comité, votre Parlement et votre gouvernement ne fassent quelque chose.
    Merci. Vous avez exprimé une réflexion similaire à celle de M. Roach, un des témoins précédents.
    Je vais vous poser une question, puis je vais diviser votre temps de réponse avec M. Bellegarde. Est-ce que vous avez tous les deux des recommandations à nous soumettre pour le système canadien?
    Je peux répondre.
    J'aimerais que le programme de financement du multiculturalisme soit rétabli, avec une représentation du fédéral et des provinces. L'objectif serait d'accroître la sensibilisation à la lutte contre le racisme en organisant un symposium national pour mettre en commun les pratiques exemplaires et le matériel didactique permettant d'éduquer les jeunes et les forces de l'ordre sur la diversité de race, de culture, de religion, d'identité sexuelle et de genre. Je pense que le programme pourrait aussi être employé pour les Premières Nations. Il pourrait servir aux deux volets et à toutes les formes de discrimination.
    Une autre recommandation préconise le partenariat. Nous avons passé plus de 20 ans à réunir les communautés, ce que nous avons réussi à bien des égards — nous en parlons dans la documentation. Ce sont des façons d'apprendre à se connaître et à se comprendre les uns les autres, en tant qu'êtres humains ayant des pratiques culturelles, et à démystifier et vaincre les préjugés des uns envers les autres. À vrai dire, notre communauté juive a tendu la main aux Premières Nations aussi, et c'est devenu une priorité au sein de la congrégation juive réformée. Nous pourrons en parler davantage tout à l'heure.
    En ce qui concerne la protection, il faut une combinaison de sensibilisation, de lois claires et d'outils comme la justice réparatrice, que j'encourage sans réserve, pour ceux qui assument leur responsabilité et sont prêts à réparer leurs torts, de même que des sanctions précises pour ceux qui sont impénitents. Nous devons recueillir des données, comme le témoin précédent… Était-ce Cecil Roach?
    Les victimes de discours haineux et de préjugés devraient bénéficier d'un organisme gouvernemental coordonné qui se consacre à la collecte des données, ainsi que d'un mécanisme de signalement confidentiel pour déposer leur plainte. Les dispositions législatives contre les crimes haineux doivent prévoir une réaction musclée aux paroles et aux gestes qui dépassent les bornes.
    Encore une fois, je pense que la collaboration entre un comité sur le multiculturalisme et les provinces serait une façon d'y arriver.
    Merci.
    Monsieur Bellegarde, pourriez-vous s'il vous plaît terminer vos recommandations? Je pense que vous avez manqué de temps.
    Je pense que l'éducation et la sensibilisation mènent à la compréhension et à l'action. Les systèmes scolaires d'un bout à l'autre du Canada... Je sais que nous sommes au fédéral, mais faites pression sur les premiers ministres provinciaux et sur l'ensemble du Canada pour changer le programme scolaire de façon à enseigner les droits inhérents, les droits issus de traités et les droits des Autochtones, et à montrer l'histoire et l'incidence des pensionnats indiens et de la Loi sur les Indiens. Le programme doit changer. C'est important.
(1705)
    Le programme devrait inclure une meilleure éducation sur les Premières Nations.
    Oui, de la maternelle à la 12e année.
    Les systèmes provinciaux doivent être révisés partout au pays. Je sais que l'éducation ne relève pas de votre compétence, mais il faut le faire dans chaque province et territoire. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale des Nations unies, ou CERD, s'est penché sur le Canada, puis il a émis de nombreuses recommandations. Appliquez-les, respectez-les et mettez-les en oeuvre, car elles portent sur les revendications territoriales.
    Je dis toujours qu'on ne devrait pas parler de « revendications territoriales ». Pourquoi ne pas parler de la « restitution des terres » aux peuples autochtones? L'ensemble des politiques et le reste traitent de la question. Nous devons trouver des moyens de mettre en oeuvre et de respecter la relation découlant des traités que nous avons avec la Couronne, car il s'agit vraiment d'un partage des terres et des ressources.
    Il s'agit d'un guide de la citoyenneté. Lorsque de nouveaux immigrants arrivent au Canada, vous devriez changer le guide en vigueur, car ces gens doivent prêter allégeance au Canada, à ses lois et à ses traités. Nous avons demandé qu'un homme aîné et une femme aînée soient présents. Il devrait y avoir un tambour, ainsi qu'une cérémonie de la purification par la fumée pour accueillir ces nouveaux arrivants au Canada.
    Oui.
    Je me dépêche
    Continuez.
    Il ne vous reste que 10 secondes.
    Je vais m'arrêter ici, dans ce cas.
    Je tenais à vous remercier de votre introduction sur le fait que nous appartenons tous à une tribu à deux jambes. Voilà qui nous sommes, et c'est ainsi que nous devrions tous penser. Merci beaucoup d'avoir partagé ces merveilleuses réflexions au début de votre présentation.
    Merci, madame Dhillon.
    Je laisse la parole à Scott Reid, du Parti conservateur.
    Merci beaucoup.
    J'ai quelques questions à vous poser, chef Bellegarde. Mais avant, je devrais peut-être vous demander de terminer les recommandations que Mme Dhillon a tenté de vous aider à formuler. Sinon, je peux vous demander s'il est possible de nous soumettre vos recommandations par écrit. De cette façon, elles seront versées en preuve, et nous pourrons les citer.
    Merci. J'ai l'intention de vous laisser ce que j'ai. Notre mémoire — et je reconnais toujours la qualité des discours qu'écrit pour moi mon personnel, mais que je ne lis jamais, et bien... en partie. Je peux vous laisser celui-ci, parce qu'il renferme des recommandations. Je vous laisserai aussi une lettre que j'ai écrite à tous les premiers ministres sur les mesures à prendre.
    D'accord.
    Il s'y trouve un plan d'action en 11 points. Je vous le laisserai aussi et il pourra être déposé comme preuve.
    Communiquez-le à notre greffier, qui veillera à nous le distribuer à nous tous.
    L'un de ces 11 points est la modification de vos programmes scolaires.
    D'accord.
    Ça se trouve là.
    Je me contenterai de dire ce qui est évident pour les recommandations sur des domaines de compétence provinciale. Nous somme impuissants. Un comité du Parlement comme nous ne peut que formuler des recommandations, donc servir de courroie de transmission d'idées, y compris celles qui relèvent des compétences des provinces.
    Je voulais vous questionner sur deux points précis. D'abord, la notion de « terra nullius » ou de « territoire sans maître ». J'ai vécu en Australie où la mainmise sur le territoire s'est fondée sur cette doctrine, selon laquelle le territoire en question est bien inhabité, qu'il ne s'y trouve personne avec qui nouer des relations, conclure des traités et ainsi de suite. On applique traditionnellement cette doctrine à des terres tout à fait inhabitées, comme l'Islande, à l'arrivée des Européens.
    Je pense que, au Canada, la doctrine n'a pas servi, tandis que, en Australie, on a agi contrairement à la tradition britannique. Est-ce que je me trompe dans mon interprétation de l'histoire?
    Ce n'est pas des notions, mais deux doctrines.
    Entendu.
    La doctrine de la découverte et celle du territoire sans maître.
    D'accord.
    Nous, les peuples autochtones du Canada, nous les considérons, à l'instar de beaucoup d'autres pays, comme des doctrines racistes illégales. Voilà pourquoi on commence à utiliser des expressions comme « souveraineté proclamée de la Couronne » ou « compétence proclamée de la Couronne ».
    Prenons le paragraphe 91(24) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui accorde au gouvernement fédéral la compétence sur les Indiens et les terres des Indiens. Les lois en vigueur donnent à ma réserve le nom de Little Black Bear. Cette terre domaniale est-elle réservée à l'usage et au profit des Amérindiens? Peut-être, je suppose, dans la common law ou dans le droit civil, mais pas dans celui des Premières Nations. Ça ne correspond pas à notre vision des choses. Nous considérons nos terres comme souveraines. Nous partagerons tout le reste, mais notre réserve est territoire souverain, et non une terre domaniale réservée à l'usage et au profit des Indiens.
    Comment la Couronne a-t-elle obtenu le titre des terres et des territoires des peuples autochtones? En plantant un drapeau, d'après ces doctrines, que dément la présence de peuples autochtones directement de l'autre côté de l'île Turtle. C'est notre vision des choses. Maintenant, il existe un mouvement. Nous ne voulons effrayer personne. Il repose entièrement sur les principes de la coexistence pacifique, du respect mutuel et des avantages mutuels que procure la mise en commun du territoire et des ressources.
(1710)
    Je vois à quoi vous voulez en venir.
    Dans son interprétation de la Constitution des États-Unis au XIXe siècle, la Cour suprême de ce pays a affirmé que le gouvernement et les peuples autochtones avaient noué entre eux une relation entre nations dépendantes souveraines. Est-ce ça s'oriente davantage dans la direction que vous favorisez?
    Il existe un partage de souveraineté et de compétences. Effectivement, des compétences sont attribuées au pouvoir fédéral, d'autres aux provinces et d'autres sont partagées. Il faut reconnaître ou rétablir aussi celles des Premières Nations.
    Par exemple, la citoyenneté de Little Black Bear ou l'appartenance à sa communauté relèvent de notre compétence. Une partie de nos compétences sont partagées. À nous, maintenant, de nous entendre. Voilà l'effet de la reconnaissance du droit inhérent à l'autonomie ou à l'auto-détermination.
    J'avais l'intention de partager mon temps avec M. Sweet.
    Avez-vous une question, monsieur Sweet?
    Vous disposez de deux minutes.
    Je tiens d'abord à remercier les témoins. J'apprécie vraiment l'information sur la question.
    Monsieur Akhtar et madame Landau, encore une fois, j'apprécie tout votre travail. Particulièrement en ce qui concerne les liens tissés entre vos communautés. Je ne suis pas savant en la matière, mais je sais que les communautés musulmane et juive sont elles-mêmes très diversifiées.
    C'est vrai.
    Vous avez évoqué les tensions entre les musulmans et les juifs à l'égard de la motion 103.
    Des témoins ont parlé de la forte tension qu'éprouvait la communauté musulmane, et certains se sont dit inquiets du détournement du sens du terme « islamophobie ».
    Que des musulmans viennent nous dire leur inquiétude à ce sujet, ça me préoccupe vraiment. Ça été l'un de nos rares sujets de désaccord, quand nous avons voulu modifier la motion pour parler de cette haine des musulmans, à cause des étincelles politiques que ce terme est tellement susceptible de produire. Comment? Beaucoup sont venus dire qu'ils étaient vraiment préoccupés par l'étymologie de ce terme, la façon dont il est galvaudé.
    Se sentant prisonniers des définitions, il craignent, plus tard, d'être incapables de provoquer des réformes dans leur communauté, de la libérer et de se libérer eux-mêmes. Je me demande si vous pouvez en parler.
    Vos sept minutes sont amplement écoulées.
    Voilà le problème du partage du temps. Sérieusement, deux minutes, ce n'est pas assez pour poser une question et obtenir une réponse.
    Nous avons un problème. Peut-être pourrez-vous répondre très rapidement, s'il vous plaît. Je vous accorde 30 secondes, pas plus.
    Maintenant?
    Oui, maintenant.
    Très rapidement, je crois dans le motif et la volonté politique d'agir. Il faut voir ce qui marche. La communauté musulmane est très diversifiée, comme beaucoup d'autres, comme la vôtre. Vous avez parlé d'environ 600, mais le problème est que, en général, cette culture a en quelque sorte accepté la possibilité de critiquer impunément la discrimination contre les musulmans en dépeignant cette tranche de la population de toutes sortes de façons dans les médias. C'est ce qui arrive. La discrimination est réelle.
    Je dis que vous devez réagir. Si vous le pouvez, peu importe la définition, il faut que la communauté musulmane se sente comme les autres, canadienne. Nous sommes d'abord Canadiens, et tout le reste suit très loin derrière.
    Une petite observation à l'intention de M. Bellegarde. Vous devez laisser libre cours à votre imagination. Oubliez tous les a priori. Soyez original. Réfléchissez à résoudre le problème. Voilà votre réponse en 30 secondes.
(1715)
    Merci.
    La parole est maintenant à la néo-démocrate Cheryl Hardcastle.
    Merci.
    Je vais limiter mon préambule, pour vous laisser plus de temps.
    Je suis sûre que vous savez tous, particulièrement vous, monsieur Bellegarde, que mon collègue Romeo Saganash a déposé un projet de loi qui assurerait l'harmonie des lois du Canada avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Plutôt que de vous demander vos observations, je voudrais que vous établissiez une relation entre ce fait et ce que vous dites au sujet de l'harmonisation de nos lois. Nous devrions avoir des données probantes et des idées. Les notions doivent s'appuyer sur des données.
    Vous avez évoqué l'enquête sur les femmes disparues et l'écart entre l'information que nous possédons, la collecte de données et leur sensibilité à l'égard du maintien de l'ordre, de l'application de la loi. Parlez-nous un peu, par exemple, de votre vision de notre pays se dotant de lois en harmonie avec la déclaration des Nations unies et comment nos recommandations privilégieraient cette évolution.
    C'est une excellente question.
    Nous nous engageons maintenant dans cette direction. Le premier ministre s'est présenté deux fois à l'assemblée de nos chefs. Il y retournera les 5, 6 et 7 décembre, je crois, avec un certain nombre de ministres. Un engagement avait été pris pour l'examen en commun des lois et des politiques, il y a deux ans, puis, de nouveau, pas plus tard que l'année dernière.
    En ce qui concerne les politiques, nous pouvons commencer à assister à un petit déblocage. Ça a encore besoin d'un peu de révision. Sur les politiques que nous retenons, on peut y aller par ministère pour déterminer celles qu'on a besoin de changer.
    Je me contenterai des quatre qui relèvent du ministère de Mme Bennett: celles des revendications globales, des revendications particulières, des ajouts aux réserves, des droits inhérents. Toutes ces politiques, tous ces cadres sont vraiment obsolètes, puisqu'ils se fondent sur la résiliation et non sur la reconnaissance des droits. Il faut les harmoniser avec les décisions judiciaires prononcées au Canada, comme la reconnaissance des droits par l'arrêt sur la Nation tsilhqot'in.
    La Cour suprême affirme beaucoup de choses, dans ses décisions sur les droits des Autochtones, la reconnaissance des droits et la reconnaissance ainsi que la mise en oeuvre des traités, mais le législatif et l'exécutif ne suivent pas les décisions du judiciaire. Il faut y remédier, et très rapidement, pour changer ces politiques. J'en ai mentionné seulement quatre. Il y en a d'autres.
    Vous pouvez y aller par ministère, pour les politiques qu'on a besoin de changer. Nous essayons de collaborer, parce que nous tenons à une rédaction à deux mains. Pas seulement celle du gouvernement. Nous devons collaborer.
    Les lois sont un autre processus qui exigera notre collaboration. Il faut en changer certaines. L'une d'elles sera la Loi sur les Indiens. Comment faire pour la laisser derrière nous? Cette loi fédérale remonte à 1876. Il y en a d'autres.
    Par exemple sur les eaux navigables et la pêche. Il faudra en changer certaines en tenant compte de la déclaration des Nations unies et de la reconnaissance des traités et des droits des Autochtones. Il faut suivre ensemble un processus très précis. Nous nous y préparons en assortissant ce plan de travail d'objectifs et d'échéanciers, à partir de l'Assemblée des Premières Nations et en collaboration, actuellement, avec le gouvernement. Il faut l'entreprendre, et les résultats doivent être mesurables. Lentement, mais sûrement.
    Voilà ma réponse. Les politiques sont un volet du travail; la loi un autre.
    Merci beaucoup.
    Je sais que, dans ses travaux, notre comité fouillera vraiment dans ce que nous pouvons faire sur la prise de décisions fondées sur des données probantes, des données donc. Je n'ai peut-être pas fini de vous interroger.
    Madame Landau, qu'en est-il des sensibilités concernant la collecte de données. Vous savez, des données rassemblées de l'intérieur. Qu'avez-vous à dire sur la méthode que nous pouvons suivre?
    L'idée de saisir des données sur les incidents de discrimination dans toutes nos communautés est reliée à ce que nous ferons de ces données. Je pense que le plus important est que si on ne fait qu'en collecter, elles ne sont pas très utiles. Si le but est de mieux sensibiliser les élèves, les enseignants, la police ou les employeurs, de rapprocher les gens, elles seraient très utiles.
    L'une de mes inquiétudes, c'est souvent la très grande distance entre nos communautés. Même si Shahid et moi sommes les meilleurs amis, il vit à Mississauga, et moi à Toronto. Nous nous voyons peu. Nos communautés sont séparées. C'est certainement vrai pour les Premières Nations.
    J'adore vraiment l'idée de remettre sur pied un programme de financement du multiculturalisme, pour collaborer avec différents groupes où vous ne possédez aucune compétence, mais pour lesquels vous pouvez obtenir la collaboration entre différentes communautés. Que faire pour multiplier les occasions de rapprochement, mieux se connaître mutuellement, célébrer mutuellement ses traditions et apprendre la non-discrimination?
(1720)
    Monsieur Bellegarde, voulez-vous ajouter quelque chose à ces observations sur la collecte de données? Peut-être songiez-vous plus précisément à certains des enjeux de l'enquête sur les femmes disparues et assassinées. Pour faire des progrès sensibles, nous devons pouvoir discuter des meilleures mesures à prendre à cette fin en lieu sûr, comme ici. Comme Mme Landau l'a dit, pour sensibiliser, améliorer, rapprocher, il faut parfois s'engager en terrain difficile.
    Je me contenterai de citer le rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, le CERD: « Le Comité recommande à l'État partie [...] c) de faire un suivi systématique du nombre de crimes haineux racistes signalés, des poursuites, des condamnations, des peines et des sanctions ainsi que des indemnités versées aux victimes, de conserver les données à ce sujet et de les lui communiquer pour son prochain rapport périodique ».
    Les Nations Unies enjoignent au Canada de le faire. C'est une recommandation du CERD. Même en ce qui concerne la collecte de données, il faut se demander de qui elle relève. Un système passe par la GRC. Il existe des polices municipales. Y a-t-il mise en commun coordonnée et globale des renseignements sur, par exemple, le nombre de femmes et de filles disparues et assassinées dans tout le Canada? Il faut centraliser les renseignements. Il faut changer ces systèmes, parce qu'ils relèvent de différentes autorités fédérales et provinciales. Il faut trouver moyen de le faire.
    Merci.
    Merci.
    Madame Dabrusin, du Parti libéral, vous disposez de sept minutes.
    En fait, je voudrais reprendre à partir de l'intervention de Mme Hardcastle sur les données, parce que différents témoins et rapports ont évoqué la question. Ainsi, dans le plan stratégique ontarien de lutte contre le racisme, je lisais sur la nécessité de meilleures données dégroupées sur les races qu'on pourrait ventiler pour mieux comprendre si des tranches particulières de la population subissent les conséquences négatives du racisme systémique.
    Je voudrais votre avis à vous deux sur le type de données dégroupées à collecter. Quelle méthode nous conseillez-vous d'appliquer?
    Votre groupe d'abord.
    Je vais laisser Mme Landau vous répondre, mais je voulais juste souligner brièvement que votre comité devrait également recommander la création d'une entité — qui pourrait être indépendante — à laquelle les victimes de crimes haineux ou de toute autre forme de discrimination pourraient s'adresser sans crainte et sans avoir à utiliser les données provenant des forces de l'ordre, comme l'indiquait M. Bellegarde, ou encore d'autres instances judiciaires ou gouvernementales. Les données seraient alors vraiment indépendantes.
    Pour ce qui est des détails eux-mêmes, je vais laisser Barbara vous répondre.
    Je veux d'abord préciser que je ne parle pas des données au sujet des crimes haineux. Je pense plutôt aux données désagrégées des gouvernements pouvant nous permettre de mieux saisir la pertinence de nos services et les répercussions des différentes politiques gouvernementales. Il n'est pas question expressément des données sur les crimes haineux.
    Je peux simplement vous demander une précision? Ce ne sont pas les crimes haineux qui vous intéressent. Cherchez-vous de l'information au sujet de l'intimidation en milieu scolaire? Essayez-vous d'en connaître les sources et de savoir en quoi les gens peuvent être vulnérables? Vous intéressez-vous au profilage racial à l'endroit des conducteurs noirs? J'essaie simplement...
    Je vais tenter de vous aider. Dans la stratégie mise en place par le gouvernement ontarien, on indique que « l'obtention de données désagrégées sur la race... à l'échelle des programmes financés par le gouvernement nous permettra de surveiller l'impact de ses politiques et programmes sur différents segments de population [et] nous aidera à identifier les résultats institutionnels ». Il y a la dimension des crimes haineux dont nous avons déjà traité. Le gouvernement ontarien cherche à recueillir des données à un autre niveau. Je voulais simplement savoir ce que vous en pensiez.
(1725)
    Cela demeure vraiment difficile... car vous parlez d'une stratégie ontarienne. J'ai ici la copie d'un document qui correspond peut-être à ce que vous recherchez. Encore là, il serait bon d'avoir un groupe de coordination pouvant s'enquérir des efforts déployés dans chacune des provinces, des objectifs qu'elles visent et des mesures qui pourraient être prises pour leur faciliter les choses. On veut surtout éviter que certains travaillent à contre-courant. Vous ne voulez pas élaborer un ensemble de mécanismes pour voir ensuite les provinces ou des groupes communautaires mettre en place des mécanismes différents pour la cueillette de données. Je crois simplement qu'il faut étendre la coopération en nous appuyant sur une définition commune.
    D'accord. Merci.
    Vouliez-vous ajouter quelque chose?
    J'essayais de comprendre où vous vouliez en venir avec cette question. Je me demandais si vous parliez de Statistique Canada ou d'une quelconque entité indépendante qui recueillerait des données semblables. Je me suis alors dit que les gens des Premières Nations allaient encore une fois faire partie des sujets à l'étude.
    Qui recueille les données? Le processus est-il sûr et équitable? À qui appartiennent les données? Voilà autant de questions que je me suis posées en essayant de comprendre à quoi vous vouliez en venir.
    Je vois.
    Quand allez-vous recueillir ces données auprès des gens des Premières Nations? Qui va en être le gardien et que comptez-vous en faire? Il y a des enjeux liés à la protection de la vie privée; la propriété intellectuelle doit aussi être prise en compte. En considérant tous ces aspects, certaines questions me viennent à l'esprit. Voulez-vous qu'une entité indépendante recueille ces données, ou prévoyez-vous que Statistique Canada va s'en charger? Il y a toute la question des sphères de compétence également. Ce sont nos données.
    C'est un point de vue intéressant, mais cela s'inscrit dans le plan stratégique ontarien de lutte contre le racisme. On essaie d'établir des repères pour évaluer les impacts des politiques et le fonctionnement des programmes. Il est possible que cette façon de faire ne vous convienne pas, mais j'essaie simplement d'avoir votre avis.
    Oui, je peux voir comment... Savez-vous qu'à une certaine époque, il y avait des gens qui craignaient d'indiquer qu'ils étaient autochtones ou membres des Premières Nations? Certains refusaient de répondre à une question ou de cocher une case à cet effet, et ce, même dans le cadre d'une stratégie visant à rendre notre main-d'oeuvre plus représentative. En revanche, il y avait aussi des gens qui, sans être métis ou membres des Premières Nations, répondaient par l'affirmative ou cochaient la case en question. Il y a eu certains abus. C'est ce que j'ai pu observer dans différentes circonstances, et notamment pour l'accès à des programmes, à des bourses d'études ou de recherche, ou à des places à la faculté de médecine.
    Tout cela est en bonne voie de changer, car il y a désormais une plus grande acceptation. Il fut cependant un temps où on nous enseignait à ne pas dire aux gens que nous étions indiens ou métis parce que la société allait simplement nous tourner le dos, ce qui ne nous laisserait nulle part où aller, à moins de pouvoir toujours démontrer que l'on est meilleur que l'homme blanc d'à côté. Il faut considérer tous ces facteurs. Alors, comment évaluer tout cela? Comment recueillir ces données?
    Comme cela fait partie des éléments qui nous ont été soumis, j'essayais de mieux comprendre ce que nous pourrions en faire. Si nous devions formuler une recommandation en faveur de l'établissement d'un cadre et de lignes directrices pour la cueillette de renseignements et la compilation de données désagrégées, lesquelles devrions-nous considérer exactement? Vous avez énuméré différentes choses, mais j'aimerais savoir si vous nous déconseillez de le faire.
    Permettez-moi de prendre le temps d'en discuter avec mon personnel pour vraiment tirer les choses au clair avant de vous donner une réponse plus officielle. J'ai vraiment trop d'interrogations à ce sujet. Je ne sais pas trop où vous voulez en venir.
    Je comprends. Il me reste seulement une minute ce qui est très peu. Peut-être pourrez-vous me répondre par écrit si nous manquons de temps.
    Il est également ressorti de ce plan stratégique ontarien le projet de concevoir une trousse d'outils ayant pour but d'inciter à l'autoréflexion et de comprendre les préjugés susceptibles d'influer sur le mode de prestation des services par les professionnels de la santé auprès des Autochtones. On indique en outre que la trousse sera conçue en tenant compte du point de vue des Autochtones. On s'y emploie actuellement en Ontario. Plusieurs nous ont dit que l'on peut vraiment s'attaquer aux préjugés seulement si on les reconnaît et on les confronte. J'aimerais savoir si vous avez été consulté relativement à la trousse d'outils ontarienne et ce que l'on devrait retrouver selon vous dans une telle trousse si l'on devait en élaborer une à l'échelon fédéral.
    Je pense que vous n'aurez malheureusement pas le temps de me répondre de vive voix.
    Si vous voulez bien transmettre votre réponse à notre greffier, nous pourrons connaître votre point de vue relativement à cette dernière question posée par Mme Dabrusin.
    Nous sommes arrivés à la fin de notre séance. C'est fort dommage car je sais que nous aurions bien d'autres questions à approfondir avec vous. J'aimerais juste apporter une précision concernant les données désagrégées dont parlais Mme Dabrusin. Si vous comptez par exemple analyser la situation de notre pays dans une optique fondée sur la race ou la religion, il vous faudra des données désagrégées pour y parvenir. Si nous prenons l'exemple d'une analyse sexo-spécifique de l'industrie de la construction, il faut recueillir des données et pouvoir les présenter dans un format désagrégé. Si vous constatez ainsi que les femmes comptent pour seulement 5 % ou même 2 % de la main-d'oeuvre dans ce secteur, vous pouvez vous demander pourquoi il en est ainsi. Sont-elles confrontées à des obstacles particuliers, quels sont ces obstacles et que pouvons-nous faire pour les éliminer?
    C'est ce que permettent les données désagrégées. Grâce à ces données, on peut analyser les politiques, les programmes et les services pour voir s'ils sont équitables, ou plutôt si certains s'en tirent très bien alors que d'autres sont laissés pour compte. On peut alors se demander pourquoi et en arriver à des solutions pour aider les gens les plus mal en point en connaissant les motifs de leur vulnérabilité. Je pense que c'était le but visé.
    Je comprends très bien ce que vous disiez, chef Bellegarde, concernant les abus. J'ai toujours eu l'impression que c'était le cas lorsque des quotas étaient en cause. À partir du moment où des quotas sont fixés, chacun est prêt à tout pour obtenir le poste convoité. On peut s'identifier comme membre d'un groupe cible sans que personne ne puisse affirmer le contraire, ce qui mène généralement à des abus. Je comprends vos arguments, mais ces données permettent de savoir comment les gens se tirent d'affaire dans la vie de tous les jours.
    Merci beaucoup.
    Ne partez pas tout de suite; il n'y a pas encore eu de motion d'ajournement.
(1730)
    J'en fais la proposition.
    Merci, monsieur Reid.
    La séance est levée.
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