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Bonjour à tous et bienvenue.
Nous avons pris un peu de retard, parce que tout le monde a été obligé de faire une petite promenade un peu fraîche entre la Chambre des communes et notre salle. Nous sommes tous en train de nous réchauffer en prenant un café, et nous sommes prêts à démarrer.
C'est la deuxième séance consacrée à l'étude de la capacité de l'industrie canadienne de l'acier à soutenir la concurrence internationale. Notre comité a beaucoup travaillé sur le PTP. En outre, notre comité va se rendre aux États-Unis au cours des mois qui viennent, mais l'acier est une question très importante et nous allons consacrer à l'acier un certain nombre de séances au cours des semaines qui viennent.
Sans plus tarder, je vous signale que nous allons entendre quatre témoins aujourd'hui qui vont nous parler de l'industrie de l'acier. Nous accueillons M. Miller de l'Amalgamated Trading Ltd. Nous allons entendre M. Galimberti de l'Association canadienne des producteurs d'acier, ainsi que M. Lee de l'Institut Macdonald-Laurier. Nous accueillons également M. Neumann et M. Jamal qui représentent le Syndicat des métallos.
Bienvenue à tous. Chaque groupe dispose de cinq minutes maximum et nous aurons ensuite une discussion avec les députés.
Je vais commencer par M. Miller. Si vous êtes prêt à prendre la parole, monsieur, vous pouvez y aller.
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Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le comité.
Je m'appelle Bill Miller. Je suis le propriétaire d'Amalgamated Trading. C'est une société qui importe de l'acier dans l'Ouest du Canada. Je travaille dans le secteur de l'acier depuis plus de 25 ans. Nos principaux fournisseurs sont les pays d'Asie, et nos principaux clients se trouvent dans l'Ouest du Canada, de la Colombie-Britannique au Manitoba. Nous vendons un peu d'acier dans l'Est du Canada, mais pas beaucoup.
Je suis né à Hamilton, en Ontario, de sorte que je suis né dans la ville de l'acier. Ma famille m'a ensuite emmené en Colombie-Britannique, une région un peu plus jolie que celle de Hamilton. Je viens d'une grande famille. Ma famille a travaillé pour les aciéries canadiennes et a subvenu à ses besoins grâce aux aciéries canadiennes. Je respecte les aciéries canadiennes et ce qu'elles peuvent offrir à notre économie dans l'est du Canada, mais en tant qu'importateur, je crois fermement que l'acier importé a sa place, tout comme l'acier produit au Canada.
L'importation d'acier joue un rôle important dans l'économie de l'Ouest du Canada. Je parle de l'Ouest du Canada, parce que j'importe davantage d'acier pour cette région que pour l'Est du Canada.
J'aimerais vous parler des recours commerciaux en cours actuellement et de leur effet direct qu'ils ont sur les producteurs canadiens parce qu'il y a, à l'heure actuelle, 47 recours commerciaux touchant l'acier, et 19 pays qui sont touchés par les importations d'acier. Je crois que plus de la moitié des produits fabriqués par les aciéries canadiennes font l'objet de recours commerciaux.
Il est bien sûr important de pouvoir exercer des recours commerciaux, et il est important qu'il existe des lois qui protègent les producteurs d'acier canadiens, et je crois que ces lois sont très efficaces. Notre ministère du Commerce est, à mon avis, très actif et il impose rapidement des droits antidumping et compensatoires, mais je pense également que c'est un protectionnisme qui profite davantage au Canada de l'Est qu'au Canada de l'Ouest.
Lorsque nous importons de l'acier dans l'Ouest du Canada, nous payons des frais de transport entre l'Asie et Vancouver qui s'élèvent de 45 à 50 $ la tonne. Lorsque nous transportons de l'acier de l'Ontario vers l'Ouest du Canada, nous payons 120 $ la tonne. C'est ce que cela coûte par chemin de fer. Si nous utilisons des camions, nous payons près de 200 $ la tonne.
Je demande en fait au comité qu'il examine la possibilité de moduler les droits antidumping en fonction de la situation géographique plutôt que de les appliquer à l'ensemble du pays. Je comprends qu'il faille protéger les aciéries canadiennes et j'y suis tout à fait favorable. Il faut également protéger les emplois dans les aciéries canadiennes. Même si j'estime que les États-Unis vont ramener chez eux la production d'acier qui s'effectue à l'heure actuelle au Canada, je pense quand même que l'emploi et les avantages économiques qu'offrent les aciéries canadiennes touchent directement l'Est du Canada. Cela ne touche pas l'Ouest du Canada.
Les aciéries canadiennes ne souhaitent pas vendre leurs produits dans l'Ouest du Canada. Ce n'est pas leur principal marché. Leur principal marché, c'est l'Est du Canada et les États-Unis. Avec le dollar actuel, nous sommes très concurrentiels aux États-Unis. Je pense néanmoins qu'une bonne partie de notre production d'acier va quitter le Canada, parce que le gouvernement Trump va réduire l'impôt sur les sociétés, et que l'acier est produit à partir d'un processus comprenant trois ou quatre étapes, et que U.S. Steel et ArcelorMittal peuvent probablement produire aux États-Unis des brames à un prix beaucoup moins élevé qu'elles pourraient le faire au Canada, compte tenu de la réduction de l'impôt sur les sociétés.
J'aimerais que l'on module les recours commerciaux en fonction de la situation géographique. C'est ce que nous avons fait récemment avec le gypse ou les cloisons sèches pour lesquels nous avons imposé des droits antidumping dans l'Ouest du Canada. Il y en a dans les Territoires. Il y en a dans certaines provinces de l'Est, mais le Québec et l'Ontario peuvent librement importer le gypse. J'aimerais que l'on fasse la même chose pour les producteurs du Canada de l'Ouest, qu'il s'agisse de charpentes d'acier, de chauffage, de ventilation et d'air climatisé, ou de construction. Si nous devons payer le coût du transport de l'Ontario en Colombie-Britannique pour les produits manufacturés, il faut savoir que les entreprises de la Colombie-Britannique vendent jusqu'au Manitoba. Comment pourraient-elles concurrencer les usines de l'Est du Canada qui fabriquent le même produit alors que celles-ci ne doivent absorber qu'un seul coût de transport?
Je pense que le cas du gypse a créé un précédent en matière de recours commerciaux en tenant de la situation géographique et j'aimerais que cet aspect soit également pris en compte pour les recours commerciaux touchant l'acier.
Bonjour aux honorables membres du comité. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui pour le compte de l'Association canadienne des producteurs d'acier.
L'ACPA est le porte-parole de l'industrie primaire de production de l'acier au Canada et représente 14 milliards de dollars. Les producteurs d'acier canadiens font partie intégrante des chaînes d'approvisionnement du secteur automobile, du secteur énergétique, de la construction et d'autres secteurs industriels, ici au Canada. Nous voulons travailler avec le gouvernement et nos partenaires industriels pour promouvoir des politiques capables de créer un environnement commercial compétitif sur le plan mondial pour nos entreprises membres et les parties prenantes de la chaîne d'approvisionnement.
Pour répondre à la question essentielle qui a amené le comité à entreprendre cette étude — c'est-à-dire la capacité de l'industrie sidérurgique canadienne de soutenir la concurrence internationale — je dirais que, de notre point de vue, la réponse est un « oui » très clair. Dans un marché libre qui respecterait les principes commerciaux fondamentaux, l'industrie sidérurgique canadienne pourrait non seulement soutenir la concurrence, mais également prospérer.
Nos entreprises membres sont des fabricants canadiens innovateurs et de pointe, qui produisent de l'acier et des produits dérivés, ainsi que l'acier léger, résistant et de haute qualité, qu'exigent les secteurs de l'automobile, de la transformation, de l'infrastructure, et les applications de développement de l'énergie. Nos travailleurs sont des ouvriers hautement qualifiés, qui ont reçu une excellente formation tout au cours de leur carrière pour qu'ils atteignent les meilleurs niveaux possible de productivité dans des lieux de travail de haute technologie, en constante évolution.
Du point de vue de l'environnement, et pour ce qui est de la production d'acier, le Canada est un pays qui est pratiquement impossible de comparer aux autres. Nous avons un accès facile aux matières premières nécessaires à la fabrication de l'acier. Il est possible d'obtenir du minerai de fer de haute qualité, le charbon qu'utilise la métallurgie ainsi que la ferraille auprès de sources situées à proximité des centres de production. Les matières premières sont transportées de façon rentable, grâce aux réseaux maritime et ferroviaire modernes dont dispose le Canada. La plupart des centres de production canadiens obtiennent une bonne partie de l'énergie dont ils ont besoin de sources renouvelables. Et bien sûr, le volet transport pour la livraison aux utilisateurs finaux est très réduit.
Cette situation est très différente, par exemple, de celle de la Chine, qui va chercher son minerai de fer dans des pays comme l'Australie et le Brésil, le charbon dans des pays comme la Mongolie, et la ferraille de plus en plus en Amérique du Nord. Le produit final est bien sûr, ensuite, transporté de nouveau vers le Canada pour l'utilisation finale. Lorsqu'on examine ce facteur dans le contexte de la production d'acier, on constate des différences importantes par tonne d'acier pour ce qui est des émissions de GES. L'acier produit au Canada pour être utilisé au Canada dégage 1,1 tonne d'émissions de GES par tonne d'acier, alors que l'acier produit en Chine pour être utilisé au Canada correspond à des émissions de 3,5 tonnes de GES par tonne d'acier produit.
Je n'ai pas choisi par hasard l'exemple de la Chine. Comme les membres du comité le savent certainement, l'industrie sidérurgique mondiale se trouve dans une situation difficile et le Canada n'est pas à l'abri des problèmes vraiment internationaux auxquels fait face le secteur. L'excès de production mondiale d'acier est maintenant passé à 700 millions de tonnes, et la République populaire de Chine préserve, avec diverses aides de l'État, une surcapacité de 425 millions de tonnes, qui représente près de 30 fois l'ensemble du marché canadien de l'acier. Face à une demande interne en diminution, la propriété largement publique du secteur sidérurgique chinois et l'appui dont il bénéficie de la part de l'État sont la principale force à l'origine du bouleversement sans précédent que connaît le marché libre de l'acier.
En juin 2016, cinq grandes associations américaines de la sidérurgie ont publié un rapport qui analysait chacune des 25 principales sociétés sidérurgiques chinoises et elles ont recensé le montant et le type de subventions publiques que chacune de ces sociétés avait reçues ces dernières années. Il ressort de cette analyse que ces subventions et ces politiques ont entraîné une surcapacité considérable, et qu'elles ont créé un secteur sidérurgique national très fragmenté, composé de nombreuses entreprises inefficaces et très polluantes.
On peut lire dans le rapport:
Le gouvernement chinois a soutenu l'industrie sidérurgique principalement par des allocations en espèce, l'injection de capitaux, des fusions et des acquisitions exigées par le gouvernement, des prêts préférentiels et du crédit orienté, des subventions à l'aménagement du territoire, des subventions pour les services énergétiques, le contrôle des prix des matières premières, des politiques et des avantages fiscaux, des politiques en matière de monnaie et une application laxiste de la réglementation environnementale. Le gouvernement chinois conserve une part majoritaire dans les principaux producteurs d'acier chinois. Nos producteurs d'acier canadiens ne font pas concurrence à des entreprises privées, mais à des gouvernements souverains qui n'ont pas besoin de respecter les principes du libre-échange pour exercer leurs activités.
Cette dernière phrase a une importance clé dans le contexte canadien. Les producteurs canadiens peuvent certes prospérer sur un marché international ouvert, mais ils ne peuvent faire concurrence au gouvernement de la République populaire de Chine. Dans ce contexte, le maintien du droit de déclencher des enquêtes de l'article 20 de la LMSI dans le but de déterminer s'il existe des conditions correspondant à une économie non marchande est essentiel si nous voulons préserver l'équité dans les échanges commerciaux au Canada.
Nous félicitons le gouvernement du Canada d'avoir compris la gravité de ce problème et de travailler à l'élaboration de solutions multinationales au problème de la surcapacité mondiale dans le secteur de l'acier, tout récemment grâce à la participation active du Canada au forum mondial sur la surcapacité d'acier, mais il est important de signaler que les solutions internationales au problème de la surcapacité ne seront pas élaborées rapidement. Il faudra donc moderniser les instruments de politique interne conçus pour protéger les intérêts canadiens.
Face à la distorsion croissante des échanges commerciaux mondiaux, d'autres pays, notamment et principalement les États-Unis, ont pris des mesures internes concrètes pour défendre leurs marchés contre les menaces actuelles.
Nous ne pouvons, au moment critique que nous connaissons dans nos relations commerciales avec les États-Unis, risquer de devenir une porte d'entrée détournée pour le dumping de l'acier sur le marché nord-américain. Nous espérons sincèrement que, dans le cadre du budget de 2017, le gouvernement agira immédiatement pour s'attaquer à une situation dans laquelle le calcul des marges de dumping ne reflète pas avec exactitude le montant du dumping dont souffre le marché canadien, qu'il va également renforcer les mécanismes que le gouvernement peut utiliser en cas de détournement de produits et apporter des précisions concernant le genre et l'ampleur des preuves nécessaires pour justifier les recours commerciaux.
Pour terminer, j'aimerais rappeler au comité que les fabricants canadiens d'acier primaire font vivre plus de 22 000 Canadiens de la classe moyenne et 100 000 autres Canadiens dont l'emploi est indirectement relié à notre secteur.
J'estime qu'il est dans l'intérêt du gouvernement de veiller à ce que notre cadre de recours commerciaux soit modernisé pour que nos politiques internes en matière de commerce international et d'acquisition reflètent l'établissement d'un prix canadien pour le carbone et fassent en sorte que les producteurs étrangers situés dans des pays qui n'ont pas adopté de régimes comparables ne puissent obtenir un avantage inéquitable sur le plan des coûts lorsqu'ils font concurrence aux producteurs canadiens, et pour que nous préservions l'avantage dont bénéficient les Canadiens en lançant des programmes qui encouragent la formation et l'apprentissage permanent, notamment des programmes d'apprentissage et de mentorat, et pour que l'on continue à développer les produits de pointe de l'industrie grâce à des programmes axés sur l'innovation.
J'estime également que nous devrions continuer à centrer nos efforts sur les rapports commerciaux bilatéraux essentiels que nous entretenons avec les États-Unis, en coopérant aux efforts internationaux déployés pour remédier à la surcapacité et au dumping.
Je vous remercie de votre attention. Je serai heureux de répondre aux questions que les membres du comité voudront bien me poser.
Je remercie le Comité de m'avoir invité, parce que cela fait longtemps que je m'intéresse au sujet qu'Adam Smith appelait « la richesse des nations », et aux principes concomitants du commerce, de l'investissement étranger direct et de l'avantage comparatif à l'intérieur des cadres de réglementation appelés accords commerciaux.
Je vais tout d'abord vous donner très rapidement quelques informations à mon sujet. Je suis professeur agrégé permanent à la faculté Sprott de l'Université Carleton depuis 30 ans. Je n'appartiens à aucun parti politique, et je ne leur fais jamais de don. Je ne suis pas un lobbyiste enregistré aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. J'ai enseigné plus de 100 fois des cours de MBA pour gens d'affaires dans les pays en développement, notamment en Russie, en Chine, en Ukraine, en Pologne, au Mexique et en Iran. Ma dernière information est que je viens de revenir, il y a trois jours, de Shanghai où j'enseignais. J'enseigne presque tous les ans en Chine depuis 1997, soit au cours des 20 dernières années, et j'ai constaté une transformation extrêmement frappante et presque incroyable qu'un pays ait jamais connue sur une période aussi courte. C'était un des pays les plus pauvres au monde, il y a 50 ans, et il est maintenant devenu la deuxième économie mondiale.
Cela dit, comme tout le monde le sait aujourd'hui, le secteur mondial de l'acier connaît des problèmes structurels énormes qui peuvent être résumés de façon très succincte. Tout ce qui suit est tiré des rapports du comité de l'acier de l'OCDE, d'études effectuées par la Commission européenne, ainsi que quelques autres publiées par le bureau du commerce des États-Unis. J'ai ces études ici avec moi, pour le cas où le Comité souhaiterait obtenir une bibliographie.
La capacité mondiale d'acier est d'environ 2,5 milliards de tonnes dans un monde qui n'a besoin que d'environ 1,6 milliard de tonnes; il existe un large consensus au sein du comité de l'acier de l'OCDE, aux États-Unis et dans l'Union européenne que la Chine est le principal pays responsable de cette situation. J'ai étudié les données statistiques de l'OCDE, celles du bureau du commerce des États-Unis, de l'UE et de la World Steel Association. Je souscris à ce jugement, même si je suis un ardent défenseur du libre-échange.
En 2005, la production mondiale d'acier s'est élevée à 1,1 milliard de tonnes, et 10 ans après, en 2015, la production mondiale avait augmenté de 41 % et était passée à 1,5 milliard de tonnes. Le pourcentage que représente la Chine dans ce marché mondial est passé, pendant cette très courte période, de 30 à près de 50 % par rapport au reste du monde. L'Asie et l'Océanie représentent désormais 69 % de la production mondiale totale d'acier et 4 des 10 plus grands pays producteurs d'acier au monde sont en Asie: la Chine, le Japon, l'Inde et la Corée du Sud. Neuf des dix plus grandes entreprises sidérurgiques au monde ont leur siège social en Asie. Il n'y a qu'ArcelorMittal qui n'est pas dans ce cas.
Venons-en maintenant à la partie deux, qui traite de la Chine, des sociétés d'État (SE) et de l'acier. C'est la raison pour laquelle j'en suis arrivé à une conclusion paradoxale, et je suis d'accord avec le représentant de l'Association canadienne des producteurs d'acier.
La Chine est un paradoxe parce qu'il y a un grand nombre de sociétés d'État chinoises qui fonctionnent à côté de sociétés chinoises privées et de SMN étrangères, les multinationales. Il demeure que le système économique chinois doit être qualifié de système économique centralisé par l'État qui utilise des incitatifs comme la propriété privée dans une certaine mesure; cependant, les SE se situent au sommet puisqu'elles représentent de 25 à 30 % du PIB chinois, 17 % des emplois urbains, 38 % du total des actifs industriels chinois et jusqu'à 90 % dans certains secteurs monopolistiques. Ces sociétés ont pour la plupart des effectifs pléthoriques, elles ne font que perdre de l'argent, elles sont inefficaces, mais elles emploient un nombre considérable de Chinois. La tendance actuelle en Chine est de regrouper les SE pour créer un petit nombre de SE encore plus grosses.
C'est pour ces raisons que sont restées vaines toutes les promesses qu'ont faites le gouvernement chinois et le parti communiste, le PCP, pour réformer et privatiser les SE. Ces grandes SE reflètent des intérêts puissants. Elles emploient un nombre considérable de travailleurs, comme je l'ai dit, et je vais conclure, dans cet aperçu bien trop bref de la situation, que les décideurs européens, américains ou canadiens ne devraient pas espérer que les SE fassent l'objet de réformes majeures et qu'ils ne devraient donc pas s'attendre à ce que la Chine réduise sensiblement la capacité de son industrie sidérurgique, comme elle l'avait promis. Si vous acceptez cet argument, vous ne pouvez pas vous attendre à ce que le gouvernement chinois réduise sensiblement la surcapacité de production d'acier. Le gouvernement ferme effectivement les aciéries les plus anciennes et les moins efficaces, mais il en ouvre parallèlement de nouvelles, qui sont beaucoup plus efficaces.
Je commence la partie trois et je vais ensuite terminer. Que faire? Je félicite le Trudeau d’avoir annoncé la tenue de négociations avec le gouvernement chinois en vue d’un accord de libre-échange éventuel. Après tout, comme Winston Churchill l’a déclaré, mieux vaut papoter que se battre. Il ne faudrait toutefois pas se limiter à cette solution pour régler les problèmes qui se posent dans le domaine de l’acier pour les motifs exposés ci-dessus. Il faudrait plutôt réformer la Loi sur les mesures spéciales d’importation et ses règlements pour fournir à l’ASFC et au TCCE le pouvoir et les outils dont ils ont besoin pour effectuer beaucoup plus rapidement davantage d’enquêtes de grande portée.
Deuxièmement, il faut que le gouvernement du Canada élabore un front commun avec le gouvernement des États-Unis, y compris avec l’administration Trump, ainsi qu’avec l’Union européenne, pour élaborer une réponse coordonnée au sujet de l’acier.
Troisièmement, le gouvernement du Canada devrait encourager la consolidation de ce secteur pour réduire le nombre des entreprises au Canada, mais en augmentant leur taille.
Enfin, le gouvernement du Canada doit mettre sur pied des programmes de recyclage et de remise à jour beaucoup plus agressifs, comme le préconise l’OCDE, pour contrer la grave dislocation qu'entraîne le dumping de la Chine, pour ne nommer qu'une activité.
Je vous remercie.
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Bonjour, je remercie le Comité d'avoir invité le Syndicat des Métallos à comparaître devant vous pour parler de cette industrie qui revêt une importance cruciale.
Je m'appelle Ken Neumann et je suis le directeur national du Syndicat des Métallos au Canada. Je suis accompagné par Shaker Jamal, qui fait partie de notre service de recherche national. Il m'assistera pour répondre aux questions, si vous en posez.
J'ai travaillé dans le secteur de l'acier et j'ai été membre du Syndicat pendant toute ma vie active. Je suis motivé à faire ce que je peux pour que cette industrie demeure une industrie canadienne compétitive et viable. C'est un secteur essentiel, parce qu'il fournit un gagne-pain à des dizaines de milliers de familles de classe moyenne, ainsi qu'à des retraités, et aux collectivités qui ont profité de plus d'un siècle des activités sidérurgiques au Canada.
C'est un secteur viable parce que les membres de cette industrie fabriquent des produits écologiquement responsables et de haute qualité pour les marchés intérieurs et extérieurs, mais la sidérurgie est dans une situation difficile. Quelle que soit la façon d'examiner la situation, le problème vient d'une surcapacité de production, principalement causée par une énorme économie non marchande, la Chine. Ces économies qui concurrencent les économies de marché de l'Amérique du Nord entraînent littéralement une collision entre deux mondes.
Les répercussions sont nombreuses. La première est que les prix diminuent et que ces diminutions nuisent à la rentabilité de nombreuses entreprises et les obligent à assumer des quantités de plus en plus importantes de dettes à court terme, ce qui veut dire qu'elles fonctionnent à des niveaux d'endettement insoutenables. Il suffit de penser à U.S. Steel et à Essar Steel Algoma, dont les 3 200 travailleurs sont menacés, tout comme l'est la sécurité de la retraite de plus de 20 000 travailleurs.
Comme si cette diminution des prix ne suffisait pas, on constate une augmentation du dumping de l'acier en Amérique du Nord, ce qui ne fait qu'aggraver la crise. Les producteurs d'acier chinois utilisent une monnaie artificiellement dévaluée, ainsi que d'autres incitations à l'exportation accordées par le gouvernement chinois, pour faire le dumping de l'acier en Amérique du Nord.
Notre mémoire présente en détail les arguments qui sous-tendent les recommandations que je vais vous décrire dans ce bref exposé. Je dois préciser dès le départ que le Syndicat des Métallos est favorable au rôle que joue le commerce lorsqu’il s’agit de développer et de préserver une économie saine et robuste. Parallèlement, nous avons toujours demandé que les politiques commerciales canadiennes soient élaborées en consultation avec les syndicats et avec d’autres groupes de la société civile, pour qu’elles servent les intérêts à la fois des producteurs et des travailleurs canadiens.
C’est pourquoi notre syndicat estime qu’il faut modifier le régime commercial canadien pour qu'il accorde aux syndicats des droits procéduraux fondamentaux, une mesure dont l’utilité a été rendue très claire par les efforts déployés par les économies non marchandes pour faire le dumping de l’acier.
Il y a, premièrement, le droit explicite de déposer des plaintes en vue d’obtenir des droits antidumping et compensatoires aux termes de l’article 31 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation. Deuxièmement, il y a le droit explicite de déposer des plaintes de garantie aux termes de l’article 23 de la Loi concernant le Tribunal canadien du commerce extérieur, connu sous le sigle TCCE. Troisièmement, il y a les droits procéduraux accordés aux parties intéressées aux termes des règles et des règlements du TCCE. Cela comprendrait le droit de recevoir un avis, le droit aux services d’un avocat, et le droit de participer pleinement à la procédure écrite ou orale du TCCE, relative à une plainte.
En accordant au Syndicat le droit de déposer des plaintes et de participer aux recours commerciaux, les producteurs canadiens profiteraient des recours commerciaux exercés. Cette réforme est essentielle si nous voulons pouvoir concurrencer de façon équitable les producteurs internationaux sur le marché canadien.
Permettez-moi de conclure en mentionnant le fait évident que, puisque 50 % de la production totale de l’industrie canadienne est exportée vers des marchés étrangers, il est clair que la santé de notre industrie de l’acier qui est écologiquement responsable et de haute technologie est incontestablement reliée à la capacité de soutenir la concurrence internationale. Il ressort toutefois également clairement de notre mémoire que ces aspects sont gravement touchés par le comportement de la Chine en qualité d’économie non marchande et par le dumping inéquitable de son acier au Canada, ainsi qu’aux États-Unis.
En révisant les lois commerciales canadiennes, le gouvernement fédéral permettrait à l’industrie sidérurgique canadienne d’être concurrentielle sur le plan mondial.
Voilà qui termine mes remarques et je remercie le Comité de m’avoir donné la possibilité de vous les présenter. Je serai heureux de répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie d'avoir exposé de façon très concise le problème. Je sais que vous avez beaucoup d’autres choses à dire, et je vous invite à le faire par courriel. Regroupez vos mémoires et donnez-nous tous les détails sur la situation. Nous ne pourrons pas faire tout cela aujourd’hui dans un si court délai. Il y a tant de questions à poser.
Pour ce qui est des commentaires de M. Miller, pouvons-nous moduler ces règles selon la situation géographique? Absolument, c’est possible. Le gypse était le deuxième cas où cela s’est fait. Il s’est posé, il y a quelques années, la question des pommes de terre de l’État de Washington exportées en Colombie-Britannique, de sorte que oui, il est possible d’assortir ces demandes d’indicateurs géographiques.
Monsieur Galimberti, vous dites que vous ne pouvez être concurrentiel et je suis tout à fait d’accord avec vous. Je voulais une précision. Quel est le pourcentage de l’industrie canadienne qui est encore canadienne? Nous avons vu beaucoup de… et je crois que c’est Ian qui a déclaré que tout allait peut-être passer aux États-Unis.
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Les Américains et les Européens ont révisé leurs réglementations pour qu’ils puissent examiner, par exemple, s’il y a eu manipulation de la monnaie ou octroi de prêts à faible taux d'intérêt.
J’ai énormément de respect pour la Chine. Je ne suis pas contre la Chine. Je tiens à le préciser très clairement. Je m’y suis rendu très souvent et je vais y retourner. J’aime beaucoup me rendre dans ce pays et j’aime les Chinois. Parallèlement, je dis la vérité à ceux qui détiennent le pouvoir et il n’est pas question… J’ai lu les décisions qui ont été rendues par l’Union européenne et par ces organismes quasi judiciaires. Il ne s’agit pas de chasse aux sorcières. Les données sont très claires et elles indiquent que la Chine vend à un prix bien inférieur à son coût de production aux États-Unis, au Canada et dans l’Union européenne. C’est pourquoi l’Union européenne vient d’imposer des droits de douane de près de 70 %. Ce n’est pas un montant insignifiant.
Pour répondre à votre question, et je pourrais vous envoyer une réponse plus structurée, je dirais que ces entreprises sont subventionnées de différentes façons. On leur accorde des prêts de très longue durée, des prêts qu'elles ne pourraient autrement obtenir parce que ces sociétés sont, de toute façon, en faillite. Le gouvernement leur accorde des prêts à des taux d’intérêt artificiellement faibles. Il leur accorde un traitement préférentiel dans le pays, parce qu’elles appartiennent au gouvernement chinois. Ces entreprises bénéficient de toutes sortes d'avantages et de traitements préférentiels. C’est ce qui se passe. Je comprends les raisons de tout cela.
Je ne l’ai pas mentionné dans mes commentaires préliminaires, mais McKinsey consulting a étudié cet aspect et cela m’a été confirmé lorsque je me suis rendu en Chine. Chaque année, près de 15 millions de personnes quittent les régions rurales pour se rendre dans les villes et elles n’y viennent pas pour les visiter. Elles emménagent dans les villes et le gouvernement chinois n'a qu'une seule façon de conserver sa légitimité — et des gens me l'ont dit en privé —, il doit leur trouver des emplois.
Le gouvernement chinois est terrifié. Si jamais il arrête d’intervenir… je n’essaie pas de défendre sa position. J’essaie simplement d’expliquer les raisons pour lesquelles il agit ainsi et pourquoi l’industrie de l’acier ne sera pas réformée et qu’il continuera à y avoir du dumping dans ce secteur. Les pressions qui s’exercent sur le gouvernement sont tellement fortes que nous allons devoir faire quelque chose, parce que je ne pense pas que le gouvernement chinois fera quoi que ce soit.
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Je pense que ce serait très utile. Aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni et dans d'autres pays du monde, les syndicats ont accès à ce type de procédure. C'est exactement ce que j'ai signalé dans les brèves observations que j'ai présentées aujourd'hui, à savoir que nous réclamons ce même droit. Nous sommes un syndicat international. Nous avons cet accès aux États-Unis et je peux vous dire que nous collaborons très activement avec l'industrie de l'acier.
Je devrais vous dire également que nous avons d'excellentes relations de travail avec l'ACPA et qu'avec elle nous avons, il y a quelques années, témoigné dans le cadre de l'affaire des barres d'armature pour béton qui a été entendue à Vancouver. Nous n'étions pas considérés comme participants, mais on nous a demandé de témoigner et, ensemble, nous sommes parvenus à convaincre le tribunal que les tarifs devaient être maintenus. Selon moi, c'est une façon de donner aux travailleurs de l'industrie, ainsi qu'aux collectivités que nous représentons, la possibilité d'exprimer leur point de vue.
On a beaucoup dit que l'industrie canadienne de l'acier n'existe plus — je pense que c'est une des questions qui a été posée — que nous ne pouvons plus nous permettre de prendre les décisions à Sault-Ste-Marie, à Hamilton ou à Regina. Désormais, ces décisions sont prises à l'étranger. Nous avons une main-d'oeuvre hautement qualifiée, nous sommes très efficaces, nous sommes écologiques et nous avons un environnement propre. Si nous vivons une situation difficile, c'est que nous faisons face à des pays qui appliquent des valeurs contraires et qui pratiquent le dumping de l'acier.
Vous avez dit que vous avez été métallurgiste dans la région d'Hamilton. Nous avons connu plusieurs faillites. Depuis 24 mois, nous vivons une telle situation à Sault-Ste-Marie et nous nous battons pour conserver une usine à Hamilton. Il y a 3 200 emplois en jeu. Mais, permettez-moi de vous dire qu'au cours de ma carrière dans l'industrie de l'acier, ce qui m'a fait le plus mal, ce sont les 20 000 retraités qui ont perdu leurs avantages sociaux. J'ai entendu leur désespoir et leurs pleurs dans les messages qu'ont laissés les fils et les mères sur nos répondeurs quand ils ont découvert qu'ils ne pouvaient pas bénéficier de cette protection. Quand on écoute ces messages les uns après les autres, on se rend compte que ces gens-là ont été trahis par notre pays.
Si vous voulez parler de la situation à Hamilton ou de la Loi canadienne sur l'investissement... Nous continuons aujourd'hui à nous battre pour obtenir cette entente secrète qui avait été signée avec U.S. Steel. Quel a été l'avantage net pour le Canada? À trois reprises, nous avons tenté de récupérer cette entente au cours de conflits de travail.
Voilà ce qui est important. Notre industrie de l'acier est viable. Nous pouvons soutenir la concurrence. Notre industrie est respectueuse de l'environnement et nous devons redoubler d'efforts dans ce domaine. C'est pourquoi je dis que les travailleurs doivent avoir accès à ce type de procédure.
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Je comprends. Veuillez m'excuser.
J'essaie de jongler avec plein de choses en même temps. Nous savons tous que la Chine évolue très rapidement. Les Chinois avancent dans la voie du progrès. Les salaires sont à la hausse. Je peux le constater chaque fois que je porte mes vêtements chez le nettoyeur qui se trouve à deux coins de rue de mon hôtel. Il y a cinq ans, cela me coûtait 5 $ pour un sac de linge sale. L'année suivante, le prix est monté à 10 $ et maintenant, c'est 30 $. Les salaires augmentent, mais les prix aussi.
Je ne vais pas au restaurant. C'est dans les épiceries que l'on observe le plus de choses. On parle aux gens, on regarde les prix. On compare le prix du jus, des oeufs avec le prix de ces produits au Canada et on se rend compte que les prix augmentent. Voilà ce que je voulais vous signaler; les salaires augmentent. Mes étudiants chinois, qui sont en fait des directeurs de multinationales et d'entreprises chinoises, sont dans la trentaine. Ce sont des gestionnaires, des cadres de niveau de vice-président. Ils me disent que les salaires augmentent énormément. Puisque j'habite Ottawa, j'utilise cette ville comme point de repère. D'après ce que je peux constater à Shanghai, si je convertis le RMB en dollars canadiens, beaucoup de prix que nous connaissons très bien, le prix du jus ou du lait, sont assez semblables à ceux qui se pratiquent à Ottawa, alors qu'il y a cinq ans, les prix étaient réellement moins élevés à Shanghai. On en avait beaucoup plus pour notre argent canadien.
Voilà une chose à noter: leur structure de coûts est en hausse. Je sais que la ville de Shanghai n'est pas entièrement représentative de tout le pays. C'est la ville la plus dynamique. C'est le Toronto de la Chine. Voilà le premier point.
Pour ce qui est des sociétés publiques, c'est dans ce secteur que j'ai fait la plupart de mes recherches et j'aimerais bien vous en parler très rapidement. Souvenez-vous que ces sociétés sont nombreuses dans le secteur de l'acier. Les entreprises appartenant à l'État ont un réel problème qui a été étudié par des Américains, des universitaires, des Européens et des Chinois eux-mêmes. Le secteur privé chinois est très dynamique, d'après ce que j'ai pu constater. Beaucoup de mes étudiants — qui sont des cadres au MBA — travaillent dans le secteur privé chinois. Ils sont très dynamiques, très vifs et bilingues, etc., mais le secteur des entreprises appartenant à l'État connaît beaucoup de problèmes. Il y a beaucoup d'entreprises zombies qui sont pratiquement en faillite. Le gouvernement chinois promet sans cesse de réformer le secteur des entreprises publiques et d'introduire des réformes du marché, mais il ne fait rien. Il fait tout simplement semblant d'intervenir, mais il se contente de rassembler des entreprises de petite et de moyenne taille pour en faire des sociétés publiques plus grandes. Je vois cela d'un très mauvais oeil, parce qu'il est plus difficile de privatiser une grande société qu'une petite ou moyenne entreprise...
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Merci, monsieur le président.
Merci à tous. Le débat est passionnant.
Monsieur Neumann, je vous félicite de prendre la défense des travailleurs. Un de mes amis qui était dirigeant syndical m'avait dit: « Dave, il ne faut jamais oublier les travailleurs. » En effet, c'est à eux qu'il faut penser.
Monsieur Lee, tout se résume à cela, n'est-ce pas? J'ai eu, moi aussi, la chance de voyager en Chine. « Nous avons 500 millions de travailleurs qui gagnent 1 $ par jour », m'avait dit, je crois, le président du Parti communiste. Voilà ce qui les motive.
Je ne veux jeter la pierre à personne, mais quelle est notre responsabilité dans tout cela? J'ai vu une émission consacrée à ce professeur suédois qui est mort récemment et qui utilisait ces graphiques à bulles. Vous voyez probablement de qui il s'agit. Il expliquait comment les pays pauvres progressent, et en montrant la grosse bulle qui est constituée essentiellement de la Chine, mais aussi de l'Inde, dans une certaine mesure, il affirmait que ces pays essaient de prendre leur place. Il se demandait dans quelle mesure ce n'était pas un processus d'égalisation internationale. Qu'est-ce qui deviendra réalité?
Je ne connais pas d'autres manières d'appréhender cette situation et je sais que les métallurgistes en font actuellement les frais, peut-être plus que les autres. C'est la première chose. Ensuite, je peux me rappeler que l'on parlait beaucoup de la pollution dans les années 1960 et qu'il était question aussi de fermer l'usine d'Hamilton. Les gens ne voulaient plus voir cette pollution. Ils voulaient y mettre un terme.
Dans quelle mesure cela nous a-t-il menés dans un cul-de-sac?
J'aurais aimé avoir plus de temps parce que je sais que vous pourriez nous faire à ce sujet un exposé, que j'aimerais bien sûr entendre, mais je vais vous donner un peu de temps pour répondre.
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Je serai très bref. J'associe votre question à la question précédente. Les Chinois ont un avantage concurrentiel dans certaines industries, mais je ne pense pas que ce soit dans le secteur de pointe. Je ne crois pas que nous ayons à nous inquiéter pour le secteur des services, celui de la fabrication de pointe, ni pour des sociétés comme Bombardier ou Boeing chez les Américains, du moins pour le moment.
La menace vient des industries traditionnelles, des industries des ressources naturelles, de l'industrie de l'acier, parce que les entreprises appartenant à l'État peuvent tricher. Comme ce sont des sociétés publiques, les salaires qu'elles offrent à leurs employés sont inférieurs à ceux du marché, elles obtiennent des subventions, elles évitent les tracasseries administratives et elles obtiennent des permis beaucoup plus facilement que les autres. En bout de ligne, c'est toute la structure de la Chine qui est déformée par ces très nombreuses et très puissantes entreprises appartenant à l'État qui représentent de un quart à un tiers du PIB.
Mais surtout, ce ne sont pas de petites entreprises. Ce n'est pas comparable au secteur de la petite entreprise au Canada qui n'a pas beaucoup de pouvoir. Ce sont de grosses sociétés qui ont un pouvoir énorme et qui peuvent se servir de ce pouvoir pour se donner ce que je considère être un avantage concurrentiel injuste, qui n'est pas mérité. Elles peuvent se le permettre parce qu'elles emploient des millions de travailleurs venus de la campagne et que le Parti communiste chinois a peur de perdre le pouvoir. La seule façon pour lui de se maintenir au pouvoir est de continuer à créer des emplois. C'est pourquoi j'ai dit que ni le Canada, ni les Européens, ni les Américains ne peuvent compter sur les Chinois pour corriger le problème dans le secteur de l'acier.
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Tout d'abord, si vous consultez le document que nous avons présenté, vous constaterez que l'industrie de l'acier emploie actuellement 22 000 métallos qui travaillent directement dans l'industrie et qu'elle touche plus de 100 000 travailleurs. Vous pouvez vous reporter à la fin des années 1970 et au début des années 1980, quand l'industrie de l'acier était présente dans tout le pays. Le Canada a agi. Nous avons agi sur le plan de l'environnement. Nous nous sommes modernisés. Nous avons fait de la formation. Actuellement, le secteur de l'acier est un des plus efficaces.
Je n'aime pas beaucoup parler de la société U.S. Steel, à cause de la façon dont elle s'est implantée au Canada. Le Canada n'en a pas retiré un avantage net. Il y a sans doute quelque chose de vrai dans les accusations soulevées au sujet de l'acquisition d'usines au Canada par U.S. Steel, mais il est impossible de mettre la main sur cette entente privée. Le gouvernement ne nous permet pas d'avoir accès à cette entente pour des raisons de sécurité. L'entente est toujours bloquée par les tribunaux.
Regardez les sociétés avec lesquelles nous traitons aujourd'hui. Nous avons des liens partout. Regardez Essar. Regardez les autres. Il y en a énormément. Nous avons des liens avec de grandes usines, avec d'immenses mains-d'oeuvre. Nous sommes à la pointe de la technologie. Il n'y a pas de raison que l'on ne puisse pas... Ces lois sont dépassées depuis des années. J'analyse toujours les choses très simplement, comme un travailleur. Dans l'industrie de l'acier, le dumping ne date pas d'hier. Cela se produit périodiquement. Voilà pourquoi nous avons des faillites. Pourquoi construit-on un pont à Montréal avec de l'acier étranger? Pourquoi construit-on un pont en Colombie-Britannique avec de l'acier étranger?
Quant au bois d'oeuvre, je reste toujours perplexe. Depuis le dernier accord, nous avons perdu 54 usines. Pourquoi continuons-nous à couper des arbres, à les transporter jusqu'aux États-Unis, à les mettre sur un bateau et à les expédier en Chine pour qu'ils nous reviennent par la suite sous forme de chaises ou de tables ou autre produit?
Pour moi, c'est simple.
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Merci. C'est un débat intéressant.
Une des choses qui me dérangent vraiment, ce sont les emplois. Il faut toujours y revenir. Combien d'emplois allons-nous perdre au Canada? Ces emplois dans l'industrie de l'acier sont très bien payés. C'est grâce à un emploi comme cela que j'ai payé ma maison, ma voiture et que j'ai pu élever ma famille.
D'un autre côté, permettez-moi de souligner une différence. Dans les années 1970, rien qu'à Hamilton, l'industrie de l'acier employait 14 000 personnes. Dans l'ensemble du Canada, il y avait 18 000 travailleurs et je parle seulement de la Stelco. En ce moment, à Hamilton, il n'y a plus que 3 000 travailleurs, et tous ne sont pas syndiqués. La plupart d'entre eux ne le sont pas.
Le problème, ce sont nos employés retraités. Ils se demandent s'ils toucheront encore une pension demain, alors qu'ils ont travaillé pour ça toute leur vie. Voilà 10 ans qu'ils attendent. C'est de cela que nous parlons ici. Comment pouvons-nous protéger notre industrie? Nous croyons au commerce, mais au commerce équitable. Si nous perdons nos emplois dans l'industrie de l'acier, alors nous... L'industrie de l'automobile compte sur nous pour acheter ses voitures et il y a d'autres fabricants.
Ken, peut-être pouvez-vous répondre à ma question. D'après vous, quel sera l'impact au Canada sur les villes qui dépendent de l'industrie de l'acier si celle-ci ne parvient pas à se relever, si nous l'abandonnons? Je sais qu'il y a déjà des gens qui se sentent abandonnés par le Canada, surtout dans la région de Hamilton.
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Il y a au pays beaucoup d'exemples de villes qui ont souffert de la disparition de l'industrie de l'acier. C'est le cas au Canada atlantique. Certaines villes ont été dévastées et ont disparu. Cette industrie était un moteur de l'économie.
J'étais en Saskatchewan où l'usine Ipsco est maintenant devenue Evraz et appartient à une société russe. La situation serait catastrophique si cette entreprise venait à quitter le Canada, en raison des revenus qu'elle génère. J'ai pu constater la dévastation que cela a créé à Sault-Ste-Marie. J'ai de grandes inquiétudes au sujet de cette ville, parce que c'est une de nos plus grandes industries. Si elle devait disparaître, les conséquences seraient vraiment très graves.
Vous venez de mentionner Hamilton. On considérait cette ville comme le Chicago du Canada, en raison de toutes les usines d'acier installées dans les environs. Leur disparition aura un effet catastrophique. Je suis profondément déçu. Nous avons mené la lutte à propos des lois sur les faillites pour nous assurer que les travailleurs bénéficieraient de leurs pensions et de leurs avantages sociaux. Parfois, je suis profondément attristé, parce que c'est vraiment triste de voir tous ces gens, 20 000 travailleurs...
J'ai travaillé dans une industrie. Quand j'ai commencé, ce n'était peut-être pas l'endroit le plus sain, mais aujourd'hui, l'industrie s'est beaucoup modernisée. Les travailleurs savaient que ces industries comportaient un certain risque pour la santé. Les syndicats disaient qu'une fois en retraite, nous pourrions bénéficier de certaines prestations. Aujourd'hui, ces avantages nous échappent. Quand avons-nous le plus besoin de soins de santé? C'est justement pendant notre vieillesse que nous avons besoin de médication. Or, ces travailleurs en sont maintenant privés. Beaucoup d'entre eux mourront plus jeunes que normalement parce qu'ils ne peuvent pas bénéficier de ces prestations.
C'est très attristant. Que l'on soit dirigeant syndical, maire, homme d'affaires ou directeur général, on devrait se sentir concerné par cette situation qui est un véritable désastre.
Nous nous sommes adaptés. Nous nous sommes montrés à la hauteur. Nous avons suivi des programmes de formation professionnelle pour nous adapter à l'évolution du travail, par l'intermédiaire du CCCES. Le gouvernement de l'époque a innové en proposant une collaboration tripartite entre les syndicats, le secteur privé et le gouvernement. La formule a bien fonctionné. Nous nous y sommes adaptés. Nous pouvions former des travailleurs et les placer dans des industries qui offraient des emplois lorsqu'ils ne pouvaient plus continuer à travailler dans l'industrie de l'acier. Tout cela a plus ou moins disparu. Il ne reste plus que 22 000 métallos, alors qu'il y en avait presque autant dans la seule région de Hamilton. La situation est catastrophique, alors qu'on aurait pu l'éviter.
Si l'industrie de l'acier n'est pas florissante, c'est la faute de notre pays. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour préserver cette industrie et pour nous protéger du dumping parce que, comme on a pu l'entendre dans tous les exposés, on n'obtiendra tout simplement rien de bon avec un statut d'économie de marché.