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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 062 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 16 mai 2017

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Normalement, je n'ai pas à faire cela. Je déclare la séance ouverte.
    Je souhaite la bienvenue aux témoins du Comité permanent de la condition féminine dans le cadre de notre étude sur la sécurité économique des femmes.
    Nous commencerons par Larissa et procéderons ensuite dans cet ordre. Vous avez sept minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invitée. Je m'appelle Larissa Vingilis-Jaremko et je suis fondatrice et présidente de la Canadian Association for Girls in Science, la CAGIS.
    La CAGIS est un club scientifique national géré par des bénévoles pour les jeunes filles de sept à seize ans. Tous les mois, les chapitres organisent des événements qui permettent à nos membres d'explorer un éventail de sujets dans les domaines des sciences, des technologies, de l'ingénierie et des mathématiques, collectivement appelés les STIM. Dans le cadre de ces événements, nous emmenons les filles sur les lieux de travail de femmes et d'hommes oeuvrant dans les STIM. Elles ont alors l'occasion d'observer des scientifiques en action et de participer, en petits groupes, à une panoplie d'activités pratiques amusantes qui s'appuient sur l'investigation, l'exploration et l'expérimentation.
    Au cours d'événements précédents, nous avons conçu, construit et testé des ponts dans un tunnel aérodynamique, comme des ingénieures; nous avons récolté des échantillons de communautés végétales dans les forêts et les champs, comme des écologistes; nous avons programmé des codes permettant à des robots d'exécuter des mouvements, comme des informaticiennes; et nous avons réparé des automobiles, comme des mécaniciennes. Nous avons voulu démontrer l'omniprésence des STIM. Nous avons même déjà mis nos membres au défi de trouver des matières qui ne sont pas liées aux STIM et nous nous en sommes inspirés pour planifier d'autres événements, par exemple la physique du patinage artistique et la chimie de la conservation d'oeuvres d'art.
    Ces événements mettent les filles en relation avec le monde des STIM et leur permettent de développer leur efficacité en les encourageant à construire, à explorer et à concevoir, au lieu de se limiter à apprendre la théorie dans leurs manuels. Cette méthode d'apprentissage pratique les aide à consolider leurs connaissances, tout en leur faisant découvrir que les STIM peuvent être des matières amusantes. Ces visites insufflent également aux filles un sentiment d'appartenance au laboratoire ou sur le terrain et leur font découvrir une diversité de modèles féminins inspirants du milieu des STIM.
    Le CAGIS a obtenu de nombreux prix d'excellence pour sa promotion des sciences, dont le prix Michael Smith décerné par le CRSNG.
    J'ai fondé le CAGIS à l'âge de neuf ans après avoir remarqué que les filles de ma classe détestaient les sciences. Elles redoutaient ces cours et avaient l'impression d'être nulles ou de ne pas être faites pour les STIM, malgré leurs bonnes notes. Elles préféraient devenir meneuses de claques ou pop stars. Elles s'imaginaient aussi que tous les scientifiques ressemblaient à Albert Einstein, un vieillard à la chevelure ébouriffée, vêtu d'un sarrau et chaussé de lunettes.
    Mes propres perceptions et intérêts étaient à l'opposé des leurs. Ma mère est une chercheure scientifique et mon père était ingénieur. Nous avions constamment recours aux STIM pour explorer et expérimenter et pour trouver des réponses à mes incessantes questions. Pour moi, ces matières ont donc toujours été amusantes et je ne pouvais comprendre que mes amies ne pensaient pas comme moi.
    J'ai également commencé à constater qu'il y avait des inégalités dans ma propre classe. Un jour, ma professeure a invité un volontaire à l'aider à préparer une expérience à partir d'une trousse de science. Je me suis évidemment portée volontaire, puisque j'avais la même trousse à la maison et que je connaissais cette expérience par coeur. Ma professeure m'a dit: « Non, Larissa, j'ai besoin d'un garçon pour ça. »
    Je voulais inciter mes amies et ma professeure à changer leur perception des STIM et des scientifiques. J'ai commencé par inviter des amies de ma mère qui travaillaient dans ces disciplines à venir à l'école nous parler de leur carrière et faire des activités pratiques amusantes. En constatant que mes amies qui fréquentaient d'autres écoles avaient elles aussi une idée négative et stéréotypée des sciences, j'ai donc décidé fonder un club scientifique, la Canadian Association for Girls in Science.
    Depuis nos modestes débuts, nous avons ouvert des chapitres d'un bout à l'autre du pays et rejoignons plusieurs milliers de jeunes filles. Je suis fière d'annoncer que nous célébrons cette année notre 25e anniversaire.
    J'aimerais bien pouvoir dire que les stéréotypes que j'avais remarqués durant mon enfance ont disparu, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Lors de mes visites périodiques dans les écoles, je demande aux enfants de fermer les yeux et d'imaginer à quoi ressemble un scientifique. Quand je leur demande de me décrire ce qu'ils ont imaginé, la majorité d'entre eux me décrivent un vieillard échevelé, avec un sarreau et des lunettes, souvent perçu comme étant socialement bizarre et isolé. Mon expérience dans les écoles confirme les résultats de la recherche sur la manière dont les enfants perçoivent les scientifiques. Ces stéréotypes sont également véhiculés par les médias, notamment par le biais de personnages d'émissions de télé comme La théorie du Big Banget Les Simpson, et même dans les jouets, de plus en plus stéréotypés selon les sexes.
    La manière dont les scientifiques sont dépeints dans les médias peut souvent influencer les étudiantes dans leur choix de carrière. Prenons l'exemple d'une étudiante de premier cycle qui lit un article dénonçant l'image stéréotypée d'un informaticien et affirmant que cette discipline n'est plus dominée par des garçons fanas d'informatique. Elle sera davantage portée à poursuivre des études en informatique, qu'une autre étudiante qui tombe sur un article confirmant ces stéréotypes ou qui n'a rien lu sur le sujet. Les portraits de scientifiques brossés dans les médias ont une influence sur l'intérêt des jeunes pour les sciences. D'autres recherches ont démontré que le visionnement de vidéos sur des scientifiques contribue à améliorer les perceptions des écoliers à l'égard des sciences.
(0850)
    De plus, les visites de femmes scientifiques dans les écoles, la lecture d'articles sur les femmes qui font carrière dans les sciences et les portraits de femmes oeuvrant dans les STIM brossés par les enseignants contribuent à briser les stéréotypes et à améliorer, autant chez les garçons que chez les filles, leur perception des femmes scientifiques.
    Les modèles de rôle jouent un rôle important. En présentant aux enfants une diversité de modèles non stéréotypés du monde des sciences, nous pouvons modifier leur perception des scientifiques et les encourager à poursuivre une carrière scientifique. Par ailleurs, la recherche indique que les programmes d'activités pratiques, les projets scientifiques, l'apprentissage coopératif et les programmes de mentorat qui mettent les filles en relation avec des scientifiques favorisent leur apprentissage et modifient leur attitude à l'égard des STIM.
    Bref, il a été démontré que les activités pratiques, l'apprentissage coopératif, les projets pratiques et l'exposition à des modèles féminins du monde des STIM améliorent la perception des filles à l'égard des sciences, éveillent leur intérêt pour ces disciplines et améliorent leurs notes dans ces domaines.
    Sans le savoir à l'époque, mon but était de créer un club qui éveillerait l'intérêt des filles. Le CAGIS a recours à toutes ces interventions qui ont fait leurs preuves.
    Pourquoi est-il important d'éliminer les obstacles et d'éveiller l'intérêt des filles pour les STIM?
    Les femmes demeurent sous-représentées dans ces disciplines, ce qui se répercute sur leur sécurité économique. Selon Statistique Canada, les salaires sont plus élevés que la moyenne dans les sciences naturelles et appliquées, des domaines où les femmes sont sous-représentées, comparativement aux domaines de la santé et de l'enseignement des niveaux primaire et secondaire, où elles sont surreprésentées. Ainsi, en facilitant l'accès des femmes aux STIM, nous pourrions améliorer le développement et la sécurité économiques des femmes au Canada.
    Il est d'autant plus important de supprimer les obstacles et d'éveiller l'intérêt des filles dans les STIM que nous vivons dans une société fondée sur le savoir. Si nous voulons que le Canada optimise son potentiel, nous avons besoin que les personnes les plus compétentes et les plus brillantes travaillent sur des concepts novateurs et lancent des projets de recherche et développement. Nous ne pouvons exclure aucun segment de notre société.
    Je viens de décrire les défis que posent les clichés sexistes chez les enfants et leur incidence sur la perception qu'ont les filles des professionnels des STIM et des carrières qui y sont associées. J'ai également proposé un éventail d'interventions efficaces et fondées sur des données factuelles susceptibles de modifier les perceptions et d'éveiller l'intérêt des filles pour les STIM. Il faut continuer à recourir à ces interventions pour promouvoir les sciences.
    Le problème se pose dès l'enfance, mais les jeunes femmes ont encore plusieurs obstacles à franchir avant de pouvoir faire carrière dans les STIM. Après le secondaire, elles doivent poursuivre leurs études au collège ou à l'université, selon leur domaine d'intérêt. Par la suite, elles doivent faire un stage, intégrer le marché du travail ou poursuivre leurs études jusqu'au niveau de la maîtrise ou du doctorat.
    Cependant, les stéréotypes continuent insidieusement à miner leurs chances. Une étude publiée dans le cadre des travaux de l'Académie des sciences des États-Unis fait état de l'expérience suivante. On a distribué à des professeurs de sciences de grands établissements de recherche les formulaires d'inscription de deux étudiants désireux de diriger un laboratoire. Sur chaque formulaire était écrit, au hasard, un nom d'homme ou de femme. Bien que les formulaires étaient identiques, l'étudiant a été jugé plus compétent et plus employable que sa consoeur. De plus, la faculté lui offrait une rémunération de base plus élevée et plus de possibilités de mentorat.
    Je pensais avoir 10 minutes à ma disposition, mais je constate que je n'ai que sept minutes. Je vais donc conclure.
    Nous devons poursuivre notre travail dans les STIM à toutes les étapes, de l'enfance jusqu'à leur entrée dans le monde du travail.
    Je vous remercie.
    Merci, Larissa.
    J'ai déjà participé à des activités du CAGIS dans ma collectivité.
    À Oakville.
    Nous avons organisé un événement cycliste « Tour des Trees ». J'ai également participé à la construction d'un canot, une expérience fantastique.
    Merci pour tout le travail que vous accomplissez.
    Je vous remercie pour votre engagement auprès du CAGIS à Oakville.
    Nous passons maintenant à Isabella.
    Ce matin, mes observations porteront surtout sur façon dont nous pourrions repenser l'actuelle politique macroéconomique afin d'offrir une plus grande sécurité économique à toutes les Canadiennes.
    Les politiques macroéconomiques sont importantes parce qu'elles ont une incidence sur le fonctionnement de l'ensemble de l'économie, notamment sur l'offre et la répartition des ressources, y compris sur la demande, la croissance, l'emploi, les taux d'imposition et les taux d'intérêt.
    Les politiques macroéconomiques actuelles ne sont pas neutres, elles sont plutôt insensibles à la problématique hommes-femmes. Premièrement, elles ne tiennent pas compte du fait que la contribution des femmes à l'économie est systématiquement sous-évaluée ni qu'il existe une économie de soins non rémunérés, largement dispensés par les femmes. En macroéconomie, on suppose que les ménages conventionnels ne produisent pas, mais qu'ils consomment et économisent. La valeur des tâches domestiques n'est pas établie puisque ce travail ne génère pas de revenus.
    Pour intégrer une perspective sexospécifique à la macroéconomie, nous devons partir du principe que la production nationale, c'est-à-dire la création de richesse, est l'interaction de quatre secteurs: le privé, le public, le domestique et le bénévole. Pour assurer l'équité entre les sexes, il est important de tenir compte du travail non rémunéré dans la formulation et l'évaluation de politiques macroéconomiques et de reconnaître que ce travail fait appel à des ressources rares, comme le temps. Il faut donc le considérer comme un travail productif nécessaire pour que d'autres activités économiques aient lieu.
    Pour brosser un portrait global de l'économie, nous devons donc recueillir des données sur le temps consacré au travail non rémunéré et mesurer les facteurs qui contribuent à l'entrée des femmes sur le marché du travail ou à leur sortie; il faut également tenir compte des changements qui en résultent sur le plan de leur revenu, à cause du temps qu'elles passent à prodiguer des soins.
    Cela nous permettrait également de cerner ce que les économistes appellent la fausse économie, souvent créée par l'adoption de politiques macroéconomiques visant à réduire les dépenses gouvernementales. Les fausses économies permettent de faire des économies à court terme par le biais de coupures dans les services sociaux, ce qui risque de faire grimper les coûts pour la société et l'économie en général puisque les familles seront plus nombreuses à dépendre des prestations sociales. Le gouvernement n'a alors d'autre choix que d'accroître ses dépenses. Autrement dit, les économies à court terme risquent de faire grimper les dépenses budgétaires.
    Permettez-moi maintenant de préciser le rôle du secteur public dans l'élimination de la discrimination à l'endroit des femmes. Je soulèverai brièvement deux points: les dépenses gouvernementales et les politiques fiscales.
    En matière de dépenses gouvernementales, l'un des problèmes posés par le modèle macroéconomique traditionnel est que seuls certains investissements sont considérés comme étant productifs, tandis que d'autres, comme les salaires des médecins, des infirmiers, des enseignants, sont considérés comme des dépenses ou des moyens de stimuler la consommation.
    Selon un récent rapport portant sur sept pays cité par le Forum économique mondial, qui s'appuie sur deux exercices distincts de modélisation, les dépenses ou les investissements de l'État dans l'infrastructure sociale, notamment dans l'éducation, la santé et le travail domestique, généreront plus de revenus que les investissements dans les projets d'infrastructures matérielles, notamment dans la construction de ponts et de routes. Aux É.-U., par exemple, la recherche a démontré qu'un investissement de l'ordre de 2 % du PIB dans l'infrastructure sociale fait grimper le taux d'emploi de 3,4 %, comparativement à 1,2% pour des investissements du même ordre dans les infrastructures matérielles. La logique économique qui sous-tend ces résultats est que l'infrastructure sociale nécessite beaucoup plus de main-d'oeuvre que les infrastructures matérielles. Or, le secteur des soins emploie beaucoup plus de femmes que celui de la construction.
    Une politique macroéconomique équitable envers les deux sexes doit analyser les stimulants budgétaires sous ces différents angles et déterminer quel niveau d'investissement public lui permettra d'assurer sa viabilité budgétaire, tout en prenant en compte les retombées à moyen et à long termes de ces investissements.
    Comme d'autres témoins ont déjà abordé la politique fiscale, je conclurai par quelques observations sur l'optimisation de l'espace fiscal.
    Les économistes définissent l'espace fiscal comme étant la capacité budgétaire du gouvernement de fournir les ressources requises, sans pour autant menacer sa position financière ou la viabilité de l'économie.
(0855)
    La tendance actuelle observée en politique fiscale, qui favorise les hommes riches en haussant les taxes à la consommation, en baissant les impôts des sociétés et des contribuables à revenu élevé et en pratiquant un taux d'imposition relativement peu élevé sur le patrimoine et les biens immobiliers, réduit l'espace fiscal disponible pour l'investissement social.
    Par exemple, une recherche préliminaire réalisée en collaboration avec ma collègue de l'école de droit Osgoode, la fiscaliste Lisa Philipps, pour laquelle nous avons utilisé les données de la DAL de Statistique Canada sur les dépenses fiscales, démontre que les dépenses fiscales visant les mieux nantis, comme la déduction pour option d'achat d'actions, accroît l'inégalité entre les sexes puisque les femmes constituent la majorité des contribuables des sept premiers déciles de la tranche d'imposition, tandis que les hommes constituent la majorité des contribuables à revenu élevé classés dans les déciles huit et plus.
    Pour avoir une idée claire de l'incidence des décisions d'ordre fiscal non seulement sur les déciles de revenu, mais aussi sur divers groupes de femmes et d'hommes, nous avons besoin de budgets sexospécifiques. Cet exercice orientera les décisions en matière de politiques fiscales et permettra de faire le suivi des dépenses publiques et des mesures fiscales.
    Le budget de 2017 est un bon début, mais son énoncé relatif aux sexes ne mentionne pratiquement aucune mesure fiscale. Le gouvernement doit absolument faire une analyse fiscale dans une optique sexospécifique lors de son examen périodique de sa politique fiscale. À mon avis, cette analyse faciliterait grandement la mise en place d'un cadre macroéconomique équitable à l'endroit des deux sexes.
    Je vous remercie.
(0900)
    Nous allons maintenant entendre Janet.
    Vous avez sept minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Janet Currie et je représente le Réseau canadien pour la santé des femmes, le RCSF. Ce réseau national a défini les besoins des femmes en matière de santé et participe depuis de nombreuses années, en collaboration avec Santé à la formulation et à la mise en place de recommandations en matière de politiques et de programmes.
    Notre organisation est d'avis que la santé est un droit fondamental de la personne et que la pauvreté est le principal facteur contribuant à une mauvaise santé. Il ne s'agit pas simplement d'une relation linéaire, puisque la pauvreté influe sur de nombreux déterminants sociaux, comme le logement, et ceux-ci ont, à leur tour, ont une incidence sur la santé des femmes. Nous nous préoccupons de voir que les répercussions de la pauvreté sur la santé constituent un très grave problème connexe; pour sortir les femmes de la pauvreté, nous préconisons donc une approche très globale en matière de politiques et de programmes, au lieu de mesures purement économiques.
    J'aimerais maintenant dire un mot sur les effets directs et indirects de la pauvreté sur la santé. Parmi les effets directs, il y a une diminution de l'espérance de vie. Les femmes pauvres vivent quelques années de moins que femmes qui sont dans les tranches de revenu moyen et élevé. La pauvreté accroît le nombre de décès et de maladies chroniques comme le VIH-sida.
    La pauvreté a un impact sur la sécurité du logement. Bon nombre de femmes pauvres vivent dans la rue ou dans des logements précaires non conformes aux normes où elles sont exposées à des problèmes de mauvaise ventilation, de surpeuplement, de moisissure, de vermine et bien d'autres qui augmentent les risques de maladies infectieuses, notamment de tuberculose.
    La pauvreté a aussi un impact sur la sécurité alimentaire. Au Canada, 22 % de la clientèle des banques alimentaires sont des familles monoparentales dirigées en grande partie par des femmes. L'insécurité alimentaire s'accompagne de malnutrition et de carences en nutriments, ce qui, ironiquement, conduit à l'obésité et prédispose les femmes à des taux élevés de diabète qui, à leur tour, augmentent les risques de maladie cardiaque.
    Comme vous pouvez le constater, ce n'est pas un problème facile à régler parce qu'il est cumulatif. Il se pose à de multiples niveaux, tous interreliés.
    La pauvreté est associée à des taux élevés de dépression. Comme vous le savez, le Canada connaît une épidémie de dépression. Cette situation interpelle le RCSF parce que les femmes représentent le pourcentage le plus élevé des personnes qui reçoivent un diagnostic de dépression. Elles consomment les deux tiers des antipsychotiques prescrits qui peuvent causer de très graves effets secondaires. Les femmes souffrant de dépression ne peuvent recourir à des services de soutien, comme des services thérapeutiques ou de soutien communautaire. Nous sommes donc très préoccupés par les taux de dépression et d'anxiété et leur interrelation avec la pauvreté.
    La pauvreté aggrave les maladies chroniques, notamment dans le cas d'une fumeuse. La pauvreté est associée au tabagisme chez les femmes; elles fument pour vaincre le stress et l'anxiété. La pauvreté prédispose donc les femmes à la maladie cardiaque et au cancer du poumon. Ajoutez à cela l'insécurité alimentaire et vous avez une prédisposition au diabète et à la malnutrition. Une femme peut donc se retrouver subitement aux prises avec une ou deux maladies chroniques, sans parler de leurs effets cumulatifs.
    La pauvreté restreint également les choix des femmes. Les femmes pauvres vivent souvent dans des quartiers en proie à la violence, ce qui accroît leur risque de se retrouver impliquées dans des activités criminelles ou de devenir toxicomanes. La pauvreté restreint également leurs choix quant aux services communautaires susceptibles d'améliorer leur santé, comme le dentiste. En outre, les femmes pauvres n'ont souvent pas accès à d'autres services préventifs, comme les soins prénatals ou à l'examen vaginal annuel.
    Quant aux recommandations que nous formulons relativement à des enjeux comme la sécurité du revenu, même s'il est très important de mettre en place des mesures économiques comme les déductions fiscales, et nous y sommes certes favorables, nous croyons cependant qu'il est important de prendre des mesures pour contrer les effets de la pauvreté sur la santé et d'adopter une approche axée sur les déterminants sociaux. À cette fin, le gouvernement doit mettre en place des politiques publiques beaucoup plus larges que les politiques de soutien au revenu. Je pense que ces propositions constituent un excellent complément à celles d'Isabella.
(0905)
    Par exemple, lorsque les gouvernements ont commencé à promulguer des mesures d'austérité, ce sont les femmes qui en ont porté le poids. Les femmes, qui travaillent majoritairement dans les milieux de l'éducation et de la santé, ont été les premières à perdre leur emploi. Nous devons adopter une politique du travail pour protéger ces populations extrêmement vulnérables et déployer des efforts pour inciter les entreprises à offrir des avantages sociaux aux femmes qui n'en ont pas.
    En conclusion, je vous prie instamment d'adopter une approche plus globale en matière de sécurité du revenu.
    Un dernier mot, si vous le permettez. Au début de mon intervention, je vous parlais du Réseau canadien pour la santé des femmes. Tous les centres d'excellence pour la santé des femmes, y compris le RCSF, ont été dissous en 2013 en raison des politiques d'austérité du gouvernement fédéral. Je crois comprendre que Santé Canada n'a pas l'intention de remplacer la division des femmes ni de créer un nouveau fonds pour reconnaître la contribution des femmes, comme l'a fait le ministère qui promeut l'égalité des femmes. Je crois que la solution des problèmes liés au revenu nécessitera un partenariat avec Santé Canada. Je vous prie donc instamment d'attirer l'attention de Santé Canada sur cet enjeu, comme nous l'avons nous-mêmes déjà fait.
    Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Madame Ludwig, vous êtes la première.
    Je remercie tous les témoins pour leurs exposés fort intéressants. De toute évidence, ils sont tous interreliés.
    En examinant les politiques gouvernementales dans leur ensemble, je crois que vous avez cerné un aspect important de leurs effets non souhaités, tout en nous faisant prendre conscience que les distorsions structurelles qui y sont inhérentes nous échappent trop souvent. Comme vous l'avez signalé, Isabella, le budget de 2017 est certes un bon point de départ. C'est la toute première fois que nous avons un budget qui tienne compte de la sexospécificité. Pour en avoir discuté avec des collègues, je sais pertinemment qu'en tant que législateurs, une fois que nous avons prenons conscience de l'impact des politiques sur les femmes, nous ne pouvons plus faire marche arrière. Merci.
    Ma première question s'adresse à vous, madame Currie, et porte sur les déterminants sociaux de la santé. Nous entendons tellement souvent des gens se demander pourquoi un jeune qui bénéficie d'un accès gratuit aux études ne termine pas sa scolarité... Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les déterminants sociaux de la santé, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les enfants qu'elles élèvent, et pour leurs communautés?
    Je pense que la pauvreté est un déterminant social de la santé et qu'elle est liée à d'autres déterminants sociaux, comme le logement insalubre, la vie dans des quartiers pauvres, l'absence de services de garde et le manque de foyers pour les parents âgés. Tous ces déterminants limitent les choix des femmes et leur compliquent grandement l'accès à des mesures de soutien du revenu qui pourraient avoir un effet très positif sur elles.
    Pour revenir à ce que disait Isabella, c'est vrai qu'en raison des mesures économiques, les femmes portent un fardeau de plus en plus lourd, sans parler des soins qu'elles prodiguent à leurs proches, que ce soit à un enfant malade ou à un parent âgé. Cette responsabilité de l'État a toujours été placée sur les épaules des femmes. Les mesures fiscales, les mesures de soutien du revenu et les politiques de travail visant à soutenir les femmes sont bienvenues, mais si les femmes n'ont pas accès aux soins à domicile, ou si tous ces services sont privatisés... C'est l'autre problème: de nombreux services ont été privatisés.
    Ce sont autant d'obstacles qui empêchent les femmes de profiter de mesures parfois extrêmement positives. Par ailleurs, comme vous l'avez dit, la pauvreté est un problème multigénérationnel. Dès qu'une femme tombe dans la pauvreté, ses enfants s'appauvrissent et héritent de ses nombreux effets sur la santé, comme les infections chroniques. C'est un lourd fardeau attribuable, selon moi, aux déterminants sociaux.
(0910)
    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à vous, madame Bakker. Lorsqu'on encourage les jeunes à sortir et à acquérir de l'expérience, on leur suggère souvent de faire des activités bénévoles. En raison des changements apportés par l'ancien gouvernement à Statistique Canada et au formulaire long du recensement, nous constatons que les données relatives à ce secteur n'ont pas été compilées de façon cohérente.
    J'espère qu'avec le rétablissement du formulaire long, nous pourrons recueillir des données sur le travail bénévole. Mes recherches m'ont appris qu'au fil des ans... Je veux dire, où en serions-nous aujourd'hui sans le travail bénévole au sein de nos collectivités et sans ses retombées économiques? Je vous remercie beaucoup d'avoir soulevé ce point.
    Avez-vous une suggestion à nous faire en matière de politique fiscale? Nous pourrions offrir un crédit pour le travail bénévole.
    Je n'ai pas de suggestion particulière à cet égard. Je pense qu'il est important de se pencher sur la question. Comme j'ai tenté de le préciser dans mon exposé, si le gouvernement fait un examen de ses politiques fiscales, il est important d'en examiner les deux dimensions — les effets distributifs découlant de l'offre d'un nouveau crédit ou du retrait d'autres crédits et le niveau global des recettes — mais ces deux dimensions vont de pair. Lorsqu'il est question de sécurité économique, je pense qu'il est très important de toujours garder ces deux dimensions à l'esprit avant de modifier la politique fiscale.
    Je vous remercie.
    Larissa, merci pour votre exposé. Nous aurions des tas de questions à vous poser, notamment comment vous avez réussi à lancer ce club à l'âge de neuf ans. C'est extraordinaire!
    Au sujet de votre travail, vous avez parlé des stéréotypes négatifs à l'endroit des femmes de science. Auriez-vous quelques bons exemples ou portraits de femmes à nous suggérer — à part vous, évidemment?
    Deux excellents moyens d'abattre les préjugés, c'est de présenter des vidéos sur des femmes scientifiques et de les inviter à parler aux élèves dans les écoles. Depuis quelques années, je remarque une certaine évolution dans les médias. On présente maintenant des femmes de science dans les émissions de télé. La télévision est l'un des médias les plus influents susceptibles de faire changer les perceptions au sujet des scientifiques et des sciences.
    Cela ne suffit toutefois pas. Il reste encore beaucoup de stéréotypes dans la société. En ce qui concerne les médias, qui jouent un rôle important pour modifier les perceptions des enfants, je pense qu'il est important de faire appel à de vrais scientifiques dans les émissions. Dans beaucoup d'émissions scientifiques, par exemple, ce sont des acteurs qui jouent le rôle de scientifiques. Lorsqu'un acteur anime une émission scientifique, il aura tendance à reproduire les stéréotypes, parce que seul un vrai scientifique possède une connaissance intime du domaine.
    D'accord, je vous remercie.
    Votre association fête son 25e anniversaire. Avez-vous recueilli des données sur le nombre de jeunes filles que vous avez accueillies? Combien de jeunes filles ont participé à votre programme au cours de ces 25 années? J'aimerais aussi savoir si vous avez obtenu de l'aide financière?
    Au fil des ans, nous avons reçu plusieurs subventions du CRSNG dans le cadre de son programme PromoScience. Nous avons également reçu de modestes dons de diverses entreprises. Nous n'avons pas de données officielles sur le nombre de filles qui ont participé à notre programme. J'aurais bien aimé pouvoir... En fait, nous devrions peut-être demander une subvention pour la compilation de ces données. Nous avons toutes nos anciennes bases de données et toutes nos listes de membres. Comme nous n'avons pas compilé ces données, il m'est difficile de vous donner le nombre exact, mais il dépasse probablement les 10 000.
    Pour ce qui est des autres données relatives à notre programme, nous effectuons des sondages périodiques auprès de nos membres pour nous assurer que notre programme correspond à leurs intérêts et pour atteindre nos cibles.
(0915)
    Madame Harder, c'est à vous.
    Je vous remercie d'être venue nous rencontrer et de nous donner l'occasion de vous poser des questions afin que nous puissions mieux comprendre cet enjeu important.
    Larissa, j'aimerais que vous nous expliquiez les facteurs qui, selon vous, permettraient d'attirer plus de femmes ou de filles dans les STIM. Comment encourager une jeune fille à faire carrière dans ces domaines?
    De nombreuses études démontrent que le problème, ce n'est certainement pas le manque d'intérêt de la part des filles, mais bien les obstacles qu'elles doivent surmonter pour faire carrière dans les STIM. Les préjugés que je viens d'évoquer font partie des obstacles.
    Il a été démontré que si nous présentions une plus grande diversité de modèles féminins, nous pourrions maintenir l'intérêt des filles à l'égard des STIM et les aiderions à cultiver un sentiment d'appartenance. Les activités pratiques, les milieux d'apprentissage coopératif et l'apprentissage dans le cadre de projets sont autant de moyens de soutenir leur intérêt. Un grand nombre de programmes de sensibilisation atteignent cet objectif également.
    À quel moment, selon vous, les filles cessent-elles de s'intéresser aux sciences, car force est d'admettre que peu de femmes se lancent dans les STIM à l'âge adulte. Pourriez-vous nous dire à quel moment elles abandonnent?
    C'est toujours la même histoire. La tendance se dessine dès l'enfance, puis se poursuit jusqu'au moment où les femmes cherchent à faire carrière dans les STIM. Le point d'abandon le plus fréquent est le moment où elles doivent obtenir une bourse de recherche postdoctorale.
    C'est intéressant.
    Au Canada, après leur doctorat, les chercheurs obtiennent une ou plusieurs bourses d'études postdoctorales. Ces postes contractuels leur permettent de poursuivre leurs travaux de recherche en laboratoire et de continuer de poser leur candidature à des postes de professeurs titulaires, ce pour quoi ils ont été formés. Une fois titularisés, ils peuvent monter leur propre laboratoire de recherche et poursuivre leurs travaux dans leur domaine d'expertise.
    Comme je l'ai dit, un nombre disproportionné de femmes abandonnent la partie à toutes les étapes de leurs études, mais davantage au niveau postdoctoral. Cela est en partie attribuable à la corporatisation des universités. Il y a eu une baisse de 25 % du nombre de titularisations dans l'ensemble du Canada sur une période de dix ans, soit de 1999 à 2009. C'est décourageant parce que le nombre d'étudiants est actuellement en hausse et, au cours de la même période, le rapport étudiants-professeurs à temps plein s'est élargi de près de 40 %.
    Les universités recrutent donc des chargés de cours qui sont titulaires de doctorat, alors que bon nombre de nos jeunes diplômées en STIM ont justement été formées pour occuper ces postes de professeurs titulaires. La disparition des postes menant à la titularisation place de nombreuses femmes dans une impasse. Si les postes de recherche continuent à disparaître, nous perdrons toute une génération de chercheurs du milieu des STIM et les jeunes femmes seront touchées de manière disproportionnée.
    Merci beaucoup.
    Selon vous, que peut ou devrait faire le gouvernement fédéral pour accroître la participation des femmes et des filles dans les STIM et quel devrait être son engagement à cet égard?
    Bonne question. Premièrement, il doit continuer à financer des programmes de promotion des sciences. Il existe une foule d'excellents programmes, il faut donc continuer à les financer.
    Deuxièmement, un examen de ce qui se fait ailleurs dans le monde peut nous aider à explorer cette question. Simon Marginson a publié un excellent rapport dans lequel il analyse les mesures prises par différent pays pour attirer des femmes dans les STIM. À titre d'exemple, la France et la Norvège ont adopté des lois en matière d'équité qui favorisent une diversification des choix professionnels offerts aux filles. Un volet important de la stratégie consiste à appliquer cette loi aux nominations à des postes de haut niveau dans les universités et divers organismes décisionnels comme les conseils de recherche. Les éléments importants de cette stratégie sont la transparence du processus de nomination, la normalisation des méthodes de sélection, la publication des postes, la recherche de candidates hautement qualifiées, le suivi des données de recrutement, par sexe. L'auteur établit une comparaison avec le Canada. Cette stratégie a entraîné une hausse plus marquée de femmes dans les STIM, comparativement au Canada qui ne s'est pas doté d'une loi similaire et qui ne s'est pas concentré sur cette question autant que ces pays.
    Je pense donc que le Canada peut faire mieux dans ce domaine.
(0920)
    Je vous remercie beaucoup.
    Madame Bakker, pourriez-vous nous donner plus de détails sur les politiques fiscales et monétaires du Canada? Selon vous, pourraient-elles servir à promouvoir le bien-être économique des femmes?
    Tout à fait. Je pense qu'Isabella a mentionné certains aspects de ces politiques.
    Ce que j'essayais d'expliquer, c'est que nous devons repenser et recadrer nos politiques fiscales et monétaires et reconnaître que des distorsions structurelles s'y glissent parfois, de manière non intentionnelle.
    Par exemple, comme le gouvernement met beaucoup d'accent sur les projets d'infrastructure qu'il compte mettre en oeuvre au cours des dix prochaines années, il serait important de repenser l'investissement dans l'infrastructure sociale et de reconnaître qu'il profite à l'économie. En gros, lorsque vous investissez dans le secteur public, vous générez directement plus de ressources. Si vous donnez l'argent à des gens qui travaillent dans le secteur de l'infrastructure sociale, vous ne les aidez pas seulement aujourd'hui, mais aussi demain. Le gouvernement pourrait ainsi générer davantage de recettes et élargir l'espace fiscal dont nous avons déjà parlé. Il est donc important de réfléchir à cet enjeu au moment où vous discutez de projets d'infrastructures physiques.
    Par ailleurs, comme je l'ai laissé entendre, c'est une erreur de penser qu'il ne faut pas se préoccuper de ce qui se passe à l'extérieur de l'économie officielle au moment de reformuler notre politique fiscale. La recherche a démontré que nous sous-évaluons la contribution que les travailleurs non rémunérés ou du secteur bénévole apportent aux secteurs public et privé. Je pense qu'il est très important de prendre en compte le temps consacré à des activités non rémunérées, parce que celles-ci créent de l'emploi dans les secteurs traditionnels. Les économistes conventionnels ont tendance à supposer que les travailleurs sont disponibles, sans se demander de quoi ils ont besoin pour se rendre à leur lieu de travail.
    Nous allons maintenant passer à vous, monsieur Jones. Bienvenue au comité. vous avez sept minutes.
    Merci, madame la présidente. Je félicite les témoins pour leur incroyable esprit d'initiative et pour leur présence ici aujourd'hui. Les excellentes recommandations que vous avez formulées aujourd'hui nous aideront à prendre des décisions éclairées.
    Un sujet dont nous n'avons pas assez entendu parler est l'écart salarial entre les hommes et les femmes qui persiste dans tous les domaines de l'économie. Je pense que nous avons parlé de l'injustice de cette situation. Dans ma région de la Colombie-Britannique, les deux tiers des travailleurs rémunérés au salaire minimum sont des femmes.
    Janet, le gouvernement devrait-il se doter d'une loi fédérale en matière d'équité salariale et que faut-il faire pour corriger cette injustice? J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    Je suis tout à fait d'accord avec une telle politique, mais j'ajouterais toutefois qu'il faut réfléchir à la place des femmes au sein de l'économie. Comme l'a fait remarquer Isabella, les femmes sont très nombreuses dans le secteur des soins. Au moment de la restructuration gouvernementale et de la privatisation, les gouvernements provinciaux se sont désinvestis de leur rôle dans bon nombre de ces services, notamment dans les domaines de l'éducation et de la santé. Ces secteurs, qui emploient majoritairement des femmes, sont également des secteurs à faible rémunération. Ces mesures ont eu pour effet de reléguer de nombreuses femmes à des postes à temps partiel ou contractuels, sans avantages sociaux.
    Je répète donc que nous devons adopter une approche holistique, non seulement pour favoriser l'équité salariale, mais pour concevoir des politiques et des programmes qui favorisent le plein emploi ou le soutien des femmes ou qui financent les avantages sociaux destinés aux femmes qui occupent des postes contractuels. Les secteurs de l'éducation et des soins de santé sont des piliers de notre économie et ils emploient un nombre croissant de femmes, de même que le secteur bénévole. Nous devons renforcer les secteurs d'emploi dans lesquels les femmes sont surreprésentées et mettre en place non seulement des mesures de soutien du revenu, mais aussi des stratégies qui permettront aux femmes de toucher un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins, être autosuffisantes et prendre leurs propres décisions.
(0925)
    Grâce à son programme universel de garde d'enfants, le Québec a vu le nombre de femmes sur le marché du travail augmenter de 70 000, en 2008.
    Isabella, vous avez insisté sur la nécessité de repenser nos politiques monétaires et nos investissements, notamment nos investissements sociaux.
    Pouvez-vous nous dire où vous souhaitez que les investissements aillent et nous expliquer pourquoi il est important de s'assurer que les femmes aient accès à des services de garde abordables et de qualité afin de pouvoir retourner sur le marché du travail?
    Je suis certaine, comme l'ont dit de nombreux autres témoins, que c'est la solution au problème et que cela permettrait aux différents groupes de femmes d'être sur un pied d'égalité avec les hommes dans le marché du travail. La solution, selon moi, c'est d'offrir des services abordables de garde d'enfants. À Toronto, par exemple, les parents dépensent entre 30 000 et 40 000 $ par année en services de garde et le deuxième revenu du ménage y est pratiquement entièrement consacré.
    Pour faciliter l'entrée des femmes dans la population active, Janet Yellen, la présidente de la Réserve fédérale des États-Unis, a fait des commentaires très intéressants la semaine dernière. Elle a dit que les obstacles que doivent relever les femmes pour obtenir des services de garde, ajoutés à leurs autres responsabilités, les empêchaient de participer au marché du travail. Selon elle, si la participation des femmes au marché du travail était égale à celle des hommes, cela ferait grimper le PIB de 5 %. Je crois qu'il est tout à fait logique, sur le plan économique, de favoriser la participation des femmes et, espérons, de leur offrir de meilleurs emplois.
    Je voulais également faire remarquer que l'investissement dans l'infrastructure sociale, notamment dans les secteurs de la santé, de l'éducation et des soins est un multiplicateur d'emplois, bien davantage que l'investissement dans les infrastructures physiques. Il permet également d'élargir l'espace fiscal. Vous pouvez faire des investissements de nature très sexospécifique en ciblant, par exemple, le secteur des soins.
    Isabella, vous avez dit que les modèles d'imposition actuels ne sont pas neutres parce qu'ils favorisent les riches, dont la majorité sont des hommes. Un témoin qui a déjà comparu devant le Comité a également déclaré que le Canada, qui était en tête du classement mondial de l'ONU sur la parité entre les hommes et les femmes, est tombé au 25e rang, et ce, en partie à cause de l'iniquité de ses politiques fiscales.
    Vous avez mentionné en particulier les échappatoires fiscales liées aux options d'achat d'actions. Quels changements dans les politiques fiscales souhaiteriez-vous voir figurer dans les mesures du budget de 2017?
    C'est une question importante. De mémoire, c'est Mme Lahey qui avait soulevé ce point.
    Pour ce qui est des options d'achat d'actions, les recherches préliminaires que ma collègue et moi menons en utilisant des données brutes de Statistique Canada montrent que les hommes sont 6,5 fois plus susceptibles de se prévaloir de cette option, justement en raison des déciles dans lesquels ils se trouvent sur le plan de l'impôt et du revenu.
    Je pense qu'il faut procéder à une révision générale de l'ensemble des dépenses fiscales. Il s'agit certes d'une question épineuse, mais cela doit être fait, et non seulement dans l'optique des déciles de revenu, mais aussi dans celle des disparités entre les sexes. Beaucoup d'études fort intéressantes menées récemment montrent à quel point les dépenses fiscales renforcent la situation économique des personnes des déciles supérieurs. Cependant, aucune de ces études ne s'est penchée sur la situation des hommes par rapport à celle des femmes, et c'est ce que nous avons entrepris de faire.
    À mon avis, il est très important que le gouvernement procède à cette révision. Il dispose de toutes les ressources nécessaires, par l'entremise de Statistique Canada et du ministère des Finances, pour commencer concrètement à tenir compte de la disparité entre les sexes et entre les revenus dans ses décisions en matière de politique fiscale
(0930)
    Janet, vous avez évoqué l'impact des compressions budgétaires imposées aux organismes de femmes et aux organisations partenaires du gouvernement. Pourriez-vous nous en parler davantage?
    Les centres d’excellence sur la santé des femmes n'ont pas de voix indépendante capable de collaborer avec les organismes gouvernementaux et la collectivité pour permettre une analyse des problèmes de santé des femmes. Par exemple, un de nos tout derniers projets s'intéressait à l'alcoolisme chez les filles et les femmes, plus particulièrement aux conséquences de l'alcool sur les jeunes femmes et au rôle que joue le secteur des entreprises dans la promotion de la consommation d'alcool chez les femmes. Il s'agit une fois de plus d'un phénomène lié à la pauvreté, les populations autochtones étant particulièrement ciblées.
    Il y a, bien sûr, des porte-parole pour la santé des femmes. Bon nombre d'entre eux reçoivent le soutien de compagnies pharmaceutiques ou sont dans une certaine mesure financés par des pharmaceutiques. La perte d'une véritable voix indépendante pour la santé des femmes nous inquiète beaucoup.
    Dans l'ensemble, les crédits affectés aux centres d'excellence sur la santé des femmes sont vraiment très limités.
    Je suis désolée, c'est tout le temps que nous avions.
    Nous allons maintenant passer à Mme Vandenbeld.
    Je tiens à remercier tous les intervenants. Ma première question s'adresse à Larissa, mais si d'autres témoins souhaitent répondre, ils le peuvent aussi.
    La semaine dernière, la ministre des Sciences Kirsty Duncan a annoncé une nouvelle politique gouvernementale encadrant les chaires de recherche du Canada et le financement fédéral de la recherche. En vertu de cette politique, les universités ont deux ans pour se doter de politiques de diversité. De fait, elles doivent avoir une politique en place dès décembre, après quoi elles auront deux ans pour atteindre certains objectifs quant au nombre de femmes, et de membres de groupes désignés en matière d'équité, bénéficiant de fonds de recherche. Nous savons qu'à l'heure actuelle, les femmes n'occupent que 30 % des quelque 1 600 postes de chercheurs à pourvoir. Quant aux membres des groupes désignés, les femmes autochtones occupent 1 % des postes, les femmes handicapées, 1 % et, sauf erreur, les membres des minorités visibles, 15 %. Comme vous l'avez mentionné, la Norvège, la France et d'autres pays ont déjà légiféré à cet égard. À votre avis, le fait de forcer les universités à respecter des objectifs fermes et exigeants sous peine de se voir retirer le financement changera-t-il quelque chose?
    Je le pense, sauf que si le nombre de postes menant à la permanence continue de diminuer, cette mesure aura une incidence limitée, puisque le nombre d'emplois offerts aux jeunes scientifiques en général continue de décroître par rapport au taux de diplomation. Il existe beaucoup de domaines où l'industrie n'a rien à offrir aux scientifiques. C'est à l'université que la recherche scientifique se fait. Cette mesure législative est certes très louable, mais je crois qu'il doit exister un meilleur lien entre la bourse de recherche postdoctorale ou le doctorat et l'obtention d'un poste menant à la permanence.
    Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à cet égard si l'on se fie, par exemple, aux modèles internationaux que vous avez donnés en exemple?
    J'aimerais qu'il y ait une meilleure supervision fédérale des universités, parce si le nombre de postes menant à la permanence augmente, le gouvernement fédéral pourrait légiférer pour que le montant de l'investissement fédéral soit subordonné à l'obtention de postes de professeurs à temps plein par une certaine proportion d'étudiants, ou quelque chose en ce sens. En outre, plusieurs des pays européens qui se sont dotés de stratégies nationales en matière d'éducation assurent un suivi du nombre d'étudiants qui entrent dans certains programmes par rapport au nombre d'emplois qui devraient être créés au moment de leur diplomation. Le Canada n'a rien de semblable, mais il faut dire que le taux de chômage chez les jeunes est plus faible dans ces pays. J'aimerais que le Canada se dote lui aussi d'une stratégie nationale d'éducation qui lui permettrait d'assurer un meilleur suivi du nombre d'étudiants qui se dirigent dans différents domaines par rapport au nombre d'emplois qui les attendent.
(0935)
    Est-ce que d'autres témoins aimeraient se prononcer sur le sujet?
    Je pense qu'il existe un problème structurel au sein même de l'université. Ironiquement, je suis actuellement étudiante au doctorat et j'enseigne à la faculté de médecine. Je vois mes confrères et consoeurs en perpétuel questionnement et je perçois chez eux un sentiment de désespoir devant l'avenir. De nombreux doctorants enseignent à temps partiel — c'est une excellente option pour l'université —, mais ces emplois ne débouchent sur rien et sont très mal rémunérés. Il faut définir une quelconque politique, il faut exercer des pressions sur les universités pour qu'elles soutiennent les femmes vers l'obtention de postes menant à la permanence. Je pense que cette façon de fonctionner est liée à la privatisation des universités. La question est complexe, mais une chose est certaine, elle constitue un gros problème pour mes confrères et consoeurs au doctorat.
    J'abonde dans le même sens que les deux autres témoins et j'aimerais ajouter qu'à l'université où j'enseigne, il y a deux phénomènes intéressants au sujet des chaires de recherche du Canada, les CRC. Nous avons très peu de chaires de recherche, pour la simple raison que le modèle de financement est fondé sur les fonds de recherche qu'une université est en mesure de lever. Nous n'avons pas de faculté de médecine et nous venons tout juste d'ouvrir une faculté de génie. L'autre élément faisant office de filtre est la façon dont la recherche est interprétée et encouragée. Il arrive souvent, par exemple, que la recherche féministe — mon domaine est celui des sciences économiques féministes — est décriée par les économistes; pour eux, ce n'est pas de la recherche. Je pense que la validation des compétences est un élément très important. Le domaine de la recherche doit être ouvert à la diversité des voix. Sinon, ce n'est qu'une autre façon de contrôler l'accès.
    Je poursuis avec Mme Bakker. Je suis une ancienne de l'Université York, j'ai étudié en histoire, pas en sciences. Je dois dire qu'en 10e année, j'ai fait partie du club scientifique de l'école, mais j'ai perdu tout intérêt avant la fin de mon secondaire, sans doute à cause du phénomène de socialisation dont Larissa a parlé.
    Vous avez parlé des politiques fiscales et du fait qu'elles doivent être examinées sous l'angle de l'équité entre les sexes. Notre comité a mené une étude sur l'analyse comparative entre les sexes, l'ACS. Il en ressort de manière parfaitement évidente que l'application de l'ACS aux politiques et aux programmes permet de dégager des liens qui ne sont pas toujours évidents autrement. Ce budget était le tout premier budget à être examiné à travers le prisme de l'équité entre les sexes. Un des principaux problèmes tenait au manque de données ventilées par sexe, et pour cette raison, il était très difficile de mesurer certains facteurs de manière pertinente aux fins de l'analyse. Où sont les lacunes? Par quels moyens le gouvernement fédéral pourrait-il assurer l'existence de ces données et garantir ainsi la faisabilité et l'application de l'ACS aux processus budgétaires et aux politiques fiscales?
    Je comprends la difficulté liée au manque de données dans certains domaines, mais je crois qu'il est toujours possible de contourner un peu le problème par des approximations. Si, par exemple, on a une bonne idée du nombre de travailleuses et de travailleurs dans un certain secteur, il est possible de faire des approximations. Il importe également que le gouvernement sache exactement combien d'argent il investit pour parvenir à l'équité entre les sexes. Cela ne se limite pas aux crédits de 27 millions de dollars — si ma mémoire est bonne — accordés à Condition féminine. Je pense à l'introduction possible d'un marqueur égalité hommes-femmes comme celui que l'OCDE utilise pour suivre l'aide extérieure au développement.
    Votre temps est écoulé, je suis désolée.
    Passons maintenant passer à M. Warawa pour une dernière série de questions de cinq minutes.
    Merci à tous nos témoins. Les exposés ont été très intéressants et très instructifs.
    Mon fils, qui a terminé un doctorat en microbiologie, a dû décider entre rester à l'université et faire carrière en enseignement et en recherche ou se diriger vers l'industrie. C'est un choix difficile à faire. Il a opté pour chercheur, mais c'est un milieu où la concurrence est très vive le milieu est très, un milieu où la concurrence est très forte, où les chercheurs sont constamment en quête de fonds de recherche de plus en plus difficiles à obtenir. La recherche est un domaine ardu, pour les hommes comme pour les femmes.
    J'ai une question pour Mme Bakker à propos des rôles de soutien. Vous avez parlé des personnes qui travaillent sans rémunération pour donner à d'autres la possibilité de travailler et de gagner de l'argent. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
(0940)
    Malheureusement, il nous arrive encore de penser selon le modèle du pourvoyeur unique alors que nous savons très bien que la plupart des économies modernes fonctionnent selon un modèle à double revenu. La question qui se pose est la suivante: comment faciliter l'utilisation de ce modèle quand on songe à la panoplie de besoins à prendre en considération? Des besoins quotidiens de base comme manger, se vêtir, éduquer les enfants. Il est indispensable d'intégrer cette dimension dans le tableau d'ensemble. Nous devons d'abord et avant tout proclamer qu'il s'agit d'un travail essentiel, que les femmes sont beaucoup nombreuses que les hommes à l'accomplir, que cela a pour effet de leur fermer l'accès à une foule d'autres d'options et, comme l'a dit Janet, de les pousser à se diriger vers des emplois moins bien rémunérés, souvent dans des rôles d'aidantes, de soignantes ou de garde d'enfants. Je crois qu'il existe divers moyens d'éliminer cet obstacle.
    Autre point intéressant: l'Ontario effectue actuellement une étude sur le revenu minimum garanti. Je suis curieuse de voir les résultats. Je sais qu'au Manitoba, les résultats de l'étude ont montré que la politique a eu pour effet d'inciter davantage de jeunes femmes à rester à la maison pour s'occuper des enfants et d'encourager les jeunes hommes à faire des études pour parfaire leur éducation. Je pense qu'il faut chercher à déceler si à long terme, ce type de mesures incitatives favorise les hommes au détriment des femmes.
    Cela crée une structure familiale selon laquelle une personne reste à la maison, l'homme ou la femme, pour permettre à l'autre de travailler. En supposant que cette personne gagne un revenu annuel de 70 000 $ dollars, comparativement à deux revenus totalisant 70 000 $... L'argument présenté était que le fractionnement du revenu entre conjoints illustrait la valeur du travail de celle ou de celui qui fournit ce soutien de base. Qu'en pensez-vous? Le gouvernement précédent a établi le fractionnement du revenu pour démontrer l'importance de la personne qui assume ce rôle. Le revenu reste le même, 70 000 $, mais le fractionnement a pour effet de valoriser la personne qui fournit cet effort familial.
    C'est un exemple intéressant. Cependant, j'ignore à combien de ménages il peut s'appliquer, parce que 70 000 $, c'est plutôt élevé comme revenu familial moyen.
    Ma vision par rapport à cette étude est que les femmes, qui sont de plus en plus nombreuses à obtenir un diplôme ou à poursuivre des programmes de formation, veulent intégrer le marché du travail. Parallèlement, il y a aussi des hommes qui souhaitent passer du temps avec leurs enfants en bas âge.
    Si l'on examine quelques-unes des politiques adoptées par certains pays nordiques, comme l'a mentionné Larissa, il incombe aux hommes comme aux femmes — ou aux deux partenaires d'un ménage — de prendre un congé parental, sous peine de le perdre. Si une mesure incitative similaire était intégrée dans des politiques sociales, elle contribuerait pour beaucoup à changer les normes sociales relatives à l'éducation des enfants.
    Êtes-vous d'accord avec le fractionnement du revenu?
    Pas vraiment, non. Je pense que ce n'est pas la bonne façon d'utiliser le système fiscal.
    Je vous remercie.
    Il vous reste 15 secondes.
    Ça va.
(0945)
    Nous allons suspendre la séance pendant que nous préparons la vidéoconférence.
(0945)

(0945)
    Nous reprenons nos travaux. Tous nos témoins sont prêts.
    Bienvenue à tous les trois, et merci de participer à notre réunion d'aujourd'hui.
    Nous allons commencer par Danniele Livengood. Soyez la bienvenue. Vous avez sept minutes.
    Je représente la Society for Canadian Women in Science and Technology, la SCWIST. Merci de nous faire l'honneur de nous inviter à venir parler de votre étude sur la sécurité économique des femmes et leur participation pleine et entière à l'économie canadienne.
    C'est en se fondant sur 35 années d'expérience en matière de soutien aux femmes en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques que la SCWIST tentera de répondre aux éléments (d), (e) et (f) de l'étude proposée conformément au paragraphe 108 (2) du Règlement.
    Des efforts considérables ont été déployés au fil des ans pour offrir aux femmes la formation qui leur a permis d'acquérir des compétences grâce auxquelles elles sont en mesure d'occuper des emplois bien rémunérés et des postes de responsabilité. Aujourd'hui, la question des compétences n'est plus le principal enjeu qui maintient les femmes à l'écart de ces postes. Le grand enjeu est l'accès à ces postes.
    Les femmes sont exclues des postes susceptibles de leur offrir la même sécurité économique que les hommes. Dans les domaines des STIM, la situation est en grande partie attribuable aux partis pris sexistes à l'égard des femmes. Aucun degré d'autonomisation et d'éducation, et aucun ensemble de compétences aussi solides soient-elles, n'accroîtra la présence des femmes si l'accès leur est refusé. La seule façon de s'attaquer au problème de la sous-représentation des femmes dans les secteurs de croissance clés et au sein des postes de responsabilité est de changer le système, pas de changer les femmes.
    Il importe aussi de souligner que pour beaucoup de femmes canadiennes, les difficultés économiques sont exacerbées par d'autres facteurs identitaires comme la couleur, l'origine ethnique, la religion, les limitations fonctionnelles, l'identité sexuelle, l'orientation sexuelle, le statut d'immigrante et l'âge. Nos recommandations visant l'adoption de politiques de soutien des femmes entraîneront une amélioration globale de la culture qui, nous l'espérons, influera de manière positive sur ces facteurs.
    La culture canadienne influe sur l'accès aux postes clés. Cette culture est cautionnée par les gouvernements, les entreprises, la collectivité et les personnes. Nous avons formulé des recommandations sur les moyens à prendre pour exercer une influence sur ces différents échelons et accroître la représentation des femmes.
    Commençons par le gouvernement. Nous recommandons au gouvernement d'appliquer des analyses comparatives entre les sexes à toutes ses politiques économiques et sociales et de rehausser ses engagements en matière de financement afin d'assurer la réalisation de ces analyses. En veillant à ce que toutes les politiques fassent l'objet d'un examen approfondi pour en déceler les répercussions à court et à long terme sur les femmes, on empêchera les politiques existantes d'entraver les nouveaux efforts.
    Nous recommandons également l'application des politiques « se conformer ou s'expliquer » en vigueur au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas. Il faut exiger des entreprises canadiennes qu'elles respectent certaines normes en matière d'équité salariale et de diversité du leadership. Le gouvernement peut y parvenir en modifiant ses politiques d'approvisionnement de telle sorte qu'elles obligent les organismes à se conformer aux normes qui visent à assurer la pleine et entière participation des femmes.
    Nous recommandons que les programmes fédéraux de financement récompensent la collaboration plutôt que la compétitivité et qu'ils tiennent les demandeurs d'aide financière responsables de la diversité de leurs équipes et de l'incidence de leurs propositions sur les femmes.
    Cette recommandation vise les projets médiatiques, puisqu'ils contribuent à façonner les normes culturelles au Canada. Elle vise le financement de l'entrepreneuriat ou des petites entreprises — il est démontré que les femmes propriétaires de petites entreprises reçoivent des investissements considérablement inférieurs à ceux des hommes, et ce, malgré le fait qu'elles représentent un investissement plus sûr. Bien sûr, elle vise aussi le financement de la recherche, les femmes étant moins enclines à participer au processus concurrentiel des demandes de financement. Cette culture dominée par la concurrence, où il n'y a que des gagnants et des perdants, ne fait que réaffirmer la perception selon laquelle le travail individuel en vase clos est plus valorisé que la collaboration entre les tenants de perspectives diversifiées.
    Nous devons élaborer des politiques pour réglementer les médias en matière de représentation des femmes, surtout en publicité. Le pays a élaboré un contenu canadien exhaustif et de grande qualité dans les deux langues officielles. Nous pouvons et devons exiger que les médias canadiens respectent et appuient la diversité. N'oublions pas que si notre culture est largement façonnée par les médias, nos préjugés personnels le sont aussi. La seule façon de nous offrir un futur dans lequel davantage de femmes occuperont des postes de responsabilité bien rémunérés au sein de secteurs dominés par les hommes, c'est de montrer aux Canadiens qu'il est normal qu'il en soit ainsi.
    Pour assurer la participation pleine et entière des femmes à l'économie, nous devons nous doter d'une politique fédérale en matière de services de garde et de congés parentaux. Cette mesure favoriserait la rétention des femmes en même temps qu'elle ralentirait le départ des jeunes travailleurs et travailleuses et permettrait des économies liées à l'embauche et au recyclage professionnel. En bénéficiant du soutien nécessaire pour demeurer dans la population active tout en élevant une famille, les femmes pourraient se porter candidates à des postes de responsabilité et maintenir leur trajectoire salariale sans crouler sous le fardeau du coût élevé des services de garde d'enfants.
(0950)
    Ensuite, il y a les mesures recommandées pour les entreprises. Comme à l'échelle des gouvernements, nous recommandons une approche du type « se conformer ou s'expliquer » pour les consommateurs aussi bien que les parties intéressées afin de tenir les entreprises responsables de la diversification de leurs équipes de direction.
    Pour respecter ces normes, les entreprises devront vérifier leurs pratiques d'embauche, de rétention de personnel et de promotion professionnelle pour s'assurer qu'elles ne sont pas intrinsèquement biaisées dans ces systèmes. Un système d'embauche à l'aveugle, des politiques favorables à l'équilibre entre vie familiale et vie professionnelle, des politiques ayant trait au harcèlement et une planification de la relève délibérément diversifiée sont autant de moyens de faciliter la participation des femmes au marché du travail.
    Troisièmement, nous avons un certain nombre de recommandations pour ce qu'il faudrait faire à l'échelle communautaire. Il faut soutenir et élargir les programmes qui permettent de créer des réseaux, d'offrir des modèles et d'offrir du mentorat aux femmes qui travaillent dans des secteurs dominés par les hommes. La plate-forme de mentorat en ligne de la SCWIST — makepossible.ca — est le produit d'un investissement délibéré de Condition féminine Canada pour aider les femmes à poursuivre des carrières dans les domaines techniques et scientifiques. Nous demandons au gouvernement et aux entreprises d'envisager de nouveaux moyens d'influencer la culture ambiante, mais nous devons aussi continuer le travail communautaire qui nous a permis de faire du chemin jusqu'ici.
    Nous recommandons aux collectivités de s'engager activement dans un dialogue ouvert et durable sur les types de comportement qui ne nourrissent pas une culture de l'inclusion. Ce dialogue permettra aux membres de la collectivité de partager leurs luttes et de trouver ensemble les meilleurs moyens de surmonter ces préjugés systémiques.
    Enfin, chacun de nous doit faire face à ses propres préjugés. Tout le monde en a. Nous recommandons les tests implicites de Harvard sur les préjugés, parce que les découvrir est une première étape surprenante.
    À chaque niveau, il faut développer une culture où les femmes ont accès à ces postes importants. Si on leur y donne accès, elles ne seront plus considérées comme le problème, mais plutôt comme la clé de l'innovation nécessaire pour régler de nombreux problèmes, à l'échelle globale et à l'échelle du Canada.
    Merci.
(0955)
    Merci beaucoup.
    Écoutons maintenant Mme Armour, du Canadian Centre for Women in Science, Engineering, Trades and Technology.
    Je suis très sensible à cette occasion qui m'est donné de faire une présentation au Comité permanent au nom du Canadian Centre for Women in Science, Engineering, Trades and Technology. Comme ce nom est très long, nous préférons l'appeler Centre WinSETT.
    Le Centre fonctionne en partenariat avec des gens de tout le pays, des parties intéressées, pour faciliter le maintien en poste et l'avancement des femmes dans les domaines des sciences, du génie, des métiers spécialisés et de la technologie. Nous savons qu'il y a peu de femmes dans ces domaines et nous savons donc qu'il y a beaucoup à faire pour changer la situation.
    Le fait qu'il y ait si peu de femmes dans ces domaines a un effet sur la carrière de ces femmes, parce qu'elles sont considérées comme une minorité et qu'elles travaillent sans contacts avec d'autres femmes, mais cela a aussi un effet sur la carrière des jeunes femmes. Nous savons, de plus en plus, combien les modèles sont importants. J'entends souvent des jeunes femmes dire: « J'ai vu une femme à un poste de direction en science ou en génie, et je me suis dit que je pourrais le faire aussi. » S'il n'y a pas de femmes à ces niveaux, nous laissons croire aux jeunes femmes qu'elles ne sont pas faites pour travailler dans ces domaines, et nous ne voulons évidemment pas faire cela.
    L'autre problème auquel on a fait allusion est que, lorsqu'il y a une minorité très marquée de femmes, la culture du milieu de travail n'est tournée vers le soutien de ces femmes. Encore une fois, nous savons que cela a un effet très net sur le maintien en poste des femmes dans ces domaines.
    Parlons statistiques. Celle-ci m'a beaucoup surprise: en 2011, seulement 29 % des femmes de 25 à 34 ans titulaires d'un diplôme en science, en technologie, en génie ou en mathématiques travaillaient dans le domaine des sciences naturelles et appliquées. Donc, seulement 29 % d'entre elles travaillaient dans le domaine où elles avaient obtenu un diplôme universitaire. Comparativement, les hommes titulaires d'un diplôme dans ces domaines étaient 52 % à travailler dans un domaine correspondant à leur formation universitaire.
    L'un des problèmes qui nous préoccupent est la façon dont cela se répercute sur la sécurité économique des femmes si elles ne poursuivent pas de carrière dans les domaines des sciences, du génie, des métiers spécialisés et de la technologie. Si elles ont le sentiment qu'elles ne le peuvent pas et qu'elles doivent changer de domaine, elles accepteront probablement un emploi moins bien rémunéré. Elles risquent d'être peut-être moins indépendantes sur le plan économique. Je crois que c'est plus particulièrement le cas des femmes qui travaillent dans les métiers spécialisés.
    On le sait à cause du genre de situation dans laquelle elles se retrouvent parfois lorsqu'elles décident qu'elles ne peuvent pas rester dans leur domaine de spécialité: cela se traduit souvent par de l'insécurité financière et par l'impossibilité de se sortir d'une relation marquée par la violence. Nous essayons donc d'améliorer la situation pour que des femmes assument des rôles de direction, obtiennent des promotions professionnelles et puissent durablement exercer dans leur domaine de prédilection.
    On sait bien sûr de plus en plus que les équipes de direction diversifiées, et pas seulement mixtes, mais culturellement diversifiées — mais ce qui nous préoccupe surtout, c'est la mixité pour le moment —, sont une très bonne chose pour l'économie canadienne. Les entreprises dont les équipes de gestion et les conseils d'administration sont mixtes affichent généralement une meilleure productivité, de meilleurs rendements pour les actionnaires, mais aussi, et c'est intéressant, un intérêt plus marqué pour les oeuvres philanthropiques, et c'est important.
    Le Centre WinSETT essaie très activement de faire évoluer la situation. Nous croyons en la valeur de la recherche, mais nous croyons aussi beaucoup en la valeur de l'action concrète.
(1000)
    Nous avons organisé une série d'atelier, dont les titres et les contenus dépendent directement de ce que les femmes qui travaillent dans les domaines des sciences, du génie, des métiers spécialisés et de la technologie nous ont dit de leurs besoins. J'ai eu la chance de participer à beaucoup de ces ateliers et de voir ce qu'on peut y faire.
    Permettez-moi de vous donner quelques exemples. L'un des ateliers s'intitule « Négocier pour réussir ». Les femmes ne négocient généralement pas tout à fait de la même façon que les hommes. Par exemple, aux premiers échelons des postes de professeur d'université, la rémunération des femmes est généralement inférieure à celle des hommes parce qu'elles n'ont pas très bien négocié leur salaire initial. Et cela veut dire qu'elles ne rattrapent jamais ce retard. Elles réussissent aussi bien sur le plan des promotions professionnelles et des taux d'augmentation de salaire, mais elles partent de plus loin et ne rattrapent jamais la distance perdue.
    En général, les femmes ont besoin d'apprendre les techniques de négociation. Au cours d'un des ateliers, une des conférencières a fait une remarque que je trouve très juste au sujet des femmes, et c'est qu'il leur est souvent difficile de prendre les devants et de demander une promotion. Nous estimons qu'il est très important que les femmes ne soient pas contraintes à un style qui ne leur convient pas.
    La conférencière, qui est ingénieure de formation et travaille dans son domaine de formation, a expliqué qu'elle était allée voir son supérieur hiérarchique pour lui demander ce qu'elle devait faire pour obtenir une promotion. Son supérieur lui a répondu: «Je vais vérifier et je vous reviens à ce sujet. » Il est revenu quelques jours plus tard en lui disant qu'elle méritait une promotion, qu'elle avait fait tout le nécessaire pour en obtenir une. J'ai eu le sentiment que les femmes présentes à l'atelier se sentiraient capables de procéder ainsi plutôt que de demander une promotion. C'est un petit détail.
    Je suis désolée, mais votre temps de parole est écoulé.
    Passons à Mme Franz-Odendaal, de l'Université Mount Saint Vincent.
    Je m'appelle Tamara Franz-Odendaal. Je suis professeure titulaire au département de biologie de l'Université Mount Saint Vincent. Je suis également présidente de la chaire pour femmes en science et en génie pour le Canada atlantique depuis 2011. J'ai fait partie des conseils d'administration du CCWESTT et de Science Atlantic. Les opinions que je vais formuler ici sont les miennes et s'appuient sur mon expérience personnelle de femme travaillant dans un domaine scientifique et sur mon expérience de présidente.
    La semaine dernière, vous avez entendu ma collègue Catherine Mavriplis, titulaire de la chaire pour les femmes en sciences et en génie du CRSNG de l'Ontario. Je vais donc en profiter pour soulever des questions différentes.
    En 2011, j'ai lancé un programme intitulé WISEatlantic, qui vise à permettre à des jeunes filles de 7e à 9e année d'avoir accès à des modèles féminins dans les domaines des sciences, du génie, des métiers spécialisés et de la technologie et d'offrir des possibilités de perfectionnement professionnels aux femmes travaillant dans ces domaines, sous la forme, par exemple, de ce dont vient de nous parler Margaret-Ann Armour. Grâce à ces activités, nous avons permis en quelques années seulement à 3 000 jeunes filles de rencontrer 250 femmes travaillant dans ces domaines, et nous avons offert du perfectionnement professionnel à près de 500 femmes dans ces domaines.
    J'aimerais aujourd'hui vous parler de quatre enjeux.
    Le premier est le congé de maternité. J'attire ici votre attention sur la situation des chercheuses postdoctorantes. Je suis une immigrée. Je suis arrivée au Canada avec mon mari en 2003. J'avais obtenu un poste de chercheuse postdoctorante. Cette période postdoctorale est une période de formation cruciale et essentielle, dont on a absolument besoin après l'obtention du doctorat si l'on veut obtenir un poste universitaire. C'est au cours de cette période que, comme beaucoup d'autres femmes, j'ai décidé de fonder une famille.
    Un sondage effectué récemment auprès des postdoctorants a révélé des incohérences dans la classification des postdoctorants selon les provinces et selon les établissements. Les postdoctorants peuvent, selon le cas, être considérés comme des employés, des stagiaires, des étudiants ou des entrepreneurs indépendants. Compte tenu de ma situation financière, parce que je venais d'arriver au Canada et que je n'avais pas accès à l'assurance-emploi, et compte tenu de la nécessité absolue, à cause des pressions professionnelles intense, de ne pas diminuer la productivité de mes activités de recherche, j'ai dû placer ma fille en garderie à temps plein dès l'âge de trois mois.
    La décision de fonder une famille durant ses études intervient systématiquement durant la dernière période des études doctorales, c'est-à-dire durant la période postdoctorale — qui dure généralement trois à six ans —, qui est aussi la période au cours de laquelle on passe des entrevues d'emploi, ou encore au tout début de la période d'enseignement universitaire. Ce sont toutes des périodes extrêmement stressantes, surtout si on subit la pression supplémentaire d'avoir à accumuler un dossier de publications valables et continuelles.
    Les universités ne sont pas toutes dotées d'une politique de suspension, et ce n'est pas le cas non plus de tous les organismes de financement. Les universités et les organismes de financement devraient instituer des directives très claires concernant les choix offerts aux chercheuses qui tombent enceintes au cours de ces périodes cruciales. À l'heure actuelle, trop de femmes craignent de révéler leur grossesse à leurs supérieurs hiérarchiques à cause des réactions qu'elles vont obtenir. Plusieurs femmes m'en ont parlé directement au cours des dernières années. Elles ont trop peur de dire, au cours du processus d'embauche, qu'elles ont une famille. Les chercheuses postdoctorantes font partie des chercheurs de l'avenir, et nous devrions veiller à ce qu'elles soient traitées équitablement, surtout en matière de congé de maternité.
    Cela m'amène au deuxième enjeu dont je voulais vous parler: les préjugés inconscients. La formation sur les préjugés inconscients à l'égard des femmes dans les domaines des sciences, du génie, des métiers spécialisés et de la technologie ne fait pas systématiquement partie de la formation donnée aux membres des comités d'embauche ou de promotion dans l'organisation universitaire. Cela ne fait pas non plus systématiquement partie de la formation donnée aux futurs enseignants en sciences et en mathématiques.
    La raison pour laquelle je soulève cette question dans le cadre universitaire est que, au rythme auquel les professeures d'université sont promues actuellement, il faudra plus de 800 ans dans certaines matières pour atteindre la parité des sexes. À l'heure actuelle au Canada, moins de 15 % des professeurs de matières scientifiques et techniques sont des femmes. Des études attestent que la présence de femmes parmi les professeurs de mathématiques, comme dans les autres matières scientifiques et techniques, a un effet positif sur les étudiantes et peu d'effet sur leurs homologues masculins, qui ne se heurtent pas aux mêmes stéréotypes préjudiciables.
    Les établissements d'enseignement devraient prévoir une formation rigoureuse sur les préjugés inconscients pour les comités qui prennent les décisions déterminantes à l'égard de la diversité au sein de leurs départements respectifs. Beaucoup d'améliorations pourraient être apportées. On pourrait, par exemple, prendre la mesure de la diversité des candidats au cours de la procédure d'embauche et exiger que les établissements rendent compte, dans leur rapport annuel, de la diversité de leurs professeurs dans chaque programme. Par ailleurs, les programmes des universités et des collèges sont assujettis à un examen périodique, et ceux qui sont chargés de veiller à la qualité et à l'agrément des programmes scientifiques et techniques pourraient, par exemple, être mandatés pour faire un examen de la diversité du corps professoral dans chaque département.
(1005)
    La raison pour laquelle je parle de cette formation sur les préjugés inconscients à l'intention de nos professeurs de sciences et de mathématiques est que j'entends encore dire que des étudiantes universitaires sont écartées des matières scientifiques et techniques par leurs professeurs. À l'heure actuelle, on marginalise l'information sur les carrières pour lui préférer l'orientation professionnelle, et les conseillers spécialisés dans ce domaine n'ont guère le temps de rester au courant de ce que les employeurs cherchent ou de s'informer sur la multiplicité des carrières scientifiques et techniques qui s'offrent aux jeunes. Ils ne se rendent pas compte des compétences uniques que les femmes ajoutent à ces disciplines et que les employeurs commencent à apprécier.
    Les programmes de sensibilisation sont d'autant plus importants que les enseignants et les parents ne connaissent pas les possibilités qui s'offrent aux jeunes filles dans les domaines des sciences, du génie, des métiers spécialisés et de la technologie. Si nous offrons une meilleure information sur les carrières scientifiques et techniques dans les écoles et si nous sensibilisons les enseignants aux préjugés inconscients et aux stéréotypes préjudiciables, je crois que nous verrons plus de jeunes filles s'engager dans ces carrières.
    Je vais terminer aujourd'hui en soulignant le travail du programme de chaires du CRSNG pour les femmes en sciences et en génie, créé en 1996. À l'heure actuelle, il n'existe que cinq chaires dans l'ensemble du Canada. Le travail que nous faisons connaît d'importantes répercussions. Chaque chaire est au service d'une vaste zone géographique, couvrant souvent plusieurs provinces. Chaque discipline — les sciences, les mathématiques, le génie, l'informatique — présente des défis distincts.
    Il y a beaucoup de travail auprès des étudiantes de 7e à 9e année, dans les universités, dans les établissements d'enseignement et dans les milieux de travail. Si chaque université canadienne plaçait une femme à la chaire des disciplines scientifiques et techniques pour fournir des conseils en matière d'embauche et de promotion et pour diriger des programmes de perfectionnement professionnel comme ceux dont j'ai parlé aujourd'hui, je suis convaincue que nous constaterions une évolution importante dans le nombre de femmes parmi les chercheurs scientifiques et techniques de nos universités.
    Merci de m'avoir permis de vous parler aujourd'hui. Je serai heureuse de vous communiquer les rapports d'étude dont je vous ai parlé.
(1010)
    Merci à toutes de vos exposés.
    Passons à la première série de question avec M. Serré.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    Merci beaucoup à vous trois pour vos présentations et également pour la préparation effectuée en prévision de la séance d'aujourd'hui. Je sais que cela a dû vous demander beaucoup de travail. Merci beaucoup de nous apporter cette information.
    Ma première question s'adresse à Mme Livengood.
    Vous avez parlé un peu du mentorat. Certains témoins précédents nous ont dit qu'il n'y a pas assez de vidéos promotionnelles au sujet des femmes scientifiques, pas assez de scientifiques féminines qui se rendent dans nos écoles pour parler de ce qu'elles font, pas assez non plus de couverture à leur sujet dans les médias. Dans votre présentation, vous avez indiqué qu'on a besoin d'être mieux informé au sujet des femmes scientifiques et qu'il faut encourager les médias canadiens, français et anglais, à rehausser la représentation des femmes en sciences.
    Je me demandais si vous aviez des recommandations précises à soumettre au gouvernement fédéral en ce qui a trait aux médias et au mentorat des femmes.

[Traduction]

    Oui, tout à fait, je suis en faveur du mentorat, mais je crois que, en fait, quand on parle des médias, on parle de modèles à suivre. On parle de faire en sorte qu'une femme scientifique ou une femme chef de direction soit une chose normale qu'on voit tous les jours.
    En fait, je dois complimenter Tamara, de la chaire du CRSNG, pour les vidéos produites sur des femmes engagées dans les domaines scientifiques et techniques. En ce qui concerne les médias, je travaille aussi pour l'une des autres chaires du CRSNG, et nous avons produit un podcast où sont interviewées des femmes engagées dans des professions scientifiques et techniques. Il faut simplement que cela devienne normal, pour que, lorsqu'on ouvre la télévision n'importe quand, on ne voie pas une femme à la tête d'une entreprise, mais une personne, qui se trouve être une femme, à la tête d'une entreprise, et que personne n'en fasse plus de cas. Il se trouve que c'est une femme qui parle d'un sujet scientifique, mais ce n'est pas la première à le faire. Il se trouve simplement que c'est une femme qui a fait carrière dans un domaine scientifique ou technique.
    C'est ce que nous voulons obtenir, en arriver au point où nous considérons les gens qui font ces choses simplement comme des personnes. Sans qualificatif. Il n'y a pas de: « C'est une femme, c'est vraiment super. » Nous voulons simplement que ce soit normal. Pour beaucoup de celles d'entre nous qui travaillent dans des domaines scientifiques et techniques, c'est normal, mais, que nous entrons en contact avec le monde extérieur, nous nous heurtons encore à ces idées rétrogrades sur les différences d'aptitudes entre les hommes et les femmes.

[Français]

    Merci.
    Ma deuxième question s'adresse à Mme Franz-Odendaal.

[Traduction]

    J'en reviens aux chaires du CRSNG et à l'objectif de 30 % poursuivi par le gouvernement. C'est pourtant encore faible, mais la moitié des universités du Canada, semble-t-il, ne peuvent atteindre la moitié de cet objectif. Il faut prendre des mesures drastiques. Quelles mesures recommanderiez-vous précisément au gouvernement fédéral pour faire évoluer la situation immédiatement?
    On nous a parlé d'études de doctorats, de titularisation, et des difficultés d'une université plus axée sur l'entreprise qui semble faire obstacle aux femmes, et encore plus au niveau des chaires ou du doctorat. Quelles mesures recommanderiez-vous précisément au gouvernement fédéral pour faire évoluer la situation immédiatement sans imposer de quotas?
    Je pense que les universités devraient être contraintes de rendre compte de la diversité de leur corps professoral. Bien souvent, elles n'y songent même pas. Quand on leur demande la liste des femmes qui enseignent à la faculté des sciences, le doyen réagit souvent en disant: « Oh mon dieu, je ne pensais pas que nous en avions si peu. »
    Ils ne le savent pas parce qu'ils n'ont pas à en rendre compte statistiquement. Je pense que ce serait une mesure très importante.
    Ensuite, comme je l'ai déjà dit, les responsables chargés de surveiller les programmes et de les agréer devraient être mandatés pour vérifier la diversité du corps professoral de chaque université. Les universités qui n'atteignent pas le niveau pourraient être sensibilisées.
(1015)
    Merci.
    Ma troisième question s'adresse à Mme Armour.
    Vous avez parlé tout à l'heure de la diversité des équipes de gestion d'entreprise ou plutôt du manque de diversité de ces équipes, et vous avez parlé des avantages de la diversité. Êtes-vous au courant du projet de loi gouvernemental C-25? Qu'en pensez-vous?
    Oui, je suis au courant du projet de loi C-25. Je suis évidemment d'accord pour dire que la diversification des équipes de gestion et des membres des conseils d'administration est cruciale pour l'économie canadienne. Les preuves s'accumulent désormais du supplément d'efficacité que cela apporte à l'entreprise, quel que soit le domaine.
    Ma dernière question s'adresse à Mme Armour. Elle concerne les statistiques. Quelles données le gouvernement fédéral devrait-il recueillir, d'après vous, pour faciliter les mesures dont vous parlez?
    Je suis d'accord avec les remarques de Tamara: nous avons besoin de recueillir des données pour que les gens se rendent compte de ce qui se passe, pour qu'ils se rendent compte qu'il y a très peu de femmes à la tête d'entreprises d'ingénierie ou d'entreprises techniques, par exemple. Il faut publier ces statistiques pour que les gens soient mis au courant.
    Dans les universités, encore une fois, je suis d'accord pour dire que tout le monde, dans les facultés de sciences et de génie, devrait avoir accès à statistiques très claires. Le mouvement doit être lancé par les administrations universitaires, les recteurs, les décideurs, les gens qui peuvent vraiment changer les choses, les gens qui peuvent dire qu'il faut que cela change. Et cela influencera les doyens et donnera du poids au travail de ceux d'entre nous qui sont sur le terrain à essayer de changer les choses.
    C'est la même chose du côté des entreprises. Nous avons besoin de militants dans les entreprises. Nous savons, grâce à notre travail, que cela peut faire une énorme différence. Encore une fois, si le gouvernement peut préciser clairement que ces chiffres doivent être rendus publics et si on valorise les militants qui sensibilisent les gens au sein des entreprises, cela aidera énormément.
    Votre temps de parole est écoulé. Merci beaucoup.
    À vous, madame Harder. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Ma première question s'adresse à Mme Livengood.
    En 2013, vous avez obtenu un certain budget pour faire fonctionner un programme de mentorat de trois ans. Le programme s'intitulait Make Possible: Together We Create Opportunity. Pourriez-vous nous parler de ce que vous avez accompli durant cette période?
    C'est presque terminé maintenant. On sait que le mentorat joue un rôle très important auprès des femmes et des jeunes filles qui souhaitent s'engager dans des carrières scientifiques et techniques et créer des entreprises, et qu'il leur apporte le soutien nécessaire à leur succès dans ces domaines. Je suis curieuse de savoir ce que vous avez accompli au cours de ces trois années.
    Make Possible est encore en format beta. Nous sommes encore en train de la mettre à niveau. Pour l'essentiel, nous avons plus de 800 membres sur cette plate-forme, et cela va d'élèves du seconde à des chefs de direction, et pas seulement au Canada: nous avons aussi quelques membres de l'étranger.
    Grâce à cette plate-forme, nous espérons créer un espace de collaboration très ouvert et très positif où les gens puissent partager leurs compétences. Nous avons constaté que les gens ne veulent pas de système de mentorat très formel, du genre « Je suis ton mentor, tu es mon stagiaire, et tu es lié ». Cela ne les intéresse pas. Ils veulent pouvoir trouver quelqu'un qui peut les aider à développer les compétences qu'ils essaient d'acquérir. Nous avons fini par créer notre structure à partir de là et nous avons permis aux gens de partager leurs compétences en cherchant des gens qui ont ce genre de compétences ou qui offrent de partager ce genre de compétences.
    Cela a également permis d'éliminer un obstacle que nous rencontrons souvent, à savoir que les gens d'un certain âge ou ayant certaines compétences pensent qu'ils ne peuvent pas être accompagnés, qu'ils ne peuvent être que des mentors, autrement dit qu'ils ne peuvent qu'enseigner et non pas apprendre. L'usage des réseaux sociaux ou l'optimisation d'un site Web sont parmi les choses que les gens plus âgés veulent apprendre, mais il n'existe pas de plate-forme pour eux. Nous avons constaté que notre plate-forme permet de relier des gens en fonction des compétences et d'éliminer certains de ces autres préjugés, comme l'âge ou le degré d'instruction, de sorte que les gens ont pu entrer en contact et s'aider les uns les autres.
    La plate-forme met également l'accent sur la visibilité des modèles à suivre. Si on cherche une femme qui travaille dans un domaine scientifique ou technique ou un homme qui est disposé à fournir de l'aide — nous avons beaucoup d'hommes sur la plate-forme —, on sait qu'ils sont là et disposés à entrer en contact. Ils veulent entrer en contact. J'ai bu des litres de café à bavarder avec des gens sur la plate-forme. Il s'agit vraiment de créer des liens et de développer des compétences.
(1020)
    Au moment où le financement de ce programme arrive à son terme, diriez-vous qu'il faut le renouveler pour continuer à offrir ce programme ou pensez-vous qu'il faut y apporter certains changements pour le rendre plus efficace?
    Le renouvellement du budget du programme serait, bien entendu, très utile. Nous avons apporté des améliorations à la plate-forme à même notre propre budget et nos propres investissements depuis un certain nombre d'années, mais il est évident qu'un investissement supplémentaire à plus grande échelle nous permettrait d'accélérer les améliorations, de développer le programme et de le stabiliser un peu. Il est encore en format beta. Ce n'est pas encore un produit fini à nos yeux, et des fonds supplémentaires seraient évidemment les bienvenus.
    Merci.
    Madame Armour, vous avez dit que 29 % des femmes diplômées en sciences travaillent dans leur domaine de formation, comparativement à 52 % de leurs homologues masculins. Cette comparaison m'intéresse. Pourquoi, d'après vous, n'y a-t-il que 29 % des femmes, comparativement à 52 % des hommes, qui travaillent dans leur domaine de formation quand il s'agit des sciences?
    Je crois que beaucoup de femmes diplômées en sciences et en génie, qu'il s'agisse de sciences pures ou de sciences appliquées, ont probablement commencé à travailler dans leur domaine de compétences, mais qu'elles ont progressivement eu le sentiment qu'elles n'étaient pas à leur place, qu'elles ne progressaient pas, qu'elles voulaient passer à autre chose, et c'est ainsi que ces 29 % traduisent généralement le nombre de personnes qui sont passées de leur domaine de formation à quelque chose de différent. C'est un problème.
    Diriez-vous qu'une bonne partie de tout cela est dû à des préjugés se traduisant par des comportements à l'égard des femmes ainsi qu'à des obstacles sociaux les empêchant de monter dans la hiérarchie?
    En partie, certainement. La culture du milieu de travail joue un rôle important et fait en sorte que les femmes s'y sentent mal à l'aise. C'est ce que les femmes ne cessent de nous dire. En fait, un groupe de femmes nous a demandé d'organiser un atelier sur les moyens de se frayer un chemin dans la politique du milieu de travail. Je me rappellerai toujours le premier auquel j'ai participé. Il y avait là une trentaine de femmes, toutes de la même entreprise en fait, et un climat de confiance s'est rapidement installé, et quelqu'un a suggéré de ne pas révéler à l'extérieur ce qui serait dit dans la salle. Elles se sont alors mises à raconter leurs expériences. À la fin de la journée, elles se disaient toutes « Oh mon dieu, ce n'est donc pas moi, c'est le milieu de travail ». Elles venaient de se rendre compte que beaucoup d'entre elles vivaient les mêmes choses dans leur milieu de travail, entre le harcèlement et les paroles de dénigrement. Et, bien souvent, ce n'était pas intentionnel; c'était dit à la blague, mais ce n'était pas drôle. Beaucoup de ces remarques constituent évidemment du harcèlement grave. La culture du milieu de travail est importante.
    Madame Armour, l'une des difficultés que j'éprouve comme législateur, lorsque j'écoute divers témoignages autour de cette table, est que je constate qu'une grande partie du problème tient aux attitudes des collègues, notamment des hommes, à l'égard des femmes. Cela relève du coeur et de l'esprit — des deux, je pense — et de votre résistance émotive et psychologique, mais je ne vois pas comment cela peut être légiféré.
    Comme législateurs fédéraux, que pouvons-nous faire pour résorber cet écart entre les hommes et les femmes dans les milieux de travail scientifiques et techniques?
(1025)
    Veuillez donner une réponse très brève. Je ne voudrais pas vous couper la parole à nouveau.
    Très bien, merci.
    Je pense que l'une des choses les plus importantes que peuvent faire les législateurs est de parler de ces problèmes, de rendre les gens conscients de la mentalité de leur milieu de travail, des préjugés systémiques et des préjugés inconscients... J'en reviens toujours à cela.
    Cela permet également à des groupes comme les nôtres de travailler avec des femmes et des hommes qui occupent des postes décisionnels dans les entreprises, pour essayer de changer les mentalités et de trouver des alliés internes.
    Merci beaucoup.
    C'est à vous, monsieur Johns. Vous avez sept minutes.
    J'ai une question pour Mme Livengood.
    Vous avez dit qu'on a besoin de garderies pour aplanir les difficultés vécues par les femmes, et vous avez également parlé d'améliorer les politiques relatives aux congés parentaux.
    Êtes-vous d'accord avec la politique du congé parental « à prendre ou à laisser » pour le deuxième parent? Des témoins antérieurs, dont certains représentants de l'OCDE, recommandent cette politique pour inciter les hommes à participer.
    Je crois que le principe « à prendre ou à laisser » est une bonne chose, ne serait-ce que parce que peu de gens se prévalent de ce congé.
    Si nous faisons en sorte qu'il soit plus normal que les pères prennent congé et participent à l'éducation de leurs enfants, ce ne sera plus un risque uniquement porté par les jeunes femmes: cela concernera tous les employés. Ils prendront tous congé. Ils s'occuperont tous de leur famille. Ce sera une situation assumée par tous les employés et non pas seulement par les femmes.
    Merci.
    Madame Armour, j'habite une collectivité de la vallée d'Alberni, sur l'île de Vancouver, où le tiers des enfants vivent dans la pauvreté. En fait, nous avons un taux de grossesse parmi les adolescentes qui est de 300 % supérieur à la moyenne provinciale de la Colombie-Britannique. C'est vraiment une situation de crise.
    Vous avez dit que les femmes ont besoin de sécurité économique pour se sortir de relations conjugales marquées par la violence. Il y a beaucoup de violence conjugale dans notre collectivité. Les responsables des refuges locaux ont constaté que les femmes qui quittent un partenaire violent tombent souvent dans la pauvreté et sont parfois contraintes, de ce fait, de replonger dans une situation de violence.
    Pensez-vous qu'une politique de congé conjugal payé serait une bonne chose pour que les femmes puissent se sortir d'une relation violente en étant financièrement soutenues?
    Oui, tout à fait.
    Je pense que l'une des pires choses qui puissent arriver à une femme est de ne pas pouvoir se sortir d'une relation violente parce qu'elle n'a pas d'alternative. Donc, si elle peut compter sur un certain soutien lorsqu'elle s'en va...
    Cela se traduit également dans le soutien offert aux femmes pour leur éducation de base. On voit des gens dans la collectivité qui ont pu reprendre pied et trouver un emploi bien payé. Quel excellent modèle nous avons là, surtout si c'est une personne de la collectivité à laquelle les gens peuvent s'identifier.
    Donc, oui à une aide pour pouvoir quitter un partenaire violent, mais il faut aussi songer à donner une certaine éducation qui permettra à l'intéressée de se garantir une stabilité financière.
    Merci.
    Madame Franz-Odendaal, vous avez parlé des difficultés à assumer votre rôle de mère tout en poursuivant des activités postdoctorales. Je crains bien que ces problèmes ne soient pas limités à un seul secteur. Le budget de 2017 prévoit un allongement du congé parental, mais il répartit les prestations actuelles sur une plus longue période.
    Pensez-vous que le gouvernement fédéral devrait en faire plus pour veiller à ce que toutes les femmes aient accès à un congé de maternité assorti de prestations suffisantes?
    Oui, absolument. Je pense que c'est une mesure très importante à prendre.
    Beaucoup trop de femmes doivent retourner au travail et trouver une garderie pour leur nourrisson.
    Le manque de garderies est un autre problème énorme en Nouvelle-Écosse. Ma fille était inscrite sur une liste d'attente quand j'étais enceinte de trois mois, et je n'ai pu obtenir de place dans une garderie que lorsqu'elle a atteint l'âge de deux ans. Certains placements ont pris tout ce temps.
    C'est extraordinairement stressant de ne pas avoir la protection d'un congé de maternité.
    Merci.
    Madame Livengood, nous vivons tous les deux en Colombie-Britannique et nous savons que la situation du logement y est terrible. L'île de Vancouver subit actuellement les effets de la situation à Vancouver. Le manque de logements abordables a souvent pour conséquence que les femmes ne peuvent pas quitter les refuges quand elles seraient prêtes à le faire. Les femmes qui n'ont pas accès à des logements doivent souvent choisir entre vivre dans la pauvreté avec leurs enfants ou retourner vers un partenaire violent. Quelles sortes d'investissements suggéreriez-vous pour régler ce problème du côté des logements abordables et quel degré d'urgence y voyez-vous?
(1030)
    Comme vous l'avez dit, il y a une crise du logement en Colombie-Britannique et notamment dans le Lower Mainland. Je pense qu'il est très important d'investir dans les logements abordables. Les mesures de répression prises à l'égard des espaces vacants à louer ont été très utiles.
    Je dirais, compte tenu notamment de l'esprit dans lequel nous discutons aujourd'hui, que nous avons besoin de donner des moyens aux femmes de tout le Canada, et bien sûr de la Colombie-Britannique, d'avoir un salaire suffisamment décent pour s'offrir un logement correct, grâce à certaines des mesures dont nous avons parlé, comme la réduction des préjugés dans l'embauche et la promotion ou la possibilité de gagner le salaire dont elles ont besoin pour vivre. Je pense que la campagne pour un salaire décent, organisée ici en Colombie-Britannique, est très efficace, car elle permet de montrer que, pour une famille à deux parents et deux enfants, il faut avoir le double du salaire minimum pour pouvoir vivre dans le Lower Mainland, et on ne parle même pas de Vancouver.
    Excellent.
    La parité d'embauche pour les femmes et les Autochtones au cours de la construction de l'autoroute de l'île de Vancouver a été un grand succès: on a pu multiplier le nombre de femmes embauchées dans des projets d'infrastructure. Pensez-vous que ce modèle pourrait être appliqué ailleurs?
    Tout à fait. Je pense que les quotas peuvent être utiles, mais ils peuvent aussi être problématiques. Si vous tenez compte des types d'annonces d'emplois, des gens qui s'y intéressent et du mode d'évaluation — sélection de candidatures anonymes, élimination des identifiants susceptibles de faire l'objet de préjugés, comme le nom ou le lieu de l'établissement de formation —, dans ce cas on n'a pas nécessairement besoin de quotas. Du moment que la réserve de candidats est représentative de la culture et de la diversité du Canada, les quotas sont moins nécessaires, mais il faut parfois passer par là pour découvrir les talents disponibles.
    Merci. Votre temps de parole est écoulé.
    Monsieur Fraser, c'est à votre tour. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Madame Livengood, j'ai beaucoup de questions à poser. Si vous pouviez faire court, ce serait très utile.
    Vous avez beaucoup parlé de l'accès à différentes professions généralement dominées par les hommes. J'étais avocat avant de faire de la politique, et j'ai pu le constater directement. J'ai été involontairement le bénéficiaire direct du club des anciens, pour ainsi dire. Certains associés du cabinet d'avocats se sont reconnus en moi. Nous nous rencontrions de temps à autre; ils me confiaient un dossier, et cela m'a permis de faire mon chemin pour devenir associé. À la sortie de la faculté de droit, il y a probablement autant de femmes que d'hommes parmi les stagiaires embauchés, mais, sept ou huit ans plus tard, on retrouve au moins trois quarts d'hommes parmi les associés.
    On a un peu parlé du principe de « se conformer ou s'expliquer » pour obtenir une représentation plus équilibrée entre les hommes et les femmes aux conseils d'administration des entreprises. Y a-t-il d'autres mesures susceptibles de créer des possibilités dans le secteur privé, qu'elles soient formelles ou non, pour que les femmes se hissent aux postes de cadres moyens et de cadres supérieurs?
    Je pense que vous venez de taper dans le mille en disant que vos collègues se reconnaissaient en vous et vous ont réservé un traitement particulier: c'est ce qu'on appelle du parrainage. Telle personne va prendre du temps pour vous parrainer et vous amener au stade d'associé. Elle va investir du temps et des efforts. Tant qu'il n'y aura pas autant de femmes que d'hommes aux postes d'associés, afin que les femmes se reconnaissent dans d'autres femmes, je pense que ces dirigeants doivent se rendre compte de ce qu'on nous a répété, à savoir qu'il faut faire valoir l'importance d'une équipe diversifiée, d'un leadership diversifié et des avantages à en tirer pour l'entreprise. Je pense que les clients pourraient aussi exercer une certaine pression sur les organisations pour les inciter à améliorer la diversité de leurs effectifs. Mais il y faut la décision personnelle de valoriser cela et de faire l'effort nécessaire. La planification diversifiée de la relève est un exemple d'effort dont j'ai parlé. Si vous décidez d'instaurer la parité d'emploi, vous verrez que plus de gens seront prêts à se hisser à ces postes.
(1035)
    Avant de revenir sur la question de la planification de la relève, pensez-vous qu'il serait efficace que le gouvernement fédéral lance une sorte de campagne de sensibilisation ou d'éducation publique pour faire valoir ce principe et pour que les dirigeants d'entreprise comprennent mieux que la présence de femmes aux postes de direction est un moyen efficace de faciliter leur réussite?
    Absolument. Je pense que les grandes entreprises du Canada le savent. Je ne crois pas qu'elles devraient être la cible de ce genre de campagne, mais vous seriez surpris d'apprendre le nombre de petites et moyennes entreprises qui ont encore besoin d'en être convaincues.
    Au sujet de la planification de la relève, je crois qu'il y a une occasion en or ici. Je viens du Canada atlantique, où les personnes âgées sont surreprésentées, par habitant, que dans toutes les autres provinces. Cela veut dire que beaucoup de petites et moyennes entreprises sont dirigées par un propriétaire qui pense à sa relève ou même à prendre sa retraite, à fermer la porte et à jeter la clé. Si on arrive à inciter de jeunes femmes à devenir des entrepreneures et à reprendre ces entreprises, ce serait une belle occasion d'atteindre l'égalité des sexes dans ce domaine.
    Y a-t-il des mesures que le gouvernement fédéral pourrait prendre pour faciliter une planification de la relève axée sur l'égalité des sexes?
    Les femmes sont souvent d'extraordinaires entrepreneures, et elles sont nombreuses. Je pense que la clé d'un programme comme celui-là serait de créer des liens, de faciliter cet espace de relation, et d'offrir des stimulants pour qu'elles s'installent ailleurs avec leurs familles. Les femmes entrepreneures existent. C'est simplement qu'elles ont moins d'argent que les autres. Ce serait peut-être une bonne campagne, pour les aider à démarrer en accordant un peu de financement à une entreprise établie.
    D'accord.
    Vous avez également parlé de l'importance de la réglementation éventuelle des médias pour faciliter l'élimination des stéréotypes associés aux femmes qui réussissent dans la société canadienne, pour transformer la description discriminatoire que l'on fait souvent du succès des femmes.
    Je pense que c'est une excellente suggestion, mais j'hésite un peu à l'idée que le gouvernement dise aux médias ce qu'ils devraient ou ne devraient pas faire, parce que je crois que des médias forts et indépendants sont l'un des piliers d'une démocratie.
    Serait-il possible d'obtenir le même résultat en lançant une campagne de promotion de la culture numérique pour aider les consommateurs de médias à comprendre ce qu'ils voient et à repérer les stéréotypes?
    C'est une proposition intéressante. Mais je crois que les gens qui veulent s'initier à la culture numérique le font déjà et que ceux qui ne l'ont pas fait ont choisi de ne pas le faire. Je ne suis donc pas convaincue qu'une campagne de ce genre pourrait régler le problème.
    Il est délicat de dire que le gouvernement devrait réglementer les médias, en effet. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur la liberté et l'indépendance des médias. Je crois plutôt que nous devrions nous intéresser aux médias subventionnés par le gouvernement et veiller à ce que le financement soit aligné sur ces valeurs. Les efforts déployés pour créer des médias faisant la promotion de ces valeurs sont un bon investissement, alors que ce ne serait pas nécessairement le cas d'une réglementation de tous les médias.
    Au début de votre exposé, vous avez parlé de mesures antérieures concernant la formation des femmes. Vous avez dit quelque chose qui m'a frappé. Vous avez dit qu'il fallait changer le système, pas les femmes, et c'est une façon très intéressante de présenter les choses selon moi. Je voudrais cependant aussi souligner le fait que nous sommes à une époque où des technologies révolutionnaires transforment les secteurs d'activité, et toutes sortes de gens au Canada vont devoir mettre leurs compétences à niveau. Je suppose que votre intention n'était pas d'exclure la possibilité de former des femmes pour qu'elles puissent travailler dans les nouveaux secteurs d'activité, plutôt que d'essayer de les adapter à un moule différent.
    Pourriez-vous nous parler de l'importance du rôle du gouvernement dans la garantie que les femmes soient les bénéficiaires d'une formation qui leur permettra de travailler dans les secteurs d'activité du XXIe siècle?
    Bien sûr.
    L'idée principale était, comme vous l'avez dit, de changer le système et non pas les femmes. Nous avons bénéficié directement des activités et des ateliers du Centre WinSETT. Ce centre est magnifique. C'est le genre de choses qui doivent être faites, mais il n'y a pas que cela.
    Cela dit, la question de l'évolution de la situation économique et des technologies révolutionnaires n'est pas un problème de femmes. C'est un problème pour tout le monde, et beaucoup de gens, dans tous les domaines, seront touchés au Canada. Nous devons veiller à ce que les efforts de formation bénéficient tout autant aux femmes et aux minorités qu'aux autres, de sorte qu'il n'y ait pas de préjugés en jeu dans le programme, mais il faut aussi s'assurer qu'elles ont accès aux postes de cadres supérieurs très bien payés.
    C'était très intéressant. Merci. J'ai terminé. Bonne chance à vous.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Warawa, vous avez cinq minutes.
(1040)
    Merci.
    J'ai eu, dans ma vie, le grand honneur de travailler avec des femmes extraordinaires. J'ai été élevé par une mère forte, magnifique, intelligente, et j'ai épousé une femme formidable. Puis, dans ma carrière, j'ai travaillé pour la Insurance Corporation of British Columbia. J'ai été entrepreneur plusieurs années, mais j'ai fini par être embauché à la Insurance Corporation of British Columbia, où mon supérieur hiérarchique était une femme d'un talent incroyable, pour laquelle j'ai eu l'honneur de travailler. Dans ma vie politique, j'ai eu l'honneur d'être le secrétaire parlementaire de Rona Ambrose, ministre de l'Environnement en 2006, qui est aujourd'hui notre leader par intérim et qui prendra sa retraite dans quelques semaines. J'ai eu l'immense honneur de travailler avec des femmes intelligentes, fortes et compétentes. Je n'ai pas vraiment été témoin de discrimination envers des femmes dans ma vie, et j'ai eu l'honneur de travailler pour des femmes de talent.
    J'aimerais qu'on parle des femmes qui décident d'abandonner leur carrière pour élever leurs enfants et qui, les ayant élevés et ayant réalisé cette partie de leur vie, veulent revenir à leur carrière. Comment aider ces femmes à se recycler et à actualiser leurs connaissances? Elles sont nombreuses, et j'ai eu l'honneur de pouvoir en employer quelques-unes dans le cadre de mon rôle de député. Elles ne se croyaient peut-être pas capables de reprendre leur carrière, mais elles sont de retour, parce qu'elles y ont été encouragées. Les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Elles sont pleines de talent. Comment aider les femmes qui désirent reprendre la carrière de leur choix? Quels sont les obstacles auxquels elles se heurtent et comment peut-on les aider?
    À qui s'adresse la question?
    À qui voudra bien répondre.
    Je vais commencer, très rapidement, en parlant du milieu universitaire. Si on reste un an ou deux sans produire, il devient très difficile d'obtenir une subvention de recherche pour produire de nouveau. Mais je pense que, dans le milieu universitaire, les difficultés sont un peu différentes. Il y avait un programme auparavant, un programme de bourses universitaires qui visait à aider les femmes à obtenir leur première nomination. Un programme comme celui-là, donc, qui aide les femmes qui ont élevé leurs enfants et veulent relancer leur carrière dans la recherche, serait important.
    Je voulais dire également que je sais que vous avez entendu des témoins de Women Unlimited la semaine dernière. Cet organisme offre un programme très efficace qui aide les femmes à s'instruire, puis à s'inscrire dans un collège communautaire et à faire un métier spécialisé. Je pense que nous pouvons apprendre énormément d'un programme qui s'est révélé très efficace en Nouvelle-Écosse.
    Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait prendre la parole?
    Oui, je crois. Je pense que les choses changent un peu, au sens où les établissements d'enseignement sont désormais habitués à accueillir des étudiants d'âge plus mûr, parce qu'il est fréquent que des femmes reviennent faire une maîtrise, par exemple, pour rattraper l'évolution technologique qui s'est produite pendant qu'elles élevaient leurs enfants.
    Je pense que c'est formidable que les femmes aient ce choix. J'aimerais bien que des hommes tirent parti de ce choix également et qu'ils se disent qu'ils vont prendre quelques années pour s'occuper de leurs enfants et permettre à leur femme de travailler. Nous n'en sommes pas encore là, mais cela viendra.
    Il faut dire aussi que, dans les universités, nous commençons à reconnaître que nous avons un lien avec notre collectivité et un engagement à son égard. Nous avons un service chargé d'offrir de la formation aux personnes qui veulent revenir aux études et obtenir un diplôme ou un certificat. Cela leur permet d'actualiser leur éducation, de découvrir ce qui s'est passé pendant qu'ils étaient hors du système éducatif et de se préparer à un nouvel emploi. J'aimerais que ces possibilités s'élargissent.
    Je pense qu'il est très important que tous les témoins que vous avez entendus ce matin et la semaine dernière fassent entendre leur voix sur des questions comme celle-ci, pour que nous fassions clairement comprendre que c'est quelque chose que les établissements d'enseignement postsecondaires doivent mettre à la disposition de la collectivité, et pas seulement des femmes, mais bien des hommes et des femmes qui souhaitent reprendre leurs activités, se recycler ou commencer une nouvelle carrière.
(1045)
    Merci beaucoup. Nous avons terminé. Merci à tous les témoins d'être venus nous voir aujourd'hui.
    La séance est levée.
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