:
Je déclare la séance ouverte.
Je m'excuse à l'avance auprès des témoins. Nous allons débuter avec un peu plus de retard, parce que nous devons nous occuper de travaux du Comité au début de la réunion plutôt qu'à la fin.
Je demanderais au greffier de distribuer le rapport du sous-comité aux membres du Comité, puis nous en discuterons.
Je vais le lire:
Votre Sous-comité s'est réuni le mardi 27 mars 2018 pour discuter les travaux du Comité et a convenu de faire les recommandations suivantes:
1. Que, en ce qui concerne l'examen prévu par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, le Comité consacre des réunions additionnelles en conformité aux listes de témoins restantes soumises le vendredi 16 février 2018; que, advenant l'annulation du voyage du Comité à Toronto (Ontario), Londres (Royaume-Uni), Washington (D.C.) et New York (New York), États-Unis d'Amérique, au printemps 2018, des efforts soient faits pour inviter ces témoins à comparaître par vidéoconférence.
Je crois que c'est clair pour tout le monde, compte tenu des difficultés que nous avons actuellement à la Chambre relativement aux voyages. Si le voyage du Comité est annulé pour cette raison ou qu'il n'est pas autorisé demain, nous devrons alors essayer d'inviter des gens à témoigner par vidéoconférence.
2. Que, nonobstant la motion de régie interne adoptée par le Comité le mercredi 3 février 2016, concernant la distribution des documents, ainsi que la pratique usuelle des comités en ce qui a trait à l'accès des documents électroniques, Pierre-Luc Dusseault et Pat Kelly soient ajoutés à la liste de distribution du Comité et que l'accès au Site des cartables numériques du Comité leur soit accordé jusqu'à la fin de la session parlementaire en cours.
3. Que le Comité retienne les services d'interprétation pour...
Je ne lirai pas de nouveau les endroits que nous visiterons concernant la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
4. Que l'Agence de la consommation en matière financière du Canada soit invitée à comparaître pour discuter de son examen des pratiques de vente des banques avant que le Comité ne débute son étude d'une loi de mise en œuvre du budget.
La motion est proposée par Mme O'Connell et appuyée par M. Dusseault.
Y a-t-il des discussions au sujet du rapport du sous-comité?
(La motion est adoptée.)
Le président: Avez-vous une motion, madame O'Connell?
L'Association des banquiers canadiens remercie les membres du Comité pour cette invitation à participer à l'examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Au nom de nos banques membres, nous sommes reconnaissants d'avoir la possibilité d'offrir nos commentaires au sujet de cet important texte de loi.
Dès le début, le secteur financier a assumé avec sérieux ses responsabilités à cet égard, collaborant étroitement avec le ministère des Finances, les forces de l'ordre, les organismes de réglementation prudentielle et le CANAFE sur l'élaboration et la mise en oeuvre du régime de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Les banques du Canada sont donc entièrement engagées dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Le rôle central qu'elles jouent au sein de ce régime leur donne l'expérience et les connaissances nécessaires pour cibler les zones où ce régime peut être amélioré afin de mener une lutte plus efficace et plus productive contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Aujourd'hui, je vais vous parler de nos recommandations sur les trois thèmes suivants: le renforcement du régime, le partage des renseignements en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, et l'identification des clients dans l'économie numérique.
S'agissant du renforcement du régime canadien de LRPC-FAT, nous constatons que de nouvelles mesures législatives et réglementaires, ainsi que des bulletins d'interprétation, s'ajoutent constamment au régime de LRPC-FAT en vue de suivre la cadence des changements dans le paysage des services financiers. Bien que nous appuyons entièrement les efforts soutenus pour le renforcer, nous constatons que ce régime devient de plus en plus complexe, avec un niveau élevé de coûts associés à la réglementation, aux ressources et à l'exploitation qui ne cessent d'augmenter.
Le secteur bancaire est donc un solide défenseur du recours à une solution axée sur le risque dans le régime. Les entités déclarantes doivent être encouragées à se concentrer sur la typologie du risque et sur les clients qui démontrent un risque d'exercer des activités de RPC-FAT. En visant les opérations et les habitudes à risque élevé, les banques seraient en mesure d'affecter adéquatement les ressources pour obtenir de meilleurs résultats.
L'ABC recommande également que le régime soit bonifié par l'accroissement de la collaboration, de la communication et du partage de renseignements entre les gouvernements, les forces de l'ordre et les institutions financières. Elle recommande, premièrement, le recours à une approche plus harmonisée et consultative dans l'établissement des mesures législatives et des lignes directrices; deuxièmement, la collaboration dans le développement de typologies et dans l'identification des habitudes d'opérations à risque élevé; troisièmement, le partage de renseignements sur les entités ou individus faisant l'objet d'une enquête; et quatrièmement, l'autorisation accordée au CANAFE de demander des renseignements additionnels lorsqu'il aura accumulé assez de preuves valables au sujet de potentielles activités de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes.
Nous croyons que globalement, ces changements contribueraient au renforcement du régime. De plus, en vue de vérifier le fonctionnement efficace du régime, nous appuyons la collecte et la publication de données propres aux enquêtes, aux poursuites et aux condamnations.
Le prochain thème que j'aimerais aborder est le partage de renseignements en vertu de la LPRPDE. Nous sommes d'avis que la capacité des banques de contribuer à la protection contre le crime financier augmentera si la LPRPDE est modifiée afin de permettre aux institutions financières de partager entre elles les renseignements permettant de détecter et de prévenir des activités criminelles graves autres que la fraude. Actuellement, la LPRPDE permet le partage de l'information entre organisations uniquement si cette communication est raisonnable en vue de la détection d'une fraude ou de sa suppression ou en vue de la prévention d'une fraude.
Cette disposition est un obstacle pour le secteur financier, l'empêchant de limiter efficacement l'accès aux services pour un client qui présente un potentiel de risque élevé de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. Par exemple, si une institution financière croit que l'un de ses clients serait impliqué dans de telles activités et, par conséquent, met fin à sa relation avec le client, il n'y a pratiquement rien qui empêche ledit client d'obtenir exactement les mêmes services auprès d'une autre institution financière.
Nous appuyons fermement les recommandations du comité de l'éthique voulant que la LPRPDE soit modifiée pour inclure des cas autres que la fraude où les institutions financières pourront partager des renseignements, y compris sur des situations de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes afin de renforcer le régime dans son ensemble. Nous sommes conscients, parallèlement, que toute mesure prise afin d'augmenter le partage des renseignements doit être contrebalancée par la protection de la vie privée.
Mon dernier thème porte sur l'identification des clients dans l'économie numérique. Il importe que la réglementation en matière de LRPC-FAT demeure flexible et adaptable dans un environnement à évolution accélérée où les technologies émergentes sont vite adoptées. Pour répondre aux besoins des consommateurs dans un environnement où les opérations se font à distance, les banques ont besoin d'exploiter les solutions offertes dans un monde numérisé en perpétuel changement, notamment les outils d'identification novateurs et sécuritaires. On a encore recours à la vérification physique des documents. Nous sommes d'avis que la loi doit permettre également l'usage de technologies avancées pour effectuer une vérification de l'identité à distance.
Cela peut se faire à l'aide de divers mécanismes comme le balayage en ligne, l'extraction de données, l'authentification de documents, la connexion vidéo en direct, la chaîne de blocs, la biométrie et d'autres méthodes qui seraient disponibles dans un proche avenir. Nombre de ces méthodes sont susceptibles de donner un niveau de sécurité et de précision plus élevé que celui de la vérification des documents en succursale.
Pour conclure, nous désirons souligner de nouveau le soutien solide du secteur bancaire au régime de LRPC-FAT. Nous sommes heureux d'avoir une occasion de collaborer avec le gouvernement et les parlementaires pour veiller à ce que le système soit efficace et productif.
Merci encore de donner à l'ABC l'occasion de communiquer son point de vue.
:
Je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de l'examen en 2018 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Je vais aborder la question du point de vue de nos plus de 260 membres que l'on décrit souvent comme les petites entreprises du secteur financier canadien. Nos préoccupations, comme vous sera à même de le constater dans mes observations, découlent vraiment de ce point de vue.
[Français]
Je tiens d'abord à mentionner que le système des coopératives financières est heureux de constater que le gouvernement cherche un équilibre entre la conformité aux règles et les coûts que cela occasionne. Les caisses savent qu'elles ont un rôle à jouer dans la lutte contre ces activités criminelles. Elles appréhendent toutefois un élargissement de ce cadre, qui l'étendrait à des secteurs dans lesquels les petits organismes, comme les caisses, ne disposent ni des ressources ni, dans certains cas, du savoir-faire nécessaires.
Nous reconnaissons également qu'il est de la responsabilité des institutions financières de savoir avec qui elles font affaire. Ce principe est à la base de notre modèle d'affaires. Cela dit, nos membres disent que la diligence raisonnable concernant le blanchiment d'argent, la collecte d'informations et les exigences en matière de documentation leur coûtent cher et les empêchent de se concentrer sur leur mission essentielle, qui consiste à servir leurs membres.
[Traduction]
Tout cela a son importance, car nos recherches, et les recherches internationales ont révélé, à maintes reprises, que la conformité à la réglementation, en particulier dans le cas des obligations relatives au blanchiment d'argent et au financement des activités terroristes, impose un fardeau lourd et disproportionné aux coopératives financières, aux petites institutions financières, et aux petites coopératives financières en particulier. En fait, je pense que cela crée un obstacle à l'entrée ou à une saine concurrence dans le secteur bancaire. C'est un grave problème pour nous.
Il semble que l'élargissement du cadre qui est proposé pour englober de nouveaux secteurs aura pour effet d'étendre ce fardeau à plus d'entités. Je sais qu'on peut difficilement aller à l'encontre de la logique voulant qu'on mette en place une réglementation fonctionnelle, mais j'ai peine à croire que le fait de recueillir plus de renseignements donnera nécessairement de meilleurs résultats. Ce n'est pas ce que nous avons pu observer jusqu'à maintenant.
Il est vrai que certains changements proposés cherchent à rendre le cadre plus efficace et souple. Ce qui nous inquiète toutefois, c'est que certains changements ne sont que des ajustements à un système qui, honnêtement, est souvent lourd et pas toujours efficace ou productif.
Nous aimerions proposer une autre approche. Nous aimerions proposer un modèle qui repose sur un processus de diligence raisonnable plus simple qui serait utilisé pour les clients ou les services qui sont à faible risque d'être concernés par le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes. Cette approche est déjà utilisée dans d'autres pays. Nous croyons que le fait de suivre leur exemple aboutirait aux mêmes résultats, soit réduire ou à tout le moins limiter l'augmentation du fardeau administratif imposé par le cadre. Nous croyons de plus qu'on atteindrait ce résultat sans pour autant réduire la valeur ou la qualité des renseignements recueillis.
Ce modèle permettrait également de mettre à contribution de nouvelles technologies pour atteindre l'objectif de recueillir des renseignements utiles, tout en réduisant le coût qui y est associé. À titre d'exemple — je pense que cela a déjà fait l'objet de débats publics —, le secteur public pourrait envisager de créer des centres d'échange d'information pour l'ensemble de l'industrie. Ces centres pourraient recueillir des renseignements sur la propriété effective, à partir des déclarations de revenus annuels, qui pourraient être liés à un identificateur unique assigné à chaque déclarant. En limitant les obligations des entités déclarantes à l'obtention de ce numéro unique de leurs clients, on pourrait réduire de beaucoup le fardeau administratif de la conformité. Ainsi, les entités déclarantes n'auraient plus à recueillir l'information auprès de chaque détenteur de compte, une redondance d'efforts inefficace.
Pour le client, cela voudrait dire moins de temps consacré à répéter les mêmes renseignements, en particulier pour ceux qui ont des comptes dans plusieurs entités déclarantes. Pour le secteur public, cette approche pourrait accroître la confiance que les renseignements sont sûrs, cohérents, vérifiés et précis. Comme la détection des activités de blanchiment d'argent repose souvent sur l'observation du mouvement des fonds entre les parties, les décideurs pourraient aussi vouloir intégrer cette approche dans certains changements qui sont proposés pour la modernisation des paiements.
[Français]
En gros, nous croyons que l'approche que nous proposons laisserait plus de temps aux caisses et aux autres entités déclarantes pour se concentrer sur ce qui compte vraiment, à savoir l'explication du contexte entourant les transactions, plutôt que sur la consignation d'informations usuelles et factuelles.
Les mesures que nous proposons ne sont pas des mesures simples à mettre en place. Nous l'avouons. Or, si notre objectif est bel et bien de trouver un équilibre entre les coûts et les résultats, nous encourageons les responsables des politiques à bien considérer ces propositions.
[Traduction]
En guise de conclusion, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier le Comité de soutenir les coopératives financières dans leurs efforts pour obtenir le droit d'utiliser les termes généraux des services bancaires. Hier, comme vous le savez, le gouvernement fédéral a déposé les changements proposés dans le cadre de la loi d'exécution du budget qui sont pour nous d'importants progrès dans ce dossier. Le Comité mérite des félicitations pour son soutien.
Je serai heureux de répondre à vos questions sur le sujet du jour et aussi de comparaître pour l'examen du projet de loi .
Merci beaucoup.
:
Merci, monsieur le président.
Comme vous l'avez mentionné, je suis Ethan Kohn. Je suis conseiller juridique à l'ACCAP. Ma collègue Jane Birnie de la Financière Manuvie m'accompagne aujourd'hui. Elle est vice-présidente adjointe, Conformité.
Nous prononcerons d'abord une déclaration liminaire, après quoi nous serons heureux de répondre à vos questions.
L'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes est une association à adhésion libre dont les membres détiennent 99 % des affaires d'assurances vie et maladie en vigueur au Canada. L'industrie des assurances vie et maladie contribue grandement à l'économie et à la société canadiennes. Elle fournit une protection à plus de 28 millions de Canadiens et verse annuellement aux résidents du Canada 88 milliards de dollars de prestations. En outre, notre industrie investit plus de 810 milliards de dollars dans l'économie du pays. Au total, 99 assureurs de personnes sont autorisés à exercer leurs activités au Canada. Trois sociétés canadiennes figurent parmi les 15 plus grands assureurs vie au monde.
[Français]
L'industrie est fière de faire sa part dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Lorsque les fonds provenant d'une activité illégale sont introduits, dispersés et intégrés dans le système financier, la confiance du public en souffre. Les sociétés dont les contrôles sont faibles risquent de se voir imposer de lourdes sanctions administratives, et leur réputation pourrait être sérieusement entachée.
[Traduction]
Un certain nombre des témoins entendus par le Comité, dont le CANAFE, ont mentionné qu'en matière de conformité et d'application, une approche fondée sur le risque est l'un des objectifs du régime canadien de lutte contre le blanchiment d'argent. Comme ni les entités déclarantes ni les organismes gouvernementaux ne disposent de ressources illimitées, il importe que les efforts se concentrent sur les éléments les plus à risque. À cet égard, je tiens à souligner que l'industrie des assurances présente un risque relativement bas. Les produits que nous offrons sont à long terme, et pour la grande majorité d'entre eux, la provenance des fonds est claire; pour cette raison, notre secteur ne risque guère d'être exploité par des mauvais joueurs. Pour illustrer mon propos, en 2016, plus des trois quarts des primes encaissées se rapportaient à des produits à faible risque du point de vue du blanchiment d'argent et du financement d'activités terroristes, soit l'assurance-vie temporaire, l'assurance-vie collective, les rentes agréées, l'assurance-invalidité et les régimes d'assurance-maladie non assurés.
[Français]
Je souligne également que l'industrie des assurances de personnes est unique parmi tous les secteurs d'entités déclarantes, puisque non seulement les assureurs sont assujettis à la Loi, mais les conseillers en assurance-vie qui forment le principal réseau de distribution le sont eux aussi.
Chaque conseiller doit avoir en place des mesures de contrôle semblables à celles qu'on exige des assureurs.
[Traduction]
C'est donc que notre industrie est doublement protégée.
J'aimerais maintenant passer à la question qui nous occupe, à savoir l'étude par le Comité du régime de LRPC-FAT dans le cadre de son examen quinquennal. Selon des témoignages entendus plus tôt, le GAFI estime que le régime canadien est généralement efficace pour ce qui est de contenir les risques de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme, que les institutions financières canadiennes comprennent bien leurs risques et leurs obligations et que les mesures qu'elles appliquent pour atténuer les risques sont dans l'ensemble adéquates. Nous sommes d'accord avec cela, mais il y a place à l'amélioration.
Sur ce, je vais maintenant céder la parole à Mme Birnie.
:
Les décideurs politiques ont fait d'importants progrès pour ce qui est de cerner et d'améliorer les aspects du système qui sont réellement problématiques pour les assureurs. Par exemple, l'exigence que les institutions vérifient l'identité des bénéficiaires effectifs des personnes morales. Comme vous le savez, le gouvernement travaille avec les provinces pour concevoir un système en vertu duquel les personnes morales déclareraient leurs actionnaires à participation majoritaire. Nous comprenons que des renseignements sensibles pourraient se retrouver dans le registre, et qu'un accès public illimité pourrait ne pas être approprié. Mais un accès restreint par des institutions financières autorisées éviterait aux institutions d'avoir chacune à refaire les démarches pour connaître la propriété effective. Cela contribuerait à une meilleure expérience pour le client lorsqu'il demande l'un de nos produits, puisqu'il y aurait moins de questions à poser et moins de pièces justificatives à obtenir. Il y aurait le double avantage de renforcer le droit à la protection de la vie privée et d'alléger le fardeau réglementaire de toutes les entités juridiques au pays.
Nous sommes en outre reconnaissants des améliorations récentes touchant l'identification de clients. L'année dernière, le gouvernement a répondu à notre industrie et accordé une plus grande souplesse quant aux documents qui constituent un moyen d'identification adéquat. À l'avenir, nous soutiendrons d'autres efforts visant à développer les méthodes d'identification, telle l'identification numérique.
Ces deux dernières années, des modifications ont aussi été apportées pour habiliter le CANAFE à échanger des données avec un plus grand nombre de partenaires fédéraux et provinciaux, comme les organismes de réglementation du marché des valeurs mobilières et les agences de renseignement nationales. Une latitude élargie permettant au CANAFE de communiquer des données aux entités déclarantes bénéficierait à l'industrie comme aux Canadiens.
Dans chacun de ces domaines, nous constatons des signes réels de progrès, et nous encourageons le ministère des Finances, le CANAFE et le BSIF à poursuivre leurs efforts pour repérer et améliorer d'autres aspects du régime qui bénéficieraient d'une rationalisation, à l'appui de l'objectif premier de la loi: réduire au minimum l'exploitation abusive du système financier du Canada par les blanchisseurs d'argent et les terroristes.
Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui, et c'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
:
Bonjour. Je vous remercie de cette aimable invitation.
Tel que vous l'avez indiqué, je suis professeur associé à la Faculté de droit de l'Université Laval, un terme délicat pour désigner un professeur à la retraite qui apporte encore une certaine contribution au milieu universitaire.
Je ne suis pas un expert de l'application de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Je ne m'occupe que de fiscalité; mes propos se limiteront donc aujourd'hui à la fiscalité, dans un contexte de transactions internationales. Je ne prétends pas avoir les solutions, mais je désire néanmoins émettre des hypothèses qui pourront ou non se vérifier.
Laurent Laplante, un journaliste et essayiste pour qui j'avais beaucoup d'admiration, m'a déjà dit, il y a une vingtaine d'années, qu'on ne pouvait contrôler ce qu'on ne voyait pas. C'est le cas en ce qui concerne le milieu du crime dont on traite aujourd'hui. Si l'on applique cela à la fiscalité, on comprend que le crime puise sa force dans l'opacité. Lorsque des informations essentielles à la compréhension d'une opération commerciale demeurent secrètes et ne sont pas divulguées aux autorités, qui devraient pourtant y avoir accès afin d'effectuer les vérifications et les calculs qui s'imposent, cela signifie que nos outils de repérage ne sont pas adéquats.
En bref, voici les faiblesses de notre fiscalité que j'ai identifiées, certaines fiscales et d'autres plus commerciales, et qui peuvent devenir des atouts pour les fraudeurs. Je les expliquerai davantage plus loin, ou en répondant à des questions.
Il y a, premièrement, le caractère très attrayant de notre législation fiscale, particulièrement sur le plan international, qui permet d'agir comme écran et de camoufler le caractère illicite des transactions par l'entremise du surplus exonéré. J'en parlerai plus tard.
Deuxièmement, il y a les peines trop clémentes pour les fraudeurs, pour les criminels de la fiscalité. Bien sûr, ce sont des gens qui, pour la plupart, ont des conseillers, des guides, qui sont des experts de la fiscalité et qui n'agissent pas seuls. Récemment, un homme d'affaires, à Québec, me disait qu'il avait été lui-même sollicité à plusieurs reprises par des cabinets comptables pour effectuer de grandes transactions à l'échelle internationale, particulièrement en utilisant les paradis fiscaux. On lui a aussi dit à plusieurs reprises que c'était risqué, mais que cela devrait réussir. Il a choisi de refuser les offres qui lui avaient été présentées.
Il y a un troisième élément, et il pourrait être discuté. Ce sont les actions au porteur, qui sont utilisées dans l'évasion fiscale et qui sont si souvent dénoncées. Malheureusement, le Barreau canadien a fait exception à la règle et ne les a pas dénoncées. Indiquant que cela nuirait aux planifications fiscales, il a demandé le statu quo.
Le Programme des divulgations volontaires est le quatrième élément. Malgré les modifications toutes récentes apportées au Programme, celui-ci doit être revu dans son entièreté et mis au rancart pour la plus grande partie, tel que le font actuellement les États-Unis qui viennent d'annoncer la mise au rancart du Offshore Voluntary Disclosure Program. Ce programme sera aboli dans quelques mois.
L'arrêt Jordan est le cinquième élément, et il est de plus en plus soulevé en matière fiscale. Dans une décision toute récente concernant une évasion fiscale de 31 millions de dollars liée à la contrebande de tabac, un juge de la Cour du Québec a rejeté les accusations, le 26 février 2018, sur la base de l'arrêt Jordan.
Un sixième élément a trait aux modifications qui devraient être apportées à l'alinéa 55(3)b) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, afin de donner davantage de pouvoir au Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, pour qu'il divulgue des informations à l'Agence du Revenu du Canada. Cet alinéa 55(3)b) est mal rédigé, en anglais comme en français, mais je vous dirais que c'est encore pire en version française.
Il y a un élément sur lequel je reviendrai très rapidement, et c'est la capacité des sociétés étrangères de verser, aux sociétés mères canadiennes par l'entremise du surplus exonéré, les dividendes en franchise d'impôts au Canada.
Mon explication est la suivante: rien n'empêchera une société extraterritoriale située dans un paradis fiscal, où il existe peu de contrôles, et affiliée à une société canadienne, de faire de la contrebande d'armes ou de la vente de drogues illicites et d'inscrire les revenus générés dans le surplus exonéré de cette société, puisqu'il n'existe pas de contrôle dans ce pays étranger. Ainsi, bien souvent, on n'y verra que du feu quand ces sommes seront rapatriées sous le couvert de dividendes pouvant être payés à la société mère canadienne, parce que le formulaire T1134 exige très peu d'information de la part du bénéficiaire de dividendes.
Comme me le disait récemment une collègue de l'Agence du revenu du Canada, c'est évidemment encore pire quand la société mère n'est pas assujettie à une vérification. Tout passera comme du beurre dans la poêle, puisque le montant reçu par la société mère canadienne sera déposé par elle-même dans son compte bancaire, et non pas une entité non résidente. L'entité résidente pourra déposer des sommes provenant de l'extérieur. Cela représente un problème important. Comme quelqu'un me le disait, une nouvelle génération de fraudeurs pourrait profiter de cette situation.
Pourquoi alors ne pas demander à l'entité étrangère qui verse des dividendes à la société mère canadienne de demander une certification à un expert du domaine, pour certifier que les revenus gagnés proviennent bien d'opérations légitimes, tout cela assorti, bien entendu, de pénalités de privation de liberté pour l'expert qui apposerait sa signature sur ce qui constituerait une fraude?
Le Canada a conclu 23 accords d'échange de renseignements et plus de 90 conventions fiscales, lesquelles ont parfois été conclues avec des pays qui, ma foi, pratiquent allègrement la fraude.
Le 26 mars, il y a deux jours à peine, paraissait dans le Tax Notes International un texte de Jeremy Cape.
[Traduction]
Il est associé au cabinet Squire Patton Boggs, à Londres, et se spécialise en politiques fiscales et publiques.
[Français]
M. Cape disait ceci à propos du Nigeria:
[Traduction]
Si j'étais un Nigérian habitant au Nigeria, je ne suis pas certain que je me conformerais totalement aux politiques fiscales. En fait, il est fort probable que je serais au nombre des fraudeurs.
[Français]
Effectivement, il y a beaucoup d'opérations de fraude fiscale au Nigeria. Or le Canada a une convention fiscale avec ce pays.
Il y a aussi d'autres aspects. Je pourrais parler du Panama, avec qui le Canada a conclu un accord d'échange de renseignements. L'article 6 de cet accord devrait prévoir un mécanisme de contrôle étranger pour qu'on puisse aller voir ce qui se passe à l'étranger, mais ce n'est pas le cas. Cet article 6 figure dans les 22 autres accords d'échange de renseignements, de sorte que le Canada peut aller voir dans ces pays ce qui se passe, mais il n'y a pas un tel article 6 dans l'accord avec le Panama.
Pas plus tard qu'hier, l'Agence du revenu du Canada me disait de ne pas m'en faire, étant donné que le Canada a signé la Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Effectivement, dans cette convention, l'article 9 prévoit que les pays peuvent aller investiguer dans un autre pays. Cependant, cet article 9 a été mis en réserve par le Panama. Étant donné qu'il n'adhère pas à cet article de la Convention, le Panama pourra refuser que des pays étrangers mènent des enquêtes sur son territoire.
:
Merci, monsieur le président. Merci également à tous les témoins pour tout le travail que vous faites et d'avoir accepté de nous apporter votre expertise afin de nous aider dans le cadre de cet examen.
J'aimerais parler du CANAFE en général. Plusieurs coopératives financières me disent qu'elles doivent dépenser de plus en plus d'argent pour respecter les règles fédérales. Il y a de nombreux points de contact, dont le CANAFE.
N'importe lequel d'entre vous pourra me répondre. Le CANAFE recueille beaucoup de données sur beaucoup de transactions. Sur le plan législatif, pour le moment, il ne peut utiliser ces données que sur une base individuelle s'il est question de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. Il travaille alors avec les autorités concernées. Le CANAFE ne peut pas partager l'information, car il ne veut pas compromettre la confidentialité des renseignements personnels. Néanmoins, nous savons que dans certains établissements sous compétence provinciale, comme les sociétés d'investissement hypothécaire, beaucoup de ventes faites en argent comptant passent sous le nez de la SCHL et du BSIF.
Dans le cadre d'une sorte de renouvellement du CANAFE, par l'entremise de cet examen, je propose d'examiner la possibilité de permettre au CANAFE de rassembler toutes les activités déjà très coûteuses pour les coopératives financières et agents de déclaration, de façon à ce qu'aucune information personnelle ou privée ne soit compromise, permettant ainsi aux décideurs politiques de mieux comprendre les marchés. Par exemple, les professionnels de l'immobilier me disent que le CANAFE est très lent. Encore une fois, je n'ai pas vu moi-même les documents, donc je ne peux pas confirmer cette information, mais je vous parie que, s'ils avaient un peu plus d'information sur les ventes faites en argent comptant dans leur région ou quelles provinces constituent des points chauds problématiques en matière d'immobilier, cette information leur serait probablement très utile. Selon vous, la publication de cette information serait-elle la bienvenue?