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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 077 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 novembre 2017

[Enregistrement électronique]

(1600)

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la réunion 77 du Comité permanent de la santé dans le cadre de notre étude sur la résistance aux antimicrobiens.
    J'aimerais parler de certaines petites choses.
    Je comprends que notre système de son ne fonctionne pas encore pour notre téléconférence, mais j'espère que cela sera rétabli sous peu.
    Je vais partir un peu plus tôt, et la vice-présidente prendra la relève.
    À la toute fin, nous examinerons la lettre que nous avons rédigée au sujet du projet de loi C-45 pour voir si tout le monde l'approuve.
    Je vais présenter nos invités, puis nous commencerons la discussion.
    Il y a avec nous le Dr Neil Rau du Halton Healthcare. Il est spécialiste en maladies infectieuses et microbiologiste médical. Bienvenue.
    Il y a Sandi Kossey, directrice principale de la Planification stratégique et des priorités, à l'Institut canadien sur la sécurité des patients. Bienvenue.
    Également de l'Institut canadien sur la sécurité des patients, nous accueillons Kim Neudorf, championne des patients dans le cadre de Patients pour la sécurité des patients du Canada. Je crois comprendre que vous allez tous les deux partager la déclaration préliminaire.
    Nous entendrons par téléconférence Mme Yvonne Shevchuk, à titre personnel, qui est vice-doyenne à l'enseignement et professeur au College of Pharmacy and Nutrition de l'Université de la Saskatchewan.
    Nous allons commencer par une déclaration liminaire de 10 minutes avec le Dr Rau.
    Docteur Rau, pourriez-vous faire le point?
    Je vais commencer par dire que j'ai lu les résumés des nombreux exposés et je pense que nous devons remettre les choses en contexte dans le cadre de la discussion. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas un problème, mais je pense qu'il faut tenir compte de nombreuses interventions. Il n'y a pas qu'une seule façon d'intervenir.
    Je pense qu'il ne faut pas non plus perdre de vue la portée du problème. On a fait des comparaisons avec la crise des opioïdes. Je ne pense pas qu'elles sont tout à fait justes. Dans un monde idéal, nous espérons qu'il n'y ait aucun décès lié à des surdoses d'opioïdes. En ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens, nous allons malheureusement continuer de voir des gens en mourir. Les décès ne sont pas tous évitables. L'idée d'en arriver à n'utiliser aucun antibiotique est aussi une utopie, nous n'y arriverons pas. Les antibiotiques peuvent également sauver des vies.
    Permettez-moi d'abord de parler de ce qu'on appelle le triangle épidémiologique, que beaucoup de gens oublient, je crois.
    Il y a une interaction entre l'état de l'hôte — sa santé, son âge et toute affection sous-jacente dont il souffre —, l'agent, ou la bactérie, et l'environnement.
    Lorsque je parle d'environnement, je veux dire que, par exemple, si une personne ayant une trachéostomie est branchée à un appareil respiratoire pour une longue période dans une unité de soins intensifs et qu'elle est branchée depuis un mois, elle court un risque beaucoup plus important qu'une marathonienne qui tombe et se coupe le bras.
    Voici une histoire de superbactérie qui concerne une personne atteinte de fibrose kystique. Il s'agit d'une patiente âgée de 19 ans que j'ai rencontrée il y a deux semaines. Elle va souvent à l'hôpital, elle prend des séries d'antibiotiques à répétition et elle est sur le point de subir une transplantation pulmonaire. Elle a contracté une infection pratiquement incurable. Si elle finit par mourir d'une infection, son décès sera-t-il attribuable à la fibrose kystique ou à l'infection? C'est une question existentielle.
    Je vais vous parler du Pseudomonas aeruginosa. Cette bactérie est quelque peu opportuniste. Elle cause de graves maladies chez des gens qui souffrent d'une affection sous-jacente. Autrement, elle ne cause pas d'infection chez les gens en santé. Il y a toujours cette interaction entre les trois éléments, et il ne faut pas oublier que ce n'est pas seulement la bactérie, sa supériorité et son intelligence qui gagnent; il s'agit d'une population vieillissante.
    Le Dr Morris a dit qu'il ne voyait pas d'infections résistantes aux médicaments il y a 20 ans. Par contre, l'espérance de vie moyenne a augmenté au cours des 20 dernières années. Il y a plus de transplantations qu'il n'y en a jamais eu, et nous arrivons à mettre en place de nouvelles valvules cardiaques et à faire des greffes comme jamais auparavant, alors nous voyons bien sûr plus de cas d'infections. Auparavant, les gens succombaient aux autres maladies qui pouvaient les tuer; maintenant, malheureusement, les infections peuvent entraîner le décès de certaines personnes. Manifestement, nous tentons de réduire cela au minimum, mais il y a en quelque sorte une crise du fait que certaines personnes atteignent un point où il ne reste aucune option en ce qui concerne les antibiotiques. Nous devons en avoir davantage. Je ne minimise pas complètement le problème, mais j'essaie de mettre un peu les choses en perspective: l'espérance de vie continue d'augmenter.
    Laissez-moi vous montrer un exemple de septicémie à Streptococcus pneumoniae. Cet exemple montre ce qui s'est produit en ce qui concerne le nombre de décès avant et après l'arrivée des antibiotiques. Ces renseignements proviennent de l'étude menée par Robert Austrian, en 1963, sur la situation avant et après la découverte de la pénicilline. Si vous regardez les courbes, on peut voir qu'elles se chevauchent durant les deux premiers jours. Il n'y a aucune différence entre le fait de prendre des antibiotiques ou non. Nous l'oublions souvent. Les choses s'améliorent à partir du deuxième jour. C'est à ce moment-là que les antibiotiques ont une influence positive, mais certaines personnes vont tout de même succomber à une maladie, qu'ils prennent des antibiotiques ou non.
    Passons à la liste d'agents pathogènes prioritaires de l'Organisation mondiale de la santé, qui font craindre, selon certains, une crise imminente ou un « tsunami au ralenti », pour citer la Dre Margaret Chan.
    La tuberculose est un immense problème, particulièrement dans les pays en développement. Encore une fois, je parle du triangle épidémiologique. Il y a tout un aspect qui concerne l'environnement: les gens vivent dans des conditions de promiscuité, la propagation est donc plus importante; les gens n'ont pas accès à des soins; ils ne bénéficient pas de séries de traitements de première intention appropriés, ils développent donc une résistance parce qu'ils sont traités de manière inadéquate. C'est un facteur environnemental qui entraîne la résistance. Est-ce un problème? Bien sûr. Il doit y avoir de nouveaux médicaments pour traiter la tuberculose. Il y en a quelques-uns en vue, mais il s'agit d'une maladie négligée.
    Permettez-moi de parler du taux de décès avant les traitements contre la tuberculose. Voici un autre exemple qui montre dans quelle mesure les antibiotiques jouent un rôle. La première partie de ces graphiques concerne le Royaume-Uni. Les antibiotiques pour traiter la tuberculose ont été créés en 1950. À ce moment-là, le taux de décès était déjà à la baisse simplement grâce à une meilleure santé et à une meilleure nutrition. Il s'agit de l'effet McKeown. Ce dernier a en fait des liens avec le Canada: il a été formé à McGill. Il est originaire de l'Irlande du Nord et il est allé en Angleterre. Il est l'auteur du manuel de médecine sociale. Nous oublions parfois que le facteur lié à l'hôte est extrêmement important.
(1605)
    Bien sûr, les antibiotiques contre la tuberculose permettent de réduire davantage la mortalité, mais il s'agit de la petite déviation que vous pouviez voir à la fin. Une bonne part des effets tiennent à l'amélioration du mode de vie. Cette autre courbe concerne le Massachusetts, et l'effet est le même.
    Il y a des agents pathogènes prioritaires essentiels, mais laissez-moi vous dire où on les voit en réalité.
    Si on les examine, on peut voir qu'ils se trouvent principalement chez les patients hospitalisés. C'est un problème dans les hôpitaux. J'ai parlé de l'unité de soins intensifs dans l'exemple que j'ai donné à propos de la fibrose kystique. Il y a ceux qui sont atteints de fibrose kystique, ceux qui ont des traitements en oncologie, ceux qui ont subi une greffe de moelle osseuse, puis ceux qui ont eu une transplantation d'organe.
    Nous voyons certaines infections résistantes aux médicaments chez des gens qui n'ont pas été hospitalisés. Par exemple, dans ma pratique, je vois une personne qui vient du sous-continent indien, elle a fait des allers-retours et est revenue avec une infection urinaire et enceinte. Les seules options qu'il me reste sont les antibiotiques par intraveineuse.
    Il y a une pénurie d'antibiotiques qu'il faut pallier à l'aide d'une meilleure filière d'élaboration clinique des médicaments, ce dont je parlerai plus tard. Ce fameux passage à vide au chapitre des découvertes est un problème, mais le nombre de ces cas reste relativement bas. Je ne dis pas que ce n'est pas un problème, puisque le nombre pourrait changer, et comme nous faisons des voyages à l'étranger et que ce qui se passe dans d'autres pays a une influence sur tous les pays, nous devons être prêts pour un changement.
    Par exemple, récemment, j'étais au Koweït dans le cadre d'une initiative du Collège royal des médecins et chirurgiens. Le taux de résistance aux médicaments est beaucoup plus élevé dans ce pays, on y utilise donc des stratégies de laboratoire complètement différentes pour composer avec cette nouvelle menace. Ces stratégies ne sont pas disponibles ici, mais nous devons être outillés pour intervenir de cette façon si cela devient un problème.
    Laissez-moi continuer. Si on s'en tient à ces agents pathogènes prioritaires essentiels — et le document de l'OMS décrit magnifiquement ce qui est essentiel, ce qui est une priorité élevée, et ce qui est une priorité moyenne —, je veux insister sur le fait que ce sont principalement des agents pathogènes nosocomiaux. C'est là que se trouve le champ de bataille à l'heure actuelle en ce qui a trait à cet enjeu. Certains enjeux communautaires surviennent, mais ils ne sont pas répandus. Les infections transmissibles sexuellement qui sont résistantes ne sont ni répandues ni communes; elles sont limitées à certaines populations. La tuberculose, dont j'ai parlé, n'est pas répandue ici, mais si nous n'arrivons pas à bien la contrôler au Nunavut, nous pourrions avoir ce problème ici. Encore une fois, ce sont des problèmes qui se limitent à certaines régions.
    À l'échelle des hôpitaux, nous n'avons pas encore de gros problèmes au Canada, mais dans les hôpitaux d'enseignement au Canada, on en voit certains cas. Dans les villes canadiennes où il y a des gens d'autres pays qui viennent et repartent, notamment du Sud de l'Italie, du Moyen-Orient, de l'Asie ou des Philippines, nous allons en voir de plus en plus, et nous devons être prêts.
    Je n'ai pas la solution dans l'immédiat. Nous avons ce passage à vide au chapitre des découvertes liées aux antibiotiques que l'OMS tente de régler avec les gouvernements. C'est quelque chose à quoi nous pourrions contribuer, mais je ne pense pas que le Canada, à lui seul, peut résoudre le problème de la pénurie d'antibiotiques.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Vous avez environ deux minutes et 13 secondes.
    Les soi-disant « superbactéries » dont nous devrions nous inquiéter sont pour la plupart des bactéries à Gram négatif. C'est pour ceux-là qu'il y a une pénurie d'antibiotiques. Nous manquons d'antibiotiques oraux dans de nombreux cas, comme je l'ai dit.
    Les bactéries hautement prioritaires sont généralement associées aux questions de salubrité des aliments. Si nous avons un bon processus en matière de salubrité des aliments, vous n'attraperez pas la salmonelle. Si vous faites cuire votre poulet, même s'il s'agit d'une salmonelle résistante aux médicaments, ça n'a pas d'importance: elle n'est pas vivante, c'est cuit. Il en va de même pour la camphylobactérie. Si vous pensez au staphylococcus aureus, une bactérie qu'on appelle SARM, c'est un problème qui peut être d'origine communautaire. Toutefois, les variantes d'origine communautaire ne sont pas aussi résistantes que les variantes d'origine hospitalière.
    J'aimerais apporter une correction à une déclaration qui a été faite par certains intervenants qui ont déjà parlé: les personnes résistantes aux médicaments n'ont pas toutes été exposées à des antibiotiques. Le SARM est le parfait exemple d'agent pathogène résistant aux médicaments qui peut survenir, disons, chez des enfants qui n'ont jamais été exposés à des antibiotiques. Cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas diminuer l'exposition aux antibiotiques de façon générale, mais ce n'est pas une situation où l'on dirait qu'il n'y a jamais de fumée sans feu, où on dit qu'une personne a été exposée à des antibiotiques simplement parce qu'elle a une bactérie résistante aux médicaments. Il n'y a aucune corrélation directe entre les deux.
    Que devons-nous faire? Nous avons certainement besoin d'une meilleure surveillance en laboratoire. Quand je dis « surveillance en laboratoire », je pense que ce que nous sommes en train de faire actuellement, c'est de regarder en arrière et de dire qu'au cours des deux dernières années, nous avons eu un problème. Il n'y a pas de surveillance en temps réel qui nous permet de savoir dans quels cas les taux de résistance augmentent. Nous avons des laboratoires d'hôpital qui travaillent en vase clos, séparément des laboratoires de référence de chaque province, et chaque province travaille séparément des autres provinces.
    Nous avons besoin d'un très bon système intégré de renseignements recueillis en laboratoire pour faire le suivi des taux de résistance aux médicaments chez les patients souffrant d'une infection du sang, d'une infection urinaire ou les patients aux soins intensifs. Nous devons avoir ces données à portée de main afin de savoir quels sont nos taux. Lorsque nous le saurons, nous pourrons alors savoir à quel point nous avons besoin d'antibiotiques inhabituels qui sont difficiles à obtenir, sauf dans le cadre d'un programme d'accès spécial.
    Si de nouveaux antibiotiques sont mis au point, nous voulons les utiliser de façon modérée, donc nous avons besoin, en ce qui concerne les laboratoires, de stratégies qui nous permettraient de faire analyser rapidement cette résistance dans un laboratoire d'hôpital à proximité du patient afin que nous puissions donner un traitement très ciblé. Si nous n'avons pas les analyses de laboratoire à portée de main, au même endroit où nous voyons les patients, nous ferons les choses à l'aveuglette, et nous donnerons à tout le monde un traitement à large spectre parce que nous ne voudrons pas nous tromper. Si nous pouvons réaliser des analyses précises pour déceler les gènes marqueurs de résistance, comme je l'ai vu au Koweït, par exemple — bien sûr, l'argent pousse dans les arbres au Koweït, mais pas ici —, s'il est possible d'avoir ce type d'accès, on pourrait alors être plus spécifique et utiliser le bon antibiotique au bon moment, ce qui est un comportement de gestion.
    Nous devons surveiller notre taux de consommation d'antibiotiques, particulièrement dans les hôpitaux et même dans les établissements de soins de longue durée. Le champ de bataille, comme je l'ai dit, se situe réellement dans les hôpitaux. C'est là où nous devons être prudents.
    Toutefois, nous n'en arriverons pas à une utilisation nulle. Je vais vous parler d'une analogie historique, la Ligne Maginot. C'est ainsi que les Français croyaient pouvoir tenir les Allemands à distance. Ils ont construit un système de défense très élaboré dans l'est de la France, et les Allemands sont arrivés par les Ardennes et ont conquis facilement la France. Il serait donc probablement inutile de réaliser un investissement énorme pour une seule intervention.
    Je ne dis pas que la gestion des antibiotiques ne permet pas de faire des choses extraordinaires, au contraire. Elle peut permettre de diminuer la durée de traitement aux antibiotiques des gens. Elle peut permettre de réduire les complications liées à l'administration intraveineuse alors que la prise d'antibiotiques par voie orale est possible. Cela diminue les coûts. Cela peut même permettre à des spécialistes en maladie infectieuse, comme moi, voient des patients. Ce sont tous d'excellents résultats, mais cela permet-il de réduire la résistance? Nous ne le savons pas encore. Il s'agit d'une des nombreuses interventions.
    Si nous investissons tout notre argent dans ce domaine, nous faisons une erreur. Et si nous ne le faisons pas et que nous faisons tout le reste, nous commettons également une erreur. Pour revenir à ma diapositive précédente, je pense qu'il est très important de mettre en place une stratégie combinée. Je n'ai pas parlé des autres stratégies en matière de médecine vétérinaire ou de salubrité alimentaire qui sont importantes. Nous avons parlé de beaucoup d'autres choses, mais je vais maintenant parler des stratégies liées aux soins aux patients qui ont le plus d'importance à l'heure actuelle.
    En ce qui a trait aux soins aux patients, ce sont les analyses en temps réel dans les hôpitaux de soins actifs qui comptent. Actuellement, en ce qui concerne les analyses de laboratoire dans un hôpital, l'hôpital doit décider s'il veut soumettre les gens à des tests de dépistage pour ces agents pathogènes prioritaires de l'OMS. C'est ce que nous devons faire à l'heure actuelle dans chaque hôpital. Nous devons décider si la dépense en vaut la peine. Nous avons besoin d'une stratégie nationale dans le cadre de laquelle de l'argent est consacré à cette activité et nous n'avons pas à demander à nos hôpitaux de choisir de procéder à des tests de dépistage pour un élément aux dépens d'un autre, ce qui reviendrait à prendre à Pierre pour donner à Paul.
    La dernière chose dont je veux parler est la suivante. Outre l'utilisation d'antibiotiques, il existe des stratégies relatives aux marqueurs biologiques permettant de réduire l'utilisation d'antibiotiques. Au lieu de simplement dire que nous devrions réduire l'utilisation d'antibiotiques, il y a d'autres moyens pour y parvenir que les cultures, comme la procalcitonine. Nous devrions investir massivement dans ce domaine. On l'utilise beaucoup en Europe et en Asie pour déterminer s'il y a une infection ou non, puisque cette distinction constitue le plus grand défi au chapitre des maladies infectieuses.
(1610)
    Puis, il y a les initiatives mondiales que...
    Le président: Je dois vous demander de conclure.
    Dr Neil Rau: Merci beaucoup de votre temps et de votre attention.
    Nous allons maintenant entendre Mme Kossey de l'Institut canadien sur la sécurité des patients.
    Au nom de l'Institut canadien pour la sécurité des patients, ou l'ICSP, j'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à témoigner devant vous et à vous faire part de nos points de vue au sujet de la résistance aux antimicrobiens au Canada.
    Je m'appelle Sandi Kossey. Je suis en compagnie de Mme Kim Neudorf, une représentante de notre réseau de bénévoles dirigé par les patients, Patients pour la sécurité des patients du Canada.
    D'abord et avant tout, j'aimerais exprimer ma gratitude envers le Parlement, qui reconnaît l'importance de ce sujet. Nous croyons que les patients ne devraient jamais avoir à s'inquiéter de contracter une infection, et ceux qui ont une infection ne devraient pas avoir peur que le traitement utilisé pour les guérir soit inefficace ou même dangereux pour eux. Les patients s'attendent à ce que les soins de santé qu'ils reçoivent soient opportuns, appropriés, efficaces et, avant tout, sécuritaires, à ce qu'on ne leur donne pas de traitement inutile et à ce que les torts évitables, comme les infections associées aux soins de santé, ne soient pas considérés uniquement comme des complications courantes liées aux soins.
    Les infections associées aux soins de santé sont en fait l'un des effets indésirables, ou des incidents liés à la sécurité du patient, les plus communs en matière de soins de santé, et sont pour la plupart évitables. Les infections résistantes aux antimicrobiens sont plus fréquentes, comme vous le savez, et sont de plus en plus difficiles à traiter. Chaque fois qu'on prévient une infection, on évite un traitement antimicrobien, et des milliers de vies peuvent être sauvées chaque année.
    Mes collègues qui ont témoigné devant vous en juin, et également la semaine dernière, vous ont décrit la complexité du problème. Vous êtes tous très conscients du fait que la résistance aux antimicrobiens est une crise de santé publique mondiale très grave. Nous sommes ici pour vous rappeler que la résistance aux antimicrobiens est aussi une question de sécurité des patients très importante et, par conséquent, une question de sécurité publique; il est urgent d'agir. Il est essentiel de garder cela à l'esprit pendant que nous élaborons une approche coordonnée et de collaboration pour le Canada à l'égard de ce problème complexe.
    Avant d'aborder la question au sujet de laquelle on m'a invitée à venir vous parler, j'aimerais prendre quelques minutes pour parler de notre organisation, de ce que nous faisons et du travail que nous réalisons pour venir à bout de la résistance aux antimicrobiens.
    L'Institut canadien pour la sécurité des patients a été mis sur pied en réponse au cri d'alarme lancé par des personnes dévouées qui travaillent au sein du système de soins de santé et qui ne voulaient plus que les patients subissent un seul incident dans lequel du tort leur est causé. L'Institut canadien pour la sécurité des patients a été créé par Santé Canada à titre d'organisme de santé pancanadien financé par le gouvernement fédéral en 2003. Pour dire les choses simplement, nous existons parce que les systèmes de soins de santé au Canada ne sont tout simplement pas assez sécuritaires.
    Les incidents relatifs à la sécurité des patients dans les établissements de soins actifs et dans le cadre des soins à domicile sont la troisième cause de décès en importance au pays, tout juste derrière le cancer et les maladies cardiaques. En 2013, les incidents évitables ont engendré un peu moins de 28 000 décès à l'échelle du pays. C'est l'équivalent d'un décès évitable toutes les 13 minutes — environ quatre décès à l'heure, huit décès durant la présente séance. Lorsqu'il est question des problèmes de sécurité des patients liés aux infections, les chiffres sont extrêmement préoccupants.
    On estime que, chaque année, 220 000 patients, soit environ un sur neuf, contractera une infection durant son séjour dans un hôpital canadien. On estime à 8 000 le nombre de ces patients qui perdront la vie en raison de ces infections associées aux soins de santé, et puisque le nombre d'infections résistantes aux antimicrobiens augmente, il en ira de même pour le nombre de décès.
    Ces statistiques que je vous présente sont anonymes. Tout comme nous le faisons, je demande au Comité de reconnaître les nombreux patients et leurs proches à l'échelle du pays qui ont vécu les répercussions personnelles considérables que représente une infection associée aux soins de santé, soit le stress, la confusion et l'angoisse, qui sont souvent accablants et parfois mortels. C'est pourquoi j'ai demandé à Kim de vous faire part de son expérience. À l'Institut canadien pour la sécurité des patients, nous travaillons pour les patients et les familles que nous servons et nous le faisons de concert avec eux.
    Depuis la création de l'ICSP par Santé Canada, nous jouons un rôle actif au chapitre de la lutte contre les infections associées aux soins de santé et de la résistance aux antimicrobiens et nous travaillons de façon à apporter des solutions tangibles. Nous avons fait de la prévention et du contrôle des infections une priorité nationale, et d'importants travaux ont été réalisés avec plusieurs partenaires pour élaborer un plan d'action pour la prévention et le contrôle des infections au cours des quatre dernières années. Cela s'est fait grâce à un consensus entre les intervenants experts. Le plan d'action a donné lieu à des progrès considérables en ce qui concerne trois aspects: mettre en place un changement de culture et de comportement, mobiliser les patients en ce qui concerne la transmission de connaissances aux fournisseurs de soins de santé et, surtout, régler les problèmes liés à la mesure et à la surveillance des infections nosocomiales.
    Cette année, l'ICPC a aussi été désigné comme un Centre collaborateur de l'Organisation mondiale de la Santé en ce qui concerne la sécurité et la mobilisation des patients. Nous avons défendu les initiatives de l'OMS, diffusé des innovations mondiales à l'échelle de l'ensemble du Canada, les plus connus étant les campagnes d'amélioration de la prévention et du contrôle des infections qui ciblent la sensibilisation et le changement de comportement chez les équipes cliniques de première ligne, les patients et le public.
(1615)
    Mais avant tout, l'ICSP était enchanté de contribuer au cadre d'action pancanadien préparé par l'Agence de la santé publique du Canada, et nous avons fait partie du groupe de travail sur la prévention et le contrôle des infections.
    Pour appuyer le cadre d'action, et comme je l'ai mentionné, l'ICSP et nos partenaires patients assurent une coordination et une collaboration à l'égard des initiatives qui abordent les quatre piliers essentiels du cadre: la surveillance, la prévention et le contrôle des infections, la gestion et la recherche et l'innovation.
    Nous sommes vivement intéressés à contribuer à la mise en oeuvre du cadre pancanadien et de son plan d'action. Dans cette optique, monsieur le président, j'aimerais formuler quelques recommandations à l'intention du Comité afin qu'il les examine.
    D'abord, l'ICSP, ainsi que ses partenaires, ont accordé la priorité à la coordination et aux données de qualité dans la lutte contre les infections. Il est essentiel de renforcer et de coordonner la surveillance de la résistance aux antimicrobiens pour élaborer et mettre en place des ressources et des efforts d'amélioration à l'échelle des réseaux et à l'échelle locale.
    Deuxièmement, nous savons que, pour en arriver à une amélioration durable de la santé publique et de la sécurité des patients, nous devons aller au-delà des questions de l'application des normes, de l'éducation et de la sensibilisation du public. Nous avons besoin de stratégies pour soutenir la mise en oeuvre de politiques et de pratiques fondées sur des données probantes, et il nous faut des interventions qui ciblent un changement d'attitude et de comportement chez tous les acteurs du système.
    Enfin, nous devons accueillir les patients à notre table à titre de partenaires à part entière dans le cadre de nos efforts de collaboration en vue d'améliorer les choses.
    J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invitée et de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous, et j'aimerais vous présenter ma chère amie et partenaire patiente, Kim.
    Merci, monsieur le président et chers membres du Comité.
    Je viens de Prince Albert, en Saskatchewan, et je suis bénévole pour Patients pour la sécurité des patients du Canada depuis neuf ans.
    On a dit que la résistance aux antimicrobiens est une notion abstraite, sauf pour les victimes et les médecins. Afin de mieux expliquer ce problème, j'aimerais vous parler de deux fermières à la retraite qui jouissaient d'une bonne santé et avaient rarement recours au système de soins de santé pour des raisons de maladie. Ce qui suit a complètement changé la donne.
    La première histoire concerne ma mère. Ça a commencé par une infection urinaire symptomatique, mais aucun prélèvement n'a été fait à la salle d'urgence. La dose d'antibiotiques prescrite était forte, prolongée et vraisemblablement incorrecte. Cela a entraîné une grave réaction indésirable. Je n'oublierai jamais son désespoir le matin où son hémoglobine a chuté à un niveau qui présente un risque pour la vie; néanmoins, ce n'était que le commencement de ce qu'elle a dû endurer. Elle a perdu l'audition et la mémoire immédiate, elle a commencé à faire de la fibrillation auriculaire et de l'insuffisance cardiaque, elle a eu une pneumonie et une crise cardiaque, et ça lui a pris des mois à reprendre des forces.
    Tout le monde était étonné qu'elle ait survécu, mais elle a encore des effets nuisibles chroniques prononcés. De nombreux prestataires ont fait fausse route dans les premiers jours de son traitement. Puis, une deuxième équipe incroyable est intervenue et l'a sauvée. Si elle était ici aujourd'hui, elle exprimerait sa sincère gratitude. Elle est la raison pour laquelle je fais ce travail.
    L'année dernière, ma belle-mère, une mère incroyable de 12 enfants, a vécu une situation similaire. Son supplice a commencé de façon assez innocente: une pustule est apparue sur sa jambe. Toutefois, sous la surface, il y avait une infection violente découlant d'une chirurgie précédente. Après deux traitements d'antibiotiques, on a finalement pris un prélèvement sur le site chirurgical au moment d'une autre chirurgie visant à retirer le métal et à nettoyer l'os de sa jambe.
     À la suite de ce test, on a prescrit différents antibiotiques pour une période de six semaines. Tout allait encore incroyablement bien pour elle. Sa force et sa détermination étaient remarquables, ce qui n'était pas surprenant pour nous, sa famille. Puis, elle a contracté la C. difficile, et je savais que cela pouvait être le début de la fin. On a eu recours à d'autres antibiotiques pour la traiter, à répétition. On revivait la spirale de la dégénérescence: fibrillation auriculaire, caillots sanguins, changements cognitifs et insuffisance cardiaque terminale. Avant la chirurgie, son coeur et son esprit étaient considérés comme ses plus grands atouts. Ses yeux se sont remplis de tristesse lorsqu'elle a perdu son indépendance, sa vivacité d'esprit, son foyer, et, quelques mois plus tard, sa vie.
    Je vis dans une collectivité où le taux de maladies transmises sexuellement, comme la gonorrhée, est alarmant, et où l'hépatite C et le VIH sont une épidémie, plus particulièrement dans les communautés des Premières Nations. Il faut faire davantage de prévention afin que les collectivités restent sécuritaires.
    Il est évident que les infections résistantes aux antimicrobiens constituent un problème de sécurité des patients et de sécurité publique.
     L'année dernière, après avoir interrogé des patients de partout au Canada, mes collègues de l'ICSP et moi avons publié un article dans le International Journal of Health Governance, qui décrivait ce que les Canadiens pensaient être les meilleures approches pour sensibiliser et mobiliser le public. Ces réponses m'ont amenée à formuler deux messages simples: premièrement, pour nous, la meilleure défense c'est l'attaque; deuxièmement, nous, le public, pouvons aider à attirer l'attention sur cet enjeu à l'échelle locale et mondiale.
    C'est une partie de ce que nous avons entendu et ce que nous avons publié dans notre article.
    Nous, le public, devons lutter pour une bonne santé et un système immunitaire fort par le lavage des mains, l'hygiène et la vaccination, et prendre notre part de responsabilité personnelle afin de prévenir la transmission des maladies.
    Les patients perçoivent les discussions avec leurs prestataires de soins de santé comme la façon la plus efficace de comprendre l'utilisation adéquate des antibiotiques. Ensemble, à l'aide de nos prestataires de soins primaires, nous pouvons apprendre comment gérer les maladies virales pour que les antibiotiques ne soient pas la première solution automatique par défaut dans notre démarche pour se sentir mieux rapidement. On accuse le public de réclamer des antibiotiques, mais en réalité nous consultons nos prestataires afin de soulager nos symptômes et pour nous assurer qu'il n'y a rien de plus grave.
    Les patients nous ont dit que la notion abstraite de la résistance aux antimicrobiens est plus facile à comprendre si on la met en contexte. La communication de statistiques et de coûts de soins de santé était considérée comme la façon la moins significative pour eux. Les Canadiens ont déclaré qu'ils sont plus enclins à changer leur comportement lorsque les informations fournies sont brèves et diverses et que de multiples messages complémentaires sont communiqués dans leur collectivité.
(1620)
    Par exemple, on peut communiquer des informations sur les études récentes qui suggèrent qu'il y a un lien entre les antibiotiques, nos intestins et les maladies chroniques, comme l'obésité, ou un lien entre les infections chroniques et graves et la démence.
    En tant que Canadiens, nous pouvons lutter pour ce changement. Cette année, des bénévoles de Patients pour la sécurité des patients du Canada ont fait des exposés dans nos collectivités locales et ont contribué à l'élaboration de campagnes intensives de sensibilisation du public.
    Lorsqu'on est malade, on est vulnérable. On ne vérifie peut-être pas si les gens se sont lavé les mains avant une procédure ou si l'équipement et les meubles ont été nettoyés entre les consultations. Dans ces moments-là, on ne demande pas si on prend les bons antibiotiques. On considère que les professionnels de la santé, les organisations de soins de santé et les ministères ont fait tout ce qu'ils devaient faire pour nous protéger. Le hic c'est qu'une grande partie dépend de nous. Toutefois, nous percevons cela comme une responsabilité partagée, et nous souhaitons aider.
    Merci beaucoup.
(1625)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Yvonne Shevchuk par vidéoconférence.
    Bonjour, monsieur le président et chers membres du Comité. Je vous remercie beaucoup de m'avoir invitée à témoigner et à participer à cette discussion très importante.
    Comme vous le savez, je m'appelle Yvonne Shevchuk. Je suis professeure au College of Pharmacy and Nutrition, mais je suis aussi pharmacienne agréée. Je suis membre d'une équipe sur les maladies infectieuses d'un hôpital de Saskatoon depuis plus de 30 ans. Je suis aussi membre du sous-comité relatif à l'utilisation des antimicrobiens de cette région depuis longtemps. J'ai participé à de nombreux comités et à de nombreuses activités, qui étaient axés sur l'utilisation optimale des antibiotiques, que l'on appelle communément la gestion des antimicrobiens.
    Je crois que d'autres personnes vous ont dit que la gestion des antimicrobiens constitue l'un des quatre piliers du cadre fédéral et du Plan d'action sur la résistance et le recours aux antimicrobiens au Canada, en plus de la surveillance, de la prévention et du contrôle des infections et de la recherche et de l'innovation.
    Je crois que votre comité et vous avez aussi entendu que l'on a décrit la résistance aux antimicrobiens comme une menace mondiale à la santé, donc je suis certaine que vous n'avez pas besoin qu'on vous le rappelle davantage. L'Organisation mondiale de la Santé et de nombreux pays ont reconnu ce fait et ont commencé à élaborer des plans. Je ne veux pas mettre l'accent sur cela, mais je suppose que je veux rappeler aux gens que ce n'est pas la seule crise à laquelle fait face le Canada. Nous avons entendu parler de la crise des opioïdes. Nous avons entendu parler de santé mentale et des taux désolants, par exemple, de suicide chez les jeunes Autochtones, ainsi que d'autres crises dans le domaine de la santé. Nous devons lutter contre cela, et j'espère être en mesure de vous convaincre que la résistance aux antimicrobiens doit aussi constituer une priorité. Même si ces autres choses ont pu faire l'objet d'une couverture médiatique ou d'une attention particulière, la gestion des antimicrobiens est tout aussi importante.
    Vous pouvez peut-être imaginer un patient relativement jeune en hémodialyse, qui a une famille à la maison, qui est incapable de travailler en raison de ses hémodialyses fréquentes et qui attend pour une greffe de rein. Il réussit à avoir la greffe de rein. Toutefois, des complications surviennent en raison d'une infection. Lorsqu'on reçoit une greffe, on doit prendre des médicaments immunosuppresseurs afin de ne pas la rejeter, et cela empêche votre corps de combattre les infections. Il contracte une infection et n'y survit pas, car celle-ci est résistante aux antibiotiques et que nous n'avons pas d'antibiotiques adéquats pour l'aider à survivre.
    Je ne crois pas que nous voulions en arriver à vivre dans un endroit où c'est une réalité quotidienne. Ce n'est peut-être pas très fréquent au Canada actuellement, mais ça arrive. Ce n'est pas un scénario irréaliste.
    En ce qui concerne l'utilisation optimale des antimicrobiens, les gens ne pensent pas toujours que la prévention constitue un élément clé. À ce sujet, j'ai une autre histoire à vous raconter.
    Ma fille en est à sa troisième année d'étude à l'université, et elle fait beaucoup de bénévolat auprès des populations vulnérables. Elle sait que si elle leur transmettait l'influenza, cela pourrait être très grave pour ces personnes, et elle se fait donc vacciner contre la grippe chaque année, ce qui est très responsable de sa part. Elle a aussi ses examens de mi-session et ses travaux à faire et n'a pas le temps de tomber malade. Elle a fait cela il y a quelques semaines et l'a publié sur les médias sociaux. Je ne me souviens pas exactement ce que ça disait, mais je ne crois pas que c'est important. Elle a seulement publié un mot pour dire à ses amis qu'elle était allée se faire vacciner contre la grippe et leur a rappelé qu'ils devraient peut-être faire la même chose.
    J'étais très surprise. De purs étrangers l'ont pratiquement attaquée, en disant qu'elle empoisonnait son corps, qu'elle était responsable de la mort de milliers d'enfants. Il s'agit du point de vue très dangereux d'un groupe présent au pays et à l'échelle mondiale, le mouvement « anti-vaccination », comme on l'appelle souvent. Si nous voulons continuer d'être en santé comme nous le sommes en tant que Canadiens, nous devons maintenir le taux d'immunisation. Nous devons chercher de nouveaux vaccins et de nouveaux domaines de prévention des infections.
(1630)
    J'aimerais rappeler à mes étudiants que si vous empêchez une infection de survenir, vous n'avez même pas à penser à prendre d'antibiotiques. Cela n'entre même pas en jeu. Même si je me concentre sur le recours aux antibiotiques de façon adéquate, je crois qu'il ne faut pas que nous voulons oublier l'importance de la prévention dans toute cette affaire.
    Le fait de limiter le recours aux antimicrobiens constitue une stratégie clé dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens. On estime qu'au moins de 30 à 50 % de toutes les prescriptions d'antibiotiques faites au pays sont inadéquates. C'est un chiffre plutôt bouleversant. Je crois que nous pourrions tous travailler à l'amélioration de ce domaine.
    On a beaucoup discuté de la complexité de cet enjeu. J'admets qu'il est difficile de progresser. Différentes organisations — des groupes fédéraux, provinciaux et territoriaux — ont différentes responsabilités. Il est parfois difficile de rassembler toutes ces choses, mais je ne crois pas que nous devrions utiliser la complexité du problème comme un prétexte pour ne pas aller de l'avant. C'est encore plus complexe, car, comme d'autres intervenants l'ont mentionné, il ne s'agit pas seulement d'une question de santé humaine: cela touche aussi la santé animale et le secteur de l'agroalimentaire. On l'appelle l'approche Une santé, mais quelqu'un doit s'en occuper. Quelqu'un doit être en charge de la résistance aux antimicrobiens et de la gestion des antimicrobiens au Canada. Il s'agit d'un travail considérable qui ne devrait pas être ajouté au portefeuille déjà important de quelqu'un d'autre. Je crois que cela mérite que l'on dise: « Voici votre mandat ». Il y a beaucoup de travail à faire en ce qui concerne l'établissement d'objectifs et de délais précis et la sollicitation d'autres types d'intervenants concernés — des médecins, des organisations professionnelles et l'industrie. C'est un travail considérable.
    À mon avis, un effort national coordonné est nécessaire. Nous avons beaucoup d'exemples d'excellent travail au pays, de grandes choses sont réalisées. Ce que nous ne savons pas, c'est si cela fonctionnera dans un contexte différent, dans une autre région, dans un autre coin du pays. Nous avons besoin d'un mécanisme coordonné qui répandra ces bonnes pratiques et qui permettra que l'on apprenne les uns des autres.
    Actuellement, nous n'avons pas de points de repère ni d'objectifs en ce qui concerne le recours aux antimicrobiens. Qu'est-ce qui est adéquat et qu'est-ce qui ne l'est pas? La mesure est assez inconstante et irrégulière. Cela dépend de l'endroit où on se situe au pays et de si l'on parle des hôpitaux, de la collectivité ou des soins de longue durée. Nous ne savons pas nécessairement où concentrer nos efforts. Les données fiables sont essentielles. Une cueillette de données adéquate et la surveillance constituent des éléments clés ou un point de départ pour notre stratégie.
    Nous connaissons des stratégies qui fonctionnent. Un bon exemple de cela, c'est quand Agrément Canada a commencé à évaluer les établissements au moyen des POR, ou les pratiques organisationnelles requises, en matière de gestion des antimicrobiens. Les établissements ont réagi, ils ont mis la main à la pâte. Ce n'était peut-être pas parfait, et il y a certainement place à amélioration, mais nous avons constaté un changement. Nous avons vu que les choses avaient changé au sein des établissements. Bien sûr, on apprécierait davantage de soutien, notamment du financement, mais c'était une mesure positive.
    Cependant, ces mesures ne se reflètent pas dans la collectivité. Nous avons besoin de différentes solutions dans la collectivité, car Agrément Canada n'en est pas responsable.
    Nous parlons beaucoup d'éducation. Il est essentiel d'éduquer les nombreux prestataires —  médecins, infirmiers, dentistes, pharmaciens et vétérinaires — ainsi que les patients sur la résistance aux antimicrobiens et la gestion des antimicrobiens, mais nous avons des données fiables qui montrent que l'éducation ne suffit pas à elle seule. Il faut la combiner à d'autres stratégies pour faire avancer les choses, pour constater un changement. Nous avons besoin de mettre des processus en place pour qu'il soit extrêmement facile de faire la bonne chose et très difficile de faire la mauvaise.
(1635)
    Je faisais partie d'un groupe de personnes invité par SoinsSantéCAN et le Centre de collaboration national des maladies infectieuses pour organiser et coordonner une table ronde à ce sujet. Je crois que le Comité en a discuté. Un rapport fait le point sur tous ces aspects . Il compte 10 recommandations. J'ai parlé de certaines de ces recommandations, mais je ne peux pas vraiment toutes les aborder pendant le temps qui m'est alloué. J'aimerais seulement dire que des documents comportant des recommandations sont accessibles et constituent un excellent point de départ.
    J'ai une très bonne amie à qui on a remplacé les deux genoux. Je l'ai vue récemment, et elle est ravie des résultats. Elle peut faire des promenades avec son époux. Elle s'est inscrite à une marche de cinq kilomètres pour recueillir des fonds parce qu'elle le pouvait. J'ai pensé, cependant, à ce qu'aurait été sa situation si la conversation qu'elle a eue avec le chirurgien avait été différente. S'il lui avait dit « Nous savons que vous avez besoin de deux arthroplasties totales du genou. Nous savons que cela soulagerait vos douleurs, mais il existe une petite probabilité d'infection. Si une infection survient, nous n'avons pas d'antibiotiques pour la traiter. Au lieu de prendre ce risque et de remplacer vos genoux, vous pouvez souffrir de douleurs chroniques tout au long de votre vie et essentiellement être sédentaire. » Je ne crois pas que c'est l'avenir que nous désirons pour les Canadiens.
    Si nous n'assurons pas la gestion des antimicrobiens et des autres piliers dont nous avons parlé, ce n'est pas nécessairement une vision irréaliste de l'avenir. J'espère que votre comité peut défendre ce changement pour que nous n'ayons pas à penser à cet avenir.
    Merci beaucoup.
    Juste avant de passer aux questions, j'ai un petit avis. Nous avions invité la ministre à la séance du 23 novembre 2017 pour parler du Budget supplémentaire des dépenses. Elle n'est pas en mesure de venir le 23. Elle viendra au cours de la première semaine de décembre. Je désirais seulement vous en informer.
    Nous allons passer aux questions. Il s'agit d'une série de questions de sept minutes, et nous allons commencer par Mme Sidhu.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de nous avoir transmis ces renseignements précieux sur la résistance aux antimicrobiens suivie à l'échelle mondiale.
    Ma question s'adresse au Dr Rau et à la Mme Shevchuk. Ils peuvent répondre tous les deux. Nous avons entendu au cours de notre dernière séance que les médecins peuvent avoir besoin de plus de formation pour réduire le nombre d'ordonnances. Des recherches réalisées en 2012 en Ontario ont montré qu'on prescrivait trop d'antibiotiques aux aînés.
    À votre avis, quelle mesure devons-nous prendre pour réduire la résistance aux antimicrobiens? Est-ce la sensibilisation ou la formation destinée aux médecins, et vice versa pour les patients également?
    Je vais répondre en premier, mais je suis certain que Mme Shevchuk formulera d'autres commentaires.
    J'ai siégé au comité chargé d'évaluer les médicaments pour l'Ontario. Il surveille le Programme de médicaments de l'Ontario, alors je connais bien ce problème.
    Je vais parler un peu du dépistage de la présence de procalcitonine, qui n'est pas quelque chose facile à obtenir au Canada. Dans les pays nordiques, nombre de médecins de famille ont accès au dépistage de la présence de protéine C-réactive et de procalcitonine, qui sont des renseignements complémentaires importants pour répondre aux questions suivantes: « S'agit-il d'un virus ou d'une bactérie? Est-ce une infection ou non? »
    Il y a un problème relatif aux soins au patient en ce qui concerne les ressources limitées qu'aurait un médecin de famille, par exemple. Ce sont la plupart du temps les médecins de famille qui prescrivent trop de médicaments, peut-être utiliseront-ils moins d'antibiotiques lorsqu'ils auront accès à plus de technologies. Certains de ces antibiotiques sont certainement inappropriés. On utilise certains médicaments pour des infections virales, ce qui est complètement inadéquat. Une partie de ce problème découle des limites de la technologie et de l'accès au dépistage auxiliaire.
    Je crois également encore que les stratégies punitives ne fonctionnent pas. Une personne a mentionné cela à titre de recommandation. La sensibilisation et des lignes directrices peuvent aider. Il peut être utile d'adopter des stratégies sur l'utilisation limitée des antibiotiques comme celles que nous avons en Ontario, qui obligent les gens à inscrire un code pour utiliser certains antibiotiques. Je ne crois que nous pourrons éliminer complètement leur utilisation.
    J'aimerais également savoir ce que Mme Shevchuk en pense.
(1640)
    Je crois que l'éducation est une stratégie très importante. Elle sera notre fondement, mais les outils qui aident à soutenir les médecins — et je ne crois pas qu'il s'agit seulement des médecins, mais de tous les prescripteurs — sont aussi importants. Certains des outils sont des diagnostics, mais d'autres peuvent supposer des stratégies permettant au patient de se sentir mieux lorsqu'il a contracté une infection virale, par exemple.
    Les patients doivent faire partie de la stratégie, ils doivent nous dire quelle est la meilleure façon de les aider et quelles stratégies en matière d'éducation seront les plus efficaces.
    Merci.
    Docteur Rau, vous avez dit que le Koweït utilise plus d'antibiotiques que nous et qu'il possède une meilleure surveillance en laboratoire. Pouvez-vous également parler de la stratégie relative aux marqueurs biologiques?
    Tout d'abord, le Koweït connaît un important problème de résistance aux médicaments, en partie en raison de la surutilisation des médicaments, et il en va de même sur le sous-continent indien. Les antibiotiques se retrouvent même dans l'eau douce que les gens consomment. C'est un des risques importants lorsqu'un affluent chargé d'antibiotiques provenant de fabricants se déverse dans les égouts. Toutefois, en raison de ces taux, le Koweït a adopté des stratégies de diagnostic et des dépistages dans des laboratoires situés près des endroits où sont dispensés les soins au patient, ce que nous n'avons pas. Pour préciser les choses, je ne crois pas que nous en avons besoin aujourd'hui, mais nous devons être prêts à les utiliser si nous le devons.
    Les marqueurs biologiques dont je parlais figuraient dans la dernière diapositive que j'ai montrée, qui concernait le dépistage de la présence de procalcitonine. Il existe une version relative aux points d'intervention, que les pays nordiques utilisent, et également un autre dépistage appelé dépistage de la présence de protéine C-réactive. L'autre, c'est le dépistage de procalcitonine, qu'on utilise beaucoup dans les hôpitaux — particulièrement en Europe et dans le Moyen-Orient, mais dont certains endroits en Amérique du Nord envisagent de plus en plus l'utilisation — ,particulièrement dans les unités de soins intensifs, comme façon d'aider les équipes de gestion des antimicrobiens à déterminer le moment où il faut cesser les antibiotiques.
    La gestion des antimicrobiens, comme Mme Shevchuk a dit, est très importante, mais parfois, pour un patient, on fait la transition d'un antibiotique par voie intraveineuse à un antibiotique par voie orale. On expose encore le patient à un antibiotique, alors cette stratégie uniquement peut ne pas inverser la résistance. Il est préférable que le patient cesse la prise d'antibiotiques. Il n'est pas encore prouvé que cela fonctionnera, mais c'est important. Comme une autre personne l'a dit, si vous pouvez prévenir des infections au moyen d'un bon contrôle des infections, vous n'aurez alors pas besoin d'antibiotiques; il s'agit donc d'une autre stratégie importante, que ce soit au moyen de la vaccination ou de meilleures stratégies en matière de contrôle des infections.
    Merci.
    Je veux poser une question à Mme Kossey.
    Actuellement, nous savons que plus de 18 000 Canadiens hospitalisés contractent une infection en raison d'une souche de maladie qui est résistante aux antibiotiques. Pourquoi les Canadiens sont-ils plus à risque de contracter ces infections lorsqu'ils sont hospitalisés?
    Comme ma collègue l'a mentionné, la complexité des soins au sein des établissements de santé augmente tous les jours en raison de nouvelles technologies, de nouvelles maladies et de nouveaux médicaments et de dispositifs qu'on adopte dans nos établissements de soins très complexes et très compliqués. Malheureusement, au cours de la prestation de soins, les fournisseurs de soins de santé font face à nombre de défis ou subissent de nombreuses pressions. Il y a des problèmes urgents, et on reçoit chaque jour beaucoup d'information. Comme notre collègue, Mme Shevchuk, l'a également dit, nous devons faciliter l'environnement de soins de santé pour nos fournisseurs de soins de santé afin de leur faciliter le travail.
    Les fournisseurs de soins de santé ne se rendent pas chaque jour au travail pour dispenser de mauvais soins. Ils vont au travail tous les jours avec l'intention de ne pas compromettre la santé des gens ni de faire quelque chose de mal. Leur rôle est de donner à leurs patients les meilleurs soins possibles, mais ils travaillent dans des environnements extrêmement difficiles et complexes. Parfois, dans ces circonstances, les aspects routiniers des soins — les choses qui devraient être faites — ne sont pas faits de manière régulière ou cohérente. Cela ne concerne pas seulement les soins. Cela peut toucher les préoccupations environnementales, la communication ou le transfert d'information entre les fournisseurs de soins, les établissements ou même les services, et cela peut contribuer au fait que les patients contractent des infections dans les établissements.
    Merci.
    Madame Shevchuk, vous avez dit qu'il n'y a pas d'antibiotique adéquat... Quel type de cadre avons-nous besoin pour prévenir les infections?
    Je suis désolée, je ne suis pas certaine que...
    Quel type de cadre pouvons-nous utiliser pour prévenir les infections afin que le patient hospitalisé ne contracte pas d'infection?
(1645)
    Je vais répondre en disant que mon domaine concerne l'utilisation appropriée des antibiotiques. Mon domaine d'expertise n'est pas vraiment la prévention, mais une chose importante que nous pouvons tous faire est de nous laver les mains. Se laver les mains est essentiel.
     Dans certains scénarios, nous devons isoler les patients pour empêcher la propagation d'une infection d'un patient à un autre. Par exemple, pour ce qui est d'une infection à C. difficile, ce serait très important. Selon l'infection, des choses comme les gels d'alcool peuvent ne pas fonctionner pour tuer les spores. Encore une fois, dans le cas de certaines infections, comme l'infection à C. difficile, vous devez vous laver les mains physiquement avec de l'eau et du savon.
    Ce sont des stratégies de prévention physique importantes. La vaccination est une autre stratégie de prévention clé que nous devons toujours avoir en tête.
    Votre temps est écoulé.
    Est-ce que cela répond à votre question?
    Oui. Merci.
    Mme Gladu est la prochaine.
    Merci, monsieur le président, et j'aimerais également remercier nos témoins de prendre le temps d'être avec nous aujourd'hui.
    Je vais commencer par poser une question au Dr Rau.
    J'ai trouvé très intéressante votre description détaillée des endroits où nous observons ce type de résistance au Canada: les unités de soins intensifs, les unités de soins aux brûlés, chez les patients atteints de fibrose kystique et ceux en oncologie. C'est principalement dans les environnements hospitaliers.
    Vous avez également décrit une préoccupation concernant les voyages à l'étranger et les nouveaux Canadiens, et vous avez dit qu'un risque nous guette peut-être à cet égard. La raison pour laquelle je trouve cela intéressant, c'est que j'ai entendu beaucoup de critiques selon lesquelles la raison de la résistance aux antimicrobiens est liée à l'agriculture au Canada. Certaines exploitations agricoles sont biologiques et n'utilisent pas d'antibiotiques. D'autres agriculteurs les utilisent lorsque leurs animaux sont malades et, parfois, de manière préventive.
    Pouvez-vous nous en parler? Est-ce vrai qu'il existe un lien entre les exploitations agricoles et l'agriculture et la résistance aux antimicrobiens que nous observons maintenant?
    Il est vrai qu'il existe un lien entre l'utilisation d'antibiotiques sur les exploitations agricoles à des fins d'élevage et la résistance aux médicaments, mais je ne crois pas que cela s'applique beaucoup au Canada. En Europe, on l'a sans aucun doute observé, particulièrement lors de l'émergence d'entérocoques résistants à la vancomycine, ce qui, en fait, n'est pas un problème très important actuellement en ce qui concerne le passage à vide au chapitre des découvertes de médicaments, où nous n'avons plus rien pour traiter les gens. Même si je crois qu'il est très important pour nous d'assainir ces pratiques là où on les met en oeuvre — et je n'en faisais pas abstraction —, je ne pense pas qu'il s'agit du problème le plus important dans cet environnement.
    Encore une fois, cela revient au triangle dont j'ai parlé. Notre environnement n'est pas le même que celui des pays en développement, où les antibiotiques se retrouvent dans les eaux d'égout et contaminent l'eau potable, comme en Inde, par exemple.
    Pour parler des voyages à l'étranger... j'ai moi-même voyagé partout dans le monde. J'étais chargée de plus de 254 usines et j'ai fini par être résistante aux germes. Toutefois, chaque fois que je revenais à la maison, toute ma famille tombait malade.
    En ce sens, et en pensant aux personnes qui viennent de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Asie, aucun dépistage n'existe pour ces gens-là. Vous pouvez prendre l'avion, et aucun dépistage n'est en place. Croyez-vous que le dépistage visant les nouveaux Canadiens est adéquat, et suggéreriez-vous, pour les pays qui nous préoccupent, qu'on soumette les voyageurs à ces dépistages?
    Je ne veux pas que cela se transforme en contrôle à l'aéroport. C'est certain, et je l'affirmerai d'emblée, mais nous procédons à une forme de contrôle dans le cas des patients admis à l'hôpital qui présentent certains facteurs de risque. Ce n'est pas simplement les visiteurs. Il est vrai que ceux qui se présentent à l'hôpital, qui entrent à l'intérieur, pourraient être porteurs d'un microbe résistant aux médicaments, mais ils ne transmettent pas nécessairement des infections. De nombreuses personnes sont porteuses de ces infections. Si elles tombent malades et qu'ensuite, on leur insère une aiguille dans les veines ou qu'elles se retrouvent en dialyse ou à respirer à l'aide d'une machine, le microbe qui vit dans leur corps en tant qu'organisme commensal devient maintenant un pathogène.
    Le fait de trouver les personnes qui sont porteuses de ces microbes, si elles répondent à certains critères, est un sujet qui suscite de plus en plus d'intérêt. Il s'agit en fait d'un problème de ressources de laboratoire. Par exemple, à l'hôpital où je travaille, nous avons mis en œuvre un protocole de contrôle sélectif, conformément aux lignes directrices de notre province, afin de chercher les porteurs. Encore une fois, la recherche de quelque chose qui n'est pas fréquent peut être très exigeante en ressources. C'est un peu comme essayer de trouver, à la sécurité de l'aéroport, le sirop d'érable tueur qu'une personne emporte dans l'avion. C'est la même idée. Nous devons faire attention de ne pas transformer cela en contrôle à l'aéroport. Ce doit être sélectif et ciblé. La technologie doit être employée, et il faut prendre les mesures de soutien et octroyer les ressources permettant à un hôpital d'ajouter cette initiative à son budget, ce qui correspond à un argument que j'ai formulé plus tôt.
    Cette question s'adresse aux représentantes de l'Institut canadien sur la sécurité des patients.
    J'ai été estomaquée d'entendre dire qu'en ce qui a trait à la sécurité des patients, ces infections sont en fait la troisième cause de décès en importance. C'est grave à ce point. Je n'en avais aucune idée. Selon vous, que pourrait faire le gouvernement pour régler ce problème?
    Certes, même le fait de tenir ces discussions est important. Encore une fois, c'est pourquoi nous sommes là: pour présenter ce point de vue afin de sensibiliser les gens — même nos dirigeants politiques de partout au pays — à la sécurité des patients. La résistance antimicrobienne est un problème en ce qui concerne la sécurité des patients. Les types d'incidents de sécurité touchant les patients sont nombreux et divers, et les conversations concernant le fait qu'il s'agit d'une crise de santé publique sont vraiment importantes.
    Selon la même étude que j'ai citée et que nous avons récemment publiée, nous savons que, si rien ne change au cours des 30 prochaines années, 12,1 millions de Canadiens subiront des préjudices dus aux soins de santé qu'ils reçoivent, et 1,2 million d'entre eux mourront en raison de problèmes liés à la sécurité des soins de santé. Même si le coût humain de cette initiative est certainement important — et il ne s'agit que des victimes humaines —, on estime que le coût financier de notre rendement médiocre en tant que pays, du point de vue de la sécurité des patients, des soins aigus et des soins à domicile — et c'est de là qu'ont été tirées les données — au cours de cette période de 30 ans s'élèvera à 82 milliards de dollars.
    Je nous mettrais au défi, en tant que pays, en tant que dirigeants politiques... nous n'en faisons pas assez relativement à la sécurité des patients pour vraiment attirer l'attention sur les choses qui ne vont pas bien. Il y a de nombreuses exigences et priorités concurrentes dans le milieu des soins de santé. La réduction des préjudices liés à la crise des opioïdes est certainement un problème de sécurité qui touche les patients. Nous menons un grand nombre d'activités diverses à l'appui de la déclaration conjointe sur les mesures, et certainement aux échelons locaux également, et nous travaillons auprès des intervenants du système de santé et des patients afin de régler certains de ces problèmes.
    Autre chose à savoir: la résistance aux antimicrobiens est aussi un problème lié à l'innocuité des médicaments. Nous parlons de l'utilisation appropriée des agents antimicrobiens et d'une intendance adéquate de ces agents, et nos collègues ont certainement abordé ce besoin important. Par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale de la Santé, des dirigeants politiques et des ministres de la Santé de partout dans le monde commencent à aborder le fait que la sécurité des patients devrait être un enjeu pour les dirigeants politiques. L'Organisation mondiale de la Santé a également annoncé un troisième défi mondial en matière de sécurité des patients portant sur l'innocuité des médicaments, appelé Une médication sans erreurs. Son but très ambitieux est la réduction de moitié des préjudices graves et évitables liés à la médication sur une période de cinq ans. Le Canada peut atteindre ce but, et les efforts que nous déployons et le soutien que nous offrons relativement à la résistance aux antimicrobiens peuvent grandement y contribuer.
(1650)
    Excellent.
    J'ai une dernière question, dans ce cas, à poser à Mme Shevchuk.
    En tant que pharmacienne, pouvez-vous me dire s'il y a des choses qui peuvent être faites de ce point de vue? Une fois que les gens ont reçu une ordonnance et que vous l'exécutez, y a-t-il quelque chose qui puisse être fait à ce moment-là, qui permettrait de régler ce problème?
    En ce qui a trait à la résistance, il est certain que nous voulons que les pharmaciens sachent ce qu'est l'indication de l'antibiotique, afin qu'ils puissent également décider s'il s'agit ou non du meilleur choix pour le patient en question, dans la situation. Ils ont toujours le choix de tenir une conversation avec le médecin prescripteur à ce sujet.
    On pourrait peut-être réduire la résistance en s'assurant que l'antibiothérapie ne dure pas trop longtemps. L'autre chose à étudier, c'est la durée du traitement. Il existe des données qui nous disent que, dans les cas d'infections urinaires très simples et sans complications, trois jours suffisent. On n'a pas besoin d'une semaine. Le simple fait de réduire la durée du traitement...
    Les gens peuvent utiliser un certain nombre de stratégies. Les personnes atteintes d'un virus ne se sentent pas bien. Elles se sentent malades. Elles ont besoin d'un traitement, elles aussi. C'est simplement que les antibiotiques ne sont pas le traitement adéquat. Il y a d'autres possibilités. Il existe des réducteurs de fièvre, des analgésiques et des médicaments qui peuvent soulager la toux et le mal de gorge, qui pourraient beaucoup contribuer à faire en sorte que les patients se sentent mieux. Les pharmaciens peuvent utiliser beaucoup de stratégies.
    Excellent. Merci.
    Merci beaucoup. Le temps est écoulé.
    M. Davies est le prochain intervenant.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins de leur présence.
    Docteur Rau, j'ai quelques questions à vous poser. Dans un article de 2007 publié dans le Toronto Star, on vous cite comme ayant affirmé que la mise en oeuvre d'un système de suivi provincial aiderait les médecins de famille à diagnostiquer la résistance aux médicaments et à repérer tôt les souches de bactérie afin qu'elles puissent être traitées adéquatement. Pouvez-vous nous faire un compte rendu de la situation en ce qui concerne ces genres de systèmes de suivi au Canada?
    Dans ce cas, je faisais allusion au SARM associé au milieu communautaire. La situation n'a vraiment pas beaucoup changé, maintenant que vous soulevez la question. Les gens savent que la bactérie existe. En tant que médecins, ils ont leur propre expérience pour ce qui est d'obtenir une culture et de voir si elle présente une certaine résistance aux médicaments. Ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'a priori, si un patient se tient devant moi, quelle est la probabilité qu'il présente une infection résistante aux médicaments? S'ils pensent que cette probabilité est très forte, ils vont utiliser l'artillerie lourde des antibiotiques pour l'anéantir. Sur une certaine période, si tout le monde continue de faire cela... si les médecins savent que le taux n'est que de 5 %, ils pourraient tenter leur chance et s'en tenir aux antibiotiques moins puissants, sachant que la probabilité est faible.
    Ils pourraient obtenir une culture, mais tout le monde n'a pas ce luxe dans le milieu ambulatoire communautaire. Il est parfois facile pour nous, qui travaillons dans un hôpital, de critiquer la façon dont les gens se comportent dans la collectivité en tant que médecins prescripteurs, mais ils disposent également de ressources limitées, alors ils doivent se fonder sur les symptômes. Aucun test de diagnostic — que nous pourrions voir, dans un hôpital — ne leur confirme s'il s'agit ou non d'un virus.
    Quoi qu'il en soit, il manque l'élément de suivi, vu que le microbe risque d'être considéré comme résistant avant même le test, et c'est de cela que nous avons besoin; c'est la même chose dans le cas des pathogènes prioritaires critiques et très dangereux: si, dans un hôpital, nous pensons qu'une personne présente l'une de ces vraies superbactéries, mais que nous ne le savons pas encore et que nous ne connaissons pas les taux, nous avons un problème. Nous allons commencer à recourir à l'artillerie lourde des nouveaux antibiotiques qui sont mis en vente afin de l'anéantir.
(1655)
    Vous avez rédigé cet article il y a 10 ans. On dirait que nous n'avons pas fait beaucoup de progrès en ce qui a trait au système de suivi provincial que vous aviez recommandé.
    Nous n'avons pas beaucoup progressé en ce qui concerne le système fédéral non plus. Nous avons de bons laboratoires qui recueillent de bonnes données. Nous disposons de certains laboratoires communautaires privés qui publient les taux de résistance, comme LifeLabs, en Ontario, mais nous n'avons pas de centre d'échange national, qui devrait également posséder des données locales, car nous ne pouvons pas utiliser que des données nationales. Il faut des données locales, car il y a des différences. Par exemple, les patients hospitalisés à Brampton présentent beaucoup plus de pathogènes résistants aux médicaments que ceux de Brandon.
    Selon le conseil traditionnellement donné aux patients, si on arrêtait son antibiothérapie trop tôt, on contribuait à la résistance de la souche. D'autres affirment que la résistance survient principalement lorsque les bactéries sont exposées aux antibiotiques, alors plus elles le sont longtemps, plus le risque qu'elles développent une résistance est grand. Quel est votre avis?
    Ce conte de bonne femme — si je puis l'appeler ainsi — a été quelque peu démenti au cours de la dernière année... l'idée selon laquelle, lorsque vous recevez un traitement aux antibiotiques, vous devez le terminer. Vous devez prendre tous les antibiotiques. Nous savons maintenant qu'aucune donnée probante n'appuie cette histoire et qu'on encourage les schémas posologiques de plus courte durée, comme le mentionnait Mme Shevchuk. Si l'infection n'est pas due à une bactérie, nous encourageons les patients à cesser de prendre les antibiotiques, car un grand nombre sont prescrits pour le traitement d'infections virales. Les patients les reçoivent lorsqu'ils ont un virus; ensuite, ils se sentent mieux et pensent que c'est grâce aux antibiotiques. De fait, il n'y a aucun lien de cause à effet entre les antibiotiques et l'amélioration de leur état, dans le cas d'un virus. Il convient de mettre fin à l'antibiothérapie. Il est inutile de terminer le traitement.
    Je pense tout de même que la prescription d'antibiotiques d'emblée, c'est la grande question. Comment pouvons-nous réduire ces cas? Je pense qu'il nous faut de nouvelles stratégies de diagnostic ou de nouvelles échelles cliniques. Nous ne pouvons pas les éliminer complètement. Il ne s'agit pas de la crise des opioïdes, où notre objectif est de zéro. Nous tentons de réduire de plus en plus le nombre de cas, mais ce n'est pas comme un exercice de marketing dans le cadre duquel, l'an prochain, nous allons le faire diminuer encore de 10 % et finir par atteindre zéro. À un certain stade, le plancher, c'est le plafond.
    Merci.
    Madame Shevchuk, j'ai été très surpris par vos statistiques choquantes selon lesquelles de 30 à 50 % des ordonnances sont inappropriées. J'imagine que ces statistiques ne concernent pas que les antibiotiques, alors, premièrement, parlez-vous de 30 à 50 % des ordonnances d'antibiotiques ou bien de 30 à 50 % des ordonnances en général? Deuxièmement, dans la mesure où ce sont des ordonnances d'antibiotiques inappropriées, je pense avoir une petite idée de pourquoi c'est le cas. On dirait qu'il s'agit de la difficulté à déterminer si l'infection est causée par un virus ou par une bactérie. Y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles nous rédigeons des ordonnances aussi inappropriées?
    Je vais préciser que ces chiffres concernent les ordonnances d'antibiotiques.
    Comme vous l'avez dit, beaucoup de ces cas découlent de l'utilisation d'antibiotiques pour le traitement d'infections virales. Les patients ne réagiront pas. Ces statistiques proviennent de diverses études qui portent sur des sujets légèrement différents. Le terme « inapproprié » pourrait renvoyer au fait qu'il ne s'agit tout simplement pas du bon type d'antibiotique pour le traitement de l'infection particulière. Il s'agirait d'un cas. Dans certaines études, on disait que la durée du traitement ne convenait pas à l'infection en particulier.
    Il existe d'autres définitions de ce terme, mais il s'agit principalement du fait qu'on distingue mal les infections bactériennes des infections virales et qu'on a recours aux antibiotiques pour le traitement de cas viraux.
    Avez-vous des suggestions quant à la façon dont nous pourrions réduire ces chiffres? En tant que pharmacienne, pouvez-vous nous dire si les pharmaciens peuvent jouer un rôle pour ce qui est de contribuer à intercepter certains de ces antibiotiques prescrits de façon inappropriée? Pourraient-ils agir comme un tampon pour les médecins qui rédigent ces ordonnances?
    Les pharmaciens ont certainement un rôle à jouer. Quand ils sont étudiants, nous leur disons que cela fait partie de leurs tâches que de vérifier s'il s'agit du meilleur médicament pour le patient en particulier. S'ils estiment que ce n'est pas le cas, ils ont la responsabilité d'avoir une conversation avec le médecin prescripteur. L'un des éléments d'information dont les pharmaciens disposent rarement, c'est l'indication, la raison. Lorsque des patients viennent me présenter une ordonnance d'amoxicilline, je ne sais pas s'ils ont une blessure à la jambe ou bien une infection urinaire ou pulmonaire, et il m'est très difficile de déterminer s'il s'agit du bon choix, alors l'une des choses que nous demandons, en tant que pharmaciens, c'est que le diagnostic figure obligatoirement sur l'ordonnance. À nos yeux, il s'agit d'un point de départ raisonnable.
(1700)
    Ce n'est pas le cas, actuellement?
    Non, et c'est l'un des problèmes. Quand nous parlons de « surveillance de l'utilisation des antibiotiques » au pays, nous savons peut-être combien d'ordonnances sont rédigées ou combien d'unités sont achetées par une pharmacie, mais nous ne savons pas à quoi servent ces antibiotiques, pour être franche. C'est un genre de trou noir.
    Le temps est écoulé.
    Désolée; je me suis peut-être écartée du sujet.
    Selon moi, les pharmaciens peuvent certainement contribuer de cette manière à l'utilisation appropriée des antibiotiques.
    Je pense que votre question portait sur les approches générales d'amélioration du processus de prescription. Selon moi, les dossiers médicaux électroniques dans lesquels sont intégrés des indicateurs pourraient grandement contribuer à le faciliter. Les pharmaciens pourraient déclencher des signaux d'avertissement lorsque les choses ne correspondent pas, lorsqu'elles n'ont pas l'air correctes. Je ne suis pas versée en technologie, mais j'ai vu des exemples de choses formidables qui peuvent se produire.
    Il y a des exemples de bons outils à mettre entre les mains des médecins prescripteurs, qui pourraient les aider à mieux faire leur travail.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ayoub, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les invités des témoignages intéressants.
    Depuis tout à l'heure, nous entendons les témoins et les collègues parler de prescriptions, d'exactitude et d'éducation. Pour des néophytes comme moi, il est surprenant, voire alarmant, d'apprendre que les médecins prescrivent des médicaments qui ne sont pas appropriés. Je vais le dire comme cela, très simplement. Devoir éduquer les patients, c'est une chose. Cependant, j'entends certaines personnes dire que les gens qui vont chez le médecin veulent recevoir des soins professionnels et des ordonnances sans avoir à se poser trop de questions.
    Dans le monde dans lequel nous vivons, les gens sont de plus en plus informés. Par conséquent, ils posent davantage de questions. Par exemple, les parents posent beaucoup plus de questions lorsqu'il s'agit de leurs enfants.
    Ce dont je me rends compte depuis le début de notre étude sur la résistance aux antimicrobiens, c'est qu'il n'y a pas de statistiques claires. On a de la difficulté à établir le point de contact et à déterminer s'il y a effectivement une crise ou non. À l'échelle mondiale, il y a des plans d'action, mais ce n'est pas aussi frappant. Aujourd'hui, Mme Kossey nous a mentionné des chiffres complètement effarants.
    Pour ce qui est de la crise des opioïdes que nous vivons, nous sommes au coeur de cette crise, nous y réagissons maintenant et nous prenons des mesures. Par contre, le problème de la résistance aux antimicrobiens est comme un tueur silencieux qui se faufile tranquillement, mais qui va peut-être finir par frapper à grands coups de bâton de hockey.
    Monsieur Rau, quelle est la courbe d'équilibre? Quel plan d'action nous permettra de prendre ce problème à bras-le-corps?
    Pour débuter, nous avons besoin d'un bon système de surveillance. Tout commence par cela. En ce moment, nous n'avons pas les chiffres qui nous permettent de savoir où nous en sommes.
    Le deuxième défi, c'est le fait que nous sommes une société exposée aux litiges. Bon nombre des personnes qui consultent un médecin ne veulent pas entrer dans une polémique avec lui au sujet de ce qu'elles doivent faire. Elles veulent un traitement. C'est la raison pour laquelle elles ont attendu pendant une demi-heure ou une heure avant de voir le médecin: elles veulent recevoir quelque chose. Alors, un des réflexes du médecin est de prescrire quelque chose, au lieu de se lancer dans une polémique ou une discussion. Nous aimerions que les médecins donnent de plus amples explications aux patients. Toutefois, certaines personnes seront insatisfaites si le médecin ne leur prescrit pas quelque chose après qu'elles ont attendu pendant plusieurs heures à l'urgence, par exemple. C'est un autre aspect du problème.
    Pour ce qui est de savoir à quel moment il faudra presser le bouton d’alarme, le fait d’avoir un très bon système de surveillance nous permettra de déclarer à quel moment, compte tenu du taux de résistance, on aura besoin d'utiliser un nouvel antibiotique disponible. Présentement, nous n'avons pas les chiffres qui justifieraient cette réaction. Je ne pense pas que nous y soyons en ce moment. D'après mon expérience, je sais avec certitude que les situations où cela pourrait arriver sont encore rares. Par contre, nous avons besoin d'un bon système de surveillance afin de réagir en temps et lieu.
(1705)
    Je suis quand même préoccupé lorsque je vous entends parler de ce réflexe qu'ont les médecins.
    Comment peut-on les aider à résister à la pression exercée par les patients qui veulent qu'on leur offre une solution facile, par exemple une ordonnance d'antibiotiques? C'est une roue sans fin. Sous cette pression, les médecins acceptent de leur prescrire des antibiotiques, et le problème s'en trouve amplifié. Ce n'est peut-être pas un problème à court terme, mais, à long terme, il s'aggrave.
    Je vous donne l'exemple des enfants des Pays-Bas et des pays nordiques atteints d'une otite.
    Une otite, tout simplement.
    On les observe pendant 48 heures avant de leur donner des antibiotiques. Au Canada, cependant, on a le réflexe de leur donner des antibiotiques, parce qu'une otite peut parfois provoquer une méningite, et cette infection, si elle n'est pas diagnostiquée, peut entraîner beaucoup de complications à long terme. Pour éviter un seul cas possible de complications néfastes, on traite une centaine de personnes aux antibiotiques. Compte tenu de la possibilité de litiges, c'est ainsi que la pratique médicale se fait. Je ne veux pas excuser le comportement de tout le monde, mais ce que je dis, c'est que certains médecins peuvent être incités à agir ainsi par crainte de poursuites éventuelles. Cela dit, j'ai un peu de compassion pour les gens en première ligne qui doivent réagir à ce problème.
    Il y a un autre aspect auquel nous n'avons pas beaucoup touché. Nous parlons de vaccins et de prescription d'antibiotiques, mais qu'en est-il en agriculture, particulièrement en ce qui a trait à la viande? Les méthodes agricoles se doivent d'être efficaces, économiques et rentables. Ces méthodes visent à ce qu'il y ait le moins de maladies possible chez les animaux d'élevage. On a maintenant le choix d'aller vers l'élevage bio, mais il y a d'autres éleveurs qui donnent des antibiotiques à leurs animaux. Cela a-t-il un effet sur la santé?
    Cela pourrait avoir un effet.
    J'ai lu le compte rendu des témoignages des gens de la société vétérinaire qui sont venus au Comité. Ils ont déclaré que ce n'était pas commun ici et que les vétérinaires évitaient d'utiliser des antibiotiques sans avoir une bonne raison. Selon ces témoignages, on ne les utilise pas pour la croissance, mais seulement pour prévenir ou traiter des infections. Cette pratique est donc préférable à celle qui consiste à les utiliser uniquement à des fins de croissance.
    C'est toujours une question d'équilibre. C'est la même chose en ce qui concerne les vaccins. On peut vacciner à outrance tout le temps, mais il faut rechercher un équilibre, à un moment donné.
    Vous avez dit que c'était l'état de santé des patients qui déterminait s'ils avaient besoin d'un vaccin ou non. Dans une perspective à long terme, une personne à la santé fragile aura besoin davantage d'un vaccin qu'une personne en bonne santé.
    Parfois, il n'existe pas de vaccin contre une infection donnée. Je pense aux infections bactériennes chez les patients hospitalisés. On n'a pas encore de vaccin contre les pathogènes néfastes que j'ai décrits.
    D'accord. Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Voilà qui met fin à notre période de questions de sept minutes.
    Maintenant, je vais céder le fauteuil à notre vice-présidente, Mme Gladu, qui va prendre la relève.
    Avez-vous des questions? Non.
    Merci.
(1710)
    Très bien. Merci.
    Je veux remercier les témoins qui ont pris la parole aujourd'hui. Votre témoignage nous est précieux. Il s'agit manifestement d'un problème encore plus grave que je le pensais auparavant. Merci beaucoup.
    Un témoin a affirmé qu'il y avait 10 recommandations. Je pense que c'était Mme Shevchuk. Si vous pouviez envoyer ces recommandations au greffier, ce serait vraiment utile à notre comité, au moment où nous nous penchons sur ce qu'il faut faire.
    Merci infiniment.
    Maintenant, nous allons passer aux travaux du Comité. Non?
    Il nous reste encore une série de questions de cinq minutes et une série de questions de trois minutes.
    Vous préféreriez faire cela? Nous ne pouvons pas rester plus tard que 17 h 30 aujourd'hui.
    D'accord.
    J'ai une question rapide. Le Comité est-il d'accord pour que je la pose?
    Je ne vois pas d'inconvénient à ce que vous posiez une question.
    Elle s'adresse au Dr Rau.
    Merci infiniment à tous les témoins de leur présence.
    Vous n'avez pas eu l'occasion d'aborder une quatrième recommandation dans votre déclaration préliminaire, soit la mise en œuvre d'initiatives mondiales pour l'élaboration de nouveaux antibiotiques. Voulez-vous dire quelques mots à ce sujet? Je souhaite obtenir quoi que ce soit que nous puissions ajouter aux recommandations à présenter.
    En outre, vous avez invoqué le besoin de surveillance. Nous avons beaucoup entendu parler du SCSRA, le Système canadien de surveillance de la résistance aux antimicrobiens. On vient tout juste de publier un rapport. N'est-il pas adéquat? Je suis curieux de connaître la raison pour laquelle la surveillance continue d'être perçue comme un problème.
    Je pense que le problème que pose le SCSRA — même s'il s'agit d'une très bonne première étape —, c'est qu'il n'est pas complet et qu'il ne prend pas le pouls de tous les endroits où des soins de santé sont prodigués.
    Non seulement nous avons besoin de connaître les hôpitaux universitaires où il y a un problème, mais nous avons également besoin de savoir où il n'y en a pas, afin que nous ne gaspillions pas de ressources à ces endroits. C'est l'argument de Brandon par rapport à Brampton que j'ai formulé.
    Parlant d'élaboration d'antibiotiques, j'ai cité un document de référence dans mes diapositives PowerPoint portant sur la filière de l'OMS. Sans vouloir entrer trop dans les détails, il y a quelques médicaments prometteurs, mais il y a un vide au chapitre des découvertes, et l'un des grands problèmes pour les grandes sociétés pharmaceutiques tient au fait qu'il n'est pas rentable d'élaborer un nouvel antibiotique. Ce dont on a vraiment besoin, maintenant, ce sont des initiatives financées par le gouvernement, de pair avec le milieu pharmaceutique, afin qu'il soit financièrement viable de suivre un traitement de courte durée.
    Si vous êtes une société pharmaceutique, vous voulez un médicament dont les gens peuvent devenir dépendants, comme les opioïdes. Si vous voulez un médicament qui rend les gens vraiment dépendants, vous voulez qu'ils en prennent pour toujours. Vous ne voulez pas qu'ils n'en prennent que pour 10 jours dans un hôpital. Il est vraiment difficile de rendre le médicament rentable, à moins que vous le vendiez à 10 000 $ le traitement.
    On a besoin d'un financement de la part du gouvernement de plusieurs pays, dans le cadre d'initiatives mondiales visant à apporter de nouvelles catégories de médicaments sur le marché. On fait fi de la tuberculose, une maladie qui touche des gens dans les pays en développement qui ne vont pas payer le prix courant. Ce sera comme ce qui est arrivé dans le cas des médicaments pour l'hépatite C, alors on a besoin d'initiatives de financement mondiales. Tout comme nous aidons d'autres organismes de l'ONU, nous devons faire notre part pour ce qui est de financer les stratégies d'élaboration de ces médicaments, en partenariat avec les sociétés pharmaceutiques, au lieu de compter sur ces sociétés, car elles ne vont pas le faire.
    Merci de m'avoir laissé poser cette dernière question.
    Pas de problème. Il s'agissait en fait de l'une de mes questions à moi aussi, alors j'ai été heureuse d'obtenir la réponse.
    Merci encore aux témoins. Nous allons suspendre brièvement la séance pendant que vous sortez de la salle, puis nous allons passer aux travaux de notre comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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