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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 142 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 avril 2019

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Nous commençons à l'heure pile.
    Conformément à l'ordre de renvoi adopté le mercredi 27 février 2019 et à la motion adoptée par le comité le jeudi 28 février 2019, le Comité poursuit son étude sur la précarité de l'emploi au Canada.
    Le premier intervenant sera M. Terry Sheehan, député de Sault Ste. Marie. Bien sûr, il est l'auteur de la motion 194.
    Je tiens à m'excuser, monsieur Sheehan, de ne pas avoir pu vous accorder de temps de parole la dernière fois. Nous espérons ne pas trop avoir à vous interrompre cette fois-ci. Les 10 prochaines minutes sont à vous, monsieur.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
     Je remercie infiniment tous les membres du Comité, le personnel, et particulièrement le mien, de tout le travail abattu à ce sujet. Je l'apprécie beaucoup.

[Français]

    Bonjour, cela me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.

[Traduction]

    Habituellement, comme le président l'a mentionné, je vous présenterais ma motion, mais je me trouve à comparaître après plusieurs excellents témoins. Je pense que vous avez probablement tous déjà une très bonne compréhension de ce que j'essaie d'accomplir avec la M-194.
    Pourquoi est-ce que je voulais que le Comité étudie l'emploi précaire au Canada? Je pense que le Canada doit pouvoir définir la notion d'emploi précaire d'une façon structurée et cohérente, de manière à ce que nous puissions reconnaître les vulnérabilités et les indicateurs éventuels qu’il est possible de cerner uniformément à l’échelle du pays. L'objectif est d'élaborer une politique qui ciblera les personnes qui en ont le plus besoin. Le coeur de cette motion, le résultat escompté le plus important est de jeter les meilleures assises possible pour concevoir une politique appropriée et pertinente.
    Ma circonscription de Sault Ste. Marie a connu sa part de difficultés en matière d'emploi. Quand on entend parler des collectivités qui y sont confrontées, c'est souvent en termes généraux, et l'on parle de faible revenu, de chômage et de ralentissement économique. Cependant, quand je suis allé frapper aux portes de mes électeurs pour qu'ils me parlent de leur journée, j'ai entendu des histoires personnelles bien plus complexes qu'une simple histoire de « chômage ». Il y avait des personnes qui avaient un emploi, mais qui avaient peur que leur contrat ne soit pas renouvelé. Il y avait des personnes qui travaillaient à temps plein, mais n'avaient pas de congés de maladie, ni de congés payés du tout. Il y avait des personnes qui cumulaient deux ou trois emplois à temps partiel pour réussir à toucher un salaire à temps plein.
    J'ai trouvé tout cela extrêmement intéressant. Je me suis mis à me demander à quel point ce genre de scénarios d'emploi était courant au Canada et qui ces réalités touchaient le plus. Comme je l'ai mentionné brièvement pendant l'un des témoignages, j'ai moi aussi eu à occuper ce qu'on pourrait considérer comme un emploi précaire, je travaillais à contrat pour le secteur public à titre de propriétaire d'entreprise. J'étais aussi travailleur autonome.
    En étudiant cette mosaïque de l'emploi incertain, j'ai constaté qu'il y avait énormément de recherches sur les diverses formes d'emplois précaires. J'ai été surpris de constater qu'il n'existait toutefois aucun consensus tangible sur ce qui définit l'emploi précaire et ceux qui en souffrent. Mais surtout, j'ai constaté qu'il n'y avait pas d'idée structurée de ce que nous pouvons faire pour contrer cela, parce qu'il y a trop de définitions différentes de l'emploi précaire au Canada.
    Par exemple, selon l'Organisation internationale du Travail, on entend généralement par emploi précaire un emploi où les droits et les protections sont inadéquats ou insuffisants. Cette définition peut s'appliquer à l'emploi informel, mais aussi à plusieurs formes d'emploi officiel, comme la sous-traitance, les contrats temporaires, le travail temporaire, certains types d'emploi autonome et le travail à temps partiel involontaire. Ces types d'emplois officiels sont considérés les plus précaires parce qu'ils sont associés à une sécurité et une stabilité financières moindres, en raison d'un salaire généralement bas, d'un faible accès à des avantages comme un régime de pension privé ou à une assurance santé complémentaire, ainsi que d'une plus grande incertitude quant au revenu d'emploi futur. Je pense que l'un des fondements clés de la définition doit clairement être la sécurité d'emploi par rapport à la sécurité du revenu. L'employeur détermine la sécurité d'emploi, mais nous pouvons prendre des mesures pour accroître la sécurité du revenu aussi, comme de légiférer pour imposer un revenu de base, une égalité de base et des normes sur les congés protégés.
    Comme les caractéristiques de l'emploi précaire varient énormément, il est difficile de l'étudier au moyen des statistiques actuelles sur la main-d'oeuvre. Les études actuelles mettent l'accent sur les types d'emplois les plus susceptibles d'exposer la personne à des conditions précaires. La semaine dernière, le Comité a entendu Colin Busby, coauteur d'un rapport avec l'Institut C.D. Howe intitulé Precarious Positions: Policy Options to Mitigate Risks in Non-standard Employment, auquel je renvoie dans mes recherches. M. Busby est une figure de proue de la recherche sur la politique en matière d'emploi. Il a ajouté des éléments très pertinents pendant son témoignage. Il a souligné que si Statistique Canada suit actuellement l'emploi non standard et que ses données sont utilisées dans les recherches sur l'emploi précaire, ce ne sont pas vraiment des données appropriées. Il précise que les données actuelles ne permettent pas d'établir statistiquement comment les différents groupes sociaux sont touchés par le phénomène. La définition de l'emploi précaire permettra de colliger des données plus appropriées.
(1105)
    De même, nous avons besoin de données pour évaluer les effets à long terme de la précarité sur les groupes les plus vulnérables à la précarité d'emploi. Qui est le plus susceptible de vivre de la précarité à long terme? Si les statistiques actuelles sont une mesure imparfaite de l'emploi précaire, les tendances et les effets de composition de ces statistiques nous procurent des indices importants sur l'état de la précarité d'emploi et son incidence sur la société canadienne.
    Certains groupes sont plus susceptibles que d'autres d'être confrontés à l'emploi précaire. Ce que les données actuelles de Statistique Canada nous montrent, c'est que si personne n'est à l'abri des effets de l'emploi précaire, les membres de certains groupes sont plus susceptibles d'occuper des emplois précaires que d'autres. Un rapport récent du Centre canadien de politiques alternatives intitulé No Safe Harbour permet de conclure que plus du cinquième des professionnels du Canada (22 %) occupent une forme d'emploi précaire au Canada, qu'il s'agisse de travail à temps partiel, de contrats ou de pige. Selon ce rapport, que je vous cite, le travail précaire « touche tous les secteurs professionnels, toutes les professions, tous les niveaux de rémunération, ainsi que tous les âges et toutes les étapes de la carrière ».
    Cependant, en ce qui concerne les femmes, comme on l'a dit, plusieurs études montrent clairement que le marché du travail joue contre elles. Autrement dit, les femmes sont démesurément touchées par l'emploi précaire. Les professionnelles sont plus susceptibles que leurs homologues masculins d'occuper un emploi précaire, puisque les femmes représentent 60 % de tous les professionnels qui occupent un emploi précaire. En 2017, 62 % des travailleurs occupant un emploi à temps partiel involontaire et 52 % des travailleurs temporaires étaient des femmes. Les nouveaux arrivants sont également extrêmement à risque d'y être confrontés.
    Malheureusement, on ne peut pas compter sur l'âge ni sur l'expérience pour l'éviter non plus. Les données indiquent une hausse de l'emploi précaire chez les 55 ans et plus, de même que chez ceux qui cumulent au moins 10 ans d'expérience dans leur profession. On parle là de personnes qui ne sont qu'à 10 ou 15 ans de la retraite. Si elles ne peuvent pas mettre d'argent de côté pour assurer leur retraite, comment s'en tireront-elles plus tard?
    Les jeunes travailleurs sont les plus susceptibles d'occuper un emploi précaire. Selon Statistique Canada, en 2017, 32 % des travailleurs de 15 à 24 ans occupaient un emploi temporaire, comparativement à 10 % des 24 à 55 ans et à 11 % des 55 ans et plus.
    Pour ce qui est de l'éducation, il est intéressant de souligner que le niveau de scolarité ne suffit pas à lui seul pour se prémunir contre ce problème. Selon ce sondage, les professionnels en situation d'emploi précaire sont plus susceptibles d'avoir un diplôme postsecondaire — dans une proportion de 30 % — que ceux qui n'occupent pas d'emploi précaire, dans une proportion de 23 %.
    De même, le fait d'occuper un emploi à temps plein ne suffit pas toujours à éviter la précarité, puisque 26 % des travailleurs en situation précaire auraient un emploi à temps plein. Le plus souvent, l'insécurité associée à ces emplois vient de l'absence de congés de maladie ou d'un régime de retraite.
    De même, une étude de la Commission de l'Ontario conclut qu'il n'y a pas que les jeunes et les femmes qui sont surreprésentés parmi les personnes à occuper un emploi précaire, c'est la même chose des personnes racialisées, des immigrants, des Autochtones des personnes handicapées et des travailleurs les plus âgés. C'est ce que nous ont confirmé les témoins qui ont comparu devant le Comité. Ils ont aussi mis en relief le lien de cause à effet entre l'emploi précaire et la pauvreté chez les enfants et les personnes âgées.
    Les données montrent aussi que l'emploi précaire est plus courant dans les conditions de travail de certains secteurs. Ainsi, la proportion d'employés temporaires est plus marquée en éducation, en information, en culture et loisirs ainsi qu'en agriculture. Les témoins ont aussi mentionné l'industrie du camionnage sous réglementation fédérale, les contrats gouvernementaux précaires et la sous-traitance, qui sont problématiques.
    Dans certains secteurs, il y a un grand nombre de travailleurs temporaires et de travailleurs autonomes. Il s'agit notamment de la culture et des loisirs, de la construction, de la santé et l'aide sociale. D'autres secteurs, comme ceux de l'éducation, de l'hôtellerie, de l'alimentation, du commerce de gros et de détail affichent un plus grand nombre de travailleurs temporaires que de travailleurs autonomes. D'autres encore, comme ceux des services professionnels, scientifiques et techniques et de l'agriculture, affichent un plus grand nombre de travailleurs autonomes que de travailleurs temporaires. Le travail autonome n'est généralement pas synonyme de précarité, puisque c'est un choix, d'où l'importance d'établir des indicateurs.
    Il ne fait aucun doute qu'il y a beaucoup de préoccupations socioéconomiques légitimes concernant les employés vulnérables occupant un emploi précaire. La combinaison du faible revenu, du manque de contrôle sur l'horaire, de l'absence d'avantages sociaux comme d'un fonds de pension et de prestations de santé, de congés personnels d'urgence ou de congés de maladie ou d'une partie de ces facteurs crée beaucoup d'incertitude, d'anxiété et de stress, ce qui mine la qualité de vie et le bien-être physique d'un vaste éventail de travailleurs et de familles dans notre société.
    Je suis reconnaissant d'avoir pu entendre les questions réfléchies et inspirantes des membres du Comité pendant les témoignages et d'avoir pu entendre autant de témoins chevronnés sur cette question jusqu'à maintenant. Ils nous ont donné des pistes de solutions et nous ont présenté leurs points de vue sur les éléments problématiques. Surtout, leur expérience dans ce domaine et inestimable.
    Les problèmes et les droits varient d'une province à l'autre. Y a-t-il des caractéristiques régionales associables à l'emploi précaire? Ce sera à définir. Les travailleurs n'ont plus de voix lorsqu'ils occupent un emploi temporaire. Nous l'avons entendu aussi. De même, la relation entre les agences de placement temporaire, les clients et les travailleurs crée de la confusion ou le non-respect de la réglementation. Les troubles de la santé mentale augmentent. La dépression, l'anxiété et la faible estime de soi, conjuguées à l'absence de définition sont telles que nous n'avons pas de politique efficace à ce sujet.
(1110)
    L'économie à la demande ou de partage peut offrir de la souplesse aux travailleurs. Certaines personnes choisissent des formes d'emploi différentes par désir de souplesse ou de satisfaction personnelle. Elles peuvent trouver que cela correspond à leur mode de vie. Le paysage change dans le marché du travail, avec l'innovation et l'évolution technologique, ce qui provoque une transformation profonde de la main-d'oeuvre au Canada. Les travailleurs qui ne sont pas considérés comme des employés ne se font pas émettre de T4 et par conséquent, ils ne bénéficient pas de cotisations d'employeur au RPC, entre autres choses. Nous avons entendu parler d'employés et d'employeurs qui ont eu des problèmes avec l'ARC parce que les accords qu'ils voulaient conclure ne correspondaient pas à la définition des exigences de l'ARC.
    En juillet 2018, la BMO a publié un rapport sur l'économie à la demande, selon lequel 85 % des entreprises sondées prévoyaient adopter de plus en plus les principes du milieu de travail agile. Les employeurs estiment que d'ici quelques années, près du quart de l'effectif travaillera en ligne ou à distance. Il ne fait aucun doute que l'innovation est un aspect positif de l'évolution du travail, mais si l'innovation change la façon dont nous vivons et travaillons, si elle nous ouvre des portes, elle vient aussi avec de nouveaux défis pour les Canadiens.
    La nature du travail change, et nous devons comprendre comment cela se répercute sur nos travailleurs pour que nous puissions mieux protéger les Canadiens. Quel rôle les syndicats jouent-ils dans ce nouveau monde du travail? Le modèle des groupes de travailleurs syndiqués tels qu'on les connaît est-il toujours efficace pour défendre les travailleurs? Est-il pertinent dans l'économie à la demande ou informatique?
    Nous avons entendu d'excellents témoignages de personnes comme Francis Fong, qui a nommé beaucoup de choses. Nous avons aussi entendu d'excellentes questions. Je pense aux questions de Mme Falk à la chambre de commerce, à l'issue desquelles les témoins ont convenu qu'il fallait offrir plus de formation et faire preuve de plus de sensibilité culturelle.
    Merci beaucoup. Je vous remercie infiniment de m'avoir fourni cette occasion de vous présenter mon exposé pour alimenter vos discussions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Sheehan.
    J'entends le timbre retentir, donc je vous demanderais votre consentement unanime pour que nous puissions continuer.
    Ai-je votre consentement?
    Très bien. Nous reviendrons après les votes.
    Merci.
(1110)

(1200)
    Un peu de silence, s'il vous plaît.
    Est-ce que j'ai le quorum?
    Nous sommes six. Très bien, reprenons la séance.
    Bon retour à tous.
    Nous changerons un peu l'horaire, compte tenu du fait que nous avons été interrompus par des votes. Voici ce qui me semblerait juste, pour que Terry soit entendu et que nous ayons l'occasion de lui poser des questions. Je permettrai une question de chaque côté de la table. Vous pourriez vous en tenir à environ cinq minutes, parce que nous devons toujours entendre les fonctionnaires. Si on fait le calcul, cela fera à peu près le même temps pour Terry et les autres témoins.
    Pour commencer, je donnerai la parole à Mme Falk, qui aimerait poser la première question.
    Allez-y.
(1205)
    Merci, monsieur Sheehan, d'être parmi nous.
    Vous avez évoqué, dans votre exposé, l'idée de légiférer sur un revenu de base. Pouvez-vous nous en parler un peu plus? Qu'entendez-vous par là?
    En gros, j'ai mentionné que nous avions entendu le témoignage de divers spécialistes qui sont venus nous parler de l'emploi précaire. Il y a deux choses qu'ils ont mentionnées sur la précarité qui ont vraiment semblé nous frapper. Il y a d'abord la question de la sécurité du revenu, que je n'oserai pas placer en opposition avec la sécurité d'emploi, parce qu'elles sont très similaires sur le spectre. Je ne crois pas qu'elles soient diamétralement opposées, je pense que ce sont deux concepts qui se croisent quelque part au centre.
    La législation à laquelle je faisais allusion devrait prendre la forme d'un projet de loi du gouvernement sur la façon exacte dont nous pouvons accroître la sécurité personnelle de ceux qui occupent un emploi précaire, par un soutien financier ou des prestations de santé ou toutes sortes d'autres choses mentionnées dans les témoignages.
    Nous avons aussi entendu parler de l'importance des changements récents apportés par le gouvernement, au moyen du projet de loi C-86, entre autres, qui confère une plus grande souplesse aux travailleurs et leur permet d'obtenir des congés. Ce serait un exemple de projet de loi qui a été déposé et dont on a parlé. C'est ce à quoi je faisais allusion.
    Très bien. Merci.
    Vous avez dit que le marché du travail jouait contre les femmes. Comment le savons-nous ou y a-t-il un moyen de distinguer quelles femmes voudraient travailler...? Je connais beaucoup de femmes qui préfèrent travailler à temps partiel en raison de la souplesse que cela leur procure pour les enfants, l'école et ce genre de choses, c'est un choix. Avons-nous une idée du pourcentage des femmes qui trouvent que le marché du travail les désavantage, par rapport à celles qui veulent travailler à temps partiel pour être plus présentes auprès de leur famille, si possible?
    Ces questions sont très pertinentes, de même que toute la réflexion sur ce qui constitue de l'emploi précaire et ce qui n'en constitue pas. Il y en a qui choisissent de travailler dans certaines conditions parce qu'ils estiment que cela répond à leurs besoins; ils peuvent choisir de travailler à temps partiel, et il peut s'agir autant d'hommes que de femmes.
    Mes recherches me montrent toutefois que le marché joue contre les femmes, même celles qui prennent un congé de maternité pour s'occuper de leurs enfants pendant quelque temps. Quand elles réintègrent le marché du travail ensuite, il leur faut beaucoup plus de temps pour rattraper leurs homologues masculins, si l'on veut.
    Qu'est-ce qui prend plus de temps?
    En gros, il leur faut du temps pour retrouver un emploi à temps plein, pour cesser de travailler à contrat et décrocher un emploi à temps plein. C'est fréquent.
    Je pense qu'Allyson Schmidt, qui a témoigné devant le comité en est un bon exemple. Cette mère monoparentale a dû occuper cinq emplois différents, pour gagner environ 25 000 $ par année, sans avantages sociaux, sans congés de maladie.
    Le marché joue donc contre les femmes, selon mes recherches, puisque tout bien considéré, 60 % des emplois précaires sont occupés par des femmes plutôt que des hommes.
    Oui, et je pense qu'une bonne définition nous permettrait de mieux circonscrire le phénomène, puis d'obtenir des chiffres plus représentatifs.
    Vous avez déclaré que 22 % des professionnels canadiens occupent un emploi précaire. De quels types de professionnels parlez-vous?
    C'est une excellente question. C'est un peu plus que cela, je pense que c'est environ... Je dois vérifier. Je m'excuse, vous avez raison. Ce sont 22 % des professionnels canadiens qui ont une quelconque forme de précarité d'emploi. Ce qui est intéressant, et révélateur, c'est que les titulaires d'un diplôme postsecondaire sont 30 % plus susceptibles d'occuper un emploi précaire que ceux qui n'ont pas de diplôme postsecondaire, chez qui cette probabilité est de 20 %.
    Je me suis demandé pourquoi. C'est la raison pour laquelle il nous faut une définition. J'ai posé la question aux gens de la Chambre de commerce du Canada et de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante pour comprendre dans quels domaines ce phénomène est le plus présent. Ils m'ont répondu qu'il n'y avait pas de définition du travail précaire et donc, qu'ils ne pouvaient pas vraiment me répondre. Je me souviens que c'est la femme qui représentait la Chambre de commerce qui l'a dit.
    Si vous relisez le témoignage de M. Fong, vous verrez qu'il a lui aussi indiqué qu'il y a beaucoup de professionnels qui travaillent... Il a dit que même les comptables qu'il représente sont exposés au travail précaire pour diverses raisons, y compris à cause des changements technologiques qui poussent beaucoup de personnes à faire une grande partie de leur comptabilité de base par Internet, alors que bon nombre d'entre elles ne sont pas qualifiées dans ce domaine. L'objectif de cette étude est, entre autres, de mieux comprendre quels sont les domaines et les professions touchés.
    Merci beaucoup.
    Dan, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Sheehan, d'être ici aujourd'hui. J'aurais aimé avoir un peu plus de temps avec vous.
    Vous avez assisté aux témoignages de quelques témoins, dans le cadre de notre étude. D'après les témoignages entendus jusqu'à maintenant, quelles mesures souhaiteriez-vous qu'EDSC prenne?
(1210)
    J'ai hâte d'entendre les témoignages qui suivront le mien, mais je pense que pour commencer, évidemment, il nous faut surtout une définition nationale du travail précaire, parce que sans cela, nous utilisons toutes sortes de conceptions différentes et d'études différentes pour comprendre la précarité. Lorsqu'elle sera mieux définie, je pense que les mesures que le ministère pourra prendre... Comme je l'ai dit dans mes allocutions à la Chambre, le monde n'a jamais changé si vite et il ne changera jamais plus lentement.
    Je pense qu'il y a tellement de changements qui s'opèrent que le gouvernement doit envisager différentes façons d'établir des politiques et peut-être même des lois pour aider les personnes en situation d'emploi précaire. Vous pouvez aussi commencer par vous-même, si vous voulez. Je veux dire que le gouvernement a des pouvoirs et qu'il peut agir assez vite sur ce qui se passe dans l'appareil gouvernemental, donc il pourrait établir à qui s'applique la définition du travail précaire au sein de l'appareil gouvernemental ou dans les secteurs sous réglementation fédérale, par exemple. Il me vient à l'esprit l'exemple du projet de loi sur l'équité salariale adopté proactivement par le Parlement.
    Vous avez parlé d'équité salariale et de normes du travail modernes. Vous avez aussi traité comme mon collègue de la situation des femmes au sein de la population active. Considérez-vous que l'équité salariale peut contribuer à réduire la précarité de l'emploi?
    Oui, certainement. C'est assurément l'un des outils à notre disposition. Nous convenons tous au sein de notre société qu'il n'est pas vraiment équitable que deux voisins de bureau qui accomplissent le même travail au sein d'un même ministère ne soient pas rémunérés de la même manière. On ne peut pas en pareil cas parler d'équité, car il s'agit plutôt de précarité d'emploi alors qu'une de ces personnes, peu importe son sexe, reçoit un plein salaire et bénéficie de toute la gamme des avantages sociaux, notamment pour ce qui est de la pension et des congés de maladie, alors que ce n'est pas le cas pour le ou la collègue qui travaille à ses côtés. L'équité salariale est un pas dans la bonne direction. Je serais certes prêt à affirmer que les efforts déployés en matière d'équité salariale témoignent bien de la nécessité de pouvoir compter sur une définition de l'emploi précaire.
    Vous êtes de Sault-Ste-Marie, une petite ville du Nord. Ma propre circonscription de Pitt Meadows—Maple Ridge est composée d'un mélange de petites villes et de collectivités rurales. Croyez-vous qu'il y ait une différence entre les petites localités comme celles que nous représentons et les grands centres comme Toronto, Montréal et Vancouver? Le cas échéant, quelles seraient les répercussions pour des collectivités comme les nôtres?
    C'est une excellente question. Cela nous ramène au témoignage aussi percutant qu'émouvant d'Allyson Schmidt qui est également de Sault-Ste-Marie. Allyson travaille dans notre ville où elle met les bouchées doubles pour subvenir aux besoins de sa famille. Comme vous le savez, elle cumule pas moins de cinq emplois pour en arriver à des revenus de 25 000 $ par année. Allyson, comme tous ceux et celles qui se retrouvent dans la même situation dans des circonscriptions comme les nôtres, n'a pas la possibilité de déménager dans une ville toute proche. À partir de Sault-Ste-Marie, il faut compter de trois heures et demie à quatre heures de route pour se rendre à Sudbury, la ville d'importance la plus rapprochée. Si vous partez plutôt vers l'ouest, il vous faudra huit heures pour atteindre Thunder Bay. La situation est même encore plus difficile pour ceux qui ont un emploi précaire dans un secteur rural ou semi-rural du Canada, car les perspectives y sont très limitées. Je ne veux pas dire par là que ceux qui ont un emploi précaire à Toronto, Vancouver, Montréal et Halifax ne vivent pas une situation pénible. Ils s'exposeraient toutefois à des adversités encore plus grandes dans une petite localité rurale ou semi-rurale du Canada.
(1215)
    Merci.
    Madame Sansoucy, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Sheehan.
    Comme vous l'avez bien démontré dans votre présentation, ce qui sous-tend votre motion, c'est qu'il nous faut établir une définition. Vous m'avez entendue, j'ai demandé à plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité si nous pouvions utiliser la définition de l'Organisation internationale du travail comme base. Vous l'avez dit tantôt, il n'y a pas de consensus qui se dégage, et tous les témoins m'ont répondu qu'il était difficile de donner une définition précise, parce qu'elle sera nécessairement restrictive. D'une part, votre motion vise à établir une définition pour cibler les objectifs et les solutions du gouvernement au sujet de la précarité de l'emploi. D'autre part, nous savons aussi qu'une définition n'aidera pas les Canadiens qui se trouvent actuellement dans une situation d'urgence.
    À la lumière de ces témoignages montrant la difficulté d'établir une définition, ce qui est vraiment le fondement de votre motion, quelle pourrait être notre recommandation au gouvernement? .

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Merci de votre question. Elle est vraiment très importante.

[Traduction]

    La question va me permettre de revenir à certains témoignages d'experts que nous avons entendus, car je n'ai pas eu le temps de le faire en raison des votes. Je pense notamment à ce que nous a dit Francis Fong. Comme vous le savez, il est économiste en chef pour les Comptables professionnels agréés du Canada. J'ai trouvé très intéressant ce qu'il avait à nous raconter. Selon lui, toute définition de l'emploi précaire devrait débuter par un énoncé du problème que l'on souhaite régler, c'est-à-dire une situation où les gens risquent sans cesse de retomber dans la pauvreté. Je suis d'accord avec lui. Une telle définition devrait aussi traiter des revenus instables et du travail dangereux. Nous avons aussi entendu un témoignage dans le même sens d'un professeur de l'Université d'Ottawa. Nous devrions diviser la définition en différentes composantes, selon les diverses questions à régler. Une définition utilisée aux fins de la réglementation doit être claire et précise. Je pense que c'est un autre principe qu'il convient de respecter.
    Vous vous souvenez sans doute de quelques-unes des solutions qui ont été mises de l'avant. Comme le partenariat est nécessaire pour que ces solutions soient efficaces, il faut que le gouvernement et le secteur privé puissent concerter leurs efforts. La formation permettant de s'adapter à l'évolution technologique est une autre piste de solution. Des témoins n'ont pas cessé de nous le répéter. Le président du Centre Pearson nous a dit qu'il fallait offrir de la formation en entrepreneuriat, et ce, dès l'école secondaire, plutôt que pour ceux qui sont déjà sur le marché du travail. C'est ce que nous a dit également la représentante de la Chambre de commerce du Canada en réponse à une question de Mme Falk. Je crois que cela fait partie des éléments très importants à prendre en considération en même temps que la notion de continuum de la précarité et les mesures de soutien, notamment pour l'enseignement, mais j'en ai déjà parlé...
    Voilà donc certains des facteurs qu'il m'apparaît vraiment nécessaire de prendre en compte pour en arriver à une définition englobant tous les aspects.

[Français]

    Comme M. Fong et vous l'avez souligné, il est important aussi de faire le lien avec la pauvreté. Vous en avez parlé tantôt quand vous disiez que les revenus des femmes étaient plus faibles et qu'elles occupaient encore des emplois traditionnellement moins bien payés.
    Plus tôt dans la discussion, nous avons parlé du revenu minimum garanti qui, comme les projets pilotes menés au Manitoba et en Ontario, peut aussi être une piste de solution.
    D'ailleurs, pensez-vous que nous pourrions recommander que le gouvernement fédéral emboîte le pas afin d'assurer la poursuite de ces projets pilotes et que nous documentions mieux la question du revenu minimum garanti? Dans le fond, dans le cadre de votre motion, il faudrait que nos recommandations permettent d'avancer dans cette direction.

[Traduction]

    Une réponse très brève, s'il vous plaît.
    Je suis certes d'avis que c'est une avenue qu'il vaut la peine d'explorer, car cela fait effectivement partie des choses que le gouvernement pourrait faire. Je suggérerais donc que nous examinions cette piste de solution. Il y a d'autres mécanismes législatifs et stratégiques auxquels le gouvernement pourrait assurément avoir recours, notamment pour ce qui est des congés et des mesures semblables, mais c'est à n'en pas douter une possibilité à considérer.
    Merci.
(1220)
    Merci beaucoup.
    Nous sommes malheureusement rendus à la fin de cette portion de notre séance d'aujourd'hui.
    Terry, nous sommes vraiment ravis d'avoir pu vous accueillir et nous vous remercions très sincèrement d'avoir proposé cette étude.
    Ne vous éloignez pas trop, car nous allons interrompre nos travaux seulement quelques instants, le temps que nos fonctionnaires s'installent. Dès qu'ils seront prêts, nous pourrons reprendre.
    Merci.
(1220)

(1220)
    Nous poursuivons notre étude sur la précarité de l'emploi au Canada.
    Nous accueillons pour ce faire cet après-midi des représentants du ministère de l'Emploi et du Développement social. Il s'agit de M. Andrew Brown, directeur général, Politiques de l'assurance-emploi, Direction générale des compétences et de l'emploi; de Mme Barbara Moran, directrice générale, Direction de la politique stratégique, de l'analyse et de l'information sur les milieux de travail, Programme du travail; et de M. Éric Michaud, directeur, Division de l'analyse économique, Direction de la politique économique.
    Nous recevons également deux représentants de Statistique Canada, soit Mme Josée Bégin, directrice, Division de la statistique du travail; et M. Vincent Dale, directeur adjoint, Direction de la statistique du travail.
    Merci à vous tous de votre présence aujourd'hui.
    Nous allons débuter du côté du ministère de l'Emploi et du Développement social.
    Monsieur Michaud, les 10 prochaines minutes sont à vous.

[Français]

    Bonjour, monsieur le président, monsieur le vice-président, madame la vice-présidente et distingués membres du Comité.
    Je suis ici pour vous parler de la précarité de l'emploi au Canada. Je suis accompagné, comme vous l'avez mentionné, de M. Andrew Brown, directeur général, Politiques de l'assurance-emploi, et de Mme Barbara Moran, directrice générale, Programme du travail.
    Comme vous l'avez entendu à plusieurs reprises au cours des deux dernières semaines, la notion d'emploi précaire est large, et il n'y a toujours pas de consensus concernant une définition claire de cette notion au Canada et dans le monde. Par exemple, certaines organisations internationales ont tenté de définir la notion de qualité des emplois et ce que sont les conditions de travail précaires.
    L'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, a élaboré un cadre conceptuel destiné à mesurer et à évaluer la qualité des emplois en analysant trois dimensions: la qualité des revenus, la sécurité du marché du travail et la qualité du milieu de travail. Dans le même ordre d'idées, l'Organisation internationale du travail, ou OIT, a proposé quatre conditions qui définissent les emplois précaires: un salaire peu élevé, une mauvaise protection en cas de perte d'emploi, un manque d'accès à des mesures de protection sociale et à des avantages sociaux, et des possibilités limitées d'exercer ses droits.
(1225)

[Traduction]

    Dans l'ensemble, la précarité de l'emploi englobe tout un éventail de facteurs qui contribuent à déterminer si une certaine catégorie d'emploi expose les travailleurs à une instabilité de l'emploi, à un manque de protection juridique ou à une vulnérabilité sur les plans social et économique.
    En plus de l'absence d'une définition claire de la précarité de l'emploi, les données pour mesurer ces aspects du travail sont encore très limitées. Par exemple, nous manquons de données chronologiques. On a donc souvent recours à des données indirectes pour parler de la précarité de l'emploi. Les indicateurs comprennent les emplois atypiques (c.-à-d. les emplois à temps partiel, les emplois temporaires et le travail autonome), les emplois faiblement rémunérés, le taux de protection syndicale et l'accès à un régime de retraite et à des avantages sociaux.
    Bien que la prévalence de l'emploi atypique fasse partie des indicateurs les plus couramment utilisés, il s'agit souvent d'une mesure inadéquate pour évaluer la précarité de l'emploi. En outre, cet indicateur peut être trompeur. La proportion des emplois atypiques par rapport au nombre total d'emplois est restée relativement stable au Canada depuis les années 1990. Ces emplois comptent pour environ 38 % du total des emplois depuis cette décennie. Des tendances semblables ont été observées en ce qui concerne les emplois faiblement rémunérés.
    Cependant, ce ne sont pas tous les travailleurs occupant un emploi atypique qui ont un emploi de piètre qualité ou qui se trouvent dans une situation précaire. Il y a de nombreux exemples à cet égard: les professionnels bien rémunérés travaillant à leur compte comme les médecins, les dentistes, les avocats et les comptables; les gens d'affaires qui ont du succès; de même que les travailleurs contractuels à salaire élevé dans le secteur de la technologie de l'information.
     De plus, certains peuvent également choisir d'occuper un emploi atypique pour des raisons personnelles, pour prendre soin de leurs enfants ou pour retourner aux études. Environ les trois quarts des travailleurs à temps partiel choisissent volontairement ce type d'emploi.
    Par ailleurs, même les travailleurs qui occupent un emploi traditionnel peuvent se trouver dans une situation précaire. C'est le cas par exemple s'ils ont des incertitudes quant à la durée de leur emploi ou s'ils touchent un salaire peu élevé et n'ont pas accès à des avantages sociaux. C'est pourquoi l'emploi atypique est un mauvais indicateur de la précarité de l'emploi.

[Français]

    Étant donné que la précarité existe tant chez les travailleurs occupant un emploi traditionnel que chez ceux occupant un emploi atypique, il est aussi nécessaire de mieux comprendre la précarité de l'emploi chez divers groupes au sein de la population. En général, les femmes sont plus susceptibles que les hommes d'occuper un emploi atypique, et elles doivent souvent composer avec des conditions de travail plus précaires que celles des hommes. Un écart persiste entre les deux sexes en ce qui concerne le salaire horaire et les revenus annuels.
    De même, les travailleurs âgés sont plus susceptibles d'occuper un emploi atypique, surtout un emploi à temps partiel, ou d'être des travailleurs autonomes. Les jeunes sont également plus susceptibles que les autres travailleurs d'occuper un emploi atypique, surtout en raison de la flexibilité qu'offre ce type d'emploi pour les étudiants.
    À l'heure actuelle, nous disposons de peu de renseignements pour déterminer si d'autres groupes vulnérables, comme les membres des minorités visibles, les Autochtones, les personnes handicapées et les immigrants récents, sont plus susceptibles que les autres groupes d'occuper un emploi atypique.
    Pendant que nous réfléchissons à l'avenir du travail, les changements technologiques continuent d'avoir une incidence et pourraient éventuellement changer la nature même du travail. Ces changements mènent à de nouvelles formes de travail et peuvent créer une plus grande insécurité d'emploi chez certaines personnes. Ainsi, il sera important d'obtenir de meilleurs renseignements sur l'emploi précaire et les changements technologiques.
    Il demeure très difficile d'évaluer les répercussions qui seront liées à l'automatisation, et il est évident que certains groupes de Canadiens pourraient être plus touchés. Il s'agit, par exemple, de personnes faisant partie de groupes surreprésentés dans les emplois peu spécialisés offrant des salaires peu élevés, ou des personnes qui occupent des emplois routiniers.
    Nous craignons également qu'en raison de l'émergence d'emplois sur les plateformes numériques, par exemple Uber, plus de travailleurs risquent de se retrouver dans une situation précaire si ces emplois entraînent un affaiblissement du lien employeur-employé.
(1230)

[Traduction]

    Bien qu'un grand nombre de politiques et de programmes relatifs au marché du travail aient été conçus en grande partie pour contribuer à mitiger les risques encourus par les travailleurs et les chercheurs d'emploi, elles exigent souvent l'établissement d'un lien employeur-employé et l'accumulation d'un nombre d'heures de travail suffisant pour établir son admissibilité, comme c'est le cas pour le régime d'assurance-emploi.
    L'étude sur la précarité de l'emploi que vous menez pourrait également contribuer à alimenter le débat sur l'adaptabilité des règles d'admissibilité pour les travailleurs occupant un emploi précaire et favoriser l'amélioration des programmes de notre ministère à leur intention. En outre, votre étude pourrait faire le lien avec la modernisation des normes fédérales du travail en vertu du Code canadien du travail.
    En 2017 et en 2018, le gouvernement a apporté, par l'entremise de la Loi d'exécution du budget, plusieurs modifications au Code canadien du travail qui garantissent, entre autres, un traitement et une rémunération équitables aux travailleurs qui occupent un emploi précaire. Le fait de mieux comprendre la précarité de l'emploi pourrait nous aider à surveiller les résultats de ces modifications législatives et à orienter l'élaboration des futures politiques.
    Votre étude pourrait être menée en parallèle avec le travail qui est effectué actuellement par le Comité indépendant d'experts sur les normes du travail fédéral modernes qui a été créé récemment par la ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'oeuvre et du Travail. Ce comité se penche sur plusieurs questions liées au travail précaire, comme la protection des normes du travail s'appliquant aux travailleurs qui occupent un emploi atypique et le salaire minimum.
    En résumé, bien qu'il y ait des similarités entre les définitions utilisées ailleurs dans le monde, il n'existe pas une définition universelle de la précarité de l'emploi. En outre, le manque de données constitue un autre défi important que doivent affronter le gouvernement et les personnes à l'extérieur du gouvernement. Je vais laisser mes collègues de Statistique Canada vous donner des détails sur le travail qui est effectué dans le but de surmonter ces défis.
    Je tiens à remercier le Comité de nous donner la chance d'exprimer nos points de vue dans le cadre de son étude de la précarité de l'emploi au Canada. Mes collègues et moi-même serons ravis de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous passons aux représentants de Statistique Canada.
    Madame Bégin, vous avez 10 minutes.

[Français]

    Monsieur le président et honorables membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole aujourd'hui pour vous parler de la précarité de l'emploi au Canada.
    Statistique Canada mesure des aspects clés du marché du travail depuis au moins les années 1980 et, dans plusieurs cas, depuis 1976. J'aimerais utiliser mon temps de parole pour vous donner un aperçu de nos sources de données et de certaines des principales observations liées à la précarité de l'emploi. J'aimerais aussi vous donner une idée de nos priorités au cours des années à venir, surtout pour ce qui est de combler les lacunes en matière de statistiques et de répondre aux réalités d'une économie de plus en plus numérique.
    Je tiens à souligner qu'en plus de nos sources de données courantes, nous avons une grande capacité de recherche, et nous serions heureux de travailler avec le Comité pour examiner toute question ou tout sujet de recherche spécifique que vous pourriez avoir.
    Comme mon collègue d'EDSC l'a mentionné, il n'existe pas encore de définition unique de la précarité de l'emploi, que ce soit au Canada ou à l'étranger. À Statistique Canada, nous préférons penser à la précarité de l'emploi comme un ensemble d'éléments multidimensionnels à considérer. Pour les besoins de la présentation d'aujourd'hui, on entend par précarité l'insécurité de l'emploi ou du revenu.
    Cette insécurité peut être considérée comme une série de risques, certains directement liés à la relation travailleur-employeur, d'autres à la famille et d'autres qui concernent l'économie en général et les protections sociales.
    Un emploi peut être précaire s'il comporte une ou plusieurs des caractéristiques suivantes: les salaires, les heures de travail ou les avantages sociaux sont insuffisants pour subvenir aux besoins d'une personne ou d'une famille; la relation travailleur-employeur est temporaire ou offre des perspectives de carrière limitées; ou encore les conditions de travail sont stressantes ou dangereuses.
    Les risques ou le degré de précarité auxquels doit faire faire une personne ou une famille peuvent augmenter si les grandes tendances économiques, comme la concurrence internationale ou le changement technologique, mettent certaines industries ou professions en danger, et les risques peuvent augmenter ou diminuer en raison des protections sociales auxquelles ont accès les travailleurs et leurs familles.
    Compte tenu de ces définitions, j'aimerais me pencher sur trois séries de questions liées à la précarité de l'emploi.
    La première série de questions porte sur les tendances relatives aux formes d'emploi au cours des dernières décennies. Si nous considérons un emploi typique comme un emploi permanent à temps plein qui comprend des avantages sociaux comme un régime de pension, les données montrent clairement que l'emploi typique est devenu moins courant depuis les années 1980, en particulier chez les jeunes travailleurs.
(1235)

[Traduction]

    Il est important de noter les différences entre les hommes et les femmes pour la période en question. À titre d'exemple, on observe que les taux de syndicalisation et d'accès à un régime de pensions sont relativement stables pour les femmes depuis 1981 alors qu'ils ont diminué pour les hommes. C'est le résultat de différentes tendances sous-jacentes, y compris une participation accrue des femmes dans des secteurs ayant des taux élevés de syndicalisation comme l'administration publique, les services sociaux et de santé et l'éducation.
    Pendant que les tendances relatives à l'emploi traditionnel et atypique ressortent assez clairement, nous avons droit à certains signaux contradictoires concernant la précarité de l'emploi lorsque nous examinons de façon plus large nos données sur le marché du travail. À titre d'exemple, nous constatons depuis la fin des années 1990 une diminution de la proportion des employés qui gagnent moins de 15 $ l'heure. De la même façon, l'analyse des données nous indique que les taux de mise en disponibilité ont diminué depuis 1981, ce qui va à l'encontre de la perception voulant que le marché du travail offre de moins en moins de stabilité et de sécurité.
    Nous nous sommes intéressés dans un deuxième temps à la contribution de l'emploi atypique à l'économie canadienne. En plus de l'évolution des pratiques en usage au sein même des différentes industries, nos données indiquent que la hausse de l'emploi atypique — comme l'emploi temporaire, le travail autonome sans employés et le travail à temps partiel — témoigne d'une baisse continue de l'importance relative des secteurs produisant des biens à la faveur des secteurs des services. La contribution de l'emploi atypique à l'emploi total est par exemple quatre fois plus élevée pour les services professionnels, scientifiques et techniques, qui comprennent les services juridiques, de comptabilité, de conception et de recherche, que pour la fabrication. Ces chiffres n'ont pas beaucoup bougé depuis 1997, la contribution de chaque type d'emploi dans ces deux secteurs étant remarquablement stable.
    Le nombre total d'emplois dans le secteur de la fabrication a toutefois chuté considérablement au cours de la même période, alors qu'il n'a pas cessé d'augmenter dans les services professionnels, scientifiques et techniques, ce qui a contribué à une hausse globale de l'emploi atypique.
    L'établissement de comparaisons à l'échelle internationale est une autre façon d'évaluer la contribution de l'emploi atypique à l'économie canadienne. Si l'on considère une des mesures utilisées, on constate que le Canada se situe légèrement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE pour ce qui est de la contribution de l'emploi temporaire à l'emploi total.
    Cette moyenne nationale cache toutefois d'importantes variations entre les provinces canadiennes, tant pour ce qui est du nombre global d'emplois temporaires que relativement aux différents types de travail non permanent.
    Nous fournissons en outre un exemple plus précis illustrant les variations régionales en matière d'emploi précaire ou atypique. Si l'on considère la croissance des salaires depuis 2000, on voit clairement qu'ils ont augmenté bien davantage dans les provinces productrices de pétrole. En poussant plus loin l'analyse de la situation dans les provinces en question entre 2004 et 2015, on observe que la croissance a été plus forte chez les travailleurs peu scolarisés. C'est en soi une bonne nouvelle, car cela témoigne de la contribution que les gens de métier et les autres travailleurs spécialisés peuvent apporter à l'économie canadienne.
    La situation est toutefois moins rose depuis la chute du prix du pétrole en 2015. Ainsi, les travailleurs ne possédant pas un diplôme universitaire ont vu leur salaire horaire diminuer. Voilà qui illustre simplement une forme particulière de précarité se manifestant par une vulnérabilité à l'égard des cycles économiques et du prix des produits de base.
    La troisième série d'enjeux auxquels s'intéresse Statistique Canada relativement à la précarité de l'emploi concernent l'impact de la mondialisation et de la numérisation de l'économie sur la qualité des emplois. L'un des impacts possibles pourrait découler de l'émergence du travail effectué par l'intermédiaire de plateformes numériques, que ce soit via un site Web ou une application, en personne ou en ligne.
    C'est le genre d'emploi susceptible d'augmenter la précarité du fait qu'il prend la forme d'une série de mandats à court terme et qu'il est rarement assorti de la gamme habituelle d'avantages sociaux.
     Autant pour nous à Statistique Canada que pour nos homologues étrangers, il peut être difficile de mesurer l'ampleur de ce phénomène. Premièrement, certains travailleurs dans cette situation peuvent indiquer en répondant à notre Enquête sur la population active qu'ils sont travailleurs autonomes alors que d'autres vont déclarer être des employés. Il devient alors ardu de juger de l'évolution de la prévalence de cette forme d'emploi. Deuxièmement, certains de ces travailleurs doivent occuper un deuxième et même un troisième emploi pour accumuler un revenu suffisant. Enfin, une grande partie de ce travail s'effectue dans une perspective internationale qui ne permet pas de compter sur l'exhaustivité des dossiers fiscaux et des autres sources de données administratives.
    Nous sommes déterminés à adapter nos outils de mesure de manière à pouvoir obtenir toutes les données qui nous manquent pour suivre les transformations d'un monde en pleine évolution.
    Avant de conclure, j'aimerais vous présenter un aperçu de nos orientations futures pour l'évaluation de la qualité de l'emploi d'une manière générale en nous attardant notamment à sa précarité.
    Statistique Canada s'est engagé à prendre différentes mesures pour combler les lacunes existantes en matière de données sur la numérisation et la mondialisation. Nous allons ainsi ajouter des questions à nos enquêtes et élaborer de nouvelles méthodes pour la collecte et l'intégration des données. Une grande partie de ce travail s'effectuera en partenariat avec d'autres organisations de statistiques nationales devant composer avec des difficultés très semblables.
    Nous sommes également conscients de la nécessité de pouvoir compter sur des données plus abondantes et de meilleure qualité relativement aux répercussions de l'automatisation, de l'intelligence artificielle et d'autres sources de changements technologiques. Nous cherchons tout particulièrement dans ce contexte à améliorer notre collecte de données sur les compétences que les Canadiens possèdent et sur celles que les employeurs recherchent. Nous faisons enfin le nécessaire afin de rendre davantage disponible de l'information sur une panoplie de sujets liés au marché du travail local. Les employeurs, les chercheurs d'emploi, les professionnels de l'enseignement et les parents pourront ainsi prendre des décisions mieux éclairées.
    J'aimerais conclure, monsieur le président, en vous rappelant que Statistique Canada a accumulé une multitude de données sur la situation et la qualité de l'emploi. J'espère vous avoir permis de vous faire une meilleure idée des analyses pouvant être effectuées à partir de ces données, et je me ferai bien sûr un plaisir de fournir au Comité les données plus détaillées dont il pourrait avoir besoin sur les expériences de populations, de groupes ou de régions en particulier.
(1240)
    Je serai ravie de répondre à toutes les questions des membres du comité.
    Merci beaucoup. Vous avez terminé exactement dans les délais prévus.
    Nous allons passer directement aux questions. Nous devrions avoir assez de temps pour faire au moins un tour où chacun aura droit à six minutes.
    Monsieur Diotte, vous avez la parole.
    Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Vous nous avez certes fourni une foule de statistiques des plus intéressantes relativement à ce sujet qui ne manque pas de complexité.
    Je crois que cela nous ramène à la nécessité d'établir une définition de l'emploi précaire.
    Monsieur Michaud, vous nous avez rappelé ce besoin qui a été porté à la connaissance du Comité depuis un bon moment déjà. Vous nous avez indiqué que, malgré certaines similarités à l'échelle internationale, il n'existait pas de définition universelle de la précarité de l'emploi.
    J'aimerais savoir s'il y a un pays qui est parvenu à établir une telle définition ou qui s'en est rapproché.
    C'est une bonne question.
    Je ne connais pas la situation dans tous les pays, mais l'Australie en a une et les États-Unis sont également arrivés à une définition, tout au moins sous forme de proposition. Dans le contexte du marché du travail canadien, ce sont des définitions qui peuvent être intéressantes et dont nous pouvons tirer certains enseignements, mais je ne crois pas que nous pourrions les utiliser directement.
    Pourriez-vous nous donner une idée de la teneur des définitions utilisées par ces deux pays?
    Oui, laissez-moi seulement les retrouver.
    En Australie, une étude a révélé que la précarité de l'emploi pouvait se résumer en trois caractéristiques principales qui sont l'insécurité de l'emploi, le manque de contrôle sur la situation et les conditions de travail. Cela fait donc partie des facteurs à prendre en compte. En fait, je vous ai peut-être induit en erreur. Je vous ai indiqué que l'Australie a une définition, mais il s'agit plutôt simplement d'une étude.
    Les Américains ont également mené une étude qui souligne la nécessité d'évaluer deux éléments bien précis, à savoir la mesure dans laquelle il y a insécurité, incertitude et instabilité dans la situation d'emploi, et les possibilités d'avancement pour les travailleurs dans leur poste actuel.
(1245)
    D'accord, c'est en tout cas un bon point de départ.
    Madame Bégin, comme je suis de l'Alberta, j'ai trouvé intéressant d'entendre que le secteur pétrolier est en grande partie responsable de la hausse des salaires horaires en dollars réels au Canada. Lorsque ce secteur était en plein essor, tout le monde en bénéficiait. Maintenant que nous n'avons plus de pipeline et que le secteur éprouve des difficultés, tout le monde en souffre. Les travailleurs peu scolarisés n'avaient pas les outils nécessaires pour s'adapter à un tel ralentissement et nous pouvons aujourd'hui en constater les résultats.
    Considérons maintenant certaines autres statistiques que vous nous avez communiquées. Nous avons appris du témoignage de M. Michaud qu'il persiste un écart entre les sexes pour ce qui est du salaire horaire et de la rémunération annuelle, tout au moins selon certaines études.
    Madame Bégin, vous avez parlé des emplois assortis d'un régime de pensions. Si l'on regarde vos graphiques de la page 4, on constate que le nombre de ces emplois est à la baisse pour les hommes pendant qu'il est stable pour les femmes. C'est d'ailleurs la même chose pour le taux de syndicalisation.
    Comment concilier cela avec l'écart entre la rémunération des hommes et celle des femmes qui serait à la baisse? Les statistiques que vous nous présentez ici semblent plutôt indiquer qu'elles se tirent mieux d'affaire, tout au moins parmi les employés de 17 à 64 ans.
    Cela montre bien qu'il y a plusieurs aspects à prendre en compte lorsqu'on se penche sur la précarité ou sur la qualité des emplois.
    Nous vous avons présenté deux éléments pour lesquels la situation est relativement stable pour les femmes, alors qu'il y a diminution pour les hommes. Vous faites par ailleurs référence à l'écart salarial entre les hommes et les femmes. Nous n'avons pas inclus ces données dans notre présentation, mais si nous l'avions fait, vous auriez pu voir que cet écart se rétrécit, bien qu'il existe toujours.
    C'est donc un autre aspect permettant d'évaluer la qualité de l'emploi, mais nous avons choisi de ne pas en traiter dans notre document.
    À ce sujet, et comme mon collègue l'a mentionné, souvent, les gens font des choix. Comme mon collègue le disait, les femmes souhaitent parfois avoir la souplesse nécessaire pour rester à la maison avec leurs enfants, etc. Je crois certainement qu'au sein du gouvernement fédéral et de nombreux gouvernements provinciaux, il n'y a aucun problème lié à l'écart salarial. Autrement dit, le travail effectué par un homme ou une femme devrait manifestement recevoir la même rémunération.
    C'est une question très complexe. Il faudrait comparer le nombre d'heures travaillées par les femmes et celles travaillées par les hommes, par exemple. Il faudrait tenir compte des absences liées aux soins aux enfants, etc. Nous avons des études approfondies sur ce sujet. Je serais heureux d'orienter les membres du Comité vers ces résultats plus détaillés.
    Vous dites que l'écart se réduit. Pouvez-vous avancer des raisons qui expliquent ce phénomène? Je présume que cela signifie que les hommes et les femmes se rapprochent de l'égalité dans tous les domaines.
    Encore une fois, je crois que la meilleure option serait d'orienter les membres du Comité vers une étude plus approfondie, car je pourrais me tromper sur certains détails dans ma réponse.
    Vous avez donc des détails sur cette question.
    Certainement. Nous examinons, par exemple, la composition du salaire en fonction des heures travaillées, plutôt que les salaires horaires. Il se peut que l'un de ces écarts soit en train de se réduire, mais que l'autre persiste. Nous divisons ces données en plusieurs catégories dans des études plus détaillées. Mais je n'ai pas ces détails sous la main.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Long.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins de comparaître aujourd'hui.
    Ma question s'adresse aux représentants d'EDSC. Lors de réunions précédentes, nous avons discuté du fait que les travailleurs en situation précaire n'avaient pas accès aux mêmes avantages et protections que les employés permanents. Craint-on que ces lacunes en matière de protection compromettent la sécurité au sein d'une industrie sous réglementation fédérale?
    Je pense que les préoccupations potentielles liées au manque de protection pour ces travailleurs représentent l'un des enjeux auxquels on a tenté de s'attaquer par l'entremise des modifications législatives récemment apportées. Pour les besoins de la discussion, cela signifie que les travailleurs qui occupent des emplois plus atypiques, par exemple les travailleurs temporaires et ceux à temps partiel, peuvent se retrouver dans des situations où ils n'ont pas les mêmes droits en matière de rémunération. Lorsqu'on examine cette situation, on se penche sur les protections en matière d'égalité de traitement. L'une des modifications législatives interdit à un employeur de verser à un employé un salaire moins élevé qu'un autre employé qui fait essentiellement le même travail. Cela signifie essentiellement que si un employé à temps partiel travaille avec un travailleur à temps plein qui fait le même travail, le travailleur à temps partiel devrait être payé au même taux de rémunération. Ce n'est pas le cas actuellement.
    C'est donc un exemple. Il y a aussi d'autres objectifs, par exemple veiller à ce que les travailleurs aient la possibilité de se faire rembourser leurs dépenses liées au travail. Il y a également l'âge minimal pour les emplois dangereux. Par exemple, grâce à ces récentes modifications législatives, on a augmenté l'âge minimal de 17 à 18 ans, etc. On tente aussi de veiller à ce que les employés en situation précaire profitent de protections liées aux normes du travail qui sont au moins équivalentes à celles des employés à temps plein, lorsque c'est possible.
(1250)
    Les intervenants d'EDSC sont-ils préoccupés par l'absence de prestations de retraite pour les travailleurs en situation précaire et par les répercussions que cela aura sur ceux qui songent à prendre leur retraite maintenant et plus tard?
    J'aimerais tout d'abord parler du groupe d'experts. Je pense que vous savez qu'un groupe d'experts a été formé et que ses membres doivent présenter un rapport à la fin juin.
    Les membres de ce groupe se penchent notamment sur l'accessibilité et la transférabilité de ces prestations. Traditionnellement, l'accès aux prestations reposait sur un emploi à temps plein et à long terme chez un seul employeur. Les membres du groupe examinent l'accès aux prestations dans le secteur privé sous réglementation fédérale. J'aimerais souligner qu'actuellement, le Code canadien du travail ne prévoit aucune obligation générale d'offrir un régime d'avantages supplémentaires. Il y a quelques dispositions plus limitées, mais aucune disposition n'oblige les employeurs à offrir certains avantages supplémentaires.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Morrissey.
    Merci. Ma question s'adresse à Mme Bégin, de Statistique Canada. Certains témoins ont utilisé des données de Statistique Canada pour soutenir que le nombre d'emplois précaires n'était pas à la hausse ou qu'il ne représentait pas un problème. Interpréteriez-vous les données que vous examinez de la même façon?

[Français]

    Merci de la question.
    Comme nous l'avons dit dans notre présentation, il n'existe pas vraiment de définition unique. Cependant, nous devons tenir compte de certains éléments multidimensionnels.
    En fonction des éléments analysés, que ce soit les groupes d'âge, la province — on sait qu'il y a une différence en ce qui concerne les provinces ou les régions — ou encore les groupes de la population, les réponses à la question visant à savoir si la personne occupe un emploi précaire ou non peuvent varier.

[Traduction]

    Avez-vous des données qui permettent de déterminer quels secteur or industries emploient le plus grand nombre de travailleurs en situation précaire, d'entrepreneurs ou de sous-traitants?
    Nous avons certains renseignements. J'ai mentionné seulement deux industries dans mon exposé, mais nous serions heureux de vous faire parvenir ces renseignements dans le cadre d'une mesure de suivi.
    Madame Bégin ou monsieur Dale, à votre avis, si l'on mesurait la précarité d'emploi, cela pourrait-il avoir des répercussions positives sur les programmes et les politiques du gouvernement?
    Nous sommes déterminés à mesurer tous les éléments ou le plus grand nombre possible d'éléments liés à la qualité de l'emploi. Nous avons déjà des mesures liées à des exemples d'emplois atypiques.
    Nous reconnaissons que nous pouvons améliorer certains types de données, et que nous pouvons combler certaines de ces lacunes. Notre objectif est certainement de fournir le plus grand nombre de détails possible aux responsables des politiques sur ce problème très complexe et multidimensionnel. Comme nous l'avons mentionné dans notre exposé, nous avons lancé des initiatives très concrètes sur les compétences, par exemple, et nous élaborons et précisons nos définitions des différents types d'emplois pour combler ces lacunes liées aux données.
(1255)
    Selon vous, y a-t-il un lien entre la précarité d'emploi et les personnes qui doivent travailler à un âge plus avancé? Selon un témoignage précédent, les gens retournent dans la population active à un âge plus avancé. Est-ce lié à la précarité ou non?
    Veuillez être très bref.

[Français]

    La réponse brève est que nous devrions être capables de faire des études longitudinales pour pouvoir vous répondre.
    À Statistique Canada, nous avons commencé à poser certaines questions à ce sujet dans notre enquête sur la population active, par exemple, en cherchant à savoir si les gens qui continuent de travailler après un certain âge le font par choix ou par nécessité. Pour bien répondre à la question, il faudrait être capables d'examiner les résultats après une période de plusieurs années.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Sansoucy.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question s'adresse tout d'abord à M. Michaud.
    Vous nous avez dit que des modifications avaient été faites au Code canadien du travail. Vous nous avez aussi parlé du groupe d'experts.
    Bien qu'il soit important que des normes du travail existent pour les personnes qui occupent des emplois atypiques, est-ce suffisant d'améliorer l'accessibilité? En effet, c'est un premier pas, mais, tout au long de votre présentation, vous nous avez parlé de la façon dont le marché du travail s'est modifié.
    Statistique Canada nous en a parlé aussi, notamment en ce qui touche les industries naissantes et l'économie numérique. Plutôt que d'améliorer les lois du travail, ne serait-il pas nécessaire de faire une révision en profondeur, puisque le marché du travail n'est plus du tout le même que lorsque ces lois ont été rédigées?
    C'est une très bonne question.
    Je n'ai pas de réponse claire. En fait, d'entrée de jeu, je reviendrais sur la nécessité d'avoir une définition qui permettrait d'identifier les gens et de mesurer comment cela évolue. Avec les changements technologiques qui s'opèrent de plus en plus rapidement, quelles seront les répercussions sur les travailleurs et la précarité? Nous pouvons spéculer, mais nous n'avons pas de mesures exactes.
    Ainsi, le fait d'encadrer et de protéger les travailleurs qui sont plus susceptibles de se retrouver dans une situation précaire, c'est un bon élément. Cependant, la possibilité de les suivre et de les identifier est essentielle.
    D'accord. Merci.
    L'un de vos collègues, M. Brown, m'a entendue à plusieurs reprises déclarer qu'il était nécessaire de réformer en profondeur le régime d'assurance-emploi. Nous attendons toujours que cela se produise.
    Des témoins et des représentants de diverses organisations sont venus dire devant le Comité à quel point un grand nombre de travailleurs cotisaient au régime et qu'ils n'y avaient pas accès, notamment parce qu'ils ne cumulaient pas assez d'heures travaillées. Nous avons souvent entendu cela.
    Quels rajustements pourrions-nous faire au régime d'assurance-emploi, à part le fait de réduire le nombre d'heures de travail exigé, pour aider davantage les travailleurs à temps partiel ou les travailleurs contractuels qui occupent des emplois temporaires?
    En ce qui concerne le régime d'assurance-emploi, ce qu'il faut retenir, c'est que plusieurs mesures sont en place pour surveiller la couverture du régime. L'enquête de Statistique Canada sur la couverture de l'assurance-emploi est importante, car elle permet de voir l'évolution du régime sur une longue période.

[Traduction]

    Au cours des 10 dernières années, le taux d'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi a été relativement stable. Il est d'environ 84 % actuellement, mais nous savons qu'il varie grandement entre les personnes qui occupent un emploi permanent et celles qui occupent un emploi temporaire. En effet, il est beaucoup plus élevé, à savoir environ 92 %, chez les personnes qui occupent un emploi permanent que chez les personnes qui occupent un emploi temporaire — où il est d'environ 77 %. Encore une fois, étant donné que nous n'avons pas de définition précise de la précarité d'emploi, nous ne pouvons pas calculer l'admissibilité des travailleurs en situation précaire à l'assurance-emploi.

[Français]

    Est-ce que la même logique s'applique dans le cas des travailleurs autonomes?
    En général, pour avoir accès au régime, il faut occuper un emploi assurable, ce qui n'est pas le cas des travailleurs indépendants. C'est pourquoi ils n'ont pas accès au régime. Il en va de même pour bon nombre de personnes qui occupent des emplois atypiques.
(1300)
    Comme Mme Bégin l'a bien précisé, ce sont des travailleurs autonomes qu'on retrouve dans plusieurs industries naissantes, par exemple celle de l'économie numérique.
    Étant donné que cette situation est de plus en plus fréquente, faudrait-il envisager de rendre ces emplois assurables?

[Traduction]

    Je suis tout à fait d'accord avec cela. L'une des façons de procéder, comme vous l'avez mentionné, consiste à calculer le nombre d'heures, mais cela aide à qualifier seulement les personnes qui occupent déjà un certain type d'emploi assurable. Nous devons aussi nous pencher sur la situation des travailleurs dont l'emploi n'est pas assurable et vérifier s'il existe une façon de les intégrer au programme d'assurance-emploi ou prévoir un type de soutien qui pourrait être offert aux travailleurs dont l'emploi n'est pas considéré comme étant assurable.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Statistique Canada a publié en décembre 2018 une étude sur la qualité des emplois. Les définitions y étaient assez générales. Dans le cadre de notre étude, il est question d'utiliser des indicateurs de la précarité. Une approche générale peut comporter à la fois des avantages et des inconvénients.
    Selon vous, serait-il utile — et possible — de créer des indicateurs de la précarité de l'emploi selon les caractéristiques mentionnées dans le cadre de notre étude?

[Traduction]

    Veuillez être très bref.
    C'est une question complexe. Nous pouvons certainement produire une série d'indicateurs de la précarité d'emploi. Nous avons déjà une telle série que nous pouvons élargir. Mais il y a autre chose. Je pense que les gens cherchent peut-être une solution universelle ou une mesure unique de la précarité, mais je recommanderais à ces gens d'imaginer plutôt une série de mesures qui visent différents aspects de la précarité, par exemple la protection en matière de pensions, le salaire, les heures travaillées et la permanence de l'emploi. C'est l'intervalle d'indicateurs dont nous disposons actuellement, et nous sommes déterminés à l'élargir.
    Honnêtement, je ne vois pas comment on pourrait mettre au point une mesure unique qui permettrait de quantifier précisément le nombre de personnes touchées par la précarité d'emploi.
    Merci beaucoup. Je conviens qu'il s'agit d'une question très complexe, comme nous l'avons tous constaté au fil de cette étude.
    C'est ce qui termine l'heure dont nous disposions et malheureusement, c'est aussi ce qui termine la portion consacrée aux témoins dans le cadre de cette étude.
    J'aimerais remercier M. Sheehan d'avoir proposé cette motion. J'aimerais remercier les témoins d'avoir comparu aujourd'hui pour nous communiquer le point de vue du ministère. Je remercie mes collègues à ma gauche et à ma droite, ceux qui se trouvent dans la cabine d'interprétation, ainsi que les gens derrière nous qui nous permettent de diffuser nos délibérations dans le reste du pays. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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