:
Madame la présidente, mesdames et messieurs du Comité, bonjour.
Je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole au sujet des infrastructures, surtout dans le Nord. Je suis heureux d'être accompagné aujourd'hui par M. Pierre Lavallée, président et chef de la direction de la Banque de l'infrastructure du Canada, qui vous parlera lui-même du rôle de cette nouvelle société d'État pour répondre aux besoins en infrastructures du Canada.
En tant qu'ancien dirigeant du Bureau de transition à Infrastructure Canada, j'ai été heureux d'avoir l'occasion de contribuer à l'élaboration des politiques et à la mise sur pied de la Banque, en décembre 2017. Depuis, en tant que sous-ministre adjoint d'Investissement, partenariats et innovation, le rôle de mon équipe s'est déplacé vers le soutien ministériel à cette nouvelle société d'État qui relève du et la collaboration avec M. Lavallée et son équipe.
D'une manière plus générale, nous cherchons et appuyons des moyens de promouvoir davantage l'investissement privé dans les infrastructures publiques grâce à des partenariats et à des modèles d'investissement dans les infrastructures. La Banque de l'infrastructure du Canada est un outil parmi d'autres qui aide les gouvernements partenaires à construire davantage d'infrastructures; elle joue un rôle important dans le plan Investir dans le Canada du gouvernement.
Permettez-moi de souligner brièvement certains points que mes collègues du ministère, qui se sont présentés devant vous le 15 octobre dernier, ont abordés, en particulier les programmes et activités qui appuient l'établissement des infrastructures et qui abordent les répercussions de ces dernières sur le Nord.
Le plan Investir dans le Canada prévoit 2 milliards de dollars pour un large éventail de projets d'infrastructure dans les collectivités rurales et nordiques répondant à leurs besoins particuliers. L'approche est conçue pour tenir compte des priorités des collectivités rurales, éloignées et autochtones, tout en aidant à faire croître les économies locales, à bâtir des collectivités fortes et inclusives, et à protéger l'environnement et la santé des Canadiens.
Reconnaissant l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des infrastructures publiques dans les collectivités rurales et nordiques, le gouvernement a augmenté la part du financement fédéral des projets à 60 % pour les collectivités de moins de 5 000 habitants. Les projets réalisés dans les territoires et les collectivités autochtones sont admissibles à une contribution fédérale supérieure, pouvant aller jusqu'à 75 %. Les investissements du gouvernement fédéral comprennent 400 millions de dollars fournis par l'entremise du Fonds pour l'énergie dans l'Arctique afin de promouvoir la sécurité énergétique dans les collectivités du Nord. La semaine dernière, les gouvernements du Canada et des Territoires du Nord-Ouest ont annoncé le premier investissement dans le cadre du Fonds pour l'énergie, qui est destiné au projet d'énergie éolienne à Inuvik, une source d'énergie efficace, plus fiable et plus propre pour les résidants d'Inuvik.
Selon le partage des coûts habituel et dans le cadre du financement prévu par les ententes bilatérales — financement couvert par le volet rural et nordique et par le Fonds pour l'énergie dans l'Arctique, que j'ai mentionné —, les trois territoires recevront près de 1,6 milliard de dollars sur 10 ans pour une vaste gamme de projets d'infrastructure, qui créeront des emplois et amélioreront la qualité de vie des personnes vivant et travaillant dans les régions nordiques.
De plus, le gouvernement fédéral aide à améliorer l'infrastructure de transport dans le Nord par l'entremise du Fonds national pour les corridors commerciaux, qui prévoit des investissements de l'ordre de 2 milliards de dollars sur 11 ans, dont jusqu'à 400 millions de dollars pour des initiatives de transport au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut.
Ces programmes tiennent compte des défis qui peuvent se poser lorsque l'on essaie d'appliquer divers modèles de création de services d'infrastructure aux conditions du Nord. Voilà pourquoi certains programmes du plan Investir dans le Canada comportent des conditions plus souples, comme une part de contribution fédérale plus élevée pour les collectivités rurales et du Nord.
Bien que la prestation des services d'infrastructure pose des défis, en particulier dans les régions rurales et du Nord, d'autres modèles de financement, destinés à attirer des investissements privés, sont maintenant déployés de façon active. Plus précisément, le modèle de partenariats public-privé ou PPP a déjà été appliqué avec succès à l'implantation d'infrastructures importantes dans le Nord, comme l'aéroport international d'Iqaluit. Le modèle est également en cours de déploiement pour la réalisation du projet de route toutes saisons Tlicho dans les Territoires du Nord-Ouest. Ces deux projets sont financés par Infrastructure Canada. Ma collègue, Lisa Mitchell, qui m'accompagne aujourd'hui, y a participé directement et s'est rendue récemment dans les Territoires du Nord-Ouest pour les aider à lancer ce projet.
Le projet hydroélectrique de la rivière Kokish, en Colombie-Britannique, est un exemple de la participation d'un gouvernement des Premières Nations à un projet de PPP à titre de partenaire investisseur. La Première Nation Namgis s'est associée à Brookfield Renewable Energy pour la conception, la construction, le financement et l'exploitation d'une centrale hydroélectrique de 45 mégawatts d'une valeur de 200 millions de dollars. Ces projets ne sont que quelques exemples de l'intérêt du secteur privé à travailler en partenariat avec les gouvernements pour atteindre des résultats dans l'intérêt public.
Plus tôt cette année, j'ai participé, à l'Université de Toronto, à la conférence Arctic 360 sur les investissements dans l'Arctique, qui a réuni des intervenants de l'ensemble du gouvernement, du milieu universitaire, de l'industrie, du secteur financier et des experts internationaux, pour discuter de stratégies visant à susciter davantage d'intérêt pour les investissements dans le Nord, afin de soutenir l'infrastructure et le développement économique et social en général.
Pour ce qui est des autres activités de mobilisation, j'ai eu le plaisir de me rendre au Yukon pour des réunions sur la Première Nation de Carcross, afin de discuter des défis énergétiques dans le Nord avec l'Association canadienne de l'électricité. En fait, ces réunions se sont déroulées dans des installations nouvellement achevées et financées par Infrastructure Canada.
J'ai aussi récemment visité dans la région de Kivalliq, au Nunavut, des collectivités comme Baker Lake et Rankin Inlet, et les mines d'or Agnico Eagle — je crois comprendre que les représentants étaient ici récemment —, pour parler avec les dirigeants communautaires et les représentants de sociétés minières des besoins en infrastructures dans le Nord.
Nous reconnaissons que le Nord présente des défis uniques, mais nous continuerons à collaborer avec les gouvernements et les dirigeants locaux, le milieu universitaire et le secteur privé en vue de dégager des solutions et de susciter davantage d'intérêt pour la création d'infrastructures dans le Nord.
La Banque de l'infrastructure du Canada est bien placée pour aider à relever ce défi, qu'il s'agisse de donner des conseils aux gouvernements et aux commanditaires, de structurer des projets, d'investir dans ces projets ou de contribuer à la prise de décisions fondées sur des données probantes, grâce à son rôle de centre d'excellence en matière de données et d'information. La Banque vise à transformer la manière dont les infrastructures sont planifiées, financées et développées au Canada et elle peut utiliser stratégiquement l'aide fédérale afin que les fonds publics servent à construire davantage d'infrastructures dont le Canada a besoin. Le modèle de la Banque peut également libérer les ressources limitées que les gouvernements peuvent consacrer à des projets qui ne conviennent pas aux modèles d'entreprises et de partenariats à but lucratif.
Il existe de nombreux outils pour attirer les investissements dans les projets d'infrastructures dans les collectivités rurales, nordiques et autochtones; les nombreux intervenants travaillent ensemble pour favoriser la construction de plus d'infrastructures dans ces collectivités. Le gouvernement fédéral fournit les outils nécessaires pour aider les collectivités locales à prendre les décisions qui leur conviennent en matière d'infrastructure.
Je vous remercie encore de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je cède maintenant la parole à M. Lavallée. Je serai heureux de répondre à vos questions, tout comme Lisa pourrait le faire, après l'exposé.
:
Merci, madame la présidente.
Bonjour à vous et à tous les membres du Comité.
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui. Je souhaite commencer par souligner que nous nous réunissons aujourd'hui sur le territoire non cédé des Algonquins.
Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de parler de la Banque de l'infrastructure du Canada et de nos efforts pour appuyer la construction de nouvelles infrastructures d'un bout à l'autre du pays.
Voici quelques observations sur notre organisation et notre rôle, pour bien situer le contexte en vue de la discussion que nous aurons ensuite.
Je me suis joint à la Banque à la mi-juin 2018 et, depuis, tout s'est déroulé à un rythme étourdissant. Nous avons emménagé dans nos bureaux permanents, rencontré des ministres provinciaux et territoriaux de l'infrastructure afin de lancer un dialogue sur les priorités futures en la matière et établi un contact avec des promoteurs éventuels pour parler d'occasions d'investissement au Canada.
[Traduction]
La Banque de l'infrastructure du Canada est une société d'État. Elle a pour mandat d'investir 35 milliards de dollars de concert avec les investisseurs privés dans de nouveaux projets d'infrastructure générant des revenus et qui sont construits dans l'intérêt public. Notre mandat porte également sur la collecte et le partage de l'information concernant les projets d'infrastructure et les pratiques. Cette façon de faire est favorable à une meilleure planification et prise de décisions au Canada et à notre capacité de fournir des conseils à tous les ordres de gouvernement.
Qu'on parle des territoires, du Nord ou des zones éloignées des provinces, je comprends bien que plusieurs des obstacles qui freinent le développement économique sont liés à l'infrastructure du transport, des communications et de l'énergie.
L'expérience m'a appris que les meilleurs conseillers sont de très bons auditeurs. Nous allons écouter ce que ce les chefs autochtones et territoriaux ont à nous dire sur les priorités des collectivités du Nord et en tirer un précieux apprentissage. Puis, nous allons déterminer comment la Banque peut apporter son aide, soit grâce à ses conseillers qui contribueront à ce que les projets soient plus attrayants pour les investisseurs du secteur privé, soit en tant que co-investisseurs dans des projets qui satisfont à nos critères, ou en aidant des promoteurs du secteur public à trouver d'autres sources de financement.
Voyons d'un peu plus près certains des principaux éléments de notre mandat.
Sur le plan de l'investissement, nous cherchons fondamentalement à combler une lacune qui empêche un projet de voir le jour. La Banque a été créée pour compléter les approches actuelles en matière de construction d'infrastructure. La réalisation de projets d'infrastructure classiques financés par le gouvernement ou selon un partenariat public-privé, ou PPP, ne va certainement pas cesser. Certains projets d'infrastructure continueront d'être entièrement financés par le secteur privé. Mais il existe encore d'autres possibilités. Nombre de responsables de projet peuvent réunir une partie des capitaux nécessaires dans le secteur privé, mais pas la totalité. C'est dans ce secteur que la Banque peut jouer le plus efficacement son rôle décisif.
Depuis juin, j'ai entendu maintes fois de la part d'investisseurs institutionnels qu'ils sont prêts à examiner des occasions d'infrastructures nouvelles ou d'infrastructures comportant des éléments nouveaux. Nous promouvons des modèles de financement d'infrastructure innovateurs avec l'administration fédérale et les administrations provinciales, territoriales, municipales et autochtones ainsi que leurs organismes. Pour soutenir cet objectif, nous offrons une nouvelle option pour les aider à structurer et à financer partiellement de nouveaux projets d'infrastructure. Nous offrons également un moyen pour avoir accès à l'expertise, aux solutions novatrices et aux capitaux du secteur privé.
[Français]
Nos secteurs prioritaires sont les infrastructures vertes, le transport en commun ainsi que le transport et le commerce. Nous pouvons également investir dans d'autres segments du secteur des infrastructures, s'ils sont soutenus par des politiques gouvernementales.
Chaque projet doit répondre au critère de l'intérêt public, si l'on veut s'assurer qu'il cadre bien avec les priorités et les politiques des gouvernements compétents, tout en contribuant à la croissance économique et à la durabilité.
Chaque projet doit également avoir une composante de production de revenus, qui pourrait prendre la forme de péage réel ou virtuel, de droits, de titres de transport ou de mécanismes fondés sur l'appréciation de la valeur des terrains. La production de revenus est importante pour la structure financière, car nous prévoyons que les investisseurs privés assumeront une partie du risque associé aux revenus ou à l'utilisation.
Nous sommes conscients que les besoins en infrastructures sont immenses dans les collectivités du Nord et les communautés éloignées. En fait, l'énoncé des priorités et des responsabilités que le a transmis à notre présidente du conseil d'administration stipule ceci:
Au moment d'évaluer les projets potentiels situés dans des collectivités rurales et nordiques, la Banque devrait tenir compte des défis particuliers liés au développement des infrastructures dans ces régions. La Banque devrait également envisager une façon de contribuer à l'engagement du gouvernement [de parvenir] à [une] réconciliation avec les peuples autochtones en renouvelant les relations de nation à nation, de gouvernement à gouvernement, et entre les Inuits et la Couronne.
Nous nous employons vivement à structurer le soutien pour de nombreux projets dans l'ensemble du pays.
Au cours de rencontres récentes, nous avons parlé des difficultés à attirer des capitaux privés pour les projets de plus petite taille. En effet, les investisseurs les plus actifs dans les nouveaux projets d'infrastructure sont, en général, à l'affût de très grands projets. Nous cherchons donc des moyens de soutenir des projets qui, individuellement, sont trop petits pour attirer des capitaux privés, mais qui sont susceptibles de retenir l'attention des investisseurs une fois regroupés avec l'appui de la Banque de l'infrastructure du Canada.
Nous établissons une équipe d'élaboration de projets, dont l'un des principaux aspects du rôle est de rencontrer les représentants des gouvernements et d'organismes du secteur public dans l'ensemble du Canada, y compris dans le Nord.
Mon équipe et moi allons voyager dans le Nord au cours de l'année pour mieux comprendre les besoins des collectivités et les possibilités pour la Banque de conseiller les promoteurs et d'investir.
[Traduction]
Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, nous avons un rôle important à jouer dans la cueillette et le partage d'information sur les projets d'infrastructure à l'échelle nationale. Notre équipe d'élaboration de projets aidera à donner aux projets une plus grande visibilité et fournira de l'information dans l'ensemble du Canada, en gérant le nouvel Inventaire des projets d'infrastructure canadiens. Il sera un outil précieux pour la planification à long terme ainsi que le développement d'une réserve de projets pour la Banque.
Les données de l'Inventaire seront fondées sur les renseignements glanés auprès d'un vaste éventail de promoteurs du secteur public, notamment auprès du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, territoriaux et autochtones et des administrations municipales. Nous prévoyons produire la première version en 2019.
De concert avec les promoteurs, la Banque de l'infrastructure du Canada se prépare à construire davantage d'éléments d'infrastructure nouvelle pour les Canadiens. Au cours des prochains mois, nous serons prêts à accélérer nos efforts sur le plan des investissements, de notre engagement et des conseils à prodiguer.
Nous sommes tout à fait conscients du fait que l'infrastructure dans le Nord pose des défis, mais ouvre également des possibilités uniques. Nous nous réjouissons d'en apprendre plus sur les priorités régionales afin de trouver des moyens de réaliser le mandat de la Banque d'un océan à l'autre.
Merci. Si vous avez des questions, je serai heureux d'y répondre.
:
Merci beaucoup, madame la présidente, de nous accueillir.
Je suis très heureuse d'être ici au nom d'Ingénieurs Canada pour discuter des efforts déployés par les ingénieurs professionnels pour protéger les infrastructures du Canada dans le Nord contre les effets des changements climatiques au Canada. Je vais également vous parler du travail fait par les professionnels pour aider les collectivités autochtones et éloignées à renforcer leurs capacités et atteindre leurs objectifs en matière de planification, de conception, de construction et d'exploitation relativement aux projets d'infrastructure dans le Nord.
Ingénieurs Canada est l'organisme national regroupant les 12 ordres provinciaux et territoriaux qui réglementent la profession d'ingénieurs au Canada et qui délivrent les permis d'exercice aux quelque 300 000 ingénieurs du pays. Ensemble, nous nous efforçons, dans l'intérêt public, de promouvoir la profession d'ingénieur.
Ce sont les collectivités du Nord ainsi que les collectivités éloignées ou autochtones qui accusent le plus grand déficit infrastructurel du Canada. En 2017, Affaires autochtones et du Nord Canada a calculé que le déficit infrastructurel dans les réserves des Premières Nations aurait atteint à lui seul 9,7 milliards de dollars en 2018.
Même si on s'attend à ce que la fréquence des catastrophes liées aux changements climatiques augmente, les collectivités du Nord et les collectivités autochtones et éloignées sont loin de pouvoir résister convenablement aux risques liés aux changements climatiques, ce qui contribue à creuser davantage leur déficit infrastructurel. Cela est dû en partie à des données climatiques inadéquates, mais aussi au manque d'uniformité des procédures d'évaluation qui nous empêche de réagir convenablement aux risques liés aux changements climatiques qui menacent les infrastructures.
Cela m'amène donc à notre première recommandation: réaliser des évaluations de la vulnérabilité au climat dans le cadre des projets d'infrastructure dans les collectivités nordiques, éloignées et autochtones afin d'éclairer les mesures d'adaptation à prendre pour atténuer les risques potentiels liés aux changements climatiques et d'en établir l'ordre de priorité.
Les infrastructures résilientes sont le moteur des sociétés productives, contribuent à la stabilité des industries et assurent la confiance du public. Des évaluations objectives de la vulnérabilité au climat permettront aux propriétaires et aux gestionnaires d'infrastructures d'être rapidement sensibilisés aux répercussions potentielles que les événements météorologiques extrêmes pourraient avoir sur les infrastructures dans les collectivités autochtones, éloignées et du Nord.
Ingénieurs Canada, en partenariat avec Ressources naturelles Canada, a mis au point un instrument d'évaluation des risques climatiques qui permet de renforcer considérablement la résilience des projets d'infrastructure. Le protocole du Comité sur la vulnérabilité de l'ingénierie des infrastructures publiques, alias le protocole du CVIIP, permet de réaliser un examen systématique des données climatiques historiques et des conséquences connexes afin de déterminer les risques climatiques et les vulnérabilités au climat actuels. Il permet aussi d'anticiper la gravité et la probabilité des événements météorologiques extrêmes.
Les données permettent de prendre des décisions d'ingénierie éclairées et de prioriser les éléments qui doivent être adaptés, mais aussi de savoir comment les éléments doivent être adaptés, s'il faut, par exemple apporter des modifications à la conception ou changer les procédures d'exploitation ou d'entretien.
Le protocole du CVIIP a déjà été utilisé pour certains projets d'infrastructure spécialement sélectionnés dans le Nord ou dans des régions éloignées, par exemple pour la route de Yellowknife, la route 3, et les réseaux d'aqueduc et d'égout de la Première Nation de Moose Factory. Il a également servi à évaluer les risques climatiques qui touchent les aéroports de Churchill, d'Inuvik et de Cambridge Bay, dans le Nord.
Ingénieurs Canada est fier de travailler auprès des collectivités des Premières Nations et avec des ingénieurs autochtones afin de renforcer les capacités locales en matière de planification, de conception, de construction et d'exploitation d'infrastructures résistantes aux changements climatiques. Pour vous donner un exemple récent, nous avons travaillé avec la réserve mohawk d'Akwesasnane en Ontario et avons appliqué le protocole du CVIIP pour évaluer les risques climatiques qui pèsent sur leurs réseaux d'aqueduc et d'égout. Cela a été fait en collaboration avec la Ontario First Nation Technical Services Corporation. Dans le cadre de ce travail, nous avons élaboré une trousse d'outils pour les Premières Nations qui intègre l'évaluation des risques climatiques aux plans de gestion des biens immobiliers des collectivités des Premières Nations.
Nous croyons fermement que le gouvernement fédéral doit déployer des efforts en vue de renforcer la capacité des collectivités autochtones d'évaluer, de planifier et de gérer leurs infrastructures.
En outre, Ingénieurs Canada travaille présentement à des initiatives pour favoriser la diversité et l'inclusivité de la profession afin de refléter la société canadienne. Nous avons notamment adopté des programmes de soutien pour augmenter le nombre d'Autochtones qui entrent dans la profession d'ingénieur, qui y prospèrent et qui y restent.
Madame la présidente, le protocole du CVIIP a attiré l'attention à l'échelle nationale. Selon l'Optique des changements climatiques que le gouvernement du Canada a récemment mise en place, le protocole du CVIIP d'ingénieurs Canada est l'une des trois méthodes d'évaluation de la résilience aux changements climatiques qui est conforme à la norme ISO 31000. Cet investissement constitue une première étape importante. Cependant, Ingénieurs Canada encourage le gouvernement fédéral à imposer, comme critère d'approbation de financement, l'adoption d'outils d'évaluation et de prévention comme le protocole du CVIIP, et ce, à l'ensemble des ministères fédéraux qui possèdent ou exploitent des infrastructures ou qui fournissent des services. Nous recommandons aussi vivement de rendre obligatoires les évaluations des risques climatiques dans le cadre des évaluations environnementales des projets d'infrastructure réalisés dans le Nord et dans les collectivités éloignées et autochtones.
Cela m'amène à ma dernière recommandation: faire participer les ingénieurs agréés du Canada à la conception, à l'entretien, à la réhabilitation et au déclassement des infrastructures dans le Nord et dans les collectivités éloignées et autochtones du Canada.
Douze ordres provinciaux et territoriaux réglementent l'exercice de l'ingénierie au Canada. Ils doivent veiller à ce que les ingénieurs rendent des comptes et qu'ils exercent de manière professionnelle, éthique et compétente et en conformité avec la loi provinciale ou territoriale applicable, le code de déontologie ou le cadre juridique pertinent. Les normes techniques et de conduite professionnelle sont établies, révisées, mises à jour et appliquées par l'ordre responsable de tous les ingénieurs professionnels d'une province ou d'un territoire. Les ingénieurs sont tenus de veiller à l'intérêt et à la sécurité du public dans l'exercice de leur profession.
Pour cette raison, Ingénieurs Canada soutient et encourage fortement la participation directe des ingénieurs agréés dans la conception, la construction, l'entretien, l'évaluation, l'exploitation et la modification de tous les travaux d'ingénierie liés à des infrastructures dans des collectivités nordiques, éloignées ou autochtones au Canada. Cela contribuera non seulement à améliorer la transparence et à augmenter la confiance du public, mais aussi à assurer la sécurité du public et la reddition de comptes dans tous les projets d'infrastructure.
Madame la présidente, je vous remercie d'avoir invité Ingénieurs Canada à témoigner devant le Comité aujourd'hui à propos de ce sujet important.
Nous espérons que le Comité reconnaît le rôle essentiel que les ingénieurs jouent relativement aux infrastructures dans le Nord du Canada.
:
La Chambre de commerce du Yukon a recommandé l'adoption d'une stratégie panterritoriale en matière de transport et la création d'un organisme de coordination des corridors territoriaux. Cette recommandation a été adoptée par la Chambre de commerce du Canada par le truchement de son comité des politiques territoriales.
J'aimerais vous donner un aperçu du contexte de la stratégie que nous avons recommandée, et je vais le faire en parlant des futurs ports et corridors de l'Arctique, à court et à moyen terme, et compte tenu du réchauffement du Nord.
La première diapositive montre que le réchauffement du Nord signifie que la saison de navigation sera plus longue et qu'elle attirera plus de bateaux dans l'Arctique. Je suis sûr que tout le monde le sait, mais je vais simplement répéter que, au Canada, le passage du Nord-Ouest ne peut pas vraiment concurrencer son équivalent, le passage russe du Nord-Est ou la route maritime du Nord russe, en tant que raccourci entre le Nord de l'Europe et le Nord de l'Asie. Cependant, nous constatons un afflux de navires à destination de l'Arctique. Selon nous, il s'agit de navires de transport de ressources, des navires qui partent de projets de mise en valeur des ressources, ou qui partiront de futurs projets de mise en valeur des ressources en Arctique pour des marchés d'exportation outre-mer.
Sur cette image, nous pouvons voir Milne Inlet. C'est un port qui dispose d'installations d'exportation pour la mine Mary River, située à l'extrémité nord de l'île de Baffin, et pour la société Baffinland Mines. En ce moment, au cours d'un été qui dure environ deux mois et demi, l'installation expédie environ une cargaison par semaine. Ce qui représente une augmentation considérable du volume du trafic du côté est du passage du Nord-Ouest, dans l'Arctique de l'Est.
Nous avons également d'autres projets qui ont testé toute la traversée. Le Nordic Orion a transporté une cargaison de charbon en vrac de la côte Ouest du Canada jusqu'en Finlande en 2013. En 2014, le Nunavik a transporté une cargaison de nickel de la baie de Voisey jusqu'au Japon. Les navires évaluent les perspectives de l'amélioration de la viabilité d'une véritable voie maritime dans l'Arctique sur notre littoral nordique.
Nous avons également vu un plus grand nombre de croisières dans l'Arctique, et de plus grands navires de croisière. Le Crystal Serenity, transportant 1 600 passagers, a effectué la traversée complète en 2016 et en 2017, et il en fera probablement d'autres.
De plus, nous observons un nombre accru d'expéditions de recherche chinoises et russes qui, au moyen de brise-glaces, empruntent notre passage du Nord-Ouest; il pourrait y avoir aussi des migrants, des contrebandiers ou pire, ce qui augmente notre inquiétude face aux menaces des activités maritimes dans l'Arctique.
La page suivante vous montre que les Russes demeurent au premier plan du transport maritime en Arctique pour les mêmes raisons qui feront que nous connaîtrons nous aussi une augmentation du transport maritime; non pas en raison du raccourci entre le Nord de l'Europe et le Nord de la Chine, mais parce qu'eux aussi exportent leurs ressources depuis l'Arctique par leur voie maritime en Arctique, la route maritime du Nord.
Voici le projet de Yamal LNG, sur la péninsule de Yamal. Il n'est pas différent des projets que nous avons pour le delta du Mackenzie ou de ceux de l'Alaska pour le versant Nord. À un moment donné, nous pourrions bien voir le Canada et l'Alaska imiter les investissements qui ont été faits pour le projet Yamal LNG avec ce type de pétroliers et de technologie de terminal.
La diapositive suivante montre essentiellement que nous aurons des exigences accrues visant à soutenir ce qui représente une véritable voie maritime dans l'Arctique. Cela concerne la navigation dans la glace et les services d'escorte pour les activités de recherche et sauvetage, les interventions de récupération en cas de déversement, la surveillance et l'interception. La Marine royale canadienne est en train de faire construire une flotte de patrouilleurs hauturiers pour l'Arctique, et un premier navire effectue déjà des essais en mer. Nous avons hâte que la Garde côtière mette en service son brise-glace lourd, le Diefenbaker; à un moment donné, entretemps, nous comptons sur quelques brise-glaces loués qui nous offriront une capacité provisoire, dans le Nord.
Pour que vous ayez une idée de l'exigence: il ne s'agit pas simplement d'avoir un grand nombre de navires commerciaux, mais de la nécessité de soutenir ces navires commerciaux en protégeant cette nouvelle voie maritime.
Si vous regardez à la prochaine page, vous aurez une idée des infrastructures que nous avons mises en place, et qui consistent essentiellement en deux ports, celui de Milne Inlet et celui de Nanasivik, d'anciens sites miniers aujourd'hui transformés en installations navales de ravitaillement en eau profonde.
De plus, Iqaluit est en train de se doter d'un débarcadère en eau profonde et Churchill vient d'être reliée au chemin de fer de la baie d'Hudson.
Essentiellement, nos seules installations en eau profonde dans l'Arctique se trouvent dans l'Arctique de l'Est. Si vous tournez la page, vous aurez une idée du vide qu'on a dans l'Arctique de l'Ouest. Si l'un de ces navires — qu'il s'agisse d'un navire de la marine ou de la Garde côtière ou d'un navire commercial — est en difficulté, il n'y a pas d'eaux profondes à l'est de l'île de Baffin, c'est-à-dire jusqu'à la côte nord de l'Alaska directement à Dutch Harbour, dans les îles Aléoutiennes.
Il y a trois endroits potentiels en eaux profondes dans l'Arctique de l'Ouest: la baie Grays dans le Nunavut; Tuk, qui est problématique en raison de la longueur du chenal d'accès; et King Point sur la côte nord du Yukon.
Je vais parler de l'arrière-pays pendant une minute, et des répercussions du réchauffement du Nord sur ce qui était, et qui est encore, une innovation canadienne, c'est-à-dire le prolongement par chemin de glace des routes praticables en tout temps. Voici la route de la Tibbitt à Contwoyto, qui va jusqu'aux mines de diamant à la frontière entre les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. La saison des routes d'hiver se raccourcit. Par conséquent, le carburant en particulier devra être transporté par avion jusque là-bas, comme c'est arrivé au cours d'une des années où la saison a été extrêmement courte.
La page suivante vous montre que nous passons de ces prolongements de routes d'hiver à des routes praticables en tout temps; voici une photo de la construction de la route d'Inuvik à Tuk, qui est aujourd'hui achevée.
Si vous allez à la page suivante encore, vous aurez une idée de la liste de souhaits des nouveaux corridors routiers reliant les ports actuels et futurs de l'Arctique. En commençant à l'extrême ouest, il y a la route de Dalton, qui va jusqu'à la baie Prudhoe en Alaska. Nous avons la route de Dempster, qui traverse le Yukon jusqu'à Inuvik et qui maintenant va jusqu'à Tuk. Puis, vous avez la route de la vallée du Mackenzie. Voilà la liste des souhaits, pour ce qui est des nouvelles routes vers les ports de l'Arctique.
J'ai mentionné plus tôt la baie Grays. Le projet du port et de la route de la baie Grays relierait Yellowknife directement à la province géologique Slave, où se trouvent toutes les mines de diamant, ainsi que des mines de métal commun plus loin au nord, dans la région de Kitikmeot, au Nunavut directement sur la baie Grays.
Au Nunavut, la route Nunavut-Manitoba relie la région de Kivalliq au Nunavut au système routier du Manitoba. Je me suis rendu à Milne Inlet, aux mines de Baffinland, à la mine Mary River. Les responsables veulent pouvoir produire en toutes saisons. Ils en sont actuellement à 4 millions de tonnes par an et ils veulent en arriver à 12 millions de tonnes par an; pour cela, ils construiraient une autoroute. Ils voudraient remplacer les 100 kilomètres de la route charretière qui sert au transport de minerai de fer jusqu'à Milne Inlet par un chemin de fer et qui finirait à Steensby Inlet, le port qu'ils ont proposé pour leur expansion finale dans le bassin Foxe.
Comme je l'ai mentionné, la technologie est disponible. La technologie ferroviaire est une technologie dépassée, mais on peut certainement l'améliorer, et c'est ce que la société Baffinland Iron Mines est en fait en train de faire pour la mine Mary River. De façon plus générale, nous envisageons le transport ferroviaire du pétrole brut et du bitume, et c'est une solution de rechange au pipeline qui est à notre disposition.
L'une des raisons qui nous pousse à faire cela, et je suis sûr que vous la connaissez, c'est que les sables bitumineux de l'Alberta sont limités par l'accès au pipeline. Ils ne peuvent pas avoir accès aux marchés internationaux par les pipelines d'exportation. Encore une fois, le gouvernement de l'Alberta a envisagé le transport ferroviaire de bitume. Il emprunterait une ligne de chemin de fer de Fort McMurray, en passant par le Yukon, jusqu'à Delta Junction, puis serait transbordé dans le pipeline de l'Alaska jusqu'à Valdez, qui donne accès aux marchés d'exportation internationaux. Il serait vendu au prix du marché mondial du bitume, ce qui est impossible pour le moment.
Par contre, les pipelines pourraient plutôt aller vers le Nord. Tout le monde connaît le pipeline Mackenzie qui devait acheminer le gaz du delta vers le sud. Peut-être que cela devrait aller dans l'autre sens. Un pipeline pourrait acheminer le bitume jusqu'au Nord. Il pourrait également prendre le shale de Canol, juste à côté de Norman Wells. Puis, nous pourrons le transporter jusqu'aux ports de l'Arctique faits pour l'exportation des ressources en pétrole et en gaz.
À la page suivante, vous verrez qu'il y a une multitude de possibilités. Mon temps est presque écoulé, je ne vais donc pas passer en revue chacune d'elles. Le plus important à savoir, c'est qu'une multitude de possibilités correspond également à une multitude de lacunes dans la planification. J'en parle rapidement: les ports de l'Arctique et les corridors du Nord souffrent du manque d'intégration des plans; les investissements dans les infrastructures nordiques sont utilisés de manière désordonnée; les projets sont souvent menés par plusieurs administrations, mais il leur manque une entité de coordination.
La dernière page contient nos recommandations: planification-cadre par un organisme de coordination des corridors territoriaux; regroupement de l'administration des voies maritimes, des ports et des corridors; modernisation des infrastructures nordiques à l'aide d'un partage des dépenses entre les utilisateurs et les gouvernements.
J'espère que je n'ai pas trop dépassé mon temps de parole. Merci.