Passer au contenu

INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 142 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 2 avril 2019

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bienvenue au Comité permanent des affaires autochtones et du Nord. Nous poursuivons notre étude sur le renforcement des capacités communautaires dans les réserves.
    Nous souhaitons la bienvenue à nos invités, sur le territoire non cédé du peuple algonquin. Le Canada a entrepris un processus de réconciliation, et tous les gens à cette table sont bien conscients qu'il s'agit d'une étape importante dans la réparation de torts historiques et que le processus exigera des efforts de nous tous.
    Nous accueillons le directeur exécutif de la First Nations Summit Society, M. Howard Grant.
    Bienvenue, Howard.
    Vous disposez d'au plus 10 minutes pour faire votre exposé. Par la suite, nous vous poserons des questions jusqu'à ce que le temps soit écoulé, dans un peu moins d'une heure.
    Vous pourrez commencer quand vous serez prêt.
    Je veux tout d'abord remercier le Comité de m'accorder du temps pour présenter un exposé sur les capacités des Premières Nations au Canada, mais plus particulièrement en Colombie-Britannique. Je veux également remercier le peuple algonquin de me permettre de m'adresser à un auditoire comme le vôtre.
    Cela dit, je crois que nous vous avons fourni un document. Plutôt que de le lire directement...
    Avant tout, je suis désolé de vous dire que pour des raisons de santé, Mme Christa Williams, qui a déjà été directrice générale du Secrétariat de la fonction publique des Premières Nations, ne peut être des nôtres aujourd'hui. En Colombie-Britannique, un grand nombre de personnes souffrent présentement de bronchite et de pneumonie, entre autres, et malheureusement, Mme Williams est du nombre.
    J'ai pensé vous parler un peu de moi et de mon parcours. Je m'appelle Howard Grant, et je suis le directeur exécutif de la First Nations Summit Society. Je suis également membre et conseiller de la Première Nation de Musqueam en Colombie-Britannique. Cela fait 37 ans que je siège au conseil. Je suis un ancien bureaucrate. J'ai travaillé aux Affaires indiennes et du Nord de 1984 à 1993. J'ai eu l'occasion de travailler dans la fonction publique fédérale pendant un certain nombre d'années. Je suis également un ancien administrateur de bande. Toute ma vie, j'ai travaillé au sein de l'appareil gouvernemental et des Premières Nations.
    Mon nom traditionnel est Qeyapalanewx VI. C'est mon arrière-arrière-arrière-grand-père qui a rencontré le capitaine Vancouver, en 1791, et le capitaine Narvaez, en 1792. La Colombie-Britannique a une longue histoire, particulièrement notre Première Nation, compte tenu du fait que nous comptons 300 années de moins de contacts avec la population européenne et que, par conséquent, nous avons pu maintenir une solide compréhension de notre système de gouvernance complexe qui était en place avant d'être remplacé par la culture européenne et la Loi sur les Indiens. J'ai eu la chance d'avoir des discussions avec mes grands-oncles, qui avaient 106 ans en 1952, donc 1848... Je parle de gens qui ont probablement rencontré les premiers Européens. Je ne suis qu'un exemple parmi un certain nombre de personnes sur la côte Ouest qui ont une histoire familiale aussi riche.
    Cela étant dit, j'ai été bénéficiaire de la prestation de services et de programme d'Affaires indiennes lorsque j'étais enfant, en ne sachant pas que le gouvernement était là pour fournir de soi-disant ressources. Je suis également devenu un agent de prestation en tant qu'administrateur de bande et aussi un responsable au gouvernement fédéral quant à la façon d'offrir les services aux Premières Nations.
    En 1970, les Premières Nations ont commencé à s'occuper de la prestation de programmes et de services. Il ne s'agissait au départ que de distribuer des chèques d'aide sociale, entre autres choses, plutôt que d'avoir à faire la file à un bureau régional. Ensuite, on leur a accordé un niveau de salaire équivalant au niveau CR-2 environ. J'ignore si vous connaissez la structure du gouvernement, mais ce niveau CR-2 a été maintenu au cours des années 1970 et 1980, et à partir de cette période, le gouvernement fédéral a commencé à déléguer de plus en plus de responsabilités aux Premières Nations et à leurs institutions, mais encore une fois, en maintenant le niveau de salaire à CR-2, un niveau administratif très bas.
    Au milieu des années 1980, on a décidé de donner plus de responsabilités aux Premières Nations pour la gestion de ces programmes et on a demandé des rapports sur la gestion des programmes. La question de savoir s'il a utilisé l'information importe peu à ce moment-ci, mais l'aspect important, c'est qu'on leur a demandé de gérer quelque chose, ce qui correspondait à un niveau PM-5 et supérieur, tout en leur versant un salaire de niveau CR-2. On ne tenait pas compte de cet équilibre.
    En 1970, en Colombie-Britannique, environ 6 000 employés fédéraux fournissaient des services aux Premières Nations. Cela incluait entre autres des enseignants.
(0850)
     Puis, le gouvernement, par l'intermédiaire de Mazankowski, a décidé de réduire les effectifs. Cela s'est accompagné du fait que le gouvernement a réduit son effectif au niveau où il est aujourd'hui en ce qui a trait à environ 300 personnes au sein de l'ancien ministère des Affaires indiennes et du Nord. Il y a actuellement environ 8 000 employés de Premières Nations en Colombie-Britannique, mais ils ont toujours un salaire de niveau CR-2 ou CR-3. Prenez ces choses en compte, et pensez au fait que ces membres des Premières Nations profitent d'une échelle salariale minimale, voire moins que cela, mais qu'on leur demande de fournir à la haute direction des conseils et des rapports. Voilà le contexte quant à ce que j'ai à dire.
    Il y a ensuite une politique gouvernementale qui a été établie à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Dans cette politique, on indique prévoir pour les Indiens inscrits vivant dans les réserves des choses comparables... par rapport aux Canadiens... en ce qui a trait aux services et aux programmes. Il y est question de négociations sur des formes d'autonomie gouvernementale qui augmentent le contrôle exercé par les Indiens... Il y est question également d'éliminer des obstacles et de favoriser l'accès des Indiens à l'expertise économique, aux capitaux et aux marchés du monde; de négocier des revendications globales; de respecter des obligations légales; de satisfaire aux conditions des dispositions sur l'autonomie gouvernementale et de tenir les engagements formels connexes.
    Ce n'est là qu'un aperçu en ce qui a trait à la politique du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien des années 1970. Revenons au présent. Ces politiques sont maintenant ce qu'on appelle quelque chose de nouveau dans la foulée de la réconciliation, mais elles ont toujours existé. La reconnaissance du gouvernement tout entier — reconnaître cette responsabilité fiduciaire — et d'une approche horizontale n'existe que depuis tout récemment.
    Même aujourd'hui, c'est encore un fait. La plupart des gouvernements, la plupart des ministères fédéraux disent « non, c'est un problème qui relève de Services aux Autochtones Canada ou de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, alors renvoyez-lui cela ». Or, le premier ministre a envoyé des lettres de mandat à tous les ministères fédéraux qui, encore aujourd'hui, ne tiennent pas compte de cette reconnaissance et de cette relation qui est requise.
    Cela dit, nous devons déterminer comment renforcer les capacités. En Colombie-Britannique, au Sommet des Premières Nations, nous avons créé le Secrétariat de la fonction publique des Premières Nations, compte tenu du fait qu'il était nécessaire d'en faire davantage. Le secrétariat a été créé il y a un certain nombre d'années sous le régime de l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell. Nous avons demandé l'aide du gouvernement fédéral pour la création d'une approche à deux volets. Le gouvernement fédéral a répondu « désolé, mais cela ne nous intéresse pas ». C'était il y a 10 ans.
    Revenons au présent. Le gouvernement fédéral en est arrivé à un point où il reconnaît dans une certaine mesure qu'il doit travailler à l'autodétermination des Premières Nations, mais en vertu de quelle définition? Comment définissons-nous la réconciliation?
    Une véritable réconciliation doit passer par la reconnaissance des gouvernements des Premières Nations dans la Constitution. On doit comprendre qu'il faut établir une véritable relation de nation à nation et que cela nécessite le renforcement des possibilités des Premières Nations dans leurs structures gouvernementales. Voilà ce que cela nécessite. Comment établissons-nous ce genre de relation? Dans la reconstruction ou la construction d'une fonction publique des Premières Nations, pour améliorer la compréhension de leur système de gouvernance complexe.
    De 1970 à aujourd'hui, le ministère des Affaires indiennes et du Nord a essayé d'imposer un mode de gouvernance européen. Il dit que l'administration publique, c'est l'administration publique. Ce n'est pas nécessairement le cas. Nous devons comprendre que les Premières Nations sont uniques. Leur situation est différente. La Carleton University offre un programme d'administration publique fédérale et la University of Victoria offre un programme d'administration publique provinciale, mais nous devons traiter avec les gouvernements fédéral et provinciaux et les municipalités. De plus, nous n'avons pas les institutions qu'ont tous vos gouvernements pour ce qui est de soutenir les organismes d'État et le développement des entreprises.
(0855)
    En tant que Premières Nations, nous avons la responsabilité d'examiner comment maintenir les choses pour ce qui est du fiduciaire, et sans risque, de sorte qu'une fonction publique des Premières Nations est une exigence à part entière. Je conclurai en disant que nous constatons que quatre piliers s'imposent: haute direction, finances, ressources humaines et gestion des dossiers et de l'information. Voilà les quatre piliers que nous considérons comme étant nécessaires.
    En terminant, je dirais qu'il nous faut poser les questions de demain dès aujourd'hui.
     Merci.
    Merci beaucoup.
    C'est le député Mike Bossio qui posera les premières questions.
    En fait, j'aimerais vous donner l'occasion d'en dire un peu plus sur les quatre piliers dont vous avez parlé et sur la façon dont nous devons évoluer quant à ces piliers, à votre avis. Depuis les années 1970, nous essayons, mais les choses ne fonctionnent pas aussi bien que nous le souhaiterions. J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur la façon dont nous pouvons résoudre le problème qu'a le gouvernement, qui essaie... Nous utilisons les termes de l'administration publique depuis des centaines d'années et, comme tout le monde le sait, les communautés autochtones sont bien différentes, et elles diffèrent grandement les unes des autres.
    Comment tenir compte du caractère unique de l'expérience, des connaissances traditionnelles et de la culture des Premières Nations et bâtir une fonction publique sur cette base en fonction des quatre piliers que vous venez de nommer?
    Je vais répondre à vos questions en vous donnant des exemples de ce qui s'est passé.
    J'ai été là pendant 10 ans, en tant qu'administrateur de bande ou premier dirigeant de ma nation. En 1997, j'ai quitté ma communauté pour travailler pour le Sommet des Premières Nations. De 1998 à aujourd'hui, ma communauté a eu 11 administrateurs de bande ou premiers dirigeants, ou peu importe comment vous voulez les appeler. Tous ces gens avaient des maîtrises en gestion des affaires ou des diplômes en commerce, etc., mais aucun n'entrait dans toutes ces catégories. Lorsqu'on occupe une fonction de Premières Nations, comprend-on complètement l'administration publique du point de vue fédéral, provincial et municipal?
    De plus, il y a le risque zéro concernant les sociétés d'État qui ont été créées pour ce qui est de la gestion des terres, de la fiscalité, etc., et il y a ensuite le volet des affaires et, surtout, les nuances subtiles de la culture dans la communauté. Lorsqu'on traite avec des gens, surtout en Colombie-Britannique, dont les populations comptent entre 700 et 3 000 personnes, vos concitoyens sont juste devant vous si vous commettez une erreur de jugement. Ils remettront tout en question. Des rapports indiquent que les Premières Nations ne sont pas transparentes — c'est tout à fait faux. Lorsqu'une décision est prise par un conseiller, un administrateur de bande, ou un autre dirigeant, les gens qui posent ce type de questions sont juste là. Il y a pour ainsi dire une vérification interne.
    Nous savons que ces quatre piliers sont importants, mais celui qu'il manque cruellement, c'est la gestion des dossiers et de l'information. Autrefois, tous les dossiers étaient détenus par le gouvernement fédéral. Au milieu des années 1980, ils ont été transférés et on a dit « tous ces dossiers vous sont confiés à vous, les Autochtones ». Certains dossiers se trouvent chez des chefs ou des administrateurs de bande, dans leurs greniers, leurs sous-sols, etc., mais rien de tout cela n'a été placé dans un endroit centralisé. Ce qu'il faut faire, c'est récupérer tous ces renseignements et les conserver dans un immeuble auquel on peut accéder dans les activités quotidiennes et savoir comment nous devons procéder.
     Il faut que le gouvernement comprenne ce genre de choses. Il nous a mis dans un coin et nous essayons maintenant d'en sortir. Les quatre piliers dont nous avons parlé ne constituent que le point de départ, car au-delà de cela, nous devons bâtir ces institutions.
(0900)
    J'imagine que ce que nous essayons de faire dans le cadre de notre étude sur le renforcement des capacités, du moins, de mon point de vue, c'est de comprendre quel est le moyen le plus efficace de renforcer les capacités et de les maintenir, de maintenir ces services. Comme vous venez de le dire, les changements se produisent tellement rapidement. Vous avez occupé la fonction pendant 10 ans, mais depuis, il y a eu 11 administrateurs différents. Comment renforcer ces capacités et les conserver? De quels types de stratégies de maintien en fonction avons-nous besoin?
     Peu de données exactes sont recueillies. Par exemple, le gouvernement s'applaudit en disant « wow, regardez cela — depuis 1985, le taux de diplomation postsecondaire est à la hausse ». C'est complètement faux. Si on utilise les mêmes facteurs qu'avant 1985 pour les réserves seulement, on voit une baisse, car tous les investissements actuels pour les études postsecondaires en particulier vont dans la population plus urbaine. Ils en tirent parti. Il y a eu les projets de loi C-31, C-3 entre autres, et les nouveaux Indiens et les Autochtones déclarés, et tout cela est entré dans la base de données, celle du gouvernement.
     Il semble que le taux augmente, mais si on regarde seulement du côté des réserves, parce que ce sont ces gens qui resteront à la maison... Ils y sont élevés et participent à la culture. Dans les réserves, lorsque nous envoyons nos enfants dans d'autres communautés, la vaste majorité perd cela. Imaginez envoyer vos enfants âgés entre 7 et 14 ans, qui vivent dans une communauté rurale et éloignée, dans des écoles situées à l'extérieur de votre réserve parce qu'il n'y a pas d'école dans la réserve. C'est un défi, et on perd la leçon la plus importante de l'éducation. C'est ce que j'appelle la discussion à table. C'est la partie importante. Il y a non seulement ce qu'on apprend à l'école secondaire ou postsecondaire, mais aussi le volet de la culture de sa communauté; c'est important.
    Je vous donne un exemple. Nous comptons parmi nous un forestier, un arboriculteur, et il essaie de gérer des possibilités de développement économique. Il a vu des arbres sur le flanc de la montagne et il a dit que nous devrions les abattre pour investir et ouvrir des possibilités économiques, mais il s'agissait d'un lieu archéologique très important pour la communauté. On ne devait jamais toucher à cette ressource, mais seulement parce que l'administrateur de la bande du moment ou le forestier ne savait pas ce genre de choses, il pourrait bien y avoir un non-Autochtone.
(0905)
    Merci, monsieur Grant, pour ce portrait de votre situation.
    C'est maintenant au tour de M. Waugh de poser ses questions.
    Merci, monsieur Grant. Vous avez abordé différents enjeux.
    Il y a une distinction à faire entre l'éducation qui est offerte en milieu urbain et celle accessible dans les réserves. Je vois dans votre mémoire que vous avez des données pour les 23 dernières années. Vous affirmez que la Colombie-Britannique est la seule région du Canada affichant un tel niveau de reddition de comptes. Alors, pouvez-vous me dire comment se porte l'éducation dans les réserves? Je vois bien des chiffres dans votre document, mais il ne semble pas y avoir de ventilation.
    Tout à fait et il s'agit encore là de savoir comment les données vont être utilisées. Les économistes sont des gens très brillants qui vont se servir des données pour justifier et défendre une prise de position. Il faut donc se demander en l'espèce pour quelles raisons les choses ne tournent pas rond. Il est indiqué ici que la majorité de nos diplômés du postsecondaire ont étudié dans le domaine des sciences sociales: santé, éducation, développement social, travail social, archéologie, anthropologie, etc. Il n'y en a pas dans les secteurs les plus en demande comme l'économie, les finances, l'administration publique et l'administration des affaires. C'est justement un savoir-faire qui nous manque dans nos réserves.
    Dans notre cas particulier, nous avons neuf avocats qui sont tous spécialisés dans les droits et les titres, mais il nous en faudrait qui s'occupent de droit fiscal et maintenant de droits matrimoniaux pour les divorces, les droits de propriété et tout le reste. Ce manque de compétence à l'égard de réalités très concrètes nuit à notre développement économique.
    Qu'en est-il de la situation de l'éducation postsecondaire pour les Premières Nations en Colombie-Britannique? Existe-t-il une université pour les Premières Nations? Nous en avons une à Regina...
    Non, il n'y a pas...
    Ne devrait-il pas y en avoir une?
    Il n'y a pas d'université réservée aux Premières Nations, mais le gouvernement ne cesse de verser des fonds aux universités en place qui lui soumettent des propositions indiquant qu'elles vont concevoir un programme d'études postsecondaires pour les Autochtones. L'administration publique est un excellent exemple, car c'est un peu la tendance du jour. L'université conçoit un programme d'études, mais ça s'arrête là. Vous consacrez de 200 000 à 300 000 $ pour l'élaboration d'un programme d'études, mais personne ne suit le cours. Ce sont donc 300 000 $ dépensés en pure perte.
    Quant à savoir si la création d'établissements qui seraient beaucoup plus... et nous ne pouvons pas offrir la formation en ligne parce qu'il y a sans doute actuellement le quart ou même le tiers de nos communautés éloignées qui n'ont pas accès à Internet.
    Comment allons-nous pouvoir rectifier le tir? La situation perdure depuis des décennies. Vous travaillez au service de la population depuis les années 1970. J'oserais dire que les choses n'ont sans doute pas beaucoup changé depuis tout ce temps. Comment allons-nous pouvoir faire le nécessaire pour donner aux réserves les capacités voulues? Elles n'ont actuellement que très peu de capacités d'agir, voire pas du tout.
    Oui, je dirais qu'il faut prendre un peu de recul. Il est important de se demander dès aujourd'hui ce que l'avenir nous réserve. Quant à savoir comment s'y prendre exactement, il faut se donner les capacités nécessaires en gardant toujours notre avenir à l'esprit. Il convient donc d'évaluer la situation actuelle au sein de chaque communauté pour déterminer ce que nous avons, ce qui nous manque et ce dont nous avons besoin. Comment dispenser la formation requise aux fonctionnaires déjà en place? Comment investir en tenant compte des perspectives d'avenir?
    C'est ce que nous faisions avant l'arrivée des Européens. En regardant grandir nos filles et nos garçons, nous savions déjà lesquels allaient devenir les orateurs, les artistes, les cueilleurs ou les chasseurs de demain, car nous observions déjà chez eux ces diverses compétences. Il en va de même dans la société si ce n'est que l'on peut presque présumer que les fils et les filles de médecin, d'avocat ou de chef indien vont vouloir suivre les traces de leurs parents. Nous n'avons pas de modèles semblables pour inspirer les jeunes de notre communauté. Nous n'avons pas de médecin, et pas de scientifique non plus.
    Soyons bien honnêtes. Ceux parmi vous qui avez des enfants maintenant à l'âge adulte les avez aidés avec leurs travaux scolaires. Tous les jours de leur vie, vous leur avez appris des choses et avez échangé avec eux. Ce n'est pas notre cas. On parachute quelqu'un et on doit se contenter d'une mise à jour culturelle toutes les deux semaines. On ne peut pas simplement dire aux gens que l'on fait partie de leur famille, puis s'en aller par la suite.
(0910)
    Nous devons examiner la situation pour cibler nos investissements. Lesquels parmi nos gens vont toujours vivre sur la réserve? C'est dans ces gens-là que nous devons investir, peu importe ce qui arrive... les salaires vont devenir un aspect très important. Nous sommes vraiment défavorisés. Je vis dans une réserve en milieu urbain et bon nombre de nos membres qui sont devenus des professionnels ne veulent pas travailler pour nous parce que nous ne pouvons pas leur offrir un salaire concurrentiel.
    Oui, c'est ce que je peux constater chez moi à Saskatoon. La communauté perd effectivement ces compétences.
    Oui.
    Ce sont les réserves en milieu urbain, et il y en a plusieurs, qui en font les frais en perdant encore plus de terrain.
    L'inégalité entre les secteurs urbains et ruraux est vraiment problématique au Canada. Comme vous l'avez indiqué, ils quittent la réserve pour se retrouver en milieu urbain et reviennent souvent, mais nous finissons par perdre leur trace. Il y a aussi le problème de la rétention des enseignants et bien d'autres choses qui clochent. C'est pourquoi notre comité s'efforce de déterminer les moyens à prendre pour pouvoir aller de l'avant.
    Eh bien, il faut créer ces incitatifs en s'assurant qu'il y a équité salariale. Il faut également reconnaître que par le passé... Je vais vous donner un exemple. À l'époque où le ministère des Affaires indiennes s'occupait encore de tout pour les Autochtones, on déployait des enseignants. Le salaire de base était le même, mais ceux qui acceptaient d'enseigner dans des communautés rurales plus éloignées avaient droit à des incitatifs.
    C'est bien vrai.
    Ils recevaient une allocation de subsistance et bénéficiaient d'autres avantages semblables. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Vous commencez au salaire minimum pour un enseignant et vous ne touchez absolument rien de plus.
    Merci.
    Nous passons maintenant à Mme Blaney.
    Un grand merci d'être des nôtres aujourd'hui, monsieur Grant.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage au sujet de l'approche à deux volets que vous avez soumise au gouvernement fédéral concernant la rémunération.
    Je prends bonne note de ce que vous nous dites. Parmi les sujets de préoccupation pour bon nombre des collectivités autochtones que je représente, il y a ces difficultés que vous avez mentionnées concernant la capacité de payer un salaire suffisant. Le problème, c'est que les gens vont quitter la communauté dans ces circonstances parce qu'une rémunération plus intéressante les attend ailleurs. On se plaint également beaucoup du fait que l'on a très peu investi pour aider les communautés à se doter de la structure de gouvernance nécessaire pour s'adapter à l'évolution de la situation. L'ampleur des séquelles du colonialisme peut varier selon les communautés, et les impacts ressentis sont parfois très considérables.
    J'aimerais donc que vous nous indiquiez en quoi consiste cette approche en deux volets. Par ailleurs, comment peut-on justifier le fait que le gouvernement du Canada s'en est pris depuis toujours à vos structures de gouvernance? De quelles ressources vos communautés ont-elles besoin pour se doter des capacités nécessaires?
    Pour ce qui est des structures de gouvernance... Si on considère l'esprit autrefois plus colonialiste, on a pu entendre différents mots clés comme regroupement, reconstitution et reconstruction. À l'est des Rocheuses, on appliquait une formule accordant aux Premières Nations une certaine superficie de terres, soit 250 acres par famille. C'est la raison pour laquelle on retrouve à l'est des Rocheuses des communautés autochtones établies sur de grandes étendues pouvant aller de 5 000 à 12 000 acres. C'est tout le contraire à l'ouest des Rocheuses. Dans notre cas particulier, c'est 2,5 acres par famille. Notre réserve est la plus petite au Canada. En Colombie-Britannique, nous nous retrouvons avec 200 Premières Nations et les gens nous demandent pourquoi nous ne reconstituons pas les groupes d'antan avec les Salish de la côte, les Kwakiutl, et tous les autres. De tels regroupements n'ont pourtant jamais existé.
    Les gens ne cessent d'essayer de nous classer ainsi en différents groupes linguistiques. Nous formions davantage des cités-États que des nations à proprement parler, et c'est ce que nous serons toujours. Cette structure de gouvernance doit donc être prise en compte lorsqu'il s'agit de déterminer qui va définir ce qui s'en vient et comment nous allons nous y prendre pour y parvenir. C'est la structure que nous avions avant l'arrivée des Européens et nous pouvons l'avoir encore aujourd'hui. Il s'agit simplement de reconnaître cette réalité. Il faut aussi s'assurer de faire évoluer les choses de manière à améliorer le sort des Premières Nations.
    Au sein du gouvernement fédéral, vous avez des institutions qui appuient les structures en place aux fins d'une gouvernance saine, comme le ministère de la Justice et le ministère des Finances. Nous nous sommes également dotés de quelques institutions semblables, mais il faut bien avouer qu'à l'instar de vos propres structures de gouvernance, il y a eu une sorte de cloisonnement... Nous avons l'Administration financière des Premières Nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations, la Commission de la fiscalité des Premières Nations et le Conseil consultatif des terres des Premières Nations, mais toutes ces institutions fonctionnent en vase clos.
    Il y a quatre ans, j'ai été l'hôte d'un souper où j'ai pu demander aux représentants de toutes ces institutions pourquoi elles ne conjuguaient pas leurs efforts pour que les membres des Premières Nations soient mieux au fait de ce qu'elles ont à offrir. À ce moment-là, un déclic s'est produit chez ces gens-là. Ils ont tenu leur première conférence l'an dernier et ils en sont maintenant à leur deuxième dans un effort pour travailler ensemble dans ces dossiers.
    Toutes les régions ont besoin du travail de ces institutions de gouvernance.
    Le gouvernement, surtout à l'échelon fédéral, s'appuie malheureusement sur une approche de nationalisation. Nous avons demandé à ce que le Secrétariat de la fonction publique des Premières Nations serve de projet pilote en Colombie-Britannique, mais les gens de Services aux Autochtones Canada ont des craintes. On nous demande comment on pourra s'adresser au Conseil du Trésor pour obtenir quoi que ce soit. On est convaincu que toutes les demandes seront refusées. Cela s'explique du fait que le Conseil du Trésor s'intéresse uniquement au résultat final. Il veut savoir quelles seront les économies réalisées et en quoi les choses vont vraiment s'améliorer.
    Si vous deviez adopter une approche nationale dès demain, cela ne fonctionnerait pas en raison du caractère unique de chaque région et de la complexité des modes de gouvernance — certains sont matrilinéaux et d'autres patrilinéaux. Nous devons permettre à chacune des communautés de se rebâtir en fonction des réalités qui lui sont propres. Nous ne pouvons pas continuer à leur imposer sans cesse des façons de faire.
    J'espère avoir répondu à votre question.
(0915)
    Merci pour cette réponse.
    Nous vivons une époque intéressante. De nombreux arguments sont mis de l'avant quant à savoir qui est vraiment responsable. Est-ce que ce sont les chefs élus ou les chefs héréditaires? Selon moi, le processus de renforcement des capacités exige notamment que nous comprenions ces distinctions pour savoir comment concilier le tout. Je viens moi aussi de la Colombie-Britannique. Comme bon nombre de ces communautés sont de taille très réduite, elles disposent de ressources extrêmement limitées pour interagir avec le gouvernement dans le cadre d'une relation de nation à nation.
    Pouvez-vous nous parler des difficultés que vivent ces communautés et nous indiquer de quel genre de ressources ou de mesures de soutien elles ont besoin pour pouvoir entretenir une relation de nation à nation avec le gouvernement fédéral?
    Nous ne sommes pas les seuls à fonctionner suivant un régime héréditaire.
    Si nous considérons la situation actuelle au Canada, je vous demanderais combien vous êtes à prêter encore allégeance à la Reine d'Angleterre. Je n'en reviens tout simplement pas. La majorité des Canadiens nous disent qu'ils ne nous comprennent pas avec nos chefs héréditaires et tout le reste, mais ils sont tout de même disposés à subventionner la Reine d'Angleterre à même les deniers publics. Votre situation est la même. Vous pouvez maintenir en place ce régime héréditaire, et il n'y a rien de mal là-dedans.
    Nous sommes toutefois rendus au XXIe siècle et le chef n'est malheureusement plus celui, au sein du régime héréditaire, qui voit au bien-être de sa communauté. Il faut donc maintenant pouvoir compter sur un groupe d'élus possédant les compétences, les connaissances et les outils nécessaires pour diriger un gouvernement. C'est un fait reconnu. Il s'agit seulement de déterminer comment on pourra le faire comprendre à tous.
    Merci.
    Les prochaines questions seront celles de M. Amos.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Grant.
    J'ai l'impression que vous n'aviez pas terminé votre réponse, et j'aimerais bien savoir ce que vous aviez encore à nous dire à ce sujet.
(0920)
    Merci.
    C'est principalement sur la côte ouest de la Colombie-Britannique que le système héréditaire est encore en place, contrairement à ce qui se passe à l'intérieur de la province et ailleurs. Ces Premières Nations s'en tirent bien. Ainsi, les Wet'suwet'en qui font actuellement la manchette ont un régime qui mise à la fois sur des chefs héréditaires et des représentants élus. En outre, la moitié des chefs héréditaires sont eux-mêmes élus. Ce régime fonctionne bien. Il s'agit simplement de définir les paramètres de telle sorte que chacun sache bien de qui lui viendront ses directives.
    Nous avons un Sénat qui joue un rôle très important. Nous avons des gens qui possèdent l'intelligence pratique, les connaissances et la sagesse nécessaires, j'ose l'espérer, pour déterminer les moyens à prendre afin d'améliorer les choses au Canada sans toutefois dénaturer complètement ce pays qui est considéré comme l'un des meilleurs au monde. Vous êtes là pour examiner toutes les mesures législatives dont vous êtes saisis en posant les questions qui doivent être posées.
    Il en va de même pour le système héréditaire. Si j'étais moi-même un chef héréditaire, je m'inquiéterais au sujet des terres perdues, de la dégradation de l'environnement et de l'héritage que nous laissons à nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants.
    Le pipeline est un excellent exemple. L'Office national de l'énergie a indiqué que le projet était bénéfique pour tous les Canadiens et qu'il fallait donc aller de l'avant. Vous voudrez bien m'excuser, mais est-ce vraiment bénéfique pour tous les Canadiens? Est-il bénéfique pour moi d'avoir une telle installation dans ma cour? Je ne pense pas. Ce projet ne nous procure aucune retombée économique, mais c'est nous qui allons en faire les frais si jamais il y a rupture de l'oléoduc.
    Dans notre région, si l'un de ces pétroliers est victime d'une collision, c'est toute la mer de Salish qui va être perdue pendant une période de 50 ans. C'est de cette mer que nous tirons notre subsistance. Nous avons eu gain de cause dans l'arrêt Sparrow relativement à l'endroit même où l'on s'apprête à construire le terminal 2 de Roberts Bank. On nous empêche encore une fois d'avoir accès aux ressources à des fins cérémoniales et alimentaires.
    Comment devons-nous interagir avec le gouvernement? C'est le grand défi. Nous avons eu gain de cause dans l'affaire Sparrow et nous sommes, à des fins de conservation, les deuxièmes à pouvoir avoir accès au poisson se dirigeant vers le fleuve Fraser. Comment a réagi le gouvernement? Il a négocié avec les Premières Nations Maa-nulth pour obtenir le premier droit d'accès au saumon sockeye se dirigeant vers le Fraser. En considérant de telles situations, on peut se demander comment une approche semblable est possible dans un contexte où les différents ordres de gouvernement peuvent mettre en place des mesures législatives qui auront une incidence sur les ententes conclues.
    C'est à ce niveau que l'on pourrait bénéficier selon moi de la sagesse des chefs héréditaires et des autres intervenants à l'intérieur d'un tel régime.
    Dans le cadre de la présente étude, nous avons bénéficié de la contribution de nos voisins algonquins dont le territoire se trouve en grande partie dans la circonscription que je représente. M. Norm Odjick nous a notamment parlé des difficultés que connaissent les conseils tribaux et de la nécessité de leur fournir des ressources financières suffisantes pour qu'ils puissent faire le nécessaire afin de coaliser les différentes communautés formant la nation algonquine. Vous avez proposé différentes approches susceptibles de faciliter l'accès aux institutions fédérales et aux ressources qui sont utilisées plutôt efficacement en vue d'offrir le soutien gouvernemental requis au Canada.
    Quelle serait selon vous la façon la plus simple et la moins coûteuse de permettre l'accès aux ressources offertes par le gouvernement fédéral via ses différents ministères et agences pour que nos communautés autochtones bénéficient du soutien dont elles ont besoin?
(0925)
    Je dois vous avouer que j'ai moi-même travaillé à l'élaboration de la formule de financement des conseils tribaux. Au début des années 1980, les conseils tribaux ont choisi, non pas de se fusionner, mais bien de travailler ensemble à l'intérieur du même cadre politique. Lorsque nous avons procédé à une rationalisation en Colombie-Britannique, nous nous sommes interrogés sur les moyens à prendre pour mieux aider les Premières Nations et nous avons convenu de créer cinq postes consultatifs qui existaient déjà au sein du ministère des Affaires indiennes et du Nord. Nous avons en quelque sorte transféré ces cinq postes: conseiller financier des bandes, conseiller en administration locale, conseiller économique, conseiller en services techniques et conseiller en planification. Ces cinq postes se situaient au niveau PM-5 ou PM-6 au sein de l'organigramme fédéral, mais se sont retrouvés aux niveaux PM-3 et PM-4 après le transfert. À l'intérieur des cinq structures en question, on était censé collaborer avec les conseils tribaux pour faciliter le développement des différentes bandes. Cela n'a jamais été fait.
    On a encore une fois imposé aux Premières Nations une approche autoritaire, plutôt que de les laisser se prendre en main. C'est devenu une subvention bonifiée pour faire simplement du conseil tribal une entité politique, plutôt qu'un pourvoyeur de services.
    Merci.
    Nous passons maintenant à des périodes de cinq minutes pour les questions.
    C'est Mme McLeod qui va débuter.
    Merci de votre présence aujourd'hui. Quand on vient comme nous de la Colombie-Britannique, le temps qu'il fait à Ottawa aujourd'hui est un véritable choc.
    À qui le dites-vous!
    Quoi qu'il en soit...
    Vous allez devoir vous en contenter; il faut bien se faire une raison.
    Des députés: Ah, ah!
    ... j'ai toute une série de questions que j'aimerais vous poser.
    Commençons par le commencement. Vous avez parlé des institutions dirigées par les Premières Nations et de la nécessité qu'elles se concertent. J'en conviens et j'ai entendu certaines personnes faire valoir que l'on avait besoin d'une institution responsable des infrastructures. Entrevoyez-vous des difficultés quant à la forme que cela pourrait prendre? Pensez-vous que cela pourrait permettre de donner accès à l'autonomie nécessaire à l'intérieur de ce groupe?
    Voyez-vous où je veux en venir?
    Pourriez-vous répéter la question?
    Nous avons des institutions dirigées par les Premières Nations, comme la Commission de la fiscalité des Premières Nations et le Conseil de gestion financière des Premières Nations. Vous nous avez dit que ces entités pourraient travailler en plus étroite collaboration. Y a-t-il aussi des lacunes à combler quant aux genres d'institutions qui pourraient être mises en place, par exemple pour les infrastructures?
    Certainement. Il ne fait aucun doute que l'absence d'une collecte de données vraiment efficace est regrettable. Si nous parvenons à nous éloigner de la structure en place pour nous diriger davantage vers une véritable relation de nation à nation, il faudra mettre sur pied un mécanisme nous permettant de nous adresser au Parlement pour lui faire part de nos besoins financiers. Une fois le financement obtenu, il faut aussi pouvoir expliquer et justifier la façon dont les ressources ont été utilisées. Comment allons-nous nous y prendre? Quel mécanisme sera mis en place à cette fin? Quelqu'un doit pouvoir s'adresser au Conseil du Trésor et au ministère des Finances en indiquant de quel somme d'argent nous avons besoin avec toutes les données probantes à l'appui. C'est absolument nécessaire. Je sais que l'on a tenté de mettre un tel mécanisme en place au Manitoba. L'institution a vu le jour, mais elle a été en quelque sorte abandonnée depuis. Je ne sais pas quelle est la situation actuellement.
    Encore là, nous devons reconnaître l'importance d'agir partout au Canada. Toutes les régions ont besoin d'une telle capacité.
    Je n'en disconviens pas. Je pense qu'il y a eu une tentative, comme vous le dites, et qu'il y avait des défis. Pensez-vous que l'on pourrait s'entendre au pays pour participer à ce type de...?
    Vous posez une question qui va au-delà de l'exercice de demain, mais oui. Les Premières Nations ont également demandé un institut du nom de Bureau du vérificateur général. Je ne souscris pas à cette idée. Nous avons un vérificateur général qui oblige le Canada à rendre des comptes. Vous pourriez avoir une sous-division d'une entité d'une Première Nation, qui existe à l'heure actuelle, mais elle n'est pas aussi structurée que vous le souhaiteriez. Le vérificateur général oblige notre gouvernement à rendre des comptes à cet égard, et je pense que le bureau fait un assez bon travail.
    Pour répondre à votre question, je suis un optimiste. Autrement, je ne serais pas ici. Je crois toujours qu'un jour, nous nous débarrasserons de la Loi sur les Indiens, mais ne le faisons pas avant d'avoir une mesure tout aussi bonne pour la remplacer.
    Par exemple, à l'heure actuelle, le gouvernement propose des subventions sur 10 ans. Il propose un certain nombre de mesures. Il dit que les Premières Nations peuvent devenir autonomes, mais soyons honnêtes: peu importe les circonstances, la majorité des Premières Nations ne peuvent pas se gouverner elles-mêmes. Vous pouvez recevoir du financement du gouvernement, mais si vous n'avez pas la compétence voulue, cela ne fonctionnera pas.
    Il en va de même pour vous comme gouvernement. Comme l'industrie pétrolière est au ralenti, que doit-on faire? Vous augmentez les recettes fiscales d'autres secteurs. Nous devons faire la même chose si jamais nous nouons une relation de nation à nation.
(0930)
    Que signifie « nation à nation » pour vous?
    Il ne vous reste que 30 secondes, alors soyez très bref.
    Il faut reconnaître un troisième ordre de gouvernement. La réconciliation vise à reconnaître que nous détenons ces droits et que le gouvernement doit traiter avec nous de façon honorable, comme les tribunaux l'ont dit.
    Merci.
    Le prochain intervenant est Yves Robillard. Il s'exprimera en français, alors vous aurez peut-être besoin de votre écouteur.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Grant, de votre témoignage.
    Plusieurs témoins ont insisté sur le fait que le financement provenant du fédéral ne permet pas aux Premières Nations d'avoir une vision à long terme, dans la mesure où ce financement est annuel.
    Pouvez-vous nous parler des difficultés auxquelles doivent faire face les communautés autochtones quant au système de financement et nous dire comment nous pouvons améliorer cette situation?

[Traduction]

    Merci de cette question, car c'est toujours un sujet de préoccupation pour moi.
    Ayant été fonctionnaire, je sais que tout le financement est accordé dans le cadre d'un accord de contribution annuelle. Lorsqu'on est passé à du financement global, ou à des accords de modes optionnels de financement, les montants étaient toujours très restreints. Cela n'avait pas grand-chose à voir avec le renforcement des capacités ou la formation des Premières Nations. C'était exclu de ces types de formules de financement pour les Premières Nations. Selon les propositions présentées, vous pouviez demander des fonds pour le renforcement des capacités. C'est ce que l'on appelle le PDPI, le Programme de développement professionnel et institutionnel.
    Ces programmes sont exploités sur une base annuelle seulement. La triste réalité est que de nombreuses Premières Nations étaient visées par des plans de gestion corrective, si bien que la majeure partie de ces fonds n'ont pas servi au perfectionnement professionnel des Premières Nations. Ils étaient versés à des entrepreneurs comme Deloitte Touche et à des institutions financières qui aidaient les Premières Nations à se sortir de la gestion corrective. C'est un exemple.
    Par conséquent, il n'y avait pas de vision à long terme pour ces accords de contribution. Comme vous le savez fort bien, lorsque nous nous fondons sur les propositions, et c'est seulement sur une base annuelle, nous ne pouvons pas envisager un plan stratégique quinquennal ou décennal. Comment pouvez-vous dire à quelqu'un que vous voulez vous engager dans une certaine direction?
    Je dirais qu'au cours des 5 à 10 dernières années, le gouvernement s'est rendu compte qu'une planification communautaire globale est un instrument critique, si bien qu'il a effectué des investissements. Grâce à une planification communautaire globale, trois ou quatre Premières Nations ont attiré l'attention du monde entier, ont remporté des prix et ont mis à jour la planification aux deux ans. La triste réalité, cependant, c'est que les consultants ont pris cette situation, et plutôt que de partir de la base, ils ont imposé une approche descendante et ont dit qu'ils allaient faire du « copier-coller ». Cette approche n'aide personne. C'est la réalité.
    Plus important encore, pour répondre à votre question, le gouvernement continue de mener ses activités selon une contribution annuelle dans la majorité des cas. Il vous dira qu'il offre une subvention de 10 ans. Mais si vous l'examinez de plus près, la subvention de 10 ans concerne des obligations légales, où il y a du financement discrétionnaire et non discrétionnaire. Le financement non discrétionnaire est la subvention de 10 ans, et tous les autres fonds accordés sont encore fondés sur les propositions.
(0935)

[Français]

    Au cours des dernières semaines, des témoins nous ont dit que de nombreux membres des communautés autochtones quittaient leur communauté pour occuper des emplois mieux rémunérés dans des milieux urbains.
    Quelle est la marche à suivre pour améliorer la rétention des talents dans les réserves?

[Traduction]

    Là encore, il s'agit de déterminer où les renseignements sur le terrain sont nécessaires. Les talents dont nous parlions au début sont-ils dans les réserves, sont-ils nés et ont-ils grandi là-bas, ou ont-ils vécu dans les réserves et ont déménagé? Ont-ils obtenu leur éducation, puis ont décidé de retourner dans les réserves? Le cas échéant, nous devons reconnaître deux états de fait: premièrement, les salaires sont probablement bien inférieurs et, deuxièmement, les conditions de logement sont probablement inexistantes. Ce sont probablement les deux facteurs les plus importants.
    Dans mon cas, dans ma Première Nation, nous avons de nombreux talents, et la majorité de ces gens ne sont pas d'origine autochtone.
(0940)
    Me reste-t-il du temps?
    Non, votre temps de parole est écoulé. Désolée.
    Nous allons maintenant passer au député Arnold Viersen.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à notre témoin d'être ici aujourd'hui.
    Vous avez mentionné dans votre témoignage ce que vous appelez l'éducation à la table à manger. C'est une expression intéressante que vous avez utilisée.
    L'un des aspects qui était intéressant lorsque nous avons mené notre étude sur le suicide il y a un certain nombre d'années, c'est que nous avons discuté avec des jeunes, qui nous ont dit de régler les problèmes de leurs parents. C'est un thème qui revenait souvent. Ils nous disaient: « Pouvez-vous nous aider à régler les problèmes de nos parents? »
    C'est très important, cette éducation à la table à manger. Comment pouvons-nous rétablir ces capacités?
    J'ai eu le privilège et la chance de ne pas avoir fréquenté de pensionnat indien. J'étais entouré de mes grands-mères, de mes grands-pères, de mes tantes et de mes oncles. Je suis devenu l'enfant de substitution, le petit-fils et le neveu de tous les membres de ma communauté. J'ai six enfants. Je me suis assuré que mes enfants s'assoient à la table à manger pour que nous puissions discuter de notre identité et de nos origines, comme ma mère et mes aînés me les ont toujours décrites.
    C'est important pour connaître qui vous êtes. C'est l'élément manquant. C'est l'un des effets résiduels des pensionnats indiens. Bon nombre des parents actuels auxquels vous faites référence n'ont jamais eu cette occasion.
    Nous devons élaborer le programme d'études et les livres d'histoire des Premières Nations. Les gens appellent cela des histoires. Ce n'est pas ainsi que nous les appelons. Nous ne racontons pas une histoire. Nous racontons notre histoire. C'est l'aspect important: raconter ce qui compte dans la vie. Le fait de posséder cinq télévisions et une Cadillac, ce n'est pas important. Au final, vous n'emportez pas ces biens avec vous lorsque vous allez au paradis ou en enfer. L'important, c'est votre richesse intérieure, le nombre de gens que vous avez touchés dans votre vie, et le nombre d'entre vous qui ont légué un héritage pour faire de ce monde un endroit meilleur lorsque vous le quittez.
    Ces discussions à la table à manger sont si importantes pour reconnaître l'identité des enfants et les leçons qu'ils peuvent tirer sur la façon de prendre soin de la Terre mère.
    Cela semble si simple, mais ceux d'entre nous qui vivent dans des villes tiennent pour acquis que la beauté des paysages est là pour rester et qu'il y aura toujours de l'essence. Ce n'est pas le cas.
    Ces discussions à la table à manger deviennent un exercice inutilement coûteux. Nous devons simplement ramener ces discussions, car en intégrant notre histoire et notre identité dans le programme d'études, nous investissons dans notre Première Nation. Nous avons des modèles. Nous avons des idoles. Nous ne les reconnaissons pas, vous savez?
    Mes enfants vont à l'école, et ils sont issus des Premières Nations Tecumseh et Hiawatha. Notre plus grand guerrier était Giyepénexw. On n'en fait aucunement mention dans le programme d'études. Si vous demandiez aux membres de ma communauté qui est la personne la plus importante dans leur communauté, ils ne le sauraient probablement pas.
    Il faut investir dans ces discussions à la table à manger. C'est l'élément manquant — pour ces parents également. Je suis d'accord avec vous. Vous devez créer une communauté en santé avant de pouvoir avoir un gouvernement en santé.
    Quels instruments avons-nous à notre disposition pour vous aider en ce sens?
    Investir dans le programme d'études dans le système scolaire...
    D'accord.
    À l'heure actuelle, la DNUDPA, la Déclaration des Nations Unies, fait état que de nombreuses écoles... On laisse aux enseignants le soin de décider d'enseigner un cours ou de donner un devoir sur les enjeux des Premières Nations. Ils iront à la bibliothèque ou ailleurs, mais ils ne trouveront rien sur l'histoire locale. Ils ne trouveront pas de renseignements à ce sujet. Ils trouveront des renseignements dans les régions situées à l'est des Rocheuses, car la majorité des auteurs viennent de là.
(0945)
    C'est un excellent point. Il y a de nombreuses données historiques qui ne sont pas consignées.
    Je vous ai interrompu simplement pour vous faire savoir que nous n'avons plus de temps, et je vous remercie d'être venu ici et de nous avoir fait part de votre expérience, tant au sein de votre bande en Colombie-Britannique qu'à l'échelle fédérale. Vous nous avez fait profiter de votre grande sagesse et nous vous sommes très reconnaissants de vos contributions.
    Merci.
    Meegwetch.
    Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes pour que nous puissions passer à huis clos afin d'examiner les travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU