:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais remercier le Comité de m'avoir invité à prendre la parole ce matin. Je suis accompagné aujourd'hui par la sous-commissaire, Mme France Duquette, et l'avocat général, M. Brian Radford.
[Traduction]
Monsieur le président, je suis enchanté d'être ici pour vous faire part de notre expérience dans l'administration de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, puisqu'elle s'applique à moi-même et au Commissariat, et pour vous présenter des propositions concrètes qui, selon moi, permettront d'aboutir à un régime de dénonciation plus fort et mieux adapté dans le secteur public fédéral.
Les modifications proposées sont fondées sur nos 10 ans d'expérience à titre d'option externe pour les dénonciateurs ainsi que sur le traitement de plus de 750 divulgations d'actes répréhensibles et de 250 plaintes liées à des représailles. Elles s'inspirent aussi de l'expérience acquise dans l'application d'autres lois, à l'échelle tant nationale qu'internationale. Elles s'articulent autour de trois grands objectifs.
Premièrement, nos propositions visent à faciliter et à encourager la divulgation d'actes répréhensibles, notamment pour clarifier et souligner l'importance des questions relatives à la confidentialité. Deuxièmement, elles ont pour but d'éliminer les obstacles pratiques qui empêchent le Commissariat de mener à bien ses activités d'enquête. Enfin — et cela est extrêmement important —, elles devraient alléger le fardeau de preuve excessif qui incombe à ceux qui se plaignent de représailles et renforcer la protection qui leur est offerte.
Avant d'examiner les propositions en détail, je voudrais prendre quelques minutes pour passer en revue le contexte dans lequel nous travaillons et la façon dont ces modifications ont été conçues.
Pour reprendre les propos de la juge Elliott, de la Cour fédérale, dans une décision récente, le régime de dénonciation établi par la loi « s'attaque aux actes répréhensibles d'une ampleur qui pourrait ébranler la confiance du public s'ils n'étaient pas divulgués et corrigés », et qui, s'ils sont prouvés, « risquent grandement de compromettre l'intégrité de la fonction publique ».
Le Commissariat a été créé non pour s'occuper de tout problème ou difficulté pouvant survenir dans la fonction publique, mais plutôt pour affronter des situations assez graves pour mériter l'attention directe du Parlement ou nécessiter l'intervention d'un organisme juridictionnel, comme le Tribunal, que représentent ici ce matin Mme Boyer et M. Choquette.
[Français]
Je tiens à souligner que dans l'exercice des fonctions que me confère la loi, je ne suis le défenseur d'aucune partie. Je suis plutôt un décideur neutre qui doit être impartial et respecter les droits de toutes les parties à l'équité procédurale et à la justice naturelle.
[Traduction]
Monsieur le président, je suis sûr que vous et les membres du comité conviendrez avec moi qu'il ne peut y avoir un système de dénonciation efficace sans un changement de culture: la dénonciation d'actes répréhensibles possibles doit faire partie de la culture du secteur public et être encouragée et traitée dans un environnement exempt de représailles ou de craintes de représailles. Je crois qu'avec le temps, nous pouvons y arriver. Nous ne sommes, pour ainsi dire, que la première génération de mise en oeuvre de cette loi, mais cet examen législatif nous offre l'occasion de nous rapprocher de notre but.
Cela étant, je dois souligner qu'avec une petite équipe d'une trentaine de personnes et un budget annuel de 4,8 millions de dollars, le Commissariat ne peut pas tout faire tout seul. Il faudra plus qu'une mesure législative et un commissariat pour changer les mentalités et faire en sorte que la dénonciation des actes répréhensibles devienne « normale ». Nous avons besoin pour cela d'un engagement collectif permanent. Je suis personnellement fier d'être un élément actif de cet engagement collectif, mais nous devons être réalistes: il faut d'abord admettre que la crainte de représailles existe et reconnaître ensuite que de plus grands changements doivent se produire pour que cette crainte diminue et finisse par disparaître.
La crainte de représailles est bien réelle. Au fil des ans, le Commissariat a déployé tous les efforts possibles pour recueillir des renseignements à ce sujet et essayer de trouver des façons de réduire cette crainte. Nous avons commandé deux projets de sondages de l'opinion publique, dont le plus récent remonte à l'automne 2015. Les rapports reçus soulignaient qu'une participation accrue des cadres supérieurs était nécessaire pour qu'un véritable changement se produise quant à l'acceptabilité de la dénonciation. Autrement dit, pour que ces changements donnent des résultats tangibles à l'échelle de la fonction publique, il faut généralement qu'ils fassent leur chemin du niveau de la haute direction à celui de la gestion.
[Français]
En effet, le Commissariat a récemment commandé un rapport de recherche sur la crainte de représailles qui sera publié bientôt. Le rapport sera immédiatement remis au Comité dès qu'il sera complété. Pour faire avancer les débats, j'encourage les fonctionnaires et les administrateurs généraux à faire de la dénonciation le sujet d'une discussion ouverte et continue dans le milieu de travail du secteur fédéral.
[Traduction]
Le fait de reconnaître l'existence de la crainte de représailles est une première étape nécessaire pour qu'il soit possible d'affronter le problème.
J'aimerais formuler une autre observation: le domaine de la dénonciation est en pleine expansion. De nouveaux régimes sont conçus et adoptés au sein d'une vaste gamme d'organismes des secteurs public et privé. Je peux dire que nombre de provinces et de territoires ont adopté des mesures législatives en matière de dénonciation qui ont de nombreux points communs avec les nôtres. Nous savons aussi que notre modèle possède certaines caractéristiques très distinctes, comme un commissariat indépendant et un tribunal chargé d'examiner les cas de représailles.
Même parmi les pays dotés de systèmes juridiques et de gouvernance similaires, il existe des différences dans les régimes de dénonciation. Les principes de base sont généralement les mêmes, mais l'une des principales difficultés consiste à concevoir un programme qui réponde aux besoins et aux intérêts particuliers de ceux qu'il dessert, et qui tienne aussi compte du contexte global dans lequel il fonctionne, et notamment de l'existence d'autres mécanismes de recours. Je note que le Commissariat n'a pas été créé pour remplacer un autre organisme.
Je crois que nous devons garder cela à l'esprit lorsque nous portons un regard critique sur notre propre régime. La loi a créé un régime de dénonciation spécialement conçu pour le secteur public fédéral. J'espère que le présent processus d'examen permettra d'aboutir à un régime qui réponde aux besoins de la population canadienne, qui souhaite bien sûr avoir un secteur public efficace et digne de confiance.
[Français]
Compte tenu de ces observations fournies pour situer le contexte, j'aimerais mentionner certaines recommandations essentielles pour les changements à apporter à la Loi, qui font partie de celles que j'ai présentées dans mes observations écrites.
Depuis ma nomination en 2015 en tant que commissaire, je n'ai ménagé aucun effort pour saisir les occasions d'apporter des changements positifs au moyen de l'adoption de politiques et de pratiques visant à régler des ambiguïtés observées dans la Loi ou pour clarifier, par exemple, la manière dont j'exerce l'important pouvoir discrétionnaire que me confère la Loi.
[Traduction]
Je voulais ainsi veiller à ce que nos discussions soient centrées sur les questions qui nécessitent, à mon avis, des modifications législatives officielles afin d'appuyer le travail efficace que nous faisons. Je commencerais par dire que les 16 recommandations qui vous sont soumises sont celles qui, pour moi, doivent faire l'objet de modifications législatives pour qu'il soit possible d'atteindre les résultats voulus grâce à la loi.
En ce qui concerne les recommandations, à cause du temps limité dont je dispose, j'en aborderai une dans chacune des catégories générales que j'ai mentionnées au début de mon exposé.
En ce qui a trait au cas particulier des représailles, l'objectif du Commissariat est d'alléger le fardeau de preuve excessif qui incombe aux plaignants. Il recommande en outre l'adoption de modifications que nous jugeons essentielles, comme l'octroi au Tribunal du pouvoir d'ordonner des réparations provisoires et le remboursement des frais juridiques engagés par le plaignant.
Je voudrais attirer votre attention sur la recommandation proposant qu'une fois une affaire renvoyée au Tribunal, le fardeau de la preuve soit inversé. En d'autres termes, le plaignant, c'est-à-dire la partie qui a le moins de ressources et de pouvoirs, n'aurait pas à prouver que des représailles ont été exercées. Il incomberait plutôt à l'employeur d'établir que les mesures prises n'étaient pas des représailles.
Je suis fermement convaincu que cela est juste, étant donné que le but poursuivi est de rendre plus équitables des règles du jeu autrement inégales. J'ai été heureux d'entendre le témoin précédent appuyer cette recommandation. Je crois aussi qu'elle constitue une pratique exemplaire internationale.
Je propose aussi des recommandations visant à renforcer la confiance envers le régime. La recommandation clé à cet égard consiste à supprimer le critère de la « bonne foi » du dénonciateur ou de la personne qui dépose une plainte pour représailles. Bien que les membres du Comité puissent trouver à première vue que cette recommandation est assez déroutante, il faut se rendre compte qu'en réalité, la présence de ce critère concentre à tort l'attention sur la motivation du dénonciateur plutôt que sur les actes dénoncés. Le critère devrait consister à se demander si le dénonciateur croit les renseignements véridiques plutôt qu'à s'interroger sur les motifs qui l'ont amené à faire la dénonciation.
[Français]
Comme vous le constaterez dans mes observations, nous avons également formulé des recommandations visant à renforcer et à clarifier les dispositions qui assurent la protection de la confidentialité. Je souhaite simplement souligner dans mes mots d'ouverture l'importance énorme de la confidentialité dans un régime de dénonciation.
[Traduction]
À cet égard, j'aimerais revenir sur une chose mentionnée devant le comité jeudi dernier, qui a suscité de sérieuses préoccupations au Commissariat et qui m'a personnellement inquiété. Un témoin a déclaré que la première chose que nous faisons en recevant une divulgation est d'informer l'administrateur général et de lui communiquer le nom du divulgateur. S'il y a une chose que nous prenons des mesures extrêmes pour protéger, c'est bien l'identité du dénonciateur. J'espère que ce n'est pas ce que le témoin voulait dire. Je répondrai avec plaisir à toute question que vous voudrez me poser au sujet de nos processus à cet égard.
Nous avons enfin essayé, dans nos recommandations, d'éliminer les obstacles qui entravent notre capacité de mener des enquêtes. À cet égard, j'attire votre attention sur une modification particulière qui est proposée. Dans sa forme actuelle, la loi empêche le Commissariat d'aller chercher des renseignements à l'extérieur du secteur public. Ce facteur limite considérablement notre capacité de recueillir des éléments de preuve. Par exemple, nous ne pouvons pas en principe obtenir des renseignements auprès de fonctionnaires à la retraite. Nous ne pouvons pas non plus obtenir des renseignements que détiennent des tiers extérieurs au secteur public.
Ma recommandation vise simplement à supprimer cette disposition afin d'éliminer un obstacle évident qui empêche le Commissariat de mener des enquêtes complètes.
[Français]
Je ne pourrais conclure sans préciser que les recommandations du Commissariat visent à renforcer et à appuyer un régime mieux adapté, efficace et accessible afin d'accroître la confiance des fonctionnaires à l'endroit d'un régime qui vise à les protéger.
Cela termine ma présentation.
[Traduction]
Je serais maintenant heureux de répondre à toute question que vous voudrez me poser et d'expliquer n'importe laquelle des 16 recommandations que je suis fier de vous proposer ce matin, monsieur le président.
:
Monsieur le président, membres du Comité, bonjour et merci beaucoup de l'invitation à venir témoigner devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre examen au sujet de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
Je suis accompagnée de Me François Choquette, l'avocat-conseil principal du Tribunal.
[Traduction]
Je voudrais, en premier lieu, dire quelques mots du mandat du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs, qui constitue la base de mon exposé. Je donnerai ensuite un aperçu des principes juridiques qui régissent le fonctionnement du Tribunal lors de l'examen des plaintes de représailles. Je présenterai enfin au comité quelques données statistiques qui pourraient l'intéresser.
Le Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs est l'une des deux entités gouvernementales créées en vertu de la loi de 2007 pour protéger les fonctionnaires contre de possibles représailles s'ils divulguent des actes répréhensibles dans le cadre d'une dénonciation protégée ou s'ils participent de bonne foi à une enquête sur des actes répréhensibles. Vous avez déjà entendu mon collègue, le commissaire à l'intégrité du secteur public. Il est important de noter l'interaction des deux organisations dans la protection des divulgateurs contre les représailles et la résolution des plaintes en vertu de la loi.
[Français]
Cependant, il y a aussi d'importantes distinctions à faire entre nos deux organisations. Le mandat du commissaire comprend différents volets dont un large éventail de pouvoirs, de responsabilités et de fonctions. En revanche, la loi n'a imposé au Tribunal qu'une seule fonction principale, soit celle de déterminer si des représailles ont été prises à l'encontre d'un individu à cause d'une divulgation. Il en va ainsi de la relation entre le commissaire et le Tribunal, qui n'est pas sans rappeler le même modèle mis en place dans le domaine de la protection des droits de la personne entre le commissaire et le Tribunal des droits de la personne.
Ainsi, si un fonctionnaire croit avoir subi des représailles parce qu'il a divulgué des actes répréhensibles selon les termes de la loi, ou parce qu'il a participé à une enquête de divulgation, il peut déposer une plainte à cet égard auprès du commissaire. Si, après enquête, le commissaire a des motifs raisonnables de croire que des représailles ont été prises, il pourra ensuite référer le dossier de représailles au Tribunal.
[Traduction]
Les parties aux procédures du Tribunal comprennent la personne qui a déposé la plainte, le plaignant, son employeur, la ou les personnes ayant pris les mesures de représailles alléguées, l'intimé ou les intimés ainsi que le commissaire, qui est celui qui a renvoyé l'affaire au Tribunal.
Le Tribunal est une entité quasi judiciaire indépendante composée d'un président et de deux à six membres nommés par le gouverneur en conseil. Tous les membres sont des juges soit de la Cour fédérale soit d'une cour supérieure provinciale. Ils ont un mandat d'une durée maximale de sept ans et occupent leur poste aussi longtemps qu'ils demeurent juges.
En tant qu'entité quasi judiciaire, le Tribunal possède beaucoup des pouvoirs et attributions d'une cour de justice. II peut faire des déterminations de faits, interpréter la loi en l'appliquant aux faits qui lui sont présentés et ordonner des mesures de réparation et des sanctions disciplinaires. Les audiences du Tribunal sont structurées sensiblement de la même façon qu'un procès formel devant une cour de justice. Les parties présentent leur preuve, interrogent et contre-interrogent des témoins et présentent leurs arguments sur la façon dont la loi devrait s'appliquer aux faits de la cause.
Comme le Parlement n'a chargé le Tribunal que de la responsabilité de déterminer l'existence de représailles, il n'a pas de rôle réglementaire vis-à-vis des pratiques d'emploi dans la fonction publique, ne peut pas participer à l'élaboration de politiques et n'a pas non plus à s'occuper d'activités de défense de droits auprès du public. Ces rôles sont attribués à d'autres entités, comme l'a expliqué le commissaire. En vertu de la loi, différentes obligations et responsabilités incombent aussi aux administrateurs généraux des ministères et organismes fédéraux, au commissaire à l'intégrité du secteur public et au Conseil du Trésor.
De plus, comme le Tribunal est composé de membres de la magistrature, il n'a jamais détenu de responsabilités administratives ou de gestion, et n'a jamais non plus été désigné comme ministère aux termes de la Loi sur la gestion des finances publiques.
[Français]
Quand la loi fut promulguée en 2007, le Parlement a aussi établi un greffe pour contribuer au bon fonctionnement du Tribunal et en gérer les affaires administratives et son personnel. L'article 20.8 de la loi, qui prévoyait la création du greffe, a été abrogé le 1er novembre 2014 avec l'entrée en vigueur de la Loi sur le service canadien d'appui aux tribunaux administratifs. Ce service a consolidé dans une nouvelle organisation la prestation des services de soutien de 11 tribunaux administratifs, incluant le greffe du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs, soit le Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs. Ces services d'appui incluent des services internes tels que les ressources humaines, la technologie de l'information, les services financiers, les aménagements et les communications. Cette consolidation a aussi affecté les services de greffe et d'autres services spécialisés requis par le Tribunal pour remplir son mandat tels la recherche, les services juridiques et la gestion de l'analyse des dossiers.
Ces fonctions sont maintenant assumées par le secrétariat du Tribunal de la protection des fonctionnaires divulgateurs. Malgré tous ces changements, le Tribunal a conservé tous ses pouvoirs adjudicatifs.
Un certain nombre de conséquences découlent du mandat ciblé du Tribunal, de sa structure organisationnelle et de la structure apparentée à celle d'une cour de justice.
Pour sauvegarder leur impartialité, les membres du Tribunal doivent demeurer neutres par rapport à des changements législatifs ou à d'autres questions susceptibles d'être discutées devant eux et sur lesquelles ils peuvent avoir à prendre une décision. Les membres judiciaires doivent demeurer indépendants du pouvoir exécutif du gouvernement.
Dans le contexte de l'étude en cours, ces principes empêchent les membres du Tribunal et moi-même d'émettre des opinions ou des recommandations sur plusieurs des questions qui seront discutées dans le cadre de votre examen de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
Cela m'amène maintenant à traiter du prochain sujet.
[Traduction]
Quels principes juridiques appliquent les membres du Tribunal dans la résolution de plaintes de représailles? Comment sont définies les plaintes de représailles? Les réponses à ces questions se trouvent dans notre loi habilitante, la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
D'après la loi, « représailles » s'entend de toute sanction disciplinaire ainsi que de la rétrogradation, du licenciement, du renvoi ou du congédiement, ou de toute mesure portant atteinte à l'emploi ou aux conditions de travail d'une personne et de toute menace à cet égard, si une telle mesure est prise à l'encontre d'un fonctionnaire pour le motif qu'il a fait une divulgation protégée ou a collaboré de bonne foi à une enquête sur une divulgation déclenchée par le Commissariat.
Le Tribunal a été établi dans le but d'accroître la confiance du public dans l'intégrité des fonctionnaires. Ainsi, après la tenue d'une audience, si le Tribunal juge qu'il y a effectivement eu des représailles, il peut ordonner des mesures de réparation en faveur des victimes et, dans certains cas, des mesures disciplinaires à l'encontre des auteurs des représailles.
À la suite d'une demande présentée par le commissaire à l'intégrité du secteur public, la mission de notre Tribunal est d'assurer aux fonctionnaires divulgateurs un examen impartial et opportun de leur plainte de représailles conformément aux principes de justice naturelle. De ce fait, le Tribunal joue un rôle essentiel dans le processus de divulgation des actes répréhensibles dans le secteur public, ce qui, en retour, accroît la confiance du public dans l'intégrité des fonctionnaires.
[Français]
Au cours des cinq dernières années, le Tribunal a reçu du commissaire approximativement une demande par année. Le Tribunal a rendu en moyenne de une à deux décisions interlocutoires par année. Cela dit, à ce jour, le Tribunal n'a pas rendu une seule décision finale sur le mérite d'une demande. Cela s'explique ainsi: soit toutes les demandes reçues de la part du commissaire jusqu'à maintenant ont été réglées par les parties au cours des procédures du Tribunal, soit elles sont toujours pendantes devant le Tribunal. Le nombre total de demandes qui ont déposées devant le Tribunal depuis sa création est de sept. Trois d'entre elles ont été entendues conjointement en 2014 et deux autres demandes sont toujours en cours.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins de leur présence au comité ce matin.
J'ai quelques questions à poser.
Monsieur Friday, vous avez proposé un certain nombre de modifications législatives, mais vous avez aussi reconnu à juste titre, dans votre exposé, la nécessité d'un changement de culture. De toute évidence, il faudra plus que des modifications législatives pour remédier à la situation.
Je dirais cependant, à votre décharge et à celle du Commissariat, que la culture elle-même n'a rien de très particulier. Cette culture que vous voulez changer, c'est en fait la nature humaine. Si je suis fonctionnaire, pourquoi voudrais-je m'exposer en présentant une plainte? Pourquoi accepterais-je de me soumettre à un processus que je considère particulièrement lourd, à d'éventuelles représailles, à la possibilité que je me sois trompé, que j'aie mal interprété certains actes ou que je n'aie pas vraiment vu ce que j'ai cru voir? Il me semble que les obstacles auxquels s'expose un plaignant possible sont multiples et que certains d'entre eux, en toute franchise, sont indépendants de votre volonté ou de la volonté de n'importe qui d'autre.
Je crois qu'à la base, la loi sur la dénonciation des actes répréhensibles vise essentiellement à changer la nature humaine et à combattre la tendance qu'ont les gens à s'occuper de leurs affaires, à faire leur travail, à subvenir aux besoins de leur famille et à éviter de faire des vagues, si je peux m'exprimer ainsi. Peut-on les blâmer?
Plus nous alourdissons le système… Je viens du monde des litiges où la plus grande plainte de mes collègues concerne la lourdeur extrême de la procédure civile, qui n'est pas nécessairement équitable pour le plaignant. Les intimés peuvent se servir de cette lourdeur pour ralentir le processus, créer des retards et parvenir à leurs fins.
À mon arrivée ici, j'ai pu me rendre compte que la procédure civile de l'Ontario est d'une simplicité enfantine par rapport à certains des régimes que nous avons établis à Ottawa. Même en vertu de cette loi, le plaignant a le choix entre trois options, mais il peut aussi se plaindre à son syndicat. La plainte pourrait aussi avoir un élément touchant les droits de la personne, ce qui permettrait au plaignant de se prévaloir aussi de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
J'ai l'impression que le processus est massif et que nous n'en faisons pas assez pour aider un éventuel plaignant. Même si nous réussissions à changer la culture et les attitudes, que peut faire en pratique un nouvel employé ou un employé relativement jeune qui est témoin d'un acte qu'il juge répréhensible? Même en faisant appel à son sens du devoir ou à sa responsabilité d'agir dans l'intérêt du Canada, pourquoi accepterait-il de prendre un risque alors que 400 000 autres fonctionnaires ne le font pas? Je vois là un grand obstacle, et je ne sais pas ce que vous, monsieur Friday, ou nous, comme législateurs, pouvons faire pour le surmonter, à part réaliser ce changement de culture.
Tout le monde convient, je crois, qu'il n'y a pas beaucoup de plaintes. Peut-être n'y a-t-il rien à faire, mais nous pouvons au moins nous assurer que les plaintes effectivement déposées sont adéquatement traitées, que des moyens ont été mis en place pour assurer l'équité procédurale et que les choses ne deviennent pas… À mon avis, la crainte des représailles n'est qu'un obstacle parmi beaucoup d'autres. Qui voudrait s'embarrasser de procédures successives et de longs délais sans savoir où cela peut mener?
Monsieur le président, j'ai représenté des plaignants dans des procédures civiles. Un procès peut changer votre vie, peut occuper toute votre vie. Si vous avez un procès qui doit durer trois ou quatre jours, vous ne pouvez plus rien faire d'autre pendant tout le mois qui précède. Vous ne pouvez plus dormir. Pour beaucoup de gens, il n'y a plus rien d'autre qui existe. Si je travaillais pour la fonction publique, pourquoi voudrais-je tout risquer pour un acte que je crois répréhensible alors qu'aucun de mes collègues ne le fait?