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RNNR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources naturelles


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 16 octobre 2017

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour à tous. Heureux de vous revoir.
    Nous avons deux témoins dans la première heure pour poursuivre la discussion sur les interconnexions électriques stratégiques, soit tout d'abord Lisa DeMarco, associée principale, chez DeMarco Allan, et Chris Benedetti, de Sussex Strategy Group Inc. Merci à tous les deux d'être avec nous aujourd'hui.
    Au cas où vous ne seriez pas au courant, vous avez chacun 10 minutes pour faire votre exposé, et ensuite les membres du Comité vous poseront des questions. Vous avez des écouteurs si vous avez besoin d'interprétation, car il y aura certainement des questions en français et en anglais.
    Madame DeMarco, je vous cède la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

    Merci beaucoup à tout le monde de m'avoir invitée.
    Je suis Lisa DeMarco.

[Traduction]

    Je suis associée principale chez DeMarco Allan. J'aimerais aborder quatre grands points avec vous aujourd'hui. Je vous parlerai tout d'abord un peu d'où vient notre point de vue, et un peu aussi de DeMarco Allan. J'aimerais ensuite situer nos commentaires dans le contexte des changements climatiques, du commerce et des partenariats autochtones. Je mettrai ensuite en lumière ce que je considère être les vrais problèmes que la stratégie canadienne de l'énergie et le cadre pancanadien tentent de régler.
    Enfin, je vous ferai quelques recommandations sur une démarche qui conjuguerait fédéralisme coopératif, partenariats autochtones et commerce stratégique.
    Je note qu'à l'avenir vous aurez une copie de notre exposé, qui comprend une carte que nous avons pris un certain temps à préparer. On y trouve toutes les interconnexions au pays et on y juxtapose les émissions par administration, représentées par la taille relative des points. Il y a de plus d'autres éléments prédominants, soit les négociations en cours de l'ALENA et une multitude de questions et de partenariats autochtones qui se dessinent dans la foulée de la Commission de vérité et de réconciliation et de l'évolution de la situation avec les peuples autochtones du Canada.
    En gros, au fur et à mesure que la planète se dirige vers une économie faible en carbone, nous voulons que l'électricité se déplace des zones à faibles émissions, où les points sont petits, vers les zones à fortes émissions, où les points sont gros. Le Canada a une profusion de petits points. Je suis fermement convaincue que nous devons miser, tout particulièrement, sur la richesse de nos ressources énergétiques propres.
    D'où vient ce point de vue? Quelle perspective voulons-nous mettre de l'avant?
    DeMarco Allan LLP est le premier cabinet boutique spécialisé dans les énergies propres et le climat au Canada. J'ai pris la décision de mettre, littéralement, tous mes oeufs dans le même panier, la confiance du Comité, et de quitter un poste de direction au sein d'un cabinet d'avocats international spécialisé en droit de l'énergie et du climat pour fonder un cabinet boutique. Nous sommes passés de trois partenaires à dix au cours des trois dernières années. Nous offrons nos services aux compagnies gazières et pétrolières, aux groupes environnementaux, aux Premières Nations, aux compagnies d'électricité, aux gouvernementaux, au Canada et ailleurs dans le monde, et nous avons participé activement aux négociations au sein des Nations unies pendant près de 20 ans.
    Notre point de vue est fondamentalement canadien, mais éclairé par l'expérience internationale, et c'est pourquoi je suis fermement convaincue que nous avons à notre disposition une grande richesse, nos ressources en énergie propre. Nous avons le potentiel notamment de devenir un exportateur d'électricité propre extraordinaire, et ce, en exportant non seulement l'électricité même, mais également les services: notre savoir-faire en énergie propre, nos services d'ingénierie formidables, notre expertise de calibre mondial en capture et le stockage du carbone, en nucléaire, en énergies renouvelables, et en dernier lieu, mais non le moindre, en stockage de l'électricité, le « Saint-Graal » que nous voulons tous.
(1535)
    Lorsque vous aurez la carte connexe sous les yeux, vous verrez que toutes les administrations à faibles émissions au Canada ont de bonnes possibilités d'exporter au sud, en particulier dans le centre du Canada, et pour les provinces à faibles émissions comme la Colombie-Britannique, le Manitoba, l'Ontario et le Québec, d'exporter vers l'Alberta et la Saskatchewan, pour faciliter une transition efficace à une économie faible en carbone sans pour autant mettre de côté des actifs économiques. Mes commentaires portent principalement sur les problèmes importants. Comment procéder pour atteindre notre objectif grâce à la stratégie canadienne d'énergie et le cadre pancanadien, et régler ce que je considère être quatre problèmes importants?
    Le premier problème auquel il faut s'attaquer est celui de faciliter la transition à une économie faible en carbone à l'aide du réseau électrique. Une réduction de 30 % d'ici 2030 ne sera pas facile. Nous devrons faciliter l'optimisation des combustibles et l'électrification dans les transports, qui constituent 24 % de nos émissions; dans les bâtiments, qui en constituent 12 %; et dans le secteur du pétrole et du gaz, qui en constituent 26 %. Le secteur du pétrole et du gaz, en particulier, qui utilise une électricité à fortes émissions, a la possibilité de faire la transition à une source à faibles émissions.
    Le deuxième problème, ou défi, est celui de l'optimisation et de l'innovation dans le réseau énergétique canadien. Je suis fermement convaincue qu'il y a une perte d'efficacité dans les questions liées aux combustibles. Au lieu de nous perdre en conjectures sur la quantité et le type de combustible qui devraient produire tel type d'électricité, nous devrions nous concentrer sur le carbone. Laissons le réseau, les opérateurs de réseau, et les compagnies utiliser leurs vastes connaissances pour trouver une solution pour l'objectif carbone.
    Troisièment — et c'est un grave problème que j'ai vraiment à coeur de voir régler —, nous avons la chance d'avoir une production d'électricité à zéro émission extraordinaire au pays, tellement extraordinaire que nous gaspillons d'énormes quantités d'électrons peu chers, verts et propres. En raison de règles du marché dépassées, d'une capacité de stockage insuffisante et de la dynamique commerciale, 4,7 térawattheures, pas gigawattheures, de l'hydroélectricité la plus propre et la plus verte au monde, et un total de 7,6 térawatts-heures d'énergie à zéro émission en Ontario seulement en 2016 ont été perdus. Pour vous donner un ordre de grandeur, c'est à peu près l'équivalent d'une centrale électrique d'une puissance électrique de 1100 mégawatts fonctionnant à 80 % d'efficacité qui est perdu. C'est un problème qu'il faut régler.
    En dernier lieu, et ce n'est assurément pas le moindre, nous devons régler le problème de la pauvreté énergétique chez les Autochtones. Dans certaines communautés autochtones, le taux de fiabilité est 2 081 % pire que chez leurs voisins au sud, et 400 % pire que chez leurs voisins dans le Nord. C'est un problème.
    Que devons-nous faire? Quelle est la voie à suivre? Voici six recommandations.
    Premièrement, les services d'énergie et d'énergie propre devraient être une source d'exportation dominante au Canada. Deuxièmement, accroître la capacité d'interconnexions entre les administrations ayant d'importantes disparités de GES, de même que les possibilités d'exportations économiquement efficaces, fait partie de la solution, mais ce n'est pas la seule.
(1540)
    Il faut aussi que l'innovation dans le stockage de l'énergie et la capture et le stockage du carbone, les minis réacteurs nucléaires modulaires, l'accroissement du commerce, les partenariats autochtones et les mesures pour minimiser le gaspillage des électrons fassent partie de l'équation. Il faut réfléchir à la possibilité de mettre sur pied un comité composé de membres de l'industrie, appuyé par le fédéral et dirigé par les provinces qui travaillerait dans un esprit de fédéralisme coopératif pour maximiser les exportations d'énergie propre.
    Il faut aussi réfléchir aux façons de mettre à profit l'article 6.2 de l'accord de Paris sur le changement climatique pour maximiser les possibilités, et enfin, il faut respecter le partage des compétences d'une manière qui permet de tirer profit des avantages de la diversité régionale sans créer de tensions est-ouest.
    Voilà mes commentaires. Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Benedetti.
    Je vous remercie de l'invitation à venir témoigner aujourd'hui.
    À titre de dirigeant de la plus importante entreprise d'affaires publiques en énergie et environnement au Canada, je suis fier de diriger une équipe qui représente depuis très longtemps déjà les intervenants du secteur de l'énergie et les conseille sur les rouages de l'approvisionnement, la réglementation, la politique et la planification touchant le réseau électrique. Comme j'ai commencé à titre de consultant pendant la période d'ouverture et de déréglementation du marché de l'électricité en Amérique du Nord à la fin des années 1990, j'ai eu l'occasion de voir à l'oeuvre une myriade de politiques et de règles influant sur l'organisation et l'étendue des marchés de l'électricité, en particulier dans ma province natale, l'Ontario.
    Depuis la première initiative visant à encourager le secteur privé à investir dans un réseau à l'infrastructure vieillissante et à la fiabilité incertaine, à la transition des centrales alimentées au charbon vers le gaz naturel et aux énergies renouvelables au début des années 2000, jusqu'à l'émergence des concepts de conservation augmentée et de gestion de la demande, de génération intégrée au niveau de la distribution, les nouveaux services, produits et technologies se sont succédé à un rythme incroyable, forçant ainsi une remise en question de nos façons conventionnelles de distribuer et d'utiliser l'électricité.
    De nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité ont parlé des différences régionales dans nos marchés de l'électricité. Ils ont souligné l'importance des politiques sur le carbone, et l'importance croissante des deux côtés de la frontière de faire la transition vers des formes d'énergie propre et à faible émission.
    Malgré le fait que l'agence de protection environnementale des États-Unis vient de proposer l'abrogation du plan sur l'énergie propre, je crois que le réalisme économique de trouver les ressources marginales les plus faibles pour maintenir la fiabilité dans tous les marchés et les administrations, et le faire grâce à des ressources à émissions faibles ou nulles, est tout à fait faisable, si ce n'est probable.
    Nous discutons aujourd'hui du rôle stratégique que peuvent jouer les interconnexions dans le processus. On ne peut pas douter des divers attributs d'un marché canadien intégré de l'électricité d'est en ouest, ou peut-être plus exactement, de l'Ontario vers l'est et du Manitoba vers l'ouest. Certains ont souligné l'importance de trouver de nouveaux marchés aux États-Unis, et l'importance historique et continue des ressources au Québec et au Canada atlantique pour le littoral atlantique.
    Je vais vous parler principalement de l'avenir du marché de l'électricité de l'Ontario, et de l'importance croissante que prendront la planification du réseau et la valeur de la politique liée aux interconnexions dans l'avenir.
    Deux dynamiques sont à l'oeuvre en faveur d'un développement et d'une utilisation accrus des interconnexions. Premièrement, il faut accroître la souplesse pour maintenir la fiabilité en se dotant de nouvelles capacités et de services de réglementation qui favorisent la variable ajoutée et la génération intégrée dans la province. Deuxièmement, les interconnexions seront utiles pour se doter, au besoin, de nouvelles sources d'approvisionnement en énergie à faible coût au cours de la prochaine décennie.
    Comme on l'a souligné dans le document Ontario-Quebec interconnection capability technical review de la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité de l’Ontario paru en mai 2017, le marché de l'électricité de gros en Ontario programme avantageusement, à l'heure, les transactions d'énergie dans les deux sens de l'Ontario par les interconnexions, ce qui procure une fonction d'équilibre importante pour réagir aux pics et aux creux de la demande et réduire ainsi les coûts pour les consommateurs.
    Le commerce de l'électricité offre une souplesse opérationnelle utile qui aide la SIERÉ à gérer une variabilité croissante en raison des nouvelles ressources solaires et éoliennes qui s'ajoutent sur le réseau, de l'accroissement de la génération connectée au niveau de la distribution, et des habitudes de consommation qui sont plus difficiles à prévoir.
    L'Ontario continue de connaître une croissance significative de ces différents types de ressources. La fiabilité est solide sur le marché de l'Ontario en raison du développement continu de ressources conventionnelles, commerciales et de distribution partout dans la province. La politique et la réglementation ont été adaptées pour permettre la croissance de ces ressources au fil du temps. Toutefois, au fur et à mesure que ces ressources s'ajoutent aux sources d'approvisionnement, et au fur et à mesure que les clients résidentiels et d'affaires se tournent vers l'autoproduction et des mécanismes comme la facturation nette et les sources d'approvisionnement propres, il faudra accroître la résilience du marché pour répondre aux besoins.
    Les transactions d'interconnexions peuvent être avantageuses, car elles peuvent améliorer de façon quantifiable la fiabilité et la rentabilité du réseau électrique de l'Ontario. Selon la SIERÉ, les marchés de l'électricité interconnectés nous fournissent une belle occasion d'utiliser concrètement l'énergie générée par toute une gamme de ressources réparties dans une région géographique beaucoup plus grande, ce qui réduit le coût de production et de gestion de l'électricité pour toutes les parties concernées. Les interconnexions avec les administrations voisines élargissent les options pour répondre aux besoins, et les interconnexions de l'Ontario sont, selon la SIERÉ, à la fois fiables et économiquement avantageuses pour la province depuis plus d'un siècle.
(1545)
    L'Ontario aura manifestement besoin de nouvelles ressources dans les années qui viennent, et nous nous attendons qu’il en soit question dans le plan énergétique à long terme qui devrait être publié. Comme nous pouvons le voir dans la perspective de planification 2016 de la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité, dans tous les scénarios, la nécessité de nouvelles ressources d’approvisionnement se fera sentir au début des années 2020, notamment pour en assurer la fiabilité après le déclassement de la centrale nucléaire de Pickering.
    Les interconnexions peuvent offrir une option avantageuse aux planificateurs pour s’assurer d'avoir de nouvelles ressources. Ce point a été souligné récemment lorsque l’Office national de l’énergie a approuvé le projet de raccordement sous le lac Érié, projet d’interconnexion de CCHT marchande pour raccorder l’Ontario au marché de la Pennsylvanie, du New Jersey et du Maryland au moyen d’un câble sous-marin.
    Comme l’ONE l’a énoncé: « L’Office a déterminé aussi que le projet bénéficierait aux Autochtones de même qu’à l’économie locale, régionale et provinciale, en plus de conférer davantage de souplesse aux deux grands marchés pour répondre aux besoins énergétiques en évolution et d’accroître l’efficience du marché pour l’Ontario et ses abonnés. »
    En terminant, au fur et à mesure que les administrations instaureront des politiques en matière de carbone et des règlements sur les émissions qui dicteront le profil de l’approvisionnement énergétique du secteur de l’électricité, il sera nécessaire de comprendre et de faire le suivi des attributs de la production d’électricité pour les exploitants des réseaux et les décideurs.
    De nombreuses administrations ont mis en place un type de système qui collecte et fait le suivi des données sur les attributs de production. Les principaux éléments fournis par ces systèmes de suivi varient d’une administration à l’autre mais, en règle générale, ils font le suivi des attributs des émissions pour chaque mégawattheure généré, ils calculent les taux d’émission moyens et résiduels, ils balisent les attributs des émissions de la source d’alimentation au puits, ils font le suivi des transactions en matière d’hydroélectricité ainsi que des importations et des exportations entre registres, ils appuient les rajustements aux quotas de carbone pour les marchés volontaires, et ils publient des rapports pour faire preuve de transparence.
    Au bout du compte, le but de ces systèmes de suivi est d’éviter de compter en double les attributs ou les économies d’émissions associées à des importations et à des exportations précises. Il existe aujourd’hui des systèmes de registre et de suivi robustes en Pennsylvanie, au New Jersey et au Maryland, dans le NE Power Pool et le New York ISO, tandis que le Michigan est doté d’un système de certification de l'énergie renouvelable. Nous croyons que l’Ontario élaborera automatiquement un protocole semblable.
    J’espère que les renseignements que je vous ai fournis sauront vous être utiles dans le cadre de votre étude. Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Harvey, vous allez commencer la période des questions.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les deux d'être venus, bien sûr.
    Madame DeMarco, je veux commencer par vous. Je suis vraiment intrigué par la dernière page du document que vous avez fourni et que la plupart d'entre nous n'avons pas obtenu, mais moi oui. En particulier, je veux soulever les deux derniers points, car je pense qu'ils sont vraiment connexes. J'aimerais simplement que vous expliquiez brièvement en quoi vous pensez qu'une collaboration entre divers ordres de gouvernement et peuples autochtones pourrait être lancée, ce qui, selon vous, pourrait ou devrait en être les premières étapes, et ce que vous estimez être les avantages d'aborder la question de ce point de vue.
(1550)
    En tant que benjamine d’une fratrie de neuf enfants, je dis souvent que le pouvoir de convoquer — de détenir les rênes du pouvoir — est très très important. Dans la mesure où le gouvernement fédéral peut faciliter la réunion des organes provinciaux qui, à leur tour, peuvent faire en sorte que l’avis des experts de l’industrie soit entendu, ce sera extraordinairement efficace.
    Je crois savoir qu’un certain nombre de ces initiatives ont déjà été entreprises, mais la première qui me vient à l’esprit se rapporte aux négociations de l’ALENA, en particulier celles qui portaient sur l’article 605 du chapitre 6, qui suscite de nombreuses discussions. Cela semble être une question légèrement passée sous silence en ce moment, mais j’estime qu’elle a des répercussions potentielles extraordinaires. Si nous pouvons tirer parti d’un processus existant qui dépend d’un fédéralisme coopératif pour réussir, c’est une façon de procéder.
    En outre, pas plus tard que la semaine dernière, nous avons entamé des discussions supplémentaires concernant le processus de production d’énergie et nous nous efforçons vraiment d’encourager les gens à tenir des propos constructifs et non destructifs à chaque réunion sur la façon dont le Canada peut collaborer et vraiment rehausser les avantages de la diversité. C’est certainement un aspect de la question.
    Le deuxième point porte sur les négociations de l'Accord de Paris. Nous dormons sur le sol de la salle des négociations depuis les 20 dernières années et avons aidé un certain nombre de gouvernements pendant leur transition pour aboutir à la conclusion de l’Accord de Paris. Il est clair que, puisque le Canada a pris les devants en ce qui touche les dispositions sur les marchés contenues dans cet accord, en particulier à l’article 6.2, et que les États-Unis se sont retirés, la porte est ouverte. Le Canada a de grandes possibilités de mettre à profit l’effet de réduction des émissions de ses exportations d’électricité propre à un pays qui ne sera bientôt plus signataire, et nous devrions négocier ces calculs et ces dispositions dans tout accord avec les États-Unis.
    Ce serait là deux des préoccupations de premier ordre.
    Merci.
    Dans votre présentation, vous avez parlé des cibles de réduction du carbone. Bien que le sujet ne se rapporte pas directement aux interconnexions en tant que telles, il donne suite à une discussion que nous avons tenue dans cette communauté concernant les sources d’émissions, et je pense qu’à l’époque, il était question, en particulier, des technologies propres.
     J’ai toujours fermement cru que nous devrions financer les résultats que nous voulons obtenir. Peut-être que vous pourriez donner quelques détails à ce sujet. Que pensez-vous des cibles de réduction du carbone et comment cela peut-il s’inscrire dans la discussion en général?
    En ce qui concerne les cibles de réduction du carbone et, surtout, en ce qui concerne une solution pour régler la question des émissions, la bonne façon de procéder est de privilégier une solution aux émissions de gaz à effet de serre au lieu d’une solution à des éléments précis de l’économie qui produisent ou non des émissions. C’est clairement une approche fondée sur des principes dans le cadre de laquelle on peut miser sur la créativité et la particularité des régions pour atteindre un objectif. La façon d'y arriver en Alberta pourrait différer grandement de la manière de le faire en Nouvelle-Écosse, en Ontario ou au Québec, et chaque méthode est valable.
    Parfait. C’est la réponse que je cherchais.
    Ma dernière question se rapporte à votre carte et à l’idée de la distance entre les petits cercles, les zones où les émissions varient de faibles à fortes. Un des thèmes que nous avons entendus est celui du coût du transport de cette source d’énergie vers le marché en raison de la distance qui les sépare.
    Selon vous, quel rôle peut jouer le gouvernement fédéral pour aider à faciliter la partie de la discussion qui porte sur l’uniformisation des règles du jeu pour que nous puissions avoir accès à certaines de ces sources d’énergie à faibles émissions dans le contexte d’une discussion plus vaste sur la souveraineté énergétique au Canada?
    C’est aussi une excellente question, et permettez-moi de vous donner d’abord une réponse qui pourrait sembler être protectionniste sur le plan commercial, mais qui est tout à fait valable. Au titre de l’ALENA actuel, au titre des accords du GATT de l’OMC, l’étiquetage est approprié, et je ne pense pas que les Canadiens soient conscients de la mesure dans laquelle notre énergie est propre et écologique. Nous figurons parmi les trois meilleurs pays au monde à cet égard. Je le répète: nous faisons partie des trois meilleurs pays au monde en matière d’énergie propre. J’aimerais qu’une étiquette soit apposée sur nos exportations et que ce soit fait dans le respect des règles du commerce.
    Ensuite, Chris a fait allusion au processus d’étiquetage de la NERC et à l’infrastructure connexe actuelle pour étiqueter les émissions associées à un électron particulier en vue de faciliter l’exportation des électrons les plus propres à un prix supérieur à la normale. Il n’y a aucune raison que nous ne cherchions pas à nous assurer que nos importations soient au moins aussi propres que notre production actuelle, et nos exportations en bénéficient. Je pense que des possibilités extraordinaires s’offrent à nous et qu’elles seront nombreuses au cours des prochaines années.
(1555)
    Parfait.
    Chris, ma prochaine question s'adresse à vous. Je vais manquer de temps, mais j'espère que Mark va réussir à vous parler.
    Votre temps est écoulé. Désolé.
    Monsieur Schmale.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous sais gré à tous les deux d'être venus.
    Je vais commencer par M. Benedetti. J'ai aussi une question pour vous.
    Monsieur Benedetti, dans vos remarques, vous avez soulevé un certain nombre de questions. Je voudrais simplement connaître votre opinion sur la façon dont le gouvernement provincial a géré le dossier de l'énergie à ce jour puisque, comme moi, vous êtes de l'Ontario.
    C’est une question très vaste, et je vous en remercie.
    Elle nous ramène à certaines de mes remarques concernant le moment où le gouvernement provincial actuel est arrivé au pouvoir en 2003, je crois. Je me rappelle, à l’époque, que la province se trouvait en situation de pénurie. Il était question d’installer des groupes électrogènes diesel dans le port de Toronto pour composer avec les questions de fiabilité associées au réseau électrique.
     Notre situation a bien changé depuis. Au cours des dernières années, nous avons modifié, en grande partie, le réseau électrique, tant du point de vue de la production que de celui des conducteurs et de la charge pour la conservation en vue de moderniser sensiblement le réseau. Cette modification a entraîné des coûts, c'est clair, et je sais que la province s’est penchée sur la question, même au cours des 12 derniers mois.
    Il s’agit là de tendances qui sont reprises dans nombre d’autres administrations. Comme Lisa l’a mentionné, au Canada, nous avons l’avantage de jouir d’un réseau électrique très robuste et relativement propre. Aux États-Unis, ce n’est pas autant le cas. Il arrive souvent qu’on compare le marché ontarien aux marchés étatsuniens et canadiens, mais nombre de ces marchés ont toujours une infrastructure vieillissante. Ils n’ont pas modernisé leurs installations de production, et nous commençons à voir un peu de mouvement dans ces marchés. Ils éprouvent nombre des mêmes types de fluctuations que nous avons observées en Ontario.
    On en trouve un exemple au Canada aujourd’hui, en Alberta bien sûr, alors qu’on y délaisse le charbon en faveur du gaz naturel et des énergies renouvelables.
    Nous continuons d’avoir un réseau assez fiable. Tout fonctionne bien en Ontario. Les choses changeront au fur et à mesure que les vieilles ressources disparaissent, en particulier du côté nucléaire. Comme je l’ai mentionné, cela requerra une meilleure résilience du marché. Nombre des outils qui ont été investis dans le système, allant des compteurs intelligents aux types de production plus propres, et une production accrue à la source de la demande — ou « dans la charge » comme on l’appelle souvent — aideront le marché à s’adapter à certains de ces changements au fil du temps et à assurer la fiabilité du système.
    Comment cela s'appelait-il lorsque cela concernait la demande? Vous aviez un mot pour le décrire.
    La charge...?
    Oui, c’était « dans la charge ».
    Quand nous examinons la situation, on commence à avoir des éoliennes et, grosso modo, la Loi sur l’énergie verte écrase les administrations municipales. Comme vous l’avez indiqué, quand on a besoin d’énergie, il arrive souvent que le vent ne souffle pas. Cela nous ramène à la question du stockage. En général, dans quelle mesure avons-nous presque atteint notre but?
    Il semble que tout le monde en parle, mais que nous n’ayons pas tout à fait atteint notre but, et je suis sûr que lorsque les éoliennes fonctionnent la nuit, il serait utile de stocker cette énergie. Comme nous ne pouvons pas le faire, nous la vendons à perte et payons trop cher notre électricité. Combien de chemin nous reste-t-il à parcourir?
(1600)
    Il est clair qu’il est toujours bon de demander la perspective de l’exploitant du réseau pour voir comment ces ressources sont utilisées dans le marché et connaître les coûts marginaux.
    On a beaucoup appris en Ontario pour ce qui est de l’adaptation à la production variable, production qui n’est pas en demande lorsque vous en avez besoin. À titre d’exemple, une des choses, des évolutions, que nous avons observées dans le marché est la manutention du nucléaire, notamment à la centrale de Bruce, à Kincardine.
    Le système s’est relativement adapté, et on dispose de nouveaux instruments pour mieux prédire, non seulement le moment où cette production variable sera en mesure de fournir de l’énergie au marché, mais aussi la façon dont l’exploitant du réseau en optimise l’utilisation pour réduire les coûts. Nous voyons que c'est continuel. La technologie évolue sensiblement.
    J’aimerais reprendre le commentaire que Lisa a formulé concernant le stockage et les possibilités de stockage. Manifestement, un des défis associés à un réseau électrique est que l’approvisionnement en électricité ne se fait peut-être pas exactement lorsque vous en avez besoin. Bien entendu, l’électricité est une question de physique, elle concerne la production d’électrons et le moment où ceux-ci sont consommés. Les possibilités qu’offre la capacité de miser sur le stockage sont très vastes pour aider à équilibrer le réseau entre les périodes où la demande est élevée, ou les périodes « de pointe » comme nous les appelons, et les périodes « creuses » où la demande est faible.
    Dans le contexte des interconnexions, sujet d’étude du présent Comité, les exploitants du réseau les ont toujours utilisées comme du « stockage virtuel » grâce à leur capacité de transmettre de l’électricité par l’intermédiaire des lignes de rattachement pour assurer la fiabilité du système. Vous prenez l’électricité dans votre marché quand vous n’en avez pas besoin et l’exportez vers un marché qui pourrait en avoir besoin et vice versa. On le voit pas mal entre l’Ontario et le Québec, mais aussi entre l’Ontario et New York, et l’Ontario et le Michigan. Nous prévoyons que ce soit de plus en plus monnaie courante à l’avenir.
    Comment faire pour régler le problème que nous avons en Ontario, province où les tarifs de l’énergie sont parmi les plus élevés et où les gens paient des milliards de dollars d’excédents? Comment faire pour régler cette situation? Les interconnexions sont une solution à long terme. Je pense que vous l’avez dit tous les deux. Qu’en est-il des gens qui ont besoin d’aide maintenant? Comment faire pour régler ce problème? Je sais que c’est surtout une question provinciale, mais je suis curieux.
    Madame DeMarco, voulez-vous commencer? Je vais ensuite m’adresser à M. Benedetti.
     J’aimerais d’abord enchaîner sur ses commentaires concernant le stockage. Vous m’avez demandé très précisément si nous avions presque atteint notre but.
    Nous y sommes. Il ne s’agit pas d’un projet scientifique. Il s’agit maintenant du troisième approvisionnement pour le stockage, qui vient de fermer. Nous avons un total de près de 100 mégawatts commercialisables. Je parle de « commerce » pour faire le pont avec ma prochaine réponse. Dans la province, cela a du sens. Ce stockage offre des avantages économiques à toutes les étapes de la production d’énergie: du consommateur à la distribution, à la transmission et à la production. Il permet le type de souplesse entre chacun des quatre éléments de notre secteur électrique. C’est, dans les faits, le canif suisse de l’électricité.
    Je pense que le fait d’accroître notre capacité de stockage… Le ratio qui est ressorti du Texas, du secteur Pennsylvanie, New Jersey et Maryland, et d’ailleurs est d’environ 10:1. Pour chaque tranche de 10 mégawatts d’énergies renouvelables, vous avez besoin d’un mégawatt de stockage pour équilibrer l’électricité. À titre de chef de file canadien en matière de stockage à l’heure actuelle, nous devons accroître notre capacité de le fournir à une échelle adéquate. C’est une chose.
    Je vais devoir vous demander d'arrêter ici. Je suis désolé.
    Monsieur Cannings.
    Merci à tous les deux d'être venus aujourd'hui.
    Je vais commencer par vous, madame DeMarco, et peut-être vous donner la possibilité de donner des détails sur certains des défis que vous avez passé en revue trop rapidement pour que je puisse les prendre en note. Grâce au président, j'ai reçu une copie de ce que vous avez dit.
    Commençons par les défis qui entourent le gaspillage. Vous avez parlé de règles du marché désuètes, de manque de stockage et de dynamique commerciale. En quoi ces éléments se rapportent-ils à ceux que vous avez prévus? Que devons-nous faire pour éliminer ce gaspillage?
    L'un des aspects que nous négligeons actuellement est l'élaboration de règles du marché adéquates. En ce qui concerne bon nombre de nos marchés concurrentiels pour l'électricité, les règles ont été élaborées avant que le stockage devienne réalité. Les technologies ont maintenant évolué. Parallèlement, nous avons d'autres ressources énergétiques distribuées qui exerceront des pressions. Favoriser l'adoption de règles du marché améliorées et actualisées qui sont logiques est un aspect, mais il y a aussi bon nombre d'obstacles réglementaires en place.
    Par exemple, en Ontario, des règles prévoient que c'est le tarif de gros qui s'applique lorsque le stockage d'énergie produit en fait de l'électricité, mais les entreprises doivent payer des tarifs de détail beaucoup plus élevés lorsqu'elles rechargent leurs systèmes durant les périodes où les tarifs sont les moins élevés. Ce n'est pas logique; cela devrait en fait être exactement le contraire. Nous avons pris certaines mesures pour collaborer avec la Commission de l'énergie de l'Ontario, le ministère de l'Énergie de l'Ontario et les divers organismes de réglementation, y compris la Société indépendante d'exploitation du réseau d'électricité, pour commencer à essayer d'éliminer ces anachronismes du système.
    En particulier, compte tenu de la quantité d'énergie produite sans émission que nous perdons, nous devons redoubler d'efforts, parce que c'est énorme de perdre de 7,6 térawattheures d'électrons canadiens qui sont produits de manière écologique et économique, et cela ne devrait pas se produire. Il est très important de songer à améliorer notre capacité d'interconnexion en tenant compte du stockage en vue de nous permettre de manœuvrer de la manière la plus efficiente et la plus efficace possible.
(1605)
    Votre premier point portait sur la transition économique vers une économie à faibles émissions de carbone, soit la transition dont nous avons tous entendu parler et que nous aimerions voir se concrétiser grâce à l'électrification. Selon vous, quels devraient être les éléments prioritaires? Quelle est la solution facile pour le gouvernement fédéral? Je pense en particulier à ce que nous pourrions recommander.
    Le secteur des transports est un domaine très important. Nous devrions faciliter l'arrivée des voitures électriques et la construction d'infrastructures connexes non seulement comme un moyen de transport, mais aussi comme une forme de stockage d'énergie. Ces batteries sont réellement un moyen de stocker de l'énergie. Bref, l'optimisation des flottes de véhicules — les autobus et en particulier les autobus scolaires — correspond parfaitement à ce que vous essayez exactement d'accomplir. Ces véhicules sont inutilisés durant l'été. Si ce sont des véhicules électriques et qu'ils ont des batteries, ils pourraient fournir de l'électricité résiduelle lorsqu'ils demeurent largement inutilisés. Les véhicules sont utilisés le matin et en soirée, mais ils sont inutilisés en majeure partie le reste de la journée. Voilà des aspects que nous devrions vraiment améliorer à court terme.
    Dans le même ordre d'idées, nous devrions aussi songer à optimiser le chauffage, la ventilation et la climatisation dans les édifices. Je ne parle pas d'éliminer ou de délaisser des ressources, mais bien d'optimiser l'intégration du gaz naturel et de l'électricité dans les édifices en vue de vraiment éviter de suivre un dogme. Notre mantra à la firme est de laisser votre dogme à la porte et d'adopter une démarche fondée sur les faits en vue d'arriver à un résultat. C'est ce que doit faire le gouvernement fédéral en collaborant avec les gouvernements provinciaux et certains des plus grands esprits de l'industrie au pays.
    Vous avez parlé d'étiquetage, et j'aimerais aborder la question de deux façons. Premièrement, vous avez parlé de le faire dans le cadre d'un accord commercial. J'ai oublié vos propos exacts, mais vous disiez que ce ne serait pas frappé de mesures américaines exigeant de l'énergie produite aux États-Unis, par exemple.
    L'autre élément concernait la situation au pays. Dans ma circonscription, j'ai une entreprise qui produit de l'électricité très propre, et la ville de Calgary a communiqué avec elle, parce qu'elle voulait utiliser son électricité ou ses électrons pour alimenter ses autobus et son réseau de transport en commun. L'entreprise n'a pas réussi à conclure un accord avec B.C. Hydro pour acheminer ses électrons du centre de la Colombie-Britannique à Calgary. Des frais excessifs lui auraient été imposés; ce n'était donc pas envisageable.
    Je me demande tout simplement ce qu'est la solution à ce problème. Cela ne relève peut-être pas du gouvernement fédéral, mais nous devons trouver une solution à de telles situations.
    L'un ou l'autre peut répondre, s'il le souhaite.
(1610)
    Je vais peut-être seulement mentionner qu'il y a un élément aux États-Unis que nous n'avons pas au Canada, et c'est un organisme fédéral de réglementation de l'électricité comme la Commission fédérale de réglementation de l'énergie qui peut collaborer avec les exploitants régionaux de réseaux autonomes en vue de contribuer à élaborer des politiques sur l'intégration des marchés, à trouver des ressources plus rentables, etc. Voilà des mécanismes qui ont été créés au fil du temps. Au Canada, nous gérons encore passablement nos marchés de l'électricité en fonction des frontières provinciales, et bon nombre des règlements qui existent entre ces marchés n'ont pas évolué depuis les années 1900. Ce sont des règles qui existent depuis une centaine d'années et qui ne se sont pas vraiment très bien adaptées à la capacité d'acheminer de l'électricité d'une province à l'autre.
    Ce qui est ironique, c'est que cela n'a pas toujours été le cas. Nous avons des centrales hydroélectriques au Québec qui alimentent Ottawa. L'objectif premier était d'alimenter l'industrie papetière qui existait ici à l'époque, et le tout avait été mis en place pour soutenir la mise en valeur des ressources. La présence d'une frontière politique entre les deux n'avait pas vraiment d'importance. C'est quelque chose que nous devrions de plus en plus examiner plus attentivement et réfléchir à la manière de moderniser nos règlements. Comment le gouvernement fédéral peut-il travailler de concert avec les exploitants provinciaux de réseaux pour contribuer à faciliter l'intégration des marchés et le transport d'électricité d'un marché à l'autre, en particulier si cela correspond au type de production d'électricité que nous considérons comme souhaitable, soit une production à faibles émissions de carbone qui répond à nos besoins lorsque nous en avons besoin?
    Je vais malheureusement devoir vous arrêter là.
    Monsieur Serré, allez-y.
    Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur exposé et du temps qu'ils ont pris pour venir discuter avec nous. J'ai quelques questions.
    Madame DeMarco, en ce qui concerne votre commentaire plus tôt au sujet du stockage grâce à des batteries, comment les technologies des réseaux électriques intelligents peuvent-elles nous aider à atténuer les inquiétudes à court terme en ce qui concerne le stockage d'énergie provenant de sources d'approvisionnement intermittentes comme l'énergie éolienne, l'énergie solaire ou l'énergie marémotrice?
    Il ne fait aucun doute que les technologies des réseaux électriques intelligents sont ce qui permet une circulation dans les deux sens de l'électricité. Nous pouvons réfléchir à la possibilité d'utiliser les batteries comme ressources; il peut s'agir de ressources communautaires comme des autobus ou un programme communautaire de batteries ou de batteries en soutien à une interconnexion ou à un réseau ou d'un volant d'inertie. Il y a un volant d'inertie qui est utilisé à cette fin en Ontario. L'exploitant du réseau peut utiliser les données concernant les pertes en ligne pour déterminer quand déployer ce volant d'inertie pour le charger ou le décharger, selon le cas. Lorsqu'un marché signale que le recours à une ressource de stockage d'électricité est nécessaire, les exploitants du réseau ont maintenant la capacité de déployer ou de décharger le tout par l'entremise d'un réseau intégré.
    Merci.
    Vous avez également mentionné que le Canada compte parmi les trois principaux producteurs d'énergie propre dans le monde. J'aime votre idée d'exporter notre électricité à un tarif majoré. Comment pouvons-nous le présenter? À mon avis, c'est un aspect sur lequel nous devons nous pencher.
    J'aimerais seulement comprendre un peu mieux comment nous en sommes arrivés là, parce que vous avez mentionné l'Ontario, et je sais que nos collègues d'en face font souvent allusion à l'Ontario et aux tarifs d'électricité. Dans un rapport d'Hydro-Québec concernant l'Amérique du Nord, j'ai vu que le kilowattheure coûte moins cher en Ontario que dans de nombreux États américains.
    J'aimerais comprendre. En ce qui a trait à la modernisation que nous avons connue en Ontario — pensons aux pannes d'électricité et aux nombreux jours de smog que nous avons connus —, croyez-vous que d'autres endroits dans le monde devraient tirer des leçons de l'expérience vécue en Ontario pour aller de l'avant?
    Cela ne fait aucun doute, mais il y a un aspect important. Selon moi, les autres ont très souvent l'impression que nous passons à de plus faibles formes de production d'électricité et de marchés purement pour des raisons environnementales.
    Nous constatons que l'une des plus importantes caractéristiques des ressources à faibles émissions de carbone est que le coût variable de production est pratiquement nul; nous parlons ici des coûts différentiels. Le carburant ne coûte rien comparativement à d'autres ressources traditionnelles. Par exemple, lorsque nous exploitons des ressources gazières, nous regardons normalement les coûts d'immobilisation, les coûts de fonctionnement et d'entretien ainsi que le coût du carburant. Ces trois éléments entrent dans le coût total. Pour ce qui est du stockage et des ressources renouvelables, ce n'est pas le cas.
    J'aimerais mentionner par rapport au Québec que la province a pris la décision par le passé de se doter d'une capacité qui dépasse de beaucoup ses propres besoins pour produire de l'électricité, en particulier du point de vue du développement économique, et l'exporter sur la côte Est. La province a connu un immense succès à cet égard, et la Colombie-Britannique l'a également fait.
    À l'instar de nombreux marchés, l'Ontario a construit des infrastructures en fonction de ses besoins. Nous avions l'habitude d'appeler cela la démarche ontarienne de fortification. Étant donné que nous reconnaissons de plus en plus la modernisation et la valeur des caractéristiques d'un réseau à faibles émissions de carbone, nous constatons maintenant une tendance vers une plus grande utilisation des interconnexions et nous avons la capacité d'exporter ces ressources vers des marchés comme PJM, par exemple, qui a encore un important bilan carbone, mais qui représente aussi le plus important marché de l'électricité au monde.
    Sur le plan commercial, de nombreux marchés examinent maintenant la possibilité de tirer profit de la valeur des investissements faits sur de nombreuses années pour avoir accès aux marchés, et cela rappelle un peu la manière dont le Québec a géré ses ressources en électricité au cours des dernières décennies.
(1615)
    J'aimerais seulement chiffrer les points qu'a fait valoir Chris, et je suis tout à fait d'accord avec lui. Une centrale hydroélectrique de 60 ans a permis à son exploitant de récupérer ses coûts d'immobilisation et peut produire de l'électricité à un demi-cent le kilowattheure et l'exporter vers des marchés américains qui paient 13 et 14 ¢ le kilowattheure. J'aime cette dynamique des profits. Cela fonctionne.
    Comment pouvons-nous le faire de manière à faciliter l'imposition d'un tarif majoré en raison du caractère durable de cet actif hydroélectrique?
    Pour revenir à la question de M. Cannings qui va dans le même sens que la vôtre, je vais aborder un concept pointu du droit du commerce, mais il est possible de faire la distinction auprès des consommateurs entre un simple électron et un électron durable. Lorsque les consommateurs font cette distinction, vous êtes en bien meilleure posture du point de vue de la notion de similitude en vertu du droit commercial. Vous êtes en bien meilleure posture.
    Plus nous pouvons prendre de mesures pour aider nos consommateurs américains à faire plus facilement cette distinction et plus nous serons en bonne posture grâce à la facilité avec laquelle nous exporterons notre produit.
    Merci.
    Il reste environ une minute. Vous avez tous les deux parlé des communautés autochtones. En Ontario, il y a 130 Premières Nations, dont 100 dans le Nord de l'Ontario. Le gouvernement provincial a récemment branché environ 16 Premières Nations au réseau électrique, mais il y a encore un très grand nombre de Premières Nations, qui représente le tiers du territoire ontarien, qui ne le sont pas. Avez-vous une idée de ce que nous pourrions mieux faire en ce qui concerne les communautés autochtones et peut-être les interconnexions avec le Manitoba?
    Nous avons un projet qui me tient vraiment à coeur, et nous y travaillons depuis maintenant quelques années. Il s'agit de Wataynikaneyap Power. C'est un projet géré par des Autochtones qui appartient à 22 communautés des Premières Nations dans le nord-ouest de l'Ontario et qui vise à brancher 17 communautés autochtones qui dépendent actuellement du diesel pour produire de l'électricité. Il faut absolument que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial collaborent pour trouver des moyens d'effectuer cette transition et bâtir cette infrastructure essentielle. Nous n'en sommes pas encore là, mais nous espérons y arriver bientôt.
    C'est bien honnêtement un projet qui peut être repris non seulement ailleurs en Ontario, par exemple, à l'est du lac Nipigon, mais aussi dans d'autres communautés au Nunavut et dans le nord du Manitoba et à tout autre endroit au pays où des communautés dépendent énormément du diesel pour produire de l'électricité et doivent composer avec des pannes importantes, où le réseau est peu fiable, où des gens ne peuvent pas faire fonctionner leur dialyseur lorsqu'il y a une panne d'électricité et où des avis d'ébullition sont en vigueur.
    À vrai dire, je me suis déjà rendu dans certaines de ces communautés, et je dois dire que c'est une crise sur le plan de l'indépendance énergétique, mais c'est également quelque chose qui fait partie intégrante du tissu social de ces communautés.
(1620)
    Merci.
    Madame Stubbs, vous avez cinq minutes, puis ce sera le tour de M. Arseneault.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous cet après-midi.
    Je viens de l'Alberta. Je le mentionne, parce que je crois que cela façonne parfois la façon dont nous voyons les enjeux dont nous discutons en particulier au Comité et probablement notre point de vue global quant aux priorités.
    Mon collègue T.J. et moi sommes souvent d'accord sur cette question, et je tiens à souligner votre point sur le fédéralisme de coopération, le respect de la séparation des pouvoirs constitutionnels et la reconnaissance de la diversité énergétique régionale. Je crois personnellement que la diversité énergétique du Canada est l'une de nos plus grandes forces.
    Avant de me lancer en politique, j'ai passé plusieurs années au sein du gouvernement de l'Alberta dans le ministère de l'Énergie, puis à la Division des bureaux à l'étranger et du commerce du ministère du Développement économique où je me suis occupée des politiques et des communications, des règles opérationnelles et de l'élaboration de lois sur les sables bitumineux et l'exploitation du pétrole lourd en Alberta, ce qui profite, je crois, à chaque Canadien partout au pays. C'est certainement une grande source de revenus que nous partageons avec l'ensemble du pays pour que tous les Canadiens puissent profiter de plus ou moins les mêmes programmes et services dans leur province respective.
    Lisa, dans votre diapositive sur l'innovation, vous avez parlé de petits réacteurs modulaires. Vous êtes probablement au courant que le Comité a déjà réalisé une étude sur le secteur nucléaire et que cet aspect a peut-être été mentionné à quelques reprises durant notre étude sur les technologies propres dans les secteurs gazier et pétrolier; je pense à l'utilisation possible de petits réacteurs modulaires dans le secteur des sables bitumineux et la récupération du pétrole et du gaz. À l'époque, je crois me rappeler qu'il y avait des discussions pour former des partenariats, mais il n'était pas question de programmes pilotes ou d'autre chose pour l'instant.
    L'un d'entre vous pourrait-il faire le point sur la situation? Avez-vous des détails concernant une telle utilisation possible et les échéanciers à cet égard?
    Mes commentaires visaient particulièrement les très petits réacteurs, et cela concerne l'enjeu qui touche les Premières Nations. Je vous encourage à consulter la référence fournie dans la présentation où nous indiquons que des données probantes ont confirmé devant la Commission de l'énergie de l'Ontario que le réseau électrique était 2 081 % moins fiable dans les communautés des Premières Nations. Il est plus de 20 fois moins fiable; or, les Premières Nations paient l'un des tarifs les plus élevés. C'est un problème.
    La semaine dernière ou au cours des deux dernières semaines, je sais qu'il y a eu des réunions connexes avec le gouvernement fédéral pour essayer de faciliter le recours à de très petits réacteurs modulaires pour contribuer à adresser les défis liés à l'élimination de l'utilisation du diesel dans les collectivités rurales et éloignées. Nous devons faire preuve d'ouverture d'esprit par rapport à toute solution qui peut nous aider à adresser les principaux défis que je crois que nous essayons d'aborder.
    Je crois bien que, par l'entremise du ministère des Ressources naturelles et du dialogue autour de la stratégie énergétique canadienne, des rencontres ont eu lieu avec des entreprises du secteur nucléaire au sujet des très petits réacteurs modulaires et des petits réacteurs modulaires pour contribuer à adresser les défis liés à l'élimination de l'utilisation du diesel dans les collectivités rurales et éloignées.
    D'accord.
    Avez-vous quelque chose à ajouter, Chris?
    Je me contenterai d'ajouter une observation. Je sais que la société Laboratoires Nucléaires Canadiens, ou LNC, et l'industrie des centrales à réacteur CANDU ont beaucoup travaillé sur la mise au point de petits réacteurs modulaires, particulièrement en collaboration avec le laboratoire de Chalk River. On trouve, surtout en Ontario, un vaste réseau d'experts en matière nucléaire qui se penche là-dessus.
    Il y a peut-être une ombre au tableau: nous savons que l'autorité hydroélectrique de la Tennessee Valley travaille présentement sur un site d'essai. D'autres sociétés américaines, notamment Westinghouse, envisagent de fabriquer de petits réacteurs modulaires, et il en va de même pour des entreprises de la Corée, de la Chine, du Japon, de l'Allemagne et d'ailleurs.
    Voilà donc une excellente occasion de miser sur l'expertise scientifique et nucléaire canadienne pour voir ce qui peut être conçu comme solution purement canadienne dans le domaine des petits réacteurs modulaires. Bien entendu, ce n'est pas seulement l'Ontario qui y contribue, mais l'ensemble du Canada.
    Tout à fait.
    Je crois que le Canada est un chef de file mondial, non seulement sur le plan de la production d'énergie responsable, mais aussi sur le plan de l'exportation d'une expertise technologique avant-gardiste. Les législateurs et les décideurs devraient chercher à poursuivre sur cette lancée.
    Je sais que, sur les 2 milliards de dollars investis dans la recherche et le développement pour le secteur des ressources naturelles en général, un montant de 1,5 milliard de dollars provenait des sociétés pétrolières et gazières, d'après les dernières statistiques compilées. Nous avons donc été déçus de constater qu'elles étaient exclues du plan fédéral de 950 millions de dollars pour les supergrappes.
     Je dis cela, tout en étant consciente qu'il ne s'agit pas de dresser les secteurs les uns contre les autres.
(1625)
    Je vais devoir vous arrêter ici.
    Monsieur Arseneault.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier nos invités d'être ici aujourd'hui.
    Comme je ne suis pas un membre habituel du Comité permanent des ressources naturelles, ce n'est pas un sujet que je maîtrise bien, mais c'est vraiment passionnant d'entendre parler d'énergie verte et de tout ce qu'on peut faire au Canada, par exemple produire au Québec l'aluminium le plus vert au monde grâce à l'énergie hydroélectrique.
    Au sujet des interconnexions, je comprends que l'objectif est de faciliter l'accès à l'électricité partout au pays. Cela pourrait être bénéfique et accroître le développement économique du pays. C'est ce que je comprends de vos interventions.
    Je ne sais pas qui pourrait répondre à ma question. Peut-être Mme DeMarco pourrait-elle le faire.
    Entrevoyez-vous des obstacles juridiques, en ce qui concerne la réglementation, au passage de l'électricité d'une province à une autre, ou même du Canada vers les États-Unis, qui achètent notre électricité?
    Je vais essayer de répondre en français. Je vais vous dire...

[Traduction]

    Vous pouvez parler en anglais.
    J'allais essayer de répondre en français, mais mes enfants me disent toujours: « Maman, quand tu parles français,

[Français]

cela nous fait mal aux oreilles. »

[Traduction]

    En tout cas, je vais essayer un peu de mettre mon bilinguisme à l'oeuvre.
    À mon avis, il y a des défis à relever sur le plan de la réglementation pour ce qui est d'accroître le volume maximal d'exportations d'énergie du Canada vers les États-Unis, à partir des sources d'énergie les plus propres et les plus écologiques.
    Entre les provinces, le principal problème tient aux contraintes en matière d'interconnexions, ainsi qu'aux différences sur le plan des capacités d'interconnexions — c'est-à-dire le courant alternatif par rapport au courant continu —, particulièrement entre l'Ontario et le Québec. Je vous invite à regarder les points sur la carte, une fois que vous l'aurez reçue; nous voulons passer des petits points aux gros points. En réalité, à l'exception de l'Alberta et de la Saskatchewan, l'électricité semble se déplacer sur l'axe nord-sud, et cela devrait se faire du nord au sud.
    Quels sont quelques-uns des obstacles réglementaires?
    Premièrement, en ce qui concerne la synchronisation et la liaison de nos marchés, nous nous heurtons à certains problèmes associés à ce qu'on appelle les droits d'« ajustement en hausse » et à la façon dont ils sont appliqués et utilisés dans le contexte de l'exportation.
    Deuxièmement, il faut faciliter l'accès à ce dont nous avons besoin, en temps opportun, pour l'exportation au sud de la frontière. Au chapitre de nos biens de stockage, il y a un décalage, car nous devons payer des tarifs de détail durant le chargement, mais nous ne pouvons exiger que des prix de gros au moment du déchargement. C'est problématique.
    Le troisième obstacle, c'est de ne pas pouvoir profiter de l'avantage connexe d'une politique globale et d'une intégration entre certaines sociétés indépendantes d’exploitation du réseau d’électricité, notamment celle de l'Ontario, et le marché de la Pennsylvanie, du New Jersey et du Maryland. Cela pose problème. Il faut harmoniser un certain nombre de règles entre la Commission fédérale de réglementation de l'énergie et la Société indépendante d’exploitation du réseau d’électricité. Nous avons déjà effectué un peu de travail dans ce domaine relativement au décret no 686 de la Commission fédérale de réglementation de l'énergie. Il reste encore beaucoup à faire à cet égard.
    Voilà donc certains des obstacles réglementaires que nous devons absolument surmonter.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je crois que le Canada a fait du bon travail, et il faut continuer dans cette voie pour encourager les marchés américains, les États américains, à accepter les ressources énergétiques propres de notre pays. Nous craignions à un certain moment que le Massachusetts n'accepte pas les exportations d'énergie hydroélectrique du Canada pour desservir son marché. Aujourd'hui, cet État procède à un appel d'offres de très grande envergure pour des projets d'énergie propre et je crois que, grâce aux efforts du Canada et de l'industrie, le Massachusetts a ouvert son marché, si bien que nous voyons maintenant des sociétés comme Hydro-Québec et Emera présenter des soumissions considérables sur ce marché.
    De telles occasions continueront de se présenter sur la côte Est, dans le Midwest et sur la côte Ouest. Nous devons donc être prêts. Je pense que le gouvernement peut jouer un rôle essentiel pour faire en sorte que les Américains demeurent ouverts à nos exportations d'énergie.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Est-ce qu'il me reste du temps, monsieur le président?

[Traduction]

    Je crois que nous allons devoir nous arrêter là.
    MeDeMarco, monsieur Benedetti, merci beaucoup d'avoir été des nôtres aujourd'hui. C'était fort utile. Au nom des membres du Comité, je tiens à vous exprimer notre profonde reconnaissance.
    Nous allons faire une pause de deux minutes avant d'entamer la deuxième heure.
(1625)

(1630)
    Reprenons la séance. Pour la deuxième heure, nous allons entendre deux groupes de témoins.
    Nous accueillons Louis Thériault, du Conference Board du Canada. Nous vous remercions de votre présence.
    Ensuite, pour une deuxième fois — et espérons que la sonnerie ne retentira pas aujourd'hui —, nous recevons Mike MacDougall et Tom Bechard, de Powerex. Nous vous remercions d'être de retour parmi nous. Puisque votre témoignage a été interrompu la dernière fois, pourquoi ne commencerions-nous pas par vous?
    Chaque groupe disposera d'au plus 10 minutes pour faire son exposé, après quoi nous passerons aux questions.
(1635)
    Bonjour, monsieur le président, distingués membres du Comité.
    Merci de nous donner l'occasion de témoigner devant le Comité au sujet des interconnexions électriques stratégiques.
    Je m'appelle Mike MacDougall, et je suis le directeur de la politique commerciale à Powerex. Mon collègue s'appelle Tom Bechard, et il est le directeur général de la division du gaz et de l'énergie canadienne.
    Powerex est une filiale en propriété exclusive de B.C. Hydro, qui s'occupe de la mise en marché de l'électricité, du gaz naturel et des produits d'énergie renouvelable dans l'Ouest du Canada et des États-Unis. Aujourd'hui, nous aimerions vous présenter le point de vue d'un utilisateur du système de transmission sur le fonctionnement des interconnexions, sur la façon dont il est possible d'obtenir une valeur ajoutée à partir des installations actuelles et sur certaines des conditions nécessaires pour que les nouvelles interconnexions procurent des avantages, notamment sur le plan de la réduction des gaz à effet de serre, aux utilisateurs du système et aux consommateurs des entreprises de services publics qui les mettent au point.
    Premièrement, je vous donnerai un peu plus de contexte sur Powerex afin de vous aider à comprendre ce qui oriente notre perspective sur ces questions. Deuxièmement, je discuterai de la nature de ces interconnexions du point de vue de l'utilisation quotidienne, c'est-à-dire de la capacité mise à la disposition des clients de ces systèmes. Ensuite, M. Bechard vous fournira quelques renseignements sur les signes donnés par les divers marchés, c'est-à-dire les cas où il faut s'abstenir de recourir aux installations pour des échanges économiques et la façon dont les marchés incitent ou non à utiliser des ressources externes de production d'énergie propre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Enfin, il parlera des incitatifs économiques qui pourraient s'avérer nécessaires pour appuyer l'expansion de nouvelles installations d'interconnexions.
    Comme je l'ai dit, Powerex est la filiale en propriété exclusive de B.C. Hydro. Établie en 1988, Powerex compte près de 30 ans d'expérience sur les marchés de l'énergie en Amérique du Nord. En 2016, elle était la deuxième exportatrice d'électricité en importance du Canada vers les États-Unis, à l'origine de près de 13 600 gigawattheures, soit 19 % des exportations totales du Canada aux États-Unis. Toujours en 2016, Powerex était également la plus grande importatrice d'électricité des États-Unis vers le Canada, pour un total de 8 000 gigawattheures, soit 86,5 % de toutes les importations au Canada. De plus, nous achetons et vendons de l'électricité sur le marché de l'Alberta, selon des volumes qui représentent, en moyenne, 10 % de nos exportations et 3 % de nos importations depuis cinq ans.
    Pour échanger un tel volume d'électricité, Powerex doit acheter des services de transmission auprès d'une vaste gamme de fournisseurs. Aux États-Unis, Powerex possède une capacité de transmission à long terme de 5 000 mégawatts, et elle dépense plus de 125 millions de dollars par année pour des services de transmission. Un des concepts clés dont nous aimerions présenter au Comité, c'est la différence entre la capacité nominale des installations de transmission et leur capacité opérationnelle quotidienne.
    Ce qui compte réellement pour un utilisateur de services de transmission, c'est la capacité opérationnelle. La connexion nominale de la Colombie-Britannique vers l'Alberta est de 1 200 mégawatts; toutefois, la capacité opérationnelle réelle se situe habituellement entre 430 et 600 mégawatts, soit seulement 35 % à 50 % des limites nominales. Dans le même ordre d'idées, la connexion nominale de la Colombie-Britannique vers les États-Unis se chiffre à 3 150 mégawatts, alors que la capacité opérationnelle générale est de 2 500 mégawatts, soit environ 80 % de la limite nominale.
    Cette différence est causée par une multitude de facteurs liés à la conception des installations, ainsi qu'au fonctionnement du réseau lui-même; cependant, du point de vue du client, seule la capacité inférieure est mise à sa disposition pour transporter de l'électricité. Dans les cas où les droits de transmission sont vendus aux utilisateurs pour appuyer le recouvrement des coûts, comme en Colombie-Britannique, cette limite opérationnelle inférieure représente également la quantité d'électricité qui peut être raisonnablement vendue. Dans le cas de la transmission de la Colombie-Britannique à l'Alberta, près de la moitié de la capacité est laissée en plan, sans qu'on puisse la vendre pour recouvrer les coûts des installations de B.C. Hydro.
    Au moment d'examiner les investissements dans les interconnexions stratégiques, il faut d'abord déterminer si nous tirons le maximum des installations actuelles. Dans le cas de la Colombie-Britannique et de l'Alberta, une bonne partie des limites tiennent au système de l'Alberta lui-même, notamment aux choix qui ont été faits lorsqu'en 2013, l'interconnexion Montana-Alberta a été ajoutée au réseau de l'Alberta, sans que l'installation résultante n'augmente la capacité générale de l'Alberta d'importer de l'électricité.
(1640)
    Du point de vue de l'efficacité, il est important de tenir compte de la capacité utile des interconnexions existantes, et cela pourrait s'avérer beaucoup moins coûteux qu'une nouvelle construction.
    En plus de la capacité disponible, il faut déterminer si les utilisateurs du système de transmission seraient suffisamment incités à acheter la capacité offerte par les installations de transmission et, par conséquent, à appuyer le recouvrement des coûts liés à l'investissement.
    Pour nous en parler, je cède la parole à M. Bechard.
    Je tiens à remercier le Comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour parler des interconnexions stratégiques.
    De façon générale, il ne fait aucun doute que nous avons beaucoup à gagner, tant sur le plan économique qu'environnemental, de l'amélioration et de l'expansion du commerce de l'électricité en gros entre la Colombie-Britannique et l'Alberta. Cette dernière province en pleine transition: elle délaisse graduellement le charbon au profit d'une production supplémentaire de gaz naturel et d'énergie éolienne pour peut-être un jour produire également de l'énergie solaire. La Colombie-Britannique, pour sa part, est une province riche en hydroélectricité, une source d'énergie propre et flexible. Cette diversité des technologies de production entre la Colombie-Britannique et l'Alberta devrait favoriser des échanges commerciaux mutuellement avantageux entre les provinces. Toutefois, deux obstacles majeurs nous ont empêchés de maximiser les occasions offertes par le commerce de l'électricité en gros: les limites de transfert et la conception du marché.
    Comme M. MacDougall l'a mentionné, la Colombie-Britannique compte un important surplus d'électricité disponible pour l'exportation; toutefois, ces dernières années, une très petite portion de ce surplus d'électricité a abouti en Alberta. Au cours des dernières années, Powerex a exporté la grande majorité de ce surplus vers la Californie, alors que l'Alberta n'a en a reçu que moins de 10 %. En effet, l'électricité propre de la Colombie-Britannique a parcouru des milliers de kilomètres pour se rendre jusqu'en Californie, ce qui a entraîné une réduction générale des niveaux de production d'électricité à partir du gaz naturel dans cet État. Du point de vue de la réduction des émissions de carbone, cette démarche semble inefficace puisque le surplus d'électricité propre de la Colombie-Britannique aurait pu être envoyé juste à côté, en Alberta, afin de réduire la production de charbon.
    Mis à part les défis liés à la capacité de transfert, dont M. MacDougall vient de vous parler, l'une des principales raisons qui expliquent ce résultat, ce sont les signaux de prix relatifs donnés par le marché organisé de la Californie, comparativement à celui de l'Alberta, pour les importations d'électricité propre.
    Heureusement, Powerex s'attend à ce que cette situation change quelque peu en 2018, lorsque l'Alberta mettra en oeuvre son règlement sur la concurrence en matière de carbone. Ce programme aura pour effet important d'établir la tarification des émissions de l'Alberta et d'accroître la valeur des importations d'électricité. Nous nous attendons à ce qu'une telle mesure fasse de l'Alberta une destination plus attrayante pour le surplus d'électricité de la Colombie-Britannique, ce qui devrait remplacer la production de charbon en Alberta.
    Selon nous, l'instauration du programme sur la concurrence en matière de carbone devrait intensifier les échanges commerciaux entre les provinces et leur procurer des retombées économiques et environnementales mutuellement avantageuses, mais il existe tout de même des possibilités d'accroître ces retombées.
    En particulier, à mesure que l'Alberta se dotera de capacités d'exploitation de ressources renouvelables admissibles — surtout des éoliennes — dans le cadre de son plan de leadership climatique, la province aura besoin de nouvelles ressources flexibles pour fournir des services d'intégration des énergies renouvelables. Même si certains de ces services de flexibilité seront offerts par le parc actuel et élargi de centrales au gaz naturel de l'Alberta, la Colombie-Britannique est bien placée, grâce à l'ensemble de ses ressources, pour soutenir la concurrence et offrir de tels services, tout en réduisant les gaz à effet de serre. Par exemple, la Colombie-Britannique pourrait diminuer sa production hydroélectrique flexible et utiliser la production d'énergie éolienne excédentaire de l'Alberta lorsque la puissance de sortie des éoliennes dépasse la capacité d'utilisation de la province. Par la suite, lorsque les éoliennes de l'Alberta ne seront pas en mode de production, la Colombie-Britannique pourra distribuer à nouveau de l'électricité propre à l'Alberta, remplaçant ainsi la production à partir de combustible fossile.
    Pour y arriver, toutefois, il faut au moins deux domaines clés de collaboration. Le premier concerne l'engagement d'adopter une conception du marché qui est juste, efficace et solide ou de conclure une entente commerciale à long terme qui permet une répartition équitable des économies relatives aux coûts de production à court terme, aux coûts sur le plan de l'environnement et aux coûts liés aux investissements, au lieu de laisser l'Alberta se débrouiller tout seul. Le deuxième consiste à accroître la capacité de transfert limitée entre les provinces.
    Fait important, ces deux efforts de collaboration doivent être déployés simultanément. En effet, les avantages économiques et environnementaux d'une conception améliorée du marché ou d'une entente commerciale à long terme seront nettement limités en l'absence d'efforts visant à accroître l'actuelle capacité de transfert entre les provinces. Dans le même ordre d'idées, l'expansion de la capacité de transmission dans le cadre du marché actuel, en l'absence d'une nouvelle entente commerciale, a peu de chances de procurer les avantages économiques et environnementaux requis pour justifier les investissements nécessaires dans les nouvelles installations de transmission ou d'assurer une répartition équitable de ces avantages entre les provinces.
    Nous vous remercions de votre attention et nous serons heureux de répondre à vos questions.
(1645)
     Merci beaucoup.
    Monsieur Thériault.

[Français]

    Je remercie les membres du Comité.

[Traduction]

    Je suis heureux d'être de retour au Comité.
    Au Conference Board, nous avons récemment publié un rapport intitulé Le prix à payer pour un avenir plus propre dans lequel nous parlons beaucoup d'électricité et de l'électrification de l'économie.
    Je suis ici aujourd'hui pour discuter des principaux résultats de cet exercice, de cette analyse des options qui s'offrent au Canada pour un avenir sobre en carbone. Pour ce faire, je vais évoquer abondamment les résultats de cette recherche que nous avons réalisée conjointement avec l’Académie canadienne du génie. Nous nous sommes associés à l’Académie canadienne du génie pour élaborer ces scénarios.
    L'étude s'est penchée sur les incidences de trois politiques distinctes: la tarification du carbone et la modification du bouquet de production électrique, une décarbonisation substantielle du secteur de la production électrique, et les investissements qui permettront au Canada de réduire ses émissions de 60 % d’ici 2050. Les principaux résultats sont quelques idées phares du présent exposé.
    La tarification du carbone et la modification de notre bouquet de production électrique auront de faibles incidences sur l’économie, mais produiront des effets distributifs que les décideurs politiques devront prendre en considération.
     Une autre conclusion phare de l'étude, c'est que la tarification du carbone et la décarbonisation de notre électricité devront s'accompagner de dépenses de milliers de milliards de dollars dans des infrastructures aptes à produire de l'énergie propre ainsi que d'importantes modifications quant à nos façons de consommer l'énergie. Dans cette optique, la modification du comportement du public jouera un rôle névralgique. Cela demandera une vaste participation de la population canadienne, et il faudra lui faire clairement comprendre qu'elle fait partie de la solution, que cette transition ne pourra pas se faire sans sa collaboration. À cette fin et dorénavant, les décideurs devront clairement expliquer en quoi consiste le plan pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
     Comme je l'ai dit, ces constatations découlent de l'exercice de modélisation technique que nous avons réalisé avec l’Académie canadienne du génie, des modèles économiques élaborés par notre organisme — le Conference Board est reconnu pour cela —, d'une analyse des politiques et, compte tenu de l'ampleur de la question, d'une bonne dose de cassage de tête.
    Les principaux résultats de l'étude ont été présentés lors du colloque La réforme de l’énergie qui s'est tenu ici, à Ottawa, le printemps dernier, colloque qui réunissait des présentateurs de l'industrie, du gouvernement et du milieu académique. Comme vous le savez, le Conference Board est un organisme non partisan qui s'emploie à réaliser des recherches fondées sur des données probantes. Nos analyses n'ont pas de parti pris. Nous essayons de réunir les faits qui pourront étayer la transition à un monde sobre en carbone. Ce colloque est un bon exemple de ce que le Conference Board fait pour concrétiser le mandat qu'il s'est donné.
    Il y a deux grands messages à retenir.
     La tarification du carbone et l'abandon graduel des carburants fossiles ne sont pas, à eux seuls, des mesures suffisamment efficaces pour atteindre les cibles de réduction demandées par l'Accord de Paris. Bien entendu, à terme, les technologies et l'innovation vont avoir un impact, mais elles ne nous permettront pas d'atteindre la cible de 2030. Le délai est trop court pour mettre au point des solutions et les adopter. L'autre grand message qu'il faut retenir, c'est le suivant: étant donné les investissements de milliers de milliards de dollars qui seront requis, les décideurs doivent expliquer aux Canadiens l'ampleur de la tâche à accomplir et les répercussions que cette transformation aura sur leur quotidien.
     Je ne veux pas entrer dans les détails du rapport, mais il y a certains éléments qu'il serait important de souligner pour les besoins des échanges d'aujourd'hui, notamment en ce qui a trait à l'électrification. Le rapport examine les effets qu'auront la tarification du carbone ainsi que les investissements requis pour atteindre les cibles canadiennes de réduction des gaz à effet de serre. L'étude explique que l'application d'une taxe de 200 $ la tonne d'ici 2025 se traduira par une maigre réduction de 1,5 % des émissions à l'extérieur du secteur de la production énergétique, ce qui est bien peu. Il va falloir faire beaucoup plus que cela si nous voulons obtenir des résultats substantiels.
    Dans nos scénarios, la taxe sur le carbone est une importante source de revenus pour le gouvernement. En fait, la règle de base c'est que chaque tranche de taxe de 10 $ la tonne génère des revenus de 6 milliards de dollars. Dans ce scénario, nous présumons que les revenus engrangés seront réinjectés dans l'économie sous forme de réduction d'impôts, de dépenses publiques accrues et d'investissements. À vrai dire, l'hypothèse qui veut que les revenus du carbone soient « recyclés » dans l'économie est la principale raison pour laquelle les conséquences économiques globales de cette mesure sont si modestes.
     La recherche quantifie aussi l'impact économique que pourrait avoir la matérialisation de réductions importantes au chapitre des émissions. Je le répète, les besoins en matière d'investissement sont fondés sur les travaux de l’Académie canadienne du génie, notamment sur l'analyse du Projet Trottier pour l'avenir énergétique. Ce document de nature technique décrit plusieurs orientations techniques qui pourraient être prises et plus de huit scénarios.
(1650)
     Ces scénarios ont été élaborés par un groupe formé d'ingénieurs, de représentants de la Fondation David Suzuki et de chercheurs de l'Université McGill spécialisés dans la modélisation technique. Ils n'ont rien dit sur les options stratégiques nécessaires pour arriver aux résultats voulus, mais ils décrivent en détail l'ampleur des réductions qui pourraient être faites si nous utilisions toutes les mesures actuellement disponibles. Ils ont divers scénarios qui permettent des réductions de 30 à 60 % d'ici 2050. Bien entendu, la réduction de 30 % en deçà des niveaux de 1990 d'ici 2050 nous place bien loin de ce que demande l'Accord de Paris. Une réduction de 60 % nous rapprocherait de cet objectif, mais l'analyse technique qui a été réalisée n'indique aucun scénario allant jusqu'à 80 %.
    Je ne vais parler que de la réduction de 60 % parce que c'est la plus ambitieuse et parce que c'est la cible que nous nous sommes engagés à atteindre. La réduction des émissions dans une proportion de 60 % nécessitera un investissement de 3 400 milliards de dollars. Cela fait environ 100 milliards de dollars par année, ce qui, pour donner un ordre de grandeur, correspond à environ la moitié des investissements annuels consacrés aux affaires non résidentielles dans l'ensemble du pays. C'est un montant considérable si on le compare à ce qui est dépensé dans d'autres domaines. Comme ces chiffres astronomiques finissent par ne plus avoir de sens, cette comparaison avec une dépense actuelle concrète est une façon de mettre les choses en perspective.
    Plus de la moitié de ces dépenses serait consacrée à la production énergétique, et notamment à l'électrification de l'économie. L'une des choses qu'il faut garder à l'esprit — et le gouverneur de la Banque du Canada, M. Steve Poloz, en a parlé à maintes reprises —, c'est que le potentiel de croissance de l'économie canadienne est sur son déclin, principalement à cause du vieillissement de la population active. Concrètement, en ce qui concerne le potentiel de l'économie canadienne, il faut s'attendre à une croissance annuelle de 1,5 à 2 % plutôt qu'aux 3 à 3,5 % dont on avait l'habitude de parler il y a quelques années.
    Nous arrivons au bout de la capacité qu'a notre économie de se permettre de nouveaux investissements. Dans nos scénarios, ce que nous disons c'est que ce nouvel investissement devra prendre la place d'autres investissements qui auraient été faits si cette politique n'avait pas été là. Une autre façon de présenter cela serait de dire qu'à l'heure actuelle, notre capital est à l'oeuvre dans l'économie et que nous vivons une situation de plein emploi. Nous n'avons pas un grand bassin de travailleurs qui n'attendent qu'à être affectés à ces nouveaux projets. En fin de compte, le Canada n'est tout simplement pas en mesure de mobiliser les fonds, le capital et les ressources humaines nécessaires sans hypothéquer les ressources financières et la capacité de production d'une autre activité économique.
    Une chose qu'il faut garder à l'esprit et qui sera d'une importance cruciale pour les solutions qui seront mises de l'avant, c'est qu'aucun des scénarios examinés dans notre étude ne tient compte des fuites de carbone. Dans la mesure où les ajustements commerciaux impliquent une diminution des exportations de biens à forte intensité carbonique, sans une réduction correspondante de la consommation de ces produits par nos partenaires commerciaux, les réductions d’émissions au Canada pourraient être totalement neutralisées par des augmentations ailleurs. Autrement dit, si nous ne produisons pas ces émissions ici, elles seront produites ailleurs.
    Notre étude cerne cinq éléments prioritaires pour la suite des choses. Premièrement, il y a l'acceptation de l'utilisateur final. Je crois qu'il est impossible de surestimer l'importance de cela. Les décideurs qui piloteront cette transition à une économie sobre en carbone doivent expliquer très clairement aux ménages et aux entreprises ce qu'ils devront faire pour que nous arrivions à réduire les émissions de façon importante, et faire comprendre à la population que la société est prête à prendre ces engagements. L'histoire nous enseigne qu'un changement à long terme ne peut pas être imposé par des instances dirigeantes et qu'il doit, pour se matérialiser, être souhaité par les citoyens.
    Le deuxième élément est l'acceptation de projets de grande envergure. Je crois qu'un aspect central de l'électrification, c'est qu'il faut reconnaître la nécessité d'investir de façon substantielle partout au pays dans le domaine de l'hydroélectricité, du nucléaire et de l'énergie éolienne. Or, les projets de grande envergure soulèvent souvent des controverses. Il est essentiel que ces projets reçoivent l'assentiment des groupes environnementaux, des groupes autochtones et du public.
    Le troisième élément, c'est que les projets doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale de bonne tenue. Cela demande du temps. Les effets cumulatifs à long terme doivent être inclus dans ces études environnementales. Comme le cycle de vie de la mise en chantier d'un projet d'envergure peut facilement durer plus d'une décennie, ces évaluations doivent faire partie de nos objectifs stratégiques.
    Le quatrième élément est la reconnaissance réglementaire du besoin d'investir et de recouvrer les coûts. Bien entendu, le fait d'investir dans des projets de ce type est une décision d'affaires. Le monde des affaires a besoin de certitudes à long terme.
(1655)
    Le dernier élément — et c'est la perspective la plus radieuse pour le Canada —, c'est que nous devons réfléchir à cette transition à un monde sobre en carbone et à des émissions nettes négatives en plaçant les choses dans leur contexte. En fin de compte, c'est ce qui importe à l'échelle mondiale.
    Une politique canadienne efficace de réduction des gaz à effet de serre doit tenir compte de son incidence sur la compétitivité mondiale en matière de commerce et de l'effet net sur les émissions de gaz à effet de serre du monde entier. Ceci est particulièrement important dans la mesure où le Canada est une économie ouverte fortement axée sur le commerce, une économie qui s'est bâtie au fil des ans grâce à un avantage compétitif clé puisqu'elle pouvait compter sur d'abondantes ressources naturelles et de l'énergie à bon marché. Il est donc normal que l'économie d'aujourd'hui soit le reflet de cela.
    L'option stratégique où le Canada arriverait à se faire créditer des réductions nettes parce qu'il exporte son savoir-faire en matière de solutions techniques laisse entrevoir une perspective favorable pour le pays. Ce serait une occasion de faire preuve de leadership et de créer des emplois et des débouchés économiques pour les Canadiens. C'est quelque chose dont on n'a pas encore parlé. On en parlait pas mal dans les années 1990 lorsque les ententes de Rio et de Kyoto ont été signées, mais le sujet n'est pas revenu sur le tapis. Je vous encourage fortement à examiner cette option de près. Il s'agit assurément d'un scénario qui profiterait tant au Canada qu'à la planète.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lemieux, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    Monsieur Thériault, quelle quantité d'informations intéressantes vous nous avez fournies en si peu de temps! Je suis un peu bouleversé, parce que je sais que vous êtes un économiste renommé. Pour ma part, je m'y connais davantage en ingénierie. Vous savez que je suis du Saguenay, une région qui est une grande productrice d'hydroélectricité. D'ailleurs, le Québec produit autour de 35 000 mégawatts d'hydroélectricité par année.
    Une première question me vient à l'idée à la suite de la réflexion que vous nous soumettez. Tout à l'heure, nous avons parlé avec des témoins de la possibilité d'avoir des primes pour l'exportation de notre énergie verte. Dans une province comme le Québec, s'il y avait une prime pour exporter notre énergie verte, avec les retombées économiques que cela apporterait, pensez-vous que nous pourrions adopter la vision que vous avez mentionnée, c'est-à-dire faire de la recherche-développement et sensibiliser la population? Selon ce que j'ai compris, si nous voulons atteindre nos objectifs, l'idée n'est pas seulement d'améliorer nos pratiques, mais de consommer moins.
    J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
    Je crois avoir bien compris votre question. De façon claire, il y a tout un exercice de développement économique stratégique qui peut être fait sur la base des options politiques pour réduire les gaz à effet de serre. Le Québec a un avantage comparatif: il produit de l'énergie verte. Dans le contexte actuel, c'est une option extraordinaire qui peut aider en matière d'exportation d'électricité, mais qui peut aussi aider des industries telles que celle de l'aluminium.
    Nous parlons depuis longtemps de la manière dont nous pourrions amener plus de valeur ajoutée localement à l'économie du Saguenay et du Québec, entre autres au moyen de la transformation secondaire et tertiaire de produits de l'aluminium. Or tous ces procédés sont très énergivores. Le fait que l'énergie que nous produisons soit verte au départ s'inscrit donc dans une politique de développement économique. C'est clair.
    Toutes ces possibilités qui sont liées à un investissement davantage stratégique et axé sur le climat peuvent être très attrayantes pour les citoyens et entraîner des changements d'attitude chez eux et des changements dans leurs façons de faire. Je dirais donc que le Québec est bien positionné, comme vous l'avez mentionné, directement et indirectement.
    Je crois que, dans le contexte de nos travaux, il ressort clairement que nous avons besoin d'un système de transmission interprovincial de l'électricité. À l'heure actuelle, par définition, ce sont des systèmes qui sont gérés par province. Le grand défi, c'est de déterminer comment créer une harmonisation est-ouest de notre réseau de distribution, dans le contexte. C'est une question centrale.
    C'est effectivement une très bonne question. Nous nous la sommes posée longuement, au Comité.
    Je prends l'exemple de l'Ontario et du Québec. Ce sont deux provinces qui accusent des surplus de production d'électricité. Toutes les interconnexions qui sont considérées entre ces deux provinces, par exemple, sont donc plus liées à la fiabilité des réseaux qu'à l'aspect commercial qui consiste à répondre aux besoins des deux provinces.
    Comment pensez-vous que cela pourrait être étendu aux autres provinces du Canada?
(1700)
    Cela revient à ce que nous avons entendu de la part d'autres témoins plus tôt aujourd'hui. C'est une question de négociation et de contrats à long terme, une question de certitude de disponibilité. Il faut savoir comment cela s'intègre dans les différents types d'électricité dont nous avons besoin. Il faut tenir compte de la charge de pointe et de la charge de base. C'est un système complexe. Chaque province a structuré son réseau en fonction de besoins de base et de besoins de pointe.
    Comment respecter cette logique à l'échelle pancanadienne, durant une période de transition où les installations, qui fonctionnent en grande partie au charbon, doivent être repensées? En Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick en partie et dans d'autres provinces, il existe encore des centrales qui utilisent du gaz naturel et du mazout.
    Si l'électrification verte est une option centrale de cette politique de transition énergétique, nous devons tenir cette conversation pour adopter un système beaucoup plus cohérent à l'échelle nationale. C'est quelque chose qui est très fragmenté. C'est donc un défi.
    J'aimerais faire un parallèle. L'an dernier, en compagnie de mon collègue René Arseneault et d'autres députés, nous avons visité des installations de l'industrie automobile américaine pour discuter de l'aluminium vert produit grâce à l'hydroélectricité, afin de mesurer l'intérêt des consommateurs américains. Selon la réaction que nous avons obtenue, les gens veulent être écoresponsables, mais ils se demandent quel prix ils sont prêts à payer pour l'être.
    Avez-vous déjà interrogé des responsables de différents marchés au sujet du prix qu'ils sont prêts à payer pour adopter un comportement écoresponsable?
    Votre comité s'occupe de ressources naturelles. Or le défi du programme climatique est justement celui que vous mentionnez. Tout le monde est pour la vertu. En d'autres mots, tout le monde est prêt à être écoresponsable tant qu'il n'y a rien à payer pour le devenir. Si on peut continuer à faire les choses comme on les fait maintenant et au même prix, tout le monde est prêt, c'est sûr. Tout le monde est pour la vertu, par définition.
    C'est donc le grand test. Le programme climatique est, je dirais, secondaire pour les consommateurs. Ils vont prendre les décisions relatives à l'achat d'une voiture ou d'une maison en fonction d'autres priorités que celle de l'environnement. Si le bien-être environnemental s'y ajoute, tant mieux. Le défi est d'inscrire le programme environnemental dans une proposition de valeur pour le consommateur, où tout est intégré. À l'heure actuelle, c'est quelque chose à quoi on réfléchit après coup. Les gens considèrent être en faveur de cela, mais ils ne sont pas prêts à payer pour cela.
    Je ne veux pas faire un jeu de mots, mais quel électrochoc pourrait-on donner aux citoyens pour les convaincre de prendre ce virage?
    C'est en ce sens que je considère que nous ne pouvons pas exclure la politique de prix sur le carbone de cette considération. Il faut envoyer un message de prix. Si nous acceptons qu'il y ait un coût environnemental lié au carbone, cela doit se refléter dans le prix d'une certaine façon. Je crois que nous ne pouvons pas ignorer le rôle que doit jouer la politique de prix sur le carbone.
    Toutefois, comme nous l'avons vu dans notre analyse — et je pourrais m'étendre sur le sujet —, la taxe sur le carbone devrait être tellement élevée que nous créerions un défi de compétitivité énorme pour l'économie canadienne. Nous ne pouvons pas faire cela du jour au lendemain. Cela fait partie de la boîte à outils, mais ce n'est pas la solution ultime.
    Merci, monsieur Thériault.

[Traduction]

     Madame Stubbs, nous vous écoutons.
    Merci, monsieur le président.
    Tous mes collègues du Comité devraient écouter attentivement quand un spécialiste comme vous vient nous présenter des faits probants — ces faits probants que tous mes collègues aiment bien évoquer pour justifier leurs politiques — et nous rappeler à quel point il est important que nos politiques tiennent compte du contexte mondial et de la vulnérabilité commerciale de notre économie en général.
     J'aimerais parler de vos observations concernant la taxe sur le carbone. En Alberta, l'un des coprésidents du groupe d'experts sur les changements climatiques a récemment fait un commentaire au sujet de ce qu'il appelle le point d'équilibre de la taxe sur le carbone, c'est-à-dire un prix de 150 $ la tonne. Vous avez parlé de 200 $. Je sais qu'en Europe, certains experts affirment qu'il faudra que le prix soit fixé à 1 200 $ si nous voulons que les émissions soient réduites de façon importante.
    Selon votre témoignage et celui d'autres témoins que nous avons entendus, il est très clair que la politique actuelle pour la taxe sur le carbone proposée est en fait une génératrice de revenus pour le gouvernement et qu'elle n'a pas grand-chose à voir avec l'objectif allégué de réduire les émissions.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, et nous parler de l'importance du rôle que les citoyens ont à jouer dans la transition à une économie sobre en carbone? Je veux bien sûr parler des responsabilités personnelles, des gestes et des choix des citoyens.
(1705)
    Vous avez raison. Le prix de 1 200 $ dont vous avez parlé fait partie du travail effectué par l'Académie canadienne du génie. En jargon technique, c'est ce que nous appelons le « prix implicite attribué au carbone ». Si vous prenez la technologie la plus récente et la plus verte qui soit sur le marché — le dernier cri disponible — et que vous faites tout ce qu'il faut pour la rendre viable sur le plan économique et commercial, il vous faudra une taxe à 1 200 $ la tonne. C'est ce que cela signifie. Sauf que les choses vont changer avec le temps. Il est vrai que le prix de ces technologies a tendance à baisser, mais pour l'instant, c'est ce que nous savons et c'est ce que nous utilisons.
    Une autre chose qu'il faut mettre en perspective, c'est que dans toute cette conversation sur la transition à une économie sobre en carbone, il faut toujours tenir compte de notre point de départ. Notre économie a profité énormément de ses abondantes ressources énergétiques, carbonées ou non. Le bas prix de l'énergie rend compte de l'électrification de l'économie du Québec. La présence importante de l'industrie de l'aluminium n'est pas sans raison. On peut aussi penser aux pâtes et papiers ou aux mines. Ce sont des industries lourdes et énergivores, et l'abondance d'énergie bon marché fait que nous sommes très concurrentiels sur les marchés mondiaux. Cela fait partie de ce que nous sommes. Bien entendu, la même chose est vraie pour l'Alberta, avec son pétrole et son gaz. Il y a eu beaucoup d'innovations dans l'industrie pétrolière et gazière, et je crois que ces innovations pourraient être exportées. Après tout, la planète ne va pas s'affranchir du carbone du jour au lendemain.
    Cet élément de la taxe du carbone était évoqué dans le thème que vous avez soulevé. Il faut informer les consommateurs que si nous souscrivons collectivement à cet ambitieux programme, ils devront s'attendre à payer quelque chose, car la consommation de carbone impose un coût à l'environnement. Si l'on faisait un parallèle entre une taxe à 200 ou 150 $ la tonne et ce qu'un consommateur paie pour de l'essence au Canada, cela reviendrait à environ 1,40 ou 1,50 $ le litre. Si l'on compare avec l'Europe — où l'essence coûte en moyenne 2,00 $ le litre —, on se retrouve avec un prix oscillant entre 400 et 500 $ la tonne. Le coût de l'énergie en Europe a incité les consommateurs à faire des choix différents des nôtres, ce qui se reflète dans le parc automobile et le tissu économique de ce continent. Toutefois, il a fallu des décennies pour en arriver là.
    Ce sont des choses qui se font à long terme.
    Oui, c'est du long terme. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il y a 50 ans, les Européens ont pris la décision de ne pas polluer ou de se soucier de l'environnement. Cela signifie seulement que, pour des raisons de compétitivité économique, c'est le prix qu'ils ont dû payer.
    Nous devons en tenir compte dans nos réflexions sur la transition. Il est impossible que nous puissions y parvenir du jour au lendemain sans qu'il y ait de lourdes conséquences. Nous ne devons pas perdre de vue les solutions que nous concevons pour nos propres besoins, car nous bénéficions financièrement des économies d'énergie réalisées dans nos processus. Nous avons ainsi acquis une grande expertise, et ce, sans même parler des projets conjoints d'investissement à l'échelle internationale dont il était question au moment de Rio et de Kyoto, et des modalités des investissements potentiels du Canada à l'étranger...
    En toute franchise, nos principaux problèmes planétaires dans le contexte des changements climatiques nous viennent de la Chine, de l'Inde et de l'Afrique, autant d'endroits où l'on ne dispose pas toujours des moyens financiers suffisants pour se doter des technologies les plus récentes. On y consomme encore beaucoup de charbon, de gaz et de pétrole, si bien que nous pourrions y exporter notre expertise pour réduire l'intensité des émissions de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale. Selon moi, c'est un élément que nous devons prendre en compte dans le cadre de notre plan stratégique.
    Bon nombre de ces grands producteurs d'énergie sont certes assujettis à des normes, des règlements et des mesures d'application beaucoup moins sévères que les nôtres pour ce qui est de l'environnement, du rendement ou de la transparence.
    Si l'on considère les différents moyens stratégiques à la disposition des gouvernements dans leurs efforts pour réduire les émissions, vous savez sans doute que les libéraux ont recommandé l'évaluation des émissions en amont comme condition pour l'approbation de projets de pipelines au Canada. Si leur priorité est vraiment de réduire les émissions globales, je me demande si les libéraux ne voudront pas aussi appliquer cette même condition aux grands projets d'infrastructure réalisés dans d'autres secteurs comme ceux des mines, de la fabrication, des transports et de la construction d'installations pour la production d'énergie renouvelable.
    J'ai l'impression qu'ils mettent l'accent sur cette nécessité d'évaluer les émissions en amont pour un seul des secteurs visés par les grands projets d'infrastructure, mais j'aimerais bien les voir agir de façon plus cohérente en appliquant cette condition à tous les secteurs. J'aimerais bien, mais je n'y crois pas vraiment. Je trouve que c'est problématique, mais j'ai bon espoir qu'ils voudront se montrer plus cohérents.
    Plus tôt cette année, votre organisation a publié un document de travail intitulé « Shaping the Canadian Low-Carbon Economy ». J'aimerais seulement vous en citer un extrait que je vous demanderai ensuite de commenter.
    Vous indiquez que la production de pétrole canadien est également à la hausse, même s'il y a croissance de la production à partir de sources d'énergie renouvelables. Vous ajoutez que les producteurs canadiens ayant recours aux hydrocarbures mettent les bouchées doubles afin de réduire la quantité d'énergie qu'ils utilisent pour concevoir et transformer leurs produits, ce qui améliore d'autant le bilan du secteur en matière d'émissions de carbone.
(1710)
    Vous en êtes à sept minutes. Je vais devoir vous interrompre.
    Je n'ai plus de temps?
    C'est bien cela.
    Monsieur Cannings.
    Merci.
    Merci à nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    Comme je suis de la Colombie-Britannique, j'aimerais d'abord m'adresser aux représentants de Powerex. J'ai quelques questions au sujet des commentaires que vous avez faits, surtout pour ce qui est des obstacles à la transmission. J'aimerais notamment en savoir plus long au sujet des limites quant à la capacité de transfert et à propos de la structure des marchés. Vous avez aussi parlé des exportations vers la Californie et des transferts vers l'Alberta.
    Je pourrais peut-être d'abord vous demander si de nouvelles interconnexions seront nécessaires entre la Colombie-Britannique et l'Alberta de manière à pouvoir instaurer un nouvel ordre des choses en matière d'échanges d'électricité, autant pour Powerex que pour l'Alberta elle-même.
    Nous devons vraiment mettre l'accent sur la capacité utile que chaque investissement peut nous procurer. Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, les installations existantes sont loin de fonctionner dans toute la mesure de leurs capacités. Nous devrions d'abord et avant tout considérer les investissements possibles pour mieux exploiter cette capacité afin de tirer quelque chose comme 300 ou 400 mégawatts supplémentaires des installations existantes, à un coût nettement moindre que celui à engager pour de nouvelles installations.
    Pour ce qui est des nouvelles installations que nous pourrions mettre en place, il ne faut jamais oublier que l'électricité est une ressource qui peut être capricieuse. Bien des éléments peuvent influer sur la façon dont l'électricité est transmise sur le réseau. Dans la conception des interconnexions, vous pouvez intégrer des installations qui ne vous procureront pas une grande capacité de transfert, mais il y a aussi des façons de procéder pour que les installations intégrées au réseau soient beaucoup plus propices à un accroissement de cette capacité.
    À ce titre, je vous ai donné dans mon allocution l'exemple des interconnexions entre l'Alberta et le Montana. Compte tenu des décisions qui ont été prises au chapitre de la conception, la capacité totale de transfert d'électricité de l'Alberta est demeurée inchangée, car on s'est simplement servi de la capacité déjà existante entre la Colombie-Britannique et le Montana. Si nous devions mettre en place une nouvelle interconnexion entre la Colombie-Britannique et l'Alberta, il faudrait minimiser la quantité de capacité qui serait en fin de compte perdue dans l'ensemble des installations existantes en essayant d'optimiser les possibilités d'accroissement de cette capacité.
    Quant aux incitatifs, je vais demander à M. Bechard de vous indiquer ce qui est nécessaire pour appuyer les investissements aux fins de cet autre élément de solution.
    Avant de pousser trop loin notre analyse des moyens à prendre pour accroître notre capacité de transmission, précisons que nous essayons actuellement de déterminer s'il pourrait être avantageux du point de vue économique d'assurer une meilleure coordination entre les provinces. Il faut aussi s'entendre sur la manière dont le réseau sera utilisé.
    Il ne sert à rien d'ériger une ligne de transmission si vous ne parvenez pas à vous entendre sur la façon dont elle sera utilisée. Il faut par exemple déterminer si la ligne va permettre de renoncer à la construction de nouvelles centrales au gaz en Alberta ou simplement favoriser une transmission plus efficiente des surplus albertains... Si l'Alberta choisit l'énergie éolienne pour remplacer toutes les centrales au charbon, on devra composer avec le fait que le vent ne souffle pas toujours avec la même intensité. Plutôt que de compléter l'approvisionnement uniquement avec le gaz naturel, une entente à long terme pour la mise en place d'interconnexions pourrait les aider à réduire une partie des dépenses engagées pour la construction de centrales au charbon et de réaliser certaines économies en immobilisations grâce aux interconnexions.
    C'est une réponse peut-être un peu alambiquée, mais je pourrais vous dire brièvement qu'il nous faut mobiliser les entités commerciales de part et d'autre des interconnexions pour déterminer comment celles-ci pourraient être utilisées le cas échéant et mieux savoir à quoi nous en tenir quant aux installations à construire.
(1715)
    J'aimerais que l'on parle à nouveau de la situation du marché de l'électricité. Tout cela est nouveau pour moi; j'essaie simplement d'apprendre.
    Mme DeMarco nous a parlé tout à l'heure de mécanismes de tarification plutôt étranges qui font en sorte que certains doivent payer le prix de détail dans des circonstances où il serait plus avantageux de payer le prix du gros, l'inverse étant également vrai. Je m'intéresse davantage pour l'instant à vos exportations vers la Californie. J'aimerais savoir comment ce marché fonctionne, quels sont vos profits et qu'est-ce qui détermine si vous allez réaliser un bénéfice ou non.
    Y a-t-il moyen d'améliorer la réglementation des marchés ou d'adopter un modèle qui faciliterait les échanges d'électricité entre... disons la Californie, l'Alberta et la Colombie-Britannique?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration, la tarification du carbone va grandement contribuer à l'atteinte de ces objectifs en Alberta. Avec l'entrée en vigueur en janvier prochain du nouveau règlement albertain visant à tarifier le carbone sans nuire à la compétitivité des entreprises, la production d'électricité à partir de charbon va devenir plus coûteuse que celle utilisant d'autres sources, ce qui entraînera une transmission accrue d'électricité de la Colombie-Britannique vers l'Alberta. Ce sera suffisant pour atteindre l'objectif visé.
    Nous verrons comment les choses vont tourner. À ce moment-là, nous pourrions commencer à voir si les interconnexions en place ont véritablement pour effet de limiter la transmission à destination de l'Alberta. Les interconnexions n'ont pas vraiment été problématiques au cours des dernières années parce que les prix albertains étaient relativement faibles par rapport à ceux de la Californie, si bien qu'il n'y avait pas vraiment de restrictions quant à la quantité d'électricité pouvant être transmise de la Colombie-Britannique vers l'Alberta la plupart du temps. Avec l'entrée en vigueur du règlement sur le marché du carbone et l'application de plus en plus stricte de ses dispositions, je crois qu'il faut peut-être s'attendre à une augmentation de la demande de transmission vers l'Alberta. Ce sera un gros plus. La tarification du carbone produit de bons résultats. C'est certes ce que nous avons pu observer dans les endroits où elle a été mise en oeuvre, et j'y vois un excellent moyen de faire bouger les choses dans notre industrie.
    C'est tout le temps que vous aviez.
    Monsieur Tan.
    Monsieur Thériault, le Conference Board du Canada a récemment publié un rapport intitulé Power Shift: Electricity for Canada's Remote Communities. J'aimerais que nous parlions de cette question des régions éloignées et des avantages que pourraient leur procurer les interconnexions.
    À votre avis, combien de localités éloignées peuvent être raccordées au réseau grâce aux interconnexions pouvant être mises en place en milieu rural? J'aimerais juste avoir une estimation.
    Dans le cas d'une localité très éloignée pour laquelle un raccordement via une interconnexion est impensable, quelles autres solutions technologiques peuvent être envisagées? Par ailleurs, peut-il être avantageux pour une région très éloignée d'être située à proximité d'une interconnexion, disons par exemple à quelques centaines de kilomètres?
    Il est difficile de répondre à une question semblable. S'il avait été simple et économiquement viable d'approvisionner en électricité les localités éloignées, ce serait déjà chose faite. Ce n'est pas le cas aujourd'hui parce qu'il y a des sommes considérables à engager pour mettre en place toute l'infrastructure nécessaire au raccordement de ces collectivités éparpillées sur un très vaste territoire. C'est tout un défi dans un pays comme le Canada.
    Il faut ajouter à cela différents facteurs dont les conditions météorologiques. Il faut ensuite voir dans les différentes régions du pays comment chaque province a conçu son réseau, notamment pour ce qui est de la charge de base et des charges de pointe. Il n'y a donc pas de réponse facile à cette question.
    Vous parlez d'une moyenne générale, mais c'est justement ça le problème. Il n'existe pas de moyenne semblable, car les localités éloignées diffèrent beaucoup les unes des autres selon leur niveau de développement économique et suivant les populations qu'on y retrouve. Si vous devez composer avec des groupes autochtones, qu'il s'agisse d'Inuits plus au nord ou de Premières Nations — et encore là, tout dépend de quelles Premières Nations il s'agit — vous vous retrouvez avec différents niveaux de connaissance et de développement socioéconomique.
    Le Conference Board a une initiative intitulée « Centre pour le Nord » qui nous permet d'explorer les enjeux liés aux localités éloignées depuis maintenant six ans. Il est ressorti de tout ce travail un message bien clair: il est vraiment difficile de trouver une solution homogène et d'application générale pour certains des problèmes en cause, qu'il s'agisse du développement des infrastructures, de la jeunesse autochtone ou de la gouvernance. Comme chaque région a son tissu social, ses caractéristiques et son ADN bien à elle, il m'est malheureusement impossible de vous répondre de façon générale.
    Pour répondre à la seconde partie de votre question quant aux solutions envisageables pour les localités vraiment éloignées, en pensant sans doute à celles situées le plus au nord, je vous dirais que le stockage représente le plus grand défi. À l'heure actuelle, le diesel est la principale source de combustible. Il est livré une ou deux fois par année en fonction d'une estimation des besoins pour la saison à venir, en espérant que le tout sera suffisant. C'est une source d'énergie très polluante qui n'est pas vraiment efficiente en plus d'être bruyante. Le diesel est problématique à bien des égards.
    Le recours à l'énergie éolienne assortie d'une capacité de stockage commence à se dessiner comme option possible. Ce n'est pas le cas pour l'hydroélectricité et le nucléaire, mais pour bon nombre des sources d'énergie renouvelables — et on peut penser à l'énergie éolienne en mer ou sur terre — c'est surtout la capacité de la pile et la façon dont on peut accumuler l'énergie produite qui causent des difficultés. Certaines technologies commencent à prendre leur place à ce niveau. Nous en avons traité dans le cadre de notre travail d'analyse. Ce n'est pas encore applicable à grande échelle ni économiquement viable, mais cela fait certes partie des options à prendre en considération dans le cadre d'une transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
    Désolé, mais pourriez-vous répéter votre troisième question?
(1720)
    Supposons que j'habite dans une localité située à 300 kilomètres d'une interconnexion. Est-ce que je peux profiter d'une manière ou d'une autre de cette infrastructure?
    Il y a un élément financier à considérer. L'infrastructure a peut-être été mise en place à la suite d'une décision politique. Il est également possible que certaines solutions technologiques puissent être déployées pour raccorder un réseau local. Si vous considérez le tout dans une optique de réduction des émissions, on en revient à mon commentaire au sujet des piles — ou des mécanismes de stockage d'une manière plus générale — pour des options comme le solaire ou l'éolien.
    Merci.
    Ma seconde question s'adresse à nos deux témoins. Nous pouvons facilement comprendre à quel point il pourrait être avantageux d'augmenter le nombre d'interconnexions au Canada. Nous savons qu'il est important d'accroître notre capacité de transmission, mais qu'en est-il des efforts que nous pourrions aussi déployer pour rendre le système de transport d'énergie en place plus efficient de manière à réduire le gaspillage et les pertes d'énergie? Dans quelle mesure devrions-nous concentrer nos efforts sur la recherche de gains d'efficience dans notre système de transmission afin de diminuer les pertes d'énergie?
    Je peux, d'une part, investir dans la construction d'un plus grand nombre d'interconnexions et, d'autre part, injecter des fonds pour mettre à niveau une infrastructure vieillissante, comme celle des lignes de transmission. Comment trouver le juste équilibre? Est-ce que l'on veut davantage d'interconnexions ou plus d'argent pour...?
    C'est une question à laquelle il m'est difficile de répondre, n'étant pas ingénieur. Je sais que des options s'offrent depuis que certaines de ces lignes ont été construites. Je pense que de nouveaux conducteurs pourraient réduire les pertes. Certains changements technologiques, comme le passage du courant alternatif au courant continu à haute tension afin de transporter l'électricité sur de plus longues distances, peuvent également s'avérer utiles, mais je ne pense pas qu'il existe d'analyse de l'avantage de cette technologie au chapitre du coût.
    En fait, vous pourriez mettre l'accent sur l'utilisation optimale de l'électricité une fois livrée aux points finaux plutôt que sur l'efficacité du transport dans l'ensemble du réseau. Selon moi, il y a beaucoup plus de pertes à mesure qu'on avance dans le réseau de distribution vers les points finaux que dans le transport de bloc.
(1725)
    Je vais malheureusement devoir vous interrompre.
    Monsieur Falk, nous vous accordons la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais commencer par Powerex. Au cours de votre exposé, vous avez indiqué que vous exportez 10 % de votre électricité vers l'Alberta et que vous en achetez 3 %.
    Quels sont vos modèles tarifaires au chapitre de l'exportation et de l'importation? Sont-ils équivalents? Le prix que vous payez est-il le même que celui que l'on vous paie?
    Les deux provinces ont des modèles de marché très différents. L'Alberta...
    Autrement dit, non.
    Nous tendons à acheter de nuit lorsque l'Alberta a des surplus, alors que sa production est réduite ou peu chère.
    Elle pourrait bien vous donner son électricité.
    Nous achetons donc l'électricité lorsqu'elle est à bas prix, puis nous vendons de l'énergie à l'Alberta quand la valeur a augmenté. En période de pointe, quand le prix serait de 800 $ à l'installation, nous lui vendons de l'énergie et permettons ainsi aux Albertains de payer moins cher.
    Les modèles sont très différents, selon que vous exportez ou importez de l'électricité.
    Les prix sont établis en fonction du marché albertain lors de l'utilisation de la réserve d'énergie. Le modèle est le même dans les deux cas. La valeur de l'énergie varie en fonction de la demande. Nous tendons à acheter quand la demande est faible, qu'il y a des surplus et que les prix sont bas en Alberta, et à vendre quand la demande et la valeur y sont élevées.
    Merci.
    Monsieur Thériault, je voudrais vous poser quelques questions également. Le gouvernement électrifie notre économie très rapidement et très activement. Je ne m'y oppose pas entièrement, mais si on tient compte de nos sources d'énergie actuelle, comme les combustibles fossiles, nous disposons de nombreux moyens pour transporter l'énergie, que ce soit par train, par camion, par bateau, par avion vers les communautés du Nord, et par pipeline.
    Pour ce qui est de l'électricité, nous avons un seul moyen de transport, et c'est le réseau électrique. Nous traitons des interconnexions ici, et je demande si, selon vous, il y a suffisamment de redondance dans le réseau. Nous transportons actuellement notre électricité au moyen d'une seule source, et je m'inquiète à propos de la vulnérabilité à laquelle nous expose une telle approche.
    Par le passé, vous avez effectué beaucoup de travaux quant aux questions de sécurité nationale. À quel point notre réseau est-il vulnérable? À mesure qu'il s'électrifie, notre pays risque-t-il de voir son réseau être la cible d'attaques terroristes ou être victime de défaillances?
    Les cyberrisques ou les menaces à la sécurité internationale sont toujours là. En fait, c'est justement parce que nous nous sentions exposés à un risque que nous avons réagi à la crise de l'OPEP en 1973. Cela fait partie de l'équation.
    Dans le cadre de notre travail, nous discutons de ce qu'il faudrait faire pour respecter l'accord de Paris afin de décarboniser l'économie. Dans ce contexte, il faut penser à l'électricité propre. Il n'existe pas de solution technologique ou d'autre avenue. Il faut réfléchir aux voitures et à la manière dont nous nous déplaçons, dont nous jouons, dont nous travaillons et dont nous faisons des affaires. Il faut entièrement revoir notre mode de vie, et l'électrification au moyen de l'énergie électrique propre constitue un élément capital. Quand on amène les autres dimensions dans l'équation, cela ajoute à l'analyse un élément qu'il faut absolument considérer.
    Voilà pourquoi j'aime préconiser une politique en matière carbone qui soit propre au Canada, mais qui comprenne des options afin de fournir de l'électricité au reste du monde, où il se produit bien plus de carbone et où les normes réglementaires ne sont pas les mêmes que celles du Canada. Les systèmes de sécurité ne se limitent pas au Canada, mais couvrent le monde entier. Nous offrons des solutions, et nous pouvons transformer ce fait en une formidable occasion pour notre pays.
    Une approche axée uniquement sur notre pays et ses limites géographiques est extrêmement restrictive. Nous devons commencer à examiner des options qui dépassent nos frontières, car au bout du compte, la quantité de 450 parties par million que nous envisageons quand nous souhaitons limiter l'augmentation de la température à deux degrés constitue un problème mondial. Nous devons donc trouver une solution mondiale. Le Canada est, par définition, une petite économie ouverte, et nous pouvons offrir un grand nombre de solutions élégantes au reste du monde afin de réussir la nouvelle transition vers une économie sans carbone.
(1730)
    Merci beaucoup. C'est ici que nous allons nous arrêter pour aujourd'hui.
    Messieurs, merci beaucoup d'avoir témoigné, pour une deuxième fois dans le cas de Powerex. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir contribué aux travaux du Comité.
    Nous nous verrons tous mercredi. La séance est levée.
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