SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 5 octobre 2017
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon jeudi, tout le monde. Je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous poursuivons notre étude des droits de la personne entourant l'extraction de ressources naturelles en Amérique latine.
Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui, de l'Association minière du Canada, Pierre Gratton, président et chef de la direction, et Ben Chalmers, vice-président au développement durable.
De plus, nous avons, de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, Andrew Cheatle, directeur exécutif.
Messieurs, j'invite chacun des deux groupes à présenter un exposé de, mettons, huit minutes. Ensuite, les membres du Sous-comité auront des questions à vous poser.
Monsieur Gratton, comme votre nom vient en premier sur la liste, je vais vous demander de commencer. Nous entendrons ensuite M. Cheatle.
La parole est à vous, monsieur. Je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur le président, de me donner l'occasion de vous parler de cet important sujet.
L'Association minière du Canada est l'organisme national qui représente l'industrie minière canadienne. Ses membres sont à l'origine de la majeure partie de la production canadienne de métaux communs et précieux, d'uranium, de diamants, de charbon métallurgique et de pétrole extrait des sables bitumineux. Ils s'occupent d'exploration minérale, d'exploitation minière, de fusion, d'affinage et de fabrication de produits semi-finis partout dans le pays. Beaucoup de nos membres — mais pas tous — ont leur siège social au Canada et ont des activités en Amérique latine.
Nous vous avons communiqué notre présentation PowerPoint qui traite, premièrement, de la portée du secteur minier canadien à l'étranger; deuxièmement, des recherches de M. Paul Haslam, dont il vous a lui-même fait part directement; troisièmement, des importants travaux effectués par l'AMC et ses membres afin de promouvoir des pratiques minières responsables au Canada et à l'étranger. Soit dit en passant, je doute qu'il soit possible de trouver une autre association nationale dont les réalisations se comparent de près ou de loin à celles de l'AMC à cet égard. Enfin, la présentation traite en quatrième lieu des recherches qui illustrent les perspectives qu'offre le secteur minier aux pays en développement en matière de réduction de la pauvreté et de développement économique et social. Compte tenu de ce contexte, permettez-moi de formuler quelques observations.
Le secteur minier canadien est un chef de file mondial. C'est l'un des rares secteurs de l'économie canadienne qui puisse faire une affirmation de ce genre. Nous représentons 10 % des investissements canadiens à l'étranger, dont la plus grande part se situe en Amérique latine. C'est là que se trouvent 40 % de l'ensemble des investissements miniers canadiens à l'étranger, soit 78 milliards de dollars en 2016. En Amérique latine, les principaux pays bénéficiaires des investissements canadiens sont le Mexique, le Chili et l'Argentine, suivis du Pérou, du Brésil et de la République dominicaine.
Toutefois, les investissements canadiens doivent de plus en plus faire face à la concurrence des multinationales australiennes, sud-africaines, suisses et chinoises. Même si le secteur minier canadien occupe toujours une position de premier plan dans le monde, nous ne pouvons plus prétendre être le chef de file mondial, puisque les plus grandes sociétés minières du monde ont leur siège social en Australie, au Royaume-Uni, en Suisse et en Afrique du Sud.
En fait, le Canada n'a qu'une seule des 10 plus grandes sociétés minières du monde et ne compte que huit parmi les 50 les plus importantes. La Chine possède 10 des 50 plus grandes sociétés minières par rapport à cinq seulement pour l'Australie, qui compte cependant les deux plus grandes sociétés minières du monde, BHP et Rio Tinto. Ensemble, ces deux entreprises ont le double de la taille de toutes les sociétés minières canadiennes réunies.
Ces investissements à l'étranger ont évidemment des retombées pour les Canadiens. Le Canada se classe au troisième rang mondial quant au nombre d'entreprises d'approvisionnement et de services miniers, après les États-Unis et l'Australie. Je signale que nous occupions le deuxième rang, mais que les Australiens nous l'ont enlevé cette année. Ces sociétés d'ingénierie, de services bancaires, d'équipement, de géologie et de services juridiques ont favorisé leur propre croissance en soutenant le secteur minier canadien à l'étranger. Toronto demeure bien sûr le centre mondial du financement de l'exploitation minière.
Ce leadership et cette expertise se manifestent aussi au chapitre des pratiques commerciales responsables. En effet, lorsque je voyage à l'étranger — ce que je fais assez souvent —, je me rends compte que les pays se félicitent de recevoir des investissements canadiens parce que nous contribuons plus que d'autres à relever les normes. Le programme Vers le développement minier durable, ou VDMD, d'AMC en est un bon exemple. Conçu au Canada il y a plus d'une décennie, ce programme est maintenant exporté partout dans le monde. Les secteurs miniers de cinq continents s'en servent comme outil pour promouvoir un comportement responsable et l'adoption de pratiques exemplaires.
L'application du programme VDMD est obligatoire pour les membres de l'AMC au Canada. Il comprend une évaluation du rendement de chaque site, une vérification indépendante de la performance et la production de rapports publics. Plusieurs des membres de l'AMC appliquent aussi le programme à l'étranger. De plus, l'AMC a récemment imposé la mise en oeuvre, à l'échelle mondiale, de principes volontaires en matière de sécurité et de droits de la personne. C'est la seule association industrielle du monde qui ait pris cet engagement.
Dans ce contexte qui, d'après moi, constitue la norme, le Comité est au courant d'exemples alarmants de conflits mettant en cause des exploitations minières canadiennes en Amérique latine. En affirmant qu'il s'agit de la norme, j'attire votre attention sur l'exposé présenté la semaine dernière par M. Paul Haslam, de l'Université d'Ottawa. Comme il vous l'a signalé, les données révèlent qu'en grande majorité, les investissements canadiens en Amérique latine n'ont donné lieu à aucun cas de conflit et que les entreprises canadiennes sont beaucoup moins susceptibles de connaître des conflits que les multinationales d'autres pays. Il y a cependant des cas de conflit, dont certains sont graves. Par conséquent, comme M. Haslam, je ne prétends pas que les réalisations des sociétés canadiennes nous permettent de nous reposer sur nos lauriers. Nous devons donc nous interroger sur ce que nous allons faire à propos de ces conflits.
Vous avez entendu des témoignages d'Affaires mondiales qui décrivent exactement le contexte difficile dans lequel évoluent de nombreux pays latino-américains. La faiblesse de la gouvernance, la corruption, les inégalités extrêmes et les conflits sociaux préexistants peuvent rendre difficile l'investissement dans certains pays. On s'attend à ce que les entreprises offrent des services et du soutien que les gouvernements sont mieux placés pour assurer et que les sociétés n'ont pas toujours la capacité de fournir.
Il est donc complexe et difficile de déterminer ce qu'il convient de faire. Il y a des limites à la portée extraterritoriale de notre action. Dans tous les cas, nous sommes confrontés à des environnements complexes où la responsabilité est partagée et où il peut être difficile de blâmer un intervenant particulier. Des pays comme le Guatemala ou le Honduras, qui sont aux prises depuis des décennies avec des conflits civils, voire des guerres civiles, une piètre gouvernance et des niveaux élevés de méfiance, sont souvent en cause dans la plupart des controverses et des cas préoccupants qui retiennent l'attention des médias. Il n'est donc pas surprenant de voir des membres de l'AMC tels que Goldcorp et Hudbay renoncer à investir dans ces pays.
Mais est-ce là la solution? Est-il souhaitable de se détourner de pays avec lesquels nous avons conclu des accords de libre-échange? Si notre départ laisse le champ libre à d'autres qui se soucient moins que nous des normes, est-ce une bonne solution? S'il a pour effet de réduire les possibilités de développement économique et social dans ces pays où les conditions économiques sont difficiles, est-ce un résultat souhaitable? À mon avis, il s'agit de questions très complexes auxquelles il n'y a pas de réponses faciles.
Dans ces conditions, que peut, que doit faire le Canada pour atténuer les conflits et promouvoir le respect des droits de la personne dans les autres pays?
Considérons d'abord ce que fait le Canada actuellement. Le Canada a fait une promotion active de la diffusion à l'étranger de l'initiative VDMD de l'AMC. Cette initiative est actuellement mise en oeuvre dans trois autres pays — la Finlande, le Botswana et l'Argentine — et a récemment été adoptée par un quatrième pays, les Philippines, principalement grâce à la promotion de l'initiative par le Service des délégués commerciaux du Canada, qui n'a commencé à s'en occuper que depuis quelques années. Au cours des six prochains mois, au moins deux nouveaux pays, la Norvège et l'Espagne, et peut-être davantage, devraient emboîter le pas.
Avec l'aide du gouvernement, l'industrie minière canadienne contribue au relèvement des normes partout dans le monde, ce dont nous devrions être fiers.
Le Canada a mis en place une stratégie unique au monde de responsabilité sociale des entreprises. Surtout grâce à nos efforts, le conseiller en RSE et le Point de contact national du Canada prévoient maintenant des conséquences pour les entreprises qui refusent de participer à une médiation lorsqu'une plainte est déposée auprès de l'un ou de l'autre. Comme vous le savez, ces conséquences comprennent le retrait du soutien du Service des délégués commerciaux et la suspension de l'accès au financement d'Exportation et développement Canada, comme l'avait recommandé le rapport final des tables rondes sur la responsabilité sociale des entreprises. Ces conséquences se sont concrétisées dans deux cas, l'un dans le secteur minier et l'autre dans celui de l'immobilier. John Ruggie, auteur des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme des Nations Unies, a salué l'adoption de ces conséquences, estimant qu'elles constituent une initiative de premier plan au niveau mondial.
EDC a considérablement renforcé l'application des principes de RSE lors de la prise des décisions de financement. De ce fait, les entreprises qui refusent de participer aux processus du PCN ou du conseiller en RSE peuvent perdre l'accès au financement d'EDC.
Enfin, le Service des délégués commerciaux du Canada fait maintenant une promotion active de la stratégie de RSE du Canada à l'étranger. En fait, le Service a lancé la semaine dernière un projet en partenariat avec le Centre d'excellence de la RSE dans le but d'élaborer des lignes directrices qui permettront de protéger les défenseurs des droits de la personne. En outre, le Service a récemment organisé une discussion sur la responsabilité des institutions financières quant au respect des droits de la personne.
Quelles autres mesures le Canada peut-il prendre? Beaucoup d'idées vous ont déjà été présentées par les témoins qui ont comparu devant vous. Pour conclure mon exposé, je vais parler de deux exemples fréquemment cités: l'accès aux tribunaux canadiens et l'établissement d'une fonction de médiateur.
En ce qui concerne l'accès aux tribunaux canadiens, le système judiciaire est actuellement saisi de trois cas. Il s'agit de déterminer si les tribunaux canadiens sont les mieux placés pour trancher. Selon nous, les juges sont les plus à même de prendre de telles décisions, et, comme nous l'avons vu, ils ne craignent pas de le faire. Lorsqu'ils interviennent, il s'agit généralement de cas où des questions se posent au sujet de l'impartialité et de l'incorruptibilité du système judiciaire des pays d'origine. Toutefois, le processus judiciaire est long et coûteux, ce qui constitue une entrave à l'accès qui mérite d'être discutée.
À notre avis, l'établissement d'une fonction de médiateur ne se justifie que s'il est possible d'offrir des services qui ne sont pas actuellement dispensés par le conseiller en RSE ou le PCN. Si elle est créée, cette fonctions devrait s'ajouter aux recours disponibles pour régler les conflits sur le terrain. Même si le médiateur est habilité à déterminer les causes d'un conflit, sa principale mission ne devrait pas consister à blâmer ou à dénoncer une partie ou l'autre, surtout parce que, dans de nombreux cas, le conflit n'est pas le résultat d'un acte intentionnel ou délibéré et n'est pas imputable à une seule partie. Le médiateur devrait plutôt mettre l'accent sur le règlement des conflits. À cet égard, nous estimons qu'il existe un écart qui pourrait être comblé par un médiateur chargé de fournir des services d'enquête conjointe.
L'enquête conjointe est un processus bien connu dans le cadre duquel une partie neutre réunit les deux parties au conflit afin de faciliter une entente a) sur la nature du conflit, b) sur la façon de mener l'enquête, c) sur la personne qui mènera l'enquête et d) sur les solutions appropriées. Le médiateur de la SFI recourt à l'enquête conjointe depuis des années avec beaucoup de succès. Le Canada pourrait, une fois de plus, démontrer sa position de chef de file mondial en mettant sur pied un organisme similaire. Le succès des enquêtes conjointes est dû au fait que le processus réunit les deux parties dès le départ, ce qui réduit la polarisation et leur permet de revendiquer la propriété des résultats.
Selon nous, si le Canada établit une fonction de médiateur, elle devrait s'appliquer à tous les secteurs et pas seulement au secteur minier. Comme Affaires mondiales peut vous le confirmer, le nombre de plaintes concernant des projets miniers a diminué, tandis que les plaintes mettant en cause les secteurs canadiens du textile, des logiciels, de l'énergie renouvelable, des biens immobiliers et des armes sont en hausse. Si le Canada souhaite vraiment promouvoir les entreprises et les droits de la personne, il doit inclure tous les secteurs. Il faudrait alors plus de ressources afin de soutenir un rôle élargi dans ce domaine.
Enfin, le Canada devrait former un comité consultatif multipartite chargé de donner des conseils concernant la promotion des entreprises et des droits de la personne ainsi que les mécanismes établis pour les protéger. Dans son rapport saluant le Canada comme chef de file par suite de l'adoption de conséquences pour la non-participation aux mécanismes de règlement des conflits, John Ruggie a reconnu la Suisse comme le seul pays doté d'un tel organisme. Prenons modèle sur la Suisse pour que le Canada puisse se démarquer véritablement comme chef de file mondial dans le domaine des entreprises et des droits de la personne.
Je vous remercie.
Bon après-midi, monsieur le président et membres du Comité. Je m'appelle Andrew Cheatle. Je suis directeur exécutif de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, ou ACPE. Compte tenu des discussions que nous avons aujourd'hui, je crois qu'il est utile de mentionner que j'ai déjà été chef de la direction d'une société canadienne d'exploration et de développement qui avait des activités en Amérique latine, où elle faisait de la prospection minière.
Au nom de notre conseil d'administration et de nos membres, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'adresser à vous aujourd'hui.
Je vais commencer par vous donner quelques brefs renseignements sur l'ACPE. Nous sommes une association nationale comptant plus de 8 000 membres, dont un millier de sociétés, qui font partie du secteur de l'exploration et de la mise en valeur des ressources minérales ainsi que du secteur des approvisionnements au Canada et ailleurs dans le monde. Nos membres comprennent notamment des sociétés minières, de petites entreprises d'exploration, des sociétés de services, des bureaux de consultants, des géoscientifiques, des prospecteurs, des mineurs, des étudiants et des membres du secteur des finances et de l'investissement. Nous sommes bien connus pour notre congrès annuel auquel assistent chaque année 25 000 participants venant de 130 pays. Au cours de nos congrès, nous étudions beaucoup des questions qui intéressent votre Comité.
Comme vient de vous le dire M. Gratton de l'AMC, l'industrie minière canadienne est reconnue comme chef de file aussi bien chez nous qu'à l'étranger à cause de sa grande expertise en exploration et en exploitation minière, de son expérience étendue et de sa capacité d'engendrer des occasions économiques dans les régions du monde où elle exerce ses activités. En effet, fin 2015, la valeur de l'actif minier canadien à l'étranger totalisait plus de 171 milliards de dollars canadiens, répartis entre 102 pays.
Dans le cas particulier de l'exploration, l'Amérique latine est effectivement la plus importante destination des investissements et des activités du Canada. En fait, 28 % de l'ensemble des investissements en Amérique latine viennent de sociétés ayant leur siège social au Canada. C'est un fait très important car, sans exploration, les mines ne sont ni découvertes ni mises en valeur et, sans mines, les collectivités ne tirent pas parti des avantages de l'exploitation minière, qui comprennent des emplois bien rémunérés, de la formation, etc.
L'exploration minière est la première étape essentielle du cycle de mise en valeur des minéraux. C'est l'étape dans laquelle des prospecteurs ou de petites sociétés d'exploration, comme celle que j'ai dirigée, cherchent des gisements économiques susceptibles de devenir des mines productrices. L'exploration est un processus séquentiel de collecte de renseignements fondé sur des techniques scientifiques et d'autres procédés visant à évaluer le potentiel d'une région donnée. Toutefois, beaucoup de gens ne savent pas que de nombreux programmes d'exploration ne vont jamais au-delà des recherches préliminaires. On estime souvent que la probabilité qu'un projet initial d'exploration aboutisse à une mine productrice ne dépasse pas 1 pour 1 000. Par conséquent, ces projets comprennent ordinairement des activités provisoires qui ne laissent que peu de traces et qui n'ont pas d'incidences environnementales durables.
Plusieurs milliers de sociétés d'exploration sont à la recherche de nouvelles mines au Canada et ailleurs dans le monde. Elles sont en majorité canadiennes, ce qui témoigne des décennies d'expertise qui constituent le fondement du leadership canadien dans le secteur minier. Ce leadership va au-delà des compétences scientifiques, techniques et financières, s'étendant, comme Pierre vient de le dire, aux pratiques responsables en matière sociale et environnementale et en sécurité. Grâce au programme « e3 Plus » de l'ACPE — tout premier guide conçu pour aider les sociétés à se montrer plus responsables dans leurs activités d'exploration et comprenant notamment des conseils sur l'établissement rapide de relations avec les parties prenantes, la mise en oeuvre de l'initiative Vers le développement minier durable de l'AMC et les efforts que chaque société canadienne doit déployer —, notre secteur a réalisé d'énormes progrès ces dernières décennies dans le domaine de la promotion de la responsabilité sociale des entreprises.
Étant les premiers sur place, les prospecteurs influent considérablement sur l'interaction des entreprises avec les collectivités hôtes. Que les sociétés exploitent une concession minière en territoire autochtone dans le nord du Manitoba, en Sierra Leone ou au Chili, la plupart d'entre elles comprennent parfaitement qu'elles sont là à titre d'invitées des collectivités locales et qu'elles doivent mener leurs activités d'une manière responsable. Le gouvernement, l'industrie et les autres intervenants comprennent l'importance de ce facteur. Je suis donc fier de dire que nous faisons très bien cette partie du travail.
Toutefois, malgré les efforts déployés par notre industrie pour bien faire les choses dès le départ, nous comparaissons devant vous aujourd'hui pour parler des cas de conflit en Amérique latine. Ces cas représentent l'exception et non la règle, mais ils n'en méritent pas moins une grande attention de notre part.
La mondialisation du secteur canadien de l'exploration minière a sûrement contribué à l'amélioration de la qualité de vie de bien des gens dans le monde, mais elle a aussi augmenté le risque que les sociétés soient directement ou indirectement mêlées à diverses formes de conflits. Les entreprises canadiennes sont présentes dans certains pays du monde qui connaissent des conditions très difficiles: conflits civils, faiblesse de la gouvernance, lacunes dans la primauté du droit, pauvreté extrême, etc. Compte tenu des circonstances, il est inévitable que des problèmes se posent. C'est le cas pour toutes les sociétés, canadiennes et étrangères, ce qui n'empêche pas les entreprises canadiennes de compter parmi les investisseurs que préfèrent les gouvernements et les collectivités hôtes.
D'après Paul Haslam, professeur à l'Université d'Ottawa qui a comparu devant le Comité la semaine dernière, la plupart des investissements canadiens en Amérique latine n'ont donné lieu à aucun cas déclaré de conflit avec les collectivités, et les sociétés canadiennes sont beaucoup moins susceptibles de connaître des conflits que les multinationales d'autres pays. Cela témoigne des antécédents de responsabilité sociale et des pratiques reconnues du Canada.
Mais quelles mesures est-il possible de prendre en cas de conflits allégués entre une société et une collectivité? Quel travail reste-t-il à faire? Comme industrie, nous nous sommes considérablement souciés des moyens de collaborer avec les gouvernements, les collectivités locales et la société civile pour améliorer les relations et réduire les possibilités de conflit. De plus, le gouvernement du Canada a déployé des efforts pour réduire les conflits et favoriser le respect des droits de la personne à l'étranger.
L'ACPE a participé aux tables rondes sur la responsabilité sociale des entreprises en 2006, a appuyé la stratégie de RSE du secteur des industries extractives en 2009 et a fortement soutenu la stratégie canadienne améliorée de RSE en 2014. Modèle concret de progrès, cette stratégie établit une approche claire aux multiples aspects pour appuyer des activités responsables de prospection et d'exploitation à l'étranger et définit le rôle des sociétés, des États hôtes et des États d'origine. La stratégie de 2014 dit que le gouvernement s'attend à ce que les sociétés canadiennes agissent dans le respect des normes éthiques les plus élevées. De plus, elle souligne l'importance de l'assistance technique pour les États hôtes, y compris le soutien nécessaire pour que les pays fassent une bonne planification de l'utilisation des terres, élaborent des politiques de consultation des Autochtones, etc. Elle renforce en outre l'accès des collectivités aux mesures correctives.
Nous disposons aujourd'hui de trois mécanismes clés auxquels les collectivités de l'extérieur du Canada peuvent recourir. Deux d'entre eux n'ont pas un caractère judiciaire. Il s'agit du bureau du conseiller en RSE et du Point de contact national, ou PCN, que le Canada a établi il y a 40 ans lors de la signature des Principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Le troisième mécanisme consiste à recourir aux tribunaux canadiens.
Malgré ces progrès, certains intervenants ont recommencé à réclamer la nomination d'un médiateur pour le secteur des industries extractives. Nous croyons qu'avant de créer une nouvelle fonction, le gouvernement du Canada devrait clairement établir les faits au sujet des conflits allégués avec les collectivités et procéder à une analyse rigoureuse des mécanismes de recours existants. Cela permettra sans doute de faire la distinction entre les lacunes réelles et perçues des mécanismes actuels auxquels les collectivités peuvent recourir pour obtenir des mesures correctives et fera aussi ressortir les perspectives qui s'offrent pour l'avenir.
Si le gouvernement du Canada décide de nommer un médiateur, nous recommandons fortement, pour que la fonction soit efficace, que le gouvernement en étudie soigneusement la structure. Le médiateur devrait s'occuper de tous les secteurs et être chargé de ce qui suit: examiner les allégations en recourant à l'enquête conjointe en vue de régler les conflits, assurer aux parties l'accès à des services de médiation et protéger les sociétés responsables et la réputation du Canada contre les plaintes frivoles ou vexatoires.
À part ces recommandations, l'ACPE reste convaincue de la nécessité d'établir un groupe consultatif regroupant de multiples intervenants. Ce groupe aurait pour mandat de présenter au gouvernement des recommandations quant à la structure et aux fonctions du bureau du médiateur et à d'autres moyens pouvant permettre au gouvernement du Canada de faciliter l'accès à des mesures correctives.
L'ACPE espère continuer à participer au dialogue relatif aux entreprises et aux droits de la personne ainsi qu'aux recours pouvant à la fois appuyer la position du Canada comme chef de file mondial du secteur minier et réduire les possibilités de conflit.
Je vous remercie. Je serais maintenant heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Nous allons directement passer aux questions.
La parole est au député Genuis. Vous avez sept minutes.
C'est très bien. Je vous remercie, monsieur le président.
Merci beaucoup pour votre témoignage.
Monsieur Cheatle, vous avez parlé des différents mécanismes qui existent. Il y a le conseiller en RSE, le PCN et, bien entendu, les tribunaux canadiens. Quels sont les lacunes que comblerait un médiateur? Vous n'êtes peut-être pas le mieux placé pour répondre à cette question puisque ce n'est pas vraiment votre proposition, mais que ferait un médiateur qui se distinguerait de ce qui est fait actuellement?
Cela dépend dans une grande mesure des structures envisagées. Nous croyons que la fonction de médiateur, si elle est établie en faisant appel à de multiples intervenants, pourrait être dotée de meilleurs pouvoirs d'enquête et avoir peut-être, je dirais, un rôle un peu plus sévère. Le conseiller en RSE joue essentiellement un rôle préventif. Il s'attaque aux conflits… ou plutôt essaie de s'attaquer très tôt à des conflits potentiels, son rôle se situant principalement dans le domaine de la prévention.
Croyez-vous qu'il serait plus utile d'accroître les ressources et les pouvoirs du poste existant? Y a-t-il un avantage à avoir un poste surtout préventif et un autre qui interviendrait après coup pour surveiller et tenir les gens responsables? Peut-on envisager de regrouper ces fonctions dans un même bureau?
Je crois qu'il serait très possible d'avoir les deux fonctions: celle de médiateur dans le cadre d'un processus faisant intervenir de multiples intervenants, et celle du conseiller en RSE qui s'occuperait particulièrement du secteur minier. Je dirais que le bureau du conseiller a fait du très bon travail.
D'accord. Vous proposez cependant qu'un médiateur soit chargé de s'occuper de la responsabilité sociale des entreprises pour tous les secteurs, tandis que le conseiller en RSE aurait pour rôle de donner des conseils et de prévenir les conflits dans le secteur des industries extractives…
Si nous procédions à un bon examen des mécanismes existants pour déterminer où se situent les lacunes, nous aboutirions probablement à des résultats différents.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons découvert un outil appelé l'enquête conjointe qui, nous le croyons, faisait partie de notre trousse depuis des années, mais que nous n'avons jamais utilisé. Nous sommes d'avis que ce mécanisme, comme l'a mentionné Andrew, peut servir dans les cas où les conflits sont sérieux et ont atteint un stade avancé, mais peut-être pas assez avancé pour justifier le recours au PCN. Ce serait en quelque sorte un mécanisme intermédiaire, c'est-à-dire le recours à un outil que la SFI a utilisé depuis des années à l'échelle mondiale pour régler les conflits à mesure qu'ils se présentent. Pour nous, c'est un domaine où, dans le cadre des mécanismes non judiciaires, le Canada peut rendre de meilleurs services.
J'essaie seulement de comprendre. Est-il sensé, à votre avis, de créer de nouvelles fonctions ou d'élargir la portée de celles qui existent?
Compte tenu de sa structure actuelle, le bureau du conseiller en RSE n'a ni les ressources ni le mandat pour donner des services de ce genre. Je ne crois d'ailleurs pas que l'actuel conseiller souhaite le faire ou estime être le mieux placé pour cela. Les compétences nécessaires sont différentes.
Je crois que si le Canada souhaite fournir davantage de possibilités de recours, c'est un moyen possible à envisager.
En ce qui concerne l'accès aux tribunaux, qui fait partie des mécanismes de recours, il est évident que beaucoup de gens n'auraient pas les moyens de faire appel aux tribunaux canadiens. Est-il possible au PCN ou au conseiller en RSE d'accéder aux tribunaux au nom d'autres personnes? Si ce n'est pas le cas, serait-il utile de conférer à une personne ou à un bureau le pouvoir de recourir aux tribunaux au nom de personnes qui n'auraient pas les moyens de le faire elles-mêmes?
La meilleure façon de répondre à cette question est de rappeler que nous avons dit que nous sommes disposés à examiner les obstacles actuels à l'accès aux tribunaux. Ceux-ci ont beaucoup évolué ces dernières années au chapitre des questions qu'ils sont disposés à étudier. Il n'en reste pas moins que le processus judiciaire est long et coûteux. Nous avons cependant dit que nous sommes prêts à participer au dialogue visant à déterminer la nature des entraves et les moyens de les surmonter.
À première vue, il semble qu'au moins certains des obstacles sont assez évidents.
À qui pourrait s'adresser une personne pauvre qui vit dans un autre pays, ne parle même pas la langue et ne connaît rien d'un système de justice qui respecte les droits de la personne?
Avez-vous pensé à l'idée de conférer à un organisme ou à une personne du Canada le pouvoir de s'adresser aux tribunaux au nom d'autres personnes?
Je m'oriente peut-être dans une direction un peu différente, mais je suis curieux de savoir ce qu'il en est. Que peuvent faire vos membres qui ont des activités dans des pays ayant un système judiciaire faible? On peut supposer qu'ils ont une bonne stratégie pour protéger leurs propres intérêts, leurs propres biens et leur propre sécurité. Mais quelles stratégies appliquent-ils pour protéger leurs intérêts dans les pays où le système de justice et les organismes de sécurité sont faibles?
C'est beaucoup pour cette raison que notre association a pris des engagements relatifs à des principes volontaires. C'est exactement ce que visent les principes volontaires de sécurité et de droits de la personne. Comment gérer ces aspects de l'entreprise de façon à protéger légitimement et efficacement vos propres intérêts tout en maintenant le respect des droits de la personne? Voilà pourquoi nos membres étaient prêts à prendre collectivement cet engagement et à l'appliquer partout.
Dans le cas de beaucoup des petites sociétés qui ont d'importantes activités en Amérique latine, nous tenons compte de leur accès à notre programme e3 Plus, à nos guides d'engagement rapide des intervenants, à nos systèmes de formation et à notre congrès.
Ces jours-ci, il est difficile d'échapper à l'observation extérieure, compte tenu de la technologie. Où que nous allions, nous avons toujours un téléphone portable. Il incombe à chacun, lorsqu'il va à l'étranger, de respecter l'environnement local, d'assumer ses responsabilités, d'établir des relations et de travailler en vue de la prévention et du partenariat plutôt que d'aboutir à des conflits. Si un conflit se produit, il est souvent préférable d'essayer de le régler localement entre les parties en cause. D'après mon expérience personnelle, il faut souvent s'asseoir, parler et chercher à résoudre les problèmes qui se posent.
Merci beaucoup.
J'aimerais en fait reprendre le dernier point. Vous avez parlé des conflits qui se présentent et du fait que leurs causes — nous n'avons pas à le dire ici car nous les connaissons tous bien — sont complexes et ont de multiples aspects, mais que les inégalités socio-économiques et le manque d'accès à des besoins de base jouent un grand rôle.
Pouvez-vous nous parler des activités de RSE auxquelles participent les sociétés minières, comme la construction d'écoles, de routes, etc., et qui contribuent à l'amélioration des conditions de vie de la population locale? Avez-vous des chiffres à nous communiquer sur le pourcentage des entreprises minières canadiennes qui ont des activités de ce genre?
Je pourrais parler de deux questions. Premièrement, la construction d'écoles, d'hôpitaux, etc. ne relève peut-être pas des sociétés parce que cette responsabilité devrait être assumée par…
Je regrette de vous interrompre, mais vous comprendrez que mon temps de parole est limité. Je pensais à des situations dans lesquelles une société minière travaille dans une région particulière et souhaite, par bonté d'âme ou dans un esprit commercial ou n'importe quoi d'autres… Pour moi, les motifs importent moins que les résultats. Quelle contribution font ces sociétés? Je crois que ces contributions existent. Je n'y pense pas dans cette perspective. J'aimerais que vous nous en parliez.
Oui, je comprends. Il y a deux réponses à la question que j'aimerais mentionner.
Tout d'abord, la contribution est un aspect, mais la façon d'agir est un autre. Cela constitue la base de notre initiative Vers le développement minier durable. Dans le cadre de cette initiative, nous avons mis en place des normes de pratique touchant tout un ensemble de questions qui ont leur importance au niveau local, comme la façon d'associer les intervenants locaux aux projets, de protéger la biodiversité, de gérer en toute sécurité les installations de traitement des résidus et de protéger les travailleurs. Pour moi, la mise en oeuvre de normes élevées constitue la première manifestation de la responsabilité sociale.
Vous pouvez voir, dans la présentation PowerPoint que nous avons fait circuler, un exemple dans lequel nous avons examiné la répartition des avantages procurés par les investissements miniers. Vous aurez une idée ponctuelle. La diapositive 5, par exemple, présente la situation dans la région d'un gisement que possède l'un de nos membres, Kinross Gold, en Mauritanie. Vous noterez la différence, après deux ans d'exploitation, aux chapitres du revenu par tête, du pourcentage de pauvreté dans la population et de la pauvreté subjective — qui constitue un facteur important — dans les collectivités de la région entourant la mine par rapport à des collectivités situées plus loin. Vous constaterez que l'exploitation minière a considérablement amélioré les niveaux de revenu et le pourcentage de pauvreté.
Je comprends cela, monsieur Gratton, mais je voulais connaître le pourcentage des sociétés minières canadiennes qui ont des activités concrètes de RSE. J'ai donné comme exemples la participation à la construction de routes et d'écoles. Comme vous pouvez le comprendre — vous connaissez probablement la situation beaucoup mieux que d'autres puisque vous appartenez à ce secteur —, les États de l'Amérique latine, qu'il s'agisse du Guatemala, du Honduras ou d'autres, sont faibles et n'ont souvent pas les moyens d'entreprendre des travaux de ce genre. Vous travaillez dans ces régions. On peut soutenir que les sociétés ont la responsabilité de faire une certaine restitution. Pouvez-vous me donner le pourcentage des sociétés canadiennes qui font ce genre de travail?
Je dirais que nous représentons un petit segment de l'industrie qui a des activités à l'étranger. Nous ne disposons pas de renseignements détaillés sur les entreprises non membres. Je peux cependant vous dire que chacun de nos membres qui a des activités à l'étranger fait du travail concret auprès des collectivités. Je peux vous donner une liste d'exemples si vous le souhaitez…
Je m'excuse de vous interrompre, mais c'est une question vraiment géniale. Je peux vous répondre aussi bien d'un point de vue personnel que d'une façon générale.
J'assiste à des conférences sur les investissements miniers auxquelles participent des dizaines et parfois des centaines de sociétés. Nous passons également en revue les sites Web de nos membres et du secteur. Je peux vous dire qu'il vous serait très difficile de trouver une seule entreprise qui ne fasse pas quelque chose. Tout le monde reconnaît la nécessité de contribuer.
Le plus souvent, ces choses dépendent beaucoup de la taille de l'entreprise. Il faut se rendre compte qu'une petite société dont la capitalisation boursière ne s'élève qu'à 10 ou 20 millions de dollars aura des activités très différentes de celles, par exemple, d'une multinationale telle que Goldcorp ou Barrick. J'aimerais vous parler un peu de ce que fait une petite société. Je vous signale d'ailleurs que le système ATLAS du PNUD fait une cartographie de l'exploitation minière en fonction des objectifs de développement durable. En fait, la société que je dirigeais moi-même est inscrite dans ce système. Nous pouvons faire des choses simples. Je veux vous donner un ou deux exemples.
Pendant que nous travaillions dans une région, nous avons constaté que l'une des écoles rurales de la collectivité n'était pas alimentée en eau courante par le puits central. Or l'une de nos géologues avait les compétences nécessaires pour faire quelque chose. Un dimanche après-midi, elle est simplement venue demander 500 pieds de tuyau en plastique pour faire le branchement. C'était une chose qu'elle avait faite dans sa jeunesse. D'un autre côté, nous avions l'habitude d'importer des casiers à carottes en plastique pour conserver les carottes obtenues au cours des forages d'exploration. Nous importions ces casiers du Canada, via Miami et tout le réseau portuaire. Pourtant, il y avait dans la région des plantations forestières et des scieries. Nous avons donc demandé à du personnel forestier et des menuisiers locaux s'ils pouvaient fabriquer des casiers pour nous…
Ce sont d'excellents exemples. Je ne veux pas vous interrompre, mais je crois qu'il ne me reste probablement qu'une trentaine de secondes.
Merci beaucoup. Je crois que cela répond à la question.
Vous voudrez peut-être nous en dire davantage plus tard, en réponse à d'autres questions, pour nous montrer que ce ne sont pas des réalisations ponctuelles. Il y a eu certaines critiques selon lesquelles seules quelques sociétés ont des activités qui profitent aux collectivités. Toutefois, si ces activités sont très répandues, le Comité devrait le savoir.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'occupe depuis longtemps des droits internationaux de la personne. En prévision de ces réunions, je me suis bien renseignée sur le rôle que les sociétés minières canadiennes ont joué dans le développement de l'Amérique latine. Tout d'abord, je sais que vous avez tous collaboré avec des députés néo-démocrates de législatures précédentes, dont certains avaient d'énormes projets miniers dans leur circonscription. Je voudrais donc que vous me disiez très brièvement si vous estimez que le NPD est opposé à l'exploitation minière.
Non, je ne dirais pas que le NPD… Je crois qu'il y a dans chaque parti quelques députés opposés à l'exploitation minière, mais je pense que la plupart appuient le secteur.
Merci beaucoup pour cette réponse.
Au sujet de vos exposés, j'ai été très surprise de vous entendre dire tous les deux, monsieur Gratton et monsieur Cheatle, chacun à sa façon, que ce que vous recommandez et ce dont on a besoin, ce sont des mesures exécutoires. Même dans le cas d'un groupe d'enquête conjointe, comment feriez-vous pour obliger toutes ces sociétés minières à obtempérer?
Je crois que M. Chalmers a eu des expériences dans ce domaine au sein de l'Association minière. Parmi vos membres, vous avez ceux qui sont à l'avant-garde et qui se font les champions de différentes causes pour différentes raisons. Vous avez de petites sociétés qui viennent tout juste de commencer et dont le capital, les ressources humaines et l'accès à un gouvernement local sont vastes et variés pour toute une série de raisons. Avant de passer à d'autres aspects et aux recommandations, j'aimerais savoir ce que vous envisagez pour l'avenir.
Pouvons-nous faire quelque chose pour que les mesures soient un peu plus que volontaires, pour que les mécanismes d'enquête dont disposerait un médiateur permettent d'imposer la participation de toutes les parties? En d'autres termes, devrait-il y avoir un moyen de s'assurer que les gens participent? Pouvez-vous nous parler de cette question en toute franchise?
Les tables rondes initiales auxquelles j'ai personnellement participé avaient recommandé qu'il y ait des conséquences pour les sociétés — en fait, pour toutes les parties — s'il était établi qu'elles étaient de mauvaise foi. Lorsque la stratégie de 2009, qui ne comportait pas de tels mécanismes, a été publiée, elle a été très mal accueillie et a été vertement critiquée.
En 2014, par suite des efforts intenses que nous avions déployés, nos membres en sont venus à penser aussi que la stratégie n'était pas assez ferme et qu'elle aurait dû prévoir des conséquences. Collectivement, nos membres ont dit que s'ils étaient eux-mêmes impliqués dans une affaire de ce genre, ils voudraient que le processus aille jusqu'au bout et que si des sociétés s'y opposaient, elles devraient avoir à en payer le prix. Il est utile de prévoir des conséquences. C'est ce que nous avons maintenant. Les conséquences mises en place sont celles qu'avaient recommandées les tables rondes, à savoir, le retrait du soutien des délégués commerciaux et de l'accès au financement d'EDC.
Je ne sous-estimerais pas l'importance de ces mesures. Le soutien du Service des délégués commerciaux est extrêmement apprécié dans notre secteur et dans bien d'autres industries. Ce service est extrêmement utile aux entreprises partout dans le monde. La perte de son appui et surtout l'annonce publique de cette perte — car cet aspect fait partie du processus, même s'il pourrait être utile de le renforcer — transmettent, je crois, un message assez fort.
Voilà où en sont les choses à l'heure actuelle. En fait, c'est probablement là que nous souhaitons qu'elles soient. Nous recommandons depuis un certain nombre d'années d'augmenter la transparence de l'ensemble du processus et de lui affecter davantage de ressources pour que nous soyons mieux à même de traiter les plaintes déposées, mais, de toute façon, il devrait y avoir des conséquences si une société refuse de participer.
Merci beaucoup.
Vous connaissez sans doute le Comité international pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, qui a recommandé en particulier en novembre 2016 de « mettre en place des mécanismes efficaces pour enquêter sur les plaintes déposées contre ces sociétés, y compris en désignant un médiateur de l'industrie extractive, dont le mandat consisterait notamment à recevoir des plaintes et à mener des enquêtes indépendantes ».
Croyez-vous que cette recommandation va un peu plus loin que ce que vous venez de nous décrire, monsieur Gratton?
Nous parlons d'enquêtes conjointes. Pour nous, c'est le processus suivi pour aboutir à l'enquête qui est important. Dans le cas d'une enquête indépendante, on peut souvent imaginer une sorte de super-médiateur qui va dans le pays en cause pour enquêter, déterminer qui a tort et prononcer…
Permettez-moi de vous aider pour que mon temps de parole soit utilisé à bon escient. Nous n'avons pas maintenant un mécanisme ce genre, de sorte que la possibilité pour nous de promouvoir une telle aspiration…
La raison pour laquelle nous préconisons l'enquête conjointe est qu'au départ, la SFI a choisi la voie de l'enquête unilatérale, mais a constaté, peu après, qu'elle était en train d'aggraver les problèmes au lieu de les résoudre. La Société faisait les choses de façon indépendante et prenait des décisions dans un environnement complexe. Elle a constaté qu'elle alimentait ainsi le conflit parce que ses conclusions et décisions n'étaient reconnues par aucune des deux parties. Par conséquent, l'enquête conjointe…
D'accord. Il ne me reste plus que quelques secondes. Très brièvement, à quels moyens le gouvernement du Canada peut-il recourir pour aider les sociétés minières à l'étranger? Vous avez dit plus tôt que, grâce aux délégués commerciaux, le soutien de l'État… Pouvez-vous nous donner quelques exemples des moyens utilisés pour donner de l'aide?
Eh bien, le gouvernement peut donner des renseignements sur la façon dont le pays fonctionne. Il peut aider les intéressés à établir des contacts avec le gouvernement hôte. Les ambassades peuvent beaucoup faire à cet égard.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Gratton, vous pouvez finir de répondre à la question de Mme Hardcastle, si vous le souhaitez.
Oui, j'aimerais bien. Je vous remercie.
La raison pour laquelle la SFI est passée à l'enquête conjointe, c'est que celle-ci permet de réunir les deux parties dès le départ. Il y a un médiateur — on peut lui donner ce titre ou n'importe quel autre — qui examine le problème avec les deux parties. Tout le monde travaille en vue d'en arriver à une entente sur la nature du problème, la façon de mener l'enquête et les personnes qui en sont chargées. Il y a encore une fonction d'enquête, mais les parties sont intégrées au processus. Ensuite, une fois que le problème est défini et que des solutions adéquates sont trouvées, tous les intéressés peuvent s'entendre. Il leur est alors beaucoup plus difficile de se retirer d'un processus de ce genre que dans le cas d'une enquête indépendante.
Il n'y a rien de neuf dans ce que je viens de dire. Nous le faisons déjà au Canada. C'est simplement un meilleur moyen d'aboutir à un résultat… un moyen qui contribue à rapprocher les parties et à régler les conflits. C'est notre point de vue.
Merci, monsieur Gratton.
J'aimerais vous demander quelques précisions. Est-ce que toutes les sociétés de l'industrie extractive deviennent membres de l'Association minière du Canada lorsqu'elles ont des activités à l'étranger, et particulièrement en Amérique latine? Est-ce volontaire…
L'AMC est une organisation associative. Il faut payer pour être membre. De plus, les membres ont l'obligation de mettre en oeuvre notre initiative Vers le développement minier durable, ou VDMD. Le Comité trouvera peut-être intéressant de savoir que, depuis l'adoption de VDMD, nous avons plus de membres. Il y a des sociétés qui adhèrent à l'Association maintenant parce qu'elles trouvent ce programme utile. Nous avons actuellement plus de membres que jamais.
Nous avons un processus d'expulsion des membres a) s'ils refusent de mettre en oeuvre le programme et b) s'ils ne manifestent aucun progrès à cet égard après un certain temps.
C'est une tache sur sa réputation. Il n'y a pas d'autres conséquences. Nous sommes une organisation associative. Souvent, lorsque des groupes considèrent des organisations comme la nôtre, des ONG, etc., ils s'intéressent particulièrement à cet aspect: un membre sera-t-il exclu s'il refuse de se conformer aux normes de l'organisation? La réponse dans notre cas est oui.
Lorsque vous avez défini les principes directeurs de VDMD, avez-vous procédé à une analyse comparative entre les sexes? Les différentes collectivités où les sociétés minières exercent leurs activités ne sont évidemment pas toutes touchées de la même façon.
Pour les principes directeurs, non, nous ne l'avons pas fait à cette étape. La mise en oeuvre du protocole d'engagement de la communauté autochtone tiendrait sûrement compte de questions de ce genre, mais, non, nous ne l'avons pas fait explicitement.
Quelles sortes de problèmes entravent l'action des sociétés minières lorsque, travaillant sur le terrain, elles cherchent à manifester leur appréciation et leur respect des droits de la personne et des collectivités locales et indigènes?
Permettez-moi d'ajouter un commentaire en réponse à votre question précédente. Nous appliquons un processus annuel d'examen de nos normes de rendement dans chaque catégorie. L'engagement communautaire sera à l'ordre du jour l'année prochaine, et nous avons inscrit l'égalité des sexes parmi les questions à examiner à l'avenir. Je voulais simplement le signaler.
Paul en avait quand il était ici. La répartition des avantages est un facteur clé qui est très difficile à gérer. L'eau est souvent citée parmi les importantes sources de conflit, de même que l'exploitation minière artisanale, l'exploitation sur petite échelle, la sécurité, les droits des autochtones. La liste est longue. Vous trouverez probablement tous ces éléments dans notre secteur. C'est la raison pour laquelle il y a tellement de difficultés. Cela explique aussi que les sociétés ont fait tant d'efforts pour essayer de déterminer comment mettre en oeuvre les Principes directeurs des Nations Unies relatives aux entreprises et aux droits de l'homme ainsi que les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme dont j'ai parlé plus tôt, et continuent à chercher des moyens de mieux comprendre ces questions afin de les gérer d'une manière plus proactive.
La faiblesse de la gouvernance s'inscrit probablement en tête de cette liste. L'un des plus grands problèmes est que si les collectivités n'ont pas l'impression que leur gouvernement leur donne voix au chapitre, les sociétés doivent combler cette lacune aussi.
Merci, monsieur Gratton.
Il ne nous reste que quelques minutes. Je vais maintenant donner la parole au député Sweet.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je m'intéresse à ce sujet depuis près de 12 ans. Le Comité en a été saisi à trois occasions distinctes, je crois. De plus, nous l'avions abordé au Comité de l'industrie à deux reprises. Il y a également eu des projets de loi d'initiative parlementaire dans le passé. Je suis sûr que vous les connaissez. Je sympathise avec les gens sur le terrain qui se sentent victimes. Je sympathise aussi avec l'Association minière. Il me semble, d'après votre témoignage et tout ce que j'ai entendu, que vous essayez de faire de votre mieux pour que vos membres participent au programme Vers le développement minier durable, pour préserver la réputation du secteur et pour que les gens comprennent que les sociétés minières canadiennes font leur possible en matière de responsabilité tant sociale qu'environnementale. Elles font de leur mieux pour contribuer aux collectivités où elles ont investi: elles veulent à la fois réaliser un bénéfice et s'assurer que les pays en cause profitent aussi de l'extraction de leurs ressources.
Il y a maintenant un autre intervenant, les Nations Unies. Nous avons entendu le témoignage de M. Pesce. Il a dit avoir noté que les sociétés canadiennes ont parlé des normes sociales, économiques et environnementales internationales, mais a ajouté que la mise en oeuvre laisse à désirer: « Nous avons donc conclu que vous devriez hausser la barre afin de mettre plus d'emphase sur la mise en oeuvre et sur le suivi d'une mise en oeuvre efficace. »
Convenez-vous qu'il y a encore du travail à faire au niveau de la mise en oeuvre et de l'évaluation de la responsabilité manifestée sur le terrain? M. Pesce n'a pas mentionné le programme VDMD, de sorte que je ne sais pas si c'est à cela qu'il pensait. Il a parlé des entrevues qu'il a tenues au Canada en juin, je crois.
Oui, j'ai écouté son témoignage. Il n'était pas présent, mais nous avons passé près d'une heure avec deux représentants. Je ne sais donc pas dans quelle mesure il connaît l'initiative VDMD ou a examiné ce que fait l'industrie.
J'admets volontiers que, pour beaucoup d'entreprises, c'est un travail en cours. Je crois que c'est Goldcorp qui a été la première société à faire une étude d'impact sur les droits de la personne, il y a quelques années. Madeleine Albright avait fait adopter les principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme, mais ils n'ont commencé à revêtir de l'importance que dans les cinq ou six dernières années. C'est donc un travail en cours. Parmi nos membres, je constate une action positive croissante visant à faire des progrès constants pour la protection des droits de la personne et la formation des employés et du personnel de sécurité dans ce domaine.
Je vous remercie. Je crois que mon temps de parole est écoulé.
Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner votre document. Comme j'écoutais votre témoignage, je n'ai pas pu l'étudier. Avez-vous un résumé du programme VDMD qui nous permette de prendre connaissance des principes généraux et des points de repère que vous avez établis pour les sociétés membres? Pouvez-vous le déposer auprès du Comité pour que nous sachions exactement ce qu'il en est?
Je peux certainement le faire. Le document est très axé sur les éléments dont le représentant des Nations Unies a parlé, c'est-à-dire sur la mise en oeuvre, la production de rapports et la vérification. Notre engagement envers les principes volontaires s'étend également à la production de rapports, de sorte que c'est un point sur lequel nous insistons beaucoup.
Je vous remercie. Nous avons quelques documents qui sont en train d'être déposés.
Je vais prendre encore quelques instants. Il y a une question qui est revenue sur le tapis un certain nombre de fois. Je crois qu'il serait utile pour notre étude que vous nous donniez des renseignements à ce sujet. La question s'est posée au cours de nos recherches sur Berta Cáceres et d'autres événements qui ont marqué les conflits miniers en Amérique latine. Il s'agit du rôle des forces de sécurité privées. Je vois que des sociétés membres de l'AMC ont adopté, dans le cadre des principes volontaires, certains codes de conduite et doivent faire rapport à ce sujet.
Pouvez-vous nous dire de quelle façon seront réglées les questions liées aux forces de sécurité privées et ce que vous prévoyez quant au mécanisme de production de rapports qui semble devoir commencer l'année prochaine, dans le cadre de votre rapport d'étape 2018? Ce sont des questions qui reviennent souvent dans notre étude.
Les principes volontaires comprennent des lignes directrices sur l'emploi par les sociétés de forces de sécurité publiques et privées. Ils traitent de la formation nécessaire et des relations avec les collectivités dans ce domaine et dans d'autres. La mise en oeuvre de ces principes vise surtout à améliorer la situation en ce qui concerne le recours à ces forces.
Pour notre part, l'engagement pris exige que nos sociétés membres utilisent des systèmes de gestion de la sécurité qui soient conformes aux principes volontaires. À partir de l'année prochaine, les sociétés qui ont recours à des forces de sécurité commenceront à présenter des rapports par notre intermédiaire, dans le cadre de notre rapport annuel sur le programme VDMD, pour décrire leur approche de la mise en oeuvre des mesures prises pour veiller à ce que les principes soient adéquatement appliqués. Tout cela figurera dans notre rapport annuel.
De plus, nous avons créé une communauté de pratique pour les praticiens de la sécurité afin de favoriser l'échange de connaissances et de pratiques exemplaires ainsi que les discussions sur la façon de régler les problèmes.
Je remercie très sincèrement nos trois témoins.
Nous avons déjà dépassé notre horaire de quelques minutes.
À vous, députée Hardcastle.
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