[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 décembre 1995
[Traduction]
Le président: Messieurs, je voudrais d'abord m'excuser du retard, mais comme je l'ai dit lorsque je suis entré, la seule certitude en politique est que rien n'est certain. Nous avons été retenus par un vote.
Bien que nous n'ayons pas de quorum, j'aimerais souhaiter la bienvenue au brigadier-général à la retraite Pierre Boucher, qui est actuellement colonel honoraire du Régiment de Maisonneuve de Montréal.
Pendant sa carrière militaire, M. Boucher a été commandant du Régiment de Maisonneuve et chef d'état-major pour les réserves à la Force mobile. Il est aussi président du groupe consultatif des colonels honoraires des forces terrestres pour le secteur du Québec.
Aujourd'hui, il est accompagné du lieutenant-colonel honoraire Gérard R. Huot, quatrième bataillon, Royal 22e Régiment à Châteauguay, et du lieutenant-colonel honoraire George Javornik, du Régiment Royal de Montréal.
Messieurs, je vous demanderais de faire vos déclarations. Nous ferons un tour de table, et j'espère qu'au moment où vous entrenez dans le vif du sujet, d'autres députés seront arrivés. Je sais que M. Hart doit partir vers 17 h 15, de même que M. Bertrand. Allez-y.
[Français]
Le brigadier-général Pierre Boucher, CD (colonel honoraire, Régiment de Maisonneuve): Monsieur le président et distingués membres du comité, je suis le brigadier-général Pierre Boucher, colonel honoraire du Régiment de Maisonneuve. De plus, j'ai eu l'honneur, comme vous l'avez dit précédemment, d'être le président des Colonels honoraires du Secteur du Québec et coprésident de Réserves 2000. Durant ma vie militaire, j'ai commandé le Régiment de Maisonneuve, le District no 2 du Québec et le Secteur de l'Est, en plus d'avoir été le chef d'état-major pour les réserves à la Force mobile et le stagiaire senior du Collège de la Défense nationale.
Nous sommes heureux de vous rencontrer aujourd'hui et de vous présenter notre point de vue sur le rapport de la Commission spéciale sur la restructuration des réserves.
Nous ne voulons pas couvrir tous les détails du rapport de la Commission, mais en général, nous appuyons la philosophie et le concept mis de l'avant dans le rapport. Pour une des premières fois, on y reconnaît que:
- les réserves sont essentielles à la mobilisation et jouent un rôle fondamental dans le plan de défense du Canada;
- un plan de mobilisation doit être développé dans les plus brefs délais;
- les réserves sont un lien vital avec la communauté;
- le concept de corps d'armée est la base de la restructuration;
- on doit intégrer les régiments des communications au commandement de la Force terrestre; et
- les unités de milice doivent avoir des rôles opérationnels et un budget qui leur est propre.
En ce qui a trait à ces points très positifs du rapport, nous voulons souligner l'importance de définir le plus rapidement possible le plan de mobilisation de manière à pouvoir assigner des rôles opérationnels spécifiques aux unités de milice pour leur donner un élément additionnel de motivation pour leurs troupes.
Cependant, il serait utopique de demander des quartiers généraux divisionnaires et des brigades avec tous leurs effectifs. Il faut comprendre que ce principe est une orientation qu'il faut envisager en temps de paix comme étant un objectif à atteindre lors de la mobilisation.
Comme nous vous le disions plus tôt, ce rapport est très bien, mais nous croyons que les points suivants ont été mal compris ou n'ont pas été traités par la Commission:
- le nombre de groupes-brigades de milice et le nombre de miliciens;
- le budget des réserves; et
- le système de dotation des unités de milice en fonction de leur effectif.
Nombre de groupes-brigades et de miliciens: Le rapport recommande sept groupes-brigades de milice avec un plafond de rémunération de 14 500. Nous croyons fermement qu'à cause des facteurs géographiques et démographiques, ces chiffres sont irréalistes et ont été dictés non pas par des considérations opérationnelles, mais par des interprétations du Livre blanc sur la Défense de 1994.
Avec un nombre de sept groupes-brigades et une moyenne de 10 unités par brigade, il ne resterait que 70 unités sur les 133 qui existent actuellement. Je reconnais la nécessité de réduire le nombre de quartiers généraux, mais une telle réduction est inacceptable pour les raisons suivantes:
- elle dégarnirait une grande partie du Canada des unités de milice et des retombées économiques qui y sont associées et ceci se ferait au détriment des régions rurales;
- elle retirerait un élément de formation et de discipline à une partie trop importante de notre jeunesse; et
- on n'aurait plus la masse critique nécessaire pour rencontrer les objectifs de base de la milice: augmenter la Force régulière et la mobilisation.
En termes de personnel, le rapport préconise un plafond de rémunération de 14 500 pour 1999. Or, le Livre blanc de 1994 identifie plusieurs domaines où les Forces canadiennes devront faire appel aux forces de réserve en plus de maintenir l'infrastructure nécessaire pour les différentes phases de la mobilisation.
Compte tenu des particularités de la milice, de l'étendue du pays, de l'organisation des Forces armées canadiennes et des tâches à remplir, nous estimons que le Canada a besoin de10 groupes-brigades de milice pour appuyer les forces régulières, plus trois groupes de milice par brigade régulière et un groupe de milice par centre d'instruction au combat. Il faut bien comprendre ici que pour le principe que nous voulons mettre de l'avant, il faut avoir le même nombre de groupes-brigades de milice dans chaque brigade régulière. Peu importe que ce soit deux, trois ou quatre, c'est un principe de base. Le Canada a aussi besoin de 9 à 11 unités par groupe-brigade de milice.
Cette distribution assurerait une répartition nationale adéquate qui tiendrait compte de l'emplacement des brigades régulières, du caractère linguistique des brigades, ainsi que de la population et des liens avec la communauté. Cela demanderait un plafond de rémunération de l'ordre de 17 500, ce qui permettrait alors d'avoir environ 22 750 dossiers actifs et représenterait une diminution du plafond de rémunération de 13 p. 100.
Budget des réserves: Un des faits surprenants du rapport est qu'il reste muet sur le coût des recommandations et l'économie que celles-ci généreraient par rapport à la situation actuelle. En effet, la raison d'être de la Commission était de faire des recommandations pour maximiser l'efficacité des réserves en fonction des sommes investies. Au départ, plusieurs laissaient entendre que le coût des réserves était trop élevé et qu'il y avait des économies substantielles à faire.
Les faits suivants sont ressortis durant les six derniers mois en ce qui a trait aux coûts de la milice. Initialement, les coûts étaient estimés à 674 millions de dollars, et la répartition montrait que 161 millions de dollars, soit 24 p. 100, étaient contrôlés directement par le commandement de la Force terrestre, alors qu'environ 45 millions de dollars, soit 7 p. 100, étaient dépensés au niveau des unités Les prévisions de 1995-1996 de la Défense nationale ont ramené ce montant à 546 millions de dollars.
Nous sommes convaincus que ce n'est pas en essayant de couper dans les 7 p. 100 du budget de la milice que l'on va faire les plus grandes économies et que les 161 millions de dollars contrôlés par le commandement de la Force terrestre représentent à peine 1,5 p. 100 du budget de la Défense nationale. Il y a lieu de se pencher sur cette réalité et d'essayer d'identifier les endroits où l'on peut faire de réelles économies. Il y a notamment les coûts élevés de l'administration, du recrutement et de l'administration de la paie, qui ont été identifiés par la Commission.
De plus, il faut absolument clarifier les coûts imputés au budget de la milice, qui constituent près de 76 p. 100 de ce budget. Une coupure de 25 p. 100 des effectifs ne se traduira pas par une coupure équivalente du budget. Un budget bien identifié serait de mise.
Système de dotation des unités de la milice: Finalement, nous attirons l'attention du comité sur le danger de procéder à des changements trop rapides avant d'en avoir évalué l'impact. Le système de dotation totale de l'Armée est une bonne chose en soi, mais on doit tenir compte des particularités de la milice.
Nous croyons qu'une unité de milice majeure doit être commandée par un lieutenant-colonel pour assurer les tâches supplémentaires d'une unité de milice et les liens avec la communauté, même si les effectifs de l'unité sont moindres que ceux d'une unité de la régulière.
La structure de commandement coûtera un peu plus cher, mais on économisera au niveau des problèmes qui auront été évités et on mettra en place une infrastructure pour la mobilisation à un coût minime. De plus, on assurera une profondeur de commandement pour pallier aux impondérables de la vie d'une unité de milice.
De plus, cette structure permettra de préserver le système régimentaire qui est étroitement lié à l'histoire canadienne. Nous ne sommes aucunement contre une rationalisation de la réserve et l'accroissement de son efficacité, comme le recommande la Commission, mais nous voulons préserver les unités qui le méritent. Il y a moyen de le faire sans procéder à des coupures aussi drastiques.
En terminant, nous sommes persuadés que la Commission a produit un bon rapport qui contient des recommandations qui doivent être retenues et mises en oeuvre. Cependant, nous recommandons au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants:
- de réviser à la hausse le nombre de groupes-brigades de milice, le nombre d'unités de milice correspondant et le plafond de rémunération;
- de ne pas retenir la coupure drastique des unités de milice réclamée par la Commission;
- de regarder où des coupures plus judicieuses pourraient être faites au lieu de sabrer dans les effectifs et de demander un budget bien défini pour les réserves;
- de maintenir le grade de lieutenant-colonel pour les commandants des unités majeures afin d'assurer une base de mobilisation et une profondeur de commandement; et
- de retarder d'au moins six mois le processus d'implantation afin que les analyses et les simulations appropriées puissent être faites.
Mesdames et messieurs, nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Allez-y, s'il vous plaît.
[Français]
Le lieutenant-colonel Gérard-R. Huot (4e Bataillon, Royal 22e Régiment (Châteauguay)): Monsieur le président, distingués membres du Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants, je désire tout d'abord vous remercier de me donner l'occasion de vous exposer mes points de vue sur le rapport de la Commission spéciale sur la restructuration des réserves. Mon intervention touchera plus particulièrement les recommandations exprimées en regard des chapitres 3, 5, 9, 10, 11, 13 et 14 du rapport.
Il va de soi que tout le travail qui a été accompli pour la production de ce rapport et tous les commentaires qui vous parviendront tiennent compte du fait que le gouvernement canadien continue à faire partie d'alliances internationales - c'est le statu quo à cet égard - et également du fait que le Canada continue de se préoccuper de la paix, de la sécurité et de la stabilité à l'échelle nationale et internationale.
Les rôles primordiaux de la première réserve: Il y a d'abord le renfort. Il est évident que certaines unités ont la capacité de fournir des pelotons et des sections constitués pour les incorporer dans les unités de la Force régulière allant en mission de maintien de la paix. Toutefois, pour toutes sortes de raisons, il semble impossible, selon l'opinion recueillie dans plusieurs unités, que cette recommandation puisse être appliquée. Le premier facteur qui vient contrecarrer cette recommandation est la disponibilité des membres qui ont des emplois civils. Il y a eu dans le passé, toutefois, quelques exceptions pour certains bataillons du Québec.
En ce qui a trait à la recommandation 2, l'expérience, à ce jour, semble néfaste, car personne, de source officielle ou officieuse, n'a pu nous dire si des officiers subalternes avaient été employés à des postes de commande. Si l'on désire que cette recommandation soit mise de l'avant, il faudra créer la possibilité et non attendre qu'elle se présente.
Pour ce qui a trait à la troisième recommandation, beaucoup d'intervenants se demandent pourquoi ils ont l'obligation de servir six semaines additionnelles dans l'unité avec laquelle ils ont servi. Le milicien devrait avoir le choix de suivre cette avenue ou de retourner dans son unité pendant cette même période de six semaines.
Assises de la mobilisation: Pour ce qui est des recommandations 4 et 5, on peut d'abord qualifier la recommandation 4 de vérité de La Palisse, et la cinquième recommandation devrait être définie dans les plus brefs délais.
La milice: Le chapitre 5 comprend plusieurs items traitant notamment de la restructuration, de la grandeur et de la composition d'unités, ainsi que d'allocation de fonds.
Structure révisée: Au niveau de la structure révisée, la Commission recommande que les districts soient éliminés et remplacés par sept groupes-brigades de milice, chacun commandé par un officier du grade de colonel.
On s'aperçoit que le rapport de la Commission spéciale nous ramène quasiment aux structures qui existaient en 1964 et qui ont été modifiées pour faire place à la structure actuelle, à la suite des travaux de la Commission Suttie. Il est évident qu'en procédant de cette façon, on réduirait partiellement l'administration en éliminant des districts, mais il faudrait toutefois procéder réellement par élimination et non pas en relocalisant, comme on le fait trop souvent.
La recommandation 7 parle d'une réorganisation de quartiers généraux sans toutefois faire allusion de quelque façon que ce soit à l'impact financier de cela sur le budget de la milice. Étant donné cet impact financier, qui a été illustré au tableau de la page 39 du rapport, il aurait été souhaitable que la Commission élabore davantage sur cette réorganisation.
Pour ce qui a trait aux systèmes de brigades, il faut ajouter que cette façon de procéder devrait être compatible avec les Forces régulières quant au niveau de commandement et également quant au niveau opérationnel.
Grandeur, composition et nombre d'unités de milice: Nous sommes à l'aise devant la recommandation 8 qui définit les critères de conservation des unités viables. Il nous faut toutefois ajouter que les rôles et les objectifs doivent être très bien définis.
Pour ce qui est de la recommandation 9, on recommande que la dotation totale de l'Armée soit mise en oeuvre et que le quartier général du commandement de la Force terrestre prenne tous les moyens appropriés pour informer les unités afin de corriger les fausses impressions entourant ce projet.
Il faudrait, à ce stade-ci, faire une distinction très marquée entre la régulière et la milice. On est souvent porté à dire que certains bataillons de miliciens ont trop d'officiers. Une grande partie des officiers de milice sont des étudiants au niveau collégial et universitaire et il arrive fréquemment qu'un officier demeure inscrit sur la liste des membres de l'unité alors qu'en réalité, il a pris un congé sabbatique pour terminer la présentation d'une thèse, une session d'études stratégiques ou d'autres cours parallèles qui empêchent sa participation active pendant une période indéterminée. Lorsque ces absences motivées seront terminées, il reviendra à l'unité. Il faudrait dire qu'il serait sage de quantifier et de comparer le nombre d'heures/officiers au lieu du nombre d'officiers.
Processus de réorganisation: Dans le processus de réorganisation, la Commission, dans sa dixième recommandation, énumère les lignes directrices. Plusieurs unités ont déjà eu à réduire de façon considérable leurs effectifs à cause de coupures budgétaires. Si la politique actuelle se poursuit, certains doutent même de la possibilité d'atteindre un plafond de 14 500 miliciens au 1er avril 1999. Plusieurs pensent qu'il ne sera pas possible de l'atteindre si les budgets et autres conditions cités au rapport ne sont pas rencontrés.
Pour ce qui a trait aux autres lignes directrices, il est évident que nul n'est mieux placé que la direction de la milice, de concert avec le CFT, pour mettre en place les différentes recommandations et décisions qui en découleront. Il est toutefois impératif que la direction de la milice soit impliquée de façon importante dans les décisions à être prises qui concernent son avenir.
L'allocation de fonds, le personnel des opérations et l'entretien: Le Conseil des colonels honoraires du Québec est majoritairement en faveur de la mise en oeuvre de ces recommandations dans les plus brefs délais possibles. Il est plus que temps qu'un commandant d'unité puisse administrer et gérer le budget relié aux opérations et à l'entretien de même qu'aux infrastructures.
Nous pourrions citer d'innombrables exemples de dépenses extravagantes dans certains services parce qu'il fallait suivre les directives archaïques du système. Les décisions prises par les unités entraîneraient des économies très appréciables et réduiraient le fardeau administratif des brigades proposées et du quartier général divisionnaire également proposé.
Actuellement, on peut affirmer que la transparence n'existe pas dans les budgets des unités. Nous croyons qu'une meilleure transparence et une participation plus active de la milice à l'allocation des fonds sont plus que souhaitables.
Le cadre des infrastructures de cadets: Au chapitre 9, nous aimerions simplement ajouter que l'appui au CIC devrait être amélioré par une croissance accrue au soutien financier, et non modérée, comme l'indique le Livre blanc sur la Défense de 1994.
J'ai personnellement l'occasion de visiter les corps de cadets, et huit corps de cadets sont affiliés à notre unité. Il est réconfortant de voir ce que nos miliciens accomplissent pour ces jeunes garçons et filles. Ils seront peut-être tentés un jour par une carrière militaire, ou peut-être ne le seront-ils jamais, mais il reste que nous aurons contribué, par cet apport, à former de meilleurs citoyens et de meilleures citoyennes.
Administration des réserves: Nous reproduisons ici le tableau publié à la page 39 du rapport de la Commission, qui démontre clairement la portion du budget du milicien absorbée par chaque palier administratif.
En scrutant ce tableau, on peut déduire que l'administration coûte 70 p. 100 alors que seulement 30 p. 100 du budget va à l'opération. Il faut absolument prendre en considération les infrastructures, soit les manèges, les équipements et les autres besoins.
On demande parfois à certains d'entre nous qui oeuvrent dans l'entreprise privée s'ils pourraient survivre dans un système semblable. Je n'ai pas besoin de vous donner leur réponse.
Nous avons, à plusieurs reprises, tenté d'obtenir des chiffres réels sur le coût de la milice. Nos sources nous ont mentionné des chiffres démontrant des écarts allant jusqu'à 300 millions de dollars. En regardant ce qui est inscrit à la page 14, on voit notamment le coût total de la Première réserve; on cite le chiffre de 1,028 milliard de dollars pour l'exercice financier 1994-1995. Selon une méthodologie révisée, l'estimation des coûts est abaissée à 875 millions de dollars. Comment peut-on prétendre être capable d'arriver à des modifications quand, au départ, on ne sait même pas combien coûte la milice? Pourquoi ne pas établir un budget «zéro» et, de là, déterminer le coût réel de chaque unité?
On aurait au moins une base qui nous permettrait de démontrer les coûts de fonctionnement réels des unités et y ajouter les coûts des structures administratives qui les régissent. Actuellement, on procède de la façon inverse. On absorbe tout dans l'administration et on donne ce qui reste aux unités. On cherche encore à couper au niveau des unités, ce qui est tout à fait illogique si la milice doit survivre.
On suggère également, à la recommandation 27, que l'opération «Red Tape» soit élargie à la Première réserve. Lorsque la Commission parle du fardeau administratif, elle dit, à la page 58 de son rapport, que «les plaintes sont si persistantes que la Commission est convaincue qu'elles reflètent un problème réel». La Commission dit cependant qu'on lui a donné très peu d'exemples. Nous croyons qu'il est du rôle de la Commission de faire une étude plus approfondie de cette partie du fardeau administratif dans le but de mettre à jour les problèmes administratifs réels et de les identifier clairement.
Il aurait été souhaitable qu'on en connaisse un peu plus sur l'opération «Red Tape» afin de pouvoir exprimer une opinion sur son impact sur l'administration de la milice.
Toujours selon notre tableau, il reste 30 jours-personnes au niveau de l'unité pour compléter l'entraînement d'un milicien, et nous nous posons de sérieuses questions. Est-ce qu'on doit couper ce nombre de jours-personnes alors que la Commission elle-même recommande que, de septembre à mai, on garantisse à la milice des fonds équivalant à quatre jours d'instruction par mois?
Le système de solde de la réserve: Le système de solde de la réserve est un fiasco. Nous avons entendu des commentaires mentionnant des chiffres allant jusqu'à 18 millions de dollars. Nous sommes d'avis que la Commission a effectué des recommandations très valables. Toutefois, dans le cours de son exposé, la Commission mentionne plusieurs solutions de rechange possibles concernant la solde.
Nous pensons que, dans les recommandations, on aurait dû inclure le recours à l'entreprise privée qui, selon nos sources et selon les chiffres avancés, peut offrir ces services à un coût très minime comparativement aux coûts de PIIR. Certaines sources nous ont mentionné des coûts 10 fois moindres pour la production d'un chèque et des rapports y afférents.
Dans tous les comités qui ont étudié le rapport et dans tous les synthèses d'études du rapport sur la Commission spéciale, tous ont été unanimes à dire non à la recommandation concernant une loi sur la protection de l'emploi. Beaucoup de facteurs militent contre cette recommandation, en particulier l'expérience des autres pays, notamment l'Australie, où cette façon de procéder n'a pas été un succès.
Si cette loi devient réalité, nous retrouverons, dans toutes les formules de demande d'emploi dans le domaine civil, une clause qui obligera le milicien à se déclarer. Cela peut devenir embarrassant pour le titulaire d'un emploi qui pourrait se voir refuser l'accès à un poste convoité. Si, par contre, le milicien fait une fausse déclaration, il s'expose à un renvoi justifié de la part de l'employeur. Nous croyons fermement que cette recommandation devrait être éliminée.
Toutes les études passées ont eu tendance à mettre l'accent sur les structures militaires, et il était probablement souhaitable qu'il en soit ainsi. Toutefois, nous constatons aujourd'hui que l'administration n'a pas suivi le virage technologique et que les structures se sont alourdies et ont amputé les budgets d'une façon inquiétante. Il est grandement temps que l'on coupe de ce côté pour réaliser des économies très substantielles et que l'on redonne à la milice les budgets dont elle a besoin pour accomplir les tâches que le ministère de la Défense nationale attend d'elle. Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Javornik.
Lieutenant-colonel (retraité) George Javornik (Régiment Royal de Montréal): Monsieur le président, honorables députés, je m'appelle George Javornik. Je suis colonel à la retraite, et actuellement, je suis colonel honoraire du Régiment Royal de Montréal. Je suis associé aux réserves depuis 30 ans. J'ai consacré 15 ans à la réserve des communications et 15 ans à la milice.
J'ai commandé des unités dans les deux éléments de la réserve. À cet égard, j'ai vu de près comment ces deux éléments fonctionnent. J'ai aussi commandé un district de la milice avant de prendre ma retraite en 1988, et depuis lors, je suis lieutenant-colonel honoraire et maintenant colonel honoraire du Régiment Royal de Montréal.
Dans mon autre vie, c'est-à-dire ma vie professionnelle, je suis actionnaire principal d'un bureau d'experts-conseils en gestion internationale. Je n'ai pas de mémoire à vous présenter cet après-midi; je suis ici pour appuyer les témoignages du général Boucher et du colonel Huot.
Le président: Merci beaucoup. Je vous remercie tous de vos exposés, qui apportent un éclairage nouveau sur certaines questions que d'autres témoins ont déjà abordées.
Nous avons dit qu'à la fin de la Guerre froide, nous n'avions plus d'ennemis, mais dans la vie politique, nous semblons en avoir un, et c'est le temps. M. Hart et M. Bertrand ont demandé la permission de partir à 17 h 15; par conséquent, pour la première série de questions, je vais demander à M. Jacob d'être le plus bref possible.
[Français]
M. Jacob (Charlesbourg): Absolument.
[Traduction]
Le président: Merci.
[Français]
M. Jacob: Je pourrais céder mon tour de parole, si M. Bertrand veut...
[Traduction]
Le président: Très bien. Nous donnerons la priorité à M. Hart et à M. Bertrand.
M. Hart (Okanagan - Similkameen - Merritt): Merci beaucoup, messieurs, de votre témoignage cet après-midi.
Aux pages 72 et 73 de leur rapport, les commissaires disent avoir eu l'impression de n'étudier qu'une petite partie d'une organisation beaucoup plus grande - et plus coûteuse. Pensez-vous que le comité doive proposer au gouvernement de se pencher sur l'organisation plus grande et plus coûteuse afin de trouver d'autres domaines où l'on pourrait réaliser des économies?
[Français]
Bgén Boucher: Je suis parfaitement d'accord sur le commentaire qui est fait dans le rapport, à savoir qu'il faut regarder l'ensemble des Forces armées.
Cependant, je voudrais préciser un point. Je disais que nous étions satisfaits du rapport. Sur41 recommandations, il y en a 35 qui nous satisfont. Nous avons une opinion divergente sur deux ou trois recommandations.
Il serait bon de mettre certaines recommandations en oeuvre immédiatement. Cependant, il faudrait regarder l'ensemble des Forces armées canadiennes, pour la simple et bonne raison que cette étude-là date déjà d'un certain temps.
Je parle simplement de l'Armée, et non pas de la Réserve aérienne et de la Réserve navale que je connais beaucoup moins. On parle du concept de force totale. Selon ce que je sais du concept de force totale, les deux éléments, la Réserve et l'Armée régulière, doivent apprendre à travailler ensemble et à connaître leurs propres limites.
On est d'accord sur ce concept-là, pourvu qu'il y ait de part et d'autre une bonne volonté de faire ce travail-là. On ne peut regarder une seule facette sans regarder l'ensemble du problème.
[Traduction]
Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?
Lcol Huot: Je suis d'accord sur la teneur de votre question. Il y a beaucoup d'autres choses à dire en ce qui concerne les pages 72 et suivantes. J'ignore si le temps leur a fait défaut ou si les commissaires n'ont pas obtenu d'informations pertinentes au sujet de l'administration.
M. Hart: Pensez-vous que cela était peut-être lié au mandat qu'on leur a confié? Vous avez remis les chiffres en question. C'était l'une des choses que l'on a...
Lcol Huot: Nous avons contesté les chiffres parce qu'on n'a pas suffisamment expliqué les frais généraux. Par exemple, nous aimerions avoir d'autres explications sur le nombre de jours qui entrent dans le calcul des frais généraux aux quartiers généraux. Il s'agit là d'un domaine où la Commission aurait pu apporter des éclaircissements.
M. Hart: Si le gouvernement s'en tient aux chiffres qu'il a présentés à la Commission, qu'arrivera-t-il à la milice? Quelle est l'incidence du plafond rémunéré de 14 500 sur la milice?
Lcol Huot: Je pense que l'incidence sur la milice réside dans le fait que nous pouvons nous attendre à recevoir des fonds supplémentaires et à pouvoir maintenir dans la milice un nombre suffisant d'unités, au lieu d'avoir des recommandations préconisant des unités plus importantes à la suite de certaines discussions qui se sont déroulées dans la journée. En effet, nous avons appris aujourd'hui que l'on envisage de constituer des unités de 300 à 500 membres. Compte tenu du rapport et de la situation dans la section de Québec, nous ne voyons pas d'unité de cette taille. C'est une question que nous aimerions...
Lcol Javornik: Le plafond rémunéré de 14 500 serait certainement limitatif. Il va de pair avec la recommandation selon laquelle il faudrait fusionner certaines unités. A cet égard, d'après notre expérience, chaque fois qu'il y a fusion d'unités, deux plus deux ne font pas quatre. L'unité fusionnée prend toutes les dimensions d'une unité indépendante comme celle que nous avons maintenant; elle en éprouve aussi toutes les difficultés.
D'autre part, il faut faire la différence entre examiner des chiffres pour le plaisir et le faire dans un objectif précis. Je pense que nous avons démontré la nécissité d'établir un lien entre le nombre de brigades de la réserve et le nombre de brigades des forces régulières qu'elles doivent appuyer. C'est là-dessus que doit reposer la restructuration d'une force de réserve dans la milice. C'est pour cela que nous recommandons de porter le nombre de brigades à dix. Ainsi, nous dépasserons le plafond rémunéré de 14 500, mais pas de façon incontrôlable. Cela nous donnera beaucoup plus de latitude pour faire un travail raisonnable au lieu de nous conformer à une démarche montée de toutes pièces pour essayer de respecter un chiffre apparemment arbitraire.
M. Hart: Où iraient ces groupes de brigades supplémentaires?
Bgén Boucher: Je répondrai à la question précédente avant de passer à celle-là.
À mon avis, le problème en ce qui concerne le plafond rémunéré de 14 500 tient au fait que nous ne serons pas capables d'accomplir toutes les missions qui nous sont confiées en ce moment. Actuellement, nous avons un plafond rémunéré de 19 957. Si nous l'abaissons de 25 p. 100 - telle est la recommandation - nous ne pourrons pas combler tous les postes.
J'ai dit dans mon exposé que nous allions priver les régions rurales des avantages inhérents aux unités de la milice et que nous ne pourrions pas non plus combler tous les postes dans le cadre des missions qui nous sont confiées.
En lisant les 41 recommandations du rapport, je me demandais si chacune avait été rédigée isolément, sans égard à l'ensemble des résolutions. Ce matin, nous avons assisté à une séance d'information de la Commission, et nous avons posé la question suivante: le chiffre de 14 500 a-t-il été fixé pour une raison fonctionnelle ou a-t-il été imposé arbitrairement? On nous a répondu qu'il avait été imposé. En ce moment, pour des raisons fonctionnelles, nous contestons les 14 500.
Ce matin, nous avons demandé aux commissaires quelle était la taille d'une unité, et ils ont répondu 300. Si vous multipliez 300 par 10, vous obtenez 3 000, et si vous multipliez ce chiffre par sept brigades, vous obtenez 21 000. Comment peut-on arriver à 14 500? C'est une simple question de mathématiques. Voilà pourquoi je dis que certaines recommandations ont été rédigées sans qu'on tienne compte de leurs répercussions.
À mon avis, étant donné mon expérience dans ce domaine - j'ai été commandant de secteur, commandant de district et chef d'état-major de la réserve - nous pourrions peut-être réduire les 19 000. Je recommande 17 500. Étant donné que toutes les unités n'organisent pas de parades tous les mois, nous pouvons augmenter l'effectif de 20 p. 100 ou 30 p. 100 et le porter à 22 000 personnes, avec un plafond rémunéré de 17 000.
Chose certaine, en réduisant la main-d'oeuvre de 25 p. 100, on ne diminue pas le budget d'autant. Nous consacrons 74 p. 100 du budget à autre chose que la main-d'oeuvre. Si l'effectif est réduit de 25 p. 100, le budget total de la réserve ne diminuera que de 6 p. 100. Peut-être devrions-nous examiner les postes qui accaparent 74 p. 100 du budget de la milice. Peut-être pourrions-nous faire des compressions à ce niveau, obtenir le même résultat et sauvegarder les effectifs. De la sorte, nous pourrons accomplir toutes les missions que le gouvernement nous confiera.
M. Hart: Vous avez dit que les régions rurales pourraient être touchées durement. Le rapport donne à entendre qu'il faudrait peut-être envisager de déplacer les unités de la milice et de la réserve dans les grands centres. Quelles en seront les répercussions sur la réserve et sur les collectivités rurales? Quelle est l'importance pour le Canada d'avoir des unités de la milice et de la réserve dans les régions rurales?
Bgén Boucher: Je vais répondre le premier et mes deux collègues interviendront ensuite. Je le ferai en français, parce que c'est plus facile pour moi.
[Français]
Je fais partie de la milice depuis 32 ans. J'y ai cru et j'y crois encore. Personnellement, je crois que la milice est un lien direct avec la communauté. La milice a permis de faire valoir les Forces armées à travers tout le pays.
Quand on essaie de rationaliser - je suis d'accord sur une rationalisation, mais pas une rationalisation à l'extrême - des unités de 300 personnes, on se rabat strictement sur les villes. Cependant, il ne faut pas négliger les régions rurales, où les unités apportent à la jeunesse du pays une certaine formation et une certaine discipline. Il faut bien se rendre compte que l'argent investi dans la milice justifie qu'on examine cela à long terme plutôt qu'à court terme.
Le milicien qui est resté quatre ou cinq ans dans la milice fera bénéficier la population de la formation qu'il a reçue pendant des années. Donc, selon moi, l'argent investi dans la milice est de l'argent bien investi.
En dehors des grandes villes, je ne vois pas comment on pourra réussir à faire des unités de 300. On n'a qu'à examiner les chiffres qui se trouvent à la fin du rapport.
[Traduction]
Lcol Javornik: Je dirais pour la petite histoire, que je faisais partie du premier déploiement de la milice en Europe en 1967. À l'époque, nous avons constitué un groupe de travail pour renforcer l'Armée canadienne dans le cadre d'un exercice de l'OTAN.
Je venais de Montréal, tandis que d'autres venaient de Pictou, de l'Ouest et d'autres régions du pays. Sur le plan du nationalisme canadien, disons que nous avons eu l'occasion, en très peu de temps, de prendre conscience de nos différences et de nos similitudes, ce qui a piqué notre curiosité à l'égard des différentes régions du pays et nous a permis d'apprécier des perspectives et des façons de faire les choses différentes des nôtres. Nous avons aussi noué des amitiés durables. Ce sont peut-être là des choses importantes pour un pays comme le Canada; elles revêtent certainement pour moi une importance capitale.
Je pense que ce serait une grave erreur de renoncer à tout cela pour des raisons purement comptables et pour économiser, afin de créer des complexes énormes et des grands centres au lieu d'être en contact avec des citoyens dans les collectivités.
M. Hart: Merci beaucoup, messieurs. Excusez-moi, je dois partir. Votre témoignage a été très important pour moi et pour le comité. Merci.
Le président: Merci, monsieur Hart.
Monsieur Bertrand.
[Français]
M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à nos témoins. J'ai quelques commentaires à faire et ils seront suivis d'une courte question.
Monsieur Huot, dans le tableau que vous avez présenté, on voit que 70 p. 100 des coûts associés à la milice vont à l'administration alors que le reste, 30 p. 100, va aux opérations.
Premièrement, j'aimerais vous dire que c'est la première fois qu'on voit des chiffres aussi bien détaillés que ceux-là.
Si je lis bien le rapport, je vois que les membres de la Commission ont recommandé d'augmenter de 30 à 40 p. 100 les sommes consacrées aux opérations.
Lcol Huot: C'est ce qu'on démontre dans ce tableau qui est à la page 39 de la version française du rapport et à la page 37 de la version anglaise. Le ministère de la Défense nationale prépare un budget basé sur 100 jours-personnes par milicien.
Par ce tableau, la Commission dit que le quartier général de la Défense nationale à Ottawa absorbe 15 jours, que le quartier général CFT en absorbe 15, que le quartier général de secteur en absorbe 35 et que le quartier général de district en absorbe 5. Quand on en est rendu strictement à l'unité, il ne reste que 30 jours-personnes par milicien. Tout le reste est pris par l'administration.
Il est vrai que certaines infrastructures ont d'autres besoins à combler, mais à la base, il reste 30 jours. Le calcul est simple. Cent moins 70, cela fait 30 p. 100 pour les opérations.
Si on élimine les quartiers généraux de district, il faut cinq jours-personnes. On ne les éliminera pas tous. Si on y va sur la base de deux ou trois brigades, on va faire des économies, mais je pense qu'il faut faire davantage. Il faut aller voir ce qui se passe dans le quartier général de secteur, au CFT, et à la Défense nationale, parce que ces chiffres-là sont réels. Ce sont des sommes qui sont réellement dépensées.
Donc, il y a certainement des économies possibles, ce qui pourrait améliorer notre30 jours-personnes/unité. D'abord, la Commission recommande que de septembre à mai, il y ait quatre jours par mois de disponibles pour entraîner notre milicien. Cela fait déjà 36 jours au départ. Il nous en reste 30, et on parle de couper dans nos budgets. Donc, il faudra trouver de l'argent quelque part. On sait que le budget n'est pas à la hausse puisqu'on va procéder à des coupures.
Dans l'entreprise privée, les grandes compagnies ne se sont pas dégraissées par le bas mais par le haut. Les grandes institutions nationales font de même. Je pense qu'il faut faire le même exercice à la Défense nationale.
M. Bertrand: Dégraisser en haut.
Lcol Huot: Par le haut et non par le bas.
M. Bertrand: Je constate que vous n'êtes pas d'accord sur le loi qu'on propose pour la protection de l'emploi. S'il y avait une certaine compensation pour les employeurs, changeriez-vous d'idée au sujet de cette loi?
Lcol Huot: Peut-être, mais à certaines conditions. On ne donnait pas d'explications. On disait simplement qu'il s'agissait d'une loi pour obliger les employeurs à respecter le mandat du milicien.
M. Bertrand: Merci beaucoup.
Monsieur Boucher, dans votre présentation, vous avez soulevé un point qui n'avait jamais été soulevé auparavant, soit l'aspect économique des manèges dans les sections rurales de la province.
Si on fermait ces manèges-là, je suppose que cela pourrait affecter, non pas le côté social, mais la situation économique d'une région. Les gens qui travaillent dans ces manèges paient des taxes et dépensent leur argent dans le village ou la ville. Avez-vous des chiffres pour nous démontrer quel serait l'impact fiscal de ces fermetures?
Bgén Boucher: Je n'ai pas fait le calcul. Prenons des unités que je connais bien, dans la province de Québec. Supposons qu'on décide de fermer Matane ou Rivière-du-Loup, deux sous-unités des Fusiliers du Saint-Laurent. Ces unités comptent une centaine de personnes qui s'y entraînent et qui reçoivent environ 30 jours de solde par année. Quand on multiplie cela par 65, on voit que ces unités ont un impact économique certain parce que ces personnes injectent leur argent dans la communauté.
Quant aux manèges, il est certain que les frais d'entretien... Dans le tableau de la page 39 du rapport, on ne tient pas compte de l'infrastructure. Il faut faire bien attention quand on étudie ces chiffres, par exemple ceux ayant trait au QG du secteur. Vous trouverez dans ce tableau certains chiffres ayant trait à l'entraînement des soldats. Ces gens-là gagnent de l'argent durant l'été, mais dépensent très peu dans la région des camps militaires puisqu'ils y sont confinés. Ils dépensent cet argent lorsqu'ils reviennent dans leur région. Cet impact est difficile à évaluer, mais il est certain et réel.
En ce qui a trait aux manèges, on paie des taxes aux municipalités et, en plus, on paie des frais d'entretien, de chauffage, etc.
Maintenant, quel est l'impact de ces manèges? L'analyse des coûts relatifs aux recommandations de la Commission n'a pas été faite. C'est sûr qu'avant de connaître l'impact, il faut adopter les principes et ensuite voir comment ces principes vont se traduire dans les coupures. Si on me dit qu'il faut viser des unités de 300, j'ai bien peur qu'on va devoir fermer celles des régions rurales.
La milice a toujours été perçue comme une présence du gouvernement fédéral et des Forces armées canadiennes en région. Je tiens énormément à cette chose en ce sens que c'est un facteur important qui doit peut-être l'emporter sur les considérations monétaires.
Quant aux considérations monétaires, si le gouvernement veut couper 25 p. 100 des effectifs des réserves, cela ne représentera pas des coupures de l'ordre de 25 p. 100 dans le budget, parce qu'il faut tenir compte de l'infrastructure qui demeure. On devrait plutôt regarder l'ensemble des dépenses. En examinant cela de très près, on pourrait trouver d'autres endroits où couper.
Je vais vous donner un exemple. Cela remonte à huit ans, lorsque j'étais chef d'état-major pour les réserves. Lorsque le Livre blanc est sorti en 1987, il était politically correct d'affecter à la milice de 20 à 25 p. 100 de toutes les sommes des Forces armées canadiennes.
Il y a peut-être lieu de se demander si cet argent-là va vraiment à la milice. A-t-on le droit de l'imputer au budget de la milice? On économiserait peut-être si on faisait cet examen.
Je pourrais vous donner d'autres exemples, mais on s'embarquerait alors dans des détails. C'est comme cela que je vois l'impact régional. Personnellement, en tant que milicien de formation, je déplorerais que la milice se retranche sur les grandes villes au détriment des régions rurales.
Lcol Huot: Il ne faut pas oublier qu'il il est très important de conserver une présence de la milice dans les milieux ruraux afin de continuer à donner un appui aux corps de cadets.
Comme je l'ai dit dans mon mémoire, même si ces jeunes ne font pas un jour une carrière militaire, ils se démarquent des autres et ils deviendront tout simplement de meilleurs citoyens. C'est un apport valable de la Défense nationale.
M. Jacob: Monsieur Boucher, monsieur Huot et monsieur Javornik, je vous souhaite la bienvenue.
En écoutant votre témoignage et celui de M. Huot, j'ai noté une contradiction. Vous pouvez m'éclairer là-dessus.
Vous dites à la page 4 de votre mémoire:
- La structure de commandement coûtera un peu plus cher, mais on économisera sur les
problèmes qui seront évités tout en ayant en place une infrastructure pour la mobilisation à un
coût minime.
Bgén Boucher: On parle de structures à deux niveaux différents. Dans mon mémoire, je parlais des unités, de la structure au niveau des unités. Une unité de 150 personnes doit être commandée par un major. Mais, techniquement, ce major va s'occuper strictement de l'entraînement.
Par la suite, lorsqu'il y aura des problèmes administratifs, lorsqu'il faudra créer des liens avec la communauté, lorsqu'il faudra s'occuper du recrutement et de l'entraînement des recrues, il n'y aura plus assez de structures pour le faire. Dans mon mémoire, je dis qu'au niveau de l'unité, il faut garder le lieutenant-colonel avec une structure adéquate mais amincie. Je suis d'accord, par exemple, qu'on pourrait n'avoir que deux majors au lieu de quatre. Pour ce qui est du coût, c'est très minime. Un lieutenant-colonel, par exemple, peut coûter entre 8 000 et 10 000 $ au maximum.
Ce coût est minime par rapport aux difficultés qui seront aplanies. La personne a plus d'expérience, elle a des liens et elle a le temps de s'occuper non seulement de l'entraînement mais aussi de l'administration. L'administration au niveau des unités de milice est un très, très gros problème. Je vais maintenant laisser la parole au colonel Huot. Je pense qu'il veut surtout parler des quartiers généraux.
Quant à moi, je ne voudrais pas avoir de quartiers généraux de brigade ni de quartiers généraux divisionnaires avec leur plein effectif, pour la simple et bonne raison que cela coûterait énormément cher. Cependant, cela nous donne une base sur laquelle on peut bâtir.
Pour ce qui est de garder l'unité de milice, je vais vous parler d'une expérience personnelle. J'ai quitté le commandement d'une unité de milice en 1975. J'avais quatre majors très bien formés et je me disais que l'unité de milice était entre bonnes mains, que son avenir était assuré. L'un d'entre eux m'a remplacé et deux ont été mutés à cause de leurs fonctions civiles. Un an après mon départ, il n'en restait qu'un qui avait été formé dans l'unité.
Si on n'avait pas eu la profondeur de commandement nécessaire, on aurait eu de sérieux problèmes. C'est une réalité de la vie dans une unité de milice. La personne est un soldat à temps partiel. Elle est à la fois soldat et citoyen. À ce niveau-là, elle peut être mutée. Donc, si on dit qu'une unité est composée de 150 hommes plus un major, et que cet officier est muté et qu'on se retrouve avec un capitaine, on accroît les problèmes d'administration. De plus, on ne répond pas ainsi aux besoins en matière d'infrastructures pour les phases II et III de la mobilisation et, éventuellement, pour une phase IV que j'espère ne jamais voir. Mais il faut quand même prévoir.
Donc, au niveau de l'unité de milice, l'infrastructure existe pour donner de la profondeur au commandement et pour fournir, à moindre coût, une infrastructure de mobilisation très saine, mais réelle, ce qu'on n'aura pas si on limite cela au grade de major.
Je vais demander au colonel Huot de commenter sur les quartiers généraux. J'espère avoir répondu à votre question.
M. Jacob: Oui. Dans le même chapitre, vous dites que vous voulez préserver les unités qui le méritent. Sur quoi vous basez-vous pour dire qu'une unité le mérite ou non?
Bgén Boucher: Les critères sont énumérés dans la recommandation 8 du rapport de la Commission.
La recommandation 8, pour moi, est une bonne recommandation sur laquelle on peut se baser. Je vous ferai remarquer que je ne demande pas qu'on préserve les 133 unités à travers le Canada.
S'il y a des unités qui, depuis plusieurs années, sont complètement inefficaces et n'ont pas réussi à recruter et à faire leurs frais, en toute logique, dans le contexte budgétaire actuel, je ne pourrais demander qu'elles soient conservées.
Mais je ne voudrais pas qu'à cause d'une amalgamation et d'une réduction très forte, des unités qui ont bien performé soient démembrées sans aucune raison. En somme, il faut se baser sur le mérite. Je suis d'accord sur les critères énumérés dans la recommandation 8, mais je suis en désaccord sur le plafond de rémunération de 14 500.
M. Jacob: Mais en ce qui a trait aux unités rurales, bien qu'on ait parlé de leur implication dans le milieu, il y a de fortes chances qu'elles disparaissent ou soient amalgamées si on suit les recommandations du rapport. C'est ce que vous craignez, si je comprends bien.
Bgén Boucher: Je vous donne l'exemple des Fusiliers du Saint-Laurent. Comme ce n'est pas mon unité, je peux en parler librement. Ils ont trois détachements: un à Rivière-du-Loup, un à Rimouski et un autre à Matane. Ceux de Rimouski et de Rivière-du-Loup font très bien leurs frais. Vous me direz que Rivière-du-Loup n'est pas une région rurale, mais c'est quand même un peu rural.
Il est sûr qu'on ne peut pas aller s'établir dans un petit village. Il faut quand même avoir une base de population sur laquelle l'unité peut... Je ne voudrais pas que ce soit concentré à Halifax, Montréal, Québec, Toronto, Vancouver, Edmonton, etc. Si c'était concentré dans les grandes villes, on perdrait le contact avec la population.
M. Jacob: Lorsqu'on parle d'une réduction de 25 p. 100, pensez-vous que, surtout dans la province de Québec, cela va plus affecter les petites unités comme celles que vous venez de mentionner, par exemple Matane qui ne fait pas ses frais ou qui ne se renouvelle pas?
En ce qui a trait à la diminution et à la répartition de certaines unités qui, selon vous, ne sont pas rentables, la réduction affectera-t-elle plus le secteur de la province de Québec ou si l'impact sera réparti dans l'ensemble des milices canadiennes?
Bgén Boucher: Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'on va diminuer de 25 p. 100 également partout au Canada. Il faut tenir compte de l'efficacité. Il ne faudra pas non plus dégarnir une région plus qu'une autre. Comment peut-on le faire? Tout simplement en ne réduisant pas le plafond de25 p. 100 tel que recommandé. Une telle réduction dégarnirait complètement certaines régions. Quant au rapport d'efficacité, si on se fie aux chiffres cités à l'annexe du rapport, on pourrait argumenter... M. Richardson, qui est ici, connaît très bien la situation en Ontario. Quant à moi, je connais très bien la situation au Québec.
Il serait moins dangereux d'attendre un an plutôt qu'un mois avant de porter un jugement sur l'efficacité d'une unité. Je pourrais diminuer de 25 p. 100 partout à travers le Québec, par exemple, mais il faut un certain minimum pour qu'une unité puisse survivre.
Actuellement, au Québec, le plafond de rémunération est de 4 713. Réduisez cela de 25 p. 100 et vous tombez à 3 500. Si on réduisait le plafond de 4 713 de 13 p. 100, cela donnerait un nouveau plafond situé entre 4 200 et 4 300 et on pourrait appliquer une bonne partie de la recommandation. Mais diminuer de 25 p. 100 partout à travers le Canada... Je vois là un problème. Vous posez la question pour le Québec.
M. Jacob: Lieutenant-colonel Huot, dans votre présentation, vous dites que le coût de la première réserve avait été estimé à 1,028 milliard de dollars, mais qu'en utilisant une méthodologie révisée, on a réduit ce coût à 875 millions de dollars. Dans le rapport du vérificateur général, on parlait d'un milliard de dollars pour les réserves. Selon vous, est-ce que cela est relié jusqu'à un certain point à la mobilisation des fonds au niveau de la Force régulière en ce qui a trait aux équipements, aux infrastructures, etc.? Est-ce qu'il existe une certaine obstination de la part de l'armée régulière quant aux fonds à être attribués à la réserve?
De quelle façon pourrait-on éviter que la régulière transfère à la réserve des frais qui ne sont pas nécessairement applicables dans le but de démontrer que la réserve coûte plus cher que la régulière? Cela a comme résultat de créer une espèce d'opposition entre la réserve et la régulière, on ne se le cache pas. On en a entendu parler assez souvent pour dire qu'il y a des petits problèmes qui sont parfois reliés au budget. De quelle façon pourrait-on corriger cette chose-là?
Vous avez également dit qu'il était temps que vous gériez vos budgets vous-mêmes, mais qu'en haut de la pyramide, ce n'est pas comme cela que cela se passe. Le rapport de la Commission ne fait pas de recommandation là-dessus. J'aimerais que vous me fassiez une suggestion.
Lcol Huot: J'ai naturellement pris les chiffres du rapport et, après les avoir lus et relus - je suis comptable agréé de profession - , je me suis demandé si, d'un simple coup de crayon, par une méthode comptable différente, on pouvait arriver à 138 millions de dollars de différence. Personnellement, j'en doute. Je pense que c'est dû à une mauvaise attribution des coûts. J'ai dit qu'il n'y avait pas de transparence sur la question des budgets attribués à la milice. Mais la milice, conjointement avec la régulière, doit participer activement à l'élaboration de son propre budget. Pour pallier à cette situation, la milice ne doit pas dépendre de la régulière pour préparer son budget. On ne devrait pas simplement lui dire : «Tiens, voilà ta portion». Je pense qu'on doit aller plus loin et la faire participer plus activement.
M. Jacob: C'est toute une modification que vous demandez au ministère de la Défense.
Lcol Huot: C'est vrai, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, pour faire des changements.
M. Jacob: En ce qui a trait au système de la paye, vous dites qu'on pourrait même aller à l'entreprise privée, ce qui coûterait 10 fois moins pour le service de la paie de la réserve. Je pense que tous ici savent que la paie de la réserve pose un sérieux problème. J'ai de la difficulté à associer une entreprise privée à tout le dédale de contrôles qui existent au service de la paie de la réserve.
Comment pourriez-vous assurer un contrôle là-dessus? Si un individu faisait six heures par fin de semaine, il serait contrôlé par son supérieur hiérarchique immédiat et, par la suite, il y aurait un nouveau contrôle pour la signature de sa feuille de temps. Cela n'en finirait plus.
Lcol Huot: C'est l'un des points dont on a parlé. Quand on parle de dégraisser par le haut, on parle du système archaïque où il faut 14 formules pour approuver six heures de travail.
M. Jacob: C'est à peu près cela.
Lcol Huot: Comment une institution internationale prépare-t-elle la paie de ses employés? Elle choisit une entreprise spécialisée, une banque ou autre, et dans chaque unité, des gens de l'administration préparent les contrôles de tout cela.
Au lieu d'envoyer tout cela au ministère, on l'enverrait à l'institution privée qui, elle, préparerait les chèques de paye, par dépôt direct ou autrement, et fournirait tous les rapports y afférents. Dans mon temps, il y a quelques années, en affaires, pour une liste de paye de 300 ou400 personnes, on payait 50 cents par chèque, y compris les rapports y afférents. C'est peut-être un dollar aujourd'hui. On dit que dans les systèmes actuels, il coûte près de 10 $ au ministère pour produire un chèque
M. Jacob: Et en plus, ils sont en retard. Merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Richardson.
M. Richardson (Perth-Wellington-Waterloo): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est un plaisir de recevoir ces trois témoins de Montréal. Je tiens à vous dire que votre travail est de première qualité. Certaines des choses que vous avez présentées ici sont inédites, et elles nous donnent une nouvelle perspective. Je suis ravi de voir mon vieil ami le général Boucher, ainsi que le colonel Javornik et le colonel Huot.
En ce moment, nous sommes engagés dans un débat très sérieux. La lutte pour le maintien d'une présence dans toutes les régions du pays est très importante pour nous tous, peu importe où nous habitons. Mais le comité doit formuler des recommandations fondées sur le travail de la Commission.
D'emblée, je dois dire que la Commission a établi pour nous une organisation, une structure et un objectif, et elle nous a donné de bonnes raisons de les examiner et de les modifier. Les modifications viseraient à les améliorer et à les rendre plus acceptables et, je l'espère, plus efficaces partout au pays.
Je voudrais revenir à une question de M. Bertrand. Nous savons que certaines unités devront quitter l'ordre de bataille et se mettre de côté ou s'intégrer à la réserve supplémentaire, mais d'autres pourraient faire partie d'une unité fusionnée. Elles pourraient être dirigées par le Régiment Royal de Montréal, mais ses membres porteraient l'insigne de coiffure des Grenadiers ou du Black Watch. La belle affaire! Ce n'est qu'un exemple, mais cela se produira. L'insigne de coiffure ne disparaîtra pas, car aux étapes 3 et 4 du programme de mobilisation, il faudra ressusciter ces régiments; tel est l'équilibre que nous devons rechercher.
J'admire le travail de la Commission, mais je pense qu'on peut l'améliorer. Tout semble être fondé sur les coûts. Ne pensez pas que 14 500 est un chiffre relatif au personnel. C'est un chiffre budgétaire. On l'a d'abord mentionné dans le budget pour faire des compressions à la Défense et allouer à la milice les sommes ainsi obtenues. Si nous pouvons réaliser des économies ailleurs, il faudrait les remettre à la milice, parce que ces économies existeraient et que le budget serait respecté; par conséquent, l'effectif pourrait dépasser 14 500 grâce aux économies réalisées.
Voici ce que j'ai à dire. Nous avons tout examiné, et certains ont recommandé que nous cherchions ailleurs parce qu'il y a d'autres secteurs des forces armées qui pourraient subir des compressions qui ne se répercuteraient pas aussi négativement sur cette institution nationale. Compte tenu de votre expérience, pensez-vous qu'il soit possible pour nous d'étendre notre mandat pour recommander que l'on examine peut-être d'autres secteurs des Forces canadiennes ou des organisations connexes où des économies pourraient être faites? Quelqu'un peut-il répondre à cette question?
[Français]
Bgén Boucher: Vous pouvez ajouter au mandat. La Commission a produit un très bon rapport. Compte tenu de l'échéancier qui leur avait été imposé, les membres de la Commission n'ont pu aller dans le détail concernant les coûts de leurs recommandations.
Ils ont fait des propositions - et cela répond un peu à ce que M. Jacob demandait tout à l'heure - sur les besoins au niveau de l'unité. Par exemple, ils proposent neuf mois à raison de quatre jours par mois, soit 36 jours par personne. C'est une très bonne idée. À partir de cela, on pourrait établir un budget sans changer toute la procédure du ministère de la Défense nationale. Une fois qu'on connaîtra le coût du personnel de toutes les unités qu'on aura décidé de garder, on pourra établir le budget de la Défense nationale.
Mais je serais curieux de connaître le coût final de l'opération une fois qu'on l'aura établi à partir du bas. Sera-t-il moindre, supérieur ou égal à ce que nous avons actuellement? La Commission n'a pas eu le temps de répondre à cette question, pour la simple et bonne raison que cela aurait pris plus de temps et plus de recherche.
Quant à l'autre question, je suis entièrement d'accord qu'à partir du chiffre de 14 500, on peut faire de la planification budgétaire. Là-dessus, il n'y a aucun doute dans mon esprit. Mais entre 14 500 et 19 957, je trouve que la coupure est trop drastique.
Je proposais 17 500 pour qu'on puisse avoir un effectif réel de 22 000 personnes efficaces. Vous allez me dire qu'on en ajoute 3 000 qu'on devra payer, mais j'ai l'impression qu'il y aurait moyen... Je n'ai aucun moyen de le prouver, car c'est une impression personnelle, mais je crois qu'il y aurait moyen de trouver, à l'intérieur du budget de la milice, une autre façon de couper, au-dessus du commandement de la force terrestre, dans les quartiers généraux supérieurs, et de rationaliser le budget de la milice.
M. Jacob: Bonjour, messieurs. Je dois vous quitter. Le ministre de la Défense nationale vient d'annoncer l'envoi de 1 000 personnes en Bosnie.
[Traduction]
Lcol Huot: Monsieur Richardson, j'ai quelque chose à ajouter.
Vous reprenez une partie des observations que j'ai faites dans mon rapport, à savoir que la Commission aurait dû se pencher davantage sur l'administration. Tout comme le général Boucher, le général Belzile nous a confirmé ce matin que le temps pressait et qu'ils devaient produire quelque chose. Les commissaires étaient très contents de nous dire qu'ils ont rédigé un rapport dans les délais prévus et sans épuiser leur budget; eh bien, ils peuvent utiliser le reste de l'argent pour obtenir des chiffres plus détaillés sur l'administration.
La solution serait très appréciée et je pense que nous pourrions trouver l'argent dont nous avons besoin dans les échelons supérieurs des quartiers généraux.
M. Richardson: Je comprends. Je voulais m'assurer que vous le consigneriez au compte rendu, et c'est pour cela que je pose ces questions.
Colonel Javornik, voulez-vous dire quelque chose?
Lcol Javornik: Monsieur Richardson, je disais simplement qu'il me semblerait très risqué et peu rentable d'imposer un plafond rémunéré de 14 500. Nous pensons qu'il y a beaucoup plus d'argent à économiser ailleurs et non pas à la fine pointe des choses ou à la ligne de front, c'est-à-dire au niveau des effectifs. Cependant, s'il s'agit d'un chiffre imposé dans le seul but de faire des compressions, qu'il en soit ainsi.
M. Richardson: Permettez-moi d'intervenir à ce sujet, car c'est très important. Je pense que c'est le colonel Huot qui a déclaré, et nous le savons tous, que l'excellent corps des cadets au Canada est entièrement basé au Québec. Telle est mon impression, mon jugement, et je l'ai vu de mes propres yeux. C'est un corps bien ancré et important, l'esprit d'entraide et la loyauté y sont tout à fait apparents quand vous voyez les cadets arriver à Valcartier.
Je ne pense pas que l'on ait tenu compte du sort qui sera réservé à ces précieux programmes de formation de la jeunesse que nous avons dans toutes les régions du pays si nous déplaçons ou supprimons des unités. Je suis donc ravi que l'on ait mentionné ce point.
Il y a d'autres choses qu'il faudrait examiner tôt ou tard, notamment l'idée des trois brigades pour appuyer une brigade de la force régulière. Nous pourrions obtenir un certain développement, et je le mentionne juste en passant. Dans le débat concernant le déploiement des Forces canadiennes en Bosnie, d'aucuns affirment que la force régulière est épuisée à cause du taux de roulement.
Peut-être devrions-nous former nos réservistes comme soldats polyvalents, mais spécialisés dans le maintien de la paix. Ils pourraient assurer cette activité parce qu'il a été démontré, dans les rapports de mission en Bosnie, que les unités de la milice se sont très bien acquitté de leur tâche. Pour autant que je sache, il n'y a pas eu de commentaires négatifs sur leur performance. Leur attitude était excellente, et leur rendement aussi.
Pour épargner aux soldats de la force régulière ce perpétuel bouleversement de leur vie familiale... Car nous les envoyons constamment en mission. Il semble - c'est du moins l'impression que donnent certains dans cette enceinte - que le moral est bas pour cette raison. J'ignore si cela est vrai ou faux, mais on le dit.
J'aimerais que l'on mette vraiment l'accent sur deux activités parallèles: la formation polyvalente au combat et certains travaux spécialisés, qui seraient intégrés au programme d'entraînement des dirigeants - jeunes officiers, capitaines, majors - , notamment en matière de négociation; comment définir une ligne de démarcation, comment intervenir dans certaines situations et s'en sortir. Pour le reste, il n'y a que les tâches ordinaires des soldats, mais l'on a besoin d'une formation spéciale en cas de conflit pour fouvoir négocier et savoir à partir de quelles positions le faire. Je ne pense pas que la milice ait jamais eu l'occasion de l'apprendre, contrairement à bon nombre des soldats de la force régulière.
Lcol Huot: J'ai signalé dans mon rapport avoir eu l'occasion de discuter avec deux officiers qui revenaient de la Bosnie. L'un d'eux oeuvrait dans le deuxième bataillon du 22e Régiment. L'autre appartenait au deuxième bataillon du 3e Régiment. Ils travaillaient à deux endroits différents.
Ils sont ravis de leur expérience. La seule observation qu'ils ont faite... Pour l'un d'entre eux, l'intégration aux forces régulières a été normale. Malheureusement, celle de l'autre officier au troisième bataillon, qui est le «1090», comme nous l'appelons, n'a pas été aussi bonne. Néanmoins, l'expérience a été positive.
Les deux officiers sont revenus au pays. Pour eux, l'expérience a été bonne. Ils étaient contents, mais ils auraient aimé accomplir d'autres tâches que celles d'un officier de liaison.
M. Richardson: En effet.
Lcol Huot: Ils auraient aimé participer de façon plus active.
M. Richardson: Je pense que la Commission l'a mentionné dans son rapport. L'officier va avec ses soldats et reste avec eux. Il commande ses propres soldats.
J'ai pensé au genre de situation que nous avons vécue au Moyen-Orient et à Chypre. Il y a certains conflits... et il y a des techniques de négociation qui sont appliquées par le commandant de peloton ou de compagnie, et non pas par un officier de liaison.
Lcol Huot: Non, cela serait peut-être possible si nous pouvions envoyer une unité complète, avec un officier commandant sa propre unité.
M. Richardson: J'ai beaucoup de choses... Je suis heureux que vous ayez tout mis par écrit ici.
Je vais cependant faire une recommandation à l'intention du comité; étant donné que nous entendons tellement parler de la milice, les membres du comité devraient peut-être assister aux manoeuvres d'entraînement à Valcartier, à Gagetown ou ailleurs pour constater l'amélioration que l'on a apportée à l'entraînement des réservistes au cours des dix dernières années.
Le président: Monsieur Leroux.
[Français]
M. Leroux (Shefford): Bonjour, messieurs. J'aurais une question à vous poser. Vous pourrez peut-être commenter par la suite. Dans le document qui a été présenté par le Bgén Boucher, à la page 5, il est dit:
- de regarder où des coupures plus judicieuses pourraient être faites au lieu de sabrer dans les
effectifs...
Sans entrer dans les détails, veuillez simplement nous indiquer les endroits où on devrait regarder. Plus tôt, vous avez parlé de la paie et de la façon dont elle pourrait être organisée, et vous avez donné d'autres exemples.
Y a-t-il d'autres gestes concrets qui pourraient être posés pour réduire les coûts et maintenir quand même un nombre acceptable de miliciens? Si les trois témoins veulent intervenir là-dessus, je pense que cela aiderait le comité lors de la rédaction de son rapport.
Bgén Boucher: Je vais commencer le débat et je laisserai ensuite mes deux confrères intervenir.
On est parfaitement conscients de la crise budgétaire que l'on vit. Tout le monde doit faire un effort. Ce n'est pas simplement une partie de l'organisation qui doit faire son effort.
Tout le débat à la Commission a commencé par des questions quant au coût des réserves. On disait que le coût des réserves était gonflé, surestimé, etc. Je ne connais pas les méandres et les détails du budget de la Défense nationale au niveau du quartier général.
Cependant, je trouve surprenant que 76 p. 100 des coûts ne soient pas sous le contrôle direct du commandant de la Force terrestre. C'est compréhensible. Cela pourrait représenter les coûts d'une acquisition en capital, pour des infrastructures ou des services pour maintenir les réserves. Je ne nie pas que ces chiffres existent. Il s'agit de se demander ce que l'on veut comme mission pour les réserves. Le rapport présente de très bonnes recommandations et insiste sur le fait qu'il faut définir le rôle des réserves. Il est important que l'on donne des missions opérationnelles aux unités et que l'on sache exactement ce que l'on veut des réserves.
Une fois qu'on aura défini ces principes, ces rôles et ces missions, on pourra dire: Qu'est-ce qu'il nous faut pour remplir la tâche? On dit de couper drastiquement, mais cette opération pourrait être dangereuse. Il est très difficile de rouvrir une unité qu'on a fermée.
Pour répondre directement à votre question, je dirais qu'il y aurait peut-être lieu... Je ne connais pas d'exemples. J'ai dit, plus tôt, que c'était politically correct, mais cela ne se fait plus maintenant.
Il est important que l'on définisse un rôle et que le plan de mobilisation soit établi. Cela fait10 ans qu'on demande un plan de mobilisation. Il faudra qu'on le fasse si on veut savoir quel est le rôle des milices.
En diminuant les effectifs et en augmentant les tâches, on réussira. Nous avons fait des recommandations. Établissons un plafond de rémunération de 17 500, ce qui nous permettra de garder une force de 22 000. Il y aura toujours moyen de compenser ailleurs pour le surplus de3 000 personnes. On éviterait ainsi de couper inutilement.
Malheureusement, je ne connais pas le détail du budget de la Défense nationale et je ne peux donc vous dire exactement où on doit couper. Est-ce qu'il y aurait moyen de le faire? C'est une question. J'insiste sur le fait qu'il faudrait définir les rôles et se demander ce qu'on attend de la milice.
Si on s'attend à ce que la milice garde tout simplement les points vitaux en cas de conflit - la phase IV de la mobilisation - , ce n'est pas comme si on s'attendait à ce que la milice donne continuellement du renfort à la Force régulière pour participer à toutes les missions de paix et à toutes les missions de l'OTAN.
La définition de ce rôle devient primordiale et essentielle. La Commission a fait un très bon travail à cet égard. Elle dit simplement qu'il faut que ces rôles soient définis et que le plan de mobilisation soit défini. À partir de là, je suis capable de vivre avec 14 500 si j'ai une mission mineure à remplir. Il faut bien se rendre compte que je vais faire en sorte que mes unités se concentrent sur ce rôle très mineur.
Vous vous demandez peut-être où j'ai pris de chiffre de 17 500. J'ai tout simplement fait le calcul suivant: 10 brigades, 10 unités, cela fait 100 unités avec un plafond de rémunération de 175, ce qui donne 17 500. Avec 175, je suis capable de maintenir une unité de 220 à 225 personnes. Naturellement, comme c'est une moyenne, je peux avoir à certains endroits une unité de 250 à275, mais dans le cas d'une unité médicale, je pourrais en avoir seulement 150. Il faut jouer sur la moyenne pour bien comprendre.
Je maintiendrais alors une infrastructure minimale et, une fois les rôles définis, je pourrais les faire exécuter. De l'avis de tous les miliciens que j'ai consultés - c'est un genre de gut feeling - , il y a moyen d'économiser ailleurs et d'atteindre les objectifs du gouvernement en coupant dans le gras.
Coupons dans le gras avant de commencer à couper dans les effectifs. C'est le message que je vous laisse. Je suis d'accord qu'au niveau de l'unité - il y a actuellement un lieutenant-colonel et quatre majors - , on pourrait vivre avec un lieutenant-colonel et deux majors. C'est ce genre d'exercice qu'il faudrait faire.
Le Commission n'avait pas le mandat d'aller jusque-là, et je pense que c'est une bonne chose qu'elle ne se soit pas penchée sur ces détails.
[Traduction]
Lcol Javornik: Pour répondre à votre question sur les endroits où l'on peut réaliser des économies, d'une manière générale et sans entrer dans le menu détail, je pense que le recours efficace à une impartition souple contrôlée à l'échelle locale réduirait considérablement les sommes - que nous appelons frais généraux - que nous dépensons pour faire les choses. Je pense notamment à la réparation des toits, à l'entretien des installations, à la location de véhicules et à l'embauchage de miliciens qui servent de chauffeurs.
Parfois, des véhicules sont loués à un point A pour être utilisés à un point B. Étant donné que nous ne pouvons pas les livrer au point B parce que nous n'en sommes responsables qu'au point A, où nous allons signer pour obtenir le nécessaire, il nous faut donc embaucher deux miliciens. L'un accompagne l'autre pour prendre livraison du véhicule, et les deux reviennent avec les deux véhicules au point B où ils sont censés être. Ce genre de gaspillage est fréquent.
Au prix que coûte la main-d'oeuvre de nos jours, cela devient éminemment onéreux pour rien. C'est ce que disait le colonel Huot tout à l'heure. Vous prenez votre rôle, vous prenez ce qui est nécessaire pour le financer à la base, et l'argent viendra du reste. Il faudra couper dans les échelons supérieurs si l'on n'a pas assez d'argent, mais actuellement, c'est l'inverse qui se produit. J'ignore quel mécanisme de coercition on peut mettre en place pour le faire; rien ne garantit que cet état de choses ne va pas se poursuivre même si l'on prend des mesures adéquates sur le plan budgétaire. Quelqu'un a peut-être une solution, mais je crois qu'un système d'impartition souple avec des mesures de contrôle adéquates pour les milieux d'affaires devrait également nous servir. Nous n'avons pas besoin de multiplier les échelons de contrôle plus qu'il ne le faut pour travailler ailleurs.
[Français]
Lcol Huot: On pourrait résumer la situation de la façon suivante: décentralisation de l'administration, plus de pouvoirs au commandant d'unité, tel que je l'ai défini et mentionné dans mon rapport. Je crois sincèrement à une réorganisation des quartiers généraux, à un dégraissement des quartiers généraux.
M. Leroux: Cela me fait un peu penser au Québec dans le domaine social. On fait faire des choses par les hôpitaux et les CLSC, et cela coûte énormément cher. Mais quand on fait faire ces choses par des organismes, il n'en coûte que de 25 à 30 p. 100 de ce que cela coûterait autrement. Mes pourcentages ne sont peut-être pas bons, mais décentralisez et donnez un budget au commandant du bataillon pour qu'il gère cet argent; quand il n'en aura plus, il n'en aura plus. Est-ce bien ce que vous suggérez?
Lcol Huot: Le commandant d'unité devrait avoir le pouvoir de décider de faire réparer ses véhicules sans être obligé de remplir 40 formulaires, de passer par le quartier général et de demander des approbations, et de les faire réparer à l'endroit le plus rapproché de son unité et au meilleur coût possible.
L'exemple du colonel Javornik, je le connais. Dans un bataillon stationné à 45 milles de Saint-Hubert, pour faire réparer un véhicule, on envoie un autre véhicule avec le premier afin de pouvoir ramener le personnel à la base. Une semaine plus tard, on fait le processus inverse. C'est ridicule. Des choses comme celle-là, on peut vous en raconter plusieurs.
Il faut que le commandant d'unité puisse administrer son budget et décider de ces choses-là et que la vérification se fasse comme partout ailleurs.
M. Leroux: Nous devrons tenir compte de cela lorsque nous rédigerons notre rapport et nos recommandations au ministre. Je vous remercie beaucoup, messieurs.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Leroux.
Messieurs, je tiens à vous remercier d'avoir bien voulu comparaître. Nous tiendrons certainement compte de votre témoignage, car depuis que nous avons entrepris nos audiences, nous avons entendu parler à maintes reprises des atrocités qui ont cours dans le système. Cet état de choses n'est vraiment pas nécessaire, et je pense que nous en sommes tous conscients. En 1994, nous avons consacré quatre mois à l'examen de la défense, et on nous répète encore le même genre d'histoires que nous avons entendues alors.
Avant de terminer, je crois que M. O'Reilly veut dire quelque chose.
M. O'Reilley (Victoria - Haliburton): Merci, monsieur le président.
Je tenais simplement à vous féliciter et à vous remercier de votre exposé. Comme vous le savez, nous avons 41 recommandations. J'avais 12 questions ici, mais la plupart d'entre elles ont été posées pendant la réunion.
À un moment donné, je pense que quelqu'un va nous indiquer de façon plus claire les secteurs où nous allons effectuer des compressions au quartier général, et nous donner des explications sur le coût des effectifs. Par ailleurs, personne ne nous a encore bien expliqué pourquoi le rapport passait sous silence la question du coût de l'élément militaire. J'en suis vraiment étonné. Je n'ai toujours pas de réponse à ce sujet.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup de votre exposé, messieurs. Vous avez soulevé des problèmes qui avaient pas encore été abordés, et vous avez mis l'accent sur beaucoup d'autres.
Un témoin: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: La séance est levée.