[Enregistrement électronique]
Le mardi 17 octobre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Avant d'aborder les travaux qui figurent à l'ordre du jour, j'aimerais proposer certaines choses au comité qui, je l'espère, les acceptera. Compte tenu de ce qui s'est produit, je permets certaines libertés puisque le comité directeur ne s'est pas réuni pour en discuter.
Comme vous le savez, notre comité a beaucoup de pain sur la planche. S'ils ne l'ont pas déjà reçu, les membres du comité recevront un rapport du président sur la planification financière de la Chambre - j'en oublie le titre - et le bureau de Régie interne se réunira pour étudier les prévisions budgétaires en novembre; ces prévisions devraient être disponibles peu après, en fait, à la fin novembre.
Si notre Comité désire faire des commentaires sur la planification financière de la Chambre des communes, il faut se réunir pour discuter de la questions sous peu. Le Président est disposé à comparaître devant notre comité, accompagné du très compétent greffier de la Chambre. Cette réunion pourrait avoir lieu mardi prochain. Je propose donc, si cela vous convient, que notre comité se penche sur cette question lors de sa réunion mardi prochain.
Je suggère donc aux députés de lire les documents financiers qu'on leur a remis et de préparer leurs questions pour la réunion de la semaine prochaine. Je sais que cela bouleverse quelque peu notre programme car nous devons nous pencher sur les limites des circonscriptions électorales. Je vais donc proposer que la prochaine réunion sur les limites des circonscriptions électorales ait lieu jeudi prochain. Il faudra donc avoir une réunion supplémentaire car habituellement nous nous ne réunissons pas le jeudi, pour permettre à nos sous-comités de se réunir mais je vous donne ce préavis parce que j'ai l'impression qu'il nous faudra plus qu'une réunion pour étudier les quatre rapports des sous-comités sur les délimitations des circonscriptions électorales, qu'on nous aura remis à ce moment-là.
Je propose donc que l'on se réunisse jeudi prochain et le mardi de la semaine suivante pour étudier ces rapports sur la délimitations des circonscriptions électorales. Si nous avons besoin de convoquer une troisième réunion, elle aurait lieu le jeudi suivant.
Cela nous force à reporter quelque peu l'étude du projet de loi de M. MacLellan. Je crois que si nous sommes chanceux nous aurons le temps de procéder à cette étude, et si cela s'avérait nécessaire, il y aura une autre réunion le jeudi pour régler cette question ainsi que celle des rapports des sous-comités sur la délimitations des circonscriptions électorales, à la fin de la troisième semaine.
Est-ce que ce programme pour les deux prochaines semaines convient aux députés?
M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Très bien.
Le président: De plus, afin d'éviter des problèmes de quorum vers la fin de la séance, je me demande si nous pourrions passer immédiatement à la troisième question à l'ordre du jour:
[Français]
l'étude et l'adoption d'une ébauche du rapport à la Chambre du Sous-comité des affaires émanant des députés.
M. Arseneault propose que l'ébauche du rapport soit adoptée et présentée à la Chambre.
[Traduction]
La motion est adoptée
[Français]
M. Laurin (Joliette): Est-ce qu'il s'agit des modifications aux articles 10, 11 et 18 du Règlement? C'est un autre document?
Le président: Il s'agit seulement de l'ébauche du rapport du Sous-comité sur les affaires émanant des députés.
M. Laurin: D'accord.
[Traduction]
M. Boudria: Monsieur le président, ce rapport est confidentiel jusqu'à son dépôt à la Chambre, n'est-ce pas?
Le président: Oui.
M. Boudria: Merci.
Le président: Madame Parrish, vouliez-vous dire quelques mots sur ce rapport?
Mme Parrish (Mississauga-Ouest): Oui, monsieur le président. Je désire féliciter le comité de la rapidité avec laquelle il a étudié cette série de projets de loi et de motions. Je tiens à le remercier de sa collaboration. Le greffier a été surpris de la rapidité avec laquelle le comité a étudié la question. Je suis convaincue que les choses avanceront rapidement et je tiens à en remercier le greffier. Il m'a dépanné lorsque je ne savais pas ce que je faisais, et tout s'est très bien passé.
Le président: Quand ce rapport aura été adopté et déposé à la Chambre, combien va-t-il rester d'affaires faisant l'objet d'un vote?
Mme Parrish: Aucune, pour l'instant.
Le président: Merci.
Nous accueillons aujourd'hui le greffier de la Chambre et son greffier adjoint responsable des services de la procédure, monsieur Montpetit.
[Français]
Tous les deux sont bien connus de tous les députés.
Je vous remercie de votre disponibilité, parce que je sais bien que vous êtes très occupés à la Chambre.
[Traduction]
Nous procédons à une étude de la désignation des députés, question qui a été soulevée la première fois à une réunion en juin dernier. Je dois dire que, compte tenu de ce qui s'est passé récemment à la Chambre, cette question semble avoir suscité beaucoup d'intérêt chez les Canadiens.
M. Ted White, dans un article publié dans un journal local de sa circonscription écrivait:
- Depuis les débuts de notre système parlementaire, les députés ont eu le droit absolu à la
liberté de parole à la Chambre. À titre de député, votre député, je jouis d'immunité en matière de
poursuites judiciaires en ce qui a trait à tout ce que je dis au Parlement en votre nom - il s'agit là
d'un droit précieux et important qui doit être protégé à tout prix, parce qu'il représente votre
garantie que vos opinions peuvent être entendues. Si les Libéraux adoptent leur proposition
visant à créer un service de police idéologique, on pourrait débrancher mon téléphone ou
réduire mon traitement si j'utilisais un terme que le Comité, qui est d'ailleurs dominé par les
Libéraux, jugeait que j'abuse de la liberté de parole. Comme un député l'a dit, «le
gouvernement pourrait devenir comme l'Université de la Colombie-Britannique, et les députés
auraient peur de dire quoi que ce soit de crainte d'offenser ledit service de police idéologique et
de peur que l'on débranche leur téléphone.
M. McWhinney (Vancouver Quadra): Au nom de l'Université de la Colombie-Britannique, je rejette ces calomnies à l'égard de la plus grande institution de recherche au Canada.
Le président: Vous devrez parler à M. White.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je pensais que ça pourrait semer le trouble.
M. Boudria: Pour lancer la balle, je dois signaler qu'il existe deux concepts qu'il faut bien distinguer.
Tout d'abord, un député jouit d'une immunité à l'égard des poursuites civiles pour tout ce qu'il ou qu'elle dit à la Chambre; cette protection est élargie pour inclure les témoins qui comparaissent devant un comité parlementaire. Il s'agit d'une protection sacro-sainte.
Nos collègues se souviennent sans doute de ce qui s'est passé lorsqu'une femme de la Colombie-Britannique a comparu il y a environ deux ans devant un comité parlementaire à mon invitation d'ailleurs. Une réalisatrice de CBC l'a menacé d'intenter des poursuites contre elle parce que Mme Eckstein avait utilisé des séquences d'un film de cette réalisatrice lors de son témoignage.
Cette réalisatrice a été réprimandée non seulement parce qu'elle avait proféré des menaces, même si en fait elle n'avait pas vraiment pu intenter des poursuites, mais parce qu'elle avait intimidé un témoin et par le fait même peut-être même dissuader d'autres témoins de comparaître devant un comité parlementaire. Celui qui craint de faire l'objet de poursuites, à raison ou à tort, pourrait être dissuadé de comparaître devant un comité et le Parlement ne pourrait pas profiter de leur témoignage.
La même chose vaut pour nous tous. Nous devons pouvoir dire sur le parquet de la Chambre des communes ce que pensent nos électeurs. Si ces derniers pensent qu'une question particulière devrait être soulevée, il ne faudrait pas qu'on puisse faire l'objet de poursuites simplement en raison de ce que nous avons dit à la Chambre des communes. Il s'agit là du premier concept.
Le deuxième - qui est bien différent - est celui de l'habilité de la Chambre, et non pas du gouvernement, d'adopter des règlements afin d'assurer le déroulement plus ordonné de ses travaux. La Chambre a toujours eu ce droit.
Il s'agit donc de deux concepts bien clairs, qui ne sauraient être confondus. D'aucuns diront peut-être qu'il ne s'agit là que d'un concept, mais ce n'est pas vrai.
Enfin, monsieur le président, la tradition veut que lorsque nous modifions le Règlement de la Chambre, nous n'avons pas recours à la sonnerie d'appel; nous déposons habituellement un rapport unanime de notre comité, qui est adopté à l'unanimité par la Chambre. Ce rapport ou ces modifications représentent donc la volonté de la Chambre.
Je me souviens que lorsque nous avions proposé de changer la prière de la Chambre, par exemple, cela avait suscité toute une controverse, même si je ne comprends toujours pas pourquoi. Nous avons également modifié d'autres articles du Règlement, par exemple ceux qui portent sur la façon de nommer les députés au comité, l'horaire des séances de la Chambre, et d'autres choses. Les recommandations visant la modification du Règlement sont habituellement acceptées par tous les membres du comité, et dans pratiquement tous les cas, ces propositions sont retenues par la Chambre. Ainsi, concernant ce que dit l'auteur de cet article, il ne s'agit pas de mesures prises par le gouvernement pour empêcher l'opposition de s'exprimer ou des choses du genre. Ça ne tient pas debout.
Le président: That's all.
Y a-t-il d'autres commentaires sur ces questions fort importantes?
Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Je crois qu'il importe de se rappeler que les propositions qu'étudie actuellement le comité n'empêcheront nullement les députés de faire valoir les opinions de leurs électeurs. Ces propositions visent à trouver une façon efficace et appropriée d'empêcher les députés de s'insulter les uns les autres, ou d'insulter un groupe de parlementaires, par leurs propos. Avant d'inviter nos témoins à prendre la parole, et j'aimerais parler brièvement de cette proposition et vous expliquer pourquoi je crois qu'il s'agit d'une question fort importante.
J'étais député lors de la dernière législature et j'ai entendu un de mes collègues traiter d'autres collègues de «putin» et «petit nègre». Lorsque le terme «putin» est utilisé en Chambre, on insulte non seulement la personne visée, mais on l'insulte tout particulièrement parce qu'elle est une femme. Je peux vous dire que comme députée, de femme députée qui était à la Chambre lorsque ce commentaire a été fait, j'en ai perdu le souffle, je ne peux pas décrire mes sentiments d'une autre façon. Même d'y penser maintenant me fait frissonner.
Ce genre de choses mine mon efficacité à la Chambre des communes et m'empêche de sentir que j'ai le même droit d'y siéger que M. Ringma, que M. Laurin ou que M. Malhi. Ce genre d'insulte diminue non seulement le respect que les députés et le public manifestent à l'égard de la victime, mais également le respect que les députés et le public manifestent à l'égard des femmes, de toutes les femmes.
La même chose se produit lorsqu'on insulte quelqu'un simplement en raison de la couleur de sa peau ou de son orientation sexuelle.
Nous avons discuté il y a environ deux semaines des remarques d'un de nos parlementaires et on s'était demandé s'ils étaient sexistes. Lorsque vous imitez ma voix parce qu'elle est plus élevée que la voix de la plupart des hommes, les voix qu'on a entendues dans cette enceinte pendant plus d'un siècle, oui, c'est là une attitude sexiste. On cherche à rappeler ainsi que je suis une femme et non pas un parlementaire.
Lorsque je suis dans l'enceinte parlementaire, lorsque je suis à la Chambre, je veux être traitée comme un parlementaire, qui mérite le même respect que tous les autres parlementaires.
Le problème est devenu tellement grave lors de la dernière législature, que le Président a créé un comité spécial chargé d'étudier la façon de régler le problème. Il s'agissait d'un comité composé de représentants de tous les partis qui a formulé des recommandations bien claires qui ont fait ressortir le fait que les règlements qui existent actuellement à cet égard ne permettent pas vraiment d'assurer que les députés recevront le respect nécessaire pour leur permettre de s'acquitter de leurs fonctions au nom des Canadiens. Le Règlement actuel ne permet pas à tous les députés de fonctionner sur un pied d'égalité.
Je ne crois pas qu'il faudrait reprendre tout le travail déjà fait par le sous-comité. Je crois que nous devrions nous pencher de nouveau sur les recommandations de ce comité. Les conclusions étaient claires et ont été adoptées à l'unanimité par tous les partis. Il n'y a eu qu'un léger commentaire dissident.
Il ne suffit cependant pas de s'excuser ou de retirer une insulte quand on l'a lancée publiquement comme ça à la Chambre. Cela ne dissuade personne. Cela n'améliore nullement le comportement des députés à la Chambre ou le respect qu'on devrait leur manifester.
Notre législature doit se prononcer clairement sur ce type de comportement et de langage qui est avilissant, insultant et offensant. Le député qui se comporte de cette façon ou qui tient de tels propos, ne peut pas simplement poursuivre ses activités comme si de rien n'était. Peu importe le parti que ce député représente. Ces commentaires sont absolument inacceptables. La Chambre doit clairement indiquer le mépris qu'elle a pour ceux qui démontrent un tel mépris à l'égard de la Chambre et des députés, elle doit le faire de façon beaucoup plus tangible et non pas simplement se contenter de dire que ce n'est pas gentil et qu'il faut s'excuser. Ce langage, ces termes figurent désormais dans le Journal des débats. Ils ne sont pas oubliés. Je m'en souviens. Je n'accepterais certainement pas ce genre de situation. Et, monsieur le président, je n'accepterais pas que les parlementaires de demain puissent se retrouver dans de telles situations.
Merci.
Le président: Madame Catterall, suite à ce que vous venez de dire, je demanderai au greffier de préciser certaines choses. J'avais cru comprendre qu'aux termes du Règlement actuel, lorsque le Président désigne un député, ce dernier est banni pour le reste de la journée. Est-il toujours possible de déposer une motion visant des sanctions supplémentaires pour ce député? Cette motion pourrait-elle toujours être proposée par un député? Pourrait-elle être mise aux voix?
M. Robert Marleau (greffier de la Chambre des communes): Jadis, le leader du gouvernement en Chambre présentait une motion visant l'expulsion d'un député. Je crois que c'est toujours possible. Les recommandations et les modifications proposées en 1985 par le Comité McGrath n'ont rien changé à cela. Ce rapport a accru les pouvoirs du Président de la Chambre, lui permettant donc d'expulser un député sans qu'il y ait motion formelle à cet égard, mais je crois que le mécanisme permettant à la Chambre de prendre des mesures disciplinaires contre un député existe toujours, nonobstant les pouvoirs accrus accordés au Président dans le Règlement.
M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): J'aimerais avoir une petite précision. Je reconnais qu'utiliser le terme «putain» à la Chambre à l'égard d'un autre député est absolument inacceptable. Sauf erreur le Règlement de la Chambre dit clairement que l'emploi de tels termes ou d'un tel langage est interdit et jugé non inacceptable?
M. Marleau: Le Président déclarera automatiquement que ce langage est antiparlementaire.
M. Ringma: Je suppose que nous avons une liste exhaustive de ces épithètes. Je crois que c'est un bon point de départ qui nous permettra de saisir les limites acceptables. Ce genre de langage est inacceptable à mon avis, mais je suppose que le Règlement a été modifié pour apporter plus de précisions, parce que...
Est-ce qu'il s'agissait d'un langage acceptable? Qu'a-t-on fait à l'époque?
Mme Catterall: Peu importe si on a accepté ou pas l'utilisation d'un tel langage. J'aimerais dire deux choses. Il faut décider si, en fait, l'autorité accordée à la Chambre, et au Président, dans de telles circonstances suffit vraiment à dissuader les députés et à encourager ces derniers à mieux se comporter.
J'aimerais également signaler que je suis ici, au Parlement, pour participer à des discussions avec tous les députés. Je crois que je suis même disposée à accepter certaines insultes, mais des commentaires racistes ou sexistes sont, à mon avis, plus qu'une insulte, pour les raisons que j'ai d'ailleurs données plus tôt.
Mr. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): J'aimerais emboîter le pas à Mme Catterall. Je m'oppose également à l'emploi du terme «putain» pas nécessairement parce qu'il ne s'applique qu'aux femmes, mais en raison de ce qu'elle implique. Je n'approuve certainement pas ce qu'a fait notre collègue, lorsqu'il a imité la voix d'une députée, mais je ne crois pas qu'il s'en prenait ainsi aux femmes. Il imitait simplement la façon de parler de cette personne.
Encore une fois, je n'approuve pas du tout cette façon d'agir. Je dis simplement que je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que c'est un comportement qui s'attaque aux femmes. Je n'approuve pas du tout ces choses, mais je ne crois pas que ces deux exemples étaient sexistes, ou étaient contre les femmes. On s'est comporté de cette façon pour communiquer un message. Ce n'était pas une bonne idée.
Mme Catterall: Il est évident que je ne me suis pas exprimée suffisamment clairement. Ces remarques sont hostiles aux femmes. Seule une femme peut juger si un commentaire est insultant pour elle en tant que femme, peu importe qui en est la cible. Personne d'autre ne peut se prononcer là-dessus - sauf le Président de la Chambre.
Le président: C'est évidemment lui qui devra trancher pour ce qui est du comportement à la Chambre.
Mme Catterall: J'ai bien ajouté «sauf le Président de la Chambre».
Le président: Monsieur McWhinney.
M. McWhinney: Avant que M. Marleau ne prenne la parole, j'aimerais revenir à certains des principes de base.
M. Boudria a fort bien résumé les antécédents parlementaires. Il ne faut pas oublier que le Parlement jouit en fait de tous les pouvoirs du gouvernement. Le Parlement est un vestige de tribunal. En fait, au XVIIe siècle, on parlait encore de la «Haute Cour du Parlement». Il reste donc au Parlement des pouvoirs judiciaires et les précédents établis à cet égard limitent et définissent ce que le Parlement peut faire. En fait, lorsqu'une Assemblée législative m'avait consulté à titre d'expert il y a quelques années, j'ai mentionné la pratique et les pouvoirs judiciaires associée au caractère du Parlement comme cour suprême.
Il est donc clair que le Parlement peut imposer ses propres sanctions. Il faut, comme le dicte la pratique, procéder par voie judiciaire. Évidemment, le Règlement est une forme de codification de ces pouvoirs judiciaires, mais le Parlement peut certainement adopter un nouveau Règlement.
Comme vous le savez, monsieur le président, les tribunaux traditionnels ne se mêlent pas des affaires parlementaires. Après tout, à toutes fins pratiques, une assemblée législative qui abuse de ses pouvoirs est rappelée à l'ordre par l'opinion publique et la réaction du public. Fort heureusement, notre système n'a pas souvent connu trop d'assemblées législatives qui abusaient de leurs pouvoirs.
J'aimerais savoir ce que M. Marleau pense de la question; je constate que lorsqu'on étudie ces questions on revient souvent à la situation qui existait avant la séparation des pouvoirs et Montesquieu influe sur notre système constitutionnel. Les pouvoirs judiciaires existent, y compris le pouvoir d'établir des sanctions, qui est un pouvoir assez important.
Je me contenterai d'ajouter qu'on a habituellement fait preuve d'une grande autodiscipline. En fait, dans cette opinion que j'avais rendue et dont j'ai déjà parlé, j'ai recommandé de ne prendre aucune mesure, et de se contenter de rendre publique la question.
J'aimerais savoir ce que M. Marleau a à ajouter à ce que M. Boudria a dit. J'aimerais connaître son opinion d'expert sur la pratique parlementaire.
[Français]
Le président: Monsieur Marleau, voulez-vous entendre les commentaires des autres députés avant de répondre?
Monsieur Arseneault, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je désire simplement appuyer les commentaires faits par Mme Catterall. J'étais également député de la législature précédente, et j'ai entendu certains de ces commentaires. Il n'est pas question de se demander si ces commentaires étaient antiparlementaires; il faut plutôt décider du type de sanction à imposer en pareil cas. Si un parlementaire peut lancer de telles injures à d'autres députés, est-ce vraiment le punir que de lui demander de retirer ses propos ou de s'excuser, en précisant que les mots ont dépassé sa pensée? Il faut une sanction qui dissuade ce député de faire la même chose à nouveau et qui dissuade les autres députés de l'imiter.
Je me dois également d'apporter une précision, monsieur le président. Lorsque vous avez amorcé la discussion aujourd'hui, vous avez fait certaines remarques et cité des documents, ou un article, rédigé par un autre député. On y parlait de la majorité libérale. Évidemment, la majorité des membres de ce comité représentent le Parti libéral, mais les recommandations que nous étudions ont été formulées par un comité d'une législature précédente, où les Libéraux ne représentaient pas la majorité, d'un comité qui comptait des représentants de tous les partis qui ont accordé leur appui à ce document. On avait alors convenu qu'il fallait prévoir des sanctions.
Je ne dis pas que je suis pleinement d'accord avec les sanctions qu'on propose, mais je sais qu'il faut accroître les pouvoirs du Président pour lui permettre d'intervenir lorsque les députés font des commentaires sexistes ou racistes. Si nous étudions les législatures précédentes et la législature actuelle, nous constaterons que les Présidents ont longuement réfléchi avant de se prononcer sur une affaire et pèsent bien la portée de leurs décisions avant de désigner un député et d'imposer des sanctions. En fait, je sais que le Président dans la plupart des cas essaie de trouver toutes les façons diplomatiques de procéder.
Parce que le Président de la Chambre est en fait le serviteur de la Chambre, je crois que nous devons lui donner un certain pouvoir, un pouvoir plus important que celui dont jouissaient ses prédécesseurs. Il suffit d'étudier les décisions rendues par les Présidents des assemblées législatives précédentes, peu importe leur affiliation politique, pour constater qu'ils ont agi d'une manière judicieuse. Il faut donc sérieusement étudier ce rapport.
Cela dit, je vous rappelle que je n'approuve pas nécessairement toutes les sanctions proposées. J'en parlerai plus en détail plus tard. J'aimerais peut-être faire une comparaison avec les sanctions imposées par d'autres assemblées législatives. Par exemple, hier soir un député a été désigné à l'Assemblée législative de l'Ontario. Je ne connais pas tous les députés de l'Ontario, mais ce député semble être une nouvelle recrue qui ne comprenait peut-être pas exactement la portée d'une désignation par le Président. Le Président lui a demandé de retirer un commentaire et il ne l'a pas fait. Le Président a dit «Retirez-vous ces commentaires» et il a répondu «Non». Puis, soudain, le Sergent d'armes était à ses côtés pour l'escorter à l'extérieur de l'enceinte législative. Je ne crois pas qu'il savait vraiment ce qu'il faisait ou les répercussions que cela pourrait avoir.
Ainsi, chers collègues, les commentaires qui ont été faits par le passé et lors des travaux de la dernière législature sont une chose très grave, suffisamment grave pour qu'on en traite ici au lieu d'attendre que quelqu'un pousse les choses trop loin et qu'on commence à dire, par l'entremise des médias, quelles sanctions devraient être imposées au député fautif. Prononçons-nous donc maintenant, prévoyons des sanctions, les sanctions nécessaires pour empêcher un tel comportement abusif à la Chambre.
Merci.
Le président: Madame Parrish.
Mme Parrish: Merci, monsieur le président.
J'aimerais m'éloigner de la liste de sanctions. J'appuie Mme Catterall, mais je crois que le problème est beaucoup plus fondamental qu'une simple question de règle ou de règlement à l'égard du vocabulaire autorisé.
J'ai été présidente d'une commission scolaire. Les gros mots, les cris, et le mauvais comportement qu'on retrouve à la Chambre des communes me fait penser à ce qui se passe dans une classe de troisième année. Quand je suis arrivée au Parlement j'ai été absolument épatée par les édifices impressionnants. Mon mari est venu, on lui a permis d'occuper le siège d'un député pendant la séance d'orientation. Il était pratiquement au bord des larmes. Il ne voulait pas bouger, il n'osait pas gigoter parce qu'il s'agissait d'un endroit vraiment spécial.
Un des partis dont les représentants ont été élus à la Chambre des communes a dit qu'il changerait la façon dont les gens se comportaient à la Chambre. Je ne crois pas qu'aucun des partis puisse se vanter du comportement exemplaire de ses membres. Je crois que nous nous comportons comme des gladiateurs, comme un auditoire d'un combat de coqs et non comme des gens qui participent à des travaux parlementaires. Je crois que si les trois partis voulaient vraiment s'engager à mettre fin aux coups de sifflet, aux insultes et aux grossièretés, si le Parlement décidait qu'il n'acceptera plus que les députés interpellent en criant un député d'en face et se comportent de cette façon, nous pourrions vraiment changer les choses une fois pour toutes.
Les gens se comportent à la Chambre un peu comme les élèves de troisième année, et on va même juste qu'à applaudir lorsque quelqu'un se lève pour poser une question. C'est comme si on essayait d'encourager son gladiateur à se laisser emporter par l'émotion et oublier son bon jugement.
Quant aux commentaires dont a parlé Mme Catterall, on n'agirait pas comme ça à un coquetel. Pourquoi le faire dans la plus haute instance du pays, cela me dépasse. J'ai honte des députés, qu'ils soient de mon côté de la Chambre ou en face de moi. Fort heureusement, mon français n'étant pas bon je ne suis pas trop bouleversée par les commentaires des députés bloquistes parce que je ne comprends pas la moitié de ce qu'ils disent.
Le fait est que personne ici ne se comporte d'une façon civilisée. S'il faut s'imposer toute une série de règlements, c'est comme si on était directeur-adjoint à l'école - ne mâche pas de gomme, ne la colle pas sous ton pupitre, ne fais pas ceci ne fais pas cela; enfreins les règles et tu auras une retenue. Nous ne sommes pas des enfants. Je ne veux pas qu'on m'impose toutes sortes de règles. J'aimerais que notre comité présente une résolution et qu'ensuite nos caucus respectifs décident que si l'un de nos collègues commence à mal se comporter comme un enfant, nous, ses collègues, allons lui dire d'arrêter.
Le ton même de la Chambre doit changer. C'est ma position.
Le président: Madame Ringuette-Maltais.
[Français]
Mme Ringuette-Maltais (Madawaska - Victoria): Vu que vous êtes en train d'étudier tous les règlements et mesures disciplinaires se rapportant aux députés, je voudrais profiter de l'occasion pour vous signaler quelque chose.
Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'incident qui s'est produit en juin dernier et qui me concernait. Il ne s'agissait pas à ce moment-là d'insultes verbales, mais bel et bien d'assaut et d'insultes physiques contre ma personne à l'intérieur de la Chambre.
J'aimerais que le Comité, au moment où il est en train de revoir les règles et les mesures disciplinaires relatives aux députés, porte une attention toute particulière à un précédent qui a probablement été créé à la Chambre. Je ne voudrais pas qu'une telle chose se reproduise. Si elle se produisait à nouveau, je voudrais que des mesures disciplinaires très sévères soient prises contre les personnes qui font un mauvais usage de leur force physique en cette chambre.
[Traduction]
M. Boudria: Même si cela ne nous déplaît, nous devons adopter des règles sévères. Le Parlement en a toujours eues.
Le commentaire no 1 de Beauchesne décrit les principes du droit parlementaire. Les voici:
- Protéger la minorité contre l'imprudence ou tyrannie de la majorité, s'assurer que les affaires
publiques soient traitées d'une façon ordonnée, permettre à chaque député d'exprimer son avis,
sous réserve de restrictions indispensables au maintien de l'ordre
- ...c'est très important...
- et du bon emploi du temps, faire en sorte que le temps imparti à l'examen de chaque mesure soit
amplement suffisant, et empêcher les interventions législatives irréfléchies.
D'un autre côté, il y a parfois dans cet endroit une ambiance de bagarre, c'est parfois un peu théâtral, et on y ressent parfois des émotions fortes. Certaines personnes, étant donné leur culture, leur communauté, etc; s'expriment avec plus d'émotion que d'autres.
Je n'y vois rien de mal. Je crois que c'est bien. Cela fait partie de ce que nous faisons. Nous faisons parfois des propositions complètement illogiques. À d'autres sujets, nous nous exprimons parfois de façon instinctive. Sur d'autres sujets, les sentiments que nous exprimons viennent du coeur. C'est toujours acceptable. Ce n'est pas toujours pareil; le Parlement n'est pas une simple machine à adopter la législation. C'est plus que cela.
Pour ce qui est du langage répréhensible, les gestes peut-être, même les agressions, sont importants aussi, mais tous les comportements répréhensibles n'ont pas toujours été déclarés anti-parlementaires auparavant. Alors lorsque M. Frazer parle de précédents établis, il importe de signaler que l'évolution continue. La liste ne cesse de s'allonger. Ce n'est pas une liste exhaustive, et ce ne sera jamais le cas. Elle changera constamment. Et d'une.
Lorsque le Président de la Chambre décide qu'un comportement est anti-parlementaire, soit parce que c'était le cas auparavant ou parce que c'est le cas maintenant, il entraîne une discipline.
Il faut d'abord demander au député de se rétracter ou de retirer les paroles qu'il ou elle vient de prononcer, mais dans l'ère électronique moderne, aucune rétractation ne peut être totale. Qu'on le veuille ou non, une fois les paroles prononcées et entendues à la télévision, ou mises sur bande vidéo, vous pouvez bien retirer vos paroles tant que vous voudrez, mais elles sont toujours là. Ce n'est pas comme à l'époque du seul Hansard écrit. Lorsqu'une personne avait retiré son langage répréhensible, ce langage disparaissait ou aurait pu disparaître du Hansard, si tel était le désir de la Chambre. Ce n'est plus le cas.
J'imagine qu'on pourrait élaborer des scénarios pour en arriver à ce résultat, en permettant de différer d'une demie heure la diffusion et ainsi de suite, pour supprimer ces remarques répréhensibles. Ce n'est pas très pratique, mais je présume qu'on pourrait le faire, sur le plan technique. Mais dans la vraie vie, je vous dirais qu'en ce moment, aucune rétractation n'est complète. Elle est toujours par définition incomplète.
Nous devons donc faire encore plus attention que nous ne l'aurions fait il y a une, deux ou trois générations, parce qu'il nous faut composer avec ce facteur. C'est un autre aspect à considérer.
Une fois terminée, si la rétractation n'est pas suffisamment complète ou même si elle satisfait tous les parlementaires un effet résiduel subsiste néanmoins comme je l'ai dit. Si la personne refuse toute rétractation, c'est encore plus vrai.
Il y a ensuite toute la question des sanctions à imposer, selon que la personne s'est rétractée entièrement, à moitié ou pas du tout. Voilà l'essentiel de la question. Nos sanctions actuelles sont insuffisantes. Elles n'empêchent pas la récidive, ni même la première infraction.
Un rapport a été préparé, et je faisais partie de ce comité de façon plutôt ponctuelle, parce que j'étais l'adjoint du whip ainsi que le leader suppléant à la Chambre pour l'opposition, tout comme vous, monsieur le président, du moins en tant que leader suppléant à la Chambre, et non adjoint du whip. Mais je ne crois pas que vous ayez participé à ce comité. J'y ai participé, et on a augmenter les sanctions dans une certaine mesure.
Il y a deux raisons qui l'expliquent. Ce n'est pas simplement pour accorder plus d'autorité au Président, comme le disait mon collègue M. Arseneault, quoique c'est aussi un facteur.
Deuxièmement, c'est pour guider le Président, parce que le Président est le serviteur de la Chambre, encore comme le disait M. Arseneault, et c'est très vrai. Il est le serviteur de la Chambre et je suis certain qu'il veut des conseils, pour savoir comment la Chambre perçoit l'exercice de la discipline. Il serait normal qu'il veuille des conseils. Pour quelle raison le Président voudrait imposer - et je vais donner un exemple fictif - une sanction pour une durée de deux semaines alors que la Chambre s'attendrait à ce qu'il impose une sanction d'une journée, ou encore le contraire? C'est pour cette raison que nous sommes ici et que nous devrions donner ce genre de conseil.
Je crois qu'il faut se pencher sur le rapport du comité consultatif spécial de la dernière législature. Je ne suis pas d'accord avec toutes ses recommandations, mais il y en a beaucoup de bonnes. Par exemple, lorsqu'on suspend quelqu'un, il ne faudrait pas que ce soit seulement pour le reste de la journée mais plutôt pour le reste de la journée et une autre journée complète. Aussi, par suspension on n'entend pas simplement une suspension de la Chambre mais aussi de tous les comités de la Chambre.
Tout cela y est inclus. Je crois qu'il faut revoir chaque article, en extraire ce que nous croyons être approprié et l'utiliser pour amender notre Règlement pour que monsieur le Président de la Chambre puisse s'en servir comme guide pour en imposer des mesures disciplinaires, à l'avenir.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, nous devons être d'accord sur l'objectif recherché lorsqu'on nous propose des modifications à la loi. Cependant, moi aussi, je trouve qu'il faut agir avec une extrême prudence. Quand on parle de qualifier des mots qui seraient acceptables ou inacceptables à la Chambre, il faut se rappeler que les mots n'ont d'importance qu'en autant qu'ils transportent une idée. C'est seulement dans le dictionnaire que les mots ont un sens objectif. Dès que les mots sont utilisés par une personne, ils deviennent subjectifs.
Si on laisse la personne visée seule juge du fait que le mot en question est offensant ou non offensant pour elle, on risque de s'en remettre à la sensibilité plus ou moins grande des personnes en ce qui a trait à l'usage d'un mot quelconque.
Si quelqu'un me traitait de gros personnage, je pourrais m'en sentir offensé. Si on disait la même chose à M. Boudria, je ne suis pas sûr qu'il s'en sentirait offensé. Le message qu'on veut livrer, en utilisant le mot «gros», n'est pas le même selon la personne à qui l'on s'adresse. Pourtant, le mot «gros» en soi n'est pas nécessairement péjoratif.
Quand on siège à la Chambre, on se porte toujours à la défense des idées et de la philosophie d'un parti. Comme chaque parti a intérêt à trouver que les gens d'en face abusent de la signification de certains mots, on risque parfois de trouver une signification exagérée aux mots utilisés.
Un parti à la Chambre a toujours intérêt à faire mal paraître l'autre parti. Je pourrais demain matin me sentir extrêmement offensé du langage tenu par un député ministériel, parce que j'aurais avantage à tirer profit de la maladresse d'un député qui n'est pas du même parti que moi.
On risquerait de brimer la liberté d'expression si on allait trop loin dans les pouvoirs qu'on voudrait s'accorder à ce sujet. À mon sens, il n'y a pas de mots pris objectivement qui sont en soi péjoratifs.
Quelqu'un mentirait à la Chambre en prétendant que c'est aujourd'hui vendredi. Pourtant, si je disais que c'est aujourd'hui vendredi et que d'autres députés se levaient pour me dire que je suis un menteur, le mot «menteur», dans ce sens-là, ne serait pas très péjoratif. Si on décrète que le mot «menteur» est inacceptable à la Chambre, nous allons passer notre temps à nous excuser.
À mon avis, le Président doit juger les intentions cachées derrière les mots. C'est ce pouvoir-là qu'il faut accorder au Président, avec des limites. Il ne faudrait pas que le Président passe son temps à bouter des députés hors de la Chambre. Il faut avoir des limites en ce qui a trait aux sanctions.
Je pense qu'il faut donner au Président un pouvoir suffisamment coercitif pour qu'il ait le plein contrôle de la Chambre, mais il faut aussi permettre aux députés de s'exprimer très librement en utilisant parfois des mots durs. Ce n'est pas parce qu'un mot est dur qu'il est nécessairement irrespectueux, et il faut que quelqu'un détenant l'autorité ait le pouvoir de juger des conséquences de ces mots-là.
En ce qui a trait aux sanctions, c'est la même chose. Je pense qu'il faut qu'il y ait des sanctions, mais des sanctions appropriées. Il pourrait être acceptable de suspendre un député pour une journée, pour le reste de la séance. Pour une deuxième offense, ce pourrait être cinq jours et pour une troisième offense, 20 jours. Mais quand on en arrive à couper les indemnités des députés, c'est comme si on voulait signifier qu'un député ne gagne son salaire que lorsqu'il est à la Chambre.
Un député ne gagne pas ses indemnités seulement par sa présence à la Chambre. Il les gagne aussi par son travail à son bureau de circonscription et à son bureau d'Ottawa, en rencontrant les gens qu'il représente. Quand on prive un député de ses indemnités de parlementaire pendant cinq, 10 ou 20 jours parce qu'il fait l'objet d'une suspension, on va trop loin. Le député qui ferait l'objet d'une telle sanction ferait mieux de prendre des vacances. Il se dirait: J'ai été suspendu de la Chambre pendant 20 jours; je m'en vais en vacances, car je ne suis pas payé pour travailler. À ce moment-là, on priverait les citoyens d'une juste représentation. Même si leur député n'était pas à la Chambre, il pourrait au moins préparer d'autres dossiers et continuer à faire son travail.
Je pense qu'il y a dans ce rapport des recommandations extrêmement lucides auxquelles nous devrons accorder notre assentiment. Toutefois, je vous rappelle qu'il faut protéger le droit de parole des députés et ne pas aller trop loin en ce qui a trait aux suspensions automatiques.
[Traduction]
M. Ringma: Madame Parrish a dit qu'il y avait eu faute des deux côtés de la Chambre, mais qu'à cause de la langue, elle n'était pas sûre où se situait le Bloc à cet égard.
Bien que j'ai vu un député du Bloc québécois désigné par son nom, j'ai toutefois eu la nette impression que le Bloc québécois a fait preuve d'un peu plus de décorum à la Chambre que les deux autres partis. Ma conclusion est donc tout simplement que nous devrions être un peu plus à l'écoute de...
[Français]
Il faut écouter ce que les gens du Bloc québécois ont à dire à ce sujet, parce qu'ils ont quelque chose pour nous.
[Traduction]
C'est tout. D'une simple réflexion.
Le président: Le greffier aurait peut-être quelque chose à dire à propos des points soulevés par le député.
M. Marleau: J'aimerais vous expliquer le contexte. Je ne peux pas m'engager dans le débat dans lequel vous êtes engagés. En tant qu'officier de la Chambre, je vais faire très attention de ne pas utiliser de qualificatifs dans mes commentaires, car je crois qu'il s'agit d'une question très complexe.
Ce matin j'ai relu le témoignage de ma comparution devant vous au mois de juin lorsque j'ai fait valoir l'argument suivant. Le pouvoir actuel du Président de désigner un député par son nom et de lui ordonner de quitter la Chambre pour le reste de la séance est véritablement une question d'ordre. Il s'agit d'un différend avec le député qui refuse de retirer un terme quelconque qui a causé le désordre. L'intervention du Président est généralement le résultat du désordre, et non pas parce qu'un mot en particulier a été prononcé. Je pense que c'est là où voulait en venir M. Laurin.
Il s'agit donc d'un différend entre le Président et le député concernant le respect de l'autorité et de la présidence, et non pas concernant le prétendu incident qui a eu lieu. C'est peut-être une question de perception quant au degré d'insulte du mot, geste ou acte offensant qui a été utilisé.
À ce moment-là, le Président est engagé dans une discussion avec le député, et le prie généralement de reconnaître l'autorité que la Chambre a accordé à la présidence, et non pas à propos du mot qui a été utilisé. Puisque le désordre règne, le devoir de la présidence est de maintenir l'ordre, le décorum et la dignité de la Chambre, et ses interventions se font dans cette perspective. Je tiens à le souligner.
Je pense que j'ai signalé que le changement dans le Règlement en 1985 plaçait le Président et le député offensant ou réfractaire dans une position difficile, car la Chambre entière était témoin. En d'autres mots, la Chambre observe tout simplement cet échange. La réaction varie entre «mettez-le dehors» et les parties qui participent verbalement en appuyant le membre récalcitrant en lui disant «ne retirez pas vos propos; confirmez-les». Voilà donc où réside la complexité de la discussion que vous avez entamée.
D'une part, vous semblez vouloir vous occuper du langage ou du comportement offensif d'un député, et vous vous attendez à ce que le Président prenne une décision quant au degré d'offenses causées par une déclaration ou une action, non seulement pour le député visé par les propos insultants,
[Français]
par exemple dans le cas du mot «gros»,
[Traduction]
mais aussi la mesure dans laquelle cela porte atteinte à la dignité de la Chambre et cause du désordre. Le premier instinct du Président et d'attendre que le désordre se produise.
Le point qu'a soulevé M. Boudria à propos de la liberté d'expression est extrêmement pertinent, à mon avis, parce que dans un sens, c'est également lié à l'intimidation. Si un député désire dire quelque chose à la Chambre qu'il croit sincèrement être vrai mais qu'en dehors de la Chambre ce serait un message calomnieux et diffamatoire, ce député a besoin de la sécurité, si je peux m'exprimer ainsi, qu'accorde le débat parlementaire pour ne pas être intimidé dans ses gestes ou ses propos à la Chambre. C'est un privilège qui devrait être non pas seulement sacro-saint, mais également très épineux pour le Président. Tout intervention du Président dans ce genre de contexte peut porter atteinte à la liberté d'expression d'un député qui a la parole de façon tout à fait légitime.
Alors le Président doit soupeser le désordre d'une part et la liberté d'expression de l'autre lorsqu'il s'agit d'intervenir dans les propos d'un député. Il pourrait être question non pas de désordre mais de pertinence ou de répétition, un autre aspect pour lequel le Président devrait agir unilatéralement.
Comme je l'ai dit au mois de juin, je crois que la règle, qui visait à renforcer l'autorité du Président en 1985, a affaibli la présidence d'une certaine façon, parce qu'à ce moment-là ce ne sont pas tous les députés qui participent à l'éjection d'un des leurs.
La procédure à laquelle le président du comité a fait allusion, qui a été utilisée par le passé et qui continue de l'être en Grande-Bretagne, est qu'une motion est proposée, généralement par le leader à la Chambre du gouvernement, visant à suspendre le député du service à la Chambre, après quoi la Chambre procède à un vote. Chaque député se lève et juge un de ses pairs par un oui ou un non, c'est-à-dire si un terme a été ou non offensant ou pour appuyer l'autorité de la présidence, mais c'est toujours un appui au Président à ce moment-là parce que c'est le Président qui a désigné le député par son nom. En théorie, la Chambre pourrait rejeter cette motion. Le Président serait alors dans une position gênante, car il aurait alors nommé un député qui reçoit par la suite l'absolution de la Chambre.
Cela s'est presque produit au temps du Président Jerome suite à la désignation d'un ministre par son nom, lorsqu'un leader à la Chambre hésitant a pris beaucoup de temps avant de proposer sa motion, et le Président Jerome était assis là avec le front un peu en sueur, je crois.
Dans le contexte de votre discussion, le Président n'a pas le pouvoir d'exiger des excuses. La Chambre fait généralement la demande pendant ses différends entre le Président et le député afin de forcer le député à s'excuser pour ce qu'il ou elle a fait ou dit. Tout ce que le Président peut faire c'est désigner quelqu'un par son nom. Historiquement, en nommant le député, le Président exigeait que la Chambre se penche sur l'impertinence ou le député indiscipliné. La formule était de renvoyer cette question à la Chambre pour un vote et une décision.
On se préoccupe également de l'impact de la télévision. Au cours de la dernière législature, on avait déterminé hors de tout doute qu'un député avait tenu des propos calomnieux dans le contexte de ses remarques. Une objection avait été formulée, et tout en renforçant la liberté d'expression d'un député à la Chambre, le Président Fraser avait rappelé à cette dernière qu'avec la télévision, l'impact de la liberté d'expression avait été élargi et que les députés avaient une plus grande responsabilité à l'ère moderne. Alors qu'il s'agissait autrefois d'un club où les hommes se parlaient entre eux et essayaient de se convaincre les uns les autres, c'est maintenant devenu une assemblée beaucoup plus complexe, et non pas seulement du point de vue des partis. Avec la venue de la télévision, le message est communiqué instantanément d'un bout du pays à l'autre.
Le Président n'est pas allé jusqu'à dire qu'il essayerait de limiter cela. Il a rappelé à la Chambre l'impact de la télévision dans ce contexte.
La liste dont vous parlez est la liste qui figure dans le Beauchesne qui a évolué au fil des ans, et vous trouverez le même mot des deux côtés de la liste, acceptable et non acceptable. Cela renforce donc l'argument qu'il ne s'agit pas vraiment du mot comme
[Français]
tel que M. Laurin l'énonçait tantôt, mais plutôt l'impact, le ton, le contexte et le résultat qui est le désordre. Que le mot «hypocrite» soit à gauche ou à droite sur la liste, cela n'a pas d'impact pour la Présidence puisque chaque cas, à mon avis, est unique dans son contexte et dans son intention.
Là, le Président a un rôle de juge, jusqu'à un certain point, selon l'intensité de l'événement.
[Traduction]
Ensuite il y a la question du comportement, et je vous rappelle un incident qui s'est produit à la Chambre concernant un député qui avait touché la masse. Dans les reportages, on a appelé ça saisir la masse dans la dernière législature, un incident où M. Waddell, député néo-démocrate, a saisi la masse afin de l'empêcher de quitter la Chambre lors de l'ajournement car il était frustré, je crois, parce que le débat avait été clos et que le sergent d'armes quittait la Chambre.
Il y a eu le cas d'un député en Grande-Bretagne qui a saisi la masse et l'a jeté sur le parquet dans un élan de colère. Puisque la masse représente l'autorité de la Chambre, la Chambre s'est indignée du geste de ce député et on a soulevé la question de privilège. Une motion officielle fut proposée voulant que le député prenne place derrière la barre de la Chambre pour recevoir les réprimandes du Président.
Techniquement, et historiquement si l'on s'en tient au précédent de la coutume en Grande-Bretagne, une telle motion était irrecevable car un député est généralement réprimandé à son siège à la Chambre et non pas à la barre, la barre étant réservé aux étrangers et aux témoins qui font l'objet de réprimandes, mais un député devrait se lever à sa place à la Chambre et être réprimandé par la présidence.
Cependant, la Chambre était tellement outrée à ce moment-là qu'on a exigé que le député prenne place derrière la barre, strictement parlant, le Président aurait pu intervenir en application du Règlement et protéger l'immunité du député en insistant pour le réprimander à sa place, mais la Chambre voulait que cela se déroule ainsi et démontrer encore une fois que c'est la Chambre qui a le contrôle de ses membres et que c'est elle qui les discipline.
La conduite c'est une chose. Le langage s'en est une autre. Je pense qu'il faudra que vous fassiez la distinction entre les deux. Ce que l'on peut dire dans un élan de frustration ou de colère lors d'un débat peut être plus ou moins offensant lorsqu'on le compare à la conduite, qu'il s'agisse d'agression ou de quelque chose qui porte vivement atteinte à la dignité de la Chambre.
Récemment à Westminster, en juin dernier, deux députés ont été disciplinés pour avoir monnayé leurs questions qu'ils posent à la période des questions. Quelqu'un a soulevé la question de privilège à la Chambre et allégué que les deux députés avaient vendu leur occasion de poser des questions à la Chambre sur le marché libre.
Le comité des privilèges a fait enquête et à déterminé que les deux députés étaient effectivement coupables de cette infraction. Dans un cas, on a recommandé que le député soit suspendu de son service à la Chambre pendant dix jours, et l'autre pendant 20 jours. Le rapport du Comité a été adopté et les députés ont été suspendus en conséquence.
Encore une fois, il s'agit d'un exemple récent de la Chambre qui contrôle son président et ses membres.
Si vous me permettez de participer à votre débat tant soit peu - car je crois que dans l'intérêt du Président et dans mon intérêt en tant que son conseiller principal - plus vous donnez de discrétion au président, plus vous lui donnez une responsabilité, plus vous retirez à la Chambre la discipline de ses membres, et même, dans certain cas l'occasion de les discipliner.
Je m'arrête là, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Marleau.
Je m'en remets au comité.
[Français]
Étant donné ce que M. Laurin et les autres députés ont dit dans leurs discours, peut-être pouvons-nous étudier, pour commencer, le rapport du Comité consultatif spécial à la Présidence présenté pendant la dernière législature.
[Traduction]
M. McWhinney: Peut-on poser quelques questions?
Le président: Oui, je m'en remets aux députés s'ils veulent poser des questions à M. Marleau.
Vous avez donc une question, monsieur McWhinney?
M. McWhinney: Oui, merci.
Monsieur Marleau, j'ai été, comme d'habitude, très impressionné par votre exposé. Vous avez décrit avec exactitude les vestiges des fonctions judiciaires de la Chambre, dont j'ai déjà parlé, quand le Président prend une décision et que la Chambre vote. Il s'agit d'une fonction judiciaire et d'une activité pré-modernes, si vous voulez, puisque les députés doivent en effet juger un des leurs.
Je vais vous dire, et j'aimerais avoir à votre réaction qu'à l'exception des limites que le gouvernement a imposées à sa propre discrétion en vertu de la loi, les pouvoirs sont inhérents et pourraient inclure, par exemple, la demande d'excuses par le Président à un député. À supposer que la Chambre vote là-dessus, ce serait dans ses pouvoirs. Autrement dit, le Président peut déterminer les sanctions. Si celles-ci sont ratifiées par la Chambre, elles deviennent applicables. Le Président se trouve dans une situation assez bizarre. Mais c'est une tradition qui remonte avant l'époque de Montesquieu et qui s'est maintenue jusqu'à aujourd'hui. Le Président est à la fois un fonctionnaire de la Chambre ainsi qu'un juge dans un sens. Il a donc des fonctions conjuguées.
Mais j'ai raison de dire - et c'est le seul aspect qui me trouble au sujet de ce rapport qui date du temps de Mulroney - que le Parlement a limité ses pouvoirs de discipline envers les députés en définissant clairement les circonstances permettant l'expulsion d'un député de la Chambre. Par conséquent, il faudra étudier de très près le pouvoir d'imposer des sanctions qui ne sont pas prévues par la procédure parlementaire. Si le Parlement a énuméré les critères d'expulsion dans une loi - je ne parle pas de l'exclusion d'un député des séances de la Chambre, mais de son expulsion de la Chambre des communes proprement dite - il se limite à des circonstances très précises et n'en prévoit pas d'autres.
Ai-je raison de dire cela?
M. Marleau: Je crois que la Chambre détient encore le pouvoir d'expulser un député, si elle en décide.
M. McWhinney: Des séances.
M. Marleau: Non, de son siège.
M. McWhinney: Mais dès qu'elle a légiféré certaines choses - par exemple, la distinction entre un délit majeur et un écart de conduite - et si elle n'expulse pas éjecte un député pour une infraction majeure à la différence d'une violation mineure, elle ne pourra pas expulser un député pour une autre raison, à moins que la loi ne soit modifiée, n'est-ce pas?
M. Marleau: Non. D'après moi, la Chambre pourrait quand même trancher...
M. McWhinney: Qu'importe les dispositions de la loi.
M. Marleau: ...qu'importe la loi adoptée au sujet et des critères établis pour qu'un député puisse conserver son siège. La Chambre pourrait toujours déterminer le sort d'un député si elle en décide, pour quelque raison, après le fait. Qu'importe la loi, la Chambre aura toujours le même pouvoir d'expulser un député.
M. McWhinney: Son pouvoir n'a pas été usurpé.
M. Marleau: Non, son pouvoir n'a pas été usurpé. On pourrait discuter des deux aspects de la chose à la lumière des conséquences.
M. McWhinney: Merci beaucoup pour votre opinion.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le Greffier, à l'alinéa 11(1)d), où on parle de la peine pour suspension, on ajoute même que le député suspendu pourrait être «exclu des alentours de la Chambre». Qu'est-ce que les alentours de la Chambre? Quels sont ces lieux?
M. Marleau: Le terme «les alentours» est la traduction du mot anglais precincts. Ce sont tous les endroits qui sont mis à la disposition du député par la Présidence ou par la Régie interne, comme son bureau dans un édifice autre que celui de la Chambre, par exemple. Si cet alinéa était adopté, le député suspendu n'aurait plus accès à tous les lieux dont il jouit comme député. Cela voudrait donc dire qu'il serait exclu d'une réunion de comité qui aurait lieu dans un hôtel à Halifax parce que cela serait considéré comme faisant partie des alentours de la Chambre.
M. Laurin: C'est beaucoup plus que l'antichambre. Mon bureau est situé dans l'Édifice de la Confédération et je me verrais privé du privilège de travailler dans cet édifice si j'étais suspendu.
M. Marleau: C'est cela. C'est ce qui se fait actuellement à Westminster. Lorsqu'un député est suspendu du service de la Chambre, à Westminster, il n'a pas accès aux alentours de l'édifice. Il ne peut se présenter aux comités et s'il a un bureau dans l'enceinte parlementaire, il ne peut y aller.
M. Laurin: Cela s'étendrait-il jusqu'au bureau de circonscription?
M. Marleau: Non. M. Arseneault m'a posé la même question. Les bureaux de circonscription des députés n'ont jamais été et ne sont pas des bureaux parlementaires, et ne sont donc pas rattachés à la fonction législative.
M. Laurin: Monsieur le président, discute-t-on seulement de l'article 11, ou peut-on aussi poser des questions en ce qui a trait à l'article 10?
Le président: Je n'ai pas bien compris.
M. Laurin: Dans le document, on parle des modifications aux articles 10, 11 et 18. Cependant, le témoignage de M. Marleau a surtout porté sur l'article 11 et j'aurais une question à poser en ce qui a trait à l'article 10.
Le président: Vous pouvez poser des questions sur chacun des articles et sur tout le rapport dont le comité est saisi.
M. Laurin: À l'article 10, on traite de la suspension d'un député pour désordre.
- En cas de désordre à la Chambre, l'Orateur peut ajourner la Chambre jusqu'à la
convocation de la Présidence sans mettre la question aux voix.
- Cependant, il n'est pas question de délai, de temps.
M. Marleau: Il faudrait d'abord déterminer si l'ordre a été rétabli. Il s'agit d'une suspension et non d'un ajournement. Ce serait un problème si une manifestation dans les tribunes dérangeait les travaux de la Chambre et qu'il fallait entre 20 et 25 minutes pour rétablir l'ordre. Le Président pourrait suspendre la séance pendant cette période-là. Je crois que c'est laissé à la discrétion de la Présidence. Comme il s'agit d'une suspension plutôt que d'un ajournement, on peut présumer que la séance pourrait reprendre dès que l'ordre serait rétabli.
M. Laurin: On dit au paragraphe 10(2):
- En cas de désordre à la Chambre, l'Orateur peut ajourner la Chambre...
- Il ajourne la Chambre lorsqu'il y a désordre, mais il n'est pas dit qu'il reconvoque la
Chambre quand il n'y a plus de désordre. Il semble que ce soit l'interprétation que vous en
donnez, mais est-ce que le Président de la Chambre pourrait décider que la Chambre reste
ajournée pendant 10, 15 ou 20 jours, pour des raisons qu'il ne serait d'ailleurs pas obligé de
donner parce que la question n'aurait pas à être mise aux voix, le jugement du Président
suffisant? Pourrait-on s'exposer à un jugement qui permettrait de suspendre la Chambre
pendant aussi longtemps?
M. Laurin: Ma dernière question porte sur le paragraphe (3) de l'article 18, dans lequel on stipule:
- (3) Aucun député ne doit imputer des motifs faux ou inavoués à un autre député ou refuser
d'accepter sa parole, ni accuser un autre député de mentir délibérément.
- Si je me mets à la place du Président, je me demande comment je pourrais m'y prendre
pour juger si quelqu'un a menti délibérément ou non.
M. Laurin: Si je dis: «Monsieur, vous mentez», ment-il délibérément ou non? Comment le Président peut-il juger de cela? Je le traite de menteur, mais s'il ne ment pas délibérément, il n'a pas tort. Et s'il ment délibérément, il a tort. Comment fait-on pour juger? Il faut se mettre à la place des autres.
M. Marleau: Dans ce paragraphe, ce qui est le plus difficile pour la Présidence, c'est d'imputer des motifs faux. Il est très difficile pour la Présidence de juger, hors contexte, si les motifs sont vrais ou faux.
On dit aussi: «ni accuser un autre député de mentir délibérément.»
Dans ce cas, c'est le fait de dire qu'un député ment délibérément qui est offensant selon le Règlement. Il n'appartient pas à la Présidence de juger si c'est vrai ou si c'est faux. Selon ce texte, il serait interdit d'accuser un député de mentir sciemment à la Chambre.
M. Laurin: Le Président n'a pas de liberté de jugement. Parce que le mot «menteur» ou «mentir» a été utilisé, il doit décréter que ce mot est antiparlementaire.
M. Marleau: Oui, c'est la pratique. Jusqu'à maintenant, accuser un député de mentir, que ce soit de façon délibérée ou préméditée, a toujours été traité par la Présidence comme un langage antiparlementaire.
M. Laurin: Mon but n'est pas de vous poser une «colle». Supposons que M. Boudria me traite en Chambre de fin renard ou de rusé renard et que je dise qu'il ment quand il me traite ainsi parce que je sais qu'il ne le pense pas. Est-ce que je dois retirer mes paroles parce que j'ai utilisé le verbe «mentir»?
M. Marleau: Cela dépend du contexte. Il se peut très bien que la Chambre trouve très drôle que vous accusiez M. Boudria de mentir lorsqu'il vous traite de fin renard. Si cela ne crée pas de désordre, la Présidence ne devrait pas intervenir. Mais si vous dites que M. Boudria induit la Chambre en erreur délibérément en vous traitant de la sorte, cela est l'équivalent de mentir. L'utilisation de cette terminologie amènera probablement la Présidence à intervenir.
M. Laurin: Donc, même s'il y a une liste de mots antiparlementaires, leur utilisation n'entraîne pas nécessairement une rétractation, car tout dépend du sens qu'on a voulu leur donner.
M. Marleau: C'est une question qui revient fréquemment et j'y réponds par une anecdote.
Sur un rappel au Règlement, un député du Parlement britannique avait demandé à la Présidence s'il était conforme au langage parlementaire de dire que la moitié des banquettes ministérielles était un grouillement de rats sur un tuyau d'égout. La Présidence avait répondu immédiatement que c'était tout à fait antiparlementaire. Sur ce, le député l'avait remercié en disant que les rats étaient soulagés. La Chambre avait alors éclaté de rire.
Il s'agissait d'une stratégie d'intervention dans le débat que la Chambre a acceptée. Il aurait été difficile pour la Présidence d'intervenir et d'ordonner une rétractation au milieu des éclats de rires. Donc, tout est dans le ton, dans la façon, dans l'intention. C'est toujours ce qui a prévalu jusqu'à maintenant.
Le président: Monsieur Montpetit.
M. Camille Montpetit (greffier adjoint, Services de la procédure, Chambre des communes): J'aimerais apporter une précision. Il serait peut-être sage de faire des commentaires sur la liste de mots jugés antiparlementaires.
Il existe dans le Beauchesne une liste d'expressions qui ont été jugées antiparlementaires, mais c'est selon le contexte du moment. On dépasserait la raison d'être de cette liste si on devait conclure que tous les mots qui y figurent sont nécessairement antiparlementaires aujourd'hui. Comme vous l'avez dit plus tôt à plusieurs reprises, chaque mot doit être jugé dans le contexte du moment où il est prononcé.
[Traduction]
Le président: J'aimerais vous poser une question avant de céder la parole à M. Boudria. Elle fait suite à celle de M. Laurin. Est-ce que le paragraphe 10.2 dans le rapport du comité consultatif spécial accorde des pouvoirs supplémentaires à ceux que possèdent déjà le président?
M. Marleau: Oui, l'Orateur peut ajourner la Chambre sans mettre la question aux voix... Jusqu'à présent, il a toujours été dit que le Président peut suspendre les travaux de la Chambre pour raison de désordre sérieux, mais il faudrait que les circonstances soient extrêmes avant que le Président ajourne les travaux de la Chambre sans que la question soit mise aux voix.
Le président: Mais il a ce pouvoir.
M. Marleau: Je veux dire qu'il exercerait ce pouvoir sans nécessairement le détenir.
Le président: C'est ce que je veux dire.
Monsieur Montpetit.
M. Montpetit: Dans le passé, le président a invoqué le pouvoir de suspendre la séance. Le cas le plus récent, c'est lorsque l'avertisseur d'incendie avait été tiré. En pareil cas le Président n'attendra pas qu'un député propose une motion pour suspendre les travaux de la Chambre. Le Président a décidé de suspendre les travaux qui reprendront ultérieurement, même si le Règlement n'accorde pas ce pouvoir au Président.
M. Marleau: En fait, il le fait avec l'appui de l'unanimité des députés.
Le président: N'aurait-il pas aussi le même pouvoir inhérent dont dispose un juge qui ajourne une cause dans sa salle d'audience pour désordre sérieux? Le Président dispose sûrement de ce pouvoir sans que cela ne soit nécessairement prévu par le Règlement.
M. Marleau: Je dois admettre que je ne comprends pas quel est le but de cet article. Monsieur Montpetit, qui assistait à certaines des réunions, pourrait peut-être...
M. Montpetit: J'ai participé à quelques réunions, et le but de cet article était de donner ce pouvoir précis au Président pour que son autorité ne soit pas contestée.
Le président: Monsieur Boudria.
M. Boudria: D'après-moi, cette partie est superflue. De plus, même si je suis pour la codification de sanctions plus sérieuses, je ne crois pas que ce soit une bonne idée que d'inclure des expressions ou mots dits anti-parlementaires, pour les raisons mentionnées par M. Laurin.
[Français]
La langue évolue continuellement et ce qui est totalement acceptable aujourd'hui pourrait ne pas l'être dans dix ans parce que les choses auraient changé. Une expression devient, par la force des choses, péjorative, etc. Cela change continuellement et, bien que je ne puisse prédire l'avenir, cela changera probablement encore.
Pour ces raisons, je crois que nous faisons mieux de nous éloigner de cela. M. Laurin a très bien fait le point sur les circonstances dans lesquelles on traite quelqu'un de menteur. Il faut tenir compte du ton sur lequel cela est dit et voir si cela a constitué ou non un désordre. Il vaut mieux s'en remettre au jugement du Président plutôt que de codifier cela dans le Règlement.
La même chose s'applique au langage discriminatoire. On voudra peut-être avoir une référence au langage discriminatoire, etc., mais sans codifier. Il est impossible de dresser une liste complète de mots et, comme l'a si bien dit M. Laurin, il est impossible de codifier le contexte. Pour toutes ces raisons, on devrait s'éloigner de cela.
Cela étant dit, je crois qu'on devrait, sans en faire un article du Règlement, exprimer le souhait de la Chambre en ce qui a trait aux mesures punitives maximums qui devraient être imposées. Le Président serait toujours libre, bien sûr, d'imposer une punition moindre que ce que permettrait le Règlement. Cependant, il faut quand même donner un peu le ton au Président afin qu'il puisse connaître ce à quoi nous nous attendons.
[Traduction]
Le président: Nous avons eu une discussion très fructueuse, mais le temps presse. On pourrait peut-être résumer notre discussion et voir si l'on peut faire avancer les choses pour reprendre cette question lors d'une séance ultérieure.
J'ai l'impression qu'il y a un consensus - je ne sais pas si c'est unanime - que le projet de rapport devrait contenir des sanctions additionnelles. Les députés ne s'entendent pas sur la gravité des sanctions. Mais le comité semble prêt à accepter qu'un député qui accumule deux ou trois violations soit assujetti à une sanction additionnelle.
De plus, je crois que le comité est prêt à codifier certaines des propositions contenues dans ce rapport, mais pas toutes, en modifiant le Règlement. Je crois également que le comité serait prêt à accepter qu'après la désignation d'un député par son nom, une motion soit proposée pour renforcer l'autorité du Président.
Cela étant dit, je crois que nous devrions en parler à nos collègues, puis de s'en reparler informellement ou d'organiser une autre réunion pour en rediscuter. Nous pourrions également, à une réunion ultérieure, réunir les propositions sur lesquelles on est d'accord et y ajouter d'autres propositions ou en enlever, plutôt que de revenir sur ce document. Je crois qu'il est un peu trop volumineux, et on pourrait peut-être s'entendre pour en éliminer certaines parties et avoir ainsi un document plus court à étudier à une autre réunion. Que pensez-vous de cela?
Êtes-vous d'accord à ce qu'on procède ainsi?
M. McWhinney: Pouvez-vous inclure la suggestion de M. Boudria, voulant qu'on fasse une distinction entre une codification in extenso et une codification de principes généraux. C'était bien pensé.
Le président: C'est une très bonne idée. C'est pourquoi j'ai dit qu'à mon avis ce document ne serait pas acceptable intégralement parce qu'il établit trop de règles.
Est-ce que le comité s'entend donc sur cela? Plutôt que de nommer un sous-comité, on pourrait parler de ces changements à nos collègues de façon informelle au cours des prochains semaines, puis se réunir à nouveau. Êtes-vous d'accord?
[Français]
D'accord?
[Traduction]
J'aimerais remercier les députés pour leur...
[Français]
M. Laurin: Nous y reviendrons sûrement.
Le président: Sûrement. J'espère que nous aurons quelque chose plus tôt.
La séance est levée.