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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 décembre 1995

.1135

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Lors de notre dernière séance, nous avons discuté de l'éventuel dépôt à la Chambre d'un rapport s'inspirant de notre ébauche de rapport. Monsieur Ringma, vous avez demandé un certain temps de réflexion. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, monsieur?

M. Ringma (Nanaïmo - Cowichan): Après en avoir discuté longuement avec certains de mes collègues, j'ai constaté que cette question a plus de ramifications que je ne le pensais à première vue. Il y a plus d'éléments en jeu entre les gouvernements antérieurs - entre le gouvernement proprement dit et la Chambre et le Sénat.

J'en suis arrivé à la conclusion que je ne suis toujours pas satisfait de la façon dont nous comptons procéder. Un grand nombre de questions différentes sont en cause. Nous parlons de l'interaction entre le comité et le Sénat, le comité par l'entremise de la Chambre et le Sénat, et les Communes et le Sénat.

J'ai fini par décider que, de façon à tirer une fois pour toutes les choses au clair et à éviter tout faux pas, il serait souhaitable que notre comité rencontre le comité du Sénat, lequel devrait se composer de sénateurs conservateurs et libéraux, car il faut également élucider certains faits.

En d'autres termes, la question est plus complexe que je ne le pensais au départ. J'aimerais qu'on en discute à fond avant que les relations ne deviennent trop tendues entre la Chambre et le Sénat, de façon à savoir ce que le comité en pense et à examiner tous les faits entourant cette affaire.

Le président: En toute déférence, monsieur Ringma, êtes-vous en train de dire que vous ne voulez pas approuver ce rapport aujourd'hui?

M. Ringma: Oui, c'est cela. Avant d'adopter un rapport semblable, j'aimerais examiner la question en détail avec les sénateurs.

M. Speaker (Lethbridge): On pourrait convoquer une réunion entre un sous-comité de notre comité et un sous-comité du Sénat, qui assurerait la liaison. Je sais que cela s'est déjà fait.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Je suis presque tenté de demander si nous ne sommes pas en train de faire exactement ce que nous essayons de dissuader le comité du Sénat de faire, à savoir faire traîner indûment les choses en comité. Cela vient de me traverser l'esprit.

M. Ringma: Si vous vous souvenez de notre dernière discussion, il y a deux questions en jeu. Il y a, d'une part le projet de loi C-69, et ensuite toute cette question du rapport inexact qu'on peut établir entre le Sénat et les Communes, ou les projets de loi du Sénat et des Communes. Il faut donc se pencher sur ces deux questions distinctes.

Le président: Que souhaite faire le comité? Au départ, c'était votre idée, monsieur McWhinney, et je suis sûr que M. Langlois a une opinion sur la question. Que souhaitez-vous faire?

M. McWhinney (Vancouver Quadra): Il existe certes des précédents dans ce domaine, mais ils remontent à trop longtemps en arrière et nous pouvons très bien en établir de nouveaux.

Comme je pense l'avoir expliqué en privé à mes collègues d'en face, mon objectif était tout simplement d'utiliser ce projet de loi, qui était confié à notre comité, comme occasion d'envisager de façon plus globale la réforme des institutions fédérales, question qui revêt plus d'urgence que jamais. Je ne pensais pas que nous pourrions le faire sans profiter d'une question relevant de notre compétence. S'il s'était agi d'un autre comité, comme celui qui examine le projet de loi sur l'aéroport Pearson, nous aurions pu procéder différemment.

Je n'ai aucune objection à l'idée de commencer par une réunion conjointe des deux comités, si les résultats d'une démarche énergique n'était pas satisfaisants: une déclaration ferme au Sénat et le regroupement de questions.

Quant à l'idée d'un sous-comité, je m'interroge. Je me demande s'il ne vaudrait pas mieux que les deux comités participent à une réunion conjointe. Cela poserait-il un problème? Il y a aurait plus de membres, mais je pense qu'en principe, monsieur le président, sous réserve de votre avis, je suis prêt à accepter cette suggestion dans l'esprit où elle est faite.

.1140

Je pense pouvoir dire, étant donné que je connais les députés d'en face, qu'il ne s'agit pas d'une tactique dilatoire ou autre chose de ce genre. Je comprends leurs opinions. Il est possible que cela fasse avancer les choses. D'une certaine façon, nous créerons nos propres précédents. Si nous n'obtenons pas les résultats escomptés et sommes mécontents de l'issue, nous pourrons toujours aborder l'autre question de façon encore plus énergique.

Je suppose qu'une rencontre entre la Chambre et le Sénat proprement dit est imminente, mais il faut faire preuve d'une grande prudence en franchissant les étapes préliminaires. Si on accepte l'idée d'une réunion conjointe des comités, et qu'on voit ensuite si le comité du Sénat souhaite créer un sous-comité pour se pencher sur la question, nous pourrons envisager cette solution. Toutefois, il m'apparaît préférable que les deux comités pléniers se réunissent pour voir ce qui se passe. Dans cet esprit, je suis prêt à faire cette recommandation, monsieur le président.

Il y a peut-être des questions que je n'ai pas examinées à fond, et j'admets que mon collègue Don Boudria et vous-même connaissez beaucoup mieux que moi les usages de la Chambre. Toutefois, j'accepte l'idée de réformer une institution parlementaire obsolète dans l'esprit de bonne volonté et de détermination profonde où elle est, à mon avis, proposée. Pourquoi pas?

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Je pense que la réponse de ce comité-ci devrait être la plus consensuelle possible. La façon dont M. Ringma aborde le sujet apporte un élément nouveau qui n'avait pas été envisagé. Je le remercie pour cette trouvaille.

Cependant, j'aimerais demander à l'honorable député de Nanaïmo - Cowichan quel échéancier il voit pour la rencontre avec les membres du Sénat, si tant est que nous formions un sous-comité pour rencontrer ces membres, soit ceux du comité en entier chargé des questions constitutionnelles et juridiques, soit ceux d'un sous-comité du Sénat.

[Traduction]

M. McWhinney: Je suis attendu à la Chambre, je regrette. Veuillez m'excuser.

[Français]

M. Ringma: Je vois que ça peut aller dans toutes sortes de directions, parce qu'il y a dans cette affaire des antécédents datant de plusieurs années. Je vois aussi qu'il y a vraiment des questions fondamentales par rapport au Sénat et, sur le plan de la juridiction, vis-à-vis des Communes. Si on débat de la question de notre strict point de vue, on ne connaîtra pas les arguments que les autres pourraient nous opposer.

Pour être juste, même si je crois que le Sénat, comme structure politique, doit être réellement réformé, c'est quand même un organisme qui existe, et je dois connaître les arguments de ses membres pour pouvoir décider quoi faire.

M. Langlois: Ma question, monsieur Ringma, portait sur la date. Est-ce que vous prévoyez qu'on le fasse avant l'ajournement, la semaine prochaine?

M. Ringma: Oui, s'il y a moyen que ce soit la semaine prochaine.

M. Boudria: Il faut tout de même être réaliste. Si on rencontrait un comité du Sénat la semaine prochaine, en supposant qu'il y en ait un de disponible, et qu'on faisait ensuite rapport à ce comité-ci, il faudrait ensuite rédiger un rapport nouveau ou modifié pour ensuite le déposer en Chambre et enfin en faire part aux honorables sénateurs. Croyez-vous qu'il soit possible de faire tout cela d'ici les cinq prochains jours? Voyons!

Nous avons une décision à prendre. Est-ce qu'on va de l'avant avec ce qu'on a, ou non? Comme il ne reste que cinq jours pour siéger, c'est la seule décision que nous puissions prendre ce matin. Tout le reste voudrait dire retarder l'ensemble jusqu'en février. C'est ainsi que ça se traduit.

M. Langlois: Je voulais vous demander une chose dans un deuxième tour, monsieur Milliken, à vous qui avez une expérience parlementaire qui dépasse largement ce que j'envisage pour moi-même.

.1145

Monsieur Boudria, en pratique, si nous adoptons ce rapport avec dissidence et qu'il est déposé par M. Milliken à la Chambre à la première occasion, soit demain, la motion d'adoption devient débattable. Donc, on n'a pas le temps d'en débattre non plus. D'une façon ou d'une autre, quelle que soit l'hypothèse, on ne peut pas se prononcer.

M. Boudria: Si les trois partis ne sont pas d'accord, c'est ce qu'il faut conclure étant donné qu'il reste si peu de temps. C'est à cela que nous faisons face. Ou bien nous sommes tous d'accord et nous allons de l'avant, ou bien il y a dissidence et nous sommes arrêtés. Comme on dirait à Hawkesbury, on est «stallés».

M. Langlois: Je m'en tiens beaucoup plus à votre expérience. Sur le fond de la question, nous sommes sensiblement tous d'accord et j'aimerais entendre notre président là-dessus, bien sûr. M. Paradis est là ce matin et il a peut-être un point de vue différent, mais nous étions tous d'accord, il y a deux jours.

Quel est le meilleur des deux moyens à notre disposition? Est-ce un revolver ou une corde pour nous suicider? Si nous avons le choix entre deux façons de nous suicider, je préfère la plus expéditive: qu'on adopte le rapport tout de suite, sachant que l'analyse politique pourra en être faite. J'aimerais entendre là-dessus le point de vue de l'un ou de l'autre ou encore de tous les collègues. Je suis prêt à me rallier à tout ce qui aura du sens.

Le président: Monsieur Paradis

M. Paradis (Brome - Missisquoi): D'abord, monsieur le président, je me pose des questions. J'imagine que c'est un peu la suite logique d'une lettre que j'ai reçue et qui avait été envoyée par les gens du comité, tous partis politiques confondus, qui y faisait allusion.

J'ai cru m'apercevoir qu'il y avait unanimité d'un peu tout le monde pour dire au Sénat: «Ne vous mêlez pas de cela, car cela ne vous regarde pas, au sens politique du terme; il s'agit du découpage de la carte électorale.» Je vois ce rapport comme étant la suite logique de cette lettre adressée au sénateur Beaudoin, qui est président du comité du Sénat, et à laquelle tout le monde a concouru. Il serait même possible de reprendre le contenu de la lettre pour en faire le rapport de ce matin. Je pense qu'il a déjà été approuvé, signé, etc. par un peu tout le monde.

Je dois vous dire que je suis en campagne électorale depuis plusieurs mois. J'ai commencé par une convention à pareille date l'an passé suivie des élections et d'une campagne référendaire. En ce qui concerne les citoyens sur le terrain, il y en a une majorité dans ma circonscription qui trouve que le Sénat coûte cher, qu'il est immobile et que c'est un bon exemple de ce dont il faudrait se débarrasser.

Je le mentionnais à mon voisin de banquette, le député indépendant de Beauce; il me disait qu'il y a quatre citoyens sur trois dans la Beauce qui souhaitent l'abolition du Sénat.

Alors, monsieur le président, si on ne faisait que reprendre aujourd'hui le contenu de la lettre qui a déjà été approuvée par l'ensemble des partis politiques, par tout le monde autour de la table, et le rappeler sous forme de rapport, j'y souscrirais pleinement.

Le président: Le rapport est très près du contenu de la lettre. Il n'y a pas beaucoup de différence entre le contenu du rapport et celui de la lettre que j'ai envoyée au président du comité du Sénat.

Monsieur Laurin.

M. Laurin (Joliette): Monsieur le président, j'aurais d'abord une question d'information. Je pense que toutes les démarches que nous avons faites dans cette lettre avaient pour objectif de faire en sorte que la Loi électorale qui s'est appliquée lors des dernières élections de 1993 soit modifiée pour les prochaines élections. C'est là l'objectif.

Dans l'état actuel des choses, compte tenu des délais qu'il reste à courir, est-ce qu'il y a encore espoir que, d'une façon ou d'une autre, on puisse aboutir à des modifications de la Loi électorale qui s'est appliquée en 1993?

J'avais cru comprendre qu'il était maintenant trop tard. Est-ce qu'il est encore temps?

M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): Même s'il est trop tard, il y a un principe ici.

.1150

M. Laurin: Oui, il y a le principe du Sénat, mais concernant les affaires pratiques, est-ce qu'il est trop tard?

M. Paradis: Est-il trop tard?

M. Laurin: C'est la question que je pose. Est-il trop tard, au moment où on se parle, pour espérer que des modifications puissent être apportées à la loi qui nous a régis lors de la dernière élection de 1993?

Si les délais qui restent à courir ne nous permettent pas d'espérer disposer d'une loi modifiée pour les prochaines élections, les délais n'ont plus d'importance. On peut souscrire à la suggestion de M. Ringma et débattre de l'autre principe, de l'intrusion du Sénat sur ces problèmes-là.

Dans le fond, ce qu'on voulait, ce n'était pas débattre de l'intrusion du Sénat. On n'était pas pressés de le faire.

[Traduction]

Le président: Il a tout de même le pouvoir de modifier ce projet de loi. Celui-ci traîne devant un comité du Sénat. Le comité peut y proposer des amendements. Le projet de loi est là parce que la Chambre a fait savoir au comité qu'elle acceptait un de ses amendements et en rejetait deux.

Le comité est tout à fait libre de proposer d'autres amendements au projet de loi, et de transmettre un autre message, ou de recommander au Sénat qu'il transmette un autre message à la Chambre en vue de modifier le projet de loi d'une autre façon. Il pourrait notamment le modifier en disant qu'il ne s'appliquera pas aux prochaines élections. Les dispositions du projet de loi entreraient en vigueur de façon à ne pas abroger la loi actuelle, mais s'appliqueraient au remaniement électoral uniquement après la tenue des prochaines élections.

Le Sénat pourrait très bien proposer un tel amendement au projet de loi. Celui-ci pourrait être soumis à la Chambre des communes.

M. Speaker: Cela pourrait se faire à n'importe quel moment au cours des six à huit prochains mois?

Le président: Cela pourrait se faire demain. Je ne pense pas que le comité siège demain, mais en tout cas la semaine prochaine. Le projet de loi pourrait être renvoyé à la Chambre et si celle-ci accepte les amendements du Sénat, le projet de loi sera adopté tel quel. C'est possible. Cela répond-il à votre question?

[Français]

M. Laurin: Oui, mais je ne souhaite rien de particulier. J'essaie de comprendre. En supposant...

Le président: Est-ce que c'est une indication que vous démissionnerez en même temps que M. Bouchard?

M. Laurin: En supposant que ce que vous venez d'expliquer puisse se faire, est-ce que ça nous amène, en pratique, à disposer d'une loi modifiée pour la prochaine élection générale?

[Traduction]

M. Speaker: L'autre réponse à cette question, à mon avis...

[Français]

M. Laurin: Ou s'il est trop tard, quelle que soit la procédure?

Le président: Non, mais le...

[Traduction]

Je vais m'expliquer en anglais. Si cet amendement est apporté au projet de loi, la loi qui s'appliquera aux prochaines élections sera la loi actuellement en vigueur, laquelle prévoit les limites devant entrer en vigueur en janvier. Si le projet de loi C-69 est adopté, les nouvelles limites des circonscriptions électorales n'entreront en vigueur que lorsque nous connaîtrons la date des élections.

M. Speaker: Si l'on considère une période de cinq ans allant de 1993 à octobre 1998 - et je ne pense pas que notre gouvernement veuille déclencher des élections cette année-là - étant donné la situation actuelle, si le projet de loi C-69 était adopté, il ne pourrait pas entrer en vigueur avant décembre 1997. D'une certaine façon, je ne vois pas comment il pourra s'appliquer, à moins que le gouvernement ne fasse traîner les choses jusqu'à 1998. Même alors ce serait contestable, car il faut donner préavis lorsqu'on déclenche des élections.

Le président: Nous ne pouvons pas répondre à votre question car nous ne savons pas quand les élections auront lieu. Elles n'ont pas lieu à date fixe.

M. Arseneault: On réglera la question le moment venu. Si le projet de loi est adopté et qu'il ne peut entrer en vigueur, il ne s'appliquera pas aux prochaines élections mais sera certainement en vigueur à l'avenir.

Je pense que nous laissons passer l'essentiel. L'essentiel, c'est que le Sénat agit au mépris de la Chambre des communes. Si nous approuvons tacitement ce geste, cela fera du tort aux législatures suivantes.

Personnellement, j'estime que nous donnons de plus en plus de pouvoirs au Sénat. En fait, nous lui en donnons trop. Les sénateurs font preuve d'un certain cynisme. Le moment est venu de leur faire clairement comprendre que nous n'approuvons pas leur attitude. S'ils continuent à agir comme ils le font, au moins nous aurons déclaré publiquement que nous désapprouvons leur façon de faire. Lorsque le même problème se reposera lors de l'étude d'un autre projet de loi, nous aurons au moins déclaré haut et clair, ainsi que la Chambre des communes, ce que nous en pensons. Ce sera un début. Si nous ne faisons rien, nous perdrons notre première occasion d'intervenir, et il nous sera encore plus difficile à l'avenir de présenter une argumentation solide à l'encontre du Sénat.

.1155

M. Speaker: C'est une chose. Par ailleurs, il faut réfléchir à la logique qu'il y aurait à essayer de mettre en vigueur ce nouveau projet de loi C-69 en 1998. Si nous devons tous participer à des élections juste au lendemain de l'entrée en vigueur de ce projet de loi et que les limites des circonscriptions électorales demeurent floues, ce sera la panique.

Le président: C'est possible.

M. Speaker: C'est possible.

[Français]

M. Langlois: Je ne répéterai pas ce que M. Arseneault a dit, car je concours entièrement à ce qu'il a dit.

Il y a une hypothèse à deux volets, ce qui veut dire qu'il y a deux hypothèses. La première est que le projet de loi C-69 est adopté rapidement et, à mon avis, on a une chance sérieuse qu'il délimite de nouvelles frontières pour la prochaine élection, la tendance moderne des législatures étant de durer plutôt cinq ans que quatre. C'est une tendance qu'on observe tant au niveau provincial qu'au niveau fédéral; les mandats des gouvernements se gèrent en l'espace de cinq ans ou quatre ans et demi.

Il est par ailleurs toujours possible que le premier ministre, comme il l'a indiqué l'autre jour en Chambre, demande la dissolution au gouverneur général en tout temps auparavant. Il faut donc être prêt à faire face aux deux éventualités.

Si les élections avaient lieu au printemps de 1998, cela serait en vigueur, si tant est qu'on réponde favorablement à notre demande. Sinon, le processus qui est en cours et qui est étudié par les commissions provinciales sera mené à terme et on se servira du processus en vigueur au moment de la dissolution.

Mais ce débat sur deux questions hypothétiques ne doit pas, comme M. Arseneault le disait, nous faire oublier le point important, à savoir que le Sénat est en train de s'immiscer dans une question où les conventions constitutionnelles indiquent clairement qu'il n'a aucune affaire. Il devrait ratifier, sauf en cas de grossières erreurs, ce qui a été adopté par les gens dûment élus.

Il n'appartient pas à une Chambre non élue, dont la légitimité est plus que contestable et qui doit être remise en question, de faire traîner impunément devant un de ses comités un projet de loi qui a trait à l'élection des membres de la Chambre des communes. On en est rendu là, à créer un sous-comité pour aller traiter avec eux. Moi, je dis no deal; adoptons notre rapport à la Chambre et envoyons-leur le message: On ne traite pas.

Ma position sur le Sénat est assez claire: il doit être réformé ou aboli, car il ne peut pas continuer d'exister dans son état actuel. Tout le monde est d'accord pour affirmer que ça ne se fera jamais parce qu'il n'y a pas un consensus suffisant. Le 7/50 ne sera pas atteint. Et maintenant, avec le projet de loi C-110, il faut avoir 22 millions sur 30 millions. On a compliqué la mécanique. On n'est donc plus capables de toucher au Sénat et on va faire rire de nous par ces gens-là.

La plupart des collègues qui sont ici se présenteront pour la 36e législature en faisant du terrain dans leurs circonscriptions: M. Paradis, peut-être M. Laurin, M. Boudria. Monsieur Boudria, combien de fois aurez-vous mis votre tête sur le billot? Est-ce que ce sera la sixième ou la septième fois que vous vous présenterez à une élection? La neuvième fois? Pendant ce temps, il n'y en pas un seul de leur côté qui se met la tête sur le billot, jamais.

Ils ont les mêmes allocations, à toutes fins utiles, et les mêmes salaires. C'est honteux dans l'état actuel des finances publiques canadiennes et dans l'état de la démocratie en 1995. Je pense qu'il y a un large consensus en Chambre qui est le suivant: ou bien on les élit - c'est le point de vue de François Langlois, député de Bellechasse, mais pas nécessairement celui du Bloc - , ou bien on les abolit. Mais ça devrait se faire rapidement.

M. Boudria: Il est évident que M. Langlois vient de nous dire ce que plusieurs pensent. J'écoute toujours attentivement ce qu'il dit à propos de ces sujets-là, car il est bien informé.

Il n'en demeure pas moins, cependant, qu'aux fins de notre rapport, ce matin, on doit prendre la position suivante: si on n'est pas capables de l'adopter à l'unanimité, comme c'est la coutume, adoptons-le avec dissidence. Déposons-le en Chambre. On ne pourra, bien sûr, le faire adopter, mais nous aurons au moins envoyé un signal de la part de ce comité-ci. Ce sera toujours cela.

.1200

Ce n'est pas l'idéal. L'idéal serait d'avoir l'accord de tous les partis, de le déposer et de le faire adopter par la Chambre. Avec la motion d'adoption, ce serait plus puissant. Mais de là à être totalement impuissants parce qu'on n'a pas l'accord de tous les partis... Je pense qu'on doit choisir le moindre des deux maux qui est d'adopter le rapport nonobstant le désaccord et de le faire déposer à la Chambre. Je ne sais pas ce qu'en pensent mes collègues d'en face.

M. Laurin: Monsieur le président, il y a quelque chose qui m'irrite dans la procédure que suggèrent les représentants du Parti réformiste. On a déjà fait savoir au Sénat notre opinion de façon unanime par l'intermédiaire d'une lettre que vous-même, monsieur le président, avez signée en notre nom. On disait clairement dans cette lettre que nous croyions que le Sénat n'avait pas d'affaires là-dedans et qu'il retardait les procédures. Aujourd'hui, M. Ringma suggère qu'on les rencontre pour entendre leurs opinions, leurs arguments. Cela veut-il dire qu'on se serait prononcés trop vite dans la lettre que nous vous avons demandé d'écrire?

S'il arrivait qu'en entendant leurs arguments, nous changions d'opinion, nous serions obligés de dire au Sénat: «Maintenant que nous vous avons entendus, ne tenez pas compte de la lettre que nous vous avons envoyée. Nous nous sommes trompés. Nous pensions que vous n'aviez pas d'affaires là-dedans, mais tout compte fait, après vous avoir entendus, nous croyons que vous aviez raison.»

Il y a quelque chose qui ne fait pas sérieux; ou bien on a pris cette décision en connaissance de cause, ou bien on n'était pas sérieux quand on a demandé au président de façon unanime de dire au Sénat de se mêler de ses affaires. Si on était sérieux, je pense qu'on doit continuer de le penser et dire au Sénat qu'on n'a pas besoin de le rencontrer pour maintenir notre opinion. Si on les rencontre et qu'on ne change pas d'idée, on les aura rencontrés pour rien. Si on change d'idée, ça voudra dire qu'on a pris une décision trop vite quand on a écrit la lettre.

Je pense qu'on n'a pas tellement d'autre choix, monsieur le président, que d'être cohérents avec les positions du passé, de les maintenir et d'adopter le rapport aujourd'hui.

[Traduction]

Le président: Monsieur Ringma.

M. Ringma: J'aimerais maintenant récapituler toute la question, monsieur le président.

Même si je partage sans réserve l'opinion de M. Langlois à l'égard du Sénat, à ce sujet notre comité a déjà fait savoir au Sénat ce qu'il en pensait. Nous lui avons envoyé une lettre. Nous avons déjà pris cette mesure. Les choses sont bien claires.

Par contre, si l'on envisage maintenant d'en faire une affaire opposant les Communes plutôt qu'un de ses comités au Sénat, c'est franchir une autre étape, différente de la précédente. J'hésite à le faire.

Il vaudrait mieux que nous restions sur nos positions en déclarant que si nous voulons faire avancer le processus parlementaire, cela n'est possible que si l'impasse est débloquée. Il vaudrait mieux en discuter de comité à comité, peu importe qu'il s'agisse du comité principal ou d'un sous-comité.

[Français]

M. Paradis: Dans un premier temps, monsieur le président, j'aimerais dire que je souscris pleinement aux propos du député de Bellechasse quant au Sénat. Dans un deuxième temps, il faudrait peut-être redemander au Parti réformiste s'il ne peut pas reconsidérer sa décision à ce sujet.

Si je comprends bien la position du Parti réformiste quant au Sénat, il s'agit d'un Sénat triple E, a triple-E Senate. En ce sens, eux aussi, dans leur propre programme, suggèrent des changements. Ils ne sont pas satisfaits, j'imagine, de la manière dont le Sénat existe à l'heure actuelle.

Dans cet esprit, et pour faire avancer les choses plus rapidement, monsieur le président, je vous demande s'il est possible que nous nous unissions, comme nous l'avons fait dans le corps de la lettre. Le rapport me semble correspondre tout à fait au contenu de la lettre à laquelle ils ont déjà souscrit.

Je suis bien d'accord quand M. Ringma soutient que d'amener la question en Chambre constitue un pas de plus par rapport à la position du Comité, mais il faut se rappeler que le Parti réformiste veut aller encore plus loin en proposant un Sénat triple E.

[Traduction]

Le président: Monsieur Arseneault, s'il vous plaît.

M. Arseneault: Je voulais simplement répondre aux préoccupations soulevées par le Parti réformiste. L'idée d'une réunion entre deux comités est valable si notre objectif est de faciliter l'adoption et l'entrée en vigueur du projet de loi C-69. Toutefois, à ce stade, cela n'a aucune importance. Le Sénat va bien finir par se décider un jour ou l'autre à l'adopter ou non.

.1205

J'éprouve beaucoup de respect pour le Sénat. Il fait toujours son travail. Toutefois, lorsqu'on propose que le comité siège pour discuter de la Constitution, en vue d'établir quels droits le Sénat possède ou ne possède pas, je pense qu'il n'est pas du ressort d'un comité - un comité du programme et de la procédure et un comité de l'autre endroit, comme celui des finances - d'en discuter et de trouver une solution future à ce genre de dilemme. Cela sort de notre compétence.

Je propose plutôt d'envoyer un message aux autres députés de la Chambre des communes, en disant que nous avons protégé leurs droits, que nous avons fait le premier pas et transmis ce message en leur nom. Nous avons envoyé une lettre et nous passons maintenant à l'étape suivante pour préparer notre dossier, de sorte que lorsque ces discussions auront lieu, les députés de la Chambre des communes auront les munitions voulues, si je puis employer ce terme.

L'intervention du comité serait très utile si notre objectif était de faire sortir le projet de loi du Sénat sur le champ pour qu'il soit adopté, et s'il était possible de le faire. Je ne pense pas que ce soit notre motif ultime. Ce qui nous motive à agir comme nous le faisons, c'est une question de principe car nous voulons nous assurer que notre position est bien claire. Si nous nous faisons du tort en gardant le silence ou en ne passant pas à l'étape suivante, cela risque de nous empêcher à l'avenir de préparer une argumentation solide pour éviter que ce genre de choses ne se reproduise. C'est tout ce que je voulais dire.

Pour le moment, à mon avis, peu importe le sort réservé au projet de loi C-69. C'est une excuse que nous invoquons à ce stade pour faire en sorte que les droits des députés élus de la Chambre des communes soient protégés. Nous pouvons au moins faire valoir nos arguments maintenant de sorte que si cela se reproduit à l'avenir, il y aura des précédents.

Comme le dit souvent M. Chrétien, le droit anglais a été bâti sur les précédents; on fait des erreurs une dizaine ou une quinzaine de fois, puis cela prend forme de loi. Je n'en dirai pas plus.

Le président: Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Vous me corrigerez, monsieur le président, si je récapitule mal les choses ou si ma compréhension est erronée.

Le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre est le successeur du Comité de la gestion de la Chambre qui était antérieurement le Comité des privilèges et élections. Y a-t-il un privilège plus important que le privilège de la Chambre dans son entité, dans sa globalité? On porte beaucoup d'attention au privilège d'un député en Chambre. Ici il s'agit du privilège de toute la Chambre élue de voir sa voix prépondérante, comme représentante de la population, être affirmée en ce pays.

Je pense que cette date de décembre 1995 est importante parce que nous pouvons avoir consensus pour affirmer que la volonté des élus de la population doit prédominer sur la volonté d'une autre Chambre non élue, dont nous voulons tous la réforme, l'abolition ou l'élection. Peu importe ce qu'on envisage, il y a consensus au moins sur la nécessité d'un changement de ce côté.

Il serait dommageable que nous ne soyons pas unanimes. Je recherche toujours l'unanimité, le consensus, mais à défaut de consensus, je me contenterai d'une majorité. Lorsque mes collègues seront prêts, je demanderai que vous posiez la question, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Nous n'avons plus le quorum. Le whip a dit qu'il allait envoyer quelqu'un, mais pour le moment il nous manque un député pour adopter les motions.

Je ne sais pas ce que veulent faire les membres du comité. Il nous est possible de déposer le rapport à la Chambre si le comité souhaite l'adopter. Le rapport pourra être déposé et nous pourrons ensuite attendre de voir si la Chambre est d'accord pour en discuter à une date ultérieure. Faute d'une telle entente, il est peu probable que ce rapport fasse l'objet d'un vote. Il fera peut-être l'objet d'un court débat.

Je vois qu'un autre député vient d'arriver. Avez-vous signé le formulaire?

M. Bryden (Hamilton - Wentworth): Non, je n'ai pas le formulaire, mais vous pouvez m'accepter comme je suis.

Le président: C'est impossible.

M. Bryden: Très bien. Voulez-vous que je reparte chercher un formulaire?

Le président: Vous n'avez pas le choix.

M. Bryden: Très bien. Je vais le faire.

Le président: Je regrette.

M. Bryden: Cela n'a pas d'importance. Je reviens immédiatement.

.1210

Le président: Le comité peut agir comme il le désire à cet égard. Il est regrettable qu'il n'y ait pas d'unanimité sur cette question, mais c'est ainsi, nous n'y pouvons rien.

Dans l'intervalle, il y a une autre question à l'ordre du jour, mais là encore il faut attendre d'avoir le quorum. Il s'agit du Sous-comité sur les affaires émanant des députés.

Monsieur Langlois, voulez-vous reporter l'étude de cette question à une date ultérieure? L'ébauche de rapport n'est pas un rapport du sous-comité. C'est bien cela?

[Français]

M. Langlois: Effectivement, il y aurait probablement certains détails techniques à régler en sous-comité. Je vous demanderais, monsieur le président, étant donné qu'il n'y a pas urgence à agir... M. Knowles peut-il nous le confirmer?

M. Stephen Knowles (greffier à la procédure): On a jusqu'au 6 février, monsieur le président.

M. Langlois: Dans ce cas, je demanderais seulement jusqu'au 5, pour que nous nous penchions à nouveau sur la question et que nous fassions rapport au plus tard le 5 février.

M. Laurin: Sur le projet de loi C-69?

M. Langlois: Oui.

M. Laurin: À quel sujet?

M. Langlois: Sur les motions et projets de loi votables.

M. Laurin: Nous revenons le 5?

Le président: Oui.

M. Arseneault: Monsieur le président, serait-il possible d'avoir un court résumé de chaque projet de loi qui est recommandé ici, quand le rapport sera présenté devant ce Comité? Prendre une décision sans avoir pris un peu connaissance du sujet serait quelque peu difficile. Ce projet de loi peut être embarrassant.

Le président: Oui, certainement, on pourrait obtenir cela. Mais si la suggestion est que nous différions cela jusqu'à mardi, pourquoi ne pas attendre à mardi prochain?

M. Arseneault: Oui, très bien. Mais quand il sera présenté, nous aimerions avoir un court résumé de chaque projet de loi qui est recommandé et sur lequel il faudra voter.

Le président: C'est une bonne idée, monsieur Arseneault.

Alors, mardi, nous aurons les deux documents.

[Traduction]

J'informe également le comité que mardi, une demande émanant du comité de liaison au sujet de la télédiffusion sera à l'ordre du jour. En outre, le projet de loi C-319, proposé par M. McLelland, sera à nouveau à l'étude. Comme vous le savez, nous en avons déjà discuté auparavant, et diverses dispositions ont été prises entre les partis et une nouvelle version a été rédigée. Nous examinerons donc ce projet de loi et pourrons peut-être en faire rapport. Nous aurons donc vendredi un ordre du jour chargé, mais j'espère que nous pourrons avancer rapidement.

Monsieur Langlois, proposez-vous que l'ébauche de rapport soit déposée, présentée à la Chambre?

[Français]

M. Langlois: Comme notre 108e rapport.

[Traduction]

Le président: Très bien. M. Langlois propose que l'ébauche de rapport soit déposée comme notre 108e rapport.

Une voix: Monsieur le président, veuillez procéder au vote par appel nominal, je vous prie.

La motion est adoptée par 6 voix contre 1

Le président: La motion est adoptée. Conformément à ces directives, votre président va déposer le rapport à la Chambre dès demain.

Voilà qui termine l'ordre du jour de cette réunion. Je tiens à remercier tous les députés de leur présence.

La séance est levée.

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