[Enregistrement électronique]
Le jeudi 5 octobre 1995
[Traduction]
Le vice-président (M. Scott): Silence.
Nous poursuivons l'audition de M. Clark que nous avons déjà entendu mardi. Nous lui avions d'ailleurs posé des questions.
Monsieur Clark, sauf erreur, il s'agit d'un exposé complémentaire. Je vous en prie.
M. Bruce Clark (secrétaire exécutif suppléant, Secrétariat à la condition des personnes handicapées, ministère du développement des ressources humaines): Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes heureux de vous retrouver ce matin.
Nos remarques seront assez brèves. Je sais que vous êtes tous pressés par le temps et nous espérons qu'il en restera pour les questions.
Nos remarques de ce matin porteront sur deux domaines particuliers. Premièrement la procédure d'évaluation entreprise dans le cadre de la stratégie nationale. Mardi, nous vous avons donné un aperçu des points essentiels de la stratégie nationale et aujourd'hui notre intention est de vous donner certains détails sur la procédure d'évaluation et les résultats enregistrés. Je sais que votre comité s'intéresse énormément à ces évaluations et qu'il en a beaucoup entendu parler.
Nous voudrions également vous dire quelques mots sur les réactions de la communauté face à cette stratégie nationale, et sur la situation actuelle. Ensuite nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Je cède la parole à mon collègue, René Campeau, qui va vous parler de ces évaluations.
[Français]
M. René Campeau (coordinateur, Condition des personnes handicapées, Développement des ressources humaines): Les évaluations de la Stratégie nationale ont été commandées par le Conseil du Trésor à l'été 1991, lorsqu'il a approuvé les fonds pour la Stratégie nationale. C'était en accord avec les politiques gouvernementales de l'époque qui exigeaient deux types d'évaluations: une évaluation de la Stratégie nationale dans son ensemble et une évaluation des activités de chacun des ministères impliqués dans la Stratégie nationale.
Nous avons fait deux séries d'évaluations. La première, en 1992-1993, portait sur l'examen, à mi-période, de la Stratégie nationale. Nous nous sommes penchés principalement sur les processus mis en place. Au même moment, le ministère des Transports faisait un examen de ses programmes. En 1994 et 1995, nous avons fait des évaluations de fin de mandat portant sur la Stratégie nationale dans son ensemble et sur les ministères et organismes partenaires.
[Traduction]
Mon exposé portera sur l'évaluation de fin de mandat de l'ensemble de la stratégie. Il est tiré d'un rapport intérimaire qui n'est pas encore complètement terminé.
Les données de cette évaluation sont tirées de sources multiples et sont le résultat de la consultation de 346 personnes représentatives de la communauté des handicapés. Elle est aussi le résultat de l'examen de dossiers, de documents, de travaux de groupes spécialisés et d'opinions d'experts. Ces conclusions se fondent également sur les rapports d'évaluation ministérielle et sur les données financières fournies par les ministères partenaires.
Certaines difficultés étaient directement liées à l'évaluation. Par exemple, l'évaluation fut entreprise pendant la quatrième année de la stratégie nationale. Je crois que Bruce Clark a signalé plus tôt cette semaine qu'on avait annoncé la stratégie en septembre 1991. On voit donc que, entre l'annonce de la stratégie et la réalisation des évaluations, seulement deux exercices financiers s'étaient écoulés.
Une autre difficulté est celle d'attribuer à la stratégie nationale les changements signalés dans l'intégration des personnes handicapées, car tant d'autres intervenants et tant d'autres conditions influent sur ces changements. Il faut faire remarquer aussi qu'en raison de la restructuration gouvernementale de 1993 il a été difficile d'évaluer les progrès et de suivre les dépenses des ministères partenaires, car certaines responsabilités ministérielles ont été réaffectées, des programmes ont été fusionnés et des systèmes modifiés.
Cependant, l'étude a porté sur la valeur ajoutée de la méthode stratégique. On a obtenu des renseignements intéressants sur l'élaboration et la mise en application d'une stratégie nationale, et on a présenté des informations préliminaires sur les résultats de la stratégie nationale.
[Français]
Quant aux principaux résultats préliminaires de l'évaluation par rapport aux objectifs visés, la communauté des personnes handicapées reconnaît à l'unanimité que les besoins sont amples et qu'une stratégie quinquennale ne pouvait répondre à tous les besoins.
Quatre-vingt-un pour cent des répondants estiment que depuis 1991, des changements positifs ont permis aux personnes handicapées de s'intégrer davantage à la société. Les données recueillies lors de l'étude indiquent que, dans son ensemble, la Stratégie nationale a contribué à améliorer l'accès, à créer des occasions de participation réelles ainsi qu'à favoriser l'intégration économique.
À ce chapitre, 84 p. 100 des répondants ont indiqué qu'il y avait eu des progrès significatifs ou modérés pour ce qui est de la participation réelle. Par ailleurs, 79 p. 100 des répondants étaient d'avis qu'il y avait eu des progrès significatifs ou modérés en matière d'égalité d'accès aux installations, aux biens et aux services. Finalement, 59 p. 100 des répondants ont signalé qu'il y avait eu des progrès significatifs ou modérés quant à l'intégration économique des personnes handicapées.
Pour ce qui est de l'impact de la Stratégie nationale, des progrès importants ont été constatés dans des secteurs d'activité où il y avait eu des initiatives ministérielles.
On constate qu'il y a un meilleur environnement pour l'intégration des personnes handicapées dans la société canadienne, plus particulièrement par le biais d'une plus grande sensibilisation du public aux questions qui touchent les personnes handicapées, aux chapitres des améliorations techniques et technologiques et des modifications apportées aux lois et règlements.
Des progrès importants ont également été réalisés en ce qui a trait à l'égalité d'accès au transport, aux communications, au logement et à l'information.
Des partenariats vigoureux, particulièrement avec les ONG, ont favorisé une plus grande participation réelle des personnes handicapées à l'examen des problèmes qui les touchent.
Finalement, le nombre d'initiatives ministérielles témoigne du leadership fédéral, mais leur incidence à long terme n'est pas encore connue.
[Traduction]
La conclusion de l'évaluation est que la méthode employée n'était pas suffisamment stratégique, pour quatre grandes raisons. En premier lieu, en raison de certaines faiblesses dans l'élaboration de la stratégie nationale, les contributions ministérielles n'étaient pas conçues de façon à atteindre les objectifs visés par la stratégie nationale, et il n'y avait pas de consultations directes avec les ONG dans les provinces pour décider de la meilleures façon de résoudre ces problèmes. La communauté des personnes handicapées et les organismes provinciaux avaient donc l'impression que la stratégie ne leur appartenait pas, ce qui les a découragés d'y participer pleinement.
La deuxième raison est qu'il y avait certaines faiblesses dans l'application de la stratégie nationale. Au début, les agences centrales, les ministères directeurs représentés au sein du groupe de travail de la stratégie nationale, et les gestionnaires responsables de l'application de la stratégie nationale n'étaient pas en mesure de favoriser, de manifester ou de maximiser la coopération ni de partager leurs expériences. En raison de la restructuration gouvernementale de 1993, il a été difficile au secrétariat de jouer un rôle d'avant-plan au sein du gouvernement fédéral. Le problème s'est aggravé en 1994, quand, en l'absence d'un ministre responsable de la situation des personnes handicapées, le gouvernement s'est concentré sur la réforme du système de sécurité sociale.
En outre, la méthode stratégique était faible parce qu'il n'y avait pas de système de responsabilisation. On n'exigeait pas de système officiel de responsabilisation interministériel autre que les évaluations. Il n'y avait pas de système structuré, rien qui encourageait les ministères à partager les informations sur la mise en application, les dépenses, les méthodes d'évaluation ou la possibilité de partager les expériences. Le ministère directeur avait la responsabilité globale de contrôler l'application mais il de disposait d'aucun mécanisme pour en assurer l'exécution. Son seul outil était la pression morale.
En dernier lieu, la méthode stratégique était faible à cause de sa stratégie de communication trop discrète. L'évaluation révèle qu'il n'y avait pas assez de coopération interministérielle pour situer les différentes initiatives ministérielles dans le contexte du programme global que le gouvernement fédéral avait élaboré pour aider les personnes handicapées, et que ces dernières étaient peu au courant de la stratégie. Il était donc plus difficile pour les groupes concernés de travailler collectivement à des initiatives, et ils avaient donc moins de possibilités de s'intégrer à la société canadienne.
[Français]
Nous avons pu tirer des leçons de la conception et de la mise en oeuvre de la Stratégie nationale. D'une part, à cause du vieillissement de la population, le pourcentage des personnes handicapées augmentera au Canada. Par conséquent, il sera nécessaire d'aborder les questions liées aux personnes handicapées, cela avec l'engagement du gouvernement fédéral.
Une deuxième leçon à tirer de l'évaluation est qu'on a réussi à aborder les questions spécifiques aux personnes handicapées grâce aux programmes ministériels. Il est nécessaire de poursuivre ces programmes de même que leur coordination au niveau interministériel.
Une approche interministérielle coordonnée doit se fonder sur un engagement de tous les ministères participants à contribuer à une vision globale et partagée de ce que le gouvernement fédéral aimerait réaliser à court et à long termes.
Des consultations et un dialogue permanent avec tous les intervenants sont importants dans l'élaboration et la mise en oeuvre de nouvelles stratégies d'appui aux personnes handicapées.
L'élaboration de programmes créatifs et novateurs se fonde sur une approche systématique et structurée au monitoring du progrès réalisé et à l'échange des leçons tirées.
Également, il est nécessaire de se doter de mécanismes de responsabilisation structurés. On doit assurer un dialogue continu avec le regroupement des personnes handicapées et les provinces et territoires au moment d'élaborer et de mettre en oeuvre des programmes à l'intention des personnes handicapées, afin d'être en mesure de répondre aux attentes, de s'attaquer aux questions prioritaires et de maximiser l'efficacité des programmes.
L'on doit également donner plus de poids à la justification économique de l'intégration des personnes handicapées, ce qui permettra de promouvoir l'intégration à long terme des personnes handicapées dans la société et d'assurer la participation du secteur privé à ce processus.
Les partenariats avec tous les intervenants, y compris les personnes non handicapées et le secteur privé, sont un élément clé du succès des programmes liés aux personnes handicapées. En d'autres mots, on ne peut travailler isolés de tous les autres.
Finalement, l'initiative des programmes interministériels de la Stratégie nationale nous a appris qu'il existe d'énormes contraintes qui empêchent le regroupement horizontal efficace de programmes dans le contexte actuel des structures verticales du gouvernement fédéral. En d'autres mots, les décisions, dans les ministères, sont toujours prises de façon verticale. Notre programme est horizontal et touche différents programmes et ministères. Il est difficile d'assurer l'horizontalité quand les décisions sont prises verticalement.
[Traduction]
L'évaluation a révélé l'existence des besoins suivants. Il faut continuer d'étudier les question liées aux personnes handicapées dans la société canadienne. Il faut que le gouvernement fédéral continue de se pencher sur la situation des personnes handicapées. Les six évaluations environnementales ont aussi insisté sur ce point. Il faut que les ministères fédéraux continuent d'élaborer des programmes spéciaux destinés à répondre aux besoins des personnes handicapées, et qu'on mette sur pied des structures interministérielles à cette fin.
L'évaluation insiste aussi sur le fait que les questions relatives aux personnes handicapées présentent une certaine complémentarité. Cela confirme la nécessité de poursuivre l'initiative nationale à l'appui des personnes handicapées, à laquelle doivent contribuer tous les paliers gouvernementaux, tous les secteurs de la société ainsi que les personnes handicapées collectivement et individuellement.
M. Clark: Pour connaître l'opinion de la communauté sur cette stratégie nationale, nous avons décidé de consulter la communauté pour tracer l'avenir et déterminer les suites à donner à cette stratégie nationale. Nous avons tenu des consultations dans 7 grandes villes et consulté quelques 32 groupes d'handicapés.
Monsieur le président, il faudrait que vous sachiez qu'au cours de la dernière décennie le Secrétariat à la condition des personnes handicapées s'est surtout reposé dans ses décisions sur ce que lui disait le mouvement des consommateurs et ce que lui disaient les handicapés eux-mêmes. Comme je l'ai rappelé mardi, ce sont les handicapés eux-mêmes qui comprennent le mieux les problèmes et qui proposent les modèles et les solutions qui permettent de surmonter les obstacles. Ce sont eux les spécialistes. Ce sont donc eux que nous écoutons en premier lieu.
Pour évaluer cette stratégie, on pourrait écouter pendant des heures des bureaucrates énumérer tous les efforts entrepris. De mon point de vue, ce sont les impacts de cette stratégie qui importent le plus. Et c'est la communauté elle-même qui est le mieux à même de juger ces impacts.
Ceci dit, j'aimerais m'arrêter sur certains des problèmes signalés par les handicapés mais je vous préviens que ce n'est pas suffisant. Il s'agit uniquement de ce qui a été rapporté à notre Secrétariat. Il faudra que vous rencontriez les représentants de la communauté elle-même pour bénéficier d'une analyse plus détaillée de cette stragégie nationale.
D'une manière générale, la communauté des handicapés a très bien accueilli cette stratégie nationale car elle a permis d'inscrire ses problèmes à l'ordre du jour national. Elle leur a donné un caractère politique et occasionné des efforts concertés d'un certain nombre de ministères fédéraux pour régler les problèmes d'égalité d'accès, de pleine participation et d'intégration économique. Cependant, ils vous diront qu'ils ne se sont pas suffisamment sentis consultés au niveau de la conception et de l'orientation de cette stratégie nationale et qu'ils ne se sont pas vraiment sentis considérés comme des partenaires dans le cadre de cet exercice.
Ils reconnaissent avoir bénéficié des ressources mises à leur disposition pour s'organiser et lancer ou prolonger certaines activités. Elle leur a donné accès à des ressources indispensables pour faire progresser le dossier. Ils reconnaissent également que cette stratégie nationale a permis de faire jouer au gouvernement fédéral un rôle de premier plan qui a contribué à informer et à mobiliser les provinces et les municipalités. Ils vous diront que, compte tenu du climat actuel, il faut que le gouvernement fédéral continue à jouer un rôle important.
Ils ne sont pas non plus certains des résultats réels de cette stratégie nationale. Ils estiment que les gestionnaires n'ont pas eu à rendre pleinement compte de leurs activités dans le cadre de cette stratégie et qu'il faut trouver le moyen d'obliger les gestionnaires à rendre compte des progrès réalisés dans ce domaine.
Ils estiment également indispensable que les activités fédérales dans ce domaine soient coordonnées et qu'un ministre soit clairement chargé de la responsabilité de toutes ces questions au niveau fédéral.
Ils jugent aussi indispensable que les handicapés et les organisations qui les représentent soient associés aux activités du gouvernement fédéral dans ce domaine, à tous les niveaux, qu'il s'agisse de la consultation et de la conception des programmes, de l'élaboration des programmes, de la prestation des services et de leur évaluation.
Ils ne veulent pas non plus que les questions qui les concernent fassent l'objet d'initiatives spéciales ou de programmes spéciaux. Cela fait des années que les handicapés luttent contre le «ghettoïsation». Ils préfèreraient, à juste titre, que tous les programmes fédéraux et que toutes les activités fédérales prennent en compte leurs besoins. Il faut qu'au niveau de la politique et des programmes les besoins des handicapés tels qu'ils sont définis par eux-mêmes, soient pris en compte et que cette nécessité soit officialisée.
Monsieur le président, maintenant que votre comité songe à consulter les principaux intéressés, je vous signale qu'il existe six ou sept organismes importants qui ont contribué de très près à la stratégie nationale et qui ont déjà prouvé qu'ils comprennent très bien les questions reliées au marché du travail et les autres problèmes qui touchent les personnes handicapées.
Je voudrais vous parler de ces organismes. Nous en avons déjà mentionné quelques uns mardi.
Comme je vous l'expliquais mardi, le Conseil canadien avec déficiences, et je vois que la directrice exécutive, Laurie Beachell, est ici aujourd'hui, est un organisme-cadre qui regroupe les membres de diverses communautés de personnes handicapées. Cela fait 20 ans qu'il traite avec le gouvernement fédéral et il continue d'être un défenseur énergique de la communauté des personnes handicapées.
L'Association canadienne pour l'intégration communautaire, qui représente des personnes qui ont un handicap mental est elle aussi une association solide qui a joué un rôle très positif à l'échelle internationale et qui a effectué beaucoup de recherches sur les questions d'intégration économique.
L'Association canadienne des centres de vie autonome est un autre organisme clé qui a profité de l'appui de la stratégie nationale. Elle administre maintenant quelque 22 centre de vie autonome au Canada. Ces centres sont gérés par des personnes qui sont elles-mêmes handicapées et fournissent certains services aux personnes handicapées. L'association a un réseau bien établi et pourra certainement contribuer quelque chose d'utile à vos délibérations.
L'Association canadienne des paraplégiques a fait beaucoup pour montrer les avantages économiques qu'entraîne la pleine participation des personnes handicapées. Elle va examiner de très près des questions comme le régime d'impôt sur le revenu du gouvernement fédéral, de même que les soutiens et les services qui peuvent être fournis aux personnes handicapées. Cette association aussi a eu de très bon rapports avec nous ces dernières années.
Il y a aussi l'Association des sourds du Canada et le Conseil canadien des aveugles, deux organismes spécialisés qui peuvent avoir quelque chose de particulier à contribuer au débat.
Il y a aussi un certain nombre d'organismes fournisseurs de services que je vous encouragerai à consulter. Je ne m'étendrai pas longtemps là-dessus puisque j'en avais parlé mardi. Votre comité devrait entendre le point de vue des deux côtés, c'est-à-dire des associations de consommateurs et des fournisseurs de services, même si ce sont les personnes handicapées qui font partie du groupe de consommateurs qui sont le mieux renseignés sur la situation et si c'est de leur opinion dont il faudrait surtout tenir compte.
Il existe d'autres groupes intéressés qui ont aidé à la stratégie nationale, dont bon nombre d'organismes du secteur privé, ils en donneront volontiers la liste à votre attachée de recherche. Votre Comité voudra peut-être aussi consulter ces groupes.
Monsieur le président, nous nous arrêterons là et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Je vous rappelle que vous nous aviez posé mardi diverses questions auxquelles nous n'avions pas pu répondre. Nous avons apporté aujourd'hui divers documents qui contiennent les réponses à la plupart de ces questions. Nous vous les fournirons le plus rapidement possible. Merci.
Le vice-président (M. Scott): Merci beaucoup, messieurs Clark et Campeau.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): J'ai une question à deux volets.
Vous avez parlé de la Stratégie nationale pour l'ensemble du Canada. J'aimerais savoir si l'évaluation que vous avez faite permet de présenter un état de la situation dans chacune des grandes régions du Canada, afin qu'on puisse voir si le traitement des personnes handicapées est identique partout au Canada.
Deuxièmement, j'ai cru comprendre que vous demandiez que la Stratégie nationale soit reconstituée une fois qu'elle aura été autocritiquée et évaluée. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.
M. Campeau: Je vais répondre à la première question et laisser M. Clark répondre à la deuxième.
L'évaluation n'a pas été menée de manière à ce qu'on puisse évaluer l'avancement de la condition des personnes handicapées dans chacune des grandes régions canadiennes. Nous nous sommes plutôt penchés sur chaque type de handicap.
M. Crête: Lorsque le Comité permanent du développement des ressources humaines a fait une tournée, lors de l'étude de la réforme des programmes sociaux, j'ai constaté que le traitement des personnes handicapées était différent d'une partie à l'autre du Canada. J'ai probablement l'oeil biaisé, mais il m'a semblé que le travail fait par l'Office des personnes handicapées du Québec nous donnait une longueur d'avance sur certaines autres parties du Canada.
[Traduction]
M. Clark: Vous avez tout à fait raison de dire que le genre de services et la façon dont ces services sont fournis aux personnes handicapées varient beaucoup d'une région à l'autre du pays. Un des rapports que nous avons fournis au comité ce matin contient des données montrant certaines différences régionales dont la représentation des personnes handicapées au sein de la main-d'oeuvre active et dans d'autres domaines clés.
Même si la stratégie nationale ne s'est pas penchée de façon précise sur les systèmes de prestation de services des provinces, je pense que vous avez tout à fait raison de signaler qu'il existe des différences importantes. La façon dont on fournit certains services aux personnes handicapées du Québec pourrait certainement servir de modèle au reste du pays.
Je sais que lorsque vous en discuterez avec les organismes de personnes handicapées, ils pourront vous parler longuement des différences dans les services fournis dans les diverses provinces. Par ailleurs, certaines de ces variations d'une province à l'autre montrent que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour continuer de montrer quelles sont les meilleures façon de procéder et les meilleurs modèles de service. Certaines autres provinces doivent être mises au courant de ce qui se fait au Québec, et vice versa. Il existe d'autres excellents modèles ailleurs dans le pays. Si l'on peut communiquer ces meilleurs façons de procéder aux autres provinces, nous pourrons améliorer le sort des personnes handicapées de tout le Canada. Vous avez tout à fait raison.
Pour ce qui est de la reconstitution de la stratégie nationale, nous venons de terminer le processus d'évaluation. Comme nous vous l'avons signalé, les données obtenues au moment de l'évaluation sont en train d'être distribuées aux divers comités qui s'occupent de la stratégie nationale.
Le ministre du développement des ressources humaines, monsieur Axworthy, s'intéresse beaucoup aux personnes handicapées et défend leurs intérêts depuis des années. Je pense qu'il est vraiment un bon ami des personnes handicapées.
Il est en train d'évaluer les divers outils à la disposition de son ministère et d'autres ministères et d'examiner la nature du rôle du gouvernement fédéral auprès des personnes handicapées. Quand nous aurons ajouté à cela les renseignements fournis par l'évaluation de la stratégie nationale sur ses points forts et faibles, M. Axworthy pourra, de concert avec ses collègues, définir l'orientation future du rôle du gouvernement fédéral dans ce domaine.
[Français]
M. Crête: Dans ma circonscription, il y a un centre de vie autonome pour personnes handicapées. Selon vous, quel avenir doit-on assurer à ces centres-là? Je crois qu'on est actuellement en train de les évaluer. C'est probablement un des aspects de la Stratégie. De toute façon, quel avenir, selon vous, doit-on assurer à ces centres de vie autonome?
[Traduction]
M. Clark: Ce sont les personnes handicapées elles-mêmes qui doivent déterminer quels incitatifs doivent exister. Le fait est que les personnes handicapées ont des besoins bien particuliers qui sont reliés aux obstacles créés par leur déficience. Il faut parfois indemniser d'une façon quelconque les personnes handicapées du coût que cela représente. À notre avis, la façon la plus appropriée de répondre à ces besoins serait dans le cadre des programmes d'application générale. Lorsqu'on élabore de nouveaux programmes, on devrait le faire de façon à les rendre accessibles aux personnes handicapées et à éliminer les problèmes d'adaptation dès le départ. À ce moment-là, les programmes d'incitation ne seraient plus nécessaires. Nous aurions des programmes qui offriraient un accès et des chances égales à tous et c'est ce que nous voudrions.
Cela étant dit, nous avons encore du pain sur la planche. Nous avons constaté que les programmes d'incitatifs fonctionnent très bien du point de vue du secteur privé. Les changements qui ont été apportés au régime d'impôt sur le revenu ont beaucoup aidé puisqu'ils permettent aux entreprises du secteur privé d'amortir en un an le coût des modifications physiques à l'intention des personnes handicapées. Il existe aussi d'autres exemples.
Les programmes de ce genre ont donc un rôle à jouer. À mon avis, les personnes handicapées voudraient en venir à un point où tous les programmes seraient conçus dès le départ en tenant compte des besoins d'adaptation des personnes handicapées.
Le président: Madame Catterall.
Mme Catterall (Ottawa-Ouest): Notre Comité a insisté énormément dans le passé, et je suis bien d'accord là-dessus, sur l'intégration économique des personnes handicapées. Selon moi, plus vite on gagne de l'argent dans notre société, plus vite on va s'occuper de répondre à vos besoins et de respecter vos droits. Je voudrais savoir dans quelle mesure vous avez examiné, dans le cadre de votre évaluation, ce que font des ministères précis et comment ils répondent aux besoins des personnes handicapées dans le cadre de leurs programmes réguliers.
Prenons l'exemple du nouveau ministère Développement des ressources humaines Canada. Avez-vous essayé de voir combien on dépense sur le plan de la formation pour les personnes handicapées? La dernière fois que j'ai vu les chiffres, ils n'étaient pas encourageants. Je pense que c'était environ 2 p. 100 des fonds consacrés à la formation.
Deuxièmement, avez-vous essayé de voir dans quelle mesure les personnes handicapées sont intégrées aux programmes de formation qui ne sont pas conçus spécialement pour les personnes handicapées?
M. Clark: Nous avons effectivement examiné dans le cadre de notre évaluation les programmes d'autres ministères et la façon dont ces programmes visent à répondre aux besoins des personnes handicapées, mais nous avons surtout examiné les programmes financés et co-administrés dans le cadre de la stratégie nationale. Ce n'était pas le cas de tous les ministères du gouvernement fédéral ni de tous les programmes fédéraux.
D'autres études ont été menées pour voir comment on répond aux besoins des personnes handicapées. Je veux parler d'études menées par divers intervenants, y compris les groupes de personnes handicapées, mais aussi par la Commission canadienne des droits de la personne.
Au ministère du Développement des ressources humaines, il existe des chiffres sur le nombre de clients des divers programmes. Les chiffres qui portent sur les dépenses directes peuvent sembler décourageants, mais c'est très difficile de tout retracer. Il faut d'abord qu'on s'identifie comme étant une personne handicapée, ce qui ne se fait pas toujours pour participer à un programme de formation. Les participants ne s'identifient pas toujours comme étant des personnes handicapées et leur participation n'est donc pas notée. Nous avons aussi tendance à voir quel est le taux de participation aux initiatives spéciales plutôt qu'aux programmes réguliers.
Cela devient un élément de la façon dont ces programmes sont offerts. Si un programme est financé directement par la caisse d'assurance-chômage, la majorité des personnes handicapées en seront exclues parce qu'elles ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-chômage vu qu'elles n'ont jamais cotisé au régime.
Il y a aussi certaines restrictions sur le plan de la participation. Cela dépend beaucoup du genre de programme de formation.
C'est une question dont M. Axworthy est au courant et sur laquelle il tient à se pencher pour faire en sorte que le plus grand nombre de programmes de formation possible qu'offre le ministère soient aussi accessibles aux personnes handicapées. Il sait que la communauté des personnes handicapées constitue une énorme réserve de capital humain et il tient à faire en sorte que les divers programmes offerts par son ministère tiennent compte aussi des besoins des personnes handicapées.
Voulez-vous ajouter quelque chose, René?
M. Campeau: Je pense que vous avez à peu près tout dit.
Le président: Je voudrais interrompre la discussion un instant pour traiter des affaires du Comité vu que notre collègue, monsieur Crête, doit nous quitter pour d'autres affaires officielles. Avec l'indulgence du Comité, je vais donc interrompre l'audition des témoins et passer aux affaires du Comité et à l'adoption du quatrième rapport du Sous-comité du programme et de la procédure.
M. Maloney (Erie): Je propose l'adoption du quatrième rapport.
Mme Catterall: Puis-je poser une question?
Le président: Oui.
[Français]
Mme Catterall: Je pense que M. Crête voulait poser une question assez importante pour nos délibérations de ce matin.
[Traduction]
Je voudrais donc savoir si les organismes que nous allons convoquer représentent bien les personnes handicapées francophones du Canada ou leur fournissent des services.
Le président: Je voudrais que l'attachée de recherche réponde à cette question.
Mme Nancy Holmes (attachée de recherche du Comité): Je pense que nous avons une bonne liste de ces organismes. Si les membres du Comité veulent ajouter le nom d'autres organismes à la liste, ils sont libres de le faire.
Mme Catterall: Avons-nous tenu compte de cet aspect de la question pour dresser la liste des organismes?
Mme Holmes: Oui, nous en avons tenu compte. Si je ne m'abuse, M. Bernier avait aussi donné son avis là-dessus.
La motion est adoptée
Le président: Nous reprenons l'audition des témoins.
Madame Catterall.
Mme Catterall: Dans la même veine, l'une des choses dont je suis le plus fière est le fait d'avoir présenté un amendement quand le projet de loi C-21 était à l'étude pendant la législature précédente pour permettre d'utiliser les fonds affectés à la formation dans le cadre du régime d'assurance-chômage pour fournir soit les adaptations, soit les services, soit les accompagnateurs nécessaires aux personnes handicapées qui participent à des programmes de formation. À ma connaissance, les CEC ne semblent pas vraiment au courant de cette disposition. Les groupes de personnes handicapées que je connais non plus. On n'en parle pas.
Savez-vous dans quelle mesure on se sert de cette disposition?
M. Clark: Je l'ignore.
Je serais heureux de voir ce qu'il en est et de vous fournir une réponse le plus tôt possible.
L'une des choses qu'il faut faire, c'est coordonner les communications avec les personnes handicapées. Nous constatons souvent que les personnes handicapées ne sont pas au courant de certains des progrès qui ont été accomplis et auxquels chacun d'entre vous a participé de diverses façons. L'un des rôles que le Secrétariat à la condition des personnes handicapées peut jouer serait de coordonner les communications du gouvernement avec les personnes handicapées. Il est essentiel que les personnes handicapées soient mises au courant de certains des changements qui sont apportés pour permettre leur intégration.
Je vais essayer de voir comment ces dispositions ont été appliquées par le ministère et les divers fonctionnaires et je vous communiquerai volontiers ces renseignements.
Mme Catterall: J'en reviens toujours au rôle du gouvernement comme employeur parce que le gouvernement peut très facilement donner l'exemple sur ce plan. J'ai vu dans le rapport présenté par le président du Conseil du Trésor hier que le groupe des personnes handicapées a été proportionnellement beaucoup plus touché par la compression des effectifs de la fonction publique que l'ensemble de la fonction publique et près de deux fois plus, je pense, que les autres groupes cibles des mesures d'équité en matière d'emploi. Vous n'avez sans doute pas encore eu la chance d'examiner ces chiffres et de voir ce qu'il en est.
L'un des témoins que nous avons entendus pendant notre examen de la Loi sur l'équité en matière d'emploi a parlé de la difficulté d'obtenir les mesures d'adaptation dans les immeubles du gouvernement fédéral. Y a-t-il des solutions à ce problème? L'une des choses que nous a proposée M. Schut serait d'avoir une espèce d'ombudsman, un service qui pourrait voir de façon impartiale si un ministère fait le nécessaire ou non.
Avez-vous essayé de voir comment le gouvernement fédéral pourrait améliorer son rôle d'employeur?
M. Clark: Nous collaborons à ce sujet avec le Conseil du Trésor. Je dois dire que la Commission des droits de la personne a aussi fait beaucoup pour examiner les questions d'adaptation des lieux de travail du gouvernement fédéral et a beaucoup contribué à aider les divers ministères à améliorer la situation.
Tout d'abord, parmi ceux qui quittent la fonction publique, il semble que le nombre de handicapés soit élevé de façon disproportionnée et il existe plusieurs explications à ce fait. Nous n'avons toutefois pas encore procédé à une analyse complète, puisque ce rapport n'a été déposé qu'hier, mais nous avons l'intention de le faire et en attendant je vous soumets simplement mes hypothèses.
Ce que je pense personnellement, c'est que le gouvernement, pour alléger les effectifs, avait encouragé la retraite anticipée... Un grand nombre d'employés de la fonction publique fédérale qui déclarent être handicapés appartiennent à une génération plus ancienne. Comme je l'expliquais mardi, l'incidence d'invalidité augmente avec l'âge: Plus une population est âgée, plus élevé est le taux d'invalidité. Il est donc assez logique que ceux qui ont choisi une retraite anticipée composent une proportion élevée de personnes s'étant déclaré comme ayant une déficience. C'est certainement là une des explications.
Ce qu'il faut plutôt redouter, c'est que ceux qui choisissent de quitter la fonction publique ne le fassent parce que cette dernière n'offre pas suffisamment de possibilités de travail aux handicapés. C'est afin d'éviter cela que nous nous penchons avec le Conseil du Trésor sur cette question.
Il existe plusieurs programmes d'aménagement des lieux de travail à l'intention des fonctionnaires handicapés, des programmes visant également à leur donner une aide au travail et des technologies adaptées. Il existe même des dispositions visant à fournir de l'aide à un aveugle ou à un handicapé visuel sous forme de lecteur, afin qu'il puisse avoir accès à l'information. Il existe, à mon avis, plusieurs excellents programmes, mais nous devons néanmoins faire tout ce qui est dans nos moyens pour conserver les handicapés au sein de la fonction publique et répondre à leurs besoins.
J'ajouterai que mon propre service comprend un programme dit de gestion de l'invalidité: Quand une personne, sur le lieu de travail, a un accident qui la laisse handicapée il faut l'aider à se remettre en lui proposant un programme de rééducation, mais il importe surtout de la garder au travail, afin qu'elle ne soit pas mise en invalidité de longue durée, ce qui est très coûteux, mais qu'elle puisse continuer à faire partie de la population active.
Quatre ministères fédéraux participent à cette étude pilote et nous avons l'intention de continuer à encourager cette idée de gestion de l'invalidité, afin de garder parmi les rangs des travailleurs les employés handicapés pour cause d'accidents du travail.
M. Maloney: Dans votre exposé, vous disiez, je crois, que cinq années ne vous suffiraient pas pour résoudre tous les problèmes. Quelle est la nature de ceux-ci et quelle est leur gravité? Envisagez-vous ou préconisez-vous un élargissement ultérieur de la stratégie nationale, ceci pour un an, trois ans, cinq ans ou indéfiniment?
M. Clark: Là vous me mettez un peu dans l'embarras.
En effet, les problèmes auxquels ont à faire face les handicapés sont complexes, et nombreux sont les obstacles qui les empêchent de participer à l'activité économique du pays, nombreuses les barrières qui se dressent devant ceux qui veulent accéder au marché du travail. Il y a là toute une imbrication de systèmes relevant de diverses compétences, fédérales, provinciales et municipales.
Je vais vous donner un exemple du genre de problèmes auxquels je pense: Celui qui est à l'assistance sociale, au Canada, a également droit au remboursement de ses dépenses médicales, qui sont extrêmement élevées dans le cas de certains handicapés, allant jusqu'à plusieurs centaines de dollars par mois. Cette couverture est assurée dans le cadre de l'assistance sociale.
Quand la personne handicapée accepte un emploi, vous devez savoir, d'après votre propre expérience, que ces prestations ne sont souvent pas accordées pendant les six premiers mois. N'étant plus à l'assistance sociale, elle perd donc ses prestations médicales pendant un certain temps, ce qui la met dans une situation très difficile et la fera beaucoup hésiter à accepter un emploi rémunéré qui la couperait de l'assistance sociale.
L'enchevêtrement de systèmes est donc complexe et ce n'est là qu'un des très nombreux exemples. Il est donc difficile de se fixer un délai pour le faire.
Les leçons que nous tirons de la stratégie nationale devraient être intégrées à notre quotidien, et nous devrions clairement définir quel rôle doit jouer le gouvernement fédéral à l'égard des déficiences et veiller à ce que toutes les activités et programmes du gouvernement fédéral soient ajustés en fonction de ces problèmes.
Ce que je crains, avec des stratégies permanentes, c'est qu'elles se pétrifient et que d'ici cinq ans nous nous trouvions devant les mêmes incertitudes.
Il convient de dire clairement qu'en tant que gouvernement nous avons une responsabilité envers tous les Canadiens, dont 4,2 millions de personnes handicapées. Nous devons chercher la meilleure façon de les aider dans le cadre des programmes qui relèvent de notre compétence.
Cela dit, il me semble que vous pouvez donner une orientation stratégique et indiquer des objectifs clairs et mesurables pour lesquels un terme n'a pas été nécessairement imposé, mais qui peuvent servir de phare pour le gouvernement fédéral, dans ses activités en faveur des handicapés.
M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Ce qui est paradoxal dans les questions dont nous discutons, c'est que le progrès de la technologie permet, dans une certaine mesure, de trouver des solutions permettant l'intégration des handicapés dans l'économie du pays, mais que c'est l'accès à la technologie qui laisse à désirer. Nous avons donc l'embryon d'une solution, mais devant nous se dresse un nouvel obstacle.
Je voudrais savoir comment vous réagissez à ce problème, et j'aimerais que ce Comité...
Dans cette question d'accès à la technologie, avons-nous, en cinq ans, fait des progrès ou nous sommes-nous éloignés du but, car la technologie, elle, progresse très rapidement? Que peut faire le gouvernement pour nous rapprocher de cet objectif? La stratégie y est-elle parvenue; et comment sa performance a-t-elle été évaluée à cet égard?
C'est là ma première question et je pense qu'elle est assez claire.
Par ailleurs, je voudrais savoir quels sont les définitions qui permettent de classer une personne comme étant handicapée? Je pense en particulier aux questions de sensibilité aux produits chimiques et à l'environnement, et j'aimerais savoir si cette catégorie de gens fait partie de ceux qui font l'objet de cette enquête.
M. Clark: Je vais répondre à vos questions dans l'ordre dans lequel vous me les avez posées.
Il est exact que de grands progrès ont été réalisés au Canada par rapport à la technologie et à sa capacité d'améliorer l'indépendance des gens.
J'ai oublié de mentionner tout à l'heure la Neil Squire Foundation, qui a accompli un travail considérable dans le domaine de la technologie de soutien, sur le lieu de travail et à domicile, des handicapés graves. Cette institution pourrait vous donner là-dessus des renseignements très précieux.
Avec la réduction des coûts, la technologie devient plus abordable. Il y a dix ans encore le coût d'achat d'un ordinateur était beaucoup plus élevé que de nos jours. Il n'en reste pas moins qu'un grand nombre de handicapés ont besoin d'aide pour acquérir ces produits et des programmes existent, à cet effet, au niveau provincial.
Je voudrais toutefois vous mettre en garde: On croit, souvent à tort, que la technologie lèvera tous les obstacles. En changeant l'environnement, elle parvient certes à en enlever quelques-uns, mais un grand nombre de ces obstacles sont systémiques, ils sont intrinsèques aux attitudes, enracinés dans les traditions, dans des textes de loi dépassés ou dans des programmes périmés. Ce sont là des obstacles au moins aussi redoutables que ceux que pallie la technologie, de sorte que cette dernière ne peut être que l'une d'une panoplie de solutions.
C'est sur plusieurs fronts que la technologie a été mise à contribution par la stratégie nationale. Une subvention a été accordée à Transports Canada pour aider les handicapés à monter dans les avions et à en descendre, ce qui facilite considérablement leurs déplacements. Des progrès ont été réalisés dans l'accès au transport public, par exemple des autocars de tourisme et des autocars de lignes régulières, grâce à la technologie. Industrie Canada a également entrepris une série de projets et de mesures grâce à une subvention de la Stratégie nationale. J'ai évoqué mardi ces initiatives, et je vous renvoie donc à mon témoignage. Un certain nombre de projets constituent une avancée remarquable, grâce à la mise au point et à la distribution d'aides technologiques.
Nous prenons tous de plus en plus conscience du rôle que peut jouer la technologie pour écarter les obstacles, et le secteur privé, lui aussi, participe à ce mouvement.
C'est justement là l'une des missions que s'est donnée le Secrétariat à la condition des personnes handicapées, celle d'informer le secteur privé des technologies existantes.
Excusez-moi, mais j'ai perdu le fil de vos questions. Pouvez-vous me rappeler la seconde?
M. Scott: Elle portait sur les définitions d'inclusion.
M. Clark: Je vous remercie.
Nous avons repris les définitions de déficience, incapacité et handicap de l'Organisation mondiale de la santé, et nous en avons remis des exemplaires à la greffière de votre Comité pour qu'elle les distribue. Vous y trouverez des définitions assez précises de ce que nous entendons par déficience, incapacité, handicap, notions que j'ai également évoquées mardi et là encore je vous renvoie au procès-verbal de cette réunion.
En ce qui concerne la sensibilité à l'environnement, le gouvernement fédéral a confié principalement à Santé Canada le soin de s'occuper de cette question, qu'il voit davantage sous l'angle de la santé ainsi que de l'environnement.
Notre Secrétariat a toutefois, en collaboration avec la collectivité, étudié les limitations à l'activité quotidienne qui sont imposées par la sensibilité à l'environnement. C'est donc une question que nous n'écartons pas, mais qui est essentiellement entre les mains de Santé Canada, avec qui nous continuons à collaborer.
Je ne sais pas si cette question, qui relève de Santé Canada, fait partie du mandat de la Stratégie nationale.
M. Scott: Je vous pose cette question parce que lorsque nous avons étudié les définitions, mardi, j'ai été frappé par le fait que les obstacles sont de nature environnementale.
Je n'entends pas ce terme sous son aspect de chimie, mais plutôt sous celui d'obstacles érigés, en quelque sorte, de la main de l'homme.
Le même problème existe pour ceux qui vivent chez eux, dans un milieu sans produits chimiques; des gens de ma circonscription se trouvent dans cette situation. Le problème se pose seulement quand ils doivent sortir de chez eux et qu'ils se trouvent exposés à des produits chimiques; il s'agit donc d'une obstruction ou d'un obstacle causé par l'homme, et en entendant les définitions, je me disais qu'elles s'appliquent tout à fait à ce cas.
Le président: M. Scott a posé une question sur la technologie puis sur les déficiences, et cela m'amène à vous poser la question suivante: Quand nous concevons une stratégie nationale, disposons-nous d'une liste complète des facteurs à prendre en compte et que devrait peut-être examiner le Comité? Peut-être pourriez-vous, à une date ultérieure, nous faire parvenir une telle liste.
C'est ainsi que si la technologie a pris une telle importance de nos jours, il faut en tenir compte dans la Stratégie nationale. Si la nature, la gravité et l'ampleur des déficiences jouent un rôle crucial dans l'attribution des ressources, il faut également en tenir compte dans la mise au point d'une nouvelle stratégie.
Pourriez-vous fournir au Comité une liste complète de ces facteurs, en accompagnant peut-être chacun d'eux d'une note expliquant pourquoi il conviendrait d'en tenir compte dans la conception d'une nouvelle stratégie?
M. Clark: C'est faisable, certes, mais nous le ferions de la façon que nous recommanderions également au Comité, à savoir en consultation avec les représentants des handicapés qui comprennent les questions, connaissent les priorités et leur urgence. Pour obtenir cette information, le mieux serait de poser la question dans les mêmes termes lorsque vous consulterez la collectivité des handicapés, car c'est de leurs priorités qu'il convient de tenir compte, et non de celles que moi, ou l'un quelconque de mes collègues, pourrions considérer comme étant nos priorités.
C'est ainsi que je pourrais mettre l'accent sur la technologie alors qu'eux verraient les choses tout autrement, et c'est leur point de vue qui doit primer.
Je vous encourage donc à consulter sur ce point les représentants des handicapés.
Le président: C'est précisément ce que nous avons l'intention de faire, mais il est toujours bon d'entendre plusieurs sons de cloche: les divers groupes, les consommateurs, les activistes, les groupes de prétendus experts, en espérant, après les avoir tous écoutés, être à même de dégager une stratégie nationale optimale. C'est donc ce que je compte faire à cet égard.
Vous nous recommandez, par exemple, de consulter les groupes de consommateurs qui figurent déjà à notre ordre du jour, mais en raison de l'expérience que vous avez acquise, des faiblesses que vous avez pu discerner et d'une appréciation, de la part du secrétariat, de ces questions qui se posent de façon permanente et urgente, serait-il possible de demander au secrétariat comment il conçoit le cadre d'une stratégie nationale? Nous comprenons bien qu'il ne peut s'agir que d'une suggestion qui ne sera pas nécessairement adoptée par le Comité, que nous pourrons modifier, à laquelle nous pourrons donner un autre fondement et dont nous pourrons peut-être extraire la substantifique moelle. Est-ce faisable?
M. Clark: Nous pouvons certainement vous indiquer quelles sont les questions les plus urgentes et celles qui, à notre avis doivent être traitées au niveau fédéral. Nous serons heureux de pouvoir être ainsi être utiles au Comité.
Mais là encore, je vous mets en garde: toute suggestion que nous pourrons faire devra être soumise à l'examen des représentants des handicapés, car c'est de leurs besoins qu'il s'agit. Nous pourrons certes préparer une liste, mais encore doit-elle être entérinée par les intéressés eux-mêmes.
Le président: C'est bien l'intention du Comité, et toute recommandation émanant de lui tombe sous sa responsabilité et est le fruit de la participation de tous.
La dernière question que j'aimerais vous poser porte sur l'efficacité du secrétariat car je crois que M. Campeau ou vous-même avez fait comprendre qu'il serait bon qu'un ministère en particulier s'occupe des questions d'élaboration des politiques, de prestation des programmes et de leur évaluation, de formalités, qui toutes nécessiteront l'accès à des ressources financières.
Comment définiriez-vous l'efficacité du secrétariat en ce qui concerne le renouvellement d'une stratégie nationale au sein du ministère du Développement des ressources humaines?
M. Clark: Le climat politique ne se prêtait pas, au cours des dernières années, au plein épanouissement du secrétariat. Lorsque la stratégie a été mise en place, nous faisions partie, vous ne l'avez pas oublié, du ministère du Secrétariat d'État, qui a été plus tard intégré au ministère du Développement des ressources humaines. Nous avons donc été obligés, comme bien d'autres, de trouver notre place au sein d'un nouveau ministère, ce qui nous a pris du temps et de l'énergie et nous a obligés à préciser notre rôle. Nous y sommes parvenus avec succès, et nous avons trouvé notre place au sein d'un ministère qui détient nombre de leviers d'impact sur les programmes et services pour handicapés. Nous sommes donc bien placés pour traiter de ces questions.
Il reste toutefois au secrétariat à se faire reconnaître, au sein du gouvernement, comme étant le centre d'expertise et de coordination des questions touchant les handicapés, ce qui peut se faire en assignant au secrétariat un mandat bien défini.
Une partie des difficultés de la Stratégie nationale tient également à la dispersion des ressources entre d'autres ministères du gouvernement fédéral. Vous n'ignorez certainement pas que l'on n'exerce aucun contrôle sur les ressources, on n'a souvent aucune influence sur la façon dont ces ressources sont utilisées. C'est ce qui a entravé l'efficacité du secrétariat.
Toutes les initiatives du gouvernement fédéral en faveur des handicapés devraient être centralement coordonnées - c'est là un facteur d'importance capitale - au sein du ministère désigné, et celui-ci doit avoir les ressources nécessaires pour accomplir sa tâche.
Le président: Vous disiez que le mandat de celui-ci devrait être clair et bien défini. Pouvez-vous nous indiquer sur quels points subsistent actuellement les ambiguïtés?
M. Clark: La question des handicapés est si complexe, il y a tant de façons dont on l'aborde, qu'un grand nombre de personnes participent à la création de politiques qui touchent les handicapés.
À l'heure actuelle, il n'est pas exigé que ces politiques soient soumises au secrétariat aux fins de discussions, ni que les propositions présentées au Cabinet ne soient assorties des observations du secrétariat. Il n'est nulle part exigé que ce dernier examine et scrute les changements législatifs et les propositions concernant les handicapés.
C'est souvent par une voie détournée que nous sommes mis au courant des dispositions qui ont été prises et nous essayons alors de faire connaître nos opinions, mais nulle part il n'est dit que c'est là notre mandat.
Ce sont là des exemples de la façon dont notre rôle pourrait être renforcé.
Le président: Il me reste une dernière question, que M. Scott a soulevée en sous-comité. Comment pouvons-nous veiller à tenir compte des besoins tant des handicapés des centres urbains que de ceux des régions rurales?
M. Clark: Je n'ai pas encore eu l'occasion d'examiner la liste de vos témoins éventuels, mais un grand nombre d'organisations sont composées tant de représentants de handicapés des zones urbaines que de ceux des régions rurales.
Je vous rappellerai également la nécessité de consulter la collectivité autochtone car il convient de ne pas oublier leurs besoins, qui sont très criants, dans tout cadre national de politiques en faveur des handicapés.
Les besoins sont nombreux et divers, et si nous pouvions discuter avec vous de votre liste de témoins...ou si vous pouviez discuter de cette liste avec certains principaux représentants des handicapés, cela vous permettrait d'avoir un panorama de la situation, ce qui est très important.
Le président: Dans ce même ordre d'idés, y a-t-il un rapport ou une étude - comprenez-moi bien, ce n'est pas une autre étude qu'il nous faut aujourd'hui - qui nous présente une analyse comparative des problèmes et priorités des handicapés provenant de ces deux grandes catégories géographiques?
M. Clark: Non, il n'en existe pas.
Plusieurs rapports se sont penchés sur les problèmes et intérêts des handicapés par rapport à des questions précises. C'est ainsi que nous vous avons fourni un rapport sur les questions d'intégration économique et de sécurité sociale des handicapés, dans lequel nous nous sommes efforcés de traiter tant des handicapés des régions rurales que des zones urbaines.
Mais les questions liées aux handicapés sont très complexes et en flux constant. À ma connaissance, il n'existe pas de rapport qui vous donnerait ces renseignements, mais ce sont les handicapés eux-mêmes qui pourront vous les fournir.
Mme Catterall: Permettez-moi de soulever une question, sur laquelle nous pourrions nous pencher à notre retour, monsieur le président, et à laquelle il serait possible de réfléchir pendant l'ajournement.
Lors de notre première réunion, j'avais fait une proposition, pour notre ordre du jour, qui avait obtenu l'appui des trois partis, à savoir que le Comité devrait, l'an prochain, examiner le programme de Beijing d'action en faveur des femmes et mesurer, à cette aune, notre performance, les plans en faveur de l'égalité et les progrès accomplis dans ce sens.
Une des difficultés, c'est que Condition féminine Canada ne relève pas officiellement de ce Comité. Cela ne nous empêche pas, à mon avis, de nous livrer à cet exercice, car c'est là une question qui relève certainement des droits de la personne, mais cela nous amène toutefois à nous poser la question de savoir si Condition féminine Canada ne devrait pas relever de notre Comité. C'est une question qui, pour moi, ne fait aucun doute. J'en ai discuté avec le ministre responsable, qui considère que ce serait une bonne chose à faire. Si Condition féminine Canada ne relève pas de nous, cela constitue, à mon avis et en toute franchise, une anomalie due à la réorganisation des ministères.
J'aimerais donc que nous mettions cette question à l'ordre du jour de la prochaine réunion du Comité, mais qu'entre temps nos assistants, par une lettre émanant peut-être de vous, pressentent le ministre sur cette question et découvrent comment il faudrait procéder... Ce qui serait nécessaire, pour autant que je sache, c'est un amendement au Règlement qui attribue son mandat à chacun des comités, et la question pourrait être soumise au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Si les démarches pouvaient être faites à cet effet et si le Comité pouvait exprimer son opinion là-dessus, nous pourrions alors prendre les autres mesures qui s'imposent.
Le président: D'accord, le président s'en chargera.
Je remercie les témoins.
La séance est levée.