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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 novembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte et je souhaite la bienvenue au Dr Joan Cummings, àM. Gary McPherson et à M. Randy Dickinson de la Nova Scotia Disabled Persons Commission, de l'Alberta Premier's Council on the Status of Persons with Disabilities et du Conseil du premier ministre sur la condition des personnes handicapées du Nouveau-Brunswick. Si vous voulez commencer - peut-être devrais-je d'abord donner la parole au Dr Joan Cummings.

M. McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Monsieur le président, peut-être pourrions-nous nous présenter car le Dr Cummings ne peut pas nous voir. Nous pourrions nous présenter pour qu'elle sache qui est à la table.

Le président: Excellente suggestion, voulez-vous commencer, s'il vous plaît?

M. McClelland: Très bien. De ce côté-ci de la table, Ian McClelland d'Edmonton Sud-Ouest.

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): Warren Allmand, de Montréal.

M. Maloney (Erie): John Maloney, de la circonscription d'Erie.

M. Scott (Fredericton - York - Sunbury): Andy Scott, de Fredericton.

Le président: À ma droite se trouvent Bill Young, l'attaché de recherche de la Bibliothèque du Parlement, et M. Wayne Cole, le greffier du comité, et votre tout dévoué, Rey Pagtakhan, président.

Vous pouvez commencer, docteur Cummings.

Docteur Joan Cummings (présidente, Nova Scotia Disabled Persons Commission): Merci, monsieur le président. Aimeriez-vous que je récapitule les informations concernant la commission?

Le président: Oui, s'il vous plaît.

Dre Cummings: Nous représentons ici un groupe de conseils ou de commissions des premiers ministres - dans certains cas on parle de commissions - de tout le Canada et des territoires. Notre mandat en tant que commissions ou conseils est de conseiller le gouvernement sur des questions de politique intéressant les personnes handicapées de tenir le gouvernement au courant des besoins des personnes handicapées et d'agir à titre d'intermédiaire entre le gouvernement et diverses composantes de la communauté des personnes handicapées, de régler les questions qui se posent au niveau communautaire et autres, de faciliter la communication, la création de partenariats, l'action commune et des changements à la politique.

En tant que groupe, nous nous réunissons une fois l'an, habituellement, pour voir ce qui se passe dans les autres provinces, pour examiner ce qui à l'échelle nationale a une incidence sur la communauté des Canadiens handicapés. Cette année, cette réunion a eu lieu à Halifax, sous l'égide de la Nova Scotia Disabled Persons Commission, et c'est pourquoi je prends la parole sur ces questions.

Cette année, à Halifax, nous nous sommes concentrés sur le Transfert canadien en matière de santé et de sécurité sociale et la portée que cela pourrait avoir pour les handicapés - eu égard à leur accès aux services d'appoint dont ils ont besoin.

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Nous luttons. À titre de membres de commissions, nous agissons effectivement au nom de toute la communauté des personnes handicapées dans nos provinces et nous le faisons de concert avec elles. Nous ne représentons pas une catégorie précise de personnes handicapées, mais plutôt un point de vue général et c'est ce que nous allons tenter de vous présenter aujourd'hui.

Je pense que ceux d'entre vous qui ont déjà participé à d'autres négociations reconnaîtront qu'en présence d'une communauté ayant des besoins aussi diversifiés que la communauté des handicapés il faut qu'il y ait beaucoup de négociations et de discussions entre les divers groupes qui forment cette communauté. Cela fait partie de notre mandat - de faciliter cette communication au niveau provincial.

À la réunion du conseil à Halifax, la communication interprovinciale a posé aussi d'intéressants défis, puisque bien sûr différents groupes de personnes handicapées ont des besoins différents - bien qu'ils aient aussi des besoins communs - mais leurs besoins varient aussi en fonction des diversités régionales. Nous avons très bien saisi ce qu'ont pu vivre ceux qui ont participé aux négociations constitutionnelles, et nous avons nous aussi essayé de concilier nos diverses positions et d'en arriver à une déclaration commune que tous pouvaient appuyer.

Nous y sommes parvenus, après avoir travaillé sans relâche pendant deux jours à l'examen de ces questions. La déclaration commune a été remise à tous les parlementaires de tout le Canada. Elle a aussi été remise aux premiers ministres des provinces et à divers parlementaires provinciaux.

Ce que nous espérions parvenir à faire, c'était en quelque sorte d'arriver à bien mettre en lumière la communauté des personnes handicapées au Canada, et c'est pourquoi nous sollicitons aujourd'hui votre aide et votre leadership.

La déclaration même se répartissait en trois sections. La première exposait les principes fondamentaux sur lesquels nous sommes facilement arrivés à nous entendre, et nous supposons que vous n'y verriez vous non plus aucune objection, puisqu'il s'agissait de choses fondamentales comme la dignité et la valeur propre aux personnes, le droit des handicapés à participer aux décisions qui les concernent, le droit de maximiser leurs choix à une pleine intégration à la vie communautaire, à une entière participation et ainsi de suite. Ces énoncés de principes concernant l'égalité n'ont pas je pense à être répétés puisque je crois que tout le monde y adhérerait.

La deuxième partie de la déclaration traitait de ce que nous considérions comme les questions et les défis que pose le Transfert canadien en matière de santé et de sécurité sociale. Nous avons d'abord examiné de près ce qu'il advenait dans nos provinces respectives des personnes handicapées et de ce qu'il advenait de ces personnes à l'échelle du pays tout entier. Je pense que M. Axworthy s'est entretenu avec vous le 9 novembre. Nous avons reçu des exemplaires des notes qu'il avait apportées en prévision de l'allocution qu'il devait prononcer. Il vous aura dit qu'en 1995 - ou depuis le dernier recensement - le sort des personnes handicapées au Canada n'était pas un sort très enviable.

Je pense qu'il vous aura dit que 60 p. 100 des personnes handicapées vivent en-deçà du seuil de la pauvreté et qu'un très grand nombre d'entre elles - dans une proportion beaucoup plus élevée que pour l'ensemble de la population - n'ont pas d'emploi rémunérateur.

Il ne vous l'a peut-être pas signalé, mais de notre point de vue ce qui explique en grande partie pourquoi de nombreuses personnes n'ont pas d'emploi rémunérateur c'est qu'elles n'ont pas accès aux mesures de soutien et aux services qui permettraient de franchir les écarts, les obstacles qui entravent la vie des personnes handicapées.

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Sans s'appesantir sur les statistiques, nous avons constaté très rapidement qu'elles variaient en fonction de l'éducation, les taux de participation, les taux de chômage et le revenu. Il y avait des écarts très significatifs d'une région du pays à l'autre, et nous en sommes vite venus à voir comment les disparités régionales déjà - en 1995 et auparavant - se répercutent sur les personnes ayant une incapacité et d'autres faisant partie de groupes défavorisés.

Nous tenions en faire sorte qu'il soit bien clair pour nous que, s'il existait déjà des inconvénients manifestes, quel effet auront la raréfaction des sommes disponibles et l'insistance qu'on met à réduire les budgets et le déficit? Peut-être est-ce une insistance qui éclipse le reste et aussi la nécessité de souligner qui est le plus durement touché par les tentatives de réduction du déficit.

Comme je l'ai dit, nous nous sommes concentrés sur le Transfert social canadien parce que nous estimions qu'il modifie profondément la trame de la politique sociale canadienne. En tant que groupe, ce qui nous apparaît être le rôle du gouvernement fédéral en matière de leadership pour assurer l'égalité de tous les citoyens sans égard à leur degré de capacité et à l'endroit où ils vivent au Canada....

Voilà les deux aspects qui ont guidé la majeure partie de nos délibérations. Ce sont les besoins criants sur lesquels nous, au niveau provincial, et nous qui sommes handicapés, travaillons auprès de la communauté des handicapés à savoir les besoins criants de ces Canadiens auxquels on n'a toujours pas satisfait.

J'ai déjà raconté une histoire que je ne vais pas raconter à nouveau, parce qu'il n'est pas utile qu'elle figure au compte rendu, sur la façon dont les choses s'étaient déroulées avec mon étudiant en statistiques. Je vais m'adresser au groupe et pour que cela ne vous distrait pas, parce que je ne vois pas, je vais faire appel à mon assistante, Gail Sampson, pour qu'elle m'aide et me guide afin que je ne dépasse pas le temps qui m'est alloué pour présenter cet exposé.

J'ai dit que la première partie de notre déclaration portait sur les principes. La seconde portait sur les questions et les défis que pose le Transfert social canadien. La troisième partie portait sur des recommandations que nous vous présentons à vous et à d'autres organismes fédéraux et provinciaux qui ont la responsabilité de protéger les droits des citoyens vulnérables.

Au sujet du Transfert social canadien, quand on a annoncé la Réforme de la sécurité sociale, il y a un élément qui nous a vraiment frappé. La meilleure sécurité sociale, c'est un bon emploi. Nous sommes certains que pour les Canadiens handicapés, les emplois diminuent. Beaucoup de gens n'ont pas d'emploi. Le chômage structurel élevé est incontournable. Si les gens n'ont pas d'emploi, ce n'est pas leur faute, c'est un problème structurel auquel il faut s'attaquer par des interventions d'une vaste portée.

Nous sommes contents d'entendre que l'on mettra l'accent sur le retour au travail des gens, mais nous nous demandons d'où viendront ces emplois. Encore une fois, il est devenu évident que le taux de chômage est très différent d'une région à l'autre. Dans les provinces les plus pauvres, surtout dans la région de l'Atlantique, le taux de chômage est très élevé, beaucoup plus qu'ailleurs.

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Plus le taux de chômage augmente, plus il devient difficile pour les personnes handicapées de rivaliser sur le marché du travail. Par conséquent, le chômage structurel élevé frappe plus durement les handicapés. Cela ne devrait pas être le cas; il suffit de donner aux personnes handicapées les services de soutien nécessaires pour leur permettre de surmonter les obstacles qui leur rendent l'accès difficile.

Nous nous percevons comme un groupe qui a beaucoup à apporter au Canada. Nous avons beaucoup à apporter aux employeurs. Nous avons beaucoup à donner à nos communautés. Ils nous manquent seulement les outils. Pour nous, ces outils, ce sont les services de soutien nécessaires.

J'en reviens donc au Transfert social canadien. Pourquoi étions-nous inquiets à ce sujet? Pourquoi étions-nous inquiets des compressions annoncées à l'assurance-chômage? Parce que nous savons que cela exercera des pressions sur les autorités provinciales pour qu'elles prennent le relais, et nous savons également que les autorités provinciales et locales subiront des pressions parce que notre cause devra rivaliser avec d'autres qui, je regrette de le dire, sont plus populaires. Il y a des obstacles au niveau des mentalités.

L'incapacité n'est pas encore aussi bien comprise au Canada que nous le voudrions. Il y en a d'autres qui sont mieux placés. Je ne veux pas dire plus capables; je veux dire mieux placés pour rivaliser pour l'obtention de fonds qui se rarifient.

Nous voulons nous assurer d'être dans une position équitable pour obtenir notre part de ces maigres fonds. Nous voulons avoir l'assurance que la situation désavantageuse déjà grave des personnes handicapées ne soit pas exacerbée par le Transfert social canadien, qui ne permettra plus de préserver les normes nationales qui figuraient dans le Régime d'assistance publique du Canada, sauf pour ce qui est de la transférabilité, seul critère qui demeure. On sait que même cela est contesté à mesure que les contraintes financières se font plus pressantes au niveau provincial.

Nous étions également inquiets quant au rôle de chef de file que l'État fédéral grâce aux programmes comme le RAPC. Aucun d'entre nous ne soutient que le RAPC était parfait; il ne l'était pas. Il comportait ses propres éléments de rigidité et ses propres problèmes, mais il reflétait certaines notions, notamment la notion que les services et le soutien doivent être accordés en fonction des besoins. Il reflétait des principes comme le droit aux services fondés sur le besoin, de sorte que l'on pouvait avoir l'assurance, peu importe dans quel coin du pays on habite, de ne pas tomber sous un certain seuil minimum. On tenait compte de nos besoins financiers pour dispenser les services et le soutien nécessaires, y compris l'aide financière.

Ce régime comportait donc un certain nombre de principes qu'il faudra maintenant, avec l'avènement du Transfert social canadien remplacer par de nouveaux mécanismes imaginatifs dans notre stratégie pour l'avenir. Nous estimons avoir besoin d'une stratégie nationale et d'un leadership national dans ces dossiers.

Je vais m'arrêter un instant et demander à Gail de me rafraîchir la mémoire pour ce qui est des points que je voulais aborder au sujet du Transfert social canadien.

Dans le discours budgétaire, on insistait sur le fait que le Transfert social canadien ait une politique transitoire. On utilise même textuellement ce terme «transitoire». M. Martin l'a utilisé. Nous espérons que c'est un mot qui n'est pas dénué de sens. Nous espérons que l'on trouvera le moyen de garantir que l'argent versé aux autorités provinciales pour le soutien des personnes ayant une incapacité servira effectivement à cela. Nous espérons également que cet argent ne tombera pas dans un puits sans fond et ne disparaîtra pas dans la lutte très vive pour leur survie à laquelle se livreront bien des gens dont les besoins sont pressants.

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Voilà donc en résumé nos principales préoccupations au sujet du Transfert social canadien. Quelles seront les répercussions sur le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est de prendre l'initiative et d'assurer l'égalité et la justice sociale pour tous les Canadiens? Qu'est-ce que cela voudra dire pour ce qui est d'abord d'encourager et ensuite d'assurer le respect de principes nationaux à l'égard des dépenses de sécurité sociale, pour s'assurer que l'argent qui y est consacré ne soit pas accaparé par d'autres priorités concurrentes au niveau provincial et local? Sans vouloir me répéter, telles sont nos inquiétudes au sujet du Transfert social canadien.

La dernière partie de notre énoncé porte sur nos recommandations. La première vise à inscrire certains principes dans une stratégie dont l'initiative, sinon la mise en oeuvre, serait nationale, afin d'assurer un traitement sûr et équitable aux personnes handicapées dans toutes les régions du Canada.

Je vais maintenant demander à Gail de lire rapidement certains de ces principes, après quoi j'en toucherai quelques mots.

Mme Gail Sampson (assistante du docteur Cummings, Commission des personnes handicapées de la Nouvelle-Écosse): L'accessibilité fondée sur le besoin.

Dre Cummings: C'était bien sûr inclus dans le Régime d'assistance publique du Canada et, en l'absence de ce principe, il est très difficile de voir comment nous pourrons permettre aux personnes qui veulent être productives, qui veulent s'intégrer - je parle des personnes handicapées - de surmonter les obstacles à l'accès.

Les besoins existent et les services doivent être en place pour y répondre.

Mme Sampson: L'adéquation entre les services et les besoins.

Dre Cummings: Je pense que cela se passe de commentaires.

Mme Sampson: Le droit d'appel.

Dre Cummings: C'est un autre point qui nous semble très important. Dans le monde réel, quand nous allons assister à des tables rondes, y compris les nôtres ... Les gens qui se battent au front trouvent que c'est très difficile. Les gens qui se voient refuser ce qu'ils estiment être des services et des aides nécessaires doivent pouvoir s'adresser à quelqu'un. Le simple concept de justice est tellement important, surtout pour les gens qui sont marginalisés.

Mme Sampson: La responsabilité et la transparence à tous les niveaux de gouvernement pour l'affectation et l'utilisation des fonds du Transfert social canadien.

Dre Cummings: Notre intention est de trouver un moyen novateur quelconque... Quand l'argent de ce transfert sera remis aux provinces, quels seront les mécanismes de responsabilité et de transparence? Comment saurons-nous exactement à quoi sert cet argent et pourrons-nous avoir l'assurance qu'une proportion convenable de cet argent est consacrée au soutien du revenu et aux services sociaux?

Il y a des façons ingénieuses de le faire. Peut-être qu'une solution serait d'avoir plusieurs transferts au lieu d'un, avec des montants proportionnels consacrés exclusivement à l'éducation, à la santé et aux services sociaux, au lieu de n'avoir qu'un seul paiement forfaitaire, car le groupe des services sociaux touche les citoyens les plus vulnérables de la société, ceux qui sont confinés dans une position de dépendance et qui ont désespérément besoin de ce soutien et de ces services.

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Mme Sampson: La participation utile et constante des personnes handicapées à l'élaboration et à l'évaluation des programmes sociaux financés en tout ou en partie par le Transfert social canadien.

Dre Cummings: Je pense que cela se passe également de commentaires. Nous en reparlerons tout à l'heure dans le cadre de la stratégie nationale. Je veux parler de la participation des personnes handicapées à l'évaluation des services qui leur sont destinés.

Quand nous discutons avec notre clientèle, les gens nous présentent des idées merveilleusement créatives qui permettraient d'améliorer les choses. Leurs voix doivent être entendues et nous devons faire appel à notre imagination pour trouver des moyens de faire entendre ces voix, ces idées, et de les traduire en des solutions d'envergure nationale.

Notre deuxième recommandation est que nous devons continuer dans la voie d'une stratégie nationale pour les personnes handicapées. Il faut que ce dossier continue de figurer aux programmes politique et économique du pays.

Nous ne disons pas que la stratégie nationale doit être maintenue. Vous savez certainement beaucoup mieux que nous pour l'instant comment on a évalué dans l'ensemble la stratégie nationale quinquennale jusqu'ici. D'ailleurs, nous vous serions reconnaissants de nous faire part, si vous le jugez bon, de tout ce qu'on a pu vous dire à ce sujet. Nous avons nos propres opinions à propos de la stratégie nationale. Nous savons qu'elle avait certains points forts et certaines forces et certaines faiblesses. Nous ne tenons donc pas nécessairement à ce qu'on maintienne la stratégie nationale telle quelle, mais nous croyons qu'il nous faut une stratégie nationale novatrice quelconque à l'intention des personnes handicapées et nous sollicitons votre appui et réclamons votre leadership à cet égard.

La troisième de nos recommandations... Nous avons été ravis d'entendre M. Axworthy annoncer que l'on prolongerait la durée de l'application des accords sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées. Ces accords devaient arriver à expiration bientôt. Nous ne savons cependant pas pendant combien de temps encore ils seront maintenus.

Par ailleurs, nous comprenons aussi très bien que le gouvernement se concentre de cette façon sur l'emploi pour les personnes handicapées. De quel genre d'emploi s'agit-il à une époque où le taux de chômage structurel est très élevé? Même si ces accords sont accompagnés de bons mécanismes et de bons services de soutien, ce sera très difficile pour les personnes handicapées de trouver des emplois à moins qu'on ne mette sur pied une stratégie de création d'emplois de concert avec un programme, comme un nouveau programme amélioré sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées.

L'autre recommandation que nous avions formulée était que, quand le gouvernement fédéral remet de l'argent aux provinces, il trouve le moyen de fournir un certain leadership dans le cadre d'une stratégie nationale pour les personnes handicapées et des services sociaux en général.

À mesure que le gouvernement fédéral remplace l'argent qu'il verse maintenant aux provinces par des points d'impôt et de nouveaux pouvoirs de dépenser, le rôle du gouvernement fédéral diminuera certainement. Nous avions donc recommandé que le gouvernement ne réduise pas la proportion des transferts qui sont maintenant versés sous forme de transferts en espèces et qu'ils soient au moins maintenus au même niveau pour que le gouvernement fédéral puisse vraiment élaborer une stratégie nationale créatrice de concert avec les provinces et les intervenants.

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Pour ce qui est de la stratégie en sept points de M. Axworthy, elle contient certains éléments très utiles, surtout pour ce qui est des mesures visant à faire disparaître les aspects trop rigides et les désincitatifs contenus dans la partie du Régime des pensions du Canada qui a trait à l'incapacité.

Nous espérons qu'on pourra intégrer des stimulants à l'emploi dont les dispositions sur l'incapacité du Régime des pensions du Canada. Nous savons cependant que l'on s'inquiète de plus en plus de la possibilité de maintenir cet aspect du régime à cause du nombre de personnes handicapées qui sont maintenant prestataires du Régime de pensions du Canada.

Bien des gens se demandent si certaines personnes ne reçoivent pas à tort des prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. On s'interroge. Si c'est vrai, quelle en est la raison? Si c'est effectivement le cas, d'après notre expérience, c'est parce qu'il n'existe pas d'autres services ou d'autres dispositions qui permettent de faire face aux besoins réels des personnes handicapées.

Les provinces ne peuvent plus se permettre de verser ces prestations. Dans une province comme la Nouvelle-Écosse, les municipalités n'ont plus les moyens de fournir un soutien financier aux sans emplois qui ne peuvent pas rivaliser sur le marché du travail et ceux-ci doivent donc réclamer les prestations du Régime de pensions du Canada.

Je ne veux certainement pas dire que les personnes handicapées exploitent le Régime de pensions du Canada. Certains problèmes reliés au RPC ne viennent pas selon moi du régime de pensions lui- même, mais plutôt du chômage structurel et d'autres aspects de la conjoncture financière actuelle qui empêche les provinces et les municipalités de mettre sur pied les services et les programmes nécessaires pour aider les personnes handicapées.

Nous avons été heureux de voir certaines choses comme la déclaration de M. Axworthy. Il a affirmé que deux des objectifs de la nouvelle politique seraient d'améliorer les possibilités d'emploi et l'autonomie des handicapés. Ce sont deux objectifs de la stratégie en sept points de M. Axworthy que nous appuyons volontiers.

Comme il n'y a pas de nouveaux budgets, nous nous demandons d'où viendra l'argent pour atteindre ces objectifs une fois que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux entrera en vigueur, vu que l'on ne réussit déjà pas en 1995 à répondre à certains besoins pressants de la communauté, même si les budgets prévoient certains montants pour le faire. Qui prendra l'initiative nécessaire pour garantir qu'on trouvera assez d'argent pour répondre à ces besoins afin d'atteindre les objectifs tout à fait louables énoncés dans la stratégie en sept points deM. Axworthy?

Sur ce, je céderai maintenant la parole à M. Gary McPherson, qui vous donnera des détails supplémentaires que je n'ai pas pu vous fournir moi-même.

Par la suite, Randy vous dira quelques mots.

Merci.

Le président: Merci, madame Cummings.

M. Gary McPherson (président, Alberta Premier's Council on the Status of persons with Disabilities): Joan vous a donné le point de vue exprimé lors de notre réunion nationale et je vais maintenant faire quelques observations à propos de la situation en Alberta.

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Je voudrais d'abord parler de la stratégie nationale vu que c'est très important pour vous aujourd'hui. Je vais donc vous donner notre avis sur certains des points forts et des points faibles de la stratégie.

L'un des grands avantages de la stratégie nationale, c'est qu'elle a permis de sensibiliser le public en faisant la lumière sur l'incapacité. Elle a aussi donné espoir aux personnes handicapées que l'on commence à s'occuper de leurs problèmes.

Le troisième avantage évident de la stratégie, c'est qu'elle a donné lieu à certaines activités qui pourraient avoir une incidence à long terme.

Par exemple, en Alberta, les autochtones handicapés sont déjà défavorisés par rapport à la société en général, mais c'est encore pire dans les réserves. On a maintenant créé une société pour les autochtones handicapés et cela a permis de concentrer les énergies et les activités sur un groupe qui recevait jusqu'ici très peu d'attention. Je pense donc que les fonds de démarrage ont produit de bons résultats en permettant de mettre l'accent sur certains problèmes de ce genre.

Un autre avantage évident de la stratégie a trait aux diverses initiatives qui ont été prises dans le domaine des transports, non pas seulement en Alberta, mais aussi à l'échelle nationale, par exemple pour les systèmes d'embarquement à bord des avions, pour les autocars, et autres mesures du genre qui découlaient de la stratégie nationale.

Il y a certaines choses sur lesquelles on aurait pu insister davantage ou qui laissaient un peu à désirer. Je voudrais les mentionner. La stratégie aurait peut-être été un peu plus efficace si elle s'était fondée sur une vision nationale cohésive. Les résultats auraient peut-être été un peu plus nets dans certains secteurs. Par exemple, nous devons être assez intelligents pour profiter des occasions ou des projets de formation et d'emplois qui ont été financés jusqu'ici pour nous en servir de façon constructive à l'avenir.

J'ai déjà dit qu'il n'y avait pas eu vraiment de vision cohésive entre les divers ministères qui s'occupaient de la stratégie. Si je me rappelle bien, 7 p. 100 des 158 millions de dollars affectés à la stratégie pour plus de cinq ans étaient déjà dans le système. La stratégie nationale n'a fait que mettre l'accent sur ces dépenses et peut-être les réorienter dans certains cas. Il y avait aussi un budget de 30 p. 100 de plus sur cinq ans et cet argent a été utilisé. Je me trompe peut-être sur les chiffres, mais c'est ce qu'il me semble.

Une bonne partie de cet argent était destinée à financer des projets. Qu'arrivera-t-il quand la période de cinq ans sera terminée et qu'il ne restera plus d'argent pour financer le projet. Il y a eu de bons projets et de bonnes initiatives jusqu'ici. Ce que nous voulons tous, cependant, c'est que ces projets continuent de donner de bons résultats. C'est pour cela qu'il nous faudrait, selon moi, quelque chose de plus durable où les fonds de lancement continueraient d'avoir de bons résultats.

Nous avons réalisé certains gains. Cela ne fait aucun doute. Je pense que nous pouvons tirer des leçons de la stratégie nationale. Nous avons besoin d'une stratégie nationale. Le problème, c'est que l'argent investi dans les projets comme les initiatives de transport et le programme de financement de logements résidentiels sera gaspillé et que les gains réalisés jusqu'ici disparaîtront faute d'une certaine continuité.

Il suffit de songer à toutes les bonnes initiatives prises en Alberta dans le domaine des transports, par exemple, et aux gains réalisés dans le secteur privé pour permettre aux Albertins handicapés de se déplacer. Je suis certain que l'argent dépensé jusqu'ici sera gaspillé si nous ne continuons pas à créer l'infrastructure que nous avons commencé à bâtir. Nous ne pourrons pas fournir des emplois et en venir à une politique sociale et économique intégrée si nous ne continuons pas à assurer cette infrastructure.

C'est vraiment un danger et c'est une autre raison pour laquelle nous considérons qu'une stratégie nationale est très importante.

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Quand le ministre a témoigné devant votre comité, il a parlé de créer un comité de travail. Selon moi, nous devons le féliciter d'avoir consulté certains organismes nationaux dans le secteur des organismes sans but lucratif.

Je pense que le gouvernement du Canada aurait avantage à étendre ses consultations, parce que, comme l'a dit Joan, les personnes handicapées ne forment pas un groupe homogène, au contraire. Nous devons faire en sorte que le plus possible de groupes représentatifs participent aux consultations.

Je sais qu'aucun des témoins aujourd'hui n'a participé à la création de la stratégie nationale la première fois, mais si nous devons continuer dans le même sens, il est absolument essentiel à mon avis d'étendre les consultations.

Notre organisme, par exemple, a pour rôle de conseiller les gouvernements provinciaux sur les programmes et les mesures législatives qui touchent tous les genres d'incapacités. Selon moi, ce serait une bonne chose que les conseils que nous fournissons soient aussi reflétés dans une certaine mesure dans une stratégie nationale quelconque et que le gouvernement ne se contente pas des mécanismes ou du système qui existent déjà.

À mon avis, ce serait effectivement une bonne chose d'avoir un groupe de travail quelconque. D'après ce que nous avons constaté en Alberta, une période de deux ans serait trop courte. Notre mandat est prévu dans la loi et doit prendre fin après dix ans. Il faut pas mal de temps pour faire quelque chose de vraiment utile et on ne peut certainement pas le faire en deux ans. Il faut un peu plus longtemps que cela.

Un groupe de travail de ce genre doit aussi avoir une certaine autonomie pour pouvoir conseiller plus d'un ministère ou d'un ministre et formuler des recommandations qui risquent d'être peu populaires. Il devrait donc soumettre ses conclusions à un très haut niveau et avoir la souplesse voulue pour vouloir travailler avec qui il veut et quand il veut. Sinon, il ne sera pas aussi efficace qu'il pourrait l'être.

La question de leadership est importante. Cela ne doit pas toucher seulement un ministre. L'examen de la sécurité sociale a fait beaucoup de bruit, mais il a été très peu question des personnes handicapées dans le Livre vert. Cette initiative a maintenant été mise de côté.

Selon moi, la question des personnes handicapées risque vraiment de disparaître du programme des priorités gouvernementales et nationales. Il importe de lui redonner la place qu'elle mérite, parce que, si nous ne procédons pas avec sagesse, nous risquons de causer plus de problèmes que nous ne réussirons à en résoudre.

Je vais vous laisser un bref résumé de certaines des préoccupations que nous avons en Alberta et qui touchent tous les Canadiens à notre avis. Je vais le remettre à M. Cole, mais je voudrais simplement vous en signaler les points saillants.

La polarisation du marché du travail. La tendance du gouvernement à insister énormément sur la politique économique au détriment de la politique sociale, de même que l'apparition d'un nombre croissant d'emplois à temps partiel, à contrat et mal rémunérés veut dire qu'il y a de moins en moins de bons emplois et de plus en plus de mauvais emplois. La disparité économique que cela entraînera va toucher des gens qui sont déjà bien défavorisés par rapport à d'autres Canadiens.

Deuxièmement, il faudra faire des choix critiques si l'on essaie de rationner les programmes et les services de santé et autres pour équilibrer les budgets. Les personnes défavorisées finissent inévitablement par être entièrement laissées pour compte et à être reléguées au dernier rang dans une société où l'on accorde plus d'importance à la richesse et à la productivité qu'à n'importe quelle autre forme de justice distributive.

Pour ce qui est de l'exclusion de la communauté, les Canadiens handicapés sont menacés par la restructuration et la dévolution des pouvoirs. Les soins et l'appui offerts par l'État providence diminuent, ainsi que la protection des droits individuels assurée par le gouvernement.

Avec la dévolution, la prestation des services reflétera les choix de la communauté, et cela vaut aussi pour les services de base. En matière de responsabilité sociale, on s'attend que les particuliers, les familles et les collectivités comblent le vide laissé par un secteur public devenu squelettique. Le secteur privé et les organismes bénévoles peuvent être insensibles, ou même hostiles, au sort de certains groupes ou individus, quand ils ne sont pas tout à fait ignorants de leur situation.

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Nous n'en sommes plus au temps où les personnes handicapées se satisfaisaient d'une charité mesquine en guise de substitut à l'éducation, à l'emploi, au logement et au transport, ainsi qu'à la possibilité de participer pleinement à la société.

Le gouvernement ne peut abdiquer son rôle tant et aussi longtemps que d'autres intervenants n'auront pas compris et accepté le rôle qui leur revient dans ce nouvel ordre mondial. L'intérêt et l'influence des pouvoirs publics demeurent nécessaires et appréciés. Aucun palier de gouvernement ne peut se permettre d'équilibrer son budget sur le dos des membres les plus vulnérables de la société.

Si le libre marché et les entreprises jouissent d'une réduction de leurs coûts liés à l'emploi, y compris dans le domaine des soins de santé, ils doivent accepter qu'ils ont un double rôle: la création et la redistribution de la richesse.

Merci de m'avoir invité à comparaître. Je cède maintenant la parole à Randy Dickinson.

M. Randy Dickinson (directeur administratif, Conseil du premier ministre sur la condition des personnes handicapées du Nouveau-Brunswick): Après avoir entendu les deux exposés précédents et le survol des questions qu'ils ont portées à votre attention, le fait que je sois le troisième à parler me rappelle le commentaire du neuvième mari d'Elizabeth Taylor le soir de ses noces. Il a dit: «Je sais ce que je dois faire, mais comment puis-je rendre cela plus intéressant?»

Je vais donc essayer de vous exposer quelques autres aspects des problèmes des personnes handicapées qui, à notre avis, relèvent de votre mandat.

Je comparais ici aujourd'hui à plusieurs titres. Outre que je suis directeur administratif de cette association, je suis aussi consommateur et bénévole au sein de nombreuses associations qui oeuvrent auprès des personnes handicapées. Je suis également un lobbyiste professionnel. Je travaille pour le Conseil du premier ministre au Nouveau-Brunswick. Je viens des Maritimes, et plus précisément du Nouveau-Brunswick. Mais aujourd'hui, je voudrais vous livrer un message en tant que Canadien, en tant que contribuable et en tant que citoyen préoccupé du sort de ses concitoyens. J'attends de notre gouvernement national qu'il fasse preuve de leadership. Je souhaite que le gouvernement national continue d'assumer sa responsabilité de veiller à ce que les Canadiens handicapés de tout le pays ne soient pas écartés de la table et laissés pour compte en raison d'un changement d'orientation et d'un réaménagement des responsabilités.

La première chose que j'aimerais suggérer à votre comité d'examiner, c'est précisément le fait qu'il n'est pas clair dans l'esprit des Canadiens... Y a-t-il un ministre fédéral qui, sur le plan juridique, est le principal responsable du dossier des personnes handicapées? Je sais queM. Axworthy a présumé que son mandat se poursuivait, mais je ne suis pas sûr que cela ait été confirmé légalement, ce qui aurait assuré au sein du Cabinet cette reconnaissance officielle qui est nécessaire et importante. En effet, il faut qu'il y ait un point de ralliement pour les questions intéressant les personnes handicapées dans le cadre du processus décisionnel du gouvernement.

Je pense également qu'il faudrait que le comité examine diverses possibilités pour faire en sorte que lorsqu'on formulera ou qu'on continuera à mettre en oeuvre certains programmes politiques et orientations fédéraux, qu'il s'agisse du transfert social canadien ou de la stratégie nationale à l'égard des personnes handicapées... pour ce qui est des responsabilités permanentes du gouvernement fédéral en matière de budget, de programmes et de services, il faudrait s'assurer qu'on en évalue l'incidence sur les Canadiens handicapés. Il convient de déterminer si ces mesures leur sont favorables. Il faudra s'assurer qu'on ne tire pas à hue et à dia. Lorsqu'un ministère formule certains objectifs et prévoit certains critères, il faut se demander si son action n'est pas contraire à celle d'un autre ministère, compte tenu de son programme de politique, de ses critères d'admissibilité, de la sélection des priorités et des mécanismes de distribution de fonds. Je pense qu'il y a une lacune à cet égard.

Monsieur le président, membres du comité, je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître aujourd'hui et de vous offrir une perspective différente des questions intéressant les personnes handicapées. Et, à l'égard de Gary et Joan, je veux vous rappeler qu'il y a au Canada différentes voix qui expriment les problèmes des personnes handicapées et qui, grâce à une participation active dans le milieu, ont des idées intéressantes sur ce que devrait être l'avenir. Il ne s'agit ni d'idéaliser le passé ni de dresser la liste des lacunes du système, mais plutôt de suggérer des façons de l'améliorer et de faire en sorte qu'à tout le moins nous ne revenions pas en arrière, à une époque où les personnes handicapées étaient considérées comme des gens vivant d'aumône, et non pas comme des citoyens ayant les mêmes besoins que les autres.

Si, au bout du compte, la réflexion de M. Axworthy l'amenait à présenter une structure intéressant notre groupe de travail sur les personnes handicapées, nous souhaiterions qu'il y ait une liaison entre les décideurs et les responsables de la prestation des programmes au niveau provincial. En effet, même si nous nous attendons à ce que le gouvernement national imprime une direction, il faut qu'il agisse dans le cadre d'un partenariat avec les personnes qui, sur la ligne de front, sont chargées de la distribution concrète des ressources.

Je ne parle pas uniquement des conseils de premiers ministres et des associations nationales sans but lucratif. Je songe aux autres partenaires du système qu'il faut rallier si nous voulons que cet exercice soit couronné de succès. Cela englobe notamment les milieux d'affaires et les syndicats, dont la participation est essentielle, particulièrement si nous voulons faire progresser le dossier dans le domaine de l'emploi et offrir davantage de débouchés aux personnes handicapées. Cela est aussi nécessaire pour s'assurer qu'à tous les niveaux la politique gouvernementale et les ressources publiques sont mises à profit conjointement pour réaliser la même vision.

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Je pense que le rôle du gouvernement national devrait être d'aider à réunir et à coordonner l'information, et cette tâche peut en partie être assumée par le Secrétariat des personnes handicapées. Je crois aussi que votre comité pourrait être le distillateur objectif des différents points de vue de groupes d'intérêts et de partenaires divers qui souhaitent participer à cet exercice. Il pourrait ainsi aider à façonner un rêve national, une vision nationale qui soit sensible aux voeux de tous les participants. Cette vision doit aussi être durable, réaliste et pratique tout en marquant une véritable amélioration des conditions faites aux Canadiens handicapés.

J'ai suivi certaines délibérations du comité et, alors que je regarde autour de cette table, je constate que vous pouvez certes apporter une contribution individuelle, mais collectivement vous avez aussi l'occasion idéale d'assumer une partie de ce leadership.

Au lieu d'alourdir la bureaucratie et de gaspiller de l'argent en coûts d'administration, on pourrait envisager des solutions comme une réforme du régime fiscal pour remettre les ressources directement entre les mains des personnes dans le besoin. C'est ce qu'on devrait faire au lieu de créer des programmes imposants qui sont des occasions de fraude et de mauvaise gestion et où on engloutit dans l'administration du programme davantage d'argent qu'on en donne en première ligne aux démunis.

Ainsi, on pourrait se servir du fonds d'assurance-chômage comme d'un instrument pour aider davantage de Canadiens handicapés à s'intégrer au marché du travail. Malheureusement, un grand nombre d'entre eux n'ont jamais eu d'emploi et ne considèrent pas comme très utiles les programmes de formation du gouvernement fédéral, car pour y avoir accès, ainsi qu'aux mesures de soutien et de transition, il faut être prestataire de l'assurance-chômage. Mais si vous n'êtes pas dans le système, si vous n'avez jamais eu d'emploi, vous ne pouvez toucher de l'assurance-chômage et satisfaire aux critères d'admissibilité.

Je pense qu'il s'agit là d'un instrument intéressant, pour peu qu'on puisse l'utiliser avec la souplesse voulue. À cet égard, je crois que dans l'ensemble les Canadiens appuient cet objectif qui consiste à tirer parti de cette ressource sous-utilisée qu'est la communauté des personnes handicapées.

Indifféremment des problèmes dans le chômage structuré, etc., le profil démographique de la population canadienne change. Nous devons inclure les Canadiens handicapés dans cette main-d'oeuvre, non pas parce que c'est la bonne chose à faire sur le plan moral, mais plutôt parce qu'il est plus logique sur le plan économique d'utiliser les ressources pour aider les gens à participer à la collectivité plutôt que d'utiliser ces mêmes ressources pour aider les gens à rester à la maison.

Comme mes deux collègues l'ont dit, je pense qu'il est très clair que le gouvernement fédéral doit avoir une stratégie nationale de sorte que les politiques sociales et publiques puissent être à l'avantage des Canadiens handicapés. Peu importe le niveau de financement dont il est question, peu importe de quelle façon le tout va fonctionner, que ce soit à l'échelle fédérale, provinciale ou communautaire, ou dans le secteur privé, quelqu'un doit prendre la situation en main, quelqu'un doit donner une orientation; quelqu'un doit être en mesure de coordonner les points de vue et dire: «Oui, au moins nous pouvons nous entendre dans telle mesure et commencer à faire des progrès.»

Nous ne pourrons jamais avoir un monde parfait où tous les êtres seront parfaitement heureux. Nous n'aurons jamais toutes les ressources nécessaires pour créer l'Utopie, mais si nous ne commençons jamais à essayer d'atteindre l'objectif de la pleine participation des personnes handicapées au Canada et de la possibilité pour ces personnes de vivre une vie indépendante et d'occuper un emploi significatif, nous n'arriverons certainement jamais à atteindre cet objectif.

Si le gouvernement fédéral, avec toutes les ressources dont il dispose, malgré un climat de contraintes économiques, estime qu'il ne peut donner cet élan, faire preuve de leadership dans ce domaine, alors qui d'autre pourra le faire si nous voulons assurer aux personnes handicapées un minimum de qualité de vie, peu importe la région du Canada où ces personnes habitent?

Nous ne savons jamais au cours de notre vie dans quelle région du pays nous allons nous retrouver un jour, où nous amènera notre famille, où nous amènera notre travail. Nous devons donc nous assurer que ces normes existent pour tous les Canadiens.

Vous tous ici autour de cette table, vous ne savez pas si vous serez un jour victime d'accident ou de maladie ou si vous vous retrouverez dans une situation où vous, ou un membre de votre famille, pourriez avoir besoin de tels services, de sorte que vous aimeriez vous assurer qu'il existe un système juste, équitable et raisonnable.

Je pense que nous voulons nous assurer que la stratégie nationale permettra de mettre en place un système juste et viable. Cette stratégie devrait permettre à un plus grand nombre de personnes handicapées au Canada de participer pleinement à la vie communautaire, de mener une vie indépendante et d'avoir de meilleures perspectives d'emploi.

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Il faudra faire preuve de créativité et de souplesse et changer notre façon de penser de façon à orienter les ressources vers les particuliers selon leurs besoins individuels. Certaines personnes handicapées au Canada auront besoin d'un plus grand appui tandis que d'autres en auront besoin de moins. Il n'est pas nécessaire d'avoir un système selon lequel tous reçoivent la même chose, peu importe leurs besoins ou les possibilités.

Je tiens à m'assurer que vous avez bien compris mon message: nous voulons que votre comité fasse preuve de leadership impartial sur cette question, afin de maintenir à l'ordre du jour les problèmes qui touchent les personnes handicapées. Je ne suis pas ici à genoux afin de vous demander la charité, et je ne suis pas ici pour mettre mon poing sur la table et dire que nous voulons davantage de droits pour les personnes handicapées au Canada. Je pense que nous avons déjà exprimé ces droits en théorie. Ce que nous demandons, c'est d'avoir un système de soutien qui à long terme soit viable afin que les personnes handicapées au Canada puissent elles aussi assumer leurs responsabilités en tant que Canadiens. Nous voulons que ces personnes aient la possibilité de contribuer à la collectivité et d'y participer. Elles veulent avoir une stratégie nationale, une vision nationale et un leadership national qui créent un environnement qui leur permette de le faire.

L'autre message que nous voulons vous transmettre, c'est qu'en retour nous aimerions savoir comment vous voyez le rôle de votre comité en ce qui a trait à ce leadership. Comment votre comité peut-il envoyer des messages à ses collègues dans tous les caucus, non seulement au sein du gouvernement, pour faire comprendre que nous parlons d'une question qui a l'appui général des Canadiens, peu importe leur affiliation politique, leur situation sur le plan géographique et leur type de handicap?

Voilà qui conclut mon exposé. J'espère qu'il nous restera un peu de temps pour répondre aux questions de ceux qui sont ici aujourd'hui.

Le président: Je vous remercie de vos exposés.

Monsieur Scott.

M. Scott: Je vous remercie de vos exposés.

Randy, lorsque vous avez utilisé l'exemple d'Elizabeth Taylor, je me demandais de quelle façon vous alliez nous l'illustrer. Je pense que vous avez rendu cela très intéressant pour nous tous.

J'aimerais explorer un peu le défi structurel. Par le passé, on s'est demandé - je le comprends très bien - si nous voulions isoler, au sein du gouvernement, la responsabilité face à la collectivité que vous représentez, ou dans quelle mesure on voulait, au lieu de ghettoïser le problème dans un endroit particulier, en faire la préoccupation de tous les programmes et ministères du gouvernement afin que tous aient ce problème à l'esprit.

Je comprends dans quelle mesure nous devons en arriver à un certain équilibre. J'aimerais que vous me disiez où vous en êtes à l'heure actuelle à cet égard.

En tant que membre du comité d'examen de la sécurité sociale, je suis tout à fait conscient du fait que le grand nombre des problèmes fait en sorte qu'il est difficile pour les personnes handicapées de ne pas se sentir dépassées par les événements. L'assurance-chômage et l'enseignement postsecondaire étaient des questions importantes. En tant que membre du comité qui s'intéresse particulièrement à la question des personnes handicapées, j'avais l'impression que cette question avait été oubliée, et vous l'avez bien dit dans votre exposé.

Comment éviter une telle chose? Sans vouloir isoler indûment... Par le passé, tout au moins, c'est ainsi qu'on voulait faire les choses... ça, c'est une chose. Vous avez mentionné la responsabilité ministérielle et si cette responsabilité devrait vraiment incomber au ministère.

Je pense que la stratégie nationale, du moins en partie, serait une tentative pour régler cette première question qui est soulevée: comment trouver un équilibre entre une responsabilité spécifique en la matière sans en même temps ghettoïser la question.

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Si on part du principe que la stratégie nationale avait pour objectif de faire converger les efforts, et en même temps de faire en sorte que tous les ministères se partagent la responsabilité, alors est-ce que cette stratégie a réussi? Si elle n'a pas réussi, comment pouvons-nous l'améliorer afin qu'on y adhère davantage?

M. Dickinson: Je vais répondre, et peut-être que d'autres auront eux aussi quelque chose à dire.

Nous voulons nous aussi faire preuve de prudence ici. Nous voulons une reconnaissance spécifique et, ce qui est encore plus important, une imputabilité spécifique en ce qui concerne les questions et les ressources consacrées aux personnes handicapées au Canada. D'après notre expérience, lorsqu'on traite avec la bureaucratie ou les ministères ou les gouvernements fédéral ou provinciaux... Ce n'est pas que nous voulions tous ces programmes distincts pour les personnes handicapées, ou que chaque ministère ait un bureau séparé pour les personnes handicapées, mais il doit y avoir tout au moins un plan, une sensibilisation et une intégration des répercussions et de l'exécution des programmes et de la façon dont ils permettront d'inclure dans ces initiatives les personnes handicapées.

D'après notre expérience, bien que nous ayons parlé énormément de sensibilisation... Aucun ministère ne va dire qu'il n'inclut pas les personnes handicapées dans ses programmes, que ce soit dans ses programmes de formation ou dans ses initiatives en matière d'éducation, etc. Si on regarde le nombre de Canadiens qui participent en fait à ces programmes, et ceux que ces programmes desservent, il est évident que ces programmes n'ont pas été structurés ou offerts dans le bon contexte pour inclure un nombre proportionnel de personnes handicapées.

Si on veut parler de libre accès à un immeuble, d'autres moyens de communication ou d'évaluation pour une personne qui a des difficultés d'apprentissage, une personne qui a un retard au niveau du développement ou une personne malvoyante ou malentendante, il faut avoir certaines compétences techniques. Le type d'appui nécessaire doit être conçu de façon à ce que les critères d'un programme permettent à ces personnes d'y avoir accès, ou qu'on puisse ajouter une personne-ressource additionnelle au programme régulier pour répondre aux besoins de la personne handicapée.

Par le passé, plutôt que d'être négatifs, nous avons misé sur la bonne grâce, la pression morale et l'espoir que les gens non seulement accepteront le principe de l'inclusion, mais qu'ils l'incluront dans l'exécution de leurs programmes. Cela ne se produit que s'il y a quelqu'un à l'intérieur du système qui découvre les changements proposés avant qu'ils soient annoncés, qui puisse avoir son mot à dire en ce qui concerne les critères et les priorités du programme avant qu'une décision ne soit prise et qui ait voix au chapitre lorsqu'on discute des budgets et que des décisions sont prises. Autrement, les personnes handicapées se retrouvent toujours dans une position défensive qui mène à la confrontation et à l'antagonisme et qui n'est pas dans le meilleur intérêt des fournisseurs de services, des décideurs du gouvernement, des consommateurs ou des gens à qui s'adressent ces programmes.

M. McPherson: La stratégie nationale est-elle un succès ou un échec? Voilà une bonne question. Cela dépend de votre définition de l'un ou de l'autre, je pense.

Une stratégie nationale en ces termes ne veut rien dire sans l'appui de Statistique Canada pour surveiller les changements au fil du temps. Aucune enquête après recensement n'est prévue en 1996 au sujet des handicaps; alors comment peut-on savoir si les cinq dernières années ont été un succès ou non? Comment peut-on savoir si nous n'avions pas d'objectif et de vision pour commencer? C'est une partie du problème.

Ce qu'il nous faut, c'est une vision nationale pour les Canadiens. Nous devons reconnaître qu'un handicap n'est qu'une forme de désavantage. Dans le monde de la technologie et de l'information qui est constamment en évolution, je ne suis peut- être pas désavantagé, alors que quelqu'un d'autre l'est. L'autre personne qui est désavantagée a peut-être ses deux bras et ses deux jambes, et par le passé elle pouvait aller décrocher un emploi, mais peut-être que les emplois ne sont plus dans la même veine.

Donc, je pense que nous avons besoin d'une vision nationale et d'une stratégie nationale pour appuyer les personnes qui sont désavantagées et les personnes handicapées afin de leur permettre de faire partie de cette vision nationale.

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Financer un projet n'est valable et utile que si ce projet appuie la vision nationale globale; en d'autres termes, s'il permet un gain significatif à l'autre bout, et je ne pense pas que ce soit souvent le cas. Donc, je ne voudrais pas répondre. Je pense que certains éléments de la stratégie nationale ont été un succès alors que d'autres auraient pu être améliorés. L'important, c'est que cette expérience nous ait appris quelque chose.

À l'heure actuelle, nous n'avons pas de mesure d'évaluation. Nous pouvons nous asseoir ici autour de cette table et débattre la question comme nous le voulons, mais comment savoir? Quel était l'objectif visé? Il n'est pas facile de répondre à cette question, et c'est une bonne question, Andy.

Le président: Monsieur McPherson, dans votre déclaration liminaire vous avez parlé des points forts et des points faibles, de sorte qu'indirectement vous avez tenté d'en évaluer le succès.

M. McPherson: Ce ne sont que des observations. Il n'est pas possible de faire une évaluation.

Dre Cummings: Vous avez dit que même dans le cadre de l'examen du filet de sécurité sociale, la question des handicaps était quelque peu marginale. C'est ce que nous avons constaté également pour ce qui est des questions qui se sont retrouvées à l'ordre du jour. Cependant, en tant que collectivité de personnes handicapées, tout le processus nous a été utile. Plus qu'à d'autres occasions, cela nous a permis de nous réunir et de constater quels étaient nos besoins communs, de constater que nous avons de nombreux besoins communs avec d'autres groupes marginalisés.

Cela nous a permis en outre de constater que les personnes handicapées ne sont pas les seules à avoir besoin de régimes de soutien du revenu face au chômage devant lequel se retrouvent d'autres groupes également. Nous avons toute une série de besoins qui sont spécifiques à divers types de handicaps, et non pas à l'invalidité en général. Certains d'entre nous ont été fort impressionnés par ce qu'a suggéré l'Institut Roeher, c'est-à-dire qu'il faudrait faire une distinction entre le soutien du revenu et les services de soutien. Il peut y avoir des programmes généraux par rapport au soutien du revenu et des critères généraux, pourvu qu'en même temps il y ait des réponses spécialisées à divers types de besoins individuels. Comme Randy l'a dit, je pense, les coûts liés à un handicap sont énormes. Il est très coûteux d'acheter le type de services dont on a besoin pour survivre au jour le jour.

Si nous songeons donc à adopter une nouvelle stratégie nationale, je voudrais qu'elle s'inspire d'une vision, celle de besoins communs, comme la nécessité de soutenir les revenus de divers groupes confrontés par le chômage. Ces besoins devraient être reconnus comme tels et comme étant ceux de tous ces groupes, mais à cela s'ajoutent des besoins spécifiques qui sont moins bien compris parce qu'ils viennent de plus loin. Il y a là insuffisance de communication. Nul d'entre nous ne connaît les réponses; il faudra faire preuve d'imagination.

Quant à décider de quel ministère nous relèverions, la plupart d'entre nous ont affaire à toute une série de ministères, de sorte que nos besoins doivent être compris de tous, et pas simplement d'un seul. Il ne s'ensuit pas pour autant que la responsabilité de répondre à nos besoins doive être éparpillée; elle doit, bien au contraire, être clairement définie et attribuée.

M. McClelland: Certaines des questions soulevées par le groupe de discussion ont fait auparavant l'objet des débats de notre comité et figureront, j'en suis sûr, au nombre de ses recommandations - probablement unanimes - en particulier la question de la volonté politique et de la prise de conscience, au delà de l'idéologie, du problème dans le contexte des contraintes financières actuelles. Les circonstances dans lesquelles nous nous trouverons exigeront une volonté politique, afin que ceux qui sont les plus vulnérables ne soient pas emportés par les bouleversements de notre société.

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Pour préserver les handicapés de ces bouleversements l'une des choses à faire, c'est de les soustraire aux services sociaux et au bien-être social, et de voir la question sous un jour tout différent.

Y a-t-il des commentaires là-dessus, compte tenu du fait que l'auto-identification a fait considérablement augmenter le nombre de gens qui se considèrent comme étant handicapés? La nature humaine étant ce qu'elle est, c'est ce qui arrive en période de marasme économique. Un nombre considérable s'est déclaré handicapé afin de bénéficier du Régime de pensions du Canada, ou pour toute autre raison, mais nous savons qu'il y a une différence entre une déficience chronique ou à long terme qui exige une aide, et une déficience de moindre importance, ou qui n'est même pas chronique.

Comment faire la distinction entre ceux qui ... Prenons l'exemple d'un cuisinier atteint d'arthrite qui ne peut plus exercer son métier, mais qui pourrait certainement faire autre chose. Est-il admissible aux prestations du Régime de pensions du Canada, ou devrait-il chercher un autre emploi? Cela ne peut se comparer à celui qui est en chaise roulante pour la vie, par exemple, ou qui est sourd ou aveugle.

Le président: Pouvez-vous répondre à cela, madame Cummings?

Dre Cummings: Vous nous demandez comment nous déciderions d'un cas pareil: l'une des conséquences de... si les gens ont besoin d'un revenu - autrement dit, si pour quelque raison que ce soit leur revenu est au-dessous d'un seuil minimum - nous avons affaire à un groupe assez considérable de gens. Quand vous dites que les invalides qui sont en chaise roulante pour la vie ont plus de besoins, par exemple, qu'un cuisinier atteint d'arthrite, qui ne peut plus exercer son métier, la réponse à cette question serait beaucoup plus facile si cette personne pouvait vraiment trouver un autre emploi qui lui permette de vivre dignement sans avoir l'impression que sa vie ou ses chances ont été irrémédiablement gâchées par l'arthrite.

Il est donc difficile de répondre à ce genre de questions, et je crains toujours qu'en essayant d'y répondre nous ne divisions artificiellement les marginaux, les désavantagés.

Je préférerais considérer cette question sous l'autre angle et dire que si nous avions une bonne stratégie de l'emploi beaucoup de ces questions ne se poseraient pas. Les gens n'ont pas recours à un programme de bien-être mal vu s'ils peuvent gagner décemment leur vie, trouver un emploi acceptable, dans leur propre communauté. C'est pourquoi il m'est impossible de répondre vraiment à une question posée de cette façon.

Je préférerais la poser autrement: comment pouvons-nous aider le cuisinier atteint d'arthrite à assurer sa subsistance, et comment pouvons-nous aider, mais différemment, l'invalide réduit pour la vie à une chaise roulante? Si différents qu'ils soient, ces besoins n'en sont pas moins réels. Et on doit trouver la réponse pour chacun en se fondant sur le besoin plutôt que sur une hypothèse touchant les besoins de certains groupes de gens.

Le président: Pouvez-vous nous expliquer cela un peu plus en détail?

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M. McPherson: C'est Joan qui l'a fait, et vous-même également, au début de votre déclaration. Le problème ici, c'est le fait de classer toutes sortes de gens dans une seule catégorie, dite d'invalidité. Ce n'est pas l'invalidité qui compte vraiment; ce sont les besoins individuels de ces personnes.

En réunissant tous ces gens dans une seule catégorie, vous confondez, dans la plupart des cas, l'aide à l'invalidité avec le bien-être. Remplacer simplement le revenu - soit le bien-être social - c'est une chose, mais le soutien dont a besoin une personne atteinte d'une déficience varie selon la nature de celle-ci, et le besoin varie en conséquence. Comme le disait Randy, dans certains cas, c'est de peu de choses dont on a besoin, dans d'autres de beaucoup, mais cela n'a rien à voir avec le soutien du revenu.

Ce qui donne toute son importance à ce dernier, c'est que l'invalidité augmente tellement les coûts, que ceux-ci s'imposent et qu'il vous faut donc plus d'argent, mais si ces besoins étaient satisfaits d'une autre façon, on pourrait retirer l'élément déficience du système de bien-être.

J'ai besoin d'aide: je ne peux pas me lever seul le matin; il faut qu'on m'aide à manger, à me déplacer. Je n'ai pas besoin d'aide sous forme de chèque pour payer mon loyer et mon hypothèque, mais si je n'ai pas l'aide nécessaire pour me lever le matin, me rendre à mon travail, etc... ce sont toutes ces choses dont j'ai alors besoin.

À mon avis, c'est ainsi qu'il faudrait procéder: considérer, d'une part, les besoins de chacun sous forme d'aide, et traiter différemment le revenu du cuisinier congédié parce qu'il souffre d'arthrite. Ce qui s'impose alors, peut-être, c'est la réorientation professionnelle, le recyclage ou une nouvelle tactique, mais cela ne diffère en rien du cas de bien des Canadiens qui se retrouvent au chômage.

Le président: Je voudrais donner la parole à M. Allmand. Il ne nous reste que 12 minutes.

M. Allmand: Je vous remercie.

Quand nous avons entendu les hauts fonctionnaires du gouvernement, et Lloyd Axworthy, j'ai essayé de leur faire comprendre les problèmes des handicapés qui avaient comparu devant nous à propos du TCSPS, et des différences entre le TCSPS et le RPC. C'est là exactement ce dont ont parlé ce matin Dre Cummings et d'autres témoins.

Chaque fois que je me suis adressé à ces gens, ils m'ont répondu qu'il y avait exagération, qu'ils avaient pu constater combien les provinces étaient sensibles aux besoins des handicapés et que, ils en étaient persuadés, l'argent serait - ce sont les fonctionnaires du gouvernement fédéral qui le disent - réparti en toute justice et équité, que de nombreuses provinces avaient la possibilité de faire appel, et que d'autres provinces l'envisageaient.

Je vais maintenant me faire l'avocat du diable. Les questions que je vais vous poser sont celles qui sont posées à bien des comités, et j'en suis le porte-parole plutôt que l'auteur, mais j'aimerais connaître quelles seraient vos réponses à ces hauts fonctionnaires.

Puisque la santé et les services sociaux relèvent, d'après la Constitution, des provinces et que le gouvernement fédéral n'a dans ces domaines que le pouvoir de dépenser, et ce, par voie secondaire, pourquoi craindrions-nous que les provinces soient moins compatissantes, moins soucieuses de leurs sujets que le gouvernement fédéral?

Personnellement, j'ai constaté qu'au fil des ans, les provinces avaient pris l'initiative dans nombre de domaines. La Saskatchewan a été la première province à offrir l'assurance- maladie. D'autres provinces ont bien devancé le gouvernement fédéral en matière de droits de la personne. Dans ma propre province, le Québec, nous avons constaté la même chose dans divers domaines.

Au Parlement, nous essayons de mettre de l'ordre dans nombre de responsabilités qui incombent au palier fédéral ou au palier provincial. Nous essayons d'éviter le gaspillage dû aux chevauchements et à l'éparpillement. Pour commencer, je me demande bien ce que l'on peut répondre aux fonctionnaires fédéraux qui prétendent qu'on exagère un peu quand on s'inquiète des transferts globaux faits aux provinces en vertu du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.

Les questions que je vous adresse découlent des discussions constitutionnelles. Qu'est-ce qui nous donne la certitude que le gouvernement fédéral traitera mieux les personnes handicapées que ne l'ont fait les provinces quand on sait à quel point la situation était boiteuse par le passé? Il est arrivé que le gouvernement fédéral les traite mieux, mais parfois ce sont les provinces qui faisaient mieux. Il est arrivé que le gouvernement fédéral soit tout à fait catastrophique.

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M. Dickinson: Le genre de questions que vous nous posez nous emballent. Plaçons les choses dans un autre contexte, un que vous connaissez bien pour y avoir déjà oeuvré, celui de la justice. Pourquoi y a-t-il un Code criminel qui s'applique à tout le Canada? Être Canadien implique certains critères fondamentaux dans certains domaines, sur le plan des obligations et des droits du citoyen par exemple. À cet égard, on ne peut pas s'en remettre aux provinces ou au gouvernement de l'époque. En effet, des changements d'orientation opérés par opportunisme politique pourraient faire perdre de vue l'équité à long terme, la politique publique perdant de vue les responsabilités qu'elle doit assumer et l'accès aux biens et services publics qu'elle doit protéger. Le même danger existe dans le cas du gouvernement fédéral, mais...

M. Allmand: Il se pourrait très bien qu'un parti fédéral qui ne partage absolument pas ces valeurs soit élu pour gouverner.

M. Dickinson: Mais parce que le mandat du gouvernement fédéral lui est confié par des électeur à l'échelle du pays, il se doit d'offrir un programme national. À mon avis, il y a lieu de protéger un programme national minimum et une norme nationale, en matière de santé comme en matière de programmes sociaux. Quand on examine le potentiel de l'assiette fiscale de certaines provinces et les moyens qu'elles ont de dispenser certains services de qualité acceptable, force est de constater qu'il faut qu'il y ait partage dans notre famille nationale et que c'est là toute la raison d'être de notre pays. S'il en était autrement, le pays serait morcelé en empires provinciaux, balkanisés,qui ...

M. Allmand: Certes, mais nous y voyons grâce à la péréquation et grâce au financement global.

M. Dickinson: Ces deux mécanismes pourraient très bien convenir dans le cas de programmes destinés à des personnes handicapées, dans la mesure où l'on peut exiger des comptes pour garantir que ces programmes sont effectivement offerts à ceux à qui ils sont destinés, les provinces conservant quand même une certaine souplesse.

Je reviens sur la question de Ian à propos des programmes. Les hypothèses qui sous-tendent bien des programmes sont les suivantes: offrir de l'aide ou du soutien uniquement quand la situation a atteint son paroxysme ou quand une personne est tout à fait dépendante. Même alors, les services offerts ne sont pas suffisants, et il faut s'adresser à une kyrielle de centres de responsabilité.

Nous préconisons une démarche cohérente permettant de prendre des mesures préventives, d'intervenir avant que ne se développe une situation de crise exigeant le déploiement d'énormes ressources alors qu'un soutien minimal aurait suffi pour remettre une personne à flot, pour l'intégrer. Pour revenir à vos questions concernant le rôle du gouvernement national je vous rappellerai les travaux d'une incarnation précédente de votre comité, le rapport Obstacles, document qui s'est révélé porteur, car sa publication représente le moment décisif où les Canadiens ayant des incapacités ont commencé à participer au courant principal de notre vie collective. À ce moment-là, des personnes handicapées ont été consultées sur les orientations que le gouvernement devait adopter. Elles ont participé à l'élaboration des recommandations et à la répartition des responsabilités. En outre, elles ont collaboré au suivi au fur et à mesure de la mise en oeuvre.

Mais tout cela se passait il y a une vingtaine d'années - 19 ans ou 24 ans, je ne sais plus - et à mon avis il est grand temps que l'on envisage un nouveau plan national, que l'on se donne une nouvelle vision nationale. Seul un gouvernement fédéral national peut veiller à ce que la réalisation de ce plan s'accomplisse de façon équitable d'un bout à l'autre du pays. Il ne s'agit pas de créer un nouveau mandat ou une nouvelle responsabilité. Il s'agit de réaménager un créneau propice au leadership, la situation s'étant détériorée à cause des pressions économiques que nous subissons.

Le président: Madame Cummings, avez-vous quelque chose à ajouter?

Dre Cummings: Pour ma part, j'aimerais vous expliquer comment je distingue entre la motivation, d'une part, et les conditions structurelles, d'autre part. Dans ma propre province, on est certainement sensible aux problèmes causés par les incapacités. Je sais bien aussi, parce que je dois rendre des comptes aux politiciens de diverses provinces, que tous font face à des contraintes énormes du point de vue des structures. Quand notre taux de chômage grimpe bien davantage qu'ailleurs, et quand, par manque d'emplois dans l'administration municipale ou provinciale, quantité de gens doivent avoir recours à l'aide sociale, on trouve encore plus difficile d'offrir des soutiens et des services.

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On vérifie cela partout - l'effet de ruissellement causé par les politiques fédérales. L'avènement du libre-échange, la restructuration de fond en comble de l'économie canadienne qui privilégie le secteur des services au détriment du secteur des produits manufacturés, les emplois et le marché du travail... Dans chacun des cas, le gouvernement fédéral exerce des pressions sur les provinces. Soit que les provinces prennent la relève, soit qu'elles se rabattent sur les municipalités, qui à leur tour passent le fardeau aux collectivités, pour qui il est trop lourd.

Le gouvernement fédéral a le pouvoir de percevoir des impôts et de redistribuer l'argent, et c'est là que le malaise structurel prend sa source. Le gouvernement fédéral doit procéder à la redistribution, mais il doit également veiller à ce qu'on lui rende des comptes.

Je sais bien que la situation est inégale entre les provinces. Nos politiques nous disent qu'ils vont à la table de négociation pour réclamer de l'argent pour l'aide sociale, mais de plus en plus l'opinion publique accorde foi au mythe selon lequel cet argent sert à entretenir des fainéants... ces fainéants qui de plus en plus déshonorent les groupes marginaux. Il serait utile que les politiciens obtiennent des explications claires afin qu'ils soient mieux équipés pour veiller à ce que les programmes qu'ils élaborent produisent des résultats pratiques.

Prenez ce qui s'est passé en 1993, quand les critères pour l'obtention de l'assurance-chômage ont été modifiés. À Halifax, quantité de gens se sont retrouvés sur-le-champ assistés sociaux dès qu'ils n'étaient plus admissibles à l'assurance-chômage. Qu'est-ce que cela signifie pour le budget provincial? Forcément des dépenses, car il existe des obligations à cet égard. Voilà encore une difficulté à laquelle les politiciens font face - la différence entre les services imposés par les dispositions législatives provinciales et ceux qui ne le sont pas. Tout cela constitue un cadre structurel, qu'on le veuille ou non, qui rend difficile la défense des intérêts des secteurs marginaux à la table de négociation.

Je n'ai pas l'impression qu'il y ait de mauvaise volonté au niveau provincial. Je pense que les gouvernements provinciaux s'inquiètent des personnes ayant des incapacités. J'ai l'impression qu'il est facile de perdre l'essentiel de vue quand il y a un tel tiraillement entre des intérêts qui se font concurrence, et il est alors difficile de répondre à ceux qui sont moins bien lotis quand il s'agit de faire valoir leurs revendications.

Le président: Je vais maintenant donner la parole à M. Maloney.

M. Maloney: Ma question s'adresse aux trois témoins. À supposer que nous voulions améliorer la stratégie nationale, sur quel front faudrait-il prendre des mesures précises pour obtenir la plus grande efficacité? Quel devrait être l'ordre prioritaire selon vous?

M. Dickinson: J'aurais voulu pouvoir consulter d'autres personnes avant de vous répondre afin de vous donner une réponse plus complète. Je vais cependant vous donner certains exemples que nous avons cités tout à l'heure: il faudrait que l'argent soit versé directement au particulier par l'intermédiaire d'un crédit d'impôt, mais cela signifie une modification de ce qui existe actuellement, car en ce moment, quelle que soit l'incapacité, le particulier obtient le même crédit d'impôt. Il faudrait que la somme versée corresponde au coût que représente l'incapacité, pour que ceux qui ont véritablement besoin d'aide puissent l'obtenir, et que cela ne se fasse pas automatiquement, sans égard pour les besoins.

Nous y voyons une source d'information centrale sur les changements proposés par le gouvernement fédéral à laquelle peuvent se référer les provinces lorsqu'elles débattent de leurs propres politiques, ou les consommateurs, ou le secteur privé, lorsqu'ils ont des idées ou des recommandations à faire. Nous nous demandons également comment combiner tous ces éléments pour les transformer en une stratégie nationale.

Tout le monde semble se renvoyer les responsabilités par peur des coûts qui y sont associés, financiers et autres. Il faut que quelqu'un fasse preuve d'initiative et fixe des objectifs nationaux clairs, que les programmes soient à la charge du gouvernement fédéral, des provinces ou d'autres partenaires. Il faut avoir une vision nationale.

.1300

Le président: Monsieur McPherson, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. McPherson: Je crois qu'il faut commencer par avoir cette vision. Il faut nous assurer que tous les ministères appliquent les mêmes critères et tendent vers le même but. Il nous faut aussi, puisque nous traversons une période d'évolution, une tribune où tous les participants ont la possibilité de partager leurs idées pour ensuite agir collectivement.

Actuellement nous attendons des collectivités locales qu'elles assument la responsabilité qui autrefois était financée par le gouvernement fédéral, en voie de se désengager. Les entreprises ne veulent pas de cette responsabilité, ayant déjà suffisamment de mal à survivre dans le contexte de la nouvelle économie mondiale. Les gouvernements provinciaux ne se considèrent pas comme des pourvoyeurs de services.

Comment concilier tout cela? Il faut réunir tous ceux qui ont des responsabilités dans ce domaine pour qu'ils partagent la même vision et travaillent ensemble. À mon avis, c'est la clé du problème, et s'il doit y avoir un financement quelconque, c'est cette vision qu'il faut financer à long terme.

Une voix: Une vision collective.

Le président: Madame Cummings, voudriez-vous ajouter quelque chose?

Dre Cummings: Je suis d'accord avec les arguments de mes deux collègues. J'ajouterais simplement que je ne voudrais pas que cette stratégie nationale pour les personnes handicapées soit dissociée de l'initiative de restructuration du régime fiscal visant à dégager plus de ressources - un régime fiscal plus équitable. Je ne voudrais pas qu'elle soit dissociée d'un véritable programme de création d'emplois qui rendrait vaines nombre des questions dont nous débattons. Le rattachement à des politiques sociales et économiques plus générales est pour moi indispensable à toute nouvelle stratégie nationale, quelle qu'elle soit.

Le président: Nous avons perdu près de 20 minutes au départ à cause de problèmes techniques. Êtes-vous d'accord pour que nous prolongions la séance d'une vingtaine de minutes?

Des voix: Oui.

Le président: Warren.

M. Allmand: J'aimerais commencer par dire, monsieur le président, que les questions que j'ai posées au départ et qui feront l'objet de discussions dans presque tous les comités du Parlement... J'estime que nous n'avons pas eu suffisamment le temps d'en discuter. J'espère que nous pourrons le faire avec les prochains témoins, avec les représentants des handicapés eux-mêmes. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, c'est impossible.

Ma deuxième question s'adresse à M. McPherson. Vous avez dit que certains des sept points du programme de Lloyd Axworthy étaient bons. Vous vous y êtes référé, mais vous n'avez pas indiqué lesquels vous semblaient moins bons.

M. McPherson: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Ce n'est pas ce que je voulais dire. Nous jugeons méritoire ce qu'il a dit jusqu'à présent.

M. Allmand: Très bien. J'avais mal compris. Je m'excuse.

M. McPherson: Si je me suis mal exprimé, je m'en excuse.

M. Allmand: J'ai probablement mal compris. Je croyais vous avoir entendu dire que sur les sept points, certains étaient très bons. J'avais pensé que cela signifiait que peut-être certains des autres ne l'étaient pas.

Pas d'autres questions.

Le président: J'aimerais poser quelques questions.

Est-ce que le conseil du premier ministre au niveau provincial est un outil utile pour améliorer le partenariat?

Dre Cummings: En Nouvelle-Écosse notre organisation est intéressante dans la mesure où la moitié du conseil, la majorité du conseil, est composée de personnes handicapées - les représentants de la communauté des handicapés - et le reste est composé de hauts fonctionnaires des ministères qui offrent les services: les transports, le logement, les services communautaires, la santé, l'éducation, etc.

Le président: Est-ce alors un modèle utile? Quand vous avez parlé de la nécessité d'une participation significative et permanente et d'une amélioration du partenariat, la question s'est immédiatement posée: que faire pour y parvenir? Je suis à la recherche d'un outil.

Le conseil du premier ministre est-il un modèle utile à imiter?

Dre Cummings: Oui, dans la mesure où une partie du mandat des conseils provinciaux consiste à être en contact avec la communauté des personnes handicapées afin de s'assurer que les questions les concernant ne sont pas oubliées au niveau provincial.

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Le président: Vous avez parlé de comptes à rendre. Vous avez dit que c'était un des principes. Est-ce que cela concerne les gouvernements provinciaux ou seulement le gouvernement fédéral?

Dre Cummings: Cela concerne tous les paliers de gouvernement - fédéral, provincial et municipal.

Le président: Vous avez aussi parlé de durabilité des programmes. Qu'est-ce qui assure selon vous cette durabilité?

Dre Cummings: Des ressources adéquates. Nous savons que les ressources financières sont limitées. Personne ne l'ignore. Nous savons tous que nous avons un déficit. Mais nous savons que pour que ces programmes soient durables il faut redistribuer les ressources disponibles et privilégier ceux qui en ont le plus besoin. C'est un premier point.

Il faut supprimer les chevauchements. Il faut réfléchir aux problèmes de fragmentation. Tous les programmes qui pèchent à ces niveaux ne peuvent être durables parce qu'ils sont facteurs de gaspillage.

M. Dickinson: J'ajouterai que nous ne prétendons pas que le seul moyen de régler le problème, c'est de multiplier les ressources. Nous ne prétendons pas non plus que c'est une responsabilité provinciale ou une responsabilité fédérale; c'est une responsabilité partagée.

Il nous faut repenser le problème. Il faut que non seulement les législateurs repensent le problème, mais également les consommateurs et les représentants de la communauté, pour voir comment se servir des ressources disponibles ou de celles qui seront disponibles à l'avenir, pour favoriser et financer d'autres partenariats, que ce soit avec le secteur privé, le monde de l'entreprise, ou les groupes et organismes communautaires.

Lorsque nous parlons de privatisation, par exemple, pour beaucoup de fonctionnaires cela signifie uniquement la sous- traitance de services gouvernementaux auprès du secteur privé. Le secteur communautaire et le secteur à but non lucratif peuvent peut-être s'associer pour administrer et offrir certains programmes à moindre coût et à un plus grand nombre de clients, et échapper à la hache budgétaire.

Il y a aussi un autre piège; c'est celui des initiatives à court terme, ponctuelles, répondant à un objectif, ou à une vision, mais qui ne font jamais l'objet de vérification, une fois la subvention dépensée ou le programme lancé, pour qu'on puisse contrôler si les objectifs ont été véritablement atteints.

Comment évaluer correctement ces initiatives et ces programmes sociaux pour déterminer leur efficacité ou leur nécessité? Il est souvent arrivé dans le passé, tout au moins, que des programmes se perpétuent indéfiniment malgré l'évolution de l'environnement économique et de la conjoncture sociale, ou que des programmes soient lancés inconsidérément ou à la suite de décisions politiques fondées sur de mauvaises raisons et qu'ils ne répondent jamais à un besoin réel.

Il doit donc y avoir moyen de réorienter notre mode de pensée. Nous ne sommes pas ici tout simplement pour critiquer le rôle du gouvernement. Nous le sommes pour faire valoir que les milieux et les groupes de pression que nous représentons sont en mesure de revoir leur façon de penser pour assurer une certaine convergence.

Le président: Qu'ont fait jusqu'à maintenant les groupes de consommateurs pour réorienter leur mode de pensée?

M. Dickinson: Le fait même de participer au processus de consultation, je pense par exemple à l'examen de la sécurité du revenu, ou aux commentaires formulés au sujet du transfert social canadien aussi bien aux paliers provincial que fédéral... Nous cherchons à définir les stratégies les plus efficaces de mise en oeuvre des programmes.

Comme nous l'avons signalé, tous ne partagent pas les mêmes opinions sur chaque question. Cependant, je crois que davantage de gens sont prêts à renoncer aux programmes universels qui accordent à chacun un montant d'aide fixe sans égard pour les besoins. Il s'agirait donc plutôt de soutenir ceux qui en ont besoin et de ne pas soutenir ceux qui n'en ont pas besoin. Avec les mêmes ressources, on peut alors réaliser les objectifs dans une plus large mesure.

Le président: Vous avez tous, à votre manière, parlé du fait qu'il n'existait pas de vision nationale ou qu'elle était insuffisante. Pourriez-vous tour à tour nous dire en quoi consiste cette vision nationale?

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M. Dickinson: Depuis la décennie des personnes handicapées, je crois que, tant dans la bureaucratie que dans l'idée du public, le vocabulaire a été assimilé. On parle d'inclusion, d'intégration, d'équité, d'égalité d'accès et d'absence d'entraves. Par contre, pour ce qui est de la mise en oeuvre et de la détermination d'un ordre de priorité dans l'affectation des ressources et la prise de décisions, à partir de ces principes d'inclusion, les grandes idées ne se sont pas encore vraiment concrétisées sur le terrain.

Le président: Non. Par ma question, je ne cherchais pas tant à savoir si telle ou telle vision s'était concrétisée.

Je tiens donc à vous le préciser. J'aimerais savoir ce que cette vision doit être, selon vous. Je pense plutôt en termes de vision, d'énoncé de mission ou de formulation d'un rêve, si vous voulez. Comment l'exprimeriez-vous?

M. Dickinson: Mais il faut pourtant se pencher sur la mesure des résultats.

Nous allons accroître la formation des personnes handicapées pour qu'elles puissent avoir des chances égales dans un monde de concurrence. Nous allons évaluer les normes de revenu qui s'appliquent aux personnes handicapées. Ainsi, au lieu de tirer de l'arrière dans toutes les catégories selon des mesures de ce genre, ces personnes devraient, par exemple, être représentées dans la fonction publique d'une manière qui corresponde à leur participation à la population.

Sans qu'il soit question de quotas, nous envisageons ici la détermination d'un objectif mesurable, définissable, qui vise vraiment à faire en sorte que les Canadiens qui sont handicapés soient dans la bonne moyenne, selon les mêmes normes, les mêmes critères et les mêmes résultats par rapport aux objectifs qui correspondent au reste de la population canadienne.

Le président: Monsieur McPherson, auriez-vous quelque chose à ajouter?

M. McPherson: Je dirais qu'une vision doit être énoncée et qu'il faut également des principes directeurs par rapport à cette même vision. Il nous faut une telle vision, je crois, à l'échelle nationale. Elle doit susciter l'enthousiasme non seulement des gouvernements, mais aussi du secteur de l'entreprise et des diverses collectivités. En effet, nous avons constaté en Alberta que, à mesure que le gouvernement provincial se retire du secteur des services et que les régions et les municipalités prennent la relève, les personnes handicapées ne savent plus trop au juste où faire leurs démarches ou comment se regrouper. Si le conseil du premier ministre n'existait pas, le gouvernement provincial ne serait pas en mesure de faire preuve de sollicitude ou de compréhension.

Ainsi, d'après moi, des principes et une vision sont absolument nécessaires pour baliser le chemin. Nous saurons alors, comme le dit si bien Stephen Covey, comment il nous faut nous orienter.

Le président: Madame Cummings.

Dre Cummings: Si j'avais à la résumer en un mot, je crois que mon idée d'une vision nationale aurait rapport à l'équité...

Le président: D'accord. Merci.

Dre Cummings: ...l'équité pour les personnes handicapées.

J'ajouterais par ailleurs que tout ce qu'ils ont dit est fondé sur des principes que nous avons énoncés dans nos recommandations.

Le président: Merci. Y a-t-il d'autres questions? Ian?

M. McClelland: Merci. Il saute aux yeux que le milieu des personnes handicapées est représenté par un nombre assez considérable d'intervenants qui ne semblent pas du tout être unanimes.

Ainsi, cette vision ou ces principes que nous envisageons ne doivent pas correspondre exclusivement à la perspective du gouvernement ou des dispensateurs de soins. Tout le monde doit y être associé, y compris les personnes handicapées, communauté où divers intérêts sont également représentés et où il arrive souvent que les objectifs formulés soient contradictoires. Ce qui m'amène à aborder cette question de la tension qui semble exister de façon évidente entre ceux qui sont handicapés et qui préconisent l'autonomie et ceux du secteur médical ou du secteur de la réadaptation qui, selon certains handicapés, ont intérêt à ce que rien ne change, étant donné que la situation telle qu'elle existe leur a assuré un gagne-pain lucratif et stable durant longtemps. Leur situation est en effet très confortable.

M. Dickinson: Permettez-moi d'avoir recours à une analogie. Si une personne doit faire réparer sa voiture, elle fait appel à un mécanicien compétent, mais c'est tout de même elle qui décide quand les réparations seront faites, quelles vont être ces réparations et combien elle est prête à payer, compte tenu des renseignements dont elle dispose au sujet des prix. Ainsi, il est certain que les dispensateurs de soins de santé et de soins de réadaptation font partie des moyens qui permettent d'assurer la réadaptation ou de répondre aux besoins des personnes handicapées, dans la mesure où ils n'exercent pas un contrôle unilatéral du processus et où il existe un rôle pour les consommateurs.

Ce qui est dangereux, me semble-t-il, c'est de tenter de déterminer les limites du système, de déclarer que tel ou tel intervenant ne peut participer à la planification ou faire valoir son point de vue, même s'il y participe et y joue un rôle comme dispensateur de services.

À mon avis, là où nous avons été les plus efficaces comme membres d'un conseil du premier ministre, c'est lorsque nous avons réussi à faire déboucher tous les intervenants sur un consensus. Sans être nécessairement d'accord sur tous les détails et tous les aspects, nous fondons bon nombre de nos actions sur un consensus bien défini de tous les intéressés, de sorte que nous pouvons aller de l'avant. Même en nous limitant aux initiatives qui font véritablement consensus, nous avons déjà beaucoup de pain sur la planche et un nombre d'objectifs plus que suffisant, ce qui va certainement faire avancer les choses dans l'intérêt de tous.

.1315

Je tiens à signaler que dans notre province, par exemple, nous assurons la représentation des groupes de défense des handicapés et des dispensateurs de services. Les organisations vouées exclusivement à la défense des consommateurs ne sont pas représentées, étant donné que, dans notre province, les consommateurs ont déjà été intégrés comme participants et comme décideurs dans l'ensemble de ces organisations. Leur représentation n'a donc pas été jugée nécessaire.

Lorsqu'il est question de la participation d'une association d'envergure nationale, il importe de bien veiller à ce que le groupe représente la base dans chacune des provinces. Si ce n'est pas le cas, il faut se fier à d'autres intervenants qui représentent le même type d'intérêts sous une autre appellation.

Il y a lieu d'être prudent. Nous n'avons pas l'ambition de franchiser l'idée du conseil du premier ministre. Ce n'est pas une structure qui peut garantir le fonctionnement d'un système. Un comité parlementaire ne fonctionne pas du simple fait qu'il a été créé. C'est votre participation et celle des personnes qui se réunissent autour d'une même table qui suscitent des idées; c'est l'assimilation de ces mêmes idées dans un cadre plus vaste axé sur les résultats... qui va au-delà des beaux principes et qui permet d'aller vers le concret, de passer à l'action, de lancer des initiatives en fonction d'un objectif commun.

Nous n'allons jamais nous entendre parfaitement sur tous les sujets, mais c'est justement pourquoi la démocratie est nécessaire.

M. McPherson: Ian, il faut dire qu'une évaluation fondée sur les besoins ne débouche pas sur les mêmes résultats qu'une démarche qui s'appuie sur les idées de tout un chacun et les intérêts particuliers, qu'il s'agisse du conseil ou d'une organisation. Il me semble que si nous veillons à mettre l'accent sur les besoins, nous évitons l'autre problématique. C'est d'ailleurs une optique qui a très bien servi le conseil.

Je tiens également à faire un commentaire au sujet de l'utilité de tels conseils. Je crois que le conseil a été utile en Alberta. Son rôle a évolué en fonction du contexte. Ainsi, le mécanisme qui convenait en 1988 n'est pas celui qu'il va nous falloir en 1995 ou en 1998.

Il faut dire que nous avons l'avantage d'avoir une disposition de temporarisation qui donnera au gouvernement l'occasion de faire un examen en 1998. Nous ne sommes donc pas là à perpétuité, ce qui est un avantage, il me semble.

Je crois que nous sommes certainement devenus une sorte de conscience du gouvernement. Notre rôle par rapport à la collectivité et au gouvernement a évolué à mesure que le gouvernement s'est retiré du secteur des services pour s'intéresser davantage à la politique.

Notre gouvernement aurait pu connaître de graves difficultés à mesure qu'il opérait ce changement s'il n'avait pas été en mesure de faire appel aux avis judicieux de personnes qui pouvaient mesurer les répercussions sur la population.

Voilà donc un point fort sur lequel nous avons pu miser. Cependant, il faut dire qu'un tel conseil doit être souple et capable d'adaptation. Ce sont là des qualités plus nécessaires que jamais dans notre monde d'aujourd'hui.

Le président: Le temps est presque écoulé. Quelqu'un est-il impatient de poser une autre question?

J'en ai une, pour ma part. Faut-il mettre l'accent plutôt sur les résultats que sur les besoins?

Dre Cummings: Il suffit de mettre l'accent sur les besoins pour aboutir inévitablement à une optique fondée sur les résultats.

Le président: Merci.

M. Dickinson: On ne peut pas savoir dans quelle mesure on aboutit sans connaître la destination. Il faut tout d'abord définir l'objectif, ensuite formuler un plan d'action, le mettre en oeuvre, puis évaluer les réalisations par rapport à l'objectif et s'adapter en cours de route.

Le président: Merci.

Monsieur McPherson, souhaitez-vous ajouter quelque chose?

M. McPherson: Les deux optiques ont une importance égale, d'après moi. Il faut les deux.

Le président: Merci.

Cela dit, je tiens à vous remercier tous au nom du comité de vos exposés et de votre participation à la discussion.

La séance est levée.

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