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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 24 octobre 1995

.0927

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Je suis désolé de vous avoir fait attendre. Nous devons nous en tenir à des règles qui veulent qu'il y ait parmi nous un député de l'opposition, à défaut de quoi nous devons être six. Le sixième membre vient tout juste d'arriver.

Monsieur Verran, vous nous avez sauvés et vous avez aussi sauvé les contribuables à qui vous venez d'économiser pas mal d'argent. Vous devriez l'indiquer dans un bulletin à vos électeurs.

Je suis très désolé d'avoir fait attendre tout le monde, mais, comme je l'ai dit, il y a un nouveau film qui a pour titre Strange Days, un film très bizarre. Ce titre convient bien aux journées que nous venons de vivre et aussi à celles qui vont probablement suivre à Ottawa, étant donné les événements que nous connaissons un peu plus à l'est. Cela nous rend la vie un peu difficile, parce que les gens ont les yeux rivés sur ce qui se passe et que certains députés participent à la campagne, dans un camp ou dans l'autre, ce qui les empêche d'accomplir leurs fonctions de parlementaires.

Je veux céder tout de suite la parole aux témoins. Ce sont les premiers témoins que nous entendons, mis à part des représentants du ministère, dans le cadre de notre étude sur les océans du Canada.

Nous avons des témoins du Comité canadien des ressources arctiques et de la Fédération canadienne de la nature, Habitat faunique. Je crois savoir qu'ils vont nous faire un exposé collectif aujourd'hui. Nous avons parmi nous M. Nigel Bankes, président du Comité canadien des ressources arctiques, M. Peter Sly, expert-conseil privé, et Mme Leslie Beckmann, conseillère en conservation marine pour le Comité canadien des ressources arctiques et la Fédération canadienne de la nature.

Vous et vos collègues avez fait un travail magnifique, Leslie, et vous m'avez fourni énormément de documents, comme aux autres membres du comité. Je sais que vous avez essayé de rencontrer certains d'entre eux avant la tenue des audiences. J'espère que tout le monde a eu l'occasion de jeter un coup d'oeil sur certains des documents qui sont, du moins à mon avis, excellents. Vous avez fait du bon travail et cela m'a aidé comme président du comité à comprendre dans quelle direction nous devrions orienter le projet de loi.

Si vous pouviez avoir terminé votre exposé en une demi-heure, cela nous laisserait du temps pour les questions. Nous aimons beaucoup, en tant que comité, pouvoir échanger avec les témoins. Les exposés didactiques sont très utiles aux fins du compte rendu, mais ils ne permettent pas toujours de saisir toutes les nuances.

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Cela dit, qui va commencer? Leslie?

Mme Leslie Beckmann (conseillère en conservation marine, Comité canadien des ressources arctiques et Fédération canadienne de la nature): Oui. J'ai ici des notes. Je vais m'y reporter, mais tout en essayant de ne pas vous faire un exposé trop magistral.

Laissez-moi tout d'abord vous dire que je sais ce qui nous a retardés et que je comprends parfaitement.

Je tiens à vous remercier au nom du CCRA, c'est-à-dire le Comité canadien des ressources arctiques, et de la Fédération canadienne de la nature, ou FCN, de nous avoir demandé de comparaître devant vous.

Le CCRA est un groupe de défense de l'intérêt public qui compte 4 000 membres et qui s'intéresse au développement durable dans l'Arctique canadien et circumpolaire. La Fédération canadienne de la nature compte 30 000 partisans et 150 groupes affiliés et elle s'intéresse à la protection de la nature et de la biodiversité.

Vous savez maintenant qui vous avez devant vous. Permettez-moi de vous expliquer la façon dont nous entendons vous présenter notre exposé et de vous dire que nous aimerions nous aussi terminer à l'heure juste. Je vais tout d'abord vous donner un bref aperçu des grandes lignes de notre mémoire. Nigel va ensuite vous expliquer plus en détail certains des points mentionnés, après quoi nous serons tous prêts à répondre à vos questions.

M. Sly sera particulièrement utile à ceux d'entre vous qui auraient des questions à poser sur le rôle de la science dans l'élaboration des politiques et sur les concepts du développement durable qui sont reliés à l'approche écosystémique. Nigel Bankes pourra répondre aux questions à caractère juridique tandis que je vais m'attaquer aux questions de politique.

Comme bon nombre d'entre vous ont pu en juger d'après les documents que nous vous avons présentés, le CCRA et la FCN sont enchantés que le comité examine le projet de loi C-98. Nous sommes tous conscients que ce projet de loi a été très long à venir, et nous croyons que c'est une mesure législative essentielle qui ouvrira la voie à un nouveau type de gestion des océans au Canada. C'est pourquoi nous croyons qu'il vous offre une occasion unique de façonner l'avenir des collectivités maritimes et des écosystèmes côtiers pour les décennies à venir.

Je pense qu'il vous offre également l'occasion unique de proposer des changements qui favoriseront une gestion interfonctionnelle, laquelle est essentielle à la revitalisation du gouvernement. Par conséquent, nous nous réjouissons à l'idée que vous allez saisir pleinement l'occasion qui s'offre en renforçant le projet de loi à un ou deux endroits surtout.

Le mémoire que vous avez tous reçu est assez volumineux. Comme vous le savez, il est accompagné d'un résumé d'une page. Je pense que le greffier a en main des exemplaires de ces deux documents si vous en avez besoin.

Le projet de loi a aussi été amélioré grâce à un atelier de deux jours auquel ont participé le Comité canadien des ressources arctiques, la Fédération canadienne de la nature et le Fonds mondial pour la nature qui ont rassemblé un groupe de scientifiques, d'avocats et de conseillers en politiques à qui ils ont demandé de revoir l'avant-projet de loi.

J'aimerais tout d'abord dire au sujet du contenu du mémoire et du projet de loi que le CCRA et la FCN appuient le projet de loi. Nous pensons qu'il se faisait attendre depuis longtemps. Nous croyons cependant qu'il faudrait le renforcer à deux endroits surtout pour qu'il reflète adéquatement la vision énoncée par le ministre Tobin dans le document qui a été publié en novembre dernier, Vision pour une gestion des océans, sur laquelle nous sommes essentiellement d'accord.

Dans ce document, dont je vais vous lire un extrait, le ministre a déclaré que nous, les Canadiens:

À notre avis, les deux aspects du projet de loi qu'il faudrait renforcer pour que cette vision devienne réalité sont les dispositions relatives à la conservation, nécessaires pour garantir le développement durable, et le regroupement des attributions relatives aux activités maritimes que se partagent actuellement un certain nombre de ministères fédéraux. Cela s'impose pour assurer l'efficacité et faire en sorte que le gouvernement fédéral ait la structure voulue pour gérer des écosystèmes entiers. Je vais vous dire quelques mots au sujet de ces deux points avant de céder la parole à Nigel.

En ce qui concerne les dispositions touchant la conservation, nous croyons que la vision préconisée par le ministre dans son document consisterait pour son ministère à passer d'une gestion des ressources à une gestion des écosystèmes, soit à un type de gestion qui tienne compte des usages multiples de l'environnement naturel et qui soit fondé sur l'intention de préserver et, au besoin, de réhabiliter les écosystèmes marins.

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Un tel virage s'explique par le fait qu'une économie maritime saine dépend entièrement d'un environnement marin sain, et vice versa. Il reconnaît également que les systèmes naturels ne respectent pas les frontières artificielles. L'exemple de la morue du Nord nous montre, bien sûr, à quel point cela est vrai. Il nous montre que la santé des villages côtiers et maritimes dépend entièrement de la santé des écosystèmes.

Nous proposons dans notre mémoire des moyens d'améliorer les dispositions du projet de loi concernant la conservation pour assurer la santé des villages côtiers. Mentionnons: l'ajout d'un énoncé des objectifs, qui ferait le lien entre les divers éléments du projet de loi et le préciserait; la réalisation de plus nombreux travaux de recherche en science fondamentale sur le fonctionnement des systèmes naturels; l'éclaircissement des mesures énoncées dans le projet de loi pour ce qui est de la stratégie de gestion des océans; et l'apport de plus de détails dans la section sur les zones de protection marine.

En ce qui concerne le regroupement des attributions, nous vous exhortons à apporter au projet de loi les amendements qui garantiraient la coopération et une meilleure coordination non seulement entre les ministères fédéraux responsables des activités maritimes, mais aussi entre le gouvernement fédéral et les administrations provinciales, territoriales et autochtones.

Vous représentez presque tous des circonscriptions côtières et vous connaissez bien l'étendue de l'environnement marin. Vous savez aussi pertinemment qu'une myriade de décisions prises à différents niveaux, depuis la municipalité jusqu'à la communauté internationale, influent sur celui-ci. Par conséquent, une gestion intégrée est de la plus haute importance.

Nous proposons dans notre mémoire divers moyens à prendre pour que ce genre de regroupement devienne réalité. Mentionnons l'obligation de rendre des comptes, l'obligation pour d'autres ministères de travailler en collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans à la stratégie de gestion des océans et à l'élaboration de plans de gestion des océans, ainsi que l'obligation pour le ministère des Pêches et des Océans de collaborer avec divers gouvernements, groupes et particuliers qui ont un rôle à jouer dans la gestion des océans.

En ce qui concerne le regroupement toujours, j'aimerais revenir sur quelque chose qui a été mentionné au comité mercredi dernier. Nous sommes d'avis que la responsabilité d'un certain nombre d'activités fédérales que le projet de loi n'englobe pas incombe à juste titre au ministère responsable de la santé des océans du Canada. Nous croyons savoir que certaines des dispositions prévues au départ se sont perdues dans les allées et venues d'un ministère à l'autre qui ont mené à la création du projet de loi, et nous voudrions que vous demandiez aux ministres compétents comment ils s'expliquent cela.

Il y a deux points que je voudrais soulever en ce qui concerne le regroupement. Nous ne pensons pas qu'il serait raisonnable, rentable ou convenable de confier au ministère des Pêches et des Océans deux responsabilités en particulier se rapportant aux océans. La première a trait à la création de parcs marins - parcs qui doivent être gérés comme partie intégrante des parcs terrestres contigus et comme partie intégrante d'un réseau national de zones protégées. Cette responsabilité incombe actuellement à Parcs Canada. L'autre responsabilité a trait à la protection des oiseaux marins. Ceux-ci dépendent de la mer et de la zone côtière pour leur alimentation. Ils font leurs nids sur la terre ferme. À l'heure actuelle, c'est le Service canadien de la faune qui en est responsable.

Parcs Canada, qui a été établi dans les années 1880, et le Service canadien de la faune, créé dans les années 1950, ont tous deux acquis une immense expérience dans leur domaine respectif. Même si le ministère des Pêches et des Océans devait veiller à une gestion durable des écosystèmes, il reste que Parcs Canada et le Service canadien de la faune ont des responsabilités fonctionnelles qui sont différentes, sur le plan qualitatif, de celles de ce ministère.

Dans le contexte de la gestion écosystémique, qui est selon nous la clé d'une saine gestion, il ne faudrait pas que ces responsabilités s'arrêtent au littoral. Nous recommandons plutôt dans notre mémoire que le MPO, Parcs Canada et le Service canadien de la faune coordonnent leurs activités.

C'est essentiellement ce que nous tenions à vous dire. Je vais maintenant céder la parole à Nigel pour qu'il vous précise certains aspects de notre mémoire.

Mais avant, il y a deux choses que je voudrais faire. Je vous demanderais d'annexer notre mémoire au complet au compte rendu de vos délibérations et j'aimerais remercier de leur soutien financier Habitat faunique Canada, le Fonds Richard et Jean Ivey et Mountain Equipment Co-op, entre autres, qui ont rendu ce programme possible. Vous trouverez une liste de tous les donateurs à la première page de notre mémoire.

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M. Nigel Bankes (président, Comité canadien des ressources arctiques): Monsieur le président, madame, messieurs, j'aimerais attirer votre attention sur cinq éléments de notre mémoire et vous les expliquer un peu plus en détail. De toute évidence, nous n'aurons pas le temps de passer à travers tout le mémoire.

J'entends vous parler, premièrement, de l'énoncé des objectifs que nous proposons; deuxièmement, du but de la planification dont il est question aux articles 29 et 30 de la Partie II du projet de loi; troisièmement, des changements que nous proposons à la disposition du projet de loi concernant les zones de protection marine, c'est-à-dire l'article 35; quatrièmement, de l'amélioration du processus de planification prévu aux articles 31 et 32; et, enfin, des aspects scientifiques du projet de loi, brièvement, s'il me reste du temps.

Je vais surtout vous entretenir des pages 3 à 8 de notre mémoire, où vous trouverez un résumé des recommandations que nous faisons de même que le texte des amendements que nous aimerions que vous examiniez.

Permettez-moi de vous parler pour commencer de l'objet du projet de loi et de la disposition que nous proposons d'y ajouter à ce sujet.

Si on examine l'énoncé de vision du ministre Tobin pour une gestion des océans, je pense qu'il ressort très clairement que ce qui était proposé, c'est un changement en profondeur de la façon de considérer les océans, le passage d'une approche axée sur la commercialisation du poisson à une autre qui mette plutôt l'accent sur la santé des écosystèmes marins. Je pense que nous savons tous parfaitement quelles sont les conséquences d'une approche qui pendant bien des années a été centrée sur la pêche commerciale plutôt que sur la santé des écosystèmes.

Nous appuyons cette vision. Nous proposons que le projet de loi fasse mieux ressortir la vision que le ministre Tobin a présentée aux Canadiens. Nous pensons que la meilleure façon de le faire serait d'ajouter au projet de loi une clause qui en définisse l'objet, comme nous l'indiquons à la page 3, recommandation 1: «L'objet de la présente loi est de préserver et, au besoin, de restaurer les écosystèmes des océans du Canada.»

Le projet de loi ne renferme pour le moment aucun énoncé des objectifs. Il contient un préambule, mais nous pensons qu'il s'en trouverait grandement amélioré si on y ajoutait une disposition qui mette l'accent sur la santé des écosystèmes. Vous pourrez voir aussi que nous ajoutons à ce but premier un certain nombre d'objectifs secondaires qui devraient nous aider à l'atteindre.

Nous avons aussi inclus dans notre mémoire une définition de la santé des écosystèmes, que nous aimerions vous voir adopter. M. Sly pourrait vous donner plus de détails à ce sujet durant la période des questions.

Le deuxième point que je souhaite aborder est celui de la clarification des buts de la stratégie de gestion des océans et de la planification intégrée prévue à la Partie II du projet de loi. Je veux parler des articles 29 et 30.

À en juger par ces dispositions, le projet de loi met l'accent sur la gestion intégrée. Pour nous, une gestion intégrée est une meilleure gestion sur le plan technique, une gestion plus efficace, une gestion qui tient compte de toutes sortes de considérations importantes.

Selon nous, cependant, le projet de loi devrait aussi englober un énoncé des raisons de la planification. Nous pensons que l'objet visé par la planification doit être inclus dans le projet de loi. Par conséquent, nous proposons d'ajouter - et c'est là la recommandation 3 - que la stratégie nationale ait «pour objectif le maintien et, le cas échéant, le rétablissement de la santé des écosystèmes marins...». Autrement dit, l'objet du projet de loi est la santé des écosystèmes marins, et c'est ce que devrait viser le plus possible le processus de planification.

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La troisième recommandation sur laquelle je voudrais attirer votre attention consiste à renforcer la disposition du projet de loi concernant les zones de protection marine. Il s'agit de l'article 35 du projet de loi et de la recommandation 13 de notre mémoire.

À nos yeux, les zones de protection marine sont essentielles à une stratégie globale conçue pour protéger la santé des écosystèmes. Par conséquent, nous croyons qu'il faudrait renforcer l'article 35. À l'heure actuelle, il ne précise pas à quoi devraient servir les zones de protection marine. Il ne nous dit pas non plus ce qu'est une zone de protection marine. En réalité, cette disposition est très peu étoffée. C'est pourquoi nous proposons un nouvel article 35 dont vous trouverez le libellé à la recommandation 13.

L'une des caractéristiques de notre disposition tient à ce qu'elle énonce les raisons pour lesquelles on pourrait vouloir créer des zones de protection marine, et ce au paragraphe 35(1) que nous proposons. Mais il y a aussi au paragraphe 35(2) deux points qui pourraient intéresser les députés.

Premièrement, nous disons que la création des zones de protection marine devrait être l'un des résultats du processus de planification. Pour nous, le projet de loi ressemble à une chaîne à laquelle il manque des maillons. Il faudrait que les mesures proposées soient mieux intégrées et que la création de zones de protection marine soit considérée comme l'un des résultats du processus de planification.

Deuxièmement, ce qu'il faut remarquer au sujet de la disposition que nous avons proposée, c'est que des ministères autres que Pêches et Océans pourraient l'utiliser. Nous savons que d'autres ministères et d'autres services du gouvernement du Canada, comme le Service canadien de la faune et Parcs Canada, s'intéressent aux zones de protection marine. Nous proposons donc que cette disposition puisse être utilisée à des fins légitimes par d'autres ministères au lieu d'être l'apanage du ministère des Pêches et Océans. Elle pourrait notamment servir à protéger les aires marines nationales de conservation avant qu'elles ne soient officiellement désignées comme telles en vertu de la Loi sur les parcs nationaux.

Je vais maintenant passer au quatrième point dont je vous ai parlé, c'est-à-dire l'amélioration du processus de planification.

J'ai déjà traité du but du processus de planification. Nous pensons que le processus de planification devrait être plus clairement axé sur l'objet de ce projet de loi, soit la protection de la santé des écosystèmes marins, mais nous pensons également que certaines modifications pourraient être apportées au processus de planification défini aux articles 31 et 32. Nous aimerions vous faire des recommandations concernant et le contenu et la manière de procéder.

Lorsqu'on examine les articles 31 et 32 actuels, on s'aperçoit qu'ils définissent bien la manière de procéder, mais qu'ils n'en disent pas long sur le contenu. Ils ne renferment pas tellement de conseils à l'intention des planificateurs sur le contenu des plans de gestion. Cela semble être une chose à venir. Nous pensons qu'il serait utile que le projet de loi donne certains conseils sur le contenu des plans. C'est ce que nous disons à la recommandation 4 de notre rapport, à la page 4.

Par exemple, pour reprendre quelques-unes des idées énoncées de a) à j), nous croyons que les plans devraient renfermer des énoncés au sujet des zones de protection marine. Nous croyons aussi qu'ils devraient renfermer des énoncés quant à savoir où le rejet en mer pourrait être autorisé et où il pourrait être interdit.

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Comme nous le disons en d) - et c'est un point qui est ressorti clairement de l'une des études générales commandée au sujet de la stratégie de conservation marine - , nous pensons que les plans devraient comporter un ordre de priorité. Autrement, il ne pourrait s'agir que d'une liste de choses à faire qui n'indiquerait pas lesquelles sont les plus importantes, lesquelles nous permettraient d'en obtenir le plus pour notre argent sur le plan écologique.

Nous aimerions plus précisément attirer votre attention sur les points h) et j) de cette liste, dans le haut de la page 5. Nous pensons qu'il serait important que chaque plan comporte des objectifs en fonction desquels les progrès réalisés pourraient être mesurés. S'il est impossible de mesurer les progrès, alors le processus de planification risque de demeurer un exercice sur papier au lieu d'être utile pour les Canadiens.

Il serait bon, dans le cadre de la stratégie de planification, d'avoir à la fois des objectifs techniques et des objectifs à partir desquels les Canadiens pourraient vraiment mesurer les progrès réalisés en ce qui concerne la santé des écosystèmes.

Si vous regardez à la page 20 de notre mémoire, vous aurez une idée de ce à quoi nous songions. Ce ne sont pas nécessairement là les objectifs qui devraient être englobés dans les plans, mais ils vous donneront une idée du type d'objectifs qui seraient utiles selon nous, comme celui voulant que les mollusques d'une zone de protection soient propres à la consommation humaine - afin que les Canadiens se sentent concernés et puissent se dire: «Oui, c'est là l'objectif de la planification. C'est ce que nous avons réussi à faire ces dernières années.»

Ce sont là nos recommandations à propos du contenu de la planification prévue aux articles 31 et 32.

Qu'en est-il de nos recommandations au sujet de la manière de procéder? Elles sont éparpillées à travers le mémoire. Je pense entre autres aux recommandations 7, 10 et 11, mais laissez-moi vous les résumer.

Tout d'abord, il est question dans ces recommandations de la participation de divers intervenants. L'une des choses qu'on a déjà signalées à propos du projet de loi durant les délibérations de la Chambre, c'est que presque aucune mention n'est faite des provinces dans cette section du projet de loi. Elles entrent tout bonnement dans la catégorie des personnes intéressées. Selon nous, si des plans touchant la santé des écosystèmes doivent être établis, alors il faudra que les provinces participent à leur élaboration à cause des répercussions importantes des activités terrestres sur la santé des écosystèmes marins. Nous pensons notamment au problème de la pollution d'origine terrestre.

Par conséquent, je crois qu'il serait juste de dire que nous faisons de sérieuses réserves sur l'actuel article 28 du projet de loi où il est dit que la partie en question ne s'applique pas aux lacs, fleuves et rivières. Nous pensons que si des plans doivent être établis, il ne faudrait surtout pas considérer les zones marines séparément.

Nous pensons également que les premières nations et les peuples autochtones devraient prendre part à ce processus de planification. En fait, nous irions jusqu'à dire que dans le contexte de certaines revendications septentrionales, comme celle du Nunavut, la Constitution veut que les peuples autochtones contribuent à ce genre de processus de planification.

Il serait important aussi que d'autres ministères du gouvernement fédéral participent au processus de planification - et non pas seulement à leur discrétion car, comme ONG, nous avons eu certaines expériences malheureuses de la participation discrétionnaire. Nous aimerions que ce projet de loi stipule que d'autres ministères gouvernementaux participeront au processus de planification.

En ce qui concerne la manière de procéder, il serait important également que le projet de loi comporte des dispositions concernant la reddition de comptes et la transparence. Ainsi, rapport pourrait être fait régulièrement à la Chambre, par l'entremise du ministre, des progrès réalisés dans le cadre du processus de planification. Nous pensons qu'il serait bon que le rapport du ministre soit renvoyé à votre comité pour qu'il examine les progrès réalisés.

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La transparence serait possible si le processus était le plus accessible possible et s'il faisait appel à la participation des organismes non gouvernementaux.

Maintenant que je vous ai parlé de nos recommandations portant sur le contenu et le déroulement de la planification, je voudrais aborder un dernier élément, à savoir l'importance de la science. Si nous passons d'une approche de la gestion des activités marines axée sur la commercialisation à une approche écologique qui met l'accent sur la santé des écosystèmes, il nous faudra avoir une meilleure idée du rôle que peut jouer la science. Dans notre mémoire, nous déplorons que l'on connaisse si mal les écosystèmes marins, surtout dans l'Arctique.

Nous avons inclus dans ce mémoire un extrait de l'une des études générales que nous avons préparées. Je l'ai fait circuler aux membres du comité qui étaient ici plus tôt. Nous avions commandé une étude générale sur la conservation dans les eaux de l'Arctique canadien. Celle-ci porte sur la santé des écosystèmes dans l'océan Arctique et son auteur est M. Buster Welch. Il a fait l'observation suivante:

Nous croyons que cela a assez duré. Nous devons arriver à mieux comprendre la façon dont les processus écologiques fonctionnent, non seulement dans l'océan Arctique, mais aussi sur la côte du Pacifique et celle de l'Atlantique, ainsi que dans leurs eaux.

C'est de cela qu'il est question à la recommandation 9 de notre mémoire. Il y est question aussi de la nécessité de faire appel aux utilisateurs des ressources, notamment les Autochtones, de même qu'à leurs connaissances scientifiques et à leur connaissance traditionnelle de l'environnement pour une gestion qui soit fondée sur des principes de développement durable.

C'est tout, monsieur le président.

Le président: Monsieur Sly, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Peter Sly (expert-conseil, Comité canadien des ressources arctiques et Fédération canadienne de la nature, Habitat faunique): Monsieur le président, mon seul rôle ici est de seconder et de répondre aux questions, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Le président: Leslie, vous pourriez peut-être nous dire... parce que personne n'a vraiment abordé la question. Je sais que vous en parlez dans votre mémoire. C'est un thème qui revient souvent. Vous parlez de regroupement. Vous aimeriez qu'il en soit davantage question dans la Loi sur les océans proposée. Vous et moi avons déjà eu l'occasion de discuter de certaines de mes craintes au sujet de mesures législatives dont l'application continue à incomber à d'autres ministères, mais qu'il aurait été préférable d'inclure dans la Loi sur les océans pour qu'elle ait plus de poids et qu'elle ne se borne pas à préciser tout simplement que les ministres devraient se parler. Il faudrait quelque chose de beaucoup plus exigeant.

Vous avez fait allusion au fait que certains regroupements se sont perdus dans le va-et-vient. Raison de plus pour que la loi soit plus claire à propos des consultations et oblige explicitement un ministre à agir au premier chef dans le cadre des négociations.

Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de trois lois, dont deux relèvent du ministère de l'Environnement? Celui-ci nous a fourni des documents où il est question d'autres mesures législatives; certaines d'entre elles ont pu être incorporées à la Loi sur les océans, auquel cas les responsabilités ont été transférées au ministre des Pêches, mais, dans d'autres cas, les responsabilités hiérarchiques continuent à incomber à l'autre ministre.

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Je pense à deux choses en particulier. La première est le rejet en mer et se rapporte à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Le ministère a indiqué dans son mémoire que cette question ne relève pas de la Loi sur les océans et que le ministre de l'Environnement demeure le ministre responsable.

Donc, il y a la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, notamment les dispositions concernant la lutte contre les polluants terrestres et le contrôle des substances toxiques attribuables au pétrole et au gaz exploités en mer. Il y a aussi une loi qui relève du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Je ne l'ai pas examinée. J'ai dit à la dernière réunion que j'allais le faire, mais je n'ai pas encore réussi.

Vos organisations pensent-elles que d'autres regroupements des attributions découlant de ces lois seraient souhaitables? Vous avez parlé de deux programmes qui, à votre avis, ne devraient pas être regroupés. Vous pourriez donc peut-être nous dire ce que vous entrevoyez exactement comme regroupement et pourquoi.

Mme Beckmann: Merci beaucoup.

J'entends une sonnerie. Est-ce que nous devrions nous en inquiéter?

Le président: Ne vous en occupez pas. Ce sont les députés qui entrent à la Chambre.

M. Baker (Gander - Grand Falls): C'est seulement l'alarme-incendie.

Mme Beckmann: C'est parfait. Je ne dirai pas ce que nous faisions pendant que Rome brûlait.

Je demanderais à Peter Sly de m'aider à répondre à cette question, mais, de manière générale, la première chose que je dirais, c'est que nous nous laissons guider, lorsqu'il s'agit de savoir quelles attributions devraient être regroupées, par le principe général que tout ce qui facilite la gestion d'écosystèmes entiers est une bonne chose. Plus de responsabilités fonctionnelles liées à un écosystème il est possible de regrouper, mieux c'est.

En ce qui concerne le rejet en mer, qui relève actuellement de la LCPE, nous sommes d'accord pour dire qu'il devrait être régi par cette loi.

Quant aux dispositions de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques touchant la pollution et les déchets, nous sommes également d'accord pour dire qu'elles devraient être incluses dans la loi actuelle.

Il y a deux choses qui ont été mentionnées en comité la semaine dernière et dont vous n'avez pas parlé. La responsabilité de la surveillance des mollusques devrait faire partie de cette loi. Les navires et la sécurité des navires - les questions environnementales qui continuent à relever de Transports Canada et qui n'ont pas été confiées à la garde côtière - devraient aussi faire l'objet d'un transfert.

En ce qui concerne les sources terrestres de pollution marine, toutefois, la situation est un peu plus compliquée et je vais donc demander à M. Sly de répondre à cette partie de la question en vous rappelant que ce qui importe, en fin de compte, c'est la gestion d'écosystèmes complets.

M. Sly: Merci, Leslie.

Le problème ici, c'est qu'on mélange tout en espérant obtenir quelque chose qui tienne debout en ce sens que la supervision des sites côtiers d'éventuels contaminants peut englober non seulement les sites qui sont situés tout près du littoral, mais aussi ceux qui se trouvent bien loin à l'intérieur des terres. Il a été question des cours d'eau, des lacs et des estuaires dont les eaux se déversent dans les océans. Nous ne pouvons pas gérer ces océans sans tenir compte des eaux des estuaires. À quel point du réseau à l'intérieur des terres la mer devient-elle autre chose?

Quant à la gestion des installations elles-mêmes, des rejets et autres choses du genre, il n'y a rien de mal à ce qu'Environnement Canada s'en occupe comme c'est actuellement le cas. J'aimerais faire une comparaison avec les Grands Lacs où c'est en réalité la province de l'Ontario qui est en bonne partie responsable de la gestion. Néanmoins, les lacs eux-mêmes relèvent de la compétence internationale et non seulement Environnement Canada, mais aussi Pêches et Océans de même que la province et un certain nombre d'États s'occupent directement de la gestion de la lutte contre la pollution.

La différence entre les Grands Lacs et les systèmes marins, c'est qu'il existe actuellement des objectifs relativement bien définis. Il faut qu'on puisse se baigner et pêcher dans les lacs et que l'eau en soit potable. Nous n'avons pas à nous inquiéter de savoir si l'eau de mer est potable - pour autant qu'elle le soit pour le poisson et la faune - mais nous devons nous inquiéter de savoir si les produits des zones marines sont comestibles.

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Nous devons aussi nous inquiéter de savoir si nos ports, nos estuaires et autres endroits du genre sur la côte sont propres, non seulement d'un point de vue esthétique, mais bien exempts de toute forme de déchets et de rejets.

Donc, si nous voulons quelque chose qui tienne debout, nous devons définir clairement quels sont les objectifs du programme de gestion, et je pense que c'est ce dont on a parlé tout à l'heure. Nous devons avoir une idée claire de ce que nous essayons de faire avec cette loi, de son objet.

Ce n'est que lorsque la Commission mixte internationale a précisé clairement vouloir qu'on puisse se baigner et pêcher dans les Grands Lacs et en boire l'eau que les organismes compétents, au Canada et aux États-Unis, ont pu se concentrer sur les objectifs et dire précisément ce qu'il fallait faire pour les atteindre. Si nous arrivons à faire la même chose dans l'environnement marin et si nous précisons clairement ce que nous voulons réaliser dans cet environnement - et c'est là le rôle des politiciens et du public - alors les organismes compétents pourront se mettre de la partie. Je pense que nous disposons déjà des mécanismes visant à assurer qu'ils assument la responsabilité de ces activités.

Je ne vois pas pourquoi on essaierait d'englober la pollution terrestre dans la Loi sur les océans. Je pense qu'il est préférable de la laisser là où elle est en raison de l'expérience acquise et du fait que le gros des problèmes sont d'origine terrestre. Ce qu'il nous faut, c'est un objectif clair concernant les résultats des mesures de lutte contre la pollution, après quoi il faudra veiller à ce que les organismes compétents, notamment Environnement Canada et Pêches et Océans, travaillent à sa réalisation. Je ne dis pas qu'il faudrait leur dire comment s'y prendre, mais nous pouvons leur dire que c'est ce qu'ils doivent faire, et de s'y mettre. C'est leur rôle.

Le président: Je comprends, mais je vous demanderais à vous ou à Leslie de répéter encore une fois. Je suis peut-être un peu lent ce matin, mais certaines de vos observations m'ont échappé. Pourriez-vous me nommer les lois ou les programmes qui devraient être regroupés? Pourriez-vous répéter encore une fois pour moi?

Mme Beckmann: Bien sûr. Il y a: les responsabilités concernant le rejet en mer en vertu de la LCPE; les responsabilités concernant la surveillance des mollusques, qui incombent actuellement au ministère de l'Environnement, et je suis désolée de ne pouvoir vous mentionner une loi ou une politique; les navires et la sécurité des navires, qui relèvent actuellement de Transports Canada; ainsi que les dispositions de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques touchant la pollution et les déchets, lesquelles relèvent actuellement du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Quant aux mécanismes applicables aux sources de pollution terrestre, il en existe un certain nombre et la situation est telle que M. Sly vous l'a décrite.

Est-ce que cela vous aide?

Le président: Oui, beaucoup.

Monsieur Scott.

M. Scott (Skeena): J'ai trois questions pour commencer, monsieur le président.

Lorsque Nigel a fait son exposé, il a dit que les lacs, les fleuves et les rivières devraient faire partie du plan. Est-ce que je dois en déduire que, selon vous, cette loi devrait soustraire les lacs, les fleuves et les rivières à la compétence des provinces?

M. Bankes: Pas du tout. Notre but n'est pas ici de réécrire la Constitution du Canada. Nous sommes d'avis que le gouvernement du Canada a déjà les responsabilités et les pouvoirs constitutionnels qu'il faut.

Il ne fait aucun doute que les lacs, les fleuves et les rivières relèvent de la compétence des provinces, mais lorsqu'il y a une réaction en chaîne - autrement dit, lorsque les effets de la pollution dans une province se font sentir à l'extérieur de celle-ci, comme dans le cas de la pollution marine - le gouvernement fédéral a un rôle à jouer à l'égard de la réglementation de la pollution et il peut s'en acquitter selon les dispositions actuelles de la Loi sur les pêches où il est question du rejet de substances toxiques dans les eaux fréquentées par le poisson.

Ce que nous disons, c'est que le gouvernement fédéral a déjà un rôle à jouer en ce qui concerne les lacs, les fleuves et les rivières, et qu'il faudrait que le processus de planification prévu à la Partie II du projet de loi en tienne compte.

M. Scott: J'ai beaucoup de difficulté à concevoir cela. Vous savez que la Loi sur les pêches a déjà suscité de nombreux conflits d'attributions entre le fédéral et les provinces. Je dirais que la Loi sur les pêches autorise le ministre à veiller à la conservation de la ressource, mais je ne serais pas prêt à aller plus loin.

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À moins que je vous aie mal compris, vous avez dit qu'il faudrait mettre à contribution les ministères provinciaux et c'est là-dessus que porte ma deuxième question. Je n'ai pas très bien saisi. Je pense que vous avez en quelque sorte recommandé que ce projet de loi fasse appel à la participation des ministères provinciaux ou des provinces.

M. Bankes: Selon nous, ce qui est proposé dans la Partie II du projet de loi, c'est un processus de planification axé sur la santé des écosystèmes marins et, comme M. Sly l'a indiqué, on ne peut pas gérer les zones marines séparément des zones terrestres. Une bonne partie des activités entreprises sur la terre ferme ont de toute évidence une incidence sur la qualité de l'environnement marin, sur les mollusques, sur les poissons anadromes.

Ce que nous disons, par conséquent, c'est qu'on passerait à côté du problème si seuls les ministères fédéraux participaient à la planification. Il est clair pour nous que les gouvernements provinciaux doivent prendre part à ce processus de planification. Nous ne pouvons probablement pas les obliger à le faire, mais ce projet de loi devrait les inviter à jouer un rôle dans le processus de planification, comme c'est le cas, par exemple, dans l'actuelle Loi sur les ressources en eau du Canada.

M. Scott: C'était là ma question: allons-nous obliger les provinces à participer à ce processus de planification, ou proposez-vous de leur lancer une invitation seulement? Vous y avez répondu.

Ma troisième question est la suivante. Vous avez parlé de la science et du fait que les décisions prises devraient être fondées sur des études scientifiques, et je suis d'accord. Mais vous avez ensuite parlé d'autres groupes et ce qui m'a surtout surpris, c'est votre allusion à la participation des Autochtones à la gestion de l'habitat.

Les Autochtones de mon coin à qui j'ai parlé s'intéressent à l'environnement - et je ne veux pas parler ici des politiciens, mais bien des gens qui sont préoccupés par les ressources halieutiques, et c'est le cas d'un grand nombre d'Autochtones - mais ils veulent que ce soit le ministère des Pêches et des Océans qui s'occupe de tout cela. Ils ne veulent pas s'occuper de gestion. Ils n'ont ni les ressources ni les compétences qu'il faut et leurs activités traditionnelles dans le secteur des pêches ont beaucoup changé au cours des 150 dernières années. De toute évidence, ce qu'ils veulent, c'est que le ministère des Pêches et des Océans continue à gérer les ressources à l'aide des meilleurs outils biologiques et scientifiques qu'il peut trouver.

Je trouve offensant que quelqu'un vienne nous dire que les Autochtones ont une approche différente de l'environnement, parce que ce n'est pas le cas, selon moi. Je trouve offensant que quelqu'un donne à entendre que les Autochtones de la Colombie-Britannique, par exemple, peuvent gérer les ressources mieux que des non-Autochtones. Je pense qu'un être humain est un être humain et que nous sommes tous préoccupés par l'environnement; nous attachons tous de l'importance aux ressources, notamment aux ressources halieutiques de cette côte.

Je vous demanderais de préciser un peu vos vues, parce que cela m'inquiète quand j'entends ce genre de suggestion et qu'on me dit qu'il faudrait en tenir compte dans la loi.

Mme Beckmann: Je pense que nous voudrons probablement tous répondre à cette question. Qui veut commencer? Peter ou Nigel?

M. Bankes: Je vais y aller puisque la question porte sur une remarque que j'ai faite. Chacun pourra ensuite répondre à son tour.

De toute évidence, je ne tenais à offenser personne et je suis un peu surpris que mes remarques vous aient choqués.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Il a dit cela en son nom personnel.

M. Bankes: Nous sommes d'avis qu'il y a différentes façons de voir les choses et qu'il y a différentes formes de connaissances. Il y a ce que j'appellerais les connaissances scientifiques des Occidentaux, mais il y a aussi certaines formes de connaissances que possèdent les peuples autochtones en raison de leur utilisation traditionnelle des terres. Ces connaissances devraient nous aider à gérer les ressources.

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Nous ne voulons pas dire pour autant que la gestion des ressources ou que toutes les études scientifiques effectuées dans ce domaine devraient être confiées à des Autochtones. Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que ce projet de loi devrait reconnaître que les utilisateurs des ressources - et nous voulons parler ici autant des non-Autochtones que des Autochtones - ont énormément à nous apprendre sur la façon dont les écosystèmes fonctionnent.

Laissez-moi vous donner un exemple concret. Depuis plusieurs années déjà, le CCRA s'occupe d'un important projet de recherche auquel participent la collectivité de Sanikiluaq dans la baie d'Hudson et l'Académie Rawson des sciences de l'eau. Nous avons essayé, dans le cadre de ce projet de recherche, de parfaire nos connaissances pour mieux comprendre la façon dont l'écosystème de la baie d'Hudson fonctionne, la façon dont la région biogéographique de la baie d'Hudson et de la baie James fonctionne. Les travaux de recherche entrepris nous ont permis de comparer nos connaissances scientifiques à la connaissance traditionnelle de l'environnement.

Nous nous sommes aperçus que les scientifiques et les utilisateurs des ressources avaient beaucoup à apprendre les uns des autres. Ils ont pu se poser des questions réciproquement et obtenir des réponses. Les scientifiques ont pu découvrir certaines choses, dont la présence en permanence de bélugas dans la baie d'Hudson tout au long de l'hiver. Ils n'en savaient rien. Ils l'ont appris des utilisateurs des ressources des îles Belcher dans le sud-est de la baie d'Hudson.

Nous sommes donc d'avis que des connaissances de ce genre nous aident énormément à mieux comprendre les écosystèmes.

La plupart des scientifiques vous diront que nous disposons de données de base qui remontent à quelques années, à dix ou vingt ans tout au plus. Lorsqu'on interroge ceux qui ont toujours vécu dans la région, où les traditions et les connaissances sont transmises d'une génération à l'autre, on arrive à une échelle de temps qu'il est tout simplement impossible d'obtenir avec la seule science occidentale. Donc, nous pensons qu'il y a des avantages à incorporer ces connaissances à la façon dont nous planifions et dont nous gérons.

Mme Beckmann: Voulez-vous y aller? Je vais attendre mon tour.

M. Sly: Je n'ai que quelques mots à ajouter.

Nous ne parlons pas uniquement ici des connaissances traditionnelles des Inuit et des Cris ou d'autres premières nations. Nous faisons allusion aux connaissances traditionnelles de tous les utilisateurs.

J'ai participé au programme de la baie d'Hudson. J'étais responsable des questions scientifiques et je devais tenir compte également de la connaissance traditionnelle de l'environnement. Il est cependant possible d'obtenir le même type de renseignements de gens qui ont vécu sur la côte de Terre-Neuve et de résidents de nombreux villages côtiers de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. C'est vrai également pour la Colombie-Britannique. C'est même vrai pour certaines régions des Grands Lacs où j'ai travaillé.

Les gens qui vivent et qui travaillent 24 heures par jour, 365 jours par année, dans une région que les scientifiques ne visitent qu'à l'occasion lorsqu'ils en ont les moyens constituent pour eux une mine précieuse de renseignements. Nous devons amalgamer les deux types d'information, et cela donne des résultats inestimables.

Merci.

Mme Beckmann: Parce que nous avons tenu ces ateliers régionaux, j'ai un autre exemple concret à vous donner.

Lorsque nous étions à Halifax, un pêcheur nous a dit qu'il avait sorti une chose de l'eau - et il nous a donné le nom traditionnel, mais, malheureusement, je ne m'en souviens plus - et les scientifiques qui participaient à l'atelier ont fini par comprendre à force de lui poser des questions qu'il s'agissait d'une gorgone, ce qui veut peut-être dire qu'on se trouve en présence d'un écosystème qu'on rencontre habituellement plus au sud dans cette région au large de la côte canadienne; il s'agirait donc d'une zone spéciale dont nous pourrions vouloir pousser l'étude. C'est un exemple de la façon dont les choses fonctionnent.

Je dirais que l'idée maîtresse, c'est que plus on recueille d'information, de quelque type que ce soit, meilleure est la gestion, un point c'est tout.

Nous ne voulons pas dire qu'un mode de gestion est préférable à un autre ou qu'un groupe est mieux placé qu'un autre pour gérer. Nous voulons parler de la nécessité de recueillir le plus de renseignements possible.

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J'aurais quelque chose à ajouter au sujet de votre première question sur les lacs, les fleuves et les rivières. Étant donné les dispositions générales concernant la paix, l'ordre et le bon gouvernement, nous sommes d'avis que si une partie importante d'une région maritime qui relève de la compétence du gouvernement fédéral est gravement polluée en amont, rien ne devrait empêcher ce dernier d'aller dire aux provinces qu'il pense qu'un problème se pose.

C'est ce que je répondrais à votre question.

Le président: Monsieur Baker, et c'est une question de procédure uniquement, allez-vous prendre les dix minutes qui sont allouées au Bloc ou la première tranche allouée au gouvernement?

M. Baker: La période la plus longue.

Tout d'abord, je tiens à féliciter les témoins de leur excellent exposé et de leur mémoire que je trouve excellent aussi. Je souscris évidemment à bon nombre des amendements qu'ils ont proposés.

Mais lorsque j'examine de plus près tout ce dont vous parlez dans votre mémoire et les très graves préoccupations que vous avez exposées, je me pose une question. La Loi sur les pêches, la Loi sur les contaminants de l'environnement et la Loi sur les ressources en eau du Canada, pour ne mentionner que celles-là, n'abordent-elles pas déjà tout cela même si elles semblent parfois entrer en contradiction? Lorsqu'on cherche à savoir comment intenter des poursuites contre quelqu'un qui a évacué des déchets dans l'océan ou qui en a contaminé les eaux, on peut probablement invoquer deux ou trois lois, sans oublier les lois provinciales.

Toutes les choses que vous mentionnez dans le secteur de la conservation, par exemple, font déjà l'objet, autant que je sache, de lois canadiennes - et je dis bien toutes. J'ai lu la liste des amendements que vous proposez au sujet de la gestion des ressources halieutiques, au sujet de la gestion des engins et ainsi de suite, et je ne vois rien qui ne fasse pas déjà l'objet d'une loi.

Il y a au ministère des Pêches et des Océans des gens qui sont des experts, qui ont un doctorat en ichtyobiologie. Ils sont responsables de la gestion des ressources. Nous pouvons déjà compter sur tous ces experts. Ce sont des experts scientifiques, et leur crédibilité comme scientifiques ne saurait être mise en doute.

Pourquoi proposer alors, étant donné nos lois nationales actuelles, étant donné la ZEE de 200 milles dont il est question dans ce projet de loi... Le Canada devra s'en tenir à un mode de gestion dicté par le droit international des Nations Unies. Le seul fait de reconnaître cette zone obligera le gouvernement du Canada à s'acquitter des responsabilités dont vous parlez ici.

Pourriez-vous donc me dire pourquoi vous jugez nécessaire d'incorporer toutes ces choses dans le projet de loi à l'étude? En quoi vos amendements sont-ils nouveaux? Y a-t-il une seule chose dans les amendements que vous proposez qui ne se fasse pas déjà au Canada?

Le président: Qui veut essayer de répondre à cette question?

Soit dit en passant, monsieur Baker, nous allons nous assurer d'envoyer une transcription de nos délibérations aux chercheurs du MPO, surtout à M. Doubleday...

M. Baker: Ce n'est pas de cela que je parlais.

Le président: ...pour qu'ils sachent que vous les considérez comme les meilleurs au monde.

M. Baker: Ils le sont. Cela ne fait aucun doute. Ces gens avec qui nous traitons tous les jours sont les experts du domaine et ils tiennent compte de bien des choses dont vous parlez dans vos documents.

M. Bankes: Je vais essayer de vous donner un commencement de réponse. Si je comprends bien, vous voulez savoir ce que cette loi ajoute à celles qui existent déjà au Canada et ce que nos amendements à ce projet de loi ajoutent à ce qui est proposé. Je vais vous répondre en vous parlant premièrement de philosophie, deuxièmement de coordination et troisièmement, de contenu.

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Premièrement, la philosophie. L'une des choses que ce projet de loi reconnaît est un changement au niveau de la philosophie propre à la gestion des activités humaines relatives aux océans. Nous avons la Loi sur les pêches, nous avons la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, mais ce sont des lois concernant la gestion des ressources qui sont conçues pour optimiser l'utilisation des ressources par l'homme. Ce ne sont pas des lois qui sont axées sur la santé des écosystèmes et qui sont susceptibles de favoriser une utilisation durable par l'homme.

Il y a donc une différence au niveau de la philosophie que ce projet de loi traduit bien. Selon nous, un changement de philosophie s'impose pour mieux traduire encore ce concept de la santé des écosystèmes. C'est là un premier élément de réponse.

Deuxièmement, la coordination. Il n'y a rien, selon nous, dans les lois actuelles qui exige une certaine coordination, rien qui nous oblige à réunir tous les ministères qui sont responsables des océans et de différents aspects de leur gestion et à planifier en fonction de l'avenir au lieu de prendre des décisions ponctuelles comme celle d'émettre des permis individuels en vertu des dispositions de la LCPE concernant les rejets en mer. Nous croyons qu'une planification bien conçue s'impose pour que ces décisions soient prises dans un contexte plus vaste. Il y a donc un changement d'orientation qui est proposé ici, selon nous, et nous suggérons tout simplement des moyens de le renforcer.

Quant au contenu, j'ai déjà parlé de ce qui ne se fait pas actuellement et de ce qui se fera en fonction du projet de loi pour ce qui est de la planification. Le deuxième exemple que je peux vous donner est celui des zones de protection marine que nous proposons ici. Nous proposons d'en élargir le concept.

Il y a actuellement dans la Loi sur la faune du Canada des dispositions qui prévoient la création de zones de protection marine. Nous croyons savoir qu'elles servent à l'heure actuelle à protéger des populations d'oiseaux marins.

Nous pensons qu'il faudrait élargir la portée des ZPM, et c'est ce que veut notre amendement. Nous savons qu'il est également possible, en vertu de la Loi sur les pêches, de mettre fin à la pêche dans une région donnée, et ce par le biais d'ordonnances. Or, il ne s'agit pas d'ordonnances permanentes. Elles sont temporaires; il faut les renouveler. Nous pensons que ce projet de loi, même dans sa forme actuelle, ouvre le champ des possibilités en ce qui concerne la création de zones de protection marine.

Nous proposons d'aller plus loin encore et de constituer - «créer» serait un meilleur terme - des zones de protection marine pour les diverses fins que nous mentionnons dans notre mémoire.

Mme Beckmann: J'aurais une ou deux choses à ajouter.

La première a trait aux zones de protection marine. Il y a une chose qu'il ne faut pas oublier quand on parle de zones de protection marine, et c'est que la pêche n'y est pas interdite. Elle n'y est pas interdite tout comme ne le sont pas un certain nombre d'autres activités. De la façon dont elles sont de plus en plus conçues aux quatre coins du monde, il s'agit de zones dont l'aménagement est polyvalent, qui peuvent être utilisées à des fins multiples mais qui font l'objet de plus en plus d'une prise de décision intégrée.

Le meilleur exemple est celui des récifs coralliens de la Grande Barrière en Australie, qui sont gérés par la Great Barrier Reef Marine Park Authority. Cet organisme met de côté certaines zones qui sont complètement interdites parce qu'elles sont particulièrement fragiles. Il autorise aussi la pêche sportive. Il y a également des zones où la pêche commerciale est autorisée, sans oublier le tourisme motorisé et ainsi de suite. Tout cela débouche sur une gestion beaucoup mieux intégrée.

La deuxième chose que je tiens à mentionner est l'importance de cette vision. Je suis réputée au bureau pour mes comparaisons saugrenues, mais je vais vous en faire une.

Prenons, par exemple, un verger de pommiers. Supposons que quelqu'un vous confie un verger de pommiers en vous disant que vous pouvez le gérer pour en tirer le plus grand parti possible. Vous pouvez abattre les arbres, si vous le voulez, et ainsi enregistrer rapidement des gains. À moins d'être guidé par une vision voulant que ce verger existe encore dans 150 ans, vous n'allez pas nécessairement cueillir les fruits, planter de nouveaux arbres, etc. C'est peut-être simpliste, mais cela vous montre à quel point la vision est tellement importante en ce qui me concerne.

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M. Baker: Dans le cas du verger de pommiers...

Le président: Je dois vous mettre en garde, monsieur Baker. Vous êtes ici au comité des pêches, pas au comité de l'agriculture.

M. Baker: Pour reprendre l'exemple que vous venez de nous donner, celui du verger de pommiers, nous avons à Pêches et Océans une division, celle de la gestion des ressources, qui fait exactement ce dont vous venez de parler.

Pour ce qui est de la coordination touchant le rejet en mer, pour obtenir un permis, il faut avoir l'autorisation du ministère de l'Environnement. Il faut obtenir l'autorisation d'au moins six ou sept ministères ou organismes fédéraux et provinciaux.

Quant à la santé des écosystèmes par opposition à la gestion des ressources, la gestion des ressources comporte une procédure incroyable visant à faire en sorte que l'écosystème soit sain, sinon la pêche ne sera pas autorisée. Cependant, le système semble avoir échoué dans le cas de la morue du Nord.

Je vous ai posé cette question parce que je cherche quelque chose de nouveau. Il y a bien des choses nouvelles que nous, les membres du comité, aimerions voir au ministère des Pêches et des Océans. Cela ne fait aucun doute.

Je m'intéresse aux ZPM. Vous en avez mentionné une qui se trouve près de ma circonscription, celle de Bonavista-Funk. On dirait le nom d'une nouvelle danse.

Le président: Le Baker Boogie.

Des voix: Ah, ah!

M. Baker: Je suppose que vous voulez parler des bancs de Bonavista et de l'île Funk.

Mme Beckmann: Oui.

M. Baker: Vous pourriez peut-être nous en toucher un mot.

Avant de vous céder la parole, je tiens à ajouter que je comprends ce que vous voulez dire au sujet de la santé des écosystèmes en ce sens que vous signalez des choses que le MPO ne fait pas actuellement. Vous proposez que des espèces importantes soient préservées comme telles, ce dont le ministère des Pêches et des Océans n'a aucune notion pour le moment. Malheureusement, il n'y a aucun suivi le long de la chaîne alimentaire, à partir de la crevette. Il devrait y avoir une certaine coordination. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il n'y a pas de coordination. Il y en a une sur papier, bien sûr, mais pas dans les faits.

Que feriez-vous dans la ZPM de Bonavista-Funk? J'ai remarqué que vous avez dit que vous n'interdiriez pas complètement la pêche. L'utilisation de certains types d'engins serait bien sûr restreinte. Pouvez-vous nous donner plus de détails?

Mme Beckmann: Laissez-moi vous dire pour commencer que ce qui se fait dans le cas de la baie de Bonavista et de l'île Funk dénote une collaboration très intéressante entre Parcs Canada et un certain nombre d'utilisateurs différents des ressources dans la région. Une telle réalisation n'aurait pas été possible sans ce genre de collaboration.

Je ne dirais pas d'emblée que telle ou telle chose doit être faite. Je procéderais de la même manière que Parcs Canada; j'irais voir les gens en leur disant ceci: «C'est une zone particulièrement importante. Nous aimerions travailler avec vous dans l'intérêt de tous pour qu'elle demeure saine afin que nous puissions continuer à récolter les ressources qu'elle a à offrir tout en la préservant telle qu'elle existe actuellement. Nous aimerions travailler en équipe avec vous.» Comme M. Sly l'a donné à entendre, on ne peut pas élever un mur le long du littoral et se dire qu'il n'y a aucun rapport entre ce qu'il y a sur la terre ferme et ce qu'il y a dans l'océan.

Je ne dirais pas a priori qu'il faut faire ceci ou cela, mais plutôt qu'il faudrait, en règle générale, que ces gens s'entendent grosso modo sur ce qui peut être fait à l'intérieur d'une telle zone, sur la question de savoir qui ferait quoi et d'autres questions du genre pour qu'il y ait une meilleure coordination.

Je vous encourage en outre à poser la même question au Fonds mondial pour la nature dont vous rencontrerez des représentants la semaine prochaine, parce que ces gens sont particulièrement bien informés de ce qui se passe dans la région de la baie Bonavista et de l'île Funk et pourraient vous fournir plus d'information.

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Est-ce que cela répond à cette partie de la question?

M. Sly: Est-ce que je peux revenir un peu sur ce que Leslie disait? Oublions pour l'instant Bonavista, Terre-Neuve et toute cette région pour parler de manière plus générale.

Vous vous demandiez en quoi l'approche que nous préconisons est nouvelle. J'ai travaillé pendant 25 ans comme fonctionnaire fédéral avant de quitter le gouvernement il y a cinq ou six ans. J'étais responsable d'une bonne partie des recherches effectuées dans les Grands Lacs, en fait d'une bonne partie des recherches portant sur les lacs, les fleuves et les rivières du Canada. Nous avons appris un certain nombre de leçons au cours de cette période et j'ai eu le grand privilège de pouvoir participer à cette expérience. Nous avons fait du chemin et nous sommes arrivés à mieux comprendre non seulement l'environnement, mais la façon dont il doit être géré, ou du moins la façon dont l'utilisation que nous en faisons doit être gérée.

Donc, lorsque vous vous demandez ce qu'il y a de neuf dans notre approche, tout ce que je peux vous répondre, c'est que c'est une approche plus réfléchie d'un problème très complexe. Aucun d'entre nous n'a compétence exclusive sur quoi que ce soit, nous le reconnaissons. Nous reconnaissons que nous sommes tous des intervenants dont les pouvoirs et les responsabilités diffèrent. Nous reconnaissons que nous devons définir clairement les buts et les objectifs pour que les gens les comprennent bien.

Vous êtes un politicien et il est normal que les dessous de la science ne vous intéressent pas tellement. Je ne suis pas entré dans les détails, parce que vous vous seriez demandé de quoi je parlais; cela aurait été inutile.

Les exposés que nous vous présentons ici, les suggestions que nous vous proposons constituent une approche plus globale de la gestion d'une question très complexe. L'approche actuelle à laquelle vous avez fait allusion est un ramassis de règles, de règlements et de responsabilités. Je sais parfaitement que c'est l'enfer pour un gestionnaire qui cherche à y comprendre quelque chose. Quelqu'un doit avoir une meilleure idée des responsabilités en cause. Mais il faut aussi, par la même occasion, que cette personne ait des comptes à rendre.

Ce que nous avons cherché à vous dire, c'est peut-être que nous avons une longueur d'avance. Nous reconnaissons qu'il y a d'autres intervenants: les premières nations et les provinces. Nous n'avons pas beaucoup parlé de la communauté internationale, mais il y a aussi à ce niveau des intervenants très importants. Nous devons tous travailler en collaboration et nous devons avoir certains objectifs très clairs. C'est ce que nous voulons.

Vous me demandez en quoi cette approche est nouvelle. En fait, les lois existantes n'ont aucun but et, pour moi, celle-ci représente une étape très importante. Je pense donc que nous avons ici quelque chose d'assez différent.

Nigel a dit que la philosophie est différente. Elle l'est, et il y a un tas de choses qui vont de pair avec cette philosophie.

Je m'excuse d'avoir accaparé la discussion pour faire valoir mon point, mais je pense que c'est important et qu'il y a là-dedans pas mal de nouveau.

Le président: Madame Payne.

Mme Payne (St. John's-Ouest): J'étais un peu nerveuse à l'idée de passer après mon collègue M. Baker, car je pensais qu'il allait poser la question que je tenais à soulever.

C'est probablement un sujet très épineux. Il a à voir avec toute la chaîne, avec tout l'écosystème, la chaîne alimentaire et tout ce qui s'y rapporte. Je voudrais avoir vos observations à propos de ce qui se passe avec la chasse au phoque. Pourriez-vous nous en toucher un mot sans que j'aie besoin d'ajouter quoi que ce soit d'autre? Personne ici ne veut aborder la question.

Mme Beckmann: Vous avez raison. La question des phoques est assez épineuse et je préfère en dire le moins possible.

Je crois qu'il s'agit d'un système très complexe dont nous ne connaissons pas grand-chose. Selon moi, plus on intervient dans un système, plus il risque de continuer à être déstabilisé.

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La disparition de la morue n'est pas attribuable principalement à une surpopulation de phoques. Je pense qu'elle n'est pas attribuable principalement non plus à un changement des températures de l'eau. Je pense qu'elle n'est pas attribuable principalement à un certain nombre d'autres facteurs inconnus. Tous ces facteurs ont bien sûr aggravé la situation. Cependant, je pense que les techniques de pêche et les quotas sont la principale cause de l'effondrement des stocks.

Quant à savoir si la chasse au phoque a ou non du bon a priori, je dirais qu'elle n'a rien de différent de la pêche dans la mesure où l'on s'en tient aux limites nécessaires à la conservation. Elle consiste à récolter une ressource qui sera utilisée par l'homme. Il y a, surtout dans le Nord, des gens qui continuent à dépendre de ce qui se trouve dans la nature pour leur survie et leur subsistance.

J'aimerais m'arrêter là. Est-ce que cela répond à certaines de vos questions?

Mme Payne: Pas vraiment.

Mme Beckmann: Parfait, qu'aimeriez-vous savoir?

Mme Payne: Je vais peut-être vous faire dire ce que vous ne voulez pas dire.

Mme Beckmann: Ça va.

Mme Payne: Jamais le nombre de phoques n'a été aussi élevé. C'est un fait bien connu. Nous savons et les scientifiques commencent maintenant à reconnaître que les phoques consomment en réalité une quantité énorme de morue. Nous savons qu'ils consomment une quantité énorme de capelan. Nous savons qu'ils infestent notre morue de vers. Quelle est votre réaction à tout cela?

M. Sly: La science n'a pas toutes les réponses. Nous ne connaissons pas la réponse à la plupart des questions que vous avez soulevées, du moins pas autant que nous le devrions. Malheureusement, cela s'explique en partie par l'approche que nous avons adoptée au lieu de prôner une approche écosystémique qui consiste à essayer de comprendre des chaînes alimentaires complètes et les liens qui existent entre leurs diverses composantes.

Prenons tout d'abord la nécessité pour l'homme de se procurer de la viande et de la fourrure, ce qui est encore le cas dans certaines régions maritimes. Si l'être humain n'avait pas été le prédateur du phoque, il y aurait eu dans le passé d'autres prédateurs, comme les ours polaires dans le Nord. Je pense aussi à certains des mammifères marins plus gros.

Une bonne partie de tout cela est chose du passé parce que nous avons bien souvent enrayé certaines espèces nous-mêmes; nous avons fait disparaître les autres espèces. Oui, nous avons laissé un trou dans la chaîne alimentaire, ce qui a permis à la population de phoques de prendre très rapidement de l'expansion. Je ne vois aucune raison d'empêcher la prise d'une certaine quantité de phoques dans la mesure où, comme Leslie l'a dit, on s'en tient à des limites de conservation raisonnables.

Le phoque est peut-être l'hôte d'un parasite en particulier, mais il n'est pas le seul à l'être; et il y a bien d'autres parasites. Le problème, c'est que le parasite en question s'attaque aux stocks de morue au moment même où ils subissent de très fortes pressions.

Nous avons là un système très déséquilibré. Il est soumis à des pressions énormes, et bien des choses qui normalement ne se seraient peut-être pas produites se passent aujourd'hui. Nous assistons à des changements importants, non seulement en ce qui concerne le rapport prédateur-proie, mais aussi dans les chaînes alimentaires à un échelon plus bas, sans compter des changements de température qui ont une incidence énorme sur le système.

Je ne suis pas prêt à dire à ce stade-ci s'il est bon ou mauvais de chasser le phoque. Je n'y vois aucun inconvénient dans la mesure où quelqu'un en a besoin pour se nourrir ou a besoin de la fourrure de cet animal pour gagner sa vie et dans la mesure aussi où cela ne nuit pas à la capacité de la population de se reproduire et de demeurer en santé.

Je ne sais pas si cela vous aide, mais je n'ai rien contre la chasse au phoque. J'en ai contre la cruauté de certaines méthodes. J'aimerais que les phoques soient mis à mort de manière propre et efficace pour qu'ils ne souffrent pas inutilement. Il est vrai que nous traînons les poissons au fond de l'océan pendant une longue période de temps et que nous les noyons, ce qui n'est certainement pas agréable pour eux. Dans bien des cas, une partie du poisson que nous pêchons meurt à bord par suffocation, ce qui ne doit pas être plaisant non plus.

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Nous ne sommes peut-être pas les pêcheurs ou les prédateurs les moins cruels, mais nous faisons aussi ces choses parce qu'il le faut.

Mme Payne: Merci, monsieur le président.

Le président: Nous allons devoir clore la discussion, mais il y a une question que je ne peux pas m'empêcher de soulever. C'est une question importante qui influe sur le gagne-pain de dizaines de milliers de particuliers - et je veux parler de la survie, de la restauration des stocks - mais il me semble que chaque fois qu'un conflit surgit entre le phoque et le poisson, c'est le plus attachant des deux qui réussit toujours à s'attirer la sympathie du public.

Ce qui m'ennuie au sujet des déclarations faites ici ou par d'autres scientifiques, c'est que je n'arrive pas à voir comment il se fait que les scientifiques n'aient pas réussi au fil des ans grâce à leur science, comme le disait M. Baker, à régler ce problème. Ce n'en était pas un hier.

Il existe un rapport prédateur-proie. L'homme ou d'autres facteurs sont intervenus et ont déséquilibré cet écosystème. La question à se poser est la suivante: maintenant que nous l'avons déséquilibré, devons-nous tout simplement laisser les choses empirer ou devrions-nous essayer de faire quelque chose pour corriger la situation?

Et que les scientifiques voient ou non un rapport de cause à effet entre l'augmentation du nombre de phoques et l'effondrement des stocks de morue, il me semble que les preuves scientifiques recueillies tendent de plus en plus à démontrer que les phoques ne sont peut-être pas responsables de l'effondrement des stocks, mais que l'abondance des phoques et les très petites quantités actuelles de morue expliqueraient le fait que les stocks n'arrivent pas à se renouveler ou se renouvellent trop lentement.

Bref, lorsqu'il y avait dans la mer des millions de tonnes de morue, il est vrai que le phoque n'était qu'un prédateur parmi tant d'autres. Maintenant qu'il y en a des dizaines de milliers ou des centaines de milliers - je ne sais plus où en est le compte en ce qui concerne les phoques - et très peu de poisson... Oui, George?

M. Baker: Sept millions.

Le président: C'est un facteur qui explique l'absence de renouvellement.

Est-ce que quelqu'un à ce bout-là de la table est d'accord avec moi? Nous avons entendu ici d'autres scientifiques qui nous ont dit ne pas savoir si les phoques sont le principal facteur responsable de l'effondrement, mais ils sont maintenant d'accord pour dire que leur nombre est un facteur qui explique la lente restauration ou l'absence de renouvellement des stocks. Mais nous ne pouvons pas parler des phoques.

M. Sly: Vous avez peut-être raison. À dire franchement, je n'en sais rien. J'aimerais cependant faire ici une analogie.

Si on prend le caribou, on peut observer une alternance de forte expansion et de rétrécissement de la population. Je ne peux cependant pas dire si les cycles qu'on observe maintenant étaient aussi prononcés à une époque où nous ne tenions pas de données.

Or, n'importe quel des plus gros membres de la chaîne alimentaire est habituellement contrôlé à un moment donné par un prédateur, et les prédateurs ne sont pas nombreux. Lorsque leur population ne parvient pas à contenir l'expansion de composantes de la chaîne, comme les phoques ou les caribous, leur nombre peut grimper en flèche, d'où un cycle de forte expansion et de rétrécissement de la population.

Malheureusement, la même chose s'est produite dans la Baltique. Les pêcheurs et les phoques s'y font concurrence pour le hareng et, pour le moment, ce sont les phoques qui sont perdants. Cela va probablement arriver ici aussi.

Je ne connais pas la réponse à votre question, mais je suppose que vous pourriez avoir raison.

Le président: Ma dernière question a trait à un amendement que vous proposez, à la recommandation 4. Vous dites qu'il devrait exister un lien explicite entre la stratégie de conservation des océans et les plans.

Au point c), vous dites quelque chose qui pourrait prêter à controverse, car vous parlez des zones où le rejet en mer, le dragage et les engins de pêche à la drague ne devraient pas être permis. Était-ce là une façon subtile ou directe de faire une observation à propos du caractère écologique de ce type d'engin? Pourquoi au juste avoir mis cela?

Le comité a abordé cette question, mais il ne s'en est pas très bien tiré, car à chaque fois qu'on parle des océans et de pêche, il y a toujours au moins deux camps qui s'affrontent. Essayez-vous de nous dire ici que les engins utilisés pour la pêche à la drague sont dommageables pour l'environnement, ou plus dommageables que les engins fixes?

Qu'essayez-vous de dire au juste? Je conçois que les rejets en mer ont un effet délétère, mais êtes-vous également en train de nous dire que dans un grand nombre de cas ce type particulier d'engin peut aussi être nuisible? Si c'est le cas, sur quelles données scientifiques vous fondez-vous pour dire cela?

M. Sly: Je pense que ces observations avaient un caractère plutôt général en ce sens que nous n'avons pas essayé par là de dire qu'un type particulier d'engin ne devrait pas être autorisé de manière générale.

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Il y a certains milieux où, à cause de l'agitation naturelle au fond de l'océan, attribuable aux vagues et au courant, il y a un renouvellement continu qui s'apparente à celui observé dans le cas de la pêche à la drague. Cependant, il y a aussi des cas où le dragage a des effets délétères bien définis.

La question ne consiste pas simplement à examiner un engin et à dire qu'il ne devrait pas être utilisé. Il faut aussi se demander dans quel milieu il est utilisé et essayer de comprendre l'incidence à long terme des activités en cause.

Par exemple, nous savons que certaines espèces de baleines s'amusent à creuser des trous dans le Pacifique nord-ouest, déplaçant ainsi les sédiments et capturant à pleine bouche tout ce qu'elles trouvent au fond de l'océan. Lorsqu'on examine le plancher océanique, soit sur des photographies ou à partir des relevés de sonars à balayage latéral, on peut voir les énormes trous que ces mammifères ont creusés en essayant d'aller chercher la faune qui vit au fond de l'océan, parce que c'est ainsi qu'ils se nourrissent. C'est la même chose pour le morse.

Le seul fait de remuer le fond de l'océan peut ne poser aucun problème si le milieu s'y prête. S'il ne s'y prête pas, si on détruit la structure sédimentaire et qu'elle ne se renouvelle pas, ou du moins pas assez vite ou selon son état original... alors on pourrait se trouver en présence d'importants effets délétères.

La question ne consiste pas simplement à savoir si l'engin convient ou non. Elle est beaucoup plus compliquée que cela. Elle concerne l'engin, son utilisation, la fréquence d'utilisation et l'endroit.

Mme Beckmann: Ce que nous voudrions, c'est que les engins les plus sélectifs et les moins dommageables soient utilisés.

M. Baker: Donc, vous forceriez plus ou moins le gouvernement à se pencher sur ce genre de question.

Mme Beckmann: Vous voulez parler des types d'engin?

M. Baker: Oui. Vous obligez le gouvernement à se pencher sur la chaîne alimentaire. Vous l'obligez à se pencher sur les frayères en vertu de cette mesure législative alors que rien dans la loi actuelle ne l'y force. Vous l'obligez à faire un lien entre toutes ces différentes choses.

M. Bankes: Oui.

Mme Beckmann: Oui.

M. Dhaliwal: Je tiens à vous féliciter de votre excellent exposé.

Je n'ai qu'une ou deux petites questions à vous poser au sujet des zones de protection marine. Vous demandez, au point 11, que nous définissions ces zones. Comme vous le savez, des zones de protection marine peuvent être créées pour diverses raisons. Elles peuvent l'être pour des raisons scientifiques, pour protéger un écosystème ou encore pour protéger une aire d'alevinage. Il y a toutes sortes de raisons d'avoir des zones de protection marine.

Je me demandais si vous recommandiez que ces zones soient définies dans le projet de loi ou par le biais de règlements. Un ministre a besoin d'une certaine marge de manoeuvre, que les définitions soient claires... mais il faut aussi voir comment on pourrait définir les zones de protection marine, parce qu'il n'est pas facile d'aller voir les collectivités qui utilisent ces zones, pour la pêche ou à des fins récréatives, pour leur dire que désormais on va en restreindre l'utilisation. Nous devons aussi élaborer un processus, ce qui viendrait plus tard.

Je le répète, il faut avoir une certaine marge de manoeuvre, parce que les raisons pour lesquelles une ZPM a été créée peuvent changer avec le temps. Ce pourrait être, par exemple, pour protéger des aires d'alevinage.

Lorsque vous dites qu'il faudrait donner une définition des zones de protection marine, recommandez-vous que ce soit par la voie d'un règlement ou dans le projet de loi? Je crois qu'il faudrait laisser une certaine marge de manoeuvre au ministre en prévision de changements. Comme vous le savez, il est beaucoup plus difficile de demander au Parlement de réexaminer une loi que de modifier un règlement, ce qui peut s'avérer beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace si nous élaborons un processus concernant la création et la définition des ZPM.

J'aimerais que vous précisiez vos vues à ce sujet.

M. Bankes: Nous avons proposé de définir les ZPM, et ce dans le projet de loi. Nous avons fait cette proposition à la recommandation 13. Les recommandations 11 et 13 vont ensemble et l'article 35 renferme ce qu'on pourrait appeler une définition. Il y est dit qu'une ZPM peut être désignée en vertu de cette disposition à des fins de protection spéciale pour une ou plusieurs des raisons qui sont énumérées.

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C'est tout ce que nous proposons comme définition et, comme vous pouvez le voir, une ZPM pourrait être créée pour un certain nombre de raisons. Il serait possible aussi d'élargir la définition en disant «et pour toute autre raison analogue».

Quant à la raison pour laquelle nous proposons qu'il y ait une définition dans la loi plutôt que dans un règlement, elle est importante pour nous en ce sens que nous parlons ici de restreindre certains types d'activité à l'intérieur de zones de protection marine. Cela ne veut pas dire pour autant que ces zones seraient interdites à tout le monde et qu'il ne s'y ferait aucune pêche ni aucune chasse; cependant, il faut examiner de près la raison pour laquelle on créerait une ZPM pour ensuite établir une série de règlements de zonage qui répondent aux besoins de cette ZPM particulière ou de ce type de ZPM.

Au fond, nous pensons que cela devrait être fait dans la loi, pas dans un règlement. Il faut tenir compte à la fois de la nécessité pour le ministre et le Cabinet de jouir d'une certaine marge de manoeuvre et de la nécessité pour le ministère et les fonctionnaires d'avoir des directives claires, tout comme pour les ONG, d'ailleurs, qui veulent surveiller les activités du gouvernement et lui dire au besoin: «Vous aviez indiqué votre intention de créer des ZPM. Qu'avez-vous fait en ce sens, pour quelles raisons en avez-vous créé et ne permettez-vous pas un trop grand nombre d'activités dans ces zones?» S'il existe une loi en fonction de laquelle mesurer ce qui a été fait, alors il est possible d'avoir une idée des progrès réalisés et de demander que des comptes soient rendus.

M. Dhaliwal: Vous parlez, au point 11, dans le cas de la définition, «des activités qui peuvent y être autorisées». Lorsque la collectivité est invitée à participer au processus, celui-ci consiste en partie à lui demander quelles activités devraient être maintenues et lesquelles devraient être interdites. Il devrait s'agir d'un processus dans le cadre duquel nous consulterions la collectivité afin de pouvoir déterminer quelles activités conviendraient dans une ZPM - par suite de la consultation et du processus qui aurait suivi son cours à l'intérieur de la collectivité.

En portant un jugement anticipé et en disant que seules certaines activités seraient autorisées à l'intérieur d'une ZPM, vous risqueriez de vous retrouver dans une position où il vous serait plus difficile de créer une ZPM alors que vous pourriez vous contenter de dire: «Nous voulons créer une ZPM pour la raison que voici.» Vous pourriez ensuite aller voir la collectivité et lui demander quelles activités devraient ou non être autorisées étant donné la raison principale pour laquelle cette ZPM a été créée.

Ne pensez-vous pas que ce processus serait préférable?

M. Bankes: Nous souscrivons à bon nombre des arguments que vous avancez, certainement en ce qui concerne le processus, parce que l'un des points que nous faisons valoir ici, c'est qu'il devrait y avoir un lien entre le processus de planification et la création de ZPM. Selon nous, la consultation devrait s'inscrire dans ce processus de planification dont l'un des résultats pourrait être la création de ZPM.

Même si des ZPM étaient créées en dehors du processus de planification, nous maintenons qu'il devrait y avoir consultation avec les utilisateurs des ressources et que les limites qui pourraient un jour être imposées à l'utilisation d'une zone devraient être établies en collaboration avec les collectivités touchées.

M. Dhaliwal: [Inaudible]... quelles activités ont lieu à l'intérieur d'une ZPM?

Le président: Je pense pouvoir vous dire, au nom du comité, que nous avons trouvé votre mémoire extrêmement utile. Vous y avez mis beaucoup de soin et l'on voit que la consultation a joué un grand rôle. Je peux vous assurer que le comité tiendra soigneusement compte de certaines de vos recommandations à l'étape du rapport dans quelques semaines.

J'espère que nous pourrons compter sur un représentant de votre organisme tout au long de nos audiences. Lorsqu'elles seront terminées et que nous en serons rendus à l'étape de l'examen article par article, nous pourrions demander à Leslie de revenir nous voir pour nous expliquer plus en détail certaines des recommandations que vous avez faites. J'ai bon espoir que lorsque rapport sera fait du projet de loi C-98, vous reconnaîtrez certaines de vos vues.

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Nous rencontrons maintenant M. Thomas Lee, sous-ministre adjoint de Parcs Canada, et M. David McBurney, coordonnateur des aires marines. Je vous remercie de votre patience. Les derniers témoins nous ont présenté un bref exposé dont nous pourrions presque faire rapport au Parlement, après quoi les membres du comité leur ont posé quelques questions.

Je vous souhaite la bienvenue parmi nous. Nous sommes maintenant prêts à commencer. À quelle heure devez-vous partir?

M. Thomas Lee (sous-ministre adjoint, Parcs Canada, ministère du Patrimoine canadien): J'ai rendez-vous ailleurs à 11 h 45, mais je me suis arrangé pour pouvoir arriver plus tard s'il le faut.

Le président: C'est parfait.

M. Lee: Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous sais gré d'avoir essayé de tenir compte de mon horaire. Comme vous nous l'avez demandé, j'essaierai d'être bref pour que nous ayons le plus temps possible pour la discussion.

Vous avez devant vous une liasse sur le programme des aires marines nationales de conservation que je vais vous expliquer.

Permettez-moi tout d'abord de vous dire que mon ministre et le ministre Tobin, le parrain du projet de loi, ont déjà procédé à un échange de vues et de lettres à ce sujet. Ils souscrivent tous les deux au type de loi qui a été proposé de même qu'au renforcement des liens entre les programmes dont le ministère des Pêches et des Océans et nous-mêmes sommes responsables.

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J'aimerais concentrer mon attention sur les aires marines nationales de conservation et sur ce qu'elles sont. Vous pouvez constater, si vous consultez la deuxième partie de la liasse, que les aires marines nationales de conservation font partie du réseau des aires protégées de Parcs Canada. Celui-ci englobe les parcs nationaux, les lieux historiques nationaux, les aires marines nationales de conservation, les canaux historiques et le réseau des rivières du patrimoine canadien.

Il y a un ou deux points à ce sujet qui pourraient intéresser le comité. Ce réseau ne sert pas uniquement aux fins de conservation et de récréation; il fait vraiment partie de la personnalité du Canada. Il aide à définir le Canada comme nation. Vous seriez étonnés de voir le rang élevé qu'il occupe dans la perception que les Canadiens ont de leur pays. D'après un sondage effectué par Environics en 1994, nos parcs et nos lieux historiques nationaux se classent tout juste derrière le drapeau canadien et l'hymne national comme symboles du Canada. Donc, les parcs nationaux, les lieux historiques nationaux et les aires marines nationales de conservation font partie de cette grande famille.

Le deuxième point qui pourrait intéresser le comité est le rôle que ce réseau joue au niveau du tourisme et de l'économie du Canada. Si vous preniez le Guide Michelin du Canada, vous verriez que les deux tiers de toutes les attractions trois étoiles au Canada sont soit gérées soit parrainées par le ministère du Patrimoine canadien. Le réseau des aires de protection figure parmi celles-ci.

Quels sont les objectifs des aires marines nationales et où se situent-elles dans la Loi sur les océans proposée? Le premier objectif est de protéger et conserver des aires marines nationales d'intérêt canadien, représentatives des milieux océaniques et des Grands Lacs. En ce sens, nos objectifs ont une portée plus vaste que la Loi sur les océans, et nous devons en tenir compte.

Le deuxième objectif est de favoriser chez le public la connaissance, l'appréciation et la jouissance de ce patrimoine marin. Il y a donc une dimension axée sur l'utilisation par le public qui n'a rien à voir avec des objectifs à caractère commercial, dimension qui s'inscrit dans ce que j'appellerais les efforts faits par les Canadiens pour apprendre à connaître le Canada et à se connaître entre eux. C'est là une des fonctions du réseau dont je vous parle.

Enfin, les aires marines nationales de conservation ont un objectif distinctif en ce sens qu'elles sont créées à jamais. Il ne s'agit pas de réserves temporaires destinées à régler un problème particulier. L'objectif à long terme est de les gérer de manière à les léguer intactes aux générations à venir.

Vous avez un document qui a pour titre D'un océan à l'autre et que je vous invite à lire. C'est même un bon livre de chevet. Il vous en apprendra beaucoup sur le Canada et il est écrit dans un style que je trouve assez plaisant. Vous pourrez vous faire une idée, à la lecture de ce document, de ce que nous essayons de faire ici. Il décrit la façon dont les aires marines nationales de conservation pourraient s'insérer dans un réseau. Leur nombre serait limité et elles seraient représentatives d'endroits spéciaux, uniques et remarquables au Canada qui soient caractéristiques de nos océans et des rapports que nous entretenons avec eux.

Le programme des aires marines nationales de conservation n'est pas typiquement canadien puisqu'il fait partie d'une initiative mondiale. En 1991, l'Union mondiale pour la nature, un organisme unique qui regroupe quelque 150 gouvernements des quatre coins du monde et plus de 800 ONG, a publié ses lignes directrices visant l'établissement d'aires marines protégées auxquelles était intégrée l'approche de planification du réseau de Parcs Canada.

En 1994, elle a invité les nations côtières à établir des réseaux d'aires marines protégées. En créant de telles aires, dans le contexte de son rôle dans l'environnement global, le Canada s'acquitte de ses engagements en vertu de la Convention de la diversité biologique.

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Qu'est-ce qu'une aire marine nationale de conservation? Il s'agit habituellement d'une aire assez importante. La réserve de Gwaii Haanas, qui est reliée au parc de Gwaii Haanas sur la côte ouest, recouvre plus de 3 000 kilomètres carrés. Même ce parc est petit à en juger par les normes internationales. Les récifs coralliens de la Grande Barrière, dont on a parlé tout à l'heure, s'étendent sur plus de 350 000 kilomètres carrés. Le Monterey Bay National Marine Sanctuary en Californie a une superficie de quelque 13 000 kilomètres carrés.

Ces aires englobent le fonds marin, le sous-sol et la colonne d'eau qui les recouvre. C'est l'orientation que nous avons choisie et c'est ce que prévoit notre législation actuelle. La politique et la loi interdiraient certaines activités à l'intérieur de ces aires, dont l'exploitation minière sous-marine, l'exploration et l'exploitation du pétrole et du gaz et le déversement en mer. Des zones de haute protection seraient aménagées à l'intérieur de leurs limites. Par ailleurs, les aires se situant à l'extérieur de la zone protégée doivent aussi être gérées de manière à servir de modèles d'une utilisation durable des ressources. Dans ce contexte, je pense que les aires marines nationales de conservation peuvent jouer un rôle particulier.

Je me suis intéressé pendant toute ma carrière à la gestion des ressources naturelles et j'en suis venu à la conclusion qu'il est très difficile d'essayer d'en arriver à un développement durable. J'espère que nous avons appris qu'en concentrant nos efforts sur des aires pilotes ou modèles, nous pouvons faire progresser nos connaissances et nos méthodes beaucoup plus rapidement pour étendre ensuite ce projet pilote à d'autres aires non désignées. Les aires marines nationales de conservation peuvent jouer un rôle important en ce sens qu'elles pourraient illustrer la meilleure façon de procéder et devenir une source d'inspiration.

Les aires marines nationales de conservation sont gérées en vertu de la Loi sur les parcs nationaux. C'est ce que veut la situation actuelle, conformément à une modification apportée à la loi en 1988.

Je dois dire au comité que la Loi sur les parcs nationaux est une mesure législative provisoire. Elle avait au départ pour objet la gestion de parcs terrestres, et il me serait un peu difficile de vous dire qu'on pourrait tout bonnement la prendre et essayer de gérer des aires marines ou sous-marines. Nous travaillons actuellement à des mesures législatives qui pourraient un jour prendre la forme, du moins l'espérons-nous, d'une loi sur les aires marines nationales de conservation qui, de toute évidence, pourrait servir de complément à la Loi sur les océans, mais qui renfermerait les dispositions particulières nécessaires à une bonne gestion.

La gestion de ces aires diffère de celle des parcs nationaux. Dans le cas de ceux-ci, Parcs Canada est à la fois propriétaire, gestionnaire, juge et jury. Dans le cas des aires marines nationales de conservation, nous ne sommes qu'un groupe parmi tant d'autres à qui leur gestion serait confiée. Je fais notamment allusion au ministère des Pêches et des Océans, au ministère des Transports et au ministère de l'Environnement.

Nous progressons lentement vers l'établissement d'aires marines nationales de conservation. La première à avoir été désignée a été le parc marin national Fathom Five dans la baie Georgienne en 1987. En 1988, nous avons signé une entente en vue de la création du parc de Gwaii Haanas, et nous en avons signé une autre en 1990 avec le Québec. Le plan de gestion a été annoncé dans ce cas-ci au cours des deux dernières semaines. Ce parc sera créé conjointement avec le Québec sur le Saint-Laurent-Saguenay.

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Nous nous affairons dans d'autres régions également. Nous avons signé une entente avec la Colombie-Britannique en vue de l'établissement de deux autres aires sur la côte du Pacifique. Cette entente a été signée et annoncée en juillet dernier. Comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, nous avons aussi entrepris des consultations avec la population locale au sujet de l'aire Bonavista-Funk. Nous examinons avec l'Ontario, à l'échelle du personnel et des professionnels, un projet de création d'une aire marine nationale de conservation dans l'ouest du lac Supérieur.

En ce qui concerne le processus, j'ai trouvé intéressante la discussion que vous venez d'avoir ici. Je vais utiliser Bonavista-Funk comme exemple. Une aire marine nationale de conservation pourrait toujours y être créée, mais tout commence par de simples discussions avec la population locale. Nous lui posons les questions suivantes: Qu'est-ce qui se passe ici? Quels sont vos besoins? Pensez-vous qu'un projet comme celui-ci pourrait aider? Pourrions-nous trouver des moyens de travailler ensemble? Est-ce que cela serait important pour vous?

Si la réponse est oui, alors la deuxième étape consiste à parler d'une aire marine de conservation et des mesures qui pourraient être prises. Tout cela se fait publiquement. Notre politique nous oblige à tenir des consultations publiques. Aucune aire marine de conservation ni aucun parc national ne peut être créé au Canada sans que la population ait été consultée.

Si nous franchissons la deuxième étape et que la population croie toujours que c'est une bonne idée, alors nous passons au stade de la création d'une aire.

Nous pensons que le projet de loi C-98 va nous aider à faire ce que nous essayons de faire. Tout d'abord, les aires marines nationales de conservation que nos programmes englobent comportent des objectifs limités. Elles ne correspondent pas au réseau d'aires protégées ou de systèmes de gestion dont nous avons besoin pour les océans du Canada. Ce n'est qu'une pièce du casse-tête. De toute évidence, la Loi sur les océans va nous aider à trouver les pièces manquantes.

Nous croyons que le projet de loi, notamment les dispositions concernant la stratégie de gestion et la planification, offre une tribune à partir de laquelle évaluer la faisabilité. On a parlé de la création de telles aires. On a dit qu'on pouvait procéder de deux façons. Si les gens souhaitent parler d'une aire marine de conservation, nous pouvons en parler. Par contre, si les aires marines de conservation faisaient partie d'un processus de planification plus global, leur création suivrait un ordre très logique et, en ce sens, les propositions que le projet de loi contient nous seront très utiles.

Nous sommes persuadés que la Loi sur les océans, telle qu'elle a été conçue, va favoriser la viabilité de nos aires, car nous savons que nous ne pouvons pas gérer un endroit comme une île. Les limites d'une île sont toujours contiguës à quelque chose, et des activités sont toujours en cours à l'intérieur de toutes ces limites. De la façon dont nous envisageons les mesures proposées par la Loi sur les océans, la planification et la gestion nous offriront l'occasion de réagir positivement à tout cela.

Il y a une chose dans la loi sur laquelle je n'ai pas attiré votre attention. Je ne suis pas avocat de sorte que je ne sais pas comment cela serait interprété, mais il y a une précision que le comité pourrait vouloir apporter. J'ai remarqué qu'on avait utilisé l'expression «ressources halieutiques» à l'article 35 qui traite de la protection du poisson. Je ne sais pas au juste si la loi serait interprétée de manière à ne s'appliquer qu'à la protection de la pêche commerciale par opposition à la protection du poisson. Ce sont deux choses différentes, mais reliées.

Le comité pourrait vouloir se pencher sur cette question. J'aimerais personnellement obtenir des précisions sur l'objet réel de cette disposition.

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Le président: Je ne peux pas répondre à cette question, mais nous avons ici des représentants du ministère. Avant que vous nous quittiez, nous allons leur demander de nous donner leur définition de cette disposition.

M. Lee: Cela ne presse pas, monsieur le président. C'est uniquement une...

Le président: Vous l'aurez voulu.

M. Lee: C'est parfait.

Le président: Nous allons voir si les ministères collaborent vraiment. Nous avons ici des représentants des Pêches et des Parcs et je me demande s'ils s'adresseront encore la parole à la fin de la journée.

Je suis un peu perdu. Cela n'a rien d'anormal, mais, aujourd'hui, je m'y perds parce que la Loi sur les océans... et M. Baker a posé aux derniers témoins des questions que j'ai trouvées très importantes: Qu'est-ce que cela a de nouveau? Pourquoi avoir proposé une Loi sur les océans? Le dernier témoin a répondu qu'elle servirait à centrer l'attention, permettrait de mieux définir les responsabilités hiérarchiques et réduirait le chevauchement des programmes et des ministères, car si la politique gouvernementale était claire, tous sauraient à quoi s'en tenir et ce serait la fin des interminables discours pour la galerie et du va-et-vient d'un ministère à l'autre.

Comment tout cela va-t-il fonctionner? Votre ministre a publié un document cet été. Mme Payne, je pense, l'avait en main lors de l'une de nos premières séances. Ce document a été publié en juin ou juillet. Il s'agit d'une lettre aux députés dans laquelle il est question des aires marines nationales de conservation.

Je ne sais pas au juste quel est le lien entre ces deux choses. Ai-je bien compris ce que vous nous avez dit? Votre ministère aurait un processus qui lui permet d'identifier et de désigner des aires marines nationales de conservation? Je ne sais pas si c'est le cas ou non, parce que vous avez parlé de mesures législatives. Pourriez-vous me donner des éclaircissements?

Si ce processus existe bel et bien, en quoi consiste-t-il au juste? Quels sont les critères? Sont-ils fondés sur le patrimoine? Sont-ils fondés sur la conservation, ou la conservation du patrimoine marin? Je ne suis pas certain de ce que tout cela veut dire parce, normalement, lorsqu'on parle de conservation, on parle de l'écosystème, des stocks de poissons et d'autres choses du genre.

Dans le cadre de votre programme, le ministre des Pêches doit-il être consulté? Est-ce une obligation? J'imagine que si vous décidiez de désigner une aire marine nationale de conservation, cela pourrait avoir une incidence sur la pêche dans la région, par exemple.

Je me demande au juste comment cela fonctionne. Pouvez-vous désigner une aire malgré les objections du ministre des Pêches? Celle-ci pourrait nuire à une pêche active, viable et durable. Quel lien y a-t-il entre ces deux choses? Nous espérions que ce projet de loi allait nous permettre de bien définir les responsabilités hiérarchiques. Je ne dis pas que ce n'est pas le cas. C'est tout simplement que je ne sais pas au juste comment cela fonctionne.

M. Lee: Cela fonctionne... Tout d'abord, vous savez probablement qu'un groupe interministériel a été créé au niveau de sous-ministre pour veiller à la coordination dans ces aires, coordination qui revêt d'autant plus d'importance qu'on envisage d'adopter la Loi sur les océans et qu'il y a eu publication, par exemple, du document D'un océan à l'autre. Donc, il y a en place un processus pour faire en sorte qu'il n'y ait aucune surprise. Cela se fait sur la seule base de la coopération. Nous comprenons nos rôles respectifs, c'est tout.

Rien dans la loi ne nous indique l'ordre dans lequel procéder, du moins autant que je sache. C'est une question de bon gouvernement. Je vais m'en tenir à cela.

Quant au processus de consultation publique, comme je vous l'ai indiqué, notre façon de procéder - et vous pouvez le voir dans ce document; c'est la même chose que pour les parcs nationaux - consiste à dire vers quoi nous nous orientons à long terme. Donc, nous avons dit dans ce document public que nous avions l'intention de créer un réseau d'aires marines nationales de conservation, et ce pour 29 régions différentes du Canada. Leur choix - et je pense que vous avez bien abordé la question, monsieur le président - n'a rien à voir avec les problèmes de gestion auxquels nous sommes obligés de faire face.

La première question que nous nous posons est la suivante: En quoi consiste le patrimoine marin du Canada? Quels sont au Canada les endroits spéciaux qui sont représentatifs des océans au même titre que les parcs nationaux sont représentatifs du territoire, qui sont représentatifs de la faune et, dans certains cas, du patrimoine du Canada?

Si on prend le parc de Fathom Five - où il y a 30 épaves de navire sous la mer - on s'aperçoit qu'il entre dans la catégorie du patrimoine. Par ailleurs, la faune, un littoral spectaculaire ou une écologie unique sont autant d'éléments du patrimoine du Canada.

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À bien y penser, c'est ce à quoi nous servons, à préserver le patrimoine du Canada qui est représentatif des milieux océaniques et à permettre au public d'en jouir. Cela n'a pas grand-chose à voir avec les questions de gestion des ressources qui se posent dans une région.

Le président: Mais c'est là-dessus que porte ma question, car certains d'entre nous sont ici depuis assez longtemps pour savoir que les meilleurs programmes et les meilleures lois peuvent être bousillés à cause d'un manque de collaboration entre les ministères. Je sais que des mesures ont été prises pour faciliter la communication, mais c'est une chose qui arrive tous les jours et à laquelle nous sommes tous confrontés. On n'arrive jamais bien à définir les responsabilités, ce qui fait qu'il est difficile de réaliser des programmes dans bien des cas.

J'essaie d'y voir clair, parce que j'aime que les responsabilités soient mieux définies. C'est pourquoi j'ai bien accueilli la Loi sur les océans, car elle me semblait préciser certains des liens entre les ministères.

Êtes-vous convaincu que cela ne posera aucun problème?

M. Lee: Je pense que le projet de loi représente un pas en avant. Avant sa présentation, nous disions vouloir établir un réseau d'aires marines nationales de conservation dans le cadre d'un programme axé sur la protection de l'environnement marin. Je suppose que d'autres intéressés, y compris au ministère des Pêches, même s'ils n'ont pas, autant que je sache, indiqué qu'ils ne voulaient rien savoir ou ne nous ont pas demandé non plus...

Je pense que le projet de loi est utile en ce sens parce qu'il précise en des termes généraux qu'il y aura un réseau d'aires protégées à l'intérieur des océans du Canada. J'admets qu'il n'est pas explicite, mais je ne sais pas s'il aurait pu l'être. On a déjà parlé de trois types d'aires: une pour la protection des zones marines, une pour la protection des oiseaux et l'autre pour la protection du poisson ou des ressources halieutiques, selon l'interprétation donnée. Mais ce ne sera pas nécessairement là la seule raison d'être des aires protégées.

Je ne sais pas s'il faudrait essayer d'en définir la portée. Il faudrait peut-être s'en tenir à des généralités et attendre que des programmes aient été proposés. On n'a pas cherché à être explicite dans le projet de loi, monsieur le président, quant à l'étendue, au nombre ou aux types d'aires protégées, et je pense que personne ne pourrait en donner une définition exacte à cette étape-ci.

Le président: C'est ma dernière question et je vais utiliser un exemple, parce que ce n'est pas encore clair pour moi.

Il y a deux processus à l'heure actuelle. Lorsque ce projet de loi aura été adopté, il y aura deux façons de désigner des zones de protection et je crois comprendre qu'il pourrait y avoir un chevauchement de compétences si le ministre des Pêches et des Océans ou celui de Patrimoine Canada voulait faire désigner une aire conformément à la Loi sur les océans. Il peut y avoir chevauchement. Les raisons invoquées peuvent être similaires. Donc, il y aurait deux façons de procéder dans certains cas.

Voici ce que j'essaie de comprendre. Si votre ministère allait de l'avant et disait que ce serait une bonne idée d'avoir une zone de protection marine dans une région donnée pour telle ou telle raison, mais que cela nuise à la pêche, avant de procéder à la désignation, chercheriez-vous à obtenir l'autorisation du ministère des Pêches et des Océans pour qu'il y ait suspension dans la zone de la pêche commerciale ou récréative? Je me demande comment le processus fonctionnerait dans ce cas-ci.

M. Lee: Il faudrait prendre une décision au niveau du Cabinet dont le ministre des Pêches fait partie. Nous n'avons aucun pouvoir de désignation.

Le président: Vous devez dans tous les cas passer par le gouverneur en conseil.

M. Lee: C'est exact, et par le Cabinet également.

Le président: Votre ministre ou son équipe n'ont pas le pouvoir de désigner une telle aire.

M. Lee: Non.

Le président: Il doit y avoir désignation par le gouverneur en conseil, et il y aurait consultation.

M. Lee: La consultation a lieu bien avant cela. Je vous ai parlé de la consultation dans le cas du parc de Bonavista, de la consultation publique, de la consultation ministérielle et, si après toutes ces étapes, vous arrivez enfin au Cabinet pour dire que vous aimeriez avoir... Vous lui dites que la population, y compris le ministre des Pêches et des Océans, croit que nous devrions avoir une aire marine de conservation et vous lui demandez si le gouvernement souhaite en créer une à cet endroit-là.

Le président: Parfait. Monsieur Baker.

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M. Baker: Je m'interroge sur le conflit qui pourrait surgir entre Parcs Canada et Pêches et Océans. Laissez-moi vous donner un exemple.

Le MPO autorise la pêche dans les frayères. Il autorise également l'utilisation de dragueurs qui raclent le fond de l'océan. Quelqu'un a utilisé l'exemple d'une coupe à blanc sur la terre ferme. C'est ce qui se fait au fond de l'océan. Au bout des filets, il y a deux grosses cages d'acier qu'on traîne le long du plancher océanique. Les deux barres de fer transversales déterrent tout, et cela sur des centaines de kilomètres.

Tous ceux qui ont une once de bon sens diraient que c'est ridicule et que nous ne devrions pas autoriser ces dragueurs à racler le fond de l'océan et que nous avons une zone de protection marine.

Les scientifiques vous diraient quant à eux qu'ils ne savent pas au juste quel effet cela peut avoir - et c'est là la philosophie officielle de Pêches et Océans - qu'ils ne savent pas si cela est néfaste pour le poisson dans les frayères. Et ils disent cela en toute sincérité.

Ce n'est pas que les scientifiques ne savent pas de quoi il retourne; cela s'explique par la méthode scientifique utilisée pour savoir si cette pêche est vraiment néfaste pour le poisson. Il faudrait autoriser la pêche dans une frayère pendant un certain temps, l'interdire pendant une période prolongée pour ensuite l'autoriser à nouveau. Il faudrait ensuite comparer les données obtenues aux divers moments pour voir quels sont les effets tandis que vous et moi dirions, à un pêcheur ou à qui que ce soit d'autre: «Cela a sûrement un effet. Vous ne devriez pas pêcher pendant le frai.»

Ma question est la suivante. Prenons une zone de protection marine. Supposons que ce soit Bonavista-Funk, dont vous avez parlé. Donc, il existe une zone de protection marine et tout le monde, y compris Parcs Canada, est d'accord pour dire que les dragueurs devraient y être interdits, que la pêche devrait y être interdite parce que le banc de l'île Funk est une frayère. Mais voilà que le ministère des Pêches et des Océans dit: «Ah, rien ne nous dit que cela est néfaste pour les ressources, parce que si nous en avions la preuve, la pêche serait interdite sur les bancs Hamilton et Georges. La pêche serait interdite sur n'importe quel de ces bancs où elle est maintenant concentrée dans tout l'est du Canada.»

Nous n'avons pas appris grand-chose au fil des ans.

Peu importe, supposons qu'un grave conflit surgisse. Qui le règle?

M. Lee: C'est une question très intéressante.

Tout d'abord, avant qu'une aire marine de conservation ne soit établie, certains objectifs seraient sûrement définis. Donc, ceux-ci sont énoncés à l'avance. Lorsque les objectifs ont été définis, un plan de gestion est mis en place. Ce plan de gestion prévoit le zonage.

Pour reprendre l'exemple donné par le scientifique qui faisait partie du groupe de témoins précédent, des aires seraient établies, et elles seraient permanentes. Il s'agirait en quelque sorte de zones repères ou de zones qui pourraient servir à faire des comparaisons. Ainsi, il y aurait création de zones où aucune activité ne serait autorisée, ce qui permettrait de faire des comparaisons entre ce qui se fait à un endroit et ce qui se passe dans la nature.

Pour ce qui est des zones de gestion commerciale, multiple ou durable, on aurait tendance à appliquer la loi de façon très conservatrice en raison de sa nature même. Le plan de gestion approuvé par le ministre serait... «Conservateur» n'est probablement pas le bon mot. Je crois que les méthodes les mieux connues, les meilleures techniques scientifiques et la meilleure gestion seraient appliquées à cette zone. Ce plan de gestion porterait la signature du ministre responsable de Parcs Canada.

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M. Baker: Je ne sais pas si cela répond à ma question ou non. Qu'en pensez-vous?

M. Lee: Je pense que oui.

M. Baker: Vous attendriez-vous à ce que la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs ne s'applique pas aux oiseaux migrateurs durant la saison de chasse dans une zone ainsi désignée?

M. Lee: Non. Je le répète, l'aire marine de conservation pourrait englober des zones où la chasse serait interdite.

Le président: Madame Payne.

Mme Payne: Ma question est dans le même ordre d'idées que celles de M. Baker, sauf que je voudrais ajouter un autre élément. En fait, la formule que j'ai ici est celle de la conservation par opposition à la préservation par opposition au développement économique par opposition au développement durable. J'ai tout mis dans le même sac.

En réalité, la région de Bonavista-Funk est probablement un très bon exemple. Il s'agit d'une région où, comme George vient de le dire, il y a des frayères et des champs de pêche très lucratifs. Du moins, cela a déjà été le cas. De plus, il y a quinze ou vingt ans, des travaux de forage en mer y ont débuté. On en est maintenant à l'étape de la mise en valeur.

Je me souviens d'avoir lu le rapport d'évaluations environnementales qui y ont été faites au moment des travaux d'exploration pétrolière, et la pêche semblait alors être au second rang. Nous sommes maintenant confrontés à la destruction, à la dévastation et à l'épuisement d'une pêche qui était autrefois considérée comme très lucrative, mais qui venait au deuxième rang après la mise en valeur du pétrole. Pouvez-vous me dire quelle serait la priorité à vos yeux, en supposant qu'il s'agisse d'une aire de conservation?

M. Lee: Je ne connais pas très bien cette région personnellement. Je dois vous dire que j'ai en quelque sorte travaillé pendant mes vacances cet été. J'ai passé une semaine dans la région de Bonavista où j'ai parlé à des pêcheurs, à mes employés et à des gestionnaires fédéraux.

Ce qu'on recherche dans ce cas-ci, c'est un équilibre, un système de gestion. Si on prenait la décision d'aller de l'avant, on s'occuperait de préservation, bien sûr. Nous croyons qu'il devrait y avoir à l'intérieur du parc de Bonavista des zones complètement protégées. Il y aurait des zones d'utilisation, ou ce que nous appelons des aires de conservation ou de gestion durable.

Il y aurait aussi une dimension économique axée sur l'utilisation des ressources, les poissons, ce qui n'est pas le cas pour le moment, mais qui pourrait l'être, du moins nous l'espérons. Le tourisme aurait des retombées économiques. Ces zones deviendraient des attractions touristiques nationales et internationales, tout comme les parcs nationaux. On peut donc parler d'une dimension économique.

Avant de créer un parc, il y a un processus à appliquer, un processus qui fonctionne et qui n'est pas défini par la loi. Aucun parc national ni aucune aire marine nationale de conservation ne peut être créé avant que des recherches poussées aient été effectuées sur la géologie - minéraux, pétrole ou gaz - pour déterminer s'il y a dans la région des réserves importantes. S'il y en a et que la priorité soit accordée à ce type d'activité économique, il n'y aura pas création d'une aire marine de conservation.

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Mme Payne: Le développement économique l'emporterait sur la conservation?

M. Lee: Non, seulement dans la mesure où on voudrait créer une aire marine nationale de conservation. On pourrait quand même insister sur la conservation. On pourrait vouloir effectuer des travaux d'exploration gazière et pétrolière... Dans ce cas, il ne pourrait pas y avoir création d'une aire marine nationale de conservation.

Mme Payne: C'est la question que je vous posais. À qui revient la décision?

M. Lee: Je le répète, il y a un processus de consultation publique. Il se déroule exactement de la manière dont je vous l'ai décrit. L'information dont nous disposons est présentée au public. À la suite des recherches effectuées, nous utiliserions... dans le cas du pétrole et du gaz, nous faisons habituellement des études géologiques plus poussées, certaines études géologiques en particulier, compte tenu de la région. Cette information est publiée, comme toute l'information à caractère biologique ou autre. Vient ensuite une série de discussions publiques. Si au cours de ces discussions - et c'est toujours une question d'équilibre...

Mme Payne: Je connais le processus. Il m'est familier. Ma question est...

M. Lee: C'est le Cabinet qui décide.

Mme Payne: C'est la réponse que je cherchais. Merci.

Le président: Vous avez fait allusion à la possibilité qu'une loi soit présentée un jour en vue de la création d'aires marines nationales de conservation. Si leur création est déjà possible dans la mesure où elle est approuvée par le gouverneur en conseil, quelle serait l'utilité d'une loi? Une fois que vous m'aurez expliqué cela, pourriez-vous m'indiquer si d'après vous la loi à venir contiendrait des dispositions analogues ou non à celles de la Loi sur les océans pour ce qui est de la désignation des zones de protection marine?

Conformément à l'article 35, le gouverneur en conseil peut constituer des zones de protection marine, de sorte que tous les principaux intervenants doivent se consulter avant qu'une telle zone soit créée, avant que le gouverneur n'appose sa signature. Premièrement, expliquez-moi pourquoi il faudrait une loi. Deuxièmement, pensez-vous qu'elle prévoirait un processus de désignation différent de celui que prévoit déjà la Loi sur les océans? Je veux parler du gouverneur en conseil.

M. Lee: Le processus de désignation serait celui que je viens de vous décrire. Il s'agit d'un décret en conseil du Cabinet.

Le président: Et vous vous attendez à ce que cela ne change pas dans la loi.

M. Lee: Ce qui se passe en réalité - et cela se fait déjà, c'est que ces zones sont créées par une loi du Parlement, car elles sont constituées à jamais.

Le président: Donc, il y aurait une loi constitutive pour chaque aire ou zone.

M. Lee: Il s'agirait d'un ajout législatif à une loi.

Le président: Mais il faudrait que le Parlement l'approuve.

M. Lee: Oui.

Le président: Lorsque vous avez parlé d'une loi, je ne savais pas si vous faisiez allusion à une loi qui consacrerait le programme des aires marines nationales de conservation...

M. Lee: Oui.

Le président: Mais je pense que vous avez répondu à cette question. Vous avez dit qu'il faudrait une loi pour chacune des zones désignées. Il faudrait qu'une modification soit apportée à...

M. Lee: C'est même ce que prévoit la loi actuelle. Quoi qu'il en soit, nous devons améliorer notre législation. Comme je l'ai dit, les aires marines nationales de conservation sont venues s'ajouter à une loi, la Loi sur les parcs nationaux, qui avait pour objet la gestion de Banff. La gestion du parc Banff n'a rien à voir avec celle du parc Bonavista. Il s'ensuit une nouvelle série de problèmes pour nous.

Nous avons aussi, parce que nous sommes régis par la Loi sur les parcs nationaux... et je vais vous donner un exemple. Un problème se pose en ce sens que, conformément à la Loi sur les parcs nationaux, nous devons être propriétaires du sous-sol. Donc, si nous conservions la loi dans sa forme actuelle, elle limiterait nos initiatives à la mer territoriale. Nous aurions probablement de la difficulté à accepter une telle limitation. Il faut donc la modifier.

Comme je l'ai dit, à part cela, un bon nombre de problèmes de gestion des visiteurs se posent dans l'océan à cause des bateaux, problèmes qui ne se posent pas dans le cas des parcs nationaux. La gestion des visiteurs pose toutes sortes de problèmes qui sont tout à fait différents de ceux que peut poser un randonneur en forêt.

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Le président: Quel délai vous êtes-vous donné?

M. Lee: Nous visons l'automne prochain.

Le président: Donc, le ministère s'est déjà mis à la tâche en prévision de l'automne prochain?

M. Lee: Oui, les travaux ont commencé.

M. Verran (South West Nova): Pouvez-vous me dire s'il va s'agir d'un décret en conseil ou si la mesure va être déposée devant le Parlement? Je ne sais pas trop. Il y a une assez grande différence entre les deux.

M. Lee: De la façon dont je vois les choses pour le moment, ces aires seraient constituées en vertu d'une loi du Parlement.

Le président: Donc, il faudrait quand même obtenir l'autorisation du gouverneur en conseil, puis celle du Cabinet, après quoi la loi serait modifiée, sans oublier qu'il faudrait passer par P et P.

M. Lee: Oui.

Le président: Avant que vous nous quittiez, quelqu'un de Pêches et Océans aurait-il une réponse à la question posée au sujet de l'alinéa 35b)?

M. Gerry Swanson (directeur général, Direction générale de la gestion de l'habitat et des sciences environnementales, ministère des Pêches et Océans): Nous parlons ici de l'alinéa 35b) du projet de loi qui précise que le gouverneur en conseil peut, par règlement:

Des tribunaux se sont déjà prononcés sur la protection de l'habitat du poisson dans les eaux intérieures et ils ont donné à l'expression «ressources halieutiques» le sens de pêcheries ou de lieux où on a l'habitude de trouver du poisson et d'exploiter cette ressource, qu'il s'agisse de la pêche commerciale, récréative ou autochtone. Si vous le voulez, je pourrais remettre une copie de la décision rendue au greffier.

M. Baker: Mais la question avait trait à l'interprétation des mots «ressources halieutiques» ou «poisson». Ne serait-il pas possible de modifier le libellé pour qu'il soit plus clair, ou pensez-vous qu'il l'est assez?

M. Swanson: Je me suis un peu laissé guider par le dialogue que le comité a eu avec M. Parsons la semaine dernière. Il a été question du libellé du projet de loi. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aurait pas moyen de l'améliorer.

Le président: Vous n'avez pas répondu à sa question.

M. Baker: Il y a répondu parfaitement.

M. Swanson: Je pense que M. Parsons a répondu à la question la semaine dernière.

M. Baker: M. Parsons est sous-ministre adjoint, n'est-ce pas?

M. Swanson: Oui.

Le président: Et...? Qu'est-ce que je dois comprendre?

M. Baker: Le sous-ministre adjoint prend habituellement les décisions, de sorte que...

Le président: Oui, mais c'était une question facile. Si cela englobe uniquement un type de pêche, il peut y avoir une zone où des ressources ne sont pas exploitées actuellement, mais où les espèces peuvent être soumises à certaines pressions. La question était de savoir si cela serait inclus ou non. Nous prendrons conseil lorsque nous arriverons à cet article.

Merci beaucoup.

Notre prochain témoin est M. Don E. McAllister, président d'Écho de l'océan.

Monsieur McAllister, si vous voulez vous approcher du microphone, nous allons commencer sur-le-champ.

M. Don E. McAllister (président, Écho de l'océan): Je vous remercie de m'avoir invité. Vous m'avez fait honneur en m'invitant.

J'aurais quelques mots à ajouter au sujet de la dernière question sur le poisson et les ressources halieutiques. J'ai remis à la présidence une liste de 1 110 espèces que l'on trouve au Canada. Une centaine d'entre elles peut-être sont des espèces commerciales importantes; donc, il y a une différence entre le poisson et les ressources halieutiques. Ce terme n'englobe pas les invertébrés, c'est-à-dire les mollusques et d'autres poissons.

M. Baker: Il faudrait donc utiliser le mot «poisson»?

M. McAllister: Tout dépend du sens que vous voulez lui donner. Si vous voulez couvrir toutes les espèces de poisson, vous devrez utiliser les mots «poisson» ou «poissons». Si vous voulez ne tenir compte que de la pêche, alors il faudra utiliser «ressources halieutiques».

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Je travaille pour Écho des océans, un organisme canadien qui s'intéresse à la protection de l'environnement, et j'ai travaillé pendant 35 ans au Musée canadien de la nature où je suis toujours rédacteur-réviseur de la revue La biodiversité mondiale.

Biodiversité est un mot que je ne vois pas dans le projet de loi. Je vois que l'on a tendance à y considérer les êtres vivants comme des ressources, ce qu'a toujours fait le ministère des Pêches et des Océans. Comme je l'ai dit, il y a un petit pourcentage des poissons et des invertébrés qui sont une ressource. Or, nous oublions toutes les autres formes de vie qui existent dans l'océan, sauf lorsque nous parlons des écosystèmes.

Je crois que dans l'esprit de la Convention internationale de la biodiversité, ainsi que de la stratégie canadienne de biodiversité qui va être rendue publique sous peu, nous devrions parler de la conservation de la biodiversité et de l'utilisation durable des ressources.

Il est question dans le projet de loi de l'objectif que constitue le développement durable. J'aimerais qu'on soit plus précis et qu'on parle plutôt de développement soucieux de l'environnement ou d'utilisation respectueuse de l'environnement. En adoptant une vision trop étroite et en se disant tout simplement qu'il faut protéger la morue, on oublie l'écosystème et tous les autres processus dont la morue dépend.

On oublie également toutes les choses que la biodiversité fait pour nous. Chacun d'entre nous est en train de respirer de l'oxygène qui provient des diatomées qui vivent dans la mer. D'autres formes de vie marine entreposent du dioxyde de carbone et aident à tempérer notre climat. Les services qui nous sont ainsi rendus ne figurent pas encore dans nos comptes nationaux et, pourtant, ils sont tout aussi vitaux que tous ceux qui contribuent directement à la création de la richesse et de l'emploi.

La diversité est aussi très importante pour les océans. Un nombre beaucoup plus grand d'espèces vivent sur la terre ferme. On trouve dans les océans un nombre beaucoup plus grand de genres et de familles, des groupes d'organismes plus élevés, les branches les plus grosses de l'arbre de vie. Cela comporte un certain nombre de conséquences importantes pour ce qui est de la conservation et de l'utilisation. Cela veut dire que si l'on cherche, par exemple, un nouveau produit pharmaceutique, un nouveau médicament, une nouvelle ressource génétique, si l'on s'intéresse à la biotechnologie - et ce sont toutes là des choses dont le projet de loi ne parle pas puisqu'il y est question des ressources au sens classique du terme - alors l'endroit où trouver de nouveaux produits et médicaments est l'océan.

Parce qu'il est bordé par trois océans et compte de nombreux scientifiques et entrepreneurs, le Canada est bien placé pour entreprendre ce genre de développement. Le besoin s'en fait grandement sentir, car, à l'heure actuelle, sur la côte de l'Atlantique, nous sommes en train d'épuiser nos ressources traditionnelles que nous avions l'habitude de pêcher pour nous nourrir ou fabriquer des produits destinés à la vente. C'est une rue à sens unique et très courte, tandis que les gènes peuvent servir à la fabrication de produits dans des cuves après avoir été prélevés sur divers organismes, et voilà qu'on a une ressource non polluante qui a été tirée d'une matière première.

À cet égard, il est beaucoup question dans le projet de loi du plateau continental. On nous parle un peu des eaux plus profondes, mais chose curieuse à propos de la diversité de la vie marine, le nombre des espèces augmente à 500 mètres, dans d'autres cas à 1 000 mètres et même, pour plusieurs groupes, à 3 000 mètres. Lorsque nous parlons des nouvelles bioindustries, cela veut dire que nous disposons là de richesses ignorées.

Pour en revenir à la gestion, nous nous sommes attachés à compter le nombre des poissons et à savoir à quel rythme ils se développent, quel est leur taux de recrutement et combien nous pouvons en pêcher. C'est un mode de gestion que je qualifierais d'étroit. Il a fonctionné jusqu'à un certain point par le passé. Nous avons acquis une vaste expérience en ce sens. Mais si nous nous intéressions plutôt à une utilisation respectueuse de l'environnement, nous chercherions à en savoir plus sur la protection et la restauration de l'habitat.

Nous pensons aux chaînes alimentaires. La morue se nourrit de capelan. Si nous pêchons plus de capelan, cela va-t-il avoir une incidence sur le prédateur qu'est la morue? Allons-nous rompre l'équilibre prédateur-proie et nuire à la génétique et à la diversité des stocks de même qu'au cycle de vie? Il faut assurer la survie à chaque étape, sinon, au bout du compte, nous n'aurons ni morue ni nouveaux produits pharmaceutiques.

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Le Canada a aussi signé la déclaration de principe qui accompagnait la convention de la biodiversité et d'autres accords internationaux. Certes, nous devrions en tenir compte dans notre concept de gestion. Cela devrait nous protéger contre les cycles et les fluctuations au niveau de l'environnement. Des changements climatiques expliquent en partie la diminution des prises de morue, tout comme des erreurs humaines ou informatiques.

Le projet de loi ne traite pas directement de la cogestion, mais c'est certainement une question qui suscite un certain intérêt dans d'autres régions du monde où les pêcheurs, les villages côtiers, les peuples autochtones, les ONG, les entreprises de pêche et d'autres intéressés participent au processus de décision. Je ne dis pas que cela ne se fait pas au Canada, mais ce n'est pas une chose qui a beaucoup retenu l'attention.

Cela suppose également la participation de la population à l'attribution des prises. Qui profite des ressources? Est-ce le petit pêcheur des eaux intérieures ou la grosse société de pêche transnationale? Notre but est-il l'emploi ou le profit? Notre but est-il la préservation à long terme de la ressource? Plus nous traitons publiquement de toutes ces questions et moins il y a de décisions de ce genre qui se prennent à huis clos, moins il risque d'y avoir des abus.

Je suis heureux de voir qu'on a prévu dans la loi la création de zones de protection marine. Écho de l'océan voit d'un très bon oeil la création de nouvelles zones de protection marine puisque leur nombre est relativement bas au Canada par comparaison à des pays comme les Philippines où l'on trouve au moins une dizaine de parcs aménagés par les autorités provinciales ou nationales, et une centaine de parcs établis par des collectivités.

La vision étroite et dépassée des parcs consiste uniquement à préserver la biodiversité. Je n'aime pas le mot «uniquement». C'est un aspect extrêmement important de la gestion. Les parcs peuvent jouer un certain nombre d'autres rôles. Je pense à la protection de services ou de fonctions écologiques. Ils sont également utiles à la gestion.

À l'heure actuelle, sur la côte est du Canada, il n'y a pas une seule région de pêche où il ne se fait pas de pêche au chalut. Comment alors mesurer les effets que les chaluts peuvent avoir sur l'habitat, sur le cycle de vie des espèces commerciales et non commerciales? Comment savoir quels effets ils ont sur la biodiversité?

Il y a des endroits où il ne se fait aucune pêche au chalut. Il s'agit de fonds rocailleux où on risquerait de briser son chalut. Il y a aussi les dépôts d'armes militaires et, croyez-moi, personne n'y pêche au chalut. Nous n'avons aucun moyen de comparer les effets à long terme de la pêche à la palangre et de la pêche au chalut sur des régions similaires de sorte que les parcs marins peuvent nous être utiles en ce sens.

Dans d'autres régions du monde comme les Philippines, où Écho de l'océan a fait un peu de travail, on s'empresse actuellement de créer des parcs communautaires parce qu'ils sont profitables pour les pêcheurs. Tout le monde pense que si on soustrait certaines zones à la pêche, le pêcheur va s'en trouver perdant et avoir une réaction instinctive. Mais lorsque les poissons grossissent, ils ont un plus grand nombre d'oeufs. Un poisson deux fois plus gros n'a pas deux fois plus d'oeufs, il en pond trois fois plus.

Bien des oeufs et la plupart des larves de poisson sont transportés par les courants océaniques loin des frayères. Donc, s'il y a surpêche et que le poisson diminue dans une zone avoisinante, vous aurez dans ces parcs de gros poissons qui pondront de nombreux oeufs. Les oeufs et les larves pourront aller se déposer et éclore ailleurs. Il ne s'agit donc pas seulement de prendre les choses d'une boîte pour les mettre dans une autre; en constituant des réserves, on peut se retrouver avec plus de poisson.

J'aimerais vous parler des points névralgiques, des paysages marins et des groupes d'écosystèmes dont se composent ces paysages, mais nous n'en aurons pas le temps. J'ai remis au greffier un document de 44 pages qui sera présenté à Jakarta. Pour économiser le papier, je ne demanderai pas qu'il soit annexé aux délibérations, mais si quelqu'un est intéressé, je peux lui en remettre une copie. Il y a une copie de ce que je suis en train de lire et il y a une copie aussi du document sur les parcs marins que j'aimerais qu'on verse au dossier.

Au Canada et partout dans le monde, on a mis l'accent sur les parcs marins rattachés à la terre ferme. C'est presque tabou que de penser à un parc sur les Grands Bancs ou dans les eaux profondes qui baignent les îles de la Reine-Charlotte qui sont situées à l'intérieur de notre ZEE de 200 milles nautiques. Or, il faudrait pouvoir songer à toutes sortes de catégories de réserves et de parcs marins qui n'ont pas nécessairement à être reliés directement à la terre ferme.

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Il faudrait songer à créer des réserves et des parcs marins qui soient des entités distinctes. Il faut penser aux écosystèmes que nous avons et à la façon de préserver ces écosystèmes ou groupes d'écosystèmes dont se composent nos paysages marins en eau profonde. Pour cela, il faut rompre avec la tradition qui veut que, presque partout dans le monde, les parcs soient reliés à la terre ferme. Il y a quelques exceptions. Flower Bank, au large de la côte du golfe du Mexique aux États-Unis est à une distance de 120 milles du littoral, mais quand même sur le plateau continental. Je ne connais aucun parc sur le talus continental qui ait une profondeur de plus de 200 mètres ou qui soit situé au fond de l'océan.

Il faudrait songer à tout cela, non seulement pour les besoins de la conservation, mais aussi pour les recherches, la biotechnologie et tous les autres avantages énormes que peuvent procurer des zones de protection marine.

Pour en revenir à la gestion des pêches, il y a une question très importante qui a été soulevée, celle des engins de pêche et de la façon dont ils sont utilisés. En 1985, avant la fermeture de la pêche de fond, les lourdes portes des chaluts ont creusé des sillons au fond de la mer, le long des bancs de pêche de l'Atlantique sur une distance de 4,3 millions de kilomètres. Elles ont balayé une superficie de 29 000 kilomètres carrés. Ces chaluts sont équipés de lourdes portes et traînent de lourdes cordes. J'avais l'intention de vous apporter un bout de cordage du chalutier espagnol que le ministre Tobin a retenu à New York pour vous montrer à quel point il est solide, mais j'ai oublié dans ma hâte d'arriver ici. Ces véhicules de pêche sont puissants, solides et très efficaces.

Ils déracinent aussi les algues. Ils délogent également les invertébrés sessiles et les anémones de mer. Toute créature marine qui fait saillie au-dessus de la ligne - les rouleaux soulèvent un peu les lignes - est soit arrachée soit écrasée. Ces engins aplatissent aussi les monticules. Un gros chalut muni d'un moteur de 1 000 à 2 000 ou 5 000 chevaux-vapeur qui frappe un monticule de sédiments va en retrancher une partie qui sera rejetée plus loin. Un grand nombre des organismes qui vivent dans ces sédiments deviendront la proie de prédateurs. Les matériaux ainsi retournés étoufferont les pétoncles, les palourdes ou tout ce qui se trouve au fond de la mer.

Le délicat rapport entre les sédiments et l'eau dont notre expert ici parlait risque d'être rompu. Les sols des océans renferment un plancton minuscule, des milliers de toutes petites cellules d'algues qui vivent dans la colonne d'eau. Lorsqu'ils meurent ou traversent le tube digestif d'un poisson, ces organismes, ou déchets, tombent au fond de l'océan. Les organismes sédimentaires s'en nourrissent et les régénèrent, les bactéries les recyclent et, grâce aux saisons climatiques des mers et aux nutriments que ces plantes ont absorbés, elles remontent dans la colonne d'eau. Il y a des saisons où des tempêtes hivernales sévissent. Il y a plus de soleil au printemps. On trouve plus de nutriments au printemps parce que la croissance des plantes est moins prononcée l'hiver. La pêche au chalut est préjudiciable à toutes ces minuscules créatures, délicates et essentielles, qui vivent au fond de la mer.

Je pense que nous devons examiner nos engins de pêche et nous demander si c'est ce que nous pouvons faire de mieux. N'y aurait-il pas moyen de modifier les chaluts? Devrait-on les éliminer? Pendant près de 300 ans, nous avons pêché à la palangre et avec des casiers et nous nous en sommes pourtant pas mal tirés. Nous avons bien sûr eu des hauts et des bas, mais il faudrait examiner soigneusement la conception des engins et mieux les choisir.

Le Canada a participé à la rédaction du code de la FAO pour une pêche responsable. Il y est abondamment question de ces engins et des méthodes de pêche. C'est un code sans caractère obligatoire. Essayons de l'intégrer à nos lois. Essayons de l'intégrer à nos accords internationaux de pêche. Le Canada n'a-t-il pas déjà réussi à renforcer d'autres accords? Commençons à parler dans ces accords de la façon dont nous pêchons.

La gestion des écosystèmes devra également se faire en fonction de perspectives plus vastes et je pense aux changements climatiques, à l'augmentation des rayons ultraviolets et aux produits chimiques toxiques. Nous avons déjà des limites pour divers produits chimiques de sorte qu'on peut boire un verre d'eau s'il ne contient que cinq parties par million de ceci ou de cela. Cela ne nous dit rien des effets que peut avoir la présence dans l'eau de 50 produits chimiques, que ce soit pour le poisson ou pour nous. Nous connaissons déjà une partie de la réponse puisque, déjà, des bélugas sont morts dans l'estuaire du fleuve Saint-Laurent. Il ne faudrait pas oublier non plus les déversements de pétrole et la pollution attribuable aux travaux de forage.

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Il y a une autre zone très critique dans les océans, la surface. C'est là que vivent les neustons, ces petits organismes microscopiques qui vivent en permanence ou temporairement à la surface de l'eau ou juste en dessous. Une grande quantité d'oeufs de poisson et la plupart des larves de poisson remontent très près de la surface de la mer au moment de la ponte, même dans le cas des espèces benthiques. Ils se nourrissent de plancton.

La plupart des pêcheurs à la ligne ici présents et qui ont déjà nettoyé un poisson ont sûrement pu remarquer une espèce de petit ballon rose sous la colonne vertébrale, la vessie gazeuse ou natatoire. Cet appendice aide le poisson à se maintenir en équilibre dans la colonne d'eau de manière à pouvoir nager sans dépenser d'énergie. Pour que sa vessie gazeuse fonctionne, le poisson doit d'abord aller aspirer un peu d'air à la surface de l'eau. S'il y a des traînées de pétrole à la surface, il ne réussira pas à prendre son premier souffle de vie. Si le ministre Tobin peut parler des «ongles du turbot», je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas parler de «souffle de vie». Ce n'est pas un souffle de vie en fait, mais bien un souffle de flottabilité. Donc, lorsqu'on parle d'aménager des puits de pétrole sur les Grands Bancs et ailleurs et lorsqu'on parle de lutte contre la pollution marine, il faut penser à ce que cela fait aux poissons.

Il ne faut pas oublier non plus les effets toxiques du pétrole.

S'agissant de l'eutrophisation de l'eau attribuable aux produits agrochimiques et aux eaux domestiques, la nouvelle Loi sur les océans va-t-elle empêcher les capitales de la Colombie-Britannique et de la Nouvelle-Écosse de décharger leurs eaux d'égout dans l'océan? J'espère que oui.

Certains documents, qui n'ont pas fait l'objet d'une grande publicité, ont montré que le changement des courants dans les réseaux hydrographiques influe sur la disponibilité saisonnière des nutriments dans les estuaires et les océans adjacents. Maintenant, l'hiver, nous déversons plus d'eau. L'eau qui s'écoule à la surface entraîne avec elle une partie de l'eau salée qui se trouve en dessous. L'eau plus profonde remonte, selon un processus appelé l'entraînement, et est poussée vers le large. Lorsqu'elle remonte, l'eau plus profonde apporte des nutriments et, au printemps, les fleurs d'eau planctoniques dont le poisson se nourrit. Il y a un cycle dans tout cela.

Si nous déversons plus d'eau durant l'hiver, cela veut dire qu'il y en a moins au printemps, d'où une moins grande quantité de nutriments et une moins grande quantité de plancton. Où alors le poisson va-t-il trouver de quoi se nourrir?

Certains de ces changements sont graduels et nous devons examiner leurs effets cumulatifs. On se scandalise à la vue d'un spectacle comme celui de l'Exxon Valdez, on se scandalise à la vue du pétrole déversé, des oiseaux qui s'enlisent et des loutres de mer qui s'intoxiquent. Or, nos plans de gestion devraient tenir compte également des lents changements graduels. Il faut s'interroger sur des choses comme les produits chimiques toxiques et l'augmentation du nombre de barrages hydroélectriques.

Lorsqu'on évalue nos activités en mer, il est très utile de confier l'évaluation à quelqu'un qui a un peu de recul. Je dis cela parce que je ne peux pas voir, à la lecture du projet de loi, si le ministère participera à la surveillance de ses propres activités ou si cette fonction continuera à être confiée jusqu'à un certain point à Environnement Canada.

La plupart des centres de responsabilité des ministères n'ont pas leur pendant, côté vérification. Nous avons le vérificateur général. Nous ne l'aimons pas toujours, mais au moins il est là. Environnement Canada est très bien placé dans certains cas pour surveiller les activités dans le secteur des forêts, de l'agriculture et des pêches.

À titre d'utilisateur fréquent de la science, de représentant d'un ONG et de citoyen concerné, je dois avouer que je consulte fréquemment les rapports sur l'état de l'environnement, qui sont publiés sous la forme d'un gros volume tous les cinq ans et qui contiennent toutes sortes d'informations qui doivent être très utiles également au gouvernement et aux députés qui veulent savoir ce qui se passe vraiment. Cette publication est appelée à disparaître, car l'édition de 1996 sera la dernière.

J'aimerais qu'elle continue à être publiée et qu'elle traite encore plus des questions se rapportant aux océans. Après tout, 6,5 millions de kilomètres carrés du Canada se situent à l'intérieur de notre ZEE ou de notre secteur arctique, par comparaison à 10 millions de kilomètres carrés de terre. C'est une assez grosse partie du territoire.

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La recherche fournit les connaissances nécessaires pour comprendre et conserver la biodiversité, gérer les ressources biologiques et développer de nouvelles industries. Il n'est nulle part question de recherche dans le projet de loi. J'imagine que la plupart des gens ne se rappellent pas ou sont trop jeunes pour se souvenir que nous avions un conseil de recherches sur les pêcheries de classe internationale. Il a disparu et été fusionné. À cause de coupures à Pêches et Océans, l'aide à la recherche va encore diminuer.

Le Musée canadien de la nature, qui est à l'avant-garde des recherches sur la biodiversité, a vu son budget réduit de 21 millions à 13 millions de dollars et le nombre de ses scientifiques passer de 25 à 16 ces dernières années.

Dans la mesure où le Canada ne se dote pas de sa propre capacité de recherche, il deviendra la colonie de pays qui mettent l'accent sur la recherche le jour où les bioindustries seront devenues l'un des moteurs de la croissance économique dans le monde. Peu importe à qui cette recherche est confiée, l'important est qu'elle soit financée. Peu importe que les parcs marins et la recherche relèvent de Pêches et Océans, d'Environnement Canada ou du Musée; l'important, c'est le financement. Sommes-nous prêts à mettre de l'argent de côté et à accorder la priorité à ces questions?

Je ne sais pas s'il serait sage de regrouper un certain nombre de nos activités maritimes à l'intérieur d'un seul ministère, mais je pense que oui. Il faudrait examiner chacune pour évaluer le pour et le contre. Je suis un fonctionnaire dont le musée a fait trois ou quatre ministères. Nous relevions au départ de ce qu'on appelait Énergie, Mines et Ressources; puis, nous sommes passés au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et, ensuite, aux communications; nous avons aussi fait deux sociétés de la Couronne. Dans une certaine mesure, le va-et-vient d'un ministère à l'autre à l'intérieur du gouvernement a des effets très négatifs. Le public ne sait jamais à qui écrire. Nous pouvions autrefois compter sur Information Canada pour trouver les bonnes adresses, mais cet organisme a disparu lui aussi.

La constante réorganisation des services gouvernementaux entraîne pas mal de gaspillage. Il est assez terrible de voir la quantité de documents jetés à chaque déménagement. Par contre, il y a certains services qu'il serait très logique de regrouper à l'intérieur de Pêches et Océans et toute décision en ce sens aurait du bon.

Dans le secteur de la recherche et du développement, le Canada a l'habitude d'entreprendre certaines choses pour tout laisser tomber ensuite. Il y a eu l'Avro Arrow et le sous-marin Pisces, un sous-marin miniature fantastique que les Canadiens ont mis au point sur la côte ouest.

Nous avons eu plusieurs modèles du Pisces, mais je pense que l'entreprise qui l'avait conçu a un jour fait faillite. Cependant, les Russes nous en avaient acheté un et ils ont continué à le fabriquer. Qu'on en rie ou qu'on en pleure, il y a en Nouvelle-Écosse une entreprise qui a loué un navire-mère et deux sous-marins russes et qui a des options sur d'autres afin que nous ayons à notre disposition la plus grosse flotte de submersibles au monde. Les Russes ont amélioré notre design et nous utilisons maintenant des appareils de navigation de conception canadienne, mais de seconde main.

Les submersibles sont des véhicules utilisés pour explorer en haute mer, faire des recherches, prélever des échantillons biotechnologiques et explorer la surface de la terre qui se trouve en dessous de l'eau au-delà du plateau continental et qui représente 65 p. 100 de la superficie totale. Ils nous permettent également d'amener des touristes en eau profonde. Dans bien des pays tropicaux, il existe actuellement des autocars submersibles qui peuvent accueillir une quarantaine de personnes.

Je ne sais pas combien d'entre vous viennent de la côte ouest, mais il y a là toute une armée de plongeurs - souvent des touristes d'autres régions - qui explorent la magnifique forêt de varech de la côte ouest et les récifs en raison de la riche faune colorée qu'on y trouve. Nous ne sommes pas tous aussi en forme ou amateurs de plongée, même revêtus d'un vêtement isothermique, sans compter que certains ont des problèmes de santé, mais grâce au submersible, chacun peut s'y rendre. Le coût demandé est parfois élevé. C'est une excellente occasion d'affaires sur toutes nos côtes et il faudrait y réfléchir.

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J'ai bien aimé l'idée d'un énoncé de vision. Je crois que c'est quelque chose dont nous avons tous besoin. Où allons-nous? Pourquoi faisons-nous ce que nous faisons? Que voulons-nous au juste?

Nos voisins du Sud et certains de nos gouvernements provinciaux ont axé leur vision sur la réduction de la dette nationale ou provinciale. On fait des coupures dans le secteur de l'environnement et bien d'autres encore. C'est une vision négative. Je ne dis pas qu'il ne faudrait pas s'en préoccuper - de toute évidence, cela coûte cher - mais il faut s'occuper aussi d'un autre type de dette, et j'entends par là les coûts sociaux et environnementaux.

À l'heure actuelle, nous payons le prix de la disparition des stocks de morue sur la côte de l'Atlantique. Nous allons bientôt devoir payer chèrement le déboisement de la forêt. Il y a d'autres sortes de dettes que les dettes d'argent, et nous devrions en tenir compte dans notre système de comptabilité.

Élaborons une vision qui porte la marque de la réflexion, comme vous le faites ici aujourd'hui. Créons avec la participation des citoyens des rêves qui soient appuyés de recherches solides et d'une utilisation des ressources respectueuse de l'environnement, et continuons à assurer un suivi. Faisons en sorte que nos rêves englobent les eaux des océans qui recouvrent 70 p. 100 de la planète Terre. Dotons-nous d'une Loi sur les océans ouverte sur l'avenir.

Merci.

Le président: J'ai remarqué que certaines de vos opinions, ou peut-être toutes vos opinions, sont partagées par certains membres du comité. Je ne sais pas au juste quelle incidence certaines d'entre elles pourraient avoir sur la Loi sur les océans, quoique certaines des choses dont vous vous occupez influent assurément sur les responsabilités du ministre des Pêches et des Océans de même que, et peut-être plus encore, sur la Loi sur les pêches qui va bientôt être modifiée et nous être renvoyée.

J'ai trouvé extrêmement intéressantes vos observations sur la biodiversité et le choix des engins. C'est une question que nous avons soulevée ici au comité plus souvent que vous pourriez vous l'imaginer. C'est une question très difficile, car certains de nos membres viennent de régions où l'incidence sur l'économie locale est assez importante à cause des permis délivrés aux propriétaires de dragueurs.

Toute décision prise a une très grande incidence. Lorsque quelqu'un dit que la drague n'est pas une technique de pêche axée sur le développement durable, certains des pêcheurs à la drague, qui ne font que se livrer à des activités que la loi autorise parce qu'ils détiennent un permis, ont l'impression qu'on les montre du doigt et qu'on les accuse d'être des pirates qui détruisent l'environnement intentionnellement. Ce ne sont que des pêcheurs qui utilisent le permis qui leur est délivré pour gagner leur vie. Il est toujours difficile de faire la part des choses.

À votre avis, comment se fait-il que nous n'ayons pas réussi à obtenir du ministère des Pêches et des Océans ou des scientifiques des preuves plus concluantes au sujet de l'incidence environnementale des engins de pêche à la drague? Chaque fois que nous soulevons la question, on nous dit qu'on ne sait pas s'ils sont vraiment dommageables et que rien ne le prouve.

Bon nombre d'entre nous ont parlé à des pêcheurs côtiers qui utilisent un hameçon et une ligne. La science est essentiellement fondée sur l'observation. Nous avons sur la côte des dizaines de milliers d'observateurs qui sont prêts à jurer sur la tête de leur mère que les dragueurs ont détruit l'écosystème et contribué à l'effondrement de certains stocks.

Pourquoi la science n'est-elle pas plus rigoureuse? Est-ce si difficile de prouver que cette technologie n'est peut-être pas la bonne?

M. McAllister: Depuis un certain nombre d'années, toutes sortes de documents sont publiés en Europe à ce sujet. J'en ai moi-même rédigé un il y a à peu près cinq ans et j'en ai présenté un autre à Coastal Zone Canada '94, documents dans lesquels j'essayais de prendre du recul comme scientifique et de formuler des hypothèses sur l'action des chaluts. Les engins dont je parlais détruisaient l'habitat benthique et troublaient les sédiments.

Il y a deux problèmes. Le premier, c'est que nous ne pouvons pas voir ce qui se passe au fond de l'océan. Quand il y a une coupe à blanc dans l'île de Vancouver, on s'en aperçoit. On ne peut pas voir au fond de l'océan de sorte que le public se préoccupe moins de ce qui s'y passe.

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Traditionnellement, la science ichtyologique a toujours été précise et efficace. Elle a été précise en ce sens que nous pouvons compter le nombre de poissons, déterminer leur âge, examiner le recrutement et étudier les prises. Dans la mesure où il n'existait pas de chalutiers très puissants, de chalutiers munis de moteurs et de filets de plus en plus gros, de chalutiers équipés de matériel de navigation, de chalutiers équipés de manière à pouvoir naviguer malgré le mauvais temps, il n'y avait pas vraiment matière à inquiétude. Mais, maintenant, à l'échelle mondiale, il y a une surcapacité énorme dans le secteur de la pêche - et un grand nombre de navires plus gros. Il y a dans le monde 23 000 navires d'une capacité de 100 tonnes ou plus, et nous n'avons rien fait.

La gestion des pêches, qui était étroite, s'oriente graduellement, je pense, vers une gestion écosystémique. De plus en plus de documents portent sur la question, mais nous avons du chemin à faire.

Le ministère des Pêches et des Océans a conçu pour ses chaluts à crevettes une grille qui réduit grandement les prises accessoires - les prises de poissons et d'invertébrés qui sont rejetés par-dessus bord. Ceux-ci sont morts ou se meurent en grande partie, mais pas tous; certaines palourdes se remettent très bien de leur petit voyage à la surface. Je dirais que le tiers peut-être des prises mondiales des chaluts sont rejetées à la mer de sorte qu'il y a une énorme perte pour ce qui est de la quantité de nourriture et de la biodiversité.

Je le répète, parce que cela se passe en mer, personne ne voit ce qu'on jette par-dessus bord. Il n'y a pas de touristes à bord des chalutiers. Donc, la situation s'explique en partie par le fait qu'on ne voit pas ce qui se passe et en partie par l'étroite vision traditionnelle de la gestion.

Nous commençons maintenant à voir, dans nos eaux et sur les récifs de corail, ce qui se passe lorsqu'on endommage l'habitat. Par exemple, un récif dont on ne prend pas soin va donner cinq tonnes métriques de poisson par année par kilomètre carré. Le chiffre correspondant est de 25 ou 30 tonnes métriques par année pour un récif en santé.

Nous n'avons pas de chiffres pour les eaux du nord du Canada. Nous avons une idée des organismes qui sont touchés et des changements au niveau des populations, mais nous n'avons aucun chiffre sur la production, en raison en partie du fait que nous n'avions pas de zones de contrôle, de parcs marins où évaluer le processus.

Le président: Donc, selon vous, la disposition concernant les parcs marins pourrait servir à faire avancer la science dans ce secteur?

M. McAllister: Énormément. Il faudra attendre que la faune et la flore se refassent. Nous avons dans l'Arctique certaines zones qui ne sont pas touchées, mais il va falloir laisser les Grands Bancs se rétablir et nous pourrons voir, dans 20 ans, comment cela aurait pu être aujourd'hui.

M. Michael Risk, de l'Université McMaster, a essayé d'évaluer l'âge de certains des organismes d'après le diamètre du tronc de gorgones. Il s'agit d'organismes qui ressemblent au corail et qui datent de milliers d'années. Il a repéré tout autour des fragments de spécimens plus vieux et a constaté, en utilisant la même technique, qu'ils dataient de près de 10 000 ans.

C'était dans une zone plus profonde - le Dôme Orphan, je crois - où il n'y avait jamais eu de pêche au chalut. Mais les aires de ce genre ont disparu de la presque totalité des Grands Bancs de sorte que nous ne savons pas ce qui était là avant. Non, ce n'est pas tout à fait vrai, mais nous n'avons pas une bonne idée de la vie marine qu'on y rencontrait.

Le président: Madame Payne.

Mme Payne: Monsieur McAllister, ce que vous avez dit au sujet des techniques de pêche et de ce qui se passe lorsque certaines techniques sont utilisées fait écho à ce que j'entends les pêcheurs de la côte est de Terre-Neuve dire depuis longtemps. Mon mari serait tout à fait d'accord avec vous.

Avez-vous une idée du temps qu'il faudrait pour qu'une zone d'alimentation ou de reproduction se rétablisse après avoir été détruite, comme c'est le cas je pense, par des dragueurs?

M. McAllister: Je ne peux faire que des hypothèses. Nous avons des chiffres pour les récifs de corail. Il faut 37 ans pour que les coraux reviennent à moitié.

Nous n'avons aucune donnée pour le Canada, mais je parlerais de décennies. La plupart de nos stocks de poisson, si les conditions s'y prêtent, se rétabliront plus rapidement que cela. Notre saumon a des cycles de quatre ans et notre morue, de sept, huit, neuf ou dix ans, et les catégories d'âge varient énormément.

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Mais certains spécimens de la faune benthique comme les algues marines reviennent chaque année à condition d'être suffisamment nombreuses pour se repeupler. Donc, la réponse variera en fonction des différentes composantes de l'écosystème.

Mme Payne: Je vois.

M. Wells (South Shore): Je me demandais si M. McAllister ne pouvait pas nous procurer un exemplaire de certains des documents auxquels il a fait allusion, surtout celui de 1994.

M. McAllister: À propos de la pêche au chalut?

M. Wells: Oui.

M. McAllister: Bien sûr.

M. Wells: Je pense qu'ils nous seraient utiles.

M. McAllister: Je peux les envoyer au greffier.

Le président: Oui, envoyez-les au greffier, monsieur McAllister.

M. McAllister: Il y a une autre étude que je cite, une étude américaine importante qui vient d'Alverson qui a beaucoup plus de ressources qu'Écho de l'océan, mais on y dit essentiellement la même chose.

M. Wells: Vous avez parlé dans votre exposé des ONG et du rôle important qu'ils jouent sur le plan de la vision, des conseils et de la surveillance. Je dirais que nous sommes tous d'accord avec vous, mais vous dites aussi que les ONG devraient participer à une cogestion. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que vous avez voulu dire et que vous décriviez le rôle qu'ils pourraient jouer, selon vous, dans la cogestion des ressources halieutiques.

M. McAllister: Je suis d'avis que les pêcheurs, les entreprises de pêche, les Autochtones, le cas échéant, et divers autres éléments de la société, dont les pêcheurs récréatifs dans certaines régions, de même que les ONG, devraient avoir leur mot à dire. Ils ont parfois des préoccupations environnementales plus vastes que les pêcheurs et les entreprises de pêche. Ils s'intéressent aux écosystèmes et à l'habitat et ils savent faire valoir leurs intérêts et leurs préoccupations.

Je ne dis pas qu'il n'est pas important de mettre l'accent sur certaines espèces. Elles sont très importantes pour notre économie et pour l'emploi.

Les ONG ne subissent pas non plus les mêmes pressions. J'ai participé aux négociations sur la convention de la biodiversité et sur la stratégie canadienne de biodiversité, et j'ai constaté que les ministères qui s'occupent des ressources, à l'échelle provinciale et fédérale, partagent parfois les mêmes vues que l'industrie - mais pas toujours et il est vrai qu'à certains égards ils défendent des vues et des positions différentes. Les ONG peuvent en quelque sorte jouer le rôle d'un chien de garde, d'un vérificateur.

Les ONG ont aussi des vues assez étroites, à certains moments, leurs propres préjugés.

Donc, il est important qu'il y ait divers intervenants.

Pour en arriver à ceci, nous avons discuté de certaines des questions avec divers intervenants dont les vues ne sont pas toutes représentées ici. Il y a aussi certaines choses qui ont été retranchées de la version finale, en raison probablement de l'influence de l'industrie et peut-être même des ministères responsables des ressources. Nous ne le savons pas, mais il serait utile peut-être de revenir sur certaines questions.

Monsieur le président, vous avez aussi mentionné la biodiversité. On vient de publier une nouvelle étude sur la biodiversité du Canada, qui couvre certaines des questions que nous abordons ici. Elle précise combien d'espèces marines nous avons et donne un aperçu de renseignements assez utiles. Elle coûte 50$ plus la TPS.

M. Verran: Je me demandais si vous pouviez nous dire où se trouvent au juste les dépôts d'armes militaires dans l'Atlantique.

M. McAllister: Je ne peux pas vous dire où précisément, mais ils sont situés entre l'île de Sable et la partie continentale de la Nouvelle-Écosse. Je suppose qu'on y jette de vieux chars d'assaut, de vieilles munitions et Dieu sait quoi d'autre. Je n'ai pas fait de visite. L'armée pourrait probablement répondre à cette question. J'imagine que bien des pays ont ce genre de dépotoir.

Il y a aussi des dépotoirs dans bien des États pour d'autres types de vieil équipement. Vous avez probablement lu dans les journaux des articles où l'on se demandait quoi faire avec de vieilles installations de forage pétrolier dans la mer du Nord, à savoir s'il fallait les jeter à la mer ou les ramener à terre.

Aux États-Unis, il y avait des zones pour le déversement des eaux usées d'origine domestique et l'enfouissement des déchets, mais je pense qu'elles ont été éliminées.

M. Verran: Je me demandais si ces sites avaient servi aux bases américaines comme celle d'Argentia.

M. McAllister: Je n'en sais rien.

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M. Verran: Monsieur le président, il y a une chose que j'aimerais dire avant que tout le monde s'en prenne aux dragueurs en général. Je tiens à signaler à mon ami, Derek, à d'autres membres du comité et à nos invités de ce matin que je ne peux pas parler avec compétence d'autres espèces de poisson et des effets que la drague a sur elles, mais je sais pertinemment que dans des zones où la pêche à la drague a toujours été pratiquée, l'industrie du homard se porte mieux que jamais. Il est prouvé que dans les zones traditionnelles de pêche à la drague, le homard se multiplie. Il y est beaucoup plus abondant que dans les zones contiguës à celle où la pêche à la drague est pratiquée. Je tenais à le signaler avant que nous généralisions.

M. McAllister: Il y a peut-être une raison à cela. Si on élimine les prédateurs des jeunes homards, un plus grand nombre d'entre eux survivront et atteindront l'âge adulte. Par contre, les chaluts détruisent les racoins où ils aiment se cacher, ce qui devrait avoir une incidence néfaste dans l'ensemble.

Nous savons que notre industrie du homard continue à se porter relativement bien, mais je pourrais ajouter que nous ne pêchons pas le homard au chalut. Nous utilisons des casiers qui reposent tranquillement au fond de l'océan à moins qu'une énorme tempête ne les emporte avec les bouées. C'est un engin respectueux de l'environnement, à une seule exception près. S'il est emporté par une tempête, par des filets maillants et certains autres types d'engin, c'est la pêche fantôme, du poisson continuant à être capturé par l'engin. Il s'agit là d'un autre problème de gestion durable.

Si la ralingue supérieure des filets maillants était biodégradable, elle pourrirait et le filet irait s'échouer au fond. C'est la même chose pour le cordage des casiers. On pourrait attraper des crabes et d'autres espèces du genre, mais les homards pourraient s'échapper ou n'entreraient tout simplement pas dans les casiers puisqu'ils seraient grand ouverts. Il y a donc des façons de faire en sorte que les engins soient encore plus respectueux de l'environnement.

M. Verran: Vous avez parlé de la disparition des racoins où le homard peut vivre ou se cacher mais, à ma connaissance, cela n'a pas encore été prouvé. En fait, comme je l'ai dit tout à l'heure, le homard se porte mieux dans ces zones que jamais auparavant.

M. McAllister: Je n'ai pas voulu dire...

M. Verran: Et il se porte mieux que dans les zones adjacentes où il ne se fait aucune pêche à la drague.

M. McAllister: Je n'ai pas voulu vous contredire. Tout ce que j'essaie de dire, c'est que si on fait le bilan, en éliminant les prédateurs, on fait peut-être gagner sept points au homard. En détruisant son habitat, on lui en fait perdre trois. Il s'en sort quand même gagnant.

M. Caddy, qui a travaillé pour Pêches et Océans et qui travaille maintenant pour la FAO, a rédigé un excellent article à ce sujet et il a poussé encore plus loin depuis sa théorie voulant que les petits poissons et les jeunes homards aient besoin de racoins pour se cacher et échapper à leurs prédateurs.

Vous avez probablement raison. C'est tout simplement que les plus l'emportent sur les moins.

Le président: À moins que je me trompe, notre témoin doit se rendre à Perth.

M. McAllister: Oui.

Le président: Je n'ai aucune idée de l'endroit où Perth se trouve.

M. McAllister: À une heure et quart de route d'ici.

Le président: Et à quelle heure devez-vous y être?

M. McAllister: Je peux rester jusqu'à 13 heures si vous le voulez.

Le président: C'est parfait. Nous allons laisser la parole à M. Baker. Nous devrions avoir terminé dans dix ou douze minutes.

M. Baker: Pouvez-vous me dire tout d'abord si vous êtes un biologiste spécialisé dans l'étude des poissons?

M. McAllister: Non. J'ai été ichtyologiste pendant trente ans. Il s'agit d'un spécialiste qui étudie la classification, la distribution et l'évolution des poissons, leur habitat, la façon de les différencier et la manière de décrire de nouvelles espèces et de dresser des listes comme celle que vous avez devant vous. Comme mes collègues au musée, je publie des guides destinés à populariser l'écotourisme et la pêche à la ligne et je fais des recherches très spécialisées dont vous ne voudriez probablement pas entendre parler.

Le président: M. Baker est un expert de - comment est-ce que ça s'appelle, George, l'os dans l'oreille de la morue à partir de laquelle... comment ça s'appelle?

M. McAllister: L'otolithe.

Le président: C'est ça.

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M. Baker: C'est la ralingue inférieure qui devrait être biodégradable au lieu de la ralingue supérieure, ce qui fait que les filets pourraient remonter à la surface. Vous n'auriez qu'à les ramasser.

M. McAllister: Pour les recycler. Bonne idée.

M. Baker: J'aimerais savoir pourquoi l'article 17 vous déplaît.

M. McAllister: C'est peut-être parce que je ne suis pas avocat...

M. Baker: Non, croyez-moi, tout leur échappe.

M. McAllister: Eh bien, l'alinéa 17(1)a) dit ceci:

Je me demande si cela n'exclut pas les eaux profondes. J'aimerais que le Canada étende jusqu'à la limite de 200 milles marins chaque partie du fond marin, que ce soit sur le plateau, qui va jusqu'à 200 mètres, que ce soit sur le talus, qui va jusqu'à une profondeur de 3 000 mètres ou, dans le cas de la côte ouest, au-delà de 3 000 mètres. Je pense que c'est un prolongement naturel de la terre ferme. Si je me trompe, et je pense que l'alinéa b) est assez clair, alors je n'ai aucune objection.

M. Baker: Permettez-moi d'essayer de reformuler votre objection.

À l'alinéa 17(1)a), le plateau continental est explicitement défini en ces termes:

Par contre, si on prend l'article 18 pour avoir un exemple de l'application de cette définition, on peut voir que «la souveraineté du Canada sur son plateau continental s'étend à l'exploration de celui-ci...».

Donc, vous trouvez qu'il ne suffit pas que le Canada puisse exercer sa souveraineté sur son plateau continental si celui-ci n'englobe pas les grands fonds des océans.

M. McAllister: Cela ne suffit pas parce que nous ne pourrons pas ainsi conserver les ressources qu'ils renferment et cela ne suffit pas non plus parce que nous ne revendiquons pas ces eaux pour le développement de la biotechnologie et d'autres bioindustries. Je pense que la biotechnologie est appelée à être l'une des grandes industries de demain. Silicon Valley fera bien piètre figure à côté de ce qu'il sera possible de réaliser avec les gènes. Si un organisme compte 100 000 gènes - et il y a jusqu'à 10 millions d'espèces dans l'océan - vous pouvez vous imaginer le nombre de gènes avec lesquels nous pourrons faire des essais, si nous le souhaitons, tout en respectant l'environnement, dans des réservoirs ou sur la terre ferme. Mais il faut pour cela que nous disions ce que nous possédons dans les océans; nous devons revendiquer notre souveraineté.

Il est question dans la Convention internationale de la biodiversité du pays d'origine. Est-ce que nous ne pourrions pas dire que ces fonds marins font partie de notre pays et que nous avons le droit de les utiliser?

M. Baker: Monsieur le président, je pense que c'est un point très important qu'il faudrait examiner avec les avocats à une réunion ultérieure - étant donné que, comme le témoin l'a signalé, ce n'est que sur son plateau continental que le Canada pourra exercer sa souveraineté sur les ressources qui se trouvent au fond de la mer ou qui sont en contact avec celui-ci, ou qui sont indirectement en contact avec les fonds marins correspondant au plateau.

Donc, si c'est le cas, et c'est bien ce que dit l'article 18, lorsqu'on se reporte à l'article 17, comme le témoin l'a signalé, pour voir en quoi consiste le plateau continental, on constate que les grands fonds des océans ne semblent pas en faire partie.

Le président: Nous allons en prendre note, monsieur Baker.

M. Baker: C'est très important et nous ne saurions accepter pour seule explication que ce n'est là qu'une façon de définir le plateau continental. Oui, mais parce qu'on le définit, notre compétence sur le plateau continental s'en trouve limitée ailleurs dans le projet de loi.

M. McAllister: Maintenant que nous en parlons - je ne pensais pas avoir assez de temps, mais je pourrais prendre une minute de plus.

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Il y a sur toutes les bonnes cartes du Canada que j'ai consultées une ligne frontière internationale qui va de la frontière Yukon-Alaska jusqu'au pôle Nord et vers le sud jusqu'à un endroit situé entre l'île d'Ellesmere et le Groenland. Il n'en est pas question dans la loi. Je ne sais pas jusqu'ou au juste va la limite de pollution des eaux arctiques, mais je pensais que c'était à 200 kilomètres. Est-ce que cette vieille limite, qui apparaît sur les cartes depuis des années, a été abandonnée? Il n'en est pas question dans ce projet de loi.

M. Baker: C'est un autre point qu'il faudra soulever en présence des témoins, parce que les experts sont ici dans cette salle avec nous.

Le président: Je vous demanderais d'expliquer de nouveau. Je n'ai pas compris.

M. McAllister: Si vous prenez n'importe quelle bonne carte du Canada, vous verrez qu'il y a une ligne de délimitation qui va de la frontière Yukon-Alaska à travers le talus continental jusque dans le fond de l'océan, à une profondeur de 7 000 mètres je crois dans le Bassin Canada, si je me souviens bien, et puis jusqu'au pôle Nord. Il y a une autre section qui va jusqu'à la frontière entre le Canada et le Groenland et il y en a aussi une autre entre le détroit de Davis et le bassin Baffin.

Je pense que c'est ce que le Canada avait proposé à l'origine pour pouvoir revendiquer toutes les îles que nous n'avions pas encore découvertes et qui pourraient un jour émerger. Ce n'est peut-être qu'une supposition de ma part, mais nous avons déjà pris position à ce sujet dans le passé. Cela figure sur les cartes officielles d'Énergie, Mines et Ressources, mais je ne vois aucune allusion à cela dans la loi.

M. Baker: Nous allons examiner la question à une réunion ultérieure avec des experts.

Le président: Nous allons examiner ces deux questions.

M. Baker: J'aurais une ou deux choses à signaler au témoin. Vous savez sans doute que bien des poissons n'ont pas de vessie gazeuse. Ils doivent nager sans arrêt, sinon ils vont tomber au fond et se faire manger par les homards dont Harry nous a parlé. Le maquereau n'a pas de vessie.

Saviez-vous que la technologie utilisée par les dragueurs que vous mentionnez sans cesse, surtout ceux de la classe Omul, qui sont construits dans les États russes et que les Espagnols...

Ils n'utilisent pas, comme nous, de sonars pour repérer la vessie gazeuse. Ils ont leur propre technologie qui est maintenant tout à fait différente. Elle est plus précise. Alors que nous ne pouvons pas voir une école de maquereaux au sonar, ils le peuvent.

C'est très intéressant. Il s'agit d'un équipement très perfectionné. C'est incroyable. Ils pourraient pêcher jusqu'au dernier poisson dans l'océan.

M. McAllister: Nous aussi avons de très bons sonars à balayage latéral. Nous avons dessiné d'excellentes cartes topographiques des fonds marins et nous pouvons détecter les effets des chaluts grâce à un équipement d'une plus grande précision, mais je ne connais pas la technologie dont vous parlez.

M. Baker: Votre exposé m'a beaucoup impressionné, mais il y a une chose que je dois vous dire au sujet du terme «trawler» que vous utilisez. Dans les circonscriptions des députés d'en face, un «trawler» comme on le dit en anglais, est un bateau muni d'une longue ligne et d'hameçons. Si vous allez dans leur coin et que vous leur parlez de ces malheureux «trawlers», comme je l'ai fait à un moment donné, vous verrez que ce sera le silence total, car tout le monde va se demander de quoi vous parlez.

C'est ce qu'ils appellent en anglais un «dragger». Les chalutiers à pêche latérale et les chalutiers à pêche arrière, comme on les appelle, ne sont pas vraiment des «trawlers». Il va falloir que vous vous en rappeliez. C'est le terme «draggers» que vous devrez utiliser.

M. McAllister: Tout dépend d'où vous allez.

Le président: Votre santé pourrait en dépendre.

M. Baker: Oui, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse.

J'ai une dernière question. Vous voudriez que l'on remplace l'expression «développement durable» par l'expression «utilisation respectueuse de l'environnement». Est-ce que vous proposez de modifier le libellé du projet de loi?

M. McAllister: Je pense que nous devrions modifier le libellé pour qu'un changement s'opère au niveau de la philosophie, pour en finir avec une vision étroite axée sur les espèces. Il y a un mouvement en ce sens en ce qui concerne la science halieutique et la gestion et je pense qu'en plus de changer l'atmosphère, cela aurait l'avantage d'être plus précis.

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C'est la Commission Brundtland qui a popularisé le développement durable il y a quelques années. C'est un terme douteux et, bien qu'il soit défini ici, il continue à mettre l'accent sur le développement durable des ressources et de la planète. La plus grande partie de la biodiversité n'a rien à voir avec les ressources. Nous devons essayer de voir plus grand pour toutes sortes de raisons: services écologiques, beauté, conservation et j'en passe. Nous devons nous intéresser aux autres formes de vie sur la terre, qui représentent 90 p. 100 de l'ensemble.

Le président: C'est parfait. Vous allez arriver à peu près à temps. Je tiens à vous remercier de votre exposé. Vous nous rendriez grandement service, monsieur McAllister, en nous faisant parvenir à la première occasion les documents dont M. Wells a parlé.

M. McAllister: Avez-vous une carte avec une adresse?

Le président: Oui, le greffier va s'en occuper. Encore une fois merci d'être venu nous rencontrer. Il se pourrait que nous fassions de nouveau appel à vous pour obtenir plus de précisions. Soyez prudent sur la route.

Cela clôt nos audiences pour aujourd'hui. Celles qui devaient avoir lieu demain sont annulées. Nous allons reprendre nos travaux mardi prochain et entendre à ce moment-là quelques témoins.

Je pense que nous devrions poursuivre nos vidéo-téléconférences. Ensuite, nous choisirons nos témoins; puis, à la fin, nous entendrons ceux que nous devions rencontrer jeudi.

Avec ce qui se passe, il nous est impossible de nous en tenir à notre calendrier et il va être trop difficile à la fin de la semaine d'avoir quorum. C'est un texte de loi important et je ne voudrais pas que nous soyons seulement trois ou quatre à en discuter ici.

Je vais lever la séance et nous reprendrons nos travaux mardi prochain.

Je tiens également à indiquer aux membres du comité directeur que nous devrions essayer d'avoir une petite réunion à la Chambre aujourd'hui pour nous occuper de la question du personnel.

La séance est levée.

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