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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 novembre 1995

.0916

[Traduction]

Le président: Nous commençons presque à l'heure. Ce n'est pas mal. Nous nous améliorons. Un de ces jours, nous allons même arriver à l'avance.

Il y a des points à éclaircir avant de passer aux témoins sur la liste. À la suite des séances et des réunions d'hier, plusieurs questions ont été soulevées. Hier, il semblait y avoir énormément de confusion de la part de nos témoins quant à l'intention que la loi à deux égards, soit les pouvoirs du ministre et les droits à payer.

Du côté des droits à payer, je crois que nous avons réussi à tirer les choses au clair pour certains témoins qui avaient malheureusement été mal informés à propos de l'objet du législateur et de l'impact de la loi sur le plan des droits. Cependant, quant aux attributions du ministre, le porte-parole du Nouveau parti démocratique, Robert Chisholm, a parlé de la Loi concernant les océans lors d'une table ronde organisée par certains groupes de pêcheurs au Cap-Breton il y a environ une semaine. Il est assez évident qu'il n'avait pas demandé des renseignements auprès du ministère et qu'il n'avait probablement pas lu la loi. Il a dit au groupe que ce projet de loi accordait au ministre des pouvoirs inhabituels qui lui permettraient de privatiser l'industrie.

Il va sans dire que divers groupes de pêcheurs de Halifax ont exprimé leurs préoccupations hier, avec raison. Ils voulaient être rassurés que les nouveaux pouvoirs accordés au ministre dans cette loi ne permettraient pas ce genre de privatisation et, deuxièmement, que ce projet de loi n'aurait aucune incidence sur les droits pour services dans le domaine des pêches. Nous savons que la loi a un impact sur le secteur du transport maritime en vertu des nouveaux pouvoirs accordés au ministre à l'égard de la Garde côtière.

La troisième question - et nous allons terminer ceci le plus rapidement possible - portait sur le processus des consultations. D'après ce que j'ai reçu, je crois que les consultations qui ont mené à ce projet de loi ont été très vastes et longues, voire trop longues, mais étant donné la nature des consultations, il y en a jamais assez ou il y en a trop. On cherche toujours un juste milieu, Donc, à un moment donné, soit après ce bref exposé, soit plus tard ce matin lorsque ce sera possible, j'aimerais que quelqu'un puisse décrire aux fins du procès-verbal le type de processus de consultation auquel on s'est prêté pour que les membres du comité puissent aider d'autres témoins à cet égard s'il y a lieu.

Cela étant dit, commençons.

M. Scott Parsons (sous-ministre adjoint, Sciences, ministère des Pêches et des Océans): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Scott Parsons et je travaille à Pêches et Océans. Je suis accompagné par Cheryl Fraser, sous-ministre adjointe par intérim des politiques, et Mike Turner, sous-ministre adjoint responsable de la Garde côtière.

Lors de mes observations au comité au moment de la séance d'information sur la Loi concernant les océans du Canada, j'ai parlé en détail de la structure de la loi, de son contenu et ainsi de suite; j'ai mis l'accent sur le contenu de la loi. Étant donné les réactions que j'ai eues à la réunion hier et en vue de vos commentaires ce matin, je vois que certains témoins qui comparaissent devant le comité n'ont pas une idée claire de ce qui est prévu dans la Loi concernant les océans du Canada et de ce qui ne l'est pas.

Je sais que la question des droits de permis de pêche a été soulevée, ainsi que la question des allocations de permis et, dans certains cas, la question de la cogestion et des partenariats. En réalité, je ne sais pas si les témoins l'ont dit ici, mais dans ce même contexte, j'ai vu dans des coupures de presse que les médias parlaient de quotas individuels, dont il a été question ici, et de la privatisation de l'industrie, qui se retrouverait entre les mains de compagnies étrangères. Voilà certains des commentaires que j'ai lus.

.0920

J'aimerais préciser pour le procès-verbal que cette loi, la Loi concernant les océans du Canada, n'a rien à voir avec les droits de permis de pêche, les permis, les allocations ou la question de ce partenariat de cogestion dans le domaine des pêches, dont le ministère discute actuellement avec l'industrie. Et plus précisément, sans équivoque, cette loi n'a rien à voir avec la fixation de quotas individuels ou la privatisation des pêches. Ce n'est pas une loi sur la gestion des pêches. Actuellement, la gestion des pêches est assurée en vertu de la Loi sur les pêches et continuera à l'être.

Quant aux droits de permis de pêche, il y a eu de vastes consultations à ce sujet avec l'industrie dans tout le pays. Cela ne veut pas dire que tout le monde a participé, évidemment, mais il y a eu beaucoup de consultations. Les droits de permis de pêche sont régis par des mécanismes en vertu de la Loi sur les pêches actuelle.

Il y a eu de vastes consultations dans tout le pays sur l'élaboration de la Loi sur les océans. Évidemment, comme on pourrait s'y attendre, il a été impossible de renseigner chaque citoyen à ce sujet, mais beaucoup de groupes ont reçu des renseignements à cet égard, et certains de ces groupes ont comparu devant le comité.

La partie I de la loi, comme je l'ai mentionné dans mes observations plus tôt, porte essentiellement sur la refonte de la Loi sur la mer territoriale et les zones de pêche, de la Loi sur l'application extra-côtière des lois canadiennes et ainsi de suite dans une seule loi. De nouvelles zones ont été créées, telles que la zone contiguë, qui n'a rien à voir avec les questions des pêches, et la zone économique exclusive, qui n'a rien non plus à voir avec les questions des pêches, car nous avons déjà une zone de pêche de 200 milles qui est couverte par des mécanismes qui existent déjà. Donc, rien dans cette partie de la loi porte sur ce genre de question

La partie II de la loi, qui porte sur l'élaboration d'une stratégie de gestion des océans, donne en effet un rôle de direction au ministre des Pêches et des Océans pour réunir les initiatives des divers ministères dont les responsabilités touchent aux océans et qui ont un rôle clé à jouer dans la gestion des zones côtières, etc. On s'engage à élaborer des plans intégrés de gestion des océans avec la participation des intervenants. La question de la participation des intervenants y occupe une place importante.

La partie III de la loi, intitulée «Attributions du ministre», porte sur deux ou trois grands domaines. Il y a l'intégration de la Garde côtière et du MPO, et je crois que le commissaire de la Garde côtière va renseigner le comité à ce sujet la semaine prochaine. Elle porte sur des questions liées aux sciences de la mer, telles que la recherche, etc. Il y a une disposition générale qui porte sur la facturation, mais ce n'est pas le mécanisme. Cette disposition n'a rien à voir avec la question des droits de permis de pêche.

Il y a un sujet que certains témoins pourraient soulever devant ce comité qui est lié à la disposition sur la facturation, c'est-à-dire l'introduction de droits pour des services maritimes.M. Turner peut faire des commentaires à ce sujet ce matin, mais je ne veux pas prendre le temps des autres témoins. Étant donné que vous aurez une séance d'information avec la Garde côtière la semaine prochaine, vous aurez peut-être l'occasion à ce moment-là de parler de cette question en plus de détails.

En résumé, cette loi n'a rien à voir avec le domaine de pêches. Elle n'est ni le moyen ni le véhicule pour apporter le genre de changements à la gestion des pêches dont on discute avec l'industrie en ce moment. Comme je l'ai mentionné, les droits de permis de pêche, qui sont controversés, sont prévus et seront mis en place en vertu des dispositions qui existent dans la Loi sur les pêches.

Si des changements législatifs sont nécessaires pour traiter des questions de partenariat de cogestion et ainsi de suite, ces changements seraient apportés par le truchement d'amendements à la Loi sur les pêches, non pas par le truchement de la Loi concernant les océans du Canada.

.0925

Le président: Pour moi, c'est clair comme de l'eau de roche et ça l'était déjà hier. Mais puisqu'il semblait y avoir des angoisses sans fin parce qu'on a mal interprété la loi - ou qu'on ne l'a pas lue - je tenais à ce que la situation soit clarifiée. L'état des pêches dans l'Atlantique est tel que toute rumeur malveillante crée d'énormes angoisses.

Je tiens à vous remercier d'être venu si vite pour clarifier cette situation. Dorénavant, monsieur Parsons, si quelqu'un me dit: prouvez-le, je lui enverrai le fascicule de cette réunion. Je lui donnerai aussi votre numéro de téléphone, d'accord?

M. Parsons: Donnez-lui mon numéro de téléphone mais pas mon numéro à la maison.

Le président: J'ai une question un peu connexe à vous poser. Il est évident qu'elle sera abordée et peut-être même avant que nous n'ayons entendu le commissaire de la Garde côtière qui vient témoigner la semaine prochaine. Elle concerne les dispositions de la troisième partie et plus particulièrement - je ne me souviens plus du numéro de l'article - les dispositions de facturation.

J'ai deux questions. Premièrement, la loi actuelle, avant que la responsabilité de la Garde côtière ne soit transférée au ministre des Pêches et des Océans, contient-elle des dispositions de facturation?

Mme Cheryl Fraser (sous-ministre adjointe par intérim, Politiques, ministère des Pêches et des Océans): Oui. Pour le moment, c'est la Loi sur la gestion des finances publiques qui régit cette tarification. C'est ce qui avait été prévu jusqu'à ce qu'une nouvelle Loi sur les océans soit adoptée.

En fait, on m'informe que la disposition figurant dans la Loi sur les océans est identique pour l'essentiel à celle que le Conseil du Trésor demande aux ministères d'inclure généralement dans toute loi de ce genre.

Le président: Si je veux facturer un service, quelle est la procédure que réclame actuellement la Loi sur la gestion des finances publiques? Pourriez-vous me l'expliquer brièvement et m'indiquer la différence par rapport aux dispositions du projet de loi C-98?

M. Michael Turner (sous-commissaire, Garde côtière canadienne): Les dispositions de la Loi sur la gestion des finances publiques que nous appliquons actuellement dans certains cas requièrent des règlements d'application, la procédure habituelle de consultation, l'approbation par un comité spécial du Cabinet, la publication dans la Gazette et, enfin, l'approbation par décret ministériel après la période de consultation.

Les dispositions de la Loi sur les océans sont légèrement différentes. Je m'excuse, je n'ai pas d'exemplaire de la loi mais je crois comprendre que d'une part elle laisse un peu plus de latitude au ministre pour déterminer la nature et le type de la facturation. Par contre, les prix sont plafonnés et ne peuvent excéder le coût du service offert.

Le président: Je passe à ma deuxième question. Vous venez de décrire une salade qui peut être une salade de laitue, une salade de pommes et de laitue ou une salade de laitue et de pommes. Il y a bien des manières de faire le calcul du recouvrement des coûts.

Un des services dont il est beaucoup question en ce moment est celui des brise-glace. Apparemment, il y a un certain nombre de propositions. Il est proposé entre autres de faire payer un droit à tous les bâtiments pour couvrir les services de brise-glace, disons sur la côte est, même si ce service n'a pas été nécessaire dans leur port de destination. Vous dites que les services de brise-glace vous coûtent, disons, 20 millions de dollars et par conséquent, tout bâtiment qui entrera ou qui sortira de ces ports devra payer un droit.

Soit vous faites payer tout le monde pour ce service, même ceux qui ne s'en servent pas, soit vous le faites entièrement payer uniquement par ceux qui s'en servent. Ce sont deux solutions totalement différentes. Elles sont toutes deux fondées sur le recouvrement des coûts, mais j'ai peur que les nouveaux règlements permettent au ministre, au nom du recouvrement des coûts, de facturer ce service d'une manière frisant l'injustice. Quelle est la procédure? Qui prend la décision?

M. Turner: Pour répondre à votre dernière question en premier, cette décision est prise par le ministre puis entérinée par ses collègues du Cabinet. Pour ce qui est de la méthode de cette facturation, ce n'est qu'une proposition parmi plusieurs qui font actuellement l'objet de discussion et de consultation.

Les règlements permettent de structurer la facturation de diverses manières, que cela soit en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques ou de la Loi sur les océans si vous avez l'obligeance de l'adopter. Il y a plusieurs méthodes de facturer les services maritimes et nous avons pour ainsi dire mis sur la table plusieurs options chiffrées et nous attendons les réactions de l'industrie.

.0930

Le président: Et les comités parlementaires? Quelle est notre place dans tout cela? Cette question m'intéresse. Je pense qu'elle intéresse vivement presque tous ceux et toutes celles qui représentent des régions côtières et des ports sur les trois côtes.

L'article 49 est la disposition qui permet au ministre de fixer le prix à payer pour la fourniture de services dans le domaine des transports maritimes, qu'il s'agisse de la Garde côtière ou de l'aide à la navigation. Quel est mon rôle? Quel est le rôle de mes collègues?

M. Turner: Je crois, monsieur, que vous pouvez jouer deux rôles. Premièrement, nous sommes plus que disposés à vous rencontrer en votre qualité de député pour vous informer sur les dernières propositions et avoir vos réactions. Deuxièmement, il est évident que dans votre comité, vous entendrez des témoins qui j'en suis sûr auront beaucoup de choses à vous dire sur la tarification et sur les options actuellement discutées. Bien entendu, vous aurez également la possibilité si vous souhaitez discuter dans le détail de ces propositions de tarification, de me reconvoquer ou de convoquer le commissaire ou tout expert qui vous plaira.

Pour revenir à votre question précédente, si vous me le permettez, cette option de facturation forfaitaire couvrant sans distinction tous les services, utilisés ou non, comme par exemple les brise-glace dans certains ports, est certes une de celles que nous avons chiffrés et incluse dans le dossier. Vous avez tout à fait raison, elle aurait pour effet de faire payer sous forme forfaitaire des services non utilisés.

Il semblerait jusqu'à présent que la préférence générale de l'industrie et de la majorité des intéressés va à une facturation par service réel. C'est aussi la tendance au ministère car nous voulons que cette facturation soit transparente, que les clients comprennent pourquoi ils paient et qu'elle encourage l'industrie à faire certains efforts. Pour les services de brise-glace, par exemple, nous envisageons la possibilité d'une facturation modulée tenant compte pour commencer - et c'est certes le premier critère le plus important - du recours ou non à ces services mais aussi des caractéristiques des bâtiments réclamant cette aide, par exemple, une double coque dans le cas des pétroliers ou, par exemple, la puissance de manoeuvre ou la présence d'un équipement technologique de navigation qui réduit les dangers d'une manière générale et les dangers pour l'environnement d'une manière particulière.

Il est donc possible de structurer cette facturation de manière à encourager l'industrie à prendre, si on peut dire, des initiatives positives. Dans ce cas-là, il faut qu'ils optent pour la facturation par service. Néanmoins, nous avons mis toutes les options sur la table et nous les avons chiffrées pour que les intéressés puissent en mesurer les conséquences car elles sont très différentes d'un port à l'autre et d'une région du pays à l'autre.

Le président: Très bien.

Madame Ablonczy.

Mme Ablonczy (Calgary-Nord): Monsieur Turner, l'article 50 à la page 22 du projet de loi se lit comme suit:

M. Parsons: Parce que ce projet de loi n'accorde aucun droit ni avantage dans le domaine de la pêche.

M. Turner: Si vous lisez le reste de l'article...

M. Parsons: La Loi sur les pêches est la loi qui donne au ministre le pouvoir de conférer le droit de pêche par la délivrance de permis. C'est cette même loi qui fixe le prix à payer pour participer à cette activité.

Mme Ablonczy: Peut-être, mais pour quelqu'un comme nos témoins d'hier qui ne comprennent pas ce genre de subtilité, quand ils voient ces mots à l'article 50, ils en déduisent tout logiquement que cela s'applique aussi à la pêche. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui interdise spécifiquement au ministre d'utiliser ce pouvoir pour fixer le prix pour l'attribution de droits de pêche.

.0935

M. Parsons: Je comprends ce que vous voulez dire mais n'oubliez pas qu'il existe un autre texte législatif, la Loi sur les pêches, et que ce texte concerne spécifiquement les questions liées aux pêches et à la gestion des pêches. C'est dans cette loi que le mot pêche est défini. C'est l'article 7 de cette loi, sauf erreur - cela fait un certain temps que je ne m'occupe plus en particulier des pêches - qui régit l'attribution des permis et ce sont les règlements qui accompagnent cette loi qui fixent le prix de ces permis. Les permis de pêche ne sont pas gratuits. Il ne s'agit donc pas de quelque chose de nouveau, mis à part un ou deux cas, mais d'une augmentation de ce qui existe déjà.

Mme Ablonczy: Pour les rédacteurs de cette loi, il est évident qu'elle n'a pas pour objet de fixer le prix à payer pour l'attribution de droits ou d'avantages liés à la pêche, mais pour les profanes, ça l'est beaucoup moins. Je crois, justement pour dissiper ces angoisses supplémentaires dont ils n'ont nullement besoin, qu'il faudrait être plus clair.

Le président: Je trouve l'argument de Mme Ablonczy très valide. D'après les lettres que j'ai reçues, ce projet de loi semble faire l'unanimité mais plonger dans une abîme de complexités un groupe des plus importants. Je veux parler de ceux qui exploitent les ressources halieutiques - les espèces aquatiques. Tous ceux qui étaient présents hier savent combien la journée a été difficile. On voulait des assurances et celles-ci sont bel et bien présentes dans ce texte. L'article 50 dit que le ministre peut fixer les prix à payer pour la fourniture de produits ou l'attribution de droits ou d'avantages au titre de la Loi sur les océans.

Il n'est pas question dans ce projet de loi d'attribution de droits ou d'avantages concernant la pêche, les notes d'accompagnement le confirment, mais ce n'est pas explicite dans la loi. Je trouve votre argument tout à fait valable. Si cela pouvait être dit d'une manière plus explicite, je crois que cela dissiperait certaines des angoisses provoquées et permettrait à certains intervenants de concentrer leur attention sur certains autres articles du projet de loi qui les intéressent peut-être plus. Nos témoins d'hier ont manifesté une grande méfiance quant à l'impact et à l'objectif réel de cette loi. Je suis d'accord avec vous et je crois que tous les membres du comité aussi. Serait-il possible de rendre la situation plus claire?

M. Parsons: Nous avions pensé que même si ce n'était pas énoncé en toutes lettres, parler de «produits ou (de) l'attribution de droits et d'avantages au titre de la présente loi par lui-même» rendait les choses claires. Ce projet de loi contient des dispositions concernant par exemple les services de garde côtière, les services de type scientifique, etc.

Le président: Les plans de gestion intégrée semblent créer une certaine confusion. Hier des pêcheurs nous ont demandé ce que cela signifiait pour eux et s'ils pouvaient nommer un représentant. Il règne donc une certaine confusion car certains autres aspects du projet de loi concernent les pêcheurs. On pourrait leur dire que ce projet de loi ne les concerne pas mais ce n'est pas tout à fait vrai. Dans le cas de ces plans de gestion intégrée, ils sont parties prenantes à ces commissions, à ces instances qui préparent ces plans et qui les administrent. L'origine de la confusion c'est que ce projet de loi les concerne quand même.

Mme Ablonczy: Le projet de loi parle de gestion des océans. Il serait logique de penser que cette gestion inclut la pêche. Bien que ce ne soit pas l'objet de ce projet de loi, nous le savons, vous le savez, il peut être très facilement et logiquement interprété ainsi. Ces gens continueront de s'inquiéter.

M. Parsons: Je comprends le problème et je crois qu'une des solutions serait, comme nous l'avons dit au début, d'être plus précis...

.0940

Le président: Pourquoi pas? C'est important et je me souviens justement d'amendements apportés dans ce sens à la Loi sur l'assurance-chômage lors de la dernière législature. Le sous-ministre était là. M. Allmand lui avait demandé si dans un cas particulier le droit à l'assurance-chômage pouvait être supprimé et il a répondu qu'il n'en était absolument pas question. Sept mois plus tard, après que les fonctionnaires aient complètement oublié ce qui avait été mentionné lors de cette séance du comité, un cas presque identique s'est présenté. Le prestataire a perdu ses droits sans que personne n'y puisse rien. Il aurait fallu que les choses soient précisées dès le départ et si les membres du comité avaient été écoutés, cela ne serait pas arrivé.

Parfois un avocat habile peut détourner nos intentions. Il n'en manque pas.

Mme Ablonczy: Pas moi.

Le président: Très bien. Nous sommes d'accord?

Nous reviendrons sur la procédure de consultation un peu plus tard?

Une voix: Oui.

Le président: Excellent. Nous y reviendrons à 11 heures.

M. Parsons: Nous sommes en train de préparer une note plus détaillée à votre intention.

Le président: Monsieur Turner, est-ce que ce document public dont vous avez parlé contient les différentes options de facturation?

M. Turner: Absolument. Je crois qu'il accompagnait un communiqué du ministre Tobin qui a été largement distribué.

Le président: Le ministre des Pêches publie tellement de communiqués qu'il me faudrait une secrétaire chargée des communiqués simplement pour les siens et je dois l'avoir probablement quelque part.

M. Turner: Je me ferai un plaisir de vous en donner des copies supplémentaires.

Le président: Si c'était possible, il serait bon que l'attaché de recherche et le greffier en aient.

Nos témoins suivants représentent la Chambre du commerce maritime et l'Associationdes armateurs canadiens. M. Jim Campbell en est le directeur général et il est accompagné deM. T. Normal Hall et du capitaine Réjean Lanteigne.

Le capitaine Réjean Lanteigne (directeur, Opérations maritimes, Association des armateurs canadiens): Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité.

[Français]

Mesdames et messieurs, bonjour.

[Traduction]

Comme vous l'avez dit, je m'appelle Rég Lanteigne. Je suis le directeur des opérations maritimes de l'Association des armateurs canadiens. Je suis accompagné ce matin de M. Jim Campbell, directeur général de la Chambre du commerce maritime.

Je remplace M. Hall qui n'a pu venir à cause d'une rage de dents. Il s'en excuse.

[Français]

J'aimerais aussi vous demander de nous excuser de ne pas avoir été en mesure, compte tenu du temps, de produire notre mémoire en français. J'espère que cela ne dérangera pas trop le comité.

[Traduction]

L'exposé que nous vous faisons ce matin est au nom de nos deux organisations. Nous ne traiterons que de deux problèmes que nous pose le projet de loi sur les océans. Il s'agit de l'inclusion de la loi de la Garde côtière, des services qu'elle offre et de la tarification de ces services. En d'autres termes, nous limiterons nos commentaires aux articles 41 et 49 du projet de loi C-98.

Je vous parlerai de l'article 41, et mon collègue M. Campbell vous parlera de l'article 49. Bien entendu, nous serons à votre disposition pour répondre ensuite à vos questions.

.0945

Dès le début, je tiens à vous informer que nous ne sommes pas ici pour protester mais plutôt pour participer à ce que nous espérons être un dialogue constructif. Nous sommes d'accord avec les initiatives prises par le gouvernement pour maîtriser notre économie. Nous n'avons pas d'objection à payer notre juste part des services offerts à nos membres par la garde côtière, à condition qu'ils fassent l'objet de consultations.

M. Hall, le président de l'AAC et membre de la Commission consultative des services maritimes de la Garde côtière qui vient récemment d'être formée et qui a pour fonction d'examiner les services offerts par la Garde côtière et de réduire ou d'éliminer les services pouvant être considérés comme superflus ou totalement obsolètes.

Notre intention est de continuer, de concert avec le gouvernement, à chercher les moyens de rendre le système encore plus rentable.

De plus, nous appuyons l'initiative de la Loi sur les océans, dans l'esprit de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et notre exposé sera dans cette veine.

Pour commencer, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de qui nous sommes. L'AAC a vu le jour en 1903 quand l'Association maritime du Dominion a été fondée par les armateurs canadiens. Le nom a été changé pour le nom actuel, à la fin des années 1980 pour mieux refléter la nature canadienne de l'organisation. Actuellement, nous regroupons 12 compagnies, dont sept au Québec, six en Ontario et le reste dans l'est du pays. Elles représentent une flotte de 104 bâtiments tous battant pavillon canadien et les équipages sont canadiens. Nous sommes avant tout des transporteurs de denrées en vrac, comme les grains, la potasse, le sel et les minerais, bien que certains de nos membres assurent le transport de cargaisons diverses et de conteneurs sur la côte est. Nous sommes présents dans les Grands Lacs, sur la Voie maritime du Saint-Laurent ainsi que dans les Maritimes et dans l'Arctique.

Nous avons apporté des exemplaires de notre rapport annuel de 1994 et je crois comprendre qu'on les a distribués aux membres du comité. L'article 41 du projet de loi est reproduit dans notre mémoire pour référence mais je ne le relirai pas pour gagner du temps.

La Garde côtière existait jusqu'à présent sans être mentionnée dans une loi particulière. Le commissaire de la Garde côtière est mentionné dans d'autres lois, tout particulièrement à la partie XV de la Loi sur la navigation. Bien que nous ayons peu d'objection à ce que le nom du commissaire de la Garde côtière soit mentionné dans la loi, nous craignons que cela rende plus difficile d'apporter les changements éventuels nécessaires ou désirables pour le bon fonctionnement de ce service. Si vous me permettez de faire une analogie, pour que la Société des ports, création législative soit dissoute, il faut révoquer sa loi habilitante. Il sera peut-être bientôt aussi nécessaire de révoquer la loi habilitante de la Voie maritime si l'on décide de commercialiser ses activités.

À notre avis, il serait plus approprié de permettre à la Garde côtière de continuer à exister sous sa forme actuelle sans recourir à la loi pour garantir son existence. Il n'y a pas très longtemps - un an et demi ou deux - il était question de «commercialiser certains services de la Garde côtière». Ce projet de loi semble indiquer que cette idée a fait long feu pour le moment.

Il faudrait ne pas oublier que bien que la nécessité d'une flotte civile gouvernementale puisse être évidente, la Garde côtière a bien d'autres activités - les services de trafic des bateaux, la prévention et l'intervention en matière de pollution maritime, les communications maritimes, les aides à la navigation, les services de brise-glace, la composante maritime des opérations de recherche et de sauvetage, etc. L'inclusion de la Garde côtière dans la loi veut-elle dire l'inclusion de toutes les composantes actuelles de la Garde côtière ou seulement de sa flotte? Les incitations aux changements continueront-elles à exister après que la Garde côtière se soit vue garantir son existence par la loi? Nous en doutons.

.0950

Le paragraphe 41(2) est également reproduit dans notre mémoire pour référence. Je ne le lirai pas mais j'en parlerai.

C'est la disposition qui nous cause beaucoup d'inquiétude. Pour commencer, le commissaire de la Garde côtière «exerce» les attributions du ministre. Dans d'autres articles du projet de loi, notamment aux articles 40 et 42, il est clair que les pouvoirs du ministre ne sont que discrétionnaires puisqu'il «peut». Aussi à l'article 44, le ministre «peut».

De manière analogue, comme au paragraphe 41(2), à l'article 46, l'hydrographe fédéral exerce les attributions du ministre en matière hydrographique comme le commissaire de la Garde côtière dans son cas. Nous ne sommes pas contre cette délégation de pouvoirs du ministre à un fonctionnaire. Cependant, l'analogie ne va pas plus loin.

À l'article 47, l'hydrographe fédéral se voit attribuer le même pouvoir de discrétion que le ministre dans ses décisions. Ce n'est pas le cas au paragraphe 41(2). Le commissaire de la Garde côtière n'a pas de pouvoir discrétionnaire.

Nous aimerions que le commissaire de la Garde côtière bénéficie du même genre de pouvoir discrétionnaire s'il lui permet une plus grande souplesse dans la conduite des activités de la Garde côtière. Nous craignons que cette absence de pouvoir discrétionnaire au paragraphe 41(2) ne soit aussi étendue à l'autre paragraphe de cet article.

Le président: Ces nuances grammaticales me laissent souvent confus. Est-ce que vous voulez que les choses soient plus claires et que les pouvoirs soient les mêmes dans tous ces articles que vous avez cités? Vous dites être d'accord pour que ces pouvoirs soient délégués au paragraphe 41(2). Vous avez cité d'autres paragraphes où ces pouvoirs sont discrétionnaires. Qu'est-ce que vous voulez?

Le capitaine Lanteigne: En gros, nous sommes d'accord pour que ces pouvoirs soient délégués au commissaire de la Garde côtière mais ils devraient être discrétionnaires.

Le président: Sauf au paragraphe 41(2). Vous ne voulez pas que le pouvoir conféré par le paragraphe 41(2) soit discrétionnaire?

Le capitaine Lanteigne: Non.

Le président: Vous voulez donc que ces pouvoirs soient dans tous les cas discrétionnaires?

Le capitaine Lanteigne: Oui.

Le président: Dans tous les cas?

Le capitaine Lanteigne: Oui, monsieur.

Le président: Très bien.

Le capitaine Lanteigne: Il est clairement implicite que ces services seront fournis par la Garde côtière désormais, conformément au paragraphe 41(1). Le paragraphe 41(2) impose une obligation au commissaire qui s'étend à l'ensemble du paragraphe contrairement à ce qui se passe dans le cas de l'hydrographe fédéral. Nous estimons - pour répondre encore une fois à votre question - que le projet de loi n'offre pas suffisamment de souplesse discrétionnaire permettant au commissaire de la Garde côtière d'offrir un service rentable et efficace.

L'alinéa 41(2) (a) parle de la rentabilité et de l'efficacité du déplacement des navires dans les eaux canadiennes. Nous estimons que la sécurité, la rentabilité et l'efficacité du déplacement des navires dans les eaux canadiennes est avant tout la responsabilité des armateurs. Le commissaire de la Garde côtière n'exerce aucun contrôle sur l'efficacité et la rentabilité de nos activités. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'y contribue pas, mais cette sécurité, cette rentabilité et cette efficacité ne devraient pas être simplement liées au déplacement des navires dans les eaux canadiennes mais à tous les activités de la Garde côtière.

Nous suggérons qu'il faudrait ajouter aux responsabilités du commissaire de la Garde côtière énoncées au paragraphe 41(2), la rentabilisation des services de la Garde côtière en accordant au minimum au commissaire les pouvoirs discrétionnaires accordés à l'hydrographe fédéral. La loi devrait être suffisamment souple pour que les services décrits aux alinéas 41(2) (a), (b), (c), (d), et (e), soit offerts par d'autres que la Garde côtière s'il s'avère qu'ils peuvent les offrir d'une manière plus rentable et plus efficace.

Il faut inclure dans les dispositions de la loi la souplesse nécessaire pour réduire les services de la Garde côtière, tels que les communications maritimes ou la gestion du trafic maritime, si à l'avenir, on détermine que ceux-ci ne sont plus nécessaires ou peuvent être offerts par d'autres.

.0955

Nous estimons que l'on pourrait confier la responsabilité prévue dans la Loi sur les océans au commissaire actuel de la Garde côtière, qui a toujours manifesté un esprit ouvert à cet égard, de s'assurer que la garde côtière offre les services appropriés.

Le président: Vous abordez là des aspects techniques et je tiens à avoir quelques précisions.

Que voulez-vous dire? Que l'on devrait confier au commissaire de la Garde côtière la responsabilité d'offrir ces services de la façon la plus rentable?

Voulez-dire qu'il serait raisonnable, de privatiser le service, dans la mesure où le niveau...? Est-ce que vous nous dites? Au lieu de préciser comme c'est le cas ici que la garde côtière, avec la bureaucratie en place, doit assurer ces services, qu'il faudrait plutôt préciser son mandat pour qu'elle, assure les services de la façon la plus rentable possible. Si pour ce faire, il faut faire appel à la sous-traitance, eh bien c'est ce qu'il faut faire. Est-ce ce que vous voulez dire?

Le capitaine Lanteigne: Oui. Nous craignons, à propos de ce que j'ai dit d'abord, que l'utilisation de «exerce» signifie que l'on n'aura pas la latitude voulue pour commercialiser ou privatiser ou abolir le service à moins de modifier la loi à l'avenir.

En accordant maintenant ce pouvoir discrétionnaire, en exigeant un service rentable, il sera beaucoup plus facile à l'avenir, d'éliminer les composantes ou éléments du service qui ne sont plus nécessaires vu des améliorations technologiques ou pour quelque raison que ce soit.

En gros, à l'alinéa 41(2)a), il faut supprimer les termes «la rentabilité et l'efficacité» puisque nous estimons qu'il incombe essentiellement aux armateurs et non pas au commissaire de la Garde côtière d'assurer le déplacement des navires dans les eaux canadiennes de façon rentable et efficace.

Pour conclure ma partie de l'exposé, l'Association des armateurs canadiens recommande au comité ce qui suit en ce qui concerne l'article 41.

Il ne faut pas inclure la Garde côtière dans le projet de loi. Si on le fait, il faut conférer au commissaire de la Garde côtière un plus grand pouvoir discrétionnaire dans l'exercice des attributions que lui délègue le ministre. Il faut limiter cet pouvoir en exigeant, dans la loi, que les services doivent assurer la sécurité, la rentabilité et l'efficacité. Il faut qu'il soit expressément précisé que les services ainsi fournis ne relèvent pas de la Garde côtière comme c'est le cas actuellement.

Merci, monsieur.

M. Campbell fera maintenant des commentaires sur l'article 49 du projet de loi.

M. Jim Campbell (directeur général, Chambre de commerce maritime): Merci beaucoup, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais faire remarquer au comité que c'est la première fois, de mémoire récente, que l'Association des armateurs canadien qui a plus de 90 ans et la Chambre de commerce maritime qui en a plus de 35, présentent un mémoire commun à un comité permanent fédéral. Cela révèle bien l'importance que nous accordons aux deux dispositions dont nous discutons aujourd'hui.

La Chambre de commerce maritime compte environ 105 membres. Nous représentons actuellement des ports, des expéditeurs et des transporteurs de tout le pays, qu'ils soient dans les céréales dans les Prairies, le charbon dans les Maritimes ou l'acier en Ontario.

J'aimerais tout d'abord signaler que les arguments que nous invoquons en ce qui concerne l'article 49 reposent essentiellement sur une hypothèse. Nous tentons de trouver une formule de responsabilité financière à inclure dans l'article 49, que ce soit dans un nouveau paragraphe (3), (4) ou (2) permettant deux choses: tout d'abord, la responsabilité financière et l'idée de services assurés de façon rentable et efficace par la Garde côtière, comme l'a suggéré mon collègue, et deuxièmement, une plus grande participation des utilisateurs. Je reviendrai sur cet aspect en citant un exemple qui se trouve déjà dans la Loi sur la marine marchande du Canada.

D'entrée en matière, j'aimerais également préciser que comme l'a laissé entendre mon collègue, l'industrie est disposée à payer sa juste et équitable part des services nécessaires fournis par le gouvernement, en l'occurrence la Garde côtière, mais uniquement après une réduction considérable et concrète des coûts de la Garde côtière.

.1000

Je vais me référer à ce qu'ont dit les premiers témoins de ce matin au cours de mon exposé. Il y a confusion sur la question de savoir s'il s'agit de l'industrie du transport maritime ou de l'industrie de la pêche commerciale. Nous craignons que dans environ quatre ans, on nous présentera une facture de 60 millions de dollars. Les pêcheurs craignent qu'on leur présente une facture de 50 millions de dollars alors que les temps sont de plus en plus difficiles dans ce marché.

C'est dans ce contexte donc que j'affirme que nous nous opposons à l'article 49 tel qu'il apparait dans le projet de loi. Nous proposons un autre libellé pour l'article 49, mais vu le temps, je n'en parlerai pas.

Vous vous rappellez sans doute qu'une disposition semblable apparaissait pour la première fois à l'article 4 du projet de loi C-75, loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada, présentée en 1986 mais jamais adoptée, en grande partie, je me permets de le souligner, grâce aux efforts acharnés et éloquents de l'actuel ministre des Pêches et Océans qui faisait partie de l'Opposition à l'époque. Nous nous souvenons tous de ses efforts d'obstruction qui ont duré huit heures.

En passant, le ministre des Transports responsable à l'époque avait mentionné que cet article devait être modifié ce qui, à notre avis est toujours le cas.

Fait assez intéressant, après 10 ans, nous discutons toujours de cette même disposition. Les participants ont changé, mais l'hypothèse demeure la même. Comme je l'ai dit, les pions ont changé de place sur l'échiquier, mais nous revenons toujours à cette question.

Comme je le mentionnais, le ministre des Pêches et Océans actuel siégeait dans l'Opposition, il y avait un autre commissaire de la Garde côtière, organisme qui à l'époque faisait partie du ministère des Transports et non pas de celui des Pêches et Océans. Comme l'a dit mon collègue précédemment, nous avons maintenant une Garde côtière canadienne et le conseil consultatif maritime.

Malgré tous ces changements, l'industrie adopte malheureusement la même position qu'à l'époque.

L'Association des armateurs canadiens de l'époque avait présenté un mémoire le 5 février 1986 au comité législatif chargé de l'examen du projet de loi C-75. J'ai joint à l'annexe A de notre mémoire la dernière page de ce premier mémoire.

Tout en tenant compte des changements survenus avec le temps et des différences de terminologie, en grande partie, nous appuyons les recommandations que nous avions formulées il y a 10 ans. Je suggérerais à l'attaché de recherche et aux membres du comité de se reporter à l'annexe pour voir quel genre de libellé nous préconisons à l'article 49.

Je le répète, essentiellement, l'industrie est disposée à payer sa part des services mais évidemment pas tous. L'article 49 actuel demeure une disposition ouverte. Comme le disait le ministre Tobin en 1986: «C'est une roulette russe pour le secteur maritime» et j'ajouterais qu'il ne s'agit pas uniquement du transport maritime mais aussi de la pêche et de la navigation de plaisance qui, en passant, devra également verser 30 millions de dollars au cours des quatre prochaines années.

Dans un communiqué de presse récent dont on a parlé plus tôt ce matin, le ministre des Pêches et Océans assurait à l'industrie du transport maritime qu'il serait à l'écoute, très attentivement, avant de prendre la moindre décision finale sur la structure et l'approche qu'adopterait la Garde côtière dans ses efforts pour rentabiliser ses activités.

Il a également déclaré qu'il convenait avec le comité permanent des transports qu'il était nécessaire et inévitable d'accroître le recouvrement des coûts liés aux services de la Garde côtière. Je ne pense pas pouvoir vous donner de meilleur exemple de ce que nous voulons dire au sujet de la mise en place de frais pour les services de la Garde côtière que de vous citer un passage du rapport du comité permanent public plus tôt cette année.

On y dit en effet:

Je ne saurais m'exprimer plus clairement que ne l'ont fait vos collègues plus tôt cette année.

Le Comité permanent des transports concluait ensuite en formulant sa principale recommandation:

.1005

Notre approche en ce qui concerne toute cette question du recouvrement des coûts est essentiellement celle qu'a formulée le Comité permanent des transports plus tôt cette année. Tout recouvrement des coûts doit commencer par la réduction des dépenses qui s'impose. Il faut s'assurer que le projet de loi C-98 à l'étude en permet la réalisation. Ainsi, nous estimons que l'article 49, dans son libellé actuel, ne saurait convenir à cette fin et nous recommandons de le modifier à la lumière des considérations suivantes.

Tout d'abord, il faut assujettir expressément l'article 49 à l'article 41, c'est-à-dire comme l'a suggéré mon collègue, à un article 41 modifié qui ne prévoit pas que le commissaire de la Garde côtière doive s'adresser à la Garde côtière pour assurer les services prévus. Si le commissaire est en mesure de le faire de façon rentable et efficace, vous pouvez être assurés que l'industrie l'appuiera dans ses efforts dans la mesure où ceux-ci se traduiront par des coûts moins élevés pour les utilisateurs des services de la Garde côtière et non pas pour payer d'autres dépenses de la Garde côtière.

De plus, à l'examen du paragraphe 41(2), il ressort que les services énumérés aux alinéas a) et d) profitent essentiellement à la navigation commerciale. Il ne faut pas que des entreprises commerciales soient obligées de faire les frais du recouvrement des coûts dans le cas des services prévus à l'alinéa b), recherche et sauvetage - dans de nombreux cas je pense il s'agit de toute manière d'une obligation internationale du gouvernement du Canada - ni dans le cas des services prévus à l'alinéa c), la sécurité de la navigation de plaisance et e), les services fournis aux autres ministères.

Nous sommes d'avis que les consultations avec l'industrie doivent faire partie intégrante de l'effort de réduction des coûts de la Garde côtière et que le projet de loi doit prévoir que le commissaire créera un comité consultatif tel que le Conseil consultatif maritime, qui s'intéresse aux domaines suivants: les services fournis par la Garde côtière, la manière d'offrir ces services, les services dont le coût est imputable à l'industrie et évidemment ceux qui ne le sont pas et les frais qui seront imputés à l'industrie. Il faut inclure tout cela.

Évidemment, il ne s'agirait pas uniquement du secteur de la navigation, mais bien de tous les utilisateurs, y compris le secteur de la pêche et celui de la navigation de plaisance.

Ensuite, monsieur le président, il nous semble que l'article 49 permet la facturation de services qu'ils soient utilisés ou non par un utilisateur. À titre d'exemple, comme armateur, je pourrais penser qu'il m'est plus avantageux d'investir dans un brise-glace ou de me procurer des services de brise-glace d'une entreprise commerciale. Devrais-je alors payer pour ce service tout en versant les frais de services de brise-glace à la Garde côtière même si je ne les utilise jamais? Tous ces coûts pourraient être refondus comme il en a été question précédemment lors de la comparution ici du sous-ministre adjoint de la Garde côtière.

Le président: Je vais devoir intervenir. Il y a un vote dans dix minutes. Combien de temps vous faut-il encore? Si vous voulez vous arrêter maintenant, nous allons aller voter et revenir; vous pourrez alors terminer et nous passerons aux questions.

M. Campbell: Nous anticipons beaucoup de questions et donc ce serait parfait.

Le président: Très bien, passons y?

Si vous voulez tous attendre, il y a un vote dans dix minutes sur le projet de loi C-61. Nous allons nous y précipiter, faire notre devoir et revenir.

.1008

PAUSE

.1049

Le président: Où en étions-nous?

M. Campbell: Monsieur le président, encore quelques instants, et ensuite nous pourrons passer aux questions.

Comme je le mentionnais, à notre avis, l'article 49 permet d'imposer des frais pour des services qu'ils soient ou non utilisés et je vais citer l'exemple du service de brise-glace. Un autre exemple serait la gestion du trafic maritime. Ce service pourrait être dépassé dans un avenir très rapproché et la facturation proposée dans ce projet de loi continuerait bien après que ce service qu'on peut à l'heure actuelle considéré comme un monopole soit tout à fait caduque. Ainsi, la facturation telle que proposée irait tout à fait à l'encontre du principe même du lien entre le recouvrement des coûts et la réduction des coûts.

À notre avis, de légères modifications au projet de loi C-98 permettraient, dans une grande mesure, d'éviter que cela ne se produise.

Un dernier exemple de ce que nous voulons dire lorsque nous craignons que les coûts de la garde côtière ne soient imputés à des services monopolistiques, c'est une lettre que nous avons reçue par l'entremise du conseil consultatif du transport maritime, du président de l'Association charbonnière canadienne. Tout en reconnaissant l'existence au Canada de toute une série de monopoles, tel qu'un service ferroviaire unique qui dessert une mine de charbon, une grande partie des télécommunications et les services hydroélectriques fournis par les provinces, il souligne que ces monopoles fonctionnent dans un climat réglementaire qui permet de s'assurer que les coûts sont contrôlés.

.1050

Il dit donc dans sa lettre:

Notre organisme et l'Association des armateurs canadiens partagent inconditionnellement le point de vue de l'Association charbonnière.

Pour toutes ces raisons donc, nous recommandons que le comité envisage de reformuler de l'article 49 de la façon suivante.

Aucun recouvrement des coûts avant une réduction de coûts acceptable et l'élimination des services devenus inutiles ou caduques par suite de changements technologiques ou pour d'autres raisons.

Un lien direct entre la facturation et les services dans un article 41 modifié comme l'a proposé mon collègue, abolissant l'obligation que traduit «exerce» afin de donner au commissaire le pouvoir discrétionnaire voulu pour le développement et la mise en place de services.

On doit prévoir un recours au gouverneur en conseil ou à un autre organisme indépendant afin que les parties intéressées puissent en appeler de l'imposition de frais particuliers ou de modifications ou d'augmentations de ces frais.

Enfin, un comité consultatif, peut-être semblable au Conseil consultatif du transport maritime, doit être prévu dans le projet de loi en vue de garantir des consultations avec tous les intéressés de l'industrie, de la navigation maritime, de la pêche et de la navigation de plaisance, semblable au conseil consultatif prévu dans une nouvelle disposition de la Loi sur la marine marchande du Canada, l'article 660.1 dont j'ai ici un exemplaire que je remettrai au greffier aux fins de distribution, si cela vous intéresse.

En terminant, j'aimerais vous remercier du temps que vous nous avez accordé. Je sais que votre échéancier est très serré. Nous aimerions que le commissaire jouisse d'un plus grand pouvoir discrétionnaire dans le développement et la mise en oeuvre des services. À l'article 49, nous aimerions que les responsables soient obligés de rendre des comptes sur les services et les frais imposés. Nous aimerions également que tous les utilisateurs puissent participer à l'élaboration de ces frais, de la réglementation et du développement des services pour lesquels on imposera ces frais.

Merci beaucoup.

Le président: Jim, pourriez-vous étoffer cela un peu plus? Vous dites qu'aux termes des dispositions de l'article 49, avant de devoir assumer les frais, vous voulez vous assurer que ceux-ci sont les plus bas possibles pour les services offerts dans votre industrie. Vous avez dit qu'il était donc essentiel de tenir des consultations avec les représentants de l'industrie. Vous avez également mentionné un genre d'organisme de surveillance ou de consultation. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet?

M. Campbell: En ce qui concerne le recouvrement des coûts uniquement lorsqu'on en sera arrivés aux coûts les plus bas, nous ne voulons pas être arbitraires. Nous ne demandons pas qu'on aille chercher jusqu'au dernier sou avant que nous ne soyons prêts à payer, mais nous aimerions voir des mesures de réduction des coûts beaucoup plus agressives que ce qui se fait actuellement à la Garde côtière. S'il s'agit par exemple d'une réduction de 100 millions de dollars sur quatre ans, pourquoi pas cette année ou l'an prochain.

Mon collègue pourra vous donner des détails sur les aspects plus techniques, mais si la Garde côtière veut relever le gant, nous pouvons lui montrer ou effectuer des réductions de millions de dollars avant que l'on n'impose des frais pour obtenir ce que nous considérons comme un service gonflé et dans de nombreux cas dépassé.

Le président: Vous nous dites essentiellement la même chose que les pêcheurs de la côte ouest au sujet de l'augmentation des frais ou des droits d'accès dont il n'est pas question dans ce projet de loi. Ils se sont dits tout à fait disposés à verser ces frais dans la mesure où ils ont un mot à dire sur l'administration des budgets et des programmes. C'est un peu la même chose?

M. Campbell: Oui, exactement. Nous pourrions modifier le projet de loi de façon à inclure, à l'article 49, une disposition semblable à celle de l'article 660.1 de la Loi sur la marine marchande canadienne où l'on dresse la liste des conseils consultatifs, de leurs membres, de leur mandat, de leur président etc. Cela figure donc dans un projet de loi et ça fonctionne. À notre avis, la Loi sur les océans ne s'en trouverait que renforcée si l'on y ajoutait une disposition semblable.

Le président: Pouvez-vous me fournir quelques explications supplémentaires avant que je ne cède la parole aux autres membres du comité? Vous parlez de façon très générale de la direction à prendre. Comment cela fonctionnerait-il? Voulez-vous dire d'ici un an ou deux, avant que l'on ait identifié les frais les plus bas possibles? Qu'arriverait-il au niveau des frais dans l'intervalle, pendant cette période de deux ans? Faut-il en conclure que si Acme Icebreaking se présente avec un nouveau navire et vous offre leurs services pour dégager le Saint-Laurent ou votre coin du Saint-Laurent jusqu'à Québec ou à Montréal pour telle somme, pour pouvoir continuer à offrir le service, la Garde côtière devra automatiquement offrir le même prix?

.1055

J'essaie de comprendre le mécanisme, procéderait-on périodiquement, annuellement?

M. Campbell: Nous proposons un comité consultatif permanent, qui tenterait de déterminer les services et par conséquent les frais pour les services que fournit la Garde côtière qui se réunirait peut-être tous les trimestres ou deux fois par an.

Il serait possible de discuter avec les représentants de la Garde côtière pour déterminer d'abord si le service est nécessaire, ensuite où il est nécessaire, et enfin, le prix juste pour ce service afin que la Garde côtière atteigne ses objectifs budgétaires et que nous puissions continuer à être viable sur le plan économique.

En ce qui concerne les détails, nous pourrions proposer au comité un mandat et la structure de ce comité consultatif.

Le président: Les coûts d'administration liés à l'application de cette réglementation viendraient s'y ajouter et seraient refilés à l'usager.

M. Campbell: C'est ce qui est proposé actuellement.

Encore une fois, nous tentons non seulement de rendre le service efficace, mais aussi d'accéder à une efficacité sur le plan administratif parce que lorsque ces frais nous seront imposés. Qui sait, cela coûtera peut-être 1 ou 2 millions de dollars... Nous ne le savons tout simplement pas.

Le président: Vous considérez qu'à l'heure actuelle la Garde côtière fonctionne d'une façon qui n'est pas très rentable.

M. Campbell: C'est tout à fait notre avis.

Le président: Très bien.

Mme Ablonczy: Tout d'abord, j'aimerais dire qu'il s'agit d'un bon mémoire. Il est très clair et les arguments sont clairement présentés. Je suis nouvelle au comité et donc si je parviens à comprendre rapidement vos arguments, c'est très utile.

J'ai plusieurs questions.

À la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'il est très difficile d'apporter des changements qui pourraient être souhaitables à l'avenir à cause des dispositions de ce projet de loi. En réalité, vous voulez dire que si nous codifions les activités de la Garde côtière, vous craignez que cela ne devienne figé et qu'ensuite on perde toute souplesse.

Voici ma question. Si nous accordons un pouvoir entièrement discrétionnaire au commissaire de la Garde côtière, qu'arrivera-t-il s'in ne l'utilise pas à bon escient, s'il ne gère pas le service à votre avantage, alors que la loi ne précise aucun niveau de service, que ferez-vous alors? Comment maintenir l'équilibre entre votre soif d'une plus grande souplesse chez le commissaire et les besoins de l'industrie en ce qui concerne une structure ou un mandat auquel serait astreint le commissaire?

Le capitaine Lanteigne: Bonne question.

La structure et le mandat actuels de la Garde côtière sont très bien établis. Comme l'a mentionné Jim, nous sommes tous d'avis que les coûts associés à cette structure sont beaucoup trop élevés, mais au cours des discussions des derniers mois, la Garde côtière n'a mis l'accent que sur le recouvrement des coûts alors que pour l'industrie, les préoccupations des membres de nos deux secteurs - souhaitent voir la Garde côtière s'intéresser à la réduction des coûts ce dont ils sont parfaitement en mesure de discuter.

Pour en revenir à votre question, nous craignons qu'à l'avenir, probablement dans un avenir très rapproché, on ne trouve sur le marché des services commerciaux très semblables à ceux, que la Garde côtière est seule à offrir actuellement.

Permettez-moi de vous en donner un exemple. Des sociétés internationales privées se sont constituées en consortium qui lancera très bientôt - l'an prochain - des satellites de faible altitude, 28 au total, afin d'établir un réseau mondial de communication pour tous les utilisateurs, avions, navires, vous personnellement, quiconque. Si le service est efficace, sécuritaire et peu coûteux, nous voudrons certainement nous en prévaloir plutôt que de continuer à utiliser le service actuel de communication maritimes de la Garde côtière.

.1100

À titre d'exemple, le commissaire ne jouit pas de la latitude voulue pour décider de se doter d'un service de communication maritimes, comme celui qu'assure la Garde côtière à l'heure actuelle - à prix fort, il faut le reconnaître - ou de cesser de l'offrir s'il est assuré par des organisations commerciales un peu partout dans le monde et au Canada. Ce n'est là qu'un exemple mais il y en a vraisemblablement bien d'autres.

Mme Ablonczy: Vous préférez donc compter sur un commissaire qui aurait certains pouvoirs discrétionnaires plutôt que sur une loi qui offrirait des garanties mais ne comporterait aucune souplesse?

Le capitaine Lanteigne: Oui, madame.

Mme Ablonczy: J'aurais, à cet égard, une question qui est probablement venue à l'esprit de la plupart des membres du comité. Qu'advient-il de la Garde côtière si les usagers du secteur peuvent décider de faire appel à des services du secteur privé? Permettez-moi de retrouver la question exacte, telle que je l'ai rédigée.

Dans la mesure où la Garde côtière fournit ou peut fournir des services, qu'advient-il si les usagers décident de ne pas faire affaire avec elle parce qu'ils peuvent obtenir un service meilleur ou moins coûteux ailleurs? Si les services de la Garde côtière sont financés à même les deniers publics, cela ne va-t-il pas causer de réelles difficultés? N'est-il donc pas nécessaire d'accorder un certain soutien à la Garde côtière dans son rôle de fournisseur de services?

Le capitaine Lanteigne: Ce soutien existe dans une certaine mesure, mais il m'est difficile de répondre à votre question à l'heure actuelle. En effet, nous ne saurons dans quelle mesure tel ou tel service de la Garde côtière sera nécessaire, économique ou efficace par rapport à ceux d'autres fournisseurs de services que lorsque la Garde côtière ou le ministre auront pris des décisions en matière de recouvrement des coûts. Diverses options sont sur la table à l'heure actuelle - il y en a trois, plus précisément - et elles font présentement l'objet d'études d'impact.

Par exemple, on envisage l'option d'un droit spécifique correspondant à un service donné dans une région donnée. Prenons l'exemple des services de brise-glace sur les Grands Lacs. Un droit spécifique s'appliquerait aux services de brise-glace sur les Grands Lacs. Ce sont des services auxquels nous ne faisons pratiquement jamais appel puisque nos navires sont inactifs durant l'hiver. Cependant, l'expéditeur d'Algoma Steel doit faire appel aux services de brise-glace au printemps pour s'extraire du port de Hamilton. Si le coût de ce service en particulier pour cette région est trop élevé, il se peut qu'Algoma Steel décide d'attendre que la nature fasse son oeuvre durant quelques semaines, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de glace.

Pour le moment, je ne suis donc pas du tout en mesure de répondre à votre question. Tout dépendra de l'option retenue en matière de recouvrement des frais de la Garde côtière, ainsi que de la répartition des frais entre les expéditeurs, les pêcheurs, les navigateurs de plaisance, et, pour un secteur donné, selon que la répartition se fait en fonction de la valeur de la cargaison ou du service fourni dans une région donnée, et ainsi de suite.

Mme Ablonczy: Mais, à ce moment-là, n'êtes-vous pas en train d'inviter la Garde côtière à participer au jeu de la concurrence comme toute autre entreprise privée? Vous lui proposez de déterminer quels sont les services qu'elle peut offrir et combien ils vont coûter, quitte à voir les usagers se tourner vers d'autres fournisseurs si le service est meilleur ou moins coûteux ailleurs.

Si c'est cela qu'on envisage, alors à quoi sert la Garde côtière au juste? Voilà ma question.

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Le capitaine Lanteigne: Non, nous ne souhaitons pas que la Garde côtière se comporte comme une entreprise privée qui se livre à la concurrence, étant donné qu'un grand nombre des services offerts par la Garde côtière sont offerts à titre de services publics à tous les Canadiens et doivent être financés par affectation de crédits. À cet égard, le meilleur exemple est celui de la recherche et du sauvetage. La surveillance des glaces sur le Saint-Laurent en vue d'éviter les inondations en est un autre.

Bien qu'il ne soit pas réaliste de s'attendre à ce que la Garde côtière soit exploitée tout à fait comme une entreprise commerciale, il est probable que certains de ses services puissent être commercialisés et exploités commercialement. Je pourrais en nommer mais, aux fins de la présente discussion, certains d'entre eux ne pourraient tout simplement pas l'être.

Mme Ablonczy: Mais vous ne voules pas être obligé de subventionner ces services.

Le capitaine Lanteigne: Non.

Mme Ablonczy: D'accord.

Vous déclarez dans votre mémoire, en bas de la page 9, que les intervenants du secteur seront consultés avant qu'on ne fixe les droits aux fins du recouvrement des coûts. Par contre, je suppose que si le projet de loi est adopté, les consultations n'auront pas nécessairement un effet déterminant sur ces droits. Autrement dit, vous craignez, en dépit de l'existence de ce conseil consultatif permanent prévu dans le projet de loi, de ne pas avoir nécessairement votre mot à dire puisque c'est en définitive le ministre qui a le pouvoir de fixer les droits. Est-ce bien ce qui vous préoccupe?

M. Campbell: C'est bien cela.

Mme Ablonczy: D'accord; je tenais à vous l'entendre dire.

Vous avez formulé un certain nombre de recommandations. Il y en a six environ au haut de la page 10: le processus doit être équitable; il doit englober tous les usagers et ainsi de suite. Ce que vous craignez, en réalité, c'est la création d'une bureaucratie énorme et inefficace dont vous devrez assumer le coût mais que rien n'incitera à être efficace et rentable.

Le capitaine Lanteigne: Exactement.

M. Campbell: Nous craignons d'assister au maintien d'une bureaucratie aussi énorme qu'inefficace. On s'affaire à l'heure actuelle au MPO à absorber la garde côtière. Nous nous attendions à ce qu'il en résulte certaines améliorations de l'efficacité du service. Jusqu'à maintenant, nous n'avons constaté aucun changement important. Pour l'essentiel, il semble qu'on ait réuni deux bureaucraties en une seule mais plus grande.

Nous voulons voir des compressions plus fortes partout où c'est possible. Lorsque nous comparaissons devant le comité, nous ne le faisons pas à la légère. Certains de nos membres ont éliminé des milliers d'emplois et fermé des usines. Par conséquent, lorsque les gens de la Garde côtière nous parlent de compressions de 8 p. 100 à 10 p. 100 au cours des trois ou quatre prochaines années, nos membres risquent d'être quelque peu cyniques et de trouver que ce n'est pas sérieux.

Nous sommes ici pour mettre la Garde côtière en demeure d'agir. Si les responsables souhaitent que nous leur fournissions une liste en dix points à la David Letterman sur la façon d'économiser 200 millions de dollars au cours des deux prochaines années, nous allons la leur fournir et nous allons les aider à la mettre en oeuvre. Si nous sommes ici, ce n'est pas pour critiquer. Nous souhaitons tout simplement que le projet de loi C-98 nous donne l'occasion, à l'avenir, de participer de façon structurée à la planification des activités et à l'établissement des droits.

Mme Ablonczy: Vous dites donc que la mesure ne doit pas donner à la Garde côtière le mandat de fournir elle-même tel ou tel service, mais tout au moins lui laisser la possibilité d'en confier la prestation à une autre entité si cette dernière est en mesure de l'assurer d'une façon plus rentable.

M. Campbell: Ce serait excellent. Comme je l'ai dit, il faudrait accorder un pouvoir discrétionnaire au commissaire.

Mme Ablonczy: Merci.

M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Tout d'abord, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue et de vous féliciter de votre excellent mémoire.

Comme vous le savez, la fusion est toute récente et même si nous souhaitons, vous et moi voir se produire des résultats dans le cas de fusions à grande échelle comme celle-ci cela n'arrive pas du jour au lendemain. Permettez-moi de vous assurer que des discussions se poursuivent, que des groupes de travail ont été constitués, de manière à ce qu'on puisse déterminer quels services techniques ou autres peuvent être fusionnés et comment assurer l'effet de synergie qui devrait résulter de la fusion des deux groupes.

Les changements sont en cours, comme vous allez le constater. Il ne s'agit pas tout simplement de réunir deux entités en une seule plus grande, mais bien de les intégrer. L'intégration de divers services permettra de supprimer le double emplois.

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Je puis vous assurer que le processus est en cours à l'heure actuelle et que vous allez constater des changements. Nous souhaitons évidemment des changements beaucoup plus rapides, mais il faut reconnaître que pour des projets d'une telle envergure, les changements sont lents.

Je puis vous assurer que les changements que vous souhaitez sont en train de se produire et qu'ils vont continuer à ce produire. On ne va pas assister tout simplement à la fusion des deux groupes en une sorte de vaste bureaucratie.

M. Campbell: Nous sommes impatients de collaborer avec le ministère, monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal: Ma question suivante porte sur le paragraphe 41(2). Vous aimeriez mieux qu'on donne un pouvoir discrétionnaire au commissaire mais vous savez fort bien qu'il est question ici d'une délégation des pouvoirs du ministre à ce dernier.

Je sais que vous souhaitez qu'il soit possible pour le secteur privé d'assurer la prestation des services envisagés, mais rien dans cette mesure n'empêche le commissaire de reconnaître, s'il le juge plus efficace et rentable, que le secteur privé est mieux en mesure d'assumer un service ce qui permettra aux intéressés de s'adressser à ce dernier.

M. Campbell: Vous avez raison. Nous avons abordé les possibilités de commercialisation, mais nous devons également envisager que certains services éventuellement ne seront tout simplement pas nécessaires dans certaines régions.

Si le commissaire a la responsabilité d'assurer la prestation de services, sans plus, il se peut qu'il ait la responsabilité légale de continuer à en assurer la prestation, qu'il soit utile ou non aux transporteurs maritimes ou aux pêcheurs.

En accordant simplement au commissaire un pouvoir discrétionnaire il pourra oui ou non décider de fournir un service total ou partiel. Nous souhaitons tout simplement que le commissaire ait plus de souplesse dans la conduite de ses activités. Il nous semble que cette modification du libellé suffirait. Nous sommes disposés à appuyer tout autre libellé qui aboutirait à la même chose.

M. Dhaliwal: Je tenais tout simplement à faire valoir que le fait de dire que «le commissaire exerce les attributions du ministre» ne signifie pas que ce dernier ne peut pas privatiser certains services pour des raisons d'efficacité et de rentabilité.

M. Campbell: Je vous ai bien compris.

M. Dhaliwal: Je sais que vous vous craignez d'avoir peut-être à assumer le coût de certaines insuffisances. Or, la mesure législative vous protège du fait qu'on ne peut pas vous imposer davantage que les coûts de la prestation d'un service. Je tiens à m'assurer que vous l'avez bien compris.

M. Campbell: Nous en sommes bien conscients et nous apprécions qu'on ait prévu une telle disposition dans le projet de loi. D'après nous, les coûts sont trop élevés, par rapport à la formule du prix de revient majoré d'une marge bénéficiaire.

Dans le secteur où nous oeuvrons, moi et mon collègue, des transactions d'une valeur de plusieurs millions de dollars reposent sur des écarts de .25c la tonne pour les coûts de transport. Pour l'expéditeur ou le transporteur qui doit les absorber, de tels coûts peuvent influer fortement sur toute décision d'investir au Canada.

Il n'en faut pas davantage pour décider ou non d'agrandir une usine, de transporter ou non des céréales à partir de Thunder Bay, d'acheminer ou non des conteneurs sur Halifax ou de les diriger sur Baltimore où ces coûts supplémentaires n'existent pas.

Il ne s'agit pas ici d'économie de bouts de chandelle. Nous sommes bien prêts à payer un coût raisonnable. Il s'agit plutôt de savoir si le jeu en vaut la chandelle. Au-delà d'un certain seuil, il devient difficile pour nous...

M. Dhaliwal: Vous parlez de coûts trop élevés, mais pourtant les changements n'ont pas été annoncés, pas plus que les modalités administratives. Vous dites que les droits sont trop élevés, sans même savoir quels vont être ces droits.

M. Campbell: On nous a pourtant parlé de 20 millions de dollars en 1996-1997, de 40 millions de dollars pour l'année suivante, de 40 millions de dollars pour l'année d'après et de 60 millions de dollars après quatre ans.

Nous avons proposé d'aider à réduire des coûts de la Garde côtière de 200 millions de dollars. On nous a dit que cela ne changerait pas grand chose. Le montant sera de 60 millions et tout ce qu'on va faire c'est d'empêcher qu'on dépasse ce plafond.

Nous osons dire, pour notre part, que ceux qui envisagent 60 millions de dollars dans quatre ans n'ont pas bien suivi l'évolution de la Garde côtière ces dernières années. Qui sait le niveau que ces frais pourraient atteindre.

Nous avons fait des ouvertures, nous avons pris l'initiative de faire des propositions à la Garde côtière en matière de compressions par rapport à ce fameux seuil de 60 millions de dollars.

Si, dans notre cas, on parle de 60 millions de dollars dans quatre ans, je suis convaincu qu'on doit envisager 50 millions de dollars pour le secteur de la pêche dans quatre ans également.

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M. Dhaliwal: Puisque vous avez parlé de tonnage, vous ne savez pas exactement en ce moment quel sera le coût exact en fonction du tonnage.

M. Campbell: À terme, il s'agit de 60 millions de dollars et c'est un coût qui sera absorbé dans les frais de transport. C'est habituellement l'expéditeur qui finit par payer. C'est l'expéditeur qui finira par décider de son itinéraire. Se rendra-t-il à Halifax? Se rendra-t-il à Vancouver au lieu d'aller à Seattle? Comme je l'ai dit, il d'agit de 60 millions de dollars.

M. Dhaliwal: Quelle forme devrait prendre les droits à verser, d'après vous? Vous êtes certainement disposé à verser des droits, dans la mesure où ils sont justes et équitables. Doivent-ils être fondés sur le tonnage? Doivent-ils être imposés à l'utilisateur du Pacifique? Un droit doit-il être imposé au moment de l'utilisation d'un service? Quelle est la meilleure façon pour le secteur d'intégrer ses coûts? Doit-il s'agir d'un droit qui s'applique d'une façon générale au tonnage?

Certains m'ont dit qu'ils ne favorisaient pas l'application générale d'un droit sur le tonnage et qu'ils préféraient plutôt un droit qui s'appliquerait aux usagers d'un service. Un tel droit favoriserait la responsabilité. Autrement, les gens voudraient utiliser un service dont ils n'ont pas vraiment besoin. Si le droit n'a pas d'incidence directe parce qu'il est tout simplement fonction du tonnage, alors il se peut qu'un service soit davantage utilisé que le besoin ne le justifie. C'est l'utilisateur d'un service qui doit payer la note.

M. Campbell: Avec 105 membres dont 80 p. 100 sont des expéditeurs, ils devront décider quelles sont les solutions les plus avantageuses pour leurs entreprises et leurs employés en matière de transport maritime. Mous ne sommes pas encore prêts à dire si nous souhaitons une taxe sur la valeur ou un droit général. Mais nous voulons faire en sorte qu'il s'agisse d'un droit d'application régionale ou d'un droit lié à un service.

J'ai été étonné d'entendre les représentants de la Garde côtière déclarer ce matin qu'ils étaient maintenant en faveur de la transparence et souhaitaient que les services soient facturés, de manière à ce que la Garde côtière puisse envisager une réduction des coûts et commencer à cibler certains services.

À ce stade, étant donné que chacun y trouvera son compte à sa façon, nous voulons tout simplement veiller à ce que les droits correspondent à certains services précis et à certaines régions précises. Les expéditeurs de Vancouver n'ont pas assumer les services d'un brise-glace offert dans une autre région du pays. c'est probablement ce que vous entendez également.

M. Dhaliwal: J'ai été étonné de lire que la responsabilité d'assurer la sécurité, la rentabilité et l'efficacité du déplacement des navires dans les eaux canadiennes incombaient surtout aux armateurs. J'ai visité le port de Vancouver dernièrement et j'ai pu constater que les fonctionnaires sont toujours soucieux d'assurer la rentabilité et l'efficacité du déplacement des navires dans leur port.

Je suis étonné de vous entendre dire que cette responsabilité ne devrait pas incomber à la Garde côtière alors que, de fait, il s'agit d'une responsabilité importante. Vous ne souhaitez tout de même pas que les armateurs aient des problèmes du fait que les navires ne se déplacent pas de façon efficace et rentable dans une zone portuaire. Je ne comprends peut-être pas très bien, mais je pensais que le gouvernement, la Garde côtière et les administrations portuaires assumaient une importante responsabilité en veillant à ce que les navires se déplacent de façon efficace et rentable, de manière à ce que les armateurs puissent être concurrentiels par rapport à d'autres ports et d'autres pays.

Le capitaine Lanteigne: Vous avez raison en partie, mais vous commentez une déclaration faite par un armateur qui représente des armateurs canadiens. Selon notre point de vue, c'est surtout aux navires et à l'armateur que revient en premier lieu la responsabilité de faire en sorte qu'un navire transporte sa cargaison entre les points A et B de façon économique, efficace et en toute sécurité.

Nous reconnaissons que la Garde côtière contribue parfois à la sécurité du déplacement. Pour ce qui est du port de Vancouver, son administration se doit de l'exploiter efficacement et de maximiser le transit des cargaisons pour que les navires circulent le plus rapidement possible. Elle le fait pour des raisons qui lui sont propres et, dans une certaine mesure, la Garde côtière contribue à l'efficacité du port de Vancouver en assurant certains services portuaires.

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Mais la responsabilité de faire en sorte qu'un navire chargé de pétrole brut se rende du point A au point B dans les eaux canadiennes incombe avant tout au navire lui-même et à l'armateur. Il ne s'agit pas simplement d'une responsabilité morale, mais bien d'une responsabilité légale.

M. Dhaliwal: Mais si le gouvernement ou la Garde côtière ne se souciait pas de favoriser des déplacements économiques et efficaces et ne se souciait que d'un seul aspect, alors j'estime que nous ferions pas notre travail. Il s'agit évidemment d'une responsabilité partagée.

Le capitaine Lanteigne: Nous reconnaissons l'apport de la Garde côtière à cet égard. Ce que nous disons, moi et mes collègues, c'est que le service est beaucoup trop étendu et beaucoup trop coûteux. Le service fourni par la Garde côtière au secteur commercial, y compris les pêcheurs, les armateurs ou les navigateurs de plaisance pourrait être réduit considérablement sans une diminution significative de la sécurité ou de la protection de l'environnement.

Avant même qu'il ne soit question du recouvrement des coûts, nous sommes impatients de participer à des discussions qui auraient pour objet de réduire les coûts de la Garde côtière, même si cela voulait dire que nous devons investir davantage pour que le rendement de nos navires soit amélioré. Nous sommes disposés à nous engager à fond dans cette direction.

Le président: Je tiens à vous remercier. Je crois que votre exposé nous a fourni des informations utiles. Il soulève certaines questions. À titre de législateurs, nous devons considérer les intérêts pécuniaires du secteur privé, du secteur que vous représenter, tout en tenant compte de la responsabilité primordiale du gouvernement en matière de gestion des ressources marines. C'est ce qui explique la pléthore de lois et de règlements. Leur application coûte cher, mais il y a en tout cela un juste équilibre. Je ne saurais dire exactement où il se situe.

Vos recherches nous seront utiles. Même si nous voulons éviter que la loi de la jungle règne en haute mer, il se peut qu'une étude de la situation s'impose. Nous pouvons nous efforcer de réduire les coûts au maximum, de faire appel au secteur privé aussi souvent que possible, tout en appliquant la réglementation la plus avantageuse pour le Canada.

Sans vouloir dire par là que les armateurs ne s'intéressent pas à la sécurité, je constate qu'ils se soucient de rentabilité plus que de toute autre chose, dans l'intérêt de leurs actionnaires. Il faut parfois un autre intervenant, qui n'a pas nécessairement l'oeil sur les bénéfices, pour veiller à la sécurité du public par exemple.

J'estime que vous avez contribué à nos travaux. Nous vous remercions de votre mémoire. Certaines de vos propositions d'amendement sont excellentes. Je vous remercie donc encore d'avoir comparu aujourd'hui.

M. Campbell: Merci, monsieur.

Le président: Nos prochains témoins représentent le Fonds mondial pour la nature. Il s'agit de Cheri Recchia et de Arlin Hackman.

Mme Cheri A. Recchia (directrice, Sites marins protégés - campagne des espaces en danger - Fonds mondial pour la nature): Malheureusement, M. Hackman n'est pas en mesure de comparaître aujourd'hui.

Le président: Cheri était ici il y a deux semaines et elle a eu l'amabilité d'accepter le report de son exposé, étant donné que nous savions que la semaine dernière serait occupée. Compte tenu de l'importance de la question à l'étude, nous tenions à ce que le plus grand nombre possible de membres du comité soient présents pour la discussion.

Cela dit, je vous remercie de votre patience et vous avez la parole.

Mme Recchia: Je tiens à remercier le comité permanent et ses membres de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. D'après nous, la question à l'étude revêt une énorme importance pour la conservation du milieu marin et le développement durable au Canada, tant aujourd'hui que pour l'avenir immédiat et prévisible. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer au processus et nous sommes impatients d'y être associés au cours des semaines et des mois à venir.

Avant de passer à nos recommandations visant à renforcer le projet de loi, j'aimerais présenter notre organisation à eux parmi vous qui ne connaissent pas nécessairement très bien le Fonds mondial pour la nature.

Comme bon nombre d'entre vous le savent peut-être, notre organisation est planétaire. Elle a été lancée il y a plus de 30 ans avec l'établissement de notre siège social international à Gland, en Suisse. À l'heure actuelle, le Fonds mondial pour la nature international exerce ses activités dans plus de 100 pays et compte plus de 5,2 millions de membres un peu partout dans le monde.

Nos activités internationales qui touchent l'environnement englobent aussi bien des projets côtiers à l'échelle locale que des propositions relatives aux sites marins protégés. Nous gérons des sites en Tanzanie, en Afrique du sud, en Amérique latine, dans les Antilles, en Grèce, au Royaume-Uni et pratiquement partout dans le monde.

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Nous sommes également sur le point de lancer à l'échelle mondiale une campagne sur la viabilité des pêcheries, compte tenu de la situation peu reluisante des pêcheries à l'échelle planètaire. Cette initiative vise notamment à cibler certaines grandes questions qui concernent les pêcheries un peu partout dans le monde, comme celles des prises accidentelles et des pratiques de pêche destructrices, y compris l'utilisation de cyanure ou la pêche à blanc dans certaines régions ainsi que la pêche à la dynamite et d'autres pratiques destructrices.

La campagne portant sur la viabilité des pêcheries visera également à proposer des solutions à la surcapitalisation des flottilles de pêche. Cette campagne suscite chez nous un grand enthousiasme. La tâche est difficile et nous allons nous efforcer de trouver les moyens d'aborder les problèmes qui concernent la planète d'une façon équitable, en nous appuyant sur l'information.

Le Fonds mondial pour la nature s'enorgueillit de faire appel aux meilleures données possibles. Son travail d'action sociale et de conservation est fondé sur les données scientifiques les plus valables et, si possible, nous cherchons à éviter de susciter un engagement fondé strictement sur l'émotion.

Étant donné certaines de nos activités en matière de conservation du milieu marin à l'échelle internationale, nous avons produit récemment le petit livret que voici. Il est destiné à un très vaste public et vise à attirer l'attention sur certaines questions en matière de conservation qui concernent l'ensemble des milieux marins du monde et sur certaines solutions, notamment les sites marins protégés.

Pour ce qui est maintenant de notre organisation, le Fonds mondial pour la nature Canada, elle a été créée en 1967. Notre siège social est actuellement à Toronto. Nous comptons environ 50 000 membres actifs et environ 120 000 membres de soutien, à savoir ceux qui nous font parvenir un chèque de temps à autre. Le Fonds mondial pour la nature du Canada administre principalement quatre programmes de conservation et l'activité qui nous a probablement le mieux fait connaître est celle qui porte sur les espèces menacées.

Nous consacrons beaucoup de travail aux espèces marines, surtout les baleines: les baleines bélugas du Saint-Laurent, les baleines boréales de l'Arctique de l'Est, ainsi que d'autres espèces. Nous administrons également un programme de toxicologie de la faune, où l'accent est mis sur diverses questions relatives aux produits toxiques et aux contaminants, notamment en ce qui a trait à l'utilisation de pesticides et d'engrais et sur des questions liées à la pollution du milieu marin, telles que les usines de traitement des eaux usées et d'autres questions connexes.

Nous avons aussi un programme international qui a pour but de protéger certaines espèces comme les oiseaux chanteurs, qui migrent entre le Canada et des pays au climat plus ensoleillé dans le sud. Le programme est surtout axé sur l'Amérique Latine et les Antilles. Nous essayons aussi de monter un projet de conservation en milieu marin à Cuba pour protéger des récifs de coraux et les organismes associés.

Le plus important programme de la FMN Canada, toutefois, c'est la Campagne Espaces en danger. Beaucoup d'entre vous la connaissez sûrement. Elle a été lancée il y a dix ans et doit s'échelonner de 1990 à l'an 2000 et a pour but de créer un réseau écologiquement représentatif des zones protégées du territoire et des eaux du Canada.

Les 13 gouvernements du Canada souscrivent à cet effort. Il s'agit donc d'une entreprise publique et nous collaborons pour constituer ce réseau en conformité avec l'échéancier et en essayant de fonder nos décisions, comme l'établissement des limites, les régimes de gestion, etc., sur des considérations scientifiques, dans la mesure du possible. Nous essayons d'apporter une contribution utile à l'établissement de ces zones à des fins de conservation.

Les membres du comité sont censés avoir reçu cet ouvrage dernièrement. Vous n'avez peut-être pas eu le temps d'en prendre connaissance en entier. C'est le deuxième ouvrage que nous avons réalisé dans le cadre de la Campagne Espaces en danger. La campagne a été lancée à l'occasion de la publication du premier livre, Espaces en danger, et ceci est la suite. Nous y faisons le point de la campagne, à mi-chemin, et nous exposons ce qui doit être fait pour atteindre notre objectif d'ici à l'an 2000.

La campagne a toujours porté sur les zones terrestres et les zones aquatiques mais le volet marin a légèrement été négligé. C'est ce que nous essayons de corriger ici.

Quand on m'a embauché il y a un an et demi, c'est pour que je m'occupe tout particulièrement des zones de protection marines. Je suis océanographe biologique de formation. Je suis nouvelle dans le domaine de la conservation et on m'a demandé de faire concentrer mes efforts sur la création de zones de protection marines partout au pays et de trouver un juste équilibre avec d'autres initiatives de conservation marine et de développement marin durable. Bref, mon travail est de faire ce que nous estimons devoir être fait.

On en parle un peu dans notre dernier rapport d'état. Nous produisons ce document tous les ans et mesurons les progrès réalisés. Les membres reçoivent aussi ce document régulièrement. C'est là-dedans que l'on retrouve la note pour laquelle on nous conspue si souvent.

Passons maintenant à la question à l'étude: la Loi sur les océans. Pour nous, c'est quelque chose d'important. Nous sommes en faveur de cette loi. Les deux premières annexes de notre mémoire sont une lettre d'appui de Monte Hummel, président de FMN Canada, et une autre du directeur général de FMN International, le professeur Claude Martin.

Néanmoins, nous estimons que le texte peut être renforcé de façon relativement simple mais très efficace. Aujourd'hui, je parlerai de deux choses. Avant d'entrer dans les détails, je réclame votre indulgence et je vais vous demander de songer un instant au fond du problème, la raison pour laquelle nous sommes tous ici aujourd'hui, ce que nous essayons tous de réaliser, c'est-à-dire de penser aux océans eux-mêmes.

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Imaginez un instant que vous n'êtes plus dans une salle de la Colline parlementaire à Ottawa mais plutôt dans votre circonscription ou à un endroit que vous affectionnez tout particulièrement sur le littoral. Essayez de penser à la mer. Imaginez tout ce qu'il y a là. La mer est vaste. Notre littoral est le plus long du monde. Nous avons une façade sur trois océans. Les océans du Canada sont étendus et regorgent de vie.

Il y a de petites plantes qui flottent en surface et qui absorbent le dioxyde de carbone, dont nous redoutons tant la production sur terre et qui produisent de l'oxygène, source de toute la vie. Elles servent de nourriture à des minuscules bestioles qui ressemblent à des crevettes et qui migrent de haut en bas de la colonne d'eau et qui elles servent de nourriture aux poissons, qui eux-mêmes servent de nourriture aux baleines, et ainsi de suite.

Tout cela, vous le savez, mais je pense qu'il n'est pas mauvais de vous rappeler ce qui existe là-bas. La diversité est renversante et chaque règle comporte son exception. En effet, il y a des poissons qui mangent des baleines: le requin. Il y a des baleines qui mangent d'autres baleines: l'épaulard. La plus grande créature à avoir jamais vécu sur terre, la baleine bleue, fait plus de 30 mètres de long et se nourrit de minuscules créatures qui ressemblent à des crevettes. C'est tout à fait incroyable.

Pensez aussi à la zone semi-pélagique. On y trouve des poissons qui ne sont en fait que d'immenses dents pointues mues par des nageoires - de quoi animer n'importe quelle soirée d'Halloween - mais qui ne font qu'un centimètre de longueur. C'est incroyable. Pensez au fond marin. Pendant des décennies, voire des siècles, on a cru que toute la vie sur terre tenait son énergie du soleil. C'est lui qui fait vivre les plantes, et les animaux mangent les plantes et les humains mangent les animaux et les plantes. Nous pensions que ça s'arrêtait là, mais maintenant nous savons que ce n'est pas tout.

Dans les grands fonds marins, à certains endroits, se trouvent des peuplements biologiques autour de bouches hydrothermales. Ces îlots de vie tirent leur énergie exclusivement de la chaleur de la terre. Ce sont des organismes qui vivent dans un milieu incroyablement toxique pour tous autres organismes. Ce sont des endroits où flottent des particules de sulfure et de cyanure, l'eau est bouillante, et on trouve pourtant de la vie là-bas sous forme de crevettes et de crabes à l'allure bizarre.

C'est un univers phénoménal. C'est à cela qu'il faut penser pendant un instant et il faut se demander ce que ça signifie pour le Canada. Quelle importance cela a-t-il eu?

Une grande partie du Canada a été fondé grâce à nos océans, à ce qu'ils contiennent et à la façon dont nous nous en sommes servis. Pendant 500 ans, la pêche à la morue a été vigoureuse. Il y a aussi le saumon du Pacifique et celui de l'Atlantique. Les océans ont été une source de multiples richesses. Chaque année, nous capturons de plus en plus d'espèces. Celles que l'on jetait par-dessus bord, aujourd'hui, nous nous en servons.

Mais comme nous le savons tous, cela va mal, pas seulement dans les eaux canadiennes, mais partout dans le monde. Partout on voit que les océans commencent à montrer des signes d'appauvrissement. La FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, estime que 70 p. 100 ou plus des stocks de poisson traditionnels dans le monde sont exploités à un niveau durable ou au-delà. À bien des endroits, pour la pêche, nous sommes arrivés au maximum.

Il y a de la pollution dans presque tous les océans, même dans l'Arctique et l'Antarctique, que l'on croyait purs parce que personne n'y habite. Les océans pâtissent. Ceux du Canada aussi. Aujourd'hui, il faut déterminer ce qu'il faut mettre en marche, ce qu'il faut mettre en place, pour corriger la situation.

Pensez aux océans, comment ils sont aujourd'hui et comment vous voudriez qu'ils soient dans 10, 25 ou 50 ans pour vos enfants et vos petits-enfants. C'est cela qui doit nous guider. À notre avis, c'est cette vision qui est absente de la Loi sur les océans. La vision où est évoquée la protection du milieu marin se trouve dans le rapport du CCNST; la vision qui parle de conservation du milieu marin se trouve dans les déclarations du ministre. Mais elle ne se trouve pas dans la Loi sur les océans.

Dans la loi actuelle se trouvent tous les outils. Nous y faisons une déclaration juridique de nos droits souverains sur notre zone économique exclusive. Il y est prévu un mécanisme de consultation pour la création de la stratégie nationale de gestion des océans et nous y trouvons également des plans de mise en oeuvre régionale. On codifie et clarifie les pouvoirs du ministère des Pêches et des Océans ainsi que du ministre. La stratégie de gestion des océans repose sur deux grands principes: la gestion intégrée et le développement durable.

Mais ce ne sont que des outils. Ce qu'il faut, surtout, c'est un énoncé de mission générale. Pourquoi avons-nous besoin de faire ces choses? Que veut-on accomplir au bout du compte dans les océans? La FMN, elle, est d'avis qu'il faut d'abord et avant tout assurer la conservation des écosystèmes marins et de la biodiversité marine parce que, sans elle, le reste ne rime à rien.

Il ne sert pas à grand-chose d'affirmer nos droits souverains sur la zone économique exclusive et d'expulser les Espagnols des Grands Bancs s'il n'y a plus rien là pour nous. C'est pourquoi nous sommes en faveur de l'insertion d'un énoncé de mission vers le début du texte de loi. Ça pourrait être quelque chose de très général - la protection des océans qui sont intacts - ou cela pourrait être quelque chose de très précis.

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La FMN souscrit au texte présenté par le CCRA et la FCN, que vous avez entendu la semaine dernière. C'est une suggestion.

Il serait peut-être toutefois instructif de se demander pourquoi les mots comme biodiversité et gestion de l'écosystème n'apparaissent pas dans la loi. Le mot conservation s'y trouve à quelques reprises notamment dans la disposition sur les zones de protection marine, dont je vais parler dans un instant. On parle de conservation lorsque l'on veut justifier pourquoi il est important d'affirmer notre souveraineté dans la ZEE. Mais, dans l'ensemble, je dirais que, surtout si l'on part du document qui expose la vision du ministre, que cette idée brille par son absence dans la loi sous sa forme actuelle.

Je vais maintenant faire mon travail et parler des zones de protection marine. Je travaille à ce dossier surtout au Canada pour FMN Canada mais aussi sur la scène internationale. Nous sommes ravis de voir qu'il y a dans le texte une série de dispositions destinées à créer des zones de protection marine et nous partageons les préoccupations de nombreux autres groupes écologistes, de Parcs Canada et d'autres organismes à propos du fait que les dispositions relatives à la conservation et à la protection semblent se limiter aux ressources halieutiques et à leur habitat.

Cela pourrait être interprété de façon restrictive pour ne désigner que les espèces commerciales. Or, même s'il ne fait pas de doute que c'est important, nous jugeons que c'est insuffisant.

Au niveau fédéral, il y a actuellement trois organismes qui ont les pouvoirs nécessaires pour créer des zones de protection marine de divers types. Il y a le Service canadien de la faune, qui peut créer des zones de protection marine en vertu de la Loi sur les espèces sauvages du Canada. Ces zones servent principalement à protéger les oiseaux marins-pas exclusivement, mais surtout.

Il y a la Loi sur les parcs nationaux, qui peut servir à créer des aires marines nationales de conservation qui, elles aussi, répondent à un besoin précis. Ces aires ont une fonction déterminante, mais très précise et très limitée.

Cela écarte tout le reste, pas seulement les autres poissons, mais aussi les écosystèmes. En sont exclus toutes sortes d'habitats côtiers et extra-côtiers. Se trouvent ainsi écartés toutes sortes d'objectifs possibles que nous n'imaginons peut-être pas encore.

Pourquoi voudrions-nous aujourd'hui, dans une loi habilitante, circonscrire de façon aussi étroite le sens de la disposition sur les ressources halieutiques, ce qui pourrait ne désigner que les espèces commerciales et ne vise peut-être même pas d'éventuelles richesses naturelles futures.

Je peux vous donner un exemple précis où, à notre avis, la modification de la Loi sur les océans serait extrêmement utile. Nous oeuvrons actuellement en faveur de la protection d'une zone qui s'appelle Le Gully, située au large de l'île de Sable, sur la plate-forme Scotian. C'est une région extrêmement riche. C'est une fosse sous-marine qui a à peu près la taille du Grand Canyon, mais moitié moins profond. C'est le Grand Canyon sous-marin de la plate-forme Scotian, et l'un des plus importants de toute la marge continentale de l'Est de l'Amérique du Nord.

Parce qu'il s'agit d'un canyon, les eaux y subissent un brassage vigoureux. Elles sont très riches en aliments nutritifs, qui se trouvent au fond, passé le rebord du plateau continental. C'est là que tombe tout ce qui arrive du sommet, tous les éléments nutritifs qui s'enfoncent dans la zone pélagique où il y a très peu de lumière et où la température est très basse. Il n'y a pas grand-chose qui se passe là.

Les zones où ces eaux des profondeurs, riches en éléments nutritifs sont repoussées vers la surface, vers la lumière, là où les plantes et les animaux vivent sont des endroits où la vie foisonne. Ce sont des zones de productivité primaire où le poisson abonde et où l'on retrouve des oiseaux marins ainsi que des baleines. De fait, le Gully semble être l'endroit où réside toute l'année une population de 280 hyperoodons boréaux. Ce sont de bizarres petites créatures, très curieuses, qui viennent aux abords des navires voir ce qui se passe et qui semblent vivre là toute l'année. Elles semblent appartenir à une population génétique distincte qui se trouve à proximité d'un grande voie de navigation transatlantique. Elles se trouvent à proximité d'une zone de production pétrolière et gazière, d'exploitation offshore de l'île de sable, qui est censée être mise en route sous peu.

C'est aussi une zone où on trouve actuellement un grand nombre de thons rouges et l'on pense qu'il s'agit d'une aire de fraie importante pour les poissons de fond comme la morue et le goberge. Mais ce n'est pas une zone qu'un gestionnaire des pêches tiendra à protéger. Par contre, du point de vue de la conservation, c'est une zone très importante parce qu'il se passe beaucoup de choses là et il faut la protéger.

Un certain nombre d'organismes fédéraux ont parlé de protéger cette zone. Le SCF a évoqué la possibilité de créer une réserve nationale de la faune, mais est arrivé à la conclusion que comme l'intérêt premier de la zone semble être les mammifères marins, cela relève probablement davantage du ministère des Pêches et des Océans. Ce ministère pourrait lui accorder une désignation en accordant une prolongation en vertu de la loi sur les pêches. Vous conviendrez que cela n'est pas une façon très efficace de procéder. La dérogation devrait être accordée annuellement. C'est une façon de recourir à la loi qui ne correspond pas vraiment à ce que l'on prévoyait.

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Parcs Canada s'intéresse aussi à la zone. Le ministère dit que c'est une zone nationale qui revêt une grande importance pour le pays. Sauf que cela ne cadre pas tout à fait avec son mandat, qui est de favoriser le tourisme et les loisirs. Il n'est pas certain non plus que la loi sur les parcs nationaux puisse être invoquée pour désigner des zones situées à l'extérieur de la mer territoriale, comme c'est le cas ici.

Nous tenons des réunions avec Mobil et d'autres représentants de l'industrie pétrolière qui s'intéressent énormément à ce qu'un projet comme celui-ci aille de l'avant parce que, pour être honnête, ils voient d'un bon oeil le fait que leur projet se développe à proximité d'une zone protégée à des fins de conservation.

La zone convient idéalement à une désignation en vertu de la loi sur les océans, mais peut-être pas telle qu'elle est rédigée actuellement parce qu'il n'est pas certain que celle-ci permettrait de désigner la zone puisqu'il n'est pas évident que cela aurait un effet bénéfique sur les ressources halieutiques.

Ce que nous proposons, c'est de modifier les dispositions relatives à la zone de protection marine, de l'élargir pour qu'elle s'applique non seulement aux ressources halieutiques mais à d'autres organismes. À tout le moins, nous proposons d'y inclure les organismes biologiques, mais nous pensons qu'il serait préférable encore de reformuler entièrement le texte, en particulier l'article 35. Je le répète, nous appuyons le libellé proposé par le CCRA et la FCN.

L'essentiel de notre mémoire, ici, se trouve dans les annexes. Je le laisserai aux membres du comité qui pourront en prendre connaissance à leur gré et s'en servir comme ils voudront.

Nous sommes très heureux du mémoire présenté par le CCRA et la FCN. Nous avons collaboré de très près avec ces organismes et cela m'a évité un gros effort de dactylographie. C'est bien ficelé et nous appuyons le document.

Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

Le président: Il faudra que je m'absente dans une minute ou deux; le vice-président va me remplacer.

Votre exposé a été fascinant et j'espère que vous pourrez rester pour assister à nos autres délibérations. J'ai grandi tout près d'ici au bord de l'océan et vous avez tout-à-fait raison. Souvent, nous regardions la mer mais nous ne voyions pas plus loin que la surface. I y avait des bateaux qui faisait la navette entre Port-aux-Basques et Sidney Harbour et St-Johns, mais nous ne voyions vraiment rien d'autre que quelques poissons squelettes, comme on les appelait, et des morues à Port-au-Choix. La complexité et la diversité biologique du milieu marin est quelque chose que même aujourd'hui, comme président du comité des pêches, il faut me rappeler.

Vous avez bien souligné la nécessité d'avoir une loi protégeant les milieux marins uniques en leur genre. Je suis d'accord avec vous quand vous dites que le libellé actuel de la loi ne le permet pas. Sa portée est bien plus restreinte. Elle semble prévoir des situations d'urgence qui ont trait à la pêche. L'endroit que vous avez cité, l'Île de Sable, est un bon exemple du genre d'endroit où il faudrait envisager la création d'une zone de protection marine.

Avant de donner la parole à Mme Payne, je voudrais vous poser une question concernant votre recommandation de protéger l'intégrité de la biodiversité de notre milieu marin. Pensez-vous que d'autres lois, comme les dispositions de la LCPE qui portent sur l'immersion de déchets en mer et des pratiques semblables, et même certaines lois provinciales concernant les sources terrestres de pollution marine pourraient être intégrées à ce régime?

Quand j'étais jeune, nous n'avions pas de centre d'enfouissement des déchets, nous nous contentions de les déverser du haut d'une falaise. Une fois le camion à ordures rempli, il montait la colline près de ma maison et déversait les déchets le long d'une chute en béton débouchant dans la mer. Après chaque grosse tempête, la plage était au moins suffisamment propre pour qu'on n'ait pas à s'inquiéter de s'amputer un orteil en marchant sur une vieille boîte de conserve. C'est comme cela que nous nous servions de l'océan et à bien des égards nous continuons à nous en servir ainsi. Les abus ne sont peut-être pas aussi flagrants mais cela continue.

Vous pourriez peut-être citer aux autres membres du comité quelles sont les autres mesures que vous estimez nécessaires afin de protéger la biodiversité. Je vais lire votre réponse quand j'aurai la transcription, mais je dois vous quitter pour aller voir le patron; le premier ministre veut me voir.

Madame Payne, pourriez-vous me remplacer pour quelques minutes?

Mme Recchia: C'est une question excellente. Quand on parle de la gestion intégrée des océans, il est important d'adopter une approche aussi globale que possible lorsqu'on examine les différents dangers et risques qui se présentent.

Le fait d'intégrer certaines dispositions d'autres lois à la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans ou à la Loi canadienne sur les océans nous oblige à nous demander si ce changement offre de véritables avantages ou résultats sur le plan de l'efficacité. J'estime qu'il est important de considérer certaines de ces mesures par rapport à l'écosystème. Nous ne savons pas exactement ce que cela signifie mais nous savons qu'en abordant la question sous l'angle de l'écosystème, il ne faut pas tenir compte simplement des poissons ou des stocks de poisson commercial.

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À notre avis, le MPO aborde ce moment décisif de la gestion des océans en adoptant la perspective d'un organisme chargé de la gestion de la pêche. Sa première responsabilité a été de fixer des quotas pour la pêche commerciale, c'est ainsi qu'il voit surtout comme sa mission. Le ministère réunit un grand nombre de spécialistes avec des connaissances très utiles mais son approche comporte aussi des limites.

Pour ce qui est des autres lois comme la LCPE avec ses dispositions sur l'immersion des déchets en mer et la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et ses dispositions concernant la pollution marine provoquée par des sources terrestres, nous nous demandons où ces dispositions devraient figurer pour avoir le maximum d'effet. Où devraient-elles se trouver afin d'encourager autant que possible l'approche globale qui relève de l'écosystème sans isoler les différents éléments que ce soit la pêche ou le déversement en mer?

Alors je ne suis pas disposée à faire des recommandations précises concernant le réaménagement de certaines lois parce que je ne suis pas spécialiste en la matière et je ne sais pas quelles seraient les répercussions de ces changements. Mais le critère fondamental, c'est de faire le meilleur travail possible afin de promouvoir la salubrité et la productivité de nos océans.

Je ne sais pas si cette réponse vous est utile.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci, madame Recchia.

Vous nous avez demandé tout à l'heure de nous représenter un paysage marin près de notre circonscription. Je n'ai pas vraiment pensé à l'océan mais plutôt à un tableau que j'ai dans mon bureau sur la Colline. Je ne sais pas si vous l'avez déjà vu, il a été peint en 1975 et il est intitulé After the Draggers. C'est une vision très profonde d'un océan sans vie. Ce tableau me hante l'esprit.

Mme Ablonczy: Vous avez parlé de zones de protection marine. Pourriez-vous expliquer en quoi les citoyens canadiens profiteraient de la création de ces zones et comment les activités prévues dans ces zones seraient tellement différentes de ce qui se passe ailleurs?

Mme Recchia: Ici au Fonds mondial pour la nature, nous envisageons une sorte de réseau de zones de protection marine. Nous ne préconisons pas un régime uniforme ou identique partout. Il s'agirait plutôt d'une gamme d'options de gestion comprenant par exemple de petites zones très restreintes où la pêche n'est pas autorisée. Il en existe déjà plusieurs au Canada. Je pense notamment à la zone près de l'ouest de Vancouver, une petite zone de protection maritime connue sous le nom de Whytecliff Park, établie à la demande des collectivités locales. Elles ont demandé au MPO d'interdire dans cette zone toute activité d'extraction. Les résidents voulaient interdire toute activité d'exploitation pour garder la zone intacte. Cet exemple semble susciter beaucoup d'enthousiasme en Colombie-Britannique.

On est maintenant en train d'envisager la création d'une zone semblable près de Nanaimo. Il s'agit d'une zone d'environ 260 hectares et encore une fois, c'est une initiative des localités côtières qui estiment que c'est une zone spéciale. Elles pensent que la zone mérite la protection la plus stricte possible, c'est-à-dire l'interdiction de toute extraction commerciale et à des activités de loisirs. Il y a encore d'autres aspects qui font l'objet de consultations locales.

Ce genre d'exemple se trouve à l'une des extrémités du spectre.

Mme Ablonczy: Et quel avantage le public en tirerait-t-il?

Mme Recchia: L'avantage pour le public, c'est que comme vous le savez sûrement, la plupart des organismes marins produisent de minuscules larves et certaines de ces zones, si elles sont bien situées, peuvent jouer le rôle d'une sorte de lit de semences pour les environs. À notre avis, ce serait particulièrement utile dans le cas d'espèces comme le homard et les pétoncles qui sont plutôt sédentaires à l'âge adulte, du moins par rapport à la morue ou au saumon, par exemple, et qui produisent d'énormes quantités de ces larves qui peuvent se disperser sur de grandes surfaces.

Le poisson, le homard et d'autres sortes d'organismes marins deviennent beaucoup plus productifs et féconds au fur et à mesure qu'ils vieillissent. Alors s'il existe des zones où ces animaux peuvent rester tranquilles, où les homards et les pétoncles peuvent croître en paix, ils vont produire une quantité beaucoup plus importante d'oeufs et cela peut avoir un effet très salutaire sur la regénération dans les environs. C'est une conséquence directe qui aurait une valeur économique.

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Il y a d'autres retombées sur l'utilisation possible des zones. La plongée sous-marine, la navigation de plaisance et toutes sortes d'autres activités de loisirs sont appelées à prospérer dans ce genre de milieu.

On envisage aussi des zones polyvalentes plus importantes où la zone de protection marine peut jouer le rôle de cloison ou de tampon séparant les zones où on se livre à des activités incompatibles telles que le dragage et la pêche au homard, la pêche et la plongée sous-marine, ou bien le tourisme et l'aquaculture.

Les zones de protection marine peuvent remplir de nombreuses fonctions. Prenons le Parc du Récif de la Grande Barrière, l'une des zones de protection marine les plus grandes et les plus connues du monde - son étendue dépasse 350 000 kilomètres carrés - et dans cette zone protégée on retrouve presque toutes les activités humaines connues, à l'exception de l'extraction gazière et pétrolière. Il y a des régions touristique, des zones de pêche commerciale, des zones de recherche scientifique et des zones sensibles sur le plan écologique où la plupart des activités sont interdites.

Nous avons une vision globale des choses. Étant un organisme qui oeuvre pour la défense de l'environnement, nous préconisons la création de zones de protection marine destinées avant tout à des fins de conservation. Nous sommes convaincus que certaines activités humaines sont fondamentalement incompatibles avec les zones de protection marine, quelles que soient les circonstances. Pour le moment, nous sommes enclins à croire que cette liste devrait inclure les activités de prospection et d'extraction du pétrole, du gaz, des minerais et d'autres ressources non renouvelables, ainsi que la pêche à la drague ou au chalut, le dragage sur une grande échelle et l'immersion de déchets.

À notre avis, ces zones présentent divers avantages, outre leurs avantages directs en matière de gestion; nous espérons que, si elles sont convenablement planifiées et bien gérées, elles pourront constituer un système cohérent de zones de protection marine qui, ensemble, compléteront d'autres initiatives de conservation et de développement durable des ressources marines, et que ce système sera la pierre angulaire de notre stratégie de gestion des océans, laquelle accorde la plus haute importance à la préservation de nos ressources actuelles et permettra de reconstituer certains stocks pour les générations futures.

Mme Ablonczy: Merci. Cette réponse m'est très utile.

La vice-présidente (Mme Payne): Avant de donner la parole à M. Dhaliwal, j'ai une question à poser. Elle porte sur les phoques, et je l'ai déjà posée la semaine dernière au témoin qui représentait le CCRA.

J'aimerais connaître votre opinion sur les répercussions que les phoques ont sur nos stocks de poisson. Vous savez certainement que leur nombre augmente et qu'ils se nourrissent essentiellement de morue et d'autres espèces qui font partie de la chaîne alimentaire des poissons. Il y a également le problème des parasites.

Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de tout cela?

Mme Recchia: Nous savons que, pour diverses raisons, notre écosystème est déséquilibré. Bon nombre de poissons de fond dont les stocks étaient abondants par le passé ont maintenant pratiquement disparus dans certaines zones et sont très rares dans d'autres. Parallèlement, nous assistons à cette explosion apparente des populations de plusieurs espèces de phoques.

Je ne doute pas un seul instant des chiffres du ministère des Pêches et Océans concernant les populations de phoques. Je crois sans réserve ces données concernant l'alimentation des phoques. Toutefois, ce qui nous préoccupe, lorsqu'on envisage les mesures de gestion à prendre, c'est qu'à notre avis, l'écosystème est beaucoup plus complexe que cela et ne se limite pas au fait que les phoques mangent de la morue.

Je veux dire par là que nous savons que les phoques mangent la morue. Nous savons également qu'ils mangent d'autres poissons qui eux-mêmes se nourrissent de morue. Pour ce qui est de reconstituer les stocks de morue, je ne sais franchement pas ce qu'il faudrait faire. Je ne sais pas s'il vaut mieux intervenir pour réduire considérablement la population de phoques.

La vice-présidente (Mme Payne): Pourriez-vous nous parler des autres espèces dont, à votre connaissance, les phoques se nourrissent, outre les petits poissons? Vous dites qu'ils mangent également des espèces plus grandes.

Mme Recchia: Par exemple, pour les phoques du Groënland, selon les estimations, la morue du Nord compte pour 3 p. 100 de leur alimentation. Ils mangent également de la morue de l'Arctique et du capelan.

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Ces autres espèces font dans une certaine mesure concurrence à la morue. Les jeunes capelans servent de nourriture à la morue, comme vous le savez tous, mais ils sont également en concurrence avec les jeunes morues pour les mêmes ressources. La morue de l'Arctique, à diverses périodes de son cycle de vie, est également en concurrence avec le capelan et la morue du Nord.

Si on examine la question uniquement du point de vue statistique, il y a un grand nombre de phoques qui réduisent considérablement les stocks de morue de l'Arctique, consomment un grand nombre de capelans, et, proportionnellement à ces deux espèces, de petites quantités de morue du Nord. Si on supprime les phoques, on donne alors un avantage au capelan et à la morue de l'Arctique, qui sont en concurrence avec la morue du Nord et on donne ainsi l'avantage à toute espèce, quelle que soit sa taille, qui se nourrit de morue du Nord.

Je ne connais pas tous les détails du problème, mais à notre avis, l'écosystème est trop complexe pour que nous puissions le prédire. J'ai une formation en science des mammifères marins. En fait, ma spécialité, c'est plutôt les baleines et les dauphins que les phoques, mais j'ai posé cette question à certains de mes collègues parce que le Fonds mondial pour la nature, comme vous le savez sans doute, s'est fait remarquer en prenant position pour la chasse aux phoques sous sa forme actuelle. J'ai appelé mes collègues en leur demandant ce qu'il fallait faire pour remédier au problème des phoques qui se trouvent à St. John's.

Il y a d'autres cas, d'autres modèles dont vous avez sans doute déjà entendu parler, comme l'Afrique du Sud, où l'on s'inquiétait, sauf erreur, des phoques à fourrure qui dévastaient les stocks de goberge ou d'autres espèces semblables. À partir de modèles aussi précis que possible et grâce à leurs connaissances scientifiques de l'écosystème, les responsables de ce pays ont conclu que l'élimination ou une réduction importante de la population de phoques à fourrure risquait en fait d'avoir l'effet inverse à celui escompté. Ils ne pouvaient pas affirmer avec certitude laquelle des deux options, c'est-à-dire chasser les phoques ou leur laisser la vie sauve, permettrait le mieux de reconstituer les stocks de poissons menacés. Les responsables ont opté pour ce qui leur semblait être un régime de gestion des stocks durable, stratégie qu'appuient notre organisme.

À notre avis, les phoques constituent une ressource abondante. Il n'y a aucune raison de ne pas les chasser selon des principes durables, et en tout cas si cela permet de compenser certaines difficultés économiques qui accablent l'est du Canada, ce serait formidable. Du point de vue scientifique toutefois, je ne sais pas ce qu'il en est.

La vice-présidente (Mme Payne): En fait, c'est ce que pensent la plupart des gens: Il vaut mieux opter pour des mesures de développement durable que d'éliminer totalement une espèce quelconque.

M. Dhaliwal: J'ai quelques brèves questions à poser, surtout en ce qui a trait aux zones de protection marine, mais j'aimerais dire tout d'abord que nous sommes heureux de vous avoir parmi nous pour nous présenter clairement la position du Fonds mondial pour la nature. Je tiens à vous féliciter pour le travail que fait cet organisme.

Mme Recchia: Merci.

M. Dhaliwal: Je connais bien des gens qui participent à ses activités à Vancouver, comme Bryan Williams et d'autres, que vous connaissez certainement.

En ce qui a trait aux zones de protection marine, mon opinion diffère légèrement de la vôtre dans la mesure où j'estime qu'elles ne devraient pas être créées uniquement du point de vue des pêches, comme vous l'avez dit. À mon avis, ces zones revêtent une bien plus grande importance du point de vue scientifique, sur le plan de la conservation, et il est possible de créer diverses combinaisons de zones de protection marine en fonction des besoins de la collectivité.

Je ne pense pas que nous prévoyions des limites dans la loi, mais vos arguments sont très pertinents, à mon avis. Nous devrions nous assurer de ne fixer aucune limite, car je ne pense pas que ce projet de loi vise à envisager uniquement la question du point de vue des ressources halieutiques, mais qu'il englobe également la conservation, la biodiversité et les besoins de la collectivité, pour des raisons scientifiques et bien d'autres qui justifient l'existence des zones de protection marine. C'est pourquoi je pense que le comité devrait envisager des recommandations visant à renforcer ce principe, même si je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que le projet de loi vise à le restreindre.

Mon autre question, qui a déjà été soulevée au comité, est la suivante: En ce qui a trait aux objectifs à fixer, aux zones à délimiter et au nombre de zones qui seront déclarées zones de protection marine, il y a lieu de se demander s'il convient également de déterminer un pourcentage ou une zone prioritaire...

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En second lieu, étant donné qu'il s'agit d'une nouvelle loi, faudrait-il prévoir un examen global d'ici trois ou cinq ans, par exemple, pour nous assurer que la loi s'applique bien comme nous le souhaitons? Souvent, une loi est adoptée mais on s'aperçoit ensuite qu'il est impossible de l'appliquer ou qu'elle n'atteint pas les objectifs visés. À votre avis, serait-ce une bonne idée de prévoir dans la loi une disposition selon laquelle, au bout d'une période donnée, le comité devrait en faire un examen approfondi, en consultant des gens comme vous et d'autres groupes pour savoir si la loi atteint bien les objectifs visés et s'il est possible de la modifier de façon à l'améliorer?

J'aimerais savoir ce que vous pensez de ces deux ou trois questions. Vous pourrez également nous donner votre avis, du point de vue scientifique, sur l'aquiculture, un secteur qui, comme vous le savez, fait des bonds de géant au Canada. Je sais que certains environnementalistes sont préoccupés par cette question. Je sais que le ministre de l'Environnement de la Colombie-Britannique a adopté une position très ferme à l'égard des nouvelles initiatives dans le domaine de l'aquiculture. J'aimerais savoir ce que vous pensez des problèmes qui existent dans ce secteur d'activité.

Mme Recchia: Merci. Je vais répondre à vos questions dans l'ordre où vous les avez posées, si du moins ma mémoire ne me trahit pas.

Oui, je suis parfaitement d'accord avec vous quant aux fonctions multiples que peuvent jouer les zones de protection marine. Pour ma part, j'ai tendance à me focaliser avant tout sur les valeurs économiques, surtout à court terme, car je pense que c'est ce qui intéresse le plus les gens, du moins en premier lieu.

Je signale pour la gouverne des membres du comité que nous avons joint à l'annexe 5 de notre mémoire un document que nous avons présenté lors d'une conférence sur les sciences et la gestion des zones protégées. Nous y indiquons en détail certains avantages reliés aux zones de protection marine et certaines conceptions différentes. Nous y exposons également en détail la position de notre organisme et répondons aux excellents points que vous avez soulevés relativement aux avantages de ces zones en matière de recherche, pour surveiller les tendances environnementales et la transformation du globe, pour évaluer l'incidence des activités humaines qui se déroulent ailleurs, etc.

Quant à l'établissement d'un objectif pour les zones de protection marine, là encore, c'est une excellente question. À cet égard, notre organisme s'est demandé s'il serait logique de créer une sorte d'organisme national chargé d'élaborer un système national de zones de protection marine. À quoi ce système devrait-il ressembler, non pas pour déterminer le nombre initial et l'emplacement de ces zones, mais dans l'ensemble? Étant donné ce qui nous préoccupe dans l'écologie des trois côtes du Canada et les valeurs que nous tenons à préserver, quel objectif ce système pourrait-il atteindre de façon générale, comment pourrait-il s'inscrire dans les autres initiatives de conservation des ressources marines - la création de zones protégées n'est de toute évidence pas la seule mesure à prendre - et comment tout cela pourrait-il ensuite être intégré dans nos plans de développement durable?

Nous avons envisagé de proposer à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie de se pencher sur cette question comme elle l'a fait pour l'initiative relative à la forêt durable il y a quelques années. Voilà où nous en sommes dans notre réflexion préliminaire. Nous ne sommes pas convaincus que ce soit vraiment une bonne idée.

Je ne sais pas s'il est logique de discuter de cette question dans le contexte de la Loi sur les océans, mais si on veut se faire une idée de ce que pourrait être ce genre de système, il faut réfléchir à tout cela. J'ai discuté avec les responsables du ministère des Pêches et des Océans de la façon d'aborder la question, étant donné qu'on s'oriente désormais vers une nouvelle sorte de protection marine, c'est-à-dire des zones qui ne sont pas exclusivement destinées à la gestion des pêches.

Comme vous le savez tous, nous avons beaucoup à apprendre du reste du monde. Il existe des zones de protection marine dans le monde entier. Il existe des systèmes de zones de protection marine établies par bon nombre d'autres pays. Plusieurs pays ont adopté des lois en vertu desquelles il est non seulement permis, mais obligatoire de créer des zones de protection marine. C'est pourquoi je pense que le Canada peut très bien s'inspirer de l'exemple d'autres pays.

Le Fonds mondial pour de la nature ne sait pas combien de sites il faudrait déclarer, de façon idéale. Nous sommes en train d'élaborer notre cadre de représentation écologique, fondé sur le principe que, au sein de régions qui présentent de grandes similitudes du point de vue océanographique, si l'on considère des écorégions océaniques, il devrait y avoir des exemples de diverses sortes de zones de protection marine qui s'appliquent à ces diverses caractéristiques; en outre, ces zones devraient être planifiées et créées de façon à constituer un système cohérent qui permette de protéger des ressources comme les stocks de morue et de saumon, qui se déplacent sur de longues distances.

Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Notre organisme sera heureux de participer de façon suivie aux discussions sur ces grandes questions générales.

Quant à l'examen de la Loi sur les océans, là encore je suis tout à fait d'accord avec vous. Dans leur mémoire, le CCRA et la FCN ont fait une recommandation concernant un système de rapports réguliers. Pendant l'un des ateliers qui ont mené à la formulation de ce mémoire, nous nous sommes demandés s'il convenait de prévoir une période de quatre à cinq ans, pour que le ministère ait le temps de prendre diverses initiatives au lieu de travailler simplement à la préparation du rapport suivant.

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Nous avons envisagé divers indicateurs que le ministre pourrait utiliser pour ses rapports, relativement au processus: l'évolution de la stratégie sur la gestion des océans, l'avancement des plans de mise en vigueur régionaux, et les objectifs. Si on inclut dans la loi un énoncé des objectifs, celui-ci se traduira par des progrès mesurables, du moins nous l'espérons. Nos milieux marins ont-ils l'air de s'être améliorés? Nos plages sont-elles utilisables? Nos parcs à palourdes sont-ils à nouveau remplis de palourdes comestibles? Ce sont des questions très importantes pour les gens. On pourrait prévoir quelques indicateurs très simples qui nous seraient très utiles lors de notre examen.

La gestion intégrée, le développement durable, l'approche des écosystèmes - nous ne savons pas vraiment ce que tout cela veut dire ou comment procéder véritablement. Il faut nous donner l'occasion de tirer parti de nos expériences, de nos erreurs, et d'adapter les mesures que nous prenons. Notre organisme appuie sans réserve l'idée d'un système de rapports réguliers sur les progrès et l'efficacité des mesures prévues dans la loi.

En ce qui concerne l'aquiculture, c'est une question qui préoccupe également vivement notre organisme. À notre avis, cette activité peut sans nul doute être exercée sans nuire à l'environnement.

Comme le savent tous ceux qui s'occupent d'aquiculture, certains sites sont mieux adaptés à cette activité que d'autres. Nous craignons que, dans une certaine mesure, compte tenu des pressions économiques qui existent dans certaines régions, certains considèrent que cette activité est une panacée aux maux économiques de certaines régions et au déclin des stocks de poisson de la pêche commerciale. Nous craignons que certains ne se lancent tête baissée dans l'aquaculture sans vraiment en comprendre toutes les répercussions, sans connaître les conséquences à long terme. Ce qui nous inquiète, c'est une stratégie qui ne tiendrait pas compte de l'incidence cumulative de l'aquiculture sur d'autres choses, comme une étendue d'eau ou une baie particulière.

La dernière mise en garde que je voudrais faire au sujet de l'aquiculture, c'est que nous sommes très préoccupés par l'élevage d'espèces non indigènes. Nous avons eu des discussions avec le ministère de l'Agriculture, des Pêches et des Aliments de la Colombie-Britannique au sujet de l'élevage de saumons de l'Atlantique dans le Pacifique. Nous sommes vivement préoccupés par les conséquences possibles de... Certains poissons s'échappent inévitablement. Une fois en liberté, ils risquent de se croiser avec d'autres espèces et de déplacer les espèces indigènes. Cela nous inquiète beaucoup.

M. Dhaliwal: Je sais que j'ai un peu dépassé mon temps de parole, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Payne): Nous allons permettre deux brèves questions, si possible.

Madame Ablonczy.

Mme Ablonczy: Je cède ma place à M. Dhaliwal. J'ai posé les questions qui m'intéressaient.

La vice-présidente (Mme Payne): Allez-y, monsieur Dhaliwal.

M. Dhaliwal: Merci. Lorsque moins de membres du comité sont présents, on peut en profiter et poser plus de questions.

La vice-présidente (Mme Payne): Je ne vous céderai pas mon temps de parole.

M. Dhaliwal: Une dernière question. J'aimerais savoir si votre organisme fait quelque chose pour promouvoir l'établissement de zones de protection marine dans les eaux internationales. Je pense notamment aux endroits où ce serait le plus important, par exemple, dans les zones d'alimentation au large des Grands Bancs, car c'est une question qui devrait vous intéresser, je pense. Avez-vous réfléchi à la possibilité de créer des zones de protection marine dans les eaux internationales, notamment dans cette région précise, où ce serait tout à fait logique?

Mme Recchia: Oui, nous avons une délégation importante qui assistera à la deuxième Conférence des partis à la Convention sur la diversité biologique. La création de zones de protection marine hauturières est justement une des questions que notre délégation soulèvera lors de cette conférence.

Nous avons également présenté des instances à la Conférence des Nations-Unies sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs en vue de créer des zones de protection marine dans les zones circulaires où il y a chevauchement de compétences - les trous de beignes, les trous d'arachides - créées par le rapprochement de différents états, les zones économiques exclusives ou zones de pêche.

C'est pourquoi cela nous paraît important. Mon travail porte essentiellement sur les mesures à prendre dans les eaux canadiennes, mais le cas des Grands Bancs est particulièrement intéressant, à mon avis. Nous travaillons en collaboration étroite avec M. Jon Lien de l'université Memorial, à Terre-Neuve. Il siège également, sauf erreur, au Conseil de conservation des ressources halieutiques. Je sais qu'il s'intéresse à l'éventuelle désignation d'une zone de protection marine dans les Grands Bancs, à l'extrémité inférieure dans les hauts fonds du sud-est, laquelle chevaucherait la limite des 200 milles et assurerait la protection des zones de frai et des nourriceries. Jon et moi en avons discuté longuement. Nous essayons de déterminer quelles seraient les répercussions et quelles sont les meilleures façons de procéder pour donner suite à ce projet.

Dans d'autres parties du monde, nous avons également des représentants, comme à la section des traités et de la protection, en Suisse, qui se penchent sur ce dossier, et dans d'autres régions.

Pour répondre à votre question, c'est donc oui.

M. Dhaliwal: Je vous souhaite de réussir dans cette entreprise. Je sais que c'est très important du point de vue international.

Mme Recchia: Merci.

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La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup. M. Dhaliwal m'a ôté les mots de la bouche en parlant des eaux internationales.

Dans le même ordre d'idées, et rapidement car il nous reste un autre témoin, que ce serait-il passé, selon vous, s'il avait existé une zone de protection marine autour de la zone de frai des stocks de morue du Nord? Je sais que vous allez donner la réponse que j'attends, mais j'aimerais néanmoins l'entendre.

Mme Recchia: S'il nous était possible de cerner toutes les zones de frai, nous n'en serions sans doute pas là aujourd'hui.

Tout d'abord, nous ne croyons pas, pas plus que quiconque d'ailleurs, que les zones de protection marine suffisent à elles seules à conserver toutes les espèces marines. Elles y contribuent, mais cela ne suffit pas. C'est pourquoi il importe de prendre d'autres initiatives.

Il se pose un problème pour les parcs terrestres, par exemple. Si on fait des coupes à blanc jusqu'aux extrémités d'un parc, cela se répercute sur le parc. Les conséquences ne cessent pas parce qu'il existe une limite fixée sur une carte.

Cela s'applique encore davantage à l'environnement marin. Comme vous le savez, dans les eaux, tous les éléments sont étroitement liés les uns aux autres. Il y a les effets en amont et les effets en aval. Les zones de protection marine sont très sensibles aux effets des sources terrestres de pollution marine, à la pollution atmosphérique, à la pollution de l'eau et aux conséquences de la navigation. Pour les espèces comme les baleines à gros nez, il faut se préoccuper des conséquences du bruit. Ces secteurs sont très sensibles aux sources de pollution de l'extérieur ainsi qu'aux mesures que nous prenons à l'intérieur.

À mon avis, si les stocks de morue sont dans l'état où nous les connaissons aujourd'hui, c'est que nous ne les avons pas très bien gérés. Je pense que nous les avons surexploités et surpêchés. Nous savons que certains bateaux d'une flottille de pêche étrangère ont utilisé des filets à petites mailles illégaux, ce qui a sans doute contribué au problème. Parallèlement, nous ne pouvons pas rejeter trop simplement le blâme sur les étrangers car nous avons également une part de responsabilité dans cette affaire.

Je soutiens que s'il avait existé des zones de protection marine, nous aurions pu trouver une solution à certains problèmes encore en suspens.

D'une part, il y a le débat continuel sur les véritables répercussions que les bateaux de pêche à la drague et les chalutiers ont sur l'environnement. Nous les connaîtrions si nous avions quelques zones supplémentaires où il est interdit de pêcher à la drague et au chalut. Jusqu'à tout dernièrement, nous pouvions pratiquer cette pêche pratiquement dans toutes les zones où c'était techniquement possible, de sorte que lorsque les gens nous demandent quelles sont les conséquences de la pêche à la drague...

La vice-présidente (Mme Payne): Quand vous dites «chalut», vous parlez de la pêche au chalut à panneaux, n'est-ce pas?

Mme Recchia: Oui. Veuillez m'excuser.

On discute beaucoup des répercussions de la pêche au chalut à panneaux ou à la drague, et si nous n'en savons rien, c'est parce qu'il faut réserver des zones où cette pêche est interdite si l'on veut déterminer quelle incidence elle a sur l'environnement et sur le fond des océans. Il importe évidemment de savoir de quel type de fond il s'agit.

Si nous avions eu certaines de ces zones de protection marine, nous aurions pu être mieux sensibilisés aux conséquences, tant positives que négatives, sur l'environnement des différents types de pêche. Nous aurions pu surveiller de façon plus efficace les conditions environnementales qui ont apparemment eu une incidence néfaste sur les stocks de morue et les eaux froides. Nous aurions été mieux informés sur le fonctionnement de l'écosystème et nous ne nous serions pas trouvés dans la situation où nous sommes aujourd'hui.

Quant à savoir si cela nous aurait donné des garanties? Je ne le pense pas.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup. Je suppose qu'il n'existe aucune garantie en ce monde.

Mme Recchia: Je suppose que non.

La vice-présidente (Mme Payne): Comme le président l'a dit plus tôt, votre témoignage a été passionnant et je pense que nous pourrions poursuivre encore longtemps.

Au nom du comité, je vous remercie de votre exposé. Nous suivrons de près vos activités futures dans ce domaine. Je suis sûre que nous avons encore bien d'autres questions à vous poser, et nous vous inviterons peut-être à revenir nous voir une autre fois.

Mme Recchia: J'en serais ravie. Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.

Notre prochain témoin est M. Lash, Directeur exécutif de l'UICN.

Monsieur Lash, merci beaucoup de votre présence. Nous allons passer directement à votre exposé. Nos effectifs s'amenuisent parce qu'il commence à se faire tard, mais...

M. Tim Lash (directeur exécutif, Alliance mondiale pour la nature): Je vais essayer d'être bref.

La vice-présidente (Mme Payne): Ne vous en sentez pas obligé. J'ai tout mon temps et je suis tout oreille.

M. Lash: Merci beaucoup. Je m'appelle Tim Lash et je suis directeur adjoint du bureau de Montréal de l'UICN, l'Alliance mondiale pour la nature. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner. Jim m'a dit que le comité aimerait savoir ce que la Loi sur les océans peut faire pour nous.

Je voudrais tout d'abord vous présenter brièvement notre organisme et sa position. J'ai ici certains documents que je vous laisserai, madame la présidente, et je vais donc vous faire un bref exposé. Il y est question des activités de l'UICN.

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Pour vous présenter l'Alliance, j'aimerais vous expliquer pourquoi, à mon avis, la Loi sur les océans peut contribuer à réaliser la vision écologique durable que notre organisme oeuvre à promouvoir, cerner certaines lacunes, et faire certaines précisions qui s'imposent, et formuler ensuite quelques recommandations. Je vous parlerai ensuite d'un événement devant se dérouler à Montréal en 1996, où la Loi canadienne sur les océans, à mon sens, aura l'occasion de faire ses preuves sur la scène internationale.

L'UICN est un regroupement international d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. Il compte quelque 850 membres dans 125 pays. Il y a 20 organisations gouvernementales et non gouvernementales au Canada.

L'Alliance a vu le jour en 1948. Elle a pour mandat d'influencer, d'encourager et d'aider les sociétés du monde entier, de préserver l'intégrité et la diversité de la nature et de s'assurer que les ressources naturelles sont utilisées de façon équitable et sans danger pour l'écologie.

Outre ses membres, l'UICN a des réseaux d'experts dans six commissions. Il y a notamment une commission des zones protégées, une commission de gestion des écosystèmes et une commission des droits environnementaux.

L'UICN a une vaste expérience mondiale dans l'exécution de projets au niveau local, l'application de stratégies au niveau national et régional, et l'exposé de ces stratégies dans des publications savantes.

Je veux vous faire part de certaines observations compilées auprès de diverses sources de notre organisme. M. Graeme Kelleher, des Affaires maritimes et des zones de protection maritime, est un Australien qui a préparé dernièrement un ouvrage en quatre volumes intitulé A Global Representative System of Marine Protected Areas. Je vous laisserai le premier volume et pourrais vous en faire parvenir d'autres exemplaires. Dans ce volume, il présente la méthodologie et une discussion générale de la question. Richard Tarasofsky est affilié au Centre du droit environnemental de l'UICN, basé à Bonn. Adrian Phillips est président de la Commission des parcs nationaux et des zones protégées. Ce qui est peut-être encore plus important, j'ai eu l'occasion de discuter de ces questions à Banff, lors d'une réunion de la Commission des zones protégées, avec certains membres canadiens de notre organisme, qui portent un très vif intérêt à cette loi.

Quelles sont les questions importantes du point de vue de l'Alliance? Le principe du développement durable sans danger pour l'environnement est un objectif qu'ont adopté à l'échelle internationale de nombreux pays au cours de la dernière décennie, notamment lors de la Déclaration de Rio et dans la Convention sur la diversité biologique. Toutefois, aucune suite n'y a encore été donnée et la situation est particulièrement évidente dans l'utilisation et la conservation des ressources marines. Bien souvent, le principe du développement durable sur le plan de l'environnement ne se reflète pas dans les législations nationales.

Il semble exister deux catégories de raisons, l'une ayant trait à la difficulté de bien saisir ce que représente la gestion des écosystèmes. Il est difficile de savoir quoi faire et de comprendre les liens étroits existant entre les différents éléments des écosystèmes.

Le deuxième type de difficulté, qu'on voit souvent sur la scène internationale, c'est de savoir comment réunir les différents mandats connexes pour bien planifier la mise en oeuvre complémentaire de ces mandats. Leur incorporation au niveau national ainsi que leur coordination et leur cogestion au niveau régional font partie de cette difficulté.

Ce projet de loi concernant les océans du Canada, qui est maintenant disponible, est très intéressant parce qu'il pourrait permettre de vraiment aborder ces problèmes. Il réunit plusieurs choses et élargit la portée des soucis environnementaux, dont l'évaluation, la planification, la réglementation, la zone économique et les eaux territoriales. Je crois que cette stratégie nous permet d'espérer qu'on pourra rassembler les intérêts et mandats différents qui doivent être regroupés.

Nous aimons cette loi. Elle semble pouvoir présenter une vision conforme aux réalités écologiques marines ainsi qu'aux intérêts humains à leur égard, y compris que la sécurité environnementale. C'est une vision qui serait mise en oeuvre par plusieurs partenaires. La loi et la stratégie peuvent aussi créer une tribune pour rassembler les partenaires et les intérêts. Elle permet certainement de commencer à fournir les outils nécessaires à l'amélioration des outils actuels, et permet l'élaboration de nouveaux outils, au besoin, en fonction des stratégies.

D'après l'UICN, le Canada peut, grâce à cette loi, contribuer au développement international d'institutions pour favoriser la gestion durable. Le Canada peut contribuer à cet objectif en étant disposé, pour ce qui est des objectifs fixés dans cette loi, à s'asseoir à la table avec les autres États limitrophes des mêmes océans. Les États-Unis en sont le meilleur exemple, pour les océans Arctique, Pacifique et Atlantique. Il y a aussi les pays circumpolaires autour de l'océan Arctique.

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Il est clair que la loi permettrait une bonne gestion de la juridiction canadienne. Sur le plan international, elle pourrait servir d'exemple utile de leadership pour les autres. Cheri Recchia a parlé d'autres pays que le Canada pourrait dépasser. Également, il est vrai que les gens se tournent vers le Canada pour leur fournir le leadership sur le plan international. Et le Canada pourrait être en avance sur plusieurs d'entre eux. Mais je ne le dis pas de façon compétitive.

Quelles sont certaines des lacunes, préoccupations ou assurances qu'il serait utile d'ajouter à l'ébauche actuelle? Certaines sont liées à l'incertitude qui pèse sur la mise en oeuvre de la stratégie. Il n'est peut-être pas nécessaire de les intégrer au projet de loi, mais ce serait peut-être utile. D'autres, par contre, semblent imposer des limites trop étroites à la participation du ministre des Pêches et des Océans ainsi que, peut-être par extension, à la participation d'autres instances.

Il n'est pas question, par exemple, des eaux intérieures et des effets terrestres qui sont sans doute pertinents et qui ont un effet important sur les régions maritimes visés par ce projet de gestion. Ce sont des agents polluants terrestres dont il s'agit, ainsi que des poissons d'eau douce et d'eau salée qui migrent dans les deux sens.

La portée de la loi semble s'arrêter à la limite des eaux territoriales et de la zone économique exclusive. Mais le Canada est de toute évidence un intervenant sur cette scène internationale et on ne peut faire abstraction des effets qu'ont le Canada et ses navires en haute mer.

La concentration apparente sur les ressources halieutiques a déjà été mentionnée, mais il est évident que les océans contiennent autre chose que des ressources halieutiques, et que les gens y tiennent. De plus, sait-on quelles plantes et quels animaux ne sont pas des ressources en ce moment mais pourraient le devenir? De toute facon, si vous voulez protéger une ressource halieutique, il semble que nous n'en savions pas assez long pour cerner clairement son habitat. De quoi dépend-il?

Je vais vous faire part de certaines de nos préoccupations quant aux dispositions de cette loi qui sont peut-être trop étroites, et d'autres qui pourraient être rendues plus explicites quant à la mise en oeuvre de la stratégie. Par exemple, aux articles 31 à 33, il n'est pas clair que l'expression «les personnes de droit public et de droit privé intéressées» soit assez large pour inclure tout le groupe des intéressés, y compris les provinces et les territoires, les ONG, les communautés côtières, les usagers actuels, les pêcheurs, les peuples autochtones et, surtout, les États limitrophes des mêmes océans.

Deuxièmement, il semble que la stratégie néglige, dans ses principes, les autres stratégies, conventions et politiques apparentées avec lesquelles elle devra composer, sur les plans national et international. Il serait utile que la stratégie s'applique aussi à l'introduction d'organismes étrangers ainsi qu'à la gestion des ressources génétiques marines. Elle pourrait aussi traiter des délais, des rapports et de la surveillance, pour qu'on ait une idée de ce qui se passe lors de la mise en oeuvre de la stratégie.

Je vais maintenant passer aux recommandations.

Pour combler ces lacunes, la première recommandation serait d'ajouter un «attendu que» pour situer le contexte dès le préambule. Cet article pourrait se lire de la façon suivante: «Attendu que le Canada encourage la conservation de la diversité et de l'intégrité des écosystèmes et des stocks estuaires, côtiers et marins...».

Pour être logique, si on en faisait le deuxième de la série des «attendus que», ce serait une bonne base pour le suivant, où il est question du développement de certains aspects de ces écosystèmes et de ces stocks en tant que ressources.

La deuxième recommandation a trait aux principes de la stratégie telle qu'énoncée à l'article 30. Il est très important que ces principes soient le reflet des meilleures connaissances actuelles quant à la conservation et au développement durable. Il devrait aussi y être question d'intégrer les différents intervenants pour permettre d'atteindre un but commun complexe. Dans ce cas-ci, c'est la santé des océans et des stocks marins qui est visée, ainsi que le maintien des avantages qu'on tire des ressources.

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Il faut absolument tenir compte de ces connaissances de pointe, car le but de l'intégration de ces principes, lorsqu'un sujet est assez mal connu - et c'est le cas ici, nous y faisons face de façon courageuse avec cette loi - est d'établir des principes bien fondés pour pouvoir agir de façon efficace dès maintenant. C'est aussi le meilleur moyen de préparer nos actes à venir. Il est donc important que ces principes soient bien fondés.

On trouve le premier principe à la définition du développement durable à l'alinéa 30(a). Elle semble avoir été tirée directement des textes de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement. D'après moi, le «développement durable» est une formule difficile. Elle peut être très ambigu.

Veuillez passer maintenant à la page 10 de ce document, Caring for the Earth, où se trouve une autre définition du développement durable qui pourrait convenir: «...améliorer la qualité de la vie humaine tout en tenant compte de l'endurance des écosystèmes qui la soutiennent.»

Je vous laisserai ce document.

Sous la rubrique du développement durable, on pourrait peut-être aussi exprimer clairement d'autres principes. Je vais en nommer trois. Le premier, c'est la conservation de l'intégrité et de la diversité des écosystèmes et des stocks. Le second, énoncé dans la Convention sur la diversité biologique et dans la Déclaration de Rio, est une approche prudente face au développement. Le troisième, décrit dans l'article 195 de l'UNCLOS, est le devoir qui nous échoit de ne pas troquer un type de préjudice environnemental contre un autre.

La deuxième série de principes est à l'alinéa 30(b). Ce sont les principes de la gestion intégrée. On pourrait donner beaucoup de sens à l'expression «gestion intégrée», et cela pourrait porter à confusion.

L'objectif, ou l'intention, de la gestion intégrée semble être d'inclure tous ceux qui sont actifs dans le premier domaine d'application dans ces régions maritimes dont il est question. Mais on vise aussi à intégrer les relations avec ceux qui sont à l'extérieur de ce domaine et qui sont pertinents. J'ai dis plutôt que «intégré» veut dire intégrer tout ce qui se passe - du côté des politiques, si ce n'est du côté des programmes - dans le domaine des régions estuaires, côtières et maritimes ayant des liens écologiques extérieurs, en haute mer ou sur terre. Deuxièmement, il faut pouvoir intégrer notre statégie à d'autres stratégies et politiques apparentées.

Il se peut que le principe le plus important, et parfois le plus difficile à mettre en oeuvre, soit de trouver le moyen de rassembler tous les intervenants pour qu'ils puissent se parler sans se sentir menacés, parce qu'après tout, il faut définir des objectifs communs. Comment respecter l'intégrité et les intérêts de ces gens tout en les encourageant à vraiment faire part aux autres de leur créativité, de leurs réseaux et de leurs perspectives? Toute stratégie concernant les océans doit tenir compte de toutes ces perspectives dans leur intégralité.

Il a été question plus tôt de la représentativité, et il n'était question que des organismes fédéraux. Il y a aussi toutes les préoccupations provinciales et territoriales. N'oublions pas les préoccupations des peuples autochtones, des organisations non-gouvernementales, des pêcheurs, des communautés côtières, etc... Comment les rassembler?

Je crois que certains de ces principes devraient être énoncés. Ils ont trait au respect des mandats actuels et à leur amélioration, lorsque vous tentez de coordonner et d'intégrer les buts de vos politiques.

Ce qui voudrait dire que l'article 28, qui éclaircit un peu les choses en affirmant qu'il n'est pas question d'eau douce, est peut-être un peu trop restrictif. Au niveau de la compétence fédérale ou des règlements qui seront peut-être édictés en vertu de la stratégie, ce serait peut-être utile.

D'autre part, si vous voulez rassembler les objectifs, il serait utile de noter - même s'ils seront peut-être exclus du règlement en vertu de cette stratégie ou de cette loi - que vous voulez établir les liens écologiques pour ce qui est de l'eau douce, des eaux terrestres ou de la haute mer.

La dernière série de recommandations a trait à l'objectif qui motive l'établissement de zones de protection marine - il en a été question plus tôt ce matin - aux articles 35 et 36. Je redis ce qui a déjà été dit. Nous croyons qu'il faut un objectif explicite pour établir les zones de protection marine qui relèvent du minsitère des Pêches et Océans, ainsi que pour les mesures prises dans ces zones. Cet objectif explicite devrait permettre la conservation des stocks et des habitats de poisson, tout comme d'autres stocks et habitats.

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Ce sera presque certainement nécessaire pour compléter les outils actuels. Il est important d'avoir la capacité de mettre en oeuvre les choses nécessaires au cours de l'élaboration de la stratégie globale. Il a été question dans ce comité de la consolidation des textes de loi, ainsi que du dédoublement et de l'efficacité. Plusieurs questions ont été soulevées à cet égard. Je ne suis pas un spécialiste des affaires juridiques, mais je me demande s'il n'est pas possible de comprendre également que lorsqu'on crée des zones de protection marine pour conserver les écosystèmes, il peut aussi être possible de déléguer certains pouvoirs au besoin.

Il me semble que nous tentons de monter un cadre juridique qui permettra à tous les partenaires de travailler ensemble. Nous ne voulons surtout pas des principes trop étroits ou des objectifs qui pourraient empêcher ou trop compliquer notre capacité d'habiliter, en vertu de la loi, des efforts de coopération nécessaires. Pour cette raison, je crois qu'il est très important de mettre en place des objectifs assez vastes pour les différentes actions éventuelles.

En guise de conclusion, je crois qu'il est évident que cette loi canadienne peut être porteuse de bons exemples et de leadership. C'est important sur le plan international pour les pays en voie de développement qui ont des côtes marines. C'est aussi le cas en Amérique du Nord, dans le contexte de la zone de libre échange; il y a maintenant une commission sur la coopération environnementale qui tente de réaliser l'harmonisation pour que les États-unis, le Mexique et le Canada puissent se rassembler autour d'une même table pour discuter des affaires environnementales. C'est aussi le cas dans la région circumpolaire, qui comprend huit pays circumpolaires, notamment la Russie, qui veulent aussi examiner et faire évoluer leurs propres textes de loi.

Je crois aussi que cette loi canadienne sera perçue et évaluée par la communauté internationale sans cet angle. Une occasion exceptionnelle s'offrira à nous à Montréal en octobre 1996. L'UICN va parrainer le premier congrès mondial de la conservation. Je vous laisserai des dépliants explicatifs. Nous nous attendons à recevoir 2 000 personnes d'organisations et de réseaux d'experts de par le monde, ainsi que des invités canadiens, qui vont discuter de conservation. La conservation des océans est l'élément clé. Il y aura un atelier parrainé par le Canada sur l'Arctique. Je suis sûr que les zones de protection de l'Arctique ainsi que le fondement juridique des efforts canadiens pour promouvoir la conservation de l'Arctique seront à l'ordre du jour.

Pour conclure, j'aimerais dire que personnellement, en tant que Canadien qui travaille pour une organisation internationale respectée, je serais très fier et j'aimerais beaucoup que cette Loi concernant les océans fournisse le même niveau de leadership que le Canada offre pratiquement déjà sur le plan international.

Je vous laisserai ces documents qui contiennent de plus amples renseignements sur l'UICN et ses programmes à ce sujet. L'UICN a maintenant un bureau à Montréal, et nous serions heureux de mettre nos contacts internationaux et notre expérience internationale à votre disposition.

Merci beaucoup de nous avoir donné cette occasion d'exprimer notre point de vue.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, monsieur Lash. Le nombre de gens qui sont venus faire des exposés à propos de ce projet de loi est un bon indicateur du degré d'intérêt qu'il suscite. Le nombre de renseignements et de recommandations utiles que nous avons reçus nous laissent stupéfaits.

Madame Ablonczy je vous cède maintenant la parole si vous avez d'autres questions.

Mme Ablonczy: Oui, merci, madame la présidente.

Monsieur Lash, j'ai été très intéressée de vous entendre dire que le Canada joue un rôle de premier plan dans le domaine de la gestion des océans. Je me demandais s'il y avait d'autres domaines dans lesquels vous recommanderiez que le Canada fasse preuve de plus de leadership au sein de la communauté mondiale.

M. Lash: Vous voulez dire pour ce qui est des océans?

Mme Ablonczy: C'est exact.

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M. Lash: Je n'aime pas beaucoup devoir faire cela, mais est-ce que je peux vous fournir une réponse plus tard?

Mme Ablonczy: Certainement, ce serait parfait.

M. Lash: Par exemple, je sais que le Canada met actuellement au point un nouveau projet de loi sur les espèces en voie de disparition. Je sais que l'UICN est au courant de ce projet de loi, mais je ne suis pas certain si l'organisme a fait part de son point de vue à ce sujet. La conservation des espèces est certainement un domaine où le Canada a l'occasion de se rallier aux plus avant-gardistes, voire de les devancer.

Je vais réfléchir à votre question et je vous ferai parvenir ma réponse plus tard.

Mme Ablonczy: C'est très bien. Je pense que ce serait très utile pour les travaux futurs de ce comité en particulier.

M. Lash: Est-ce que ce serait utile pour vous de me donner un délai précis?

Mme Ablonczy: Madame la présidente, vous pourriez peut-être suggérer quelque chose. Je pense que notre étude de ce projet de loi continuera pendant encore quelques semaines.

La vice-présidente (Mme Payne): Oui, nous allons avoir d'autres discussions. Je vous demanderais de nous faire parvenir vos renseignements aussitôt que possible, mais ce serait très bien si c'était d'ici une semaine ou dix jours.

M. Lash: Je verrai ce que je peux faire.

Mme Ablonczy: Merci beaucoup.

La vice-présidente (Mme Payne): Je n'ai pas d'autres questions.

Monsieur Lash, encore une fois je vous remercie de votre exposé fort utile. Comme je l'ai dit plus tôt, cela nous a donné matière à réfléchir. Nous avons bien hâte que ce projet de loi soit adopté et lorsqu'il sera en vigueur, nous expérons qu'il saura satisfaire vos besoins et que vous pourrez travailler facilement dans ce cadre législatif.

M. Lash: Merci de m'avoir donné la chance de m'entretenir avec vous.

La vice-présidente (Mme Payne): Merci.

Voilà qui met fin à nos exposés. La séance est levée jusqu'à 15h30 cet après-midi.

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