[Enregistrement électronique]
Le mercredi 21 juin 1995
[Français]
Le vice-président: Monsieur Jebb, je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité sur l'éducation des autochtones. Je sais que vous avez un avion à prendre à 18h20. Je vous invite donc à nous faire votre présentation maintenant et ensuite nous passerons aux questions, s'il y a lieu.
[Traduction]
M. Edwin Jebb (directeur de l'éducation, École Joe E. Ross): Merci. Monsieur Bachand, j'ai ici un mémoire à l'intention du sous-comité de la Chambre des communes sur l'éducation des autochtones.
Je vous remercie, monsieur le président du sous-comité de la Chambre des communes sur l'éducation des Autochtones, de me donner l'occasion de faire cet exposé.
Je m'appelle Edwin Jebb, je suis directeur de l'éducation de la Opaskwayak Educational Authority, et je m'occupe de l'école Joe E. Ross, située dans notre réserve.
L'Opaskwayak Educational Authority est le bras éducatif de la Nation crie d'Opaskwayak. Notre collectivité compte environ 2 800 personnes. Elle est située à quelque 600 kilomètres au nord de Winnipeg au Manitoba.
Notre commission scolaire est incorporée en vertu d'un règlement, et dispose de pouvoirs qui lui sont conférés par le chef et le conseil. En vertu du règlement, les commissaires sont au nombre de sept; cinq d'entre eux sont élus par la Nation crie d'Opaskwayak et deux sont nommés par le chef et le conseil. Le règlement dont je viens de parler énonce les obligations et les pouvoirs des commissaires ou des administrateurs et stipule que le chef et le conseil constituent l'instance d'appel. Autrement dit, en vertu du règlement, le conseil d'administration de la Commission scolaire est responsable devant le chef et le conseil, et en tant qu'administrateur, je suis responsable devant le conseil d'administration.
Dans la réserve, il existe une école qui va de la maternelle à la 12e année et qui compte 734 élèves. Cela fait maintenant quatre ans que notre école existe, et vendredi dernier, 29 de nos élèves ont terminé leurs études. L'école avait d'abord été construite pour recevoir 602 élèves, et vers la fin de la deuxième année d'existence, nous avons dû acquérir quatre salles de classe portatives pour régler le problème de la surpopulation. Nous estimons que l'école est toujours surpeuplée, et nous avons dû limiter le nombre d'élèves placés dans les maisons privées.
La situation est aggravée par le fait que le conseil d'administration de notre commission scolaire, ainsi que le chef et le conseil de la Nation crie d'Opaskwayak acceptent par principe dans notre école les membres de notre bande vivant hors de la réserve. Pour diverses raisons, dont la principale est la pénurie de logements, certains membres de notre bande vivant dans la ville de Le Pas veulent s'inscrire dans notre école.
En ce qui concerne ces élèves, le ministère fédéral des Affaires indiennes a déclaré qu'ils n'ont pas droit au financement en vertu du système de la liste nominative. La scolarité des élèves placés dans les maisons privées serait donc assumée par leurs parrains, en l'occurrence les autorités scolaires. Cependant, ces élèves ne sont pas inscrits au régistre nominal et, par conséquent, ne font pas partie de la formule de détermiNation des places nécessaires dans notre école.
En ce qui concerne le mandat de votre Comité, j'aimerais formuler quelques observations sur les mesures novatrices en disant tout d'abord que beaucoup d'autorités scolaires prennent ou essayent de prendre des initiatives semblables à mesure qu'elles partagent leurs expériences. Par l'entremise de l'un de ces sous-comités, notre commissaion scolaire essaie de revoir ces programmes. Évidemment, notre école offre des cours de langue crie et d'études autochtones.
L'hiver dernier, notre conseil a nommé un comité de discipline, dont le rôle consiste à étudier le cas des élèves qui ont été suspendus. Cinq de ces cas ont été étudiés l'an dernier. Avant de réadmettre un élève, nous le faisons comparaître devant le comité de discipline en compagnie de ses parents. Le comité de discipline a le pouvoir d'assujettir la réadmission à des restrictions et des conditions.
Il y a trois ans, l'école Joe E. Ross a lancé un programme d'entraide financé dans le cadre de l'initiative l'École avant tout du Centre d'emploi du Canada. Au cours de l'année scolaire écoulée, au moins cinq élèves ont reçu un crédit d'école secondaire dans le cadre du programme d'entraide lancé par l'école. Afin de recevoir ce crédit, l'étudiant devait consacrer un certain nombre d'heures au «counselling» en assistant notamment à des colloques et des conférences en la matière.
Le counselling est très important pour notre collectivité, car nous reconnaissons que bon nombre de problèmes que les élèves ont dans notre école découlent directement de ceux qu'ils ont à la maison. Pour 734 élèves, nous avons trois conseillers et un agent de liaison entre l'école et la maison.
Depuis 18 mois, nous avons conclu une entente avec l'Université du Manitoba pour qu'elle offre un programme de certificat en counselling dans notre collectivité. Au moins deux tiers des participants sont des membres de notre personnel. Notre conseil scolaire croit au perfectionnement professionnel et estime que, pour avoir des enseignants efficaces, nous devons connaître et comprendre la situation de nos élèves.
Notre conseil scolaire croit aussi à la participation des parents, et par diverses méthodes, elle fait activement la promotion d'un esprit de solidarité à l'école. Les enseignants sont tenus de visiter leurs étudiants à domicile au moins une fois l'an. Comme je l'ai dit, nous venons de remettre les diplômes de fin d'études secondaires dans notre communauté, et la Nation crie d'Opaskwayak a célébré cet événement avec une fête et une danse.
Toutes les activités que je viens de présenter sont fondées sur le principe que la population de notre collectivité doit avoir le sentiment d'être propriétaire: propriétaire de l'école, du programme, de la discipline et, qui plus est, du progrès. Nous nous appuyons sur le principe de l'autonomie gouvernementale et son expansion.
Pour ce qui est du financement, nous voulons la parité des ressources. On en a abondamment parlé dans une étude faite par l'Assemblée des chefs du manitoba. Il n'est pas logique en général que les divisions scolaires provinciales recoivent plus de fonds que les conseils scolaires autochtones.
De plus, l'éducation des indiens inscrits vivant hors des réserves doit être financée. Depuis quatre ans, bon nombre de nos concitoyens ont vécu hors de la réserve, et aucun des 44 qui ont fréquenté notre école cette année n'a obtenu de financement.
Il faut aussi que le ministère fédéral des Affaires indiennes cesse son petit jeu sur le principe de diviser pour régner parmi les Indiens, surtout en ce qui concerne les autorités scolaires qui sont financées directement. Le financement de l'éducation, prévu dans le cadre du soutien des bandes et des dépenses en capital importantes et secondaires, doit être versé directement aux autorités éducatives. Actuellement, le bureau régional au Manitoba aime envoyer les subventions scolaires au chef et au conseil, et les gestionnaires finissent par se disputer l'argent.
En plus des ressources, le plus gros problème de notre conseil scolaire est la motivation des élèves du secondaire. Ce manque de motivation se traduit par le grand nombre de retards et d'absences. Nous nous efforçons encore de régler ce problème, mais nous avons l'impression d'avoir beaucoup progressé depuis 10 ans.
Témoignage présenté par Edwin Jebb, directeur de l'éducation. Je vous remercie.
Le vice-président: Merci, monsieur Jebb.
Monsieur Bonin, est-ce que vous voulez poser des questions?
M. Bonin (Nickel Belt): Je vais d'abord en poser une.
[Français]
Tout d'abord, excusez-moi d'être arrivé en retard. J'avais une pétition à présenter au plus tard aujourd'hui.
Dans la partie de votre exposé que j'ai entendue, vous avez dit qu'il n'est pas logique qu'en général, les divisions scolaires provinciales reçoivent plus de fonds que les conseils scolaires autochtones. Vouliez-vous parler du système scolaire provincial?
M. Jebb: Oui.
M. Bonin: J'ai été commissaire scolaire pendant neuf ans, et je sais que les écoles provinciales ne reçoivent pas plus d'argent; en fait, elles en reçoivent moins. Je ne veux pas dire que les écoles autochtones en reçoivent trop; certainement pas. Mais je sais que le financement des écoles publiques est accru par une taxe locale que les collectivités s'imposent elles-mêmes.
Par exemple, en vertu d'une formule de cotisation de péréquation, qui s'étale sur 19 pages et qui est très compliquée, la ville de Toronto n'obtient aucune subvention de la province de l'Ontario ou du moins pas quand j'étais commissaire. Cette ville pouvait percevoir suffisamment de taxes locales pour financer son système sans contribution provinciale. Le conseil scolaire dont j'étais membre était situé dans une région minière or, étant donné que l'on ne peut pas imposer le sous-sol d'une municipalité, il était financé à 90 p. 100, et la localité fournissait les 10 p. 100 restant.
Cela m'amène à dire que les écoles publiques provinciales obtiennent moins de subventions, mais elles obtiennent plus d'argent d'une taxe locale qu'elles imposent car elles veulent des services supplémentaires.
[Traduction]
Que diriez-vous si vos communautés voulaient un plus haut degré d'excellence en matière d'éducation et si au moins les entreprises investissaient dans l'éducation de vos jeunes pour qu'ils puissent revenir et contribuer au développement de la collectivité?
M. Jebb: Tout d'abord, je dois dire que j'étais également commissaire scolaire et que je comprends le système qui existe au Manitoba. Je ne comprends peut-être pas celui de Toronto, mais je connais celui du Manitoba, où l'on parle de prélèvements spéciaux, de coûts résiduels et d'autres termes semblables que nous utilisions quand j'étais commissaire. Mais il y a 10 ans de cela.
De plus, certaines divisions scolaires de l'Ouest du pays, notamment la Nothern Lights et la Frontier au nord du Manitoba, reçoivent très peu d'argent provenant des taxes. Une grande partie des fonds provient du gouvernement provincial. Il est donc vrai qu'en moyenne, 20 p. 100 des fonds peuvent provenir de cotisations spéciales en ce qui concerne la plupart des divisions scolaires manitobaines.
Pour ce qui est de la dernière partie de votre question, je n'ai pas vraiment beaucoup réfléchi au montant que l'on pourrait obtenir localement, l'assiette fiscale des réserves étant très réduite parce qu'il y a peu d'entreprises.
M. Bonin: Je comprends bien votre position. Je sais que ce n'est pas facile.
Si j'ai bien compris - et reprenez-moi si je me trompe - vous avez mentionné la lutte entre le chef et le conseil d'une part et l'administration scolaire d'autre part. Il est possible que les écoles ne reçoivent pas toutes les subventions destinées à l'éducation.
Nous avons vu des cas où le chef et le conseil ont le dernier mot. Tout le monde offre de nous présenter son budget, mais je n'en ai encore vu aucun. Je simplifie un peu les choses, mais je soupçonne qu'une partie des fonds destinés à l'éducation sert à la réfection des routes, et si tel est le cas, je recommanderais certainement que cela cesse.
Récemment, l'on a proposé que les collectivités authochtones établissent un système permettant d'élire des administrateurs ou commissaires scolaires - appelez-les comme vous voulez - qui seraient autonomes, qui obtiendraient directement les fonds et qui rendraient compte de leur utilisation. Cela aiderait-il à régler le problème auquel vous faites face?
M. Jebb: Non. Dans la première partie de notre exposé, nous disons que notre réserve compte sept commissaires scolaires; cinq d'entre eux sont élus par la population et deux sont nommés par le conseil. Malgré cela, le ministère des Affaires indiennes continuent d'envoyer une partie de nos subventions au titre du programme de financement du soutien des bandes et des dépenses en capital importantes et secondaires au chef et au conseil.
Il y a 10 ans, on nous a dit que si nous incorporions le conseil scolaire, nous obtiendrons un financement distinct. Au Manitoba, près de la moitié des conseils scolaires l'ont fait en pensant qu'ils pourraient mettre en place un système comme celui que vous avez décrit. Bien des gens ont déclaré que l'on nous a attirés dans ce genre de système, mais beaucoup pensaient qu'il fonctionnerait. Évidemment, cela tient debout - je veux dire la séparation des pouvoirs entre le conseil scolaire d'une part et le conseil de bande ou toute autre autorité d'autre part.
M. Bonin: Mais j'ai dit que le financement serait versé directement et que le conseil scolaire serait complètement autonome. Est-ce là ce qui manque?
M. Jebb: C'est possible. Je pense que nous y sommes pratiquement arrivé dans notre collectivité. Notre chef et notre conseil nous laissent les coudées franches. Nous avons des difficultés dans quelques domaines seulement.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, ce ne sont pas les politiciens qui se disputent l'argent; ce sont les gestionnaires - ceux des écoles et ceux du conseil de bande. Quant aux politiciens, qu'ils soient commissaires ou chef et conseil élus, ils savent à quoi l'argent est destiné, qu'il s'agisse des dépenses importantes, des dépenses secondaires ou du soutien aux bandes.
M. Bonin: Mais d'après la formule que je propose, tous les fonds seraient versés aux conseils scolaires qui en disposeraient de façon autonome. Cela ne règlerait-il pas le problème?
M. Jebb: Si. Au printemps, lors de sa rencontre avec le ministre des Affaires indiennes, notre chef a fait cette proposition, mais les autorités du ministère et le bureau régional de Winnipeg s'y opposent.
M. Bonin: Je présume qu'il faudrait une nouvellle politique à l'échelle Nationale.
M. Jebb: Ce serait une bonne idée.
M. Bonin: Je vous remercie.
Le vice-président: Monsieur Murphy, avez-vous des questions?
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Pas maintenant.
Le vice-président: J'en ai une brève.
[Français]
Vous avez dit que le financement allait directement aux chefs et aux conseils de bande. Quant aux membres du conseil scolaire, il y a deux personnes qui sont nommées par le chef et le conseil de bande et cinq qui sont élues par la communauté.
Que font les membres du conseil scolaire? Doivent-ils fonctionner selon le budget alloué par le conseil de bande? Pouvez-vous nous donner un exemple? Est-ce que le conseil scolaire a une marge de manoeuvre ou s'il est totalement dépendant du budget du conseil de bande?
[Traduction]
M. Jebb: C'est le conseil scolaire qui prépare son budget et donc le budget de l'école. Nous ne dépendons pas du chef et du conseil pour établir ce budget. Nous devons présenter notre budget au chef et au conseil par pure courtoisie, mais c'est nous qui le préparons.
Il est convenu que nous présentons au chef et au conseil notre budget et nos états financiers. Ce qui leur permet d'excercer une sorte de contrôle.
[Français]
Le vice-président: Vous avez dit également que vous étiez responsables de l'élaboration de programmes. Avez-vous établi des mécanismes pour que vos gens puissent s'adapter parfaitement au système scolaire du Manitoba au sortir du réseau autochtone? Est-ce qu'il y a des suivis entre les commissions scolaires et vous?
On ne peut pas passer d'un système à l'autre sans qu'il y ait des lacunes. J'ai remarqué que vous teniez compte de votre culture et de votre langue. Mais lorsque vos jeunes vont sortir de votre réseau, ils vont devoir s'adapter au système scolaire des Blancs. Que comptez-vous faire pour que cette transition se fasse parfaitement?
[Traduction]
M. Jebb: À mon avis il ne s'agit pas là d'un problème, parce qu'au sein du système scolaire public il existe une bonne marge de manoeuvre qui permet aux écoles de modifier leurs programmes scolaires si elles le désirent.
En fait des modifications importantes ne sont pas nécessaires parce que nous ne voulons pas que les programmes scolaires des écoles publiques soient modifiés pour les jeunes autochtones en ce qui a trait à des secteurs comme celui de la chimie, la biologie et des programmes du genre. Mais il y a pas mal de latitude au sein du système scolaire public pour enseigner aux autochtones les choses qu'ils veulent connaître sur leur langue et sur l'histoire et le mode de vie autochtone. Ce sont les sujets fondamentaux que doivent connaître nos étudiants lorsqu'ils quittent notre système pour aller dans ce qu'on appelle le système des Blancs.
S'ils quittent notre système pour aller à l'école secondaire, à l'université, ou s'ils vont travailler, et qu'ils n'ont pas confiance en eux-mêmes et ne sont pas fiers d'eux-mêmes et de leur race, ils ne réussiront pas. Cependant, s'ils vont dans le système des Blancs en ayant confiance en eux-mêmes, ils ont de meilleures chances de réussir.
Ce que je propose et ce que nous faisons, c'est de procéder à un examen de notre programme scolaire pour s'assurer que ces choses se produiront.
[Français]
Le vice-président: J'ai ici un document intitulé Executive Summary: An Evaluation of Joe E. Ross School dans lequel on retrouve quelque 60 recommandations; ce document a été préparé par la firme Salasan que vous avez engagée, à ce qu'on me dit.
Pourriez-vous me dire où vous en êtes avec ces recommandations? Est-ce que vous avez pu les mettre en oeuvre pour la plupart ou si vous en êtes encore à un stade embryonnaire?
[Traduction]
M. Jebb: Le document dont vous parlez, monsieur, a été terminé en mai dernier et notre conseil scolaire l'a examiné en juin. Le conseil, ainsi qu'un administrateur et un directeur d'école ont étudié les recommandations. Nombre d'entre elles ont déjà été mises en oeuvre ou sont en train de l'être.
L'étude dont vous parlez a été réalisée par le groupe Salasan Associates Inc., qui sont des conseillers en matière d'éducation. La dernière étude avait été effectuée en 1987 ou en 1988.
Le ministère a pour principe de faire procéder à une évaluation des écoles et des conseils scolaires tous les cinq ans. Je crois qu'il nous a fallu attendre six ans. Les évaluations sont utiles parce qu'elles nous enseignent beaucoup de choses.
[Français]
Le vice-président: Est-ce qu'il y a d'autres questions? Monsieur Bonin.
[Traduction]
M. Bonin: J'ai une petite question à poser à propos d'une remarque que vous avez faite lorsque vous avez dit que le ministère doit également cesser d'essayer de diviser pour régner, en envoyant les ressources financières pour l'éducation à la bande et au conseil plutôt que directement aux conseils scolaires. S'agit-il là d'une décision du ministère des Affaires indiennes? Les fonctionnaires ont-ils le choix, peuvent-ils les envoyer à un groupe ou à l'autre, ou sont-ils tenus de procéder de cette façon jusqu'à ce que votre communauté ait tenu un référendum les enjoingnant d'envoyer cet argent directement aux conseils scolaires?
Si c'est une décision personnelle du ministère simplement pour diviser et régner, j'aimerais qu'on me le dise. J'aimerais qu'on m'en fournisse la preuve.
M. Jebb: C'est un problème. Je crois qu'il s'agit d'une décision prise par le bureau régional, par les fonctionnaires qui travaillent à Winnipeg pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Nous n'avons pas tenu de référendum, mais une résolution a été signée par le chef et par le conseil de bande, il y a également eu des lettres du conseil scolaire demandant que ces montants lui soient versés directement. Notre communauté a dont fait tout ce qu'elle devait faire à cet égard: le chef et le conseil de bande ont signé et fait parvenir une résolution du conseil de bande ainsi qu'une lettre; de plus, une lettre a été envoyée par le conseil scolaire. Ainsi la communauté a tout fait sauf organiser un référendum, comme je l'ai signalé. Cependant le ministère dit toujours «c'est notre politique pour la région».
[Français]
M. Bonin: Monsieur le président, est-ce qu'on peut demander aux employés du ministère ici présents de nous donner un compte rendu de la situation?
Le vice-président: Est-ce qu'on peut terminer avec monsieur et ensuite...
M. Bonin: Cela pourrait se faire par écrit, plus tard.
Le vice-président: D'accord. Nous en prenons note.
Monsieur Jebb, nous vous remercions pour votre présentation et nous vous remercions aussi d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Il nous a fait plaisir de vous recevoir. Vous saluerez tous les gens du Manitoba et ceux de votre communauté pour nous. Je vois que l'avenir de vos jeunes autochtones est entre bonnes mains. Nous vous ferons parvenir notre rapport ainsi que le suivi de nos recommandations. Merci.
[Traduction]
M. Jebb: Merci.
[Français]
Le vice-président: Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au Sous-comité sur l'éducation des autochtones. J'ai eu la chance de visiter votre belle région et j'ai hâte d'entendre votre présentation. Je vous invite donc à commencer immédiatement. Nous passerons ensuite à la période de questions.
[Traduction]
Le chef Harry Goodrunning (Première nation Sunchild, Conseil tribal de Yellowhead): Merci.
J'aimerais d'entrée de jeu vous dire que c'est un honneur pour moi d'avoir été invité à comparaître devant le comité aujourd'hui.
Monsieur le président, notre exposé comporte deux grands volets. Jim Brulé, directeur de l'éducation du Conseil tribal de Yellowhead vous parlera de l'aspect technique du travail, comme on l'a signalé plus tôt.
J'aimerais vous dire d'abord quelques mots sur le Conseil tribal de Yellowhead. Les chefs et conseillers des Premières Nations membres du Conseil tribal de Yellowhead - la Nation crie Enoch, la première Nation Alexander, la première Nation Alexis, la première Nation Sunchild et la première Nation O'Chiese - sont les descendants directs des signataires du Traité no Six. Les Premières Nations ont signé le Traité no Six avec la Reine au nom du Royaume-Uni à titre de première Nation indépendante distincte et souveraine.
Ces premières Nations membres du Conseil tribal respectent les principes suivants: la suprématie du Créateur, le respect de ses créations, le caractère sacré du tuyau de pipe et les traditions orales et ententes verbales de nos anciens. Elles sont tenues de protéger, promouvoir et mettre en application l'esprit original et l'intention réelle du Traité no Six tels que l'interprétaient et tels que nous l'ont communiqués nos anciens.
Le document de pespective du Conseil tribal de Yellowhead renforce la position mise de l'avant dans le traité comme suit:
- À titre de Premières Nations unies, nous respectons et défendons nos traités et nos ressources en
fonction de nos valeurs et croyances traditionnelles à titre de Nation spirituelle, fière et sage qui
chevaucheront les deux mondes pour les générations à venir.
Le mandat actuel du Conseil tribal de Yellowhead est de s'attaquer collectivement à la solution des problèmes et de favoriser la prestation de programmes et services requis pour répondre aux besoins de tous les membres des Premières Nations de façon juste et responsable. Le Conseil tribal de Yellowhead offre actuellement à ses quelque 5 000 membres des services dans le domaine de la gestion, de la santé, du bien-être des enfants, du développement économique, et de l'éducation ainsi que des services techniques, juridiques, correctionnels, économiques ainsi que des services de soutien.
Depuis sa création, le Conseil tribal de Yellowhead s'est efforcé d'offrir des programmes et des services scolaires de valeur aux Premières Nations membres afin de répondre à la demande accrue de services au niveau postsecondaire faisant ainsi disparaître les obstacles qui pourraient limiter les perspectives d'emploi et d'éducation des membres du Conseil tribal de Yellowhead.
Le Conseil tribal de Yellowhead a offert son premier cours de préparation à l'université et au collège en 1984; depuis, le département de l'éducation du Conseil tribal est devenu un centre d'éducation offrant toute une multitude de programmes agréés au niveau postsecondaire par l'entremise de collèges et universités reconnus. Depuis, le Conseil tribal de Yellowhead a réussi à répondre aux besoins des étudiants qui ont maintenant un choix de programmes.
L'augmentation rapide des besoins en éducation postsecondaire nous a poussés à mettre sur pied un comité d'éducation qui a été créé officiellement en 1986. Ce comité a participé à toutes les initiatives concernant les nouveaux programmes scolaires du conseil. Le comité du Conseil tribal de Yellowhead est devenu une commission scolaire en 1993 est composé d'un président et de deux membres représentant chacune des cinq Premières Nations.
Le conseil des chefs du Conseil Tribal de Yellowhead a présenté la proposition de ressourcement pluriannual du conseil en mars 1994, qui traduisait la croissance rapide de la demande en matière d'éducation au niveau postsecondaire. Le programme d'éducation du Conseil tribal de Yellowhead a permis de financer des études de plus de 292 étudiants pendant l'année financière de 1994-1995, a employé 12 personnes et a offert toute une gamme de cours agréés au niveau postsecondaire; et il gère un budget annuel de 3,3 millions de dollars dans le cadre d'un programme optionnel de financement quinquennal de 17,6 millions de dollars. Dans la proposition originale le conseil avait demandé un financement de 31 millions de dollars.
Monsieur le président, je cède maintenant la parole à mon directeur d'éducation, M. James Brulé.
M. James Brulé (directeur de l'Éducation, Conseil tribal de Yellowhead): Monsieur le président, madames et messieur, le Conseil tribal de Yellowhead a présenté son mémoire au sous-comité de l'éducation des Affaires Autochtones et du Développement du Grand Nord le 21 juin 1995.
Le Conseil tribal de Yellowhead offre annuellement les programmes d'éducation suivants: un programme de préparation à l'entrée au collège et à l'université ou un programme de préparation au test d'équivalence des études secondaires; un certificat d'administration dans le domaine de la santé; un diplôme d'études en gestion; un programme d'enseignement pré-baccalauréat; un programme universitaire et un programme hors campus pour les étudiants qui fréquentent d'autres institutions postsecondaires.
Permettez-moi de vous décrire brièvement chacun de ces programmes.
Le premier programme du Conseil tribal de Yellowhead est le programme de préparation à l'entrée au collège et à l'université. Nous offrons dans le cadre de ce programme les cours d'enseignement prévus par la province nécessaires à la préparation des étudiants qui veulent participer à des programmes au niveau postsecondaire. Les principaux cours sont l'anglais et les mathématiques; viennent s'y ajouter les cours en sciences, sciences sociales, comptabilité, cri et informatique.
Sur les 70 étudiants qui s'étaient inscrits en septembre 1994, 19 d'entre eux ont abandonné le cours ou ont été encouragés à le faire. Nous avons donc enregistré un taux de rétention scolaire de 72,8 p. 100.
Le deuxième programme est celui du certificat d'administration dans le domaine de la santé. Il s'agit du premier programme universitaire au Canada en administration de la santé communautaire. Ce programme agréé de l'université d'Athabasca est offert en collaboration avec le Centre éducatif du Conseil tribal de Yellowhead qui se trouve à Edmondton. Il s'agit d'un programme intensif de deux ans. Il comporte également deux stages pratiques, de six mois. Le programme favorise l'acquisition de connaissances scolaires et d'expérience pratique qui sont nécessaires chez l'administrateur compétent dans le domaine de la santé communautaire. Il s'agit d'un programme de 60 crédits universitaires transférables.
Trente étudiants y étaient inscrits en septembre 1994, 7 d'entre eux ont abandonné le cours ou ont été encouragés à le faire; le programme a donc enregistré un taux de rétention scolaire de 86,9 p. 100.
Le troisième programme est celui du diplôme d'études de gestion. Il s'agit d'un programme agréé du Collège communautaire Grant MacEwan qui est offert en collaboration avec le Conseil tribal de Yellowhead. Dans le monde concurrentiel des affaires aujourd'hui, il faut des gestionnaires de haut calibre. Ce programme offre une formation pratique dans le domaine de l'administration adapté aux réalités du monde des affaires d'aujourd'hui. Ce programme qui se compose de cours magistraux, d'ateliers en groupes, d'études de cas en marketing, comptabilité, finance, gestion des ressources humaines, et d'application des micro-ordinateurs aux affaires, développe et fait ressortir le potentiel de l'étudiant comme gestionnaire. Des cours supplémentaires sont offerts dans le domaine des finances personnelles, des relations entre le gouvernement, le conseil et les collectivités, de l'entreprenariat, et de la comptabilité sur ordinateur. Les étudiants recoivent un diplôme après la deuxième année.
Le programme a connu un taux de rétention scolaire de 73,6 p. 100; 29 étudiants s'étaient inscrits en septembre 1994, et 11 ont abandonné le cours ou ont été encouragés à le faire.
Le quatrième programme est le programme d'enseignement pré-baccalauréat. Le baccalauréat en éducation dispensé par l'Université de l'Alberta est un programme de quatre ans comprenant une année de cours prérequis universitaires et trois ans de cours obligatoires en éducation.
On approche de la fin du trimestre de printemps. Vingt-deux étudiants du conseil tribal de Yellowhead et un autre étudiant suivent actuellement le cours d'éducation physique ainsi que les cours pratiques leur permettant d'acquérir de l'expérience sur le terrain. Ces cours ont été jugés excellents et les étudiants ont beaucoup aimé leur expérience dans les écoles.
Bon nombre des étudiants qui participent à ce programme ont demandé à participer au programme menant au baccalauréat en éducation de l'Université de l'Alberta commençant en septembre 1995. D'autres poursuivent leurs cours au conseil tribal de Yellowhead.
En septembre 1994, 38 étudiants étaient inscrits; 11 étudiants ont abandonné ou ont été renvoyés pendant leur première année, ce qui nous donne un taux de rétention de 85,3 p. 100.
Le cinquième est le programme de transfert. Ce programme permet aux étudiants du conseil tribal de Yellowhead de suivre les cours de l'Université d'Athabasca et de l'Université de l'Alberta sans avoir les prérequis exigés. Ces étudiants peuvent s'inscrire à un programme conférent des grades universitaires au CTY et à d'autres établissements postsecondaires reconnus.
En septembre 1994, 60 étudiants étaient inscrits à ce programme; 20 étudiants ont abandonnés ou échoués pendant la première année, ce qui représente un taux de rétention de 66,6 p. 100.
Le sixième programme est celui du parrainage hors campus. Ce programme s'adresse aux étudiants des Premières Nations qui souhaitent s'inscrire à un programme postsecondaire qui n'est pas offert au campus du CTY.
En septembre 1994, 105 étudiants étaient inscrits à ce programme. Nous attendons encore les relevés de notes pour connaître les résultats des diplômés et savoir combien d'étudiants ont abandonné en cours de route.
L'approche novatrice adoptée par le CTY pour le programme qu'il offre sur le campus vise à assurer un taux de rétention d'étudiants élevé. Les initiatives suivantes ont été mises en oeuvre à cette fin:
1. On a prévu des cours de perfectionnement professionnel et personnel adaptés à chaque programme.
2. On offre des consultations psychologiques à tous les étudiants.
3. On a adapté des cours afin de répondre aux normes.
4. On permet aux étudiants d'améliorer leur formation de base lorsque c'est nécessaire.
5. Le programme comprend des cours qui se justifient sur le plan de la culture, par exemple, des études autochtones et cries.
6. On fait appel aux aînés pour des services traditionnels de counselling personnel.
7. On offre en permanence des ateliers sous l'égide d'universités et de collèges respectés.
8. La sécurité et l'ordre règnent sur les campus et dans les classes pour que les étudiants trouvent un environnement propice à l'apprentissage.
9. Les enseignants fondent de grands espoirs sur les étudiants pour s'assurer que tous peuvent réussir et réussiront.
10. On offre aux étudiants la possibilité de participer à des stages pratiques en vue plus tard de trouver des emplois.
11. Les étudiants participent à l'élaboration ainsi qu'à l'évaluation des cours et des enseignants.
12. On a prévu des ateliers additionnels pour certaines matières où les étudiants éprouvent des difficultés comme les sciences et l'anglais.
Le chef Harry Goodrunning vous présentera la deuxième partie de notre proposition.
Le chef Goodrunning: Merci.
Voici nos recommandations au sous-comité sur l'éducation des autochtones du Comité permanent des affaires autochtones et du Développement du Grand Nord.
Le sous-comité a pour mandat de présenter les recommandations et le rapport final dans lesquels il proposera des initiatives qui permettront aux élèves et aux étudiants indiens et Inuit d'obtenir la meilleure éducation possible aux niveaux primaire et secondaire, et de les encourager à poursuivre leurs études et à répondre à des normes leur permettant de faire des études postsecondaires et d'améliorer ainsi leur capacité concurrentielle sur le marché du travail canadien.
Les recommandations doivent aussi montrer le rôle positif que le MAINC peut jouer pour l'amélioration des programmes et des services d'éducation et de formation fournis par les écoles des Premières Nations, les écoles Inuit, les écoles provinciales, les administrations scolaires et les établissements d'enseignement.
Le conseil tribal de Yellowhead a formulé des recommandations en matière d'éducation, telles que le droit à des services d'éducation exhaustifs et complets prévu par traités, et il rappelle au gouvernement du Canada qu'il doit remplir les obligations découlant des traités conformément à l'esprit et à l'intention véritable qui ont inspirés le traité no 6 comme nos aînés les comprennent et les diffusent.
Premièrement, le gouvernement du Canada devrait, en collaboration avec la Confédération des Premières Nations du Traité no 6, élaborer un protocole bilatéral de mise en oeuvre du Traité no 6 de 1876 et des annexes subséquentes respectant l'intention et l'esprit qui l'ont inspiré au départ. L'éducation n'est qu'un des aspects dont il est question dans le Traité no 6. Ce processus doit être mené à bien avant que les Premières Nations ayant signé le traité, y compris le conseil tribal de Yellowhead, puissent discuter de la possibilité d'assumer la compétence en matière d'éducation comme le propose le ministère des Affaires indiennes et du Nord.
La Confédération des Premières Nations du Traité no 6 a présenté un mémoire au ministre des Affaires indiennes et du Nord, Ron Irwin, le 5 avril 1995 sur le territoire de la Première Nation de Long Lake, en Alberta. Dans ce mémoire, la Confédération du Traité no 6 déclare qu'elle n'approuve pas le programme déjà proclamé du gouvernement du Canada en matière d'autonomie gouvernementale des Autochtones et elle réclame un partenariat, visant la mise en oeuvre bilatérale du Traité no 6 et de ses annexes subséquentes, conformément à l'intention véritable et originelle du traité. À cet égard, les chefs du Traité no 6 ont rappelé au ministre Ron Irwin l'engagement qu'a pris le gouvernement libéral dans le document intitulé Création d'emplois pour la relance économique - le plan d'action libéral pour le Canada, sous l'entête «Renouer les liens»,à la page 94:
- Un gouvernement libéral établira avec les Autochtones un nouveau partenariat fondé sur le
respect mutuel et la confiance et veillera à les associer au processus décisionnel.
Deuxièmement, le gouvernement du Canada doit fournir aux Premières Nations du traité les ressources dont elles ont besoin, peu importe où elles habitent, afin de leur permettre de répondre à leurs besoins en matière de logement, de services à la famille, de développement économique, de santé, etc.
Les Premières Nations du Canada soumises au traité font face à plusieurs problèmes qui entraînent chez elles des taux de décrochage et de scolarisation même pires que ceux des Canadiens non-Autochtones en général. Les enfants des Premières Nations qui veulent s'instruire ne pourront surmonter les multiples obstacles auxquels ils sont confrontés que si les changements de structure fondamentaux proposés dans le cadre des négociations sur le Traité no 6 sont apportés.
Troisièmement, le gouvernement du Canada devrait déclarer que le ministère des Affaires indiennes et du Nord a l'obligation de s'assurer que les Premières Nations ont toutes les ressources qu'il leur faut pour dispenser les programmes aux élèves des Premières Nations, y compris les programmes suivants: Services aux élèves; Programme pré-scolaire pour les Premières Nations et Programme Bon départ; Programme de substitution pour les élèves à risque; Programme pour les parents et familles; Programme de rétention scolaire; Programmes à coût faible et élevé pour répondre aux besoins spéciaux; Programme pour les élèves handicapés; Programme pour les surdoués; Programme d'éducation post-secondaire pour les adultes et Programme de déjeuner chaud.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le vice-président: Tel que convenu, nous allons passer à la période de questions. Monsieur Murphy.
[Traduction]
M. Murphy: Merci de votre témoignage.
Je veux m'assurer d'avoir bien compris votre dernier rapport... Il semble que vous souhaitiez un partenariat avec le gouvernement plutôt que l'autonomie gouvernementale, ou du moins, l'autonomie gouvernementale telle que l'envisage le gouvernement libéral pour les peuples autochtones. Comment voyez-vous ce partenariat, par opposition à l'autonomie gouvernementale, en matière d'éducation? Je ne suis pas certain de bien vous comprendre.
Le chef Goodrunning : Le partenariat auquel nous faisons allusion est celui qui a été conclu dans le traité qui a été signé en 1876, le Traité noo Six. À cette époque, on a créé un partenariat pour le partage des terres et des ressources. C'est de ce partenariat que nous parlons, du véritable esprit ou intention de ce traité. Dans ce traité, l'autonomie gouvernementale prend la forme du respect qu'éprouve chacune des parties pour une autre culture. C'est là le partenariat dont nous parlons.
M. Murphy : Je vois.
Envisagez-vous un partenariat avec le gouvernement fédéral en matière d'éducation? Ou voulez-vous que votre conseil scolaire ou votre conseil de bande, ou les deux, se charge de l'éducation et de son orientation?
Le chef Goodrunning : À l'heure actuelle, il y a un conseil qui a le pouvoir de répondre aux besoins des premières Nations en matière d'éducation post-secondaire. Il lui incombe, entre autres choses, de choisir les élèves en fonction de leurs notes. Ce conseil détient donc actuellement les pouvoirs pertinents.
Le partenariat dont nous parlons découle du traité qui promet qu'on répondra pleinement et de façon exhaustive aux besoins en matière d'éducation qu'entraînera le fait pour nos jeunes de passer à un mode de vie très complexe. Notre conseil détermine ces besoins. Les anciens lui ont dit que le traité signé en 1876 et ses annexes prévoit qu'on satisfera aux besoins de notre peuple en matière d'éducation.
M. Murphy : Je tente de mieux comprendre comment fonctionne votre conseil tribal de Yellowhead et comment vous dispensez les services scolaires. Ainsi, vous avez créé un programme préparatoire au baccalauréat en éducation. Les étudiants inscrits à ce programme peuvent-ils enseigner dans une école élémentaire?
M. Brulé : Oui, M. Murphy. Les collectivités de la réserve réclament des enseignants autochtones pour leurs propres écoles...
M. Murphy : D'accord.
M. Brulé : Car elles veulent contrôler l'éducation au niveau local. Pour ce faire, nous devons trouver chez-nous des étudiants qui pourront obtenir un baccalauréat en éducation. C'est ainsi que ça se passe. En fonction des besoins de la collectivité, nous dispensons des programmes.
Auparavant, il y avait un baccalauréat en travail social. Nous en étions arrivés à la troisième et à la quatrième année de ce programme. Ensuite, nous l'avons remplacé par un programme d'enseignants puisque c'est ce que nous demandait la collectivité.
Au niveau communautaire, il y a aussi une proposition de financement pluriannuelle, un plan quiquennal, prévoyant 31 millions de dollars pour répondre aux besoins des cinq bandes. Nous avons reçu 17 millions de dollars du gouvernement fédéral. Ce financement a été augmenté quelque peu et nous avons ainsi pu combler en partie notre manque à gagner de 14 millions de dollars. C'est notre situation à l'heure actuelle, et je dirai que c'est plus ou moins la situation de toutes les Premières Nations du Canada en matière d'éducation.
L'éducation n'est qu'une des fins auxquelles nous servent les ressources fournies par le gouvernement fédéral. Mais comme l'a mentionné le chef Harry Goodrunning, l'éducation n'est qu'un élément. Nous avons besoin de ressources à bien d'autres chapitres, mais probablement davantage au chapitre de l'éducation. Il n'en reste pas moins que nous accusons du retard dans tous les programmes.
M. Murphy: Permettez-moi de vous faire part de ce qu'on nous a dit dans les différents endroits du pays où nous sommes allés.
Il ne fait aucun doute qu'il faut davantage d'enseignants instruits dans les collectivités autochtones; je suis tout à fait d'accord. Toutefois, certains nous ont dit que, parfois, les enseignants sont engagés grâce à ce qu'on pourrait appeler un programme d'action positive. Ils n'ont pas les connaissances générales qu'ils auraient s'ils avaient une 12e année et quelques cours en plus. Ils sont seulement en mesure d'enseigner une matière bien précise, de façon limitée.
À la fin de nos délibérations, nous voulons formuler des recommandations logiques. Je sais que vous vous occupez d'éducation, et je ne voudrais pas vous mettre sur la sellette, mais nous ne voulons pas que les enfants autochtones soient désavantagés parce que leurs enseignants n'ont pas de bonnes connaissances générales ni d'aptitudes particulières en enseignement et qu'ils ne sont peut-être pas les meilleurs modèles, non pas parce qu'ils n'ont pas de nombreuses qualités, mais plutôt parce qu'ils ne sont pas assez instruits. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Brulé: Merci de votre question. Monsieur Murphy, nous dispensons le programme par l'entremise de l'Université de l'Alberta; c'est elle qui engage les professeurs particuliers qui donnent les cours. Tout se déroule sous forme de séminaires semblables à ce que nous avons ici en classe. Essentiellement, les élèves apprennent selon la méthode des cas, par opposition à ce qui se fait dans les grandes universités, et sont en interaction personnelle avec l'enseignant.
La première année comprend tout ce dont vous avez parlé en ce qui concerne le perfectionnement, toutes les connaissances de base qu'il faut aux étudiants pour être au même niveau que les autres.
C'est ce que nous avons tenté de faire la première année, mais, après un mois, nous avons constaté que les élèves étaient prêts à entreprendre la première année du programme universitaire. Nos enseignants ne prennent aucun racourci. Ils seront tout à fait compétents à la fin de leurs études. En outre, nous collaborons avec l'Université de l'Alberta de sorte que les étudiants passent la moitié du programme à l'université et l'autre moitié dans notre campus.
M. Murphy: Est-ce que je pourrais enseigner dans une de vos écoles et étudier en vue d'obtenir mon baccalauréat pendant cinq ou six ans?
M. Brulé: Oui, c'est possible.
M. Murphy: Cela ne présente-t-il pas un inconvénient?
M. Brulé: Étant donné que nous n'avons pas tous les enseignants dont nous avons besoin, nous sommes pratiquement à la case départ.
Tous les enseignants brevetés des Premières Nations sont déjà pris, tout comme les enseignants cris. Il est très difficile de trouver des enseignants cris, parce qu'ils sont déjà retenus par leurs bandes respectives.
Je sais ce à quoi vous faites allusion. Nous avons déjà et continuerons d'avoir des enseignants compétents qui travaillent dans un environnement normal, comme ailleurs.
M. Murphy: Merci.
M. Brulé: Je comprends votre point de vue.
[Français]
Le vice-président: Quand je suis allé dans votre région, on m'a donné une cassette d'interprétation et de philosophie du traité numéro 6 ou numéro 7. Je comprends donc votre position quand vous dites que le volet de l'éducation devait, originalement, se trouver dans le traité numéro 6. Si je comprends bien votre démarche, vous proposez qu'il y ait un processus bilatéral d'application du traité entre le gouvernement fédéral et vous.
Vous avez déjà signé une entente de principe à cet effet le 16 mars 1995, à Calgary, et vous êtes sur le point de signer un protocole d'entente. Vous avez aussi écrit que vous voudriez que la déclaration de l'entente de principe soit endossée par le gouverneur général en conseil et que le protocole d'entente soit signé d'ici juillet ou août 1995.
En résumé, comme le traité numéro 6, signé en 1876, n'a jamais été respecté, vous proposez de le mettre en vigueur par le biais du processus bilatéral dont je viens de parler. Est-ce bien cela?
[Traduction]
Le chef Goodrunning: Monsieur le président, vous avez tout à fait raison. C'est précisément ce que nous disons.
Toutes les Nations soumises au Traité no 6 de la région de l'Alberta sont unies. Je ne peux vous en dire plus, mais vous avez tout à fait raison. Nous estimons que c'est la seule façon dont nous pourrons respecter l'intention originelle et l'esprit du traité comme l'entendent nos anciens.
Nous continuons à remettre en question la façon dont le gouvernement fédéral et d'autres paliers de gouvernement interprètent le traité. Nous estimons que cette question aurait dû être réglée depuis longtemps et que le temps est venu d'en arriver à une solution.
En ce qui concerne le protocole même, nous étions d'avis qu'il nous fallait un calendrier, monsieur le président, et nous nous sommes donné des dates cibles pour faciliter les discussions sur la protection de ces droits qui ont été négociés il y a plus d'un siècle.
[Français]
Le vice-président: L'entente de principe étant déjà signée, pensez-vous être en mesure d'avoir l'approbation du gouverneur général en conseil pour le mois de juillet ou août? Où en sont les démarches avec le premier ministre en vue de la signature du protocole d'entente? Autrement dit, est-ce que vous considérez que l'échéancier que vous vous êtes fixé est réaliste?
[Traduction]
Le chef Goodrunning: Monsieur le président, cette tentative est primordiale pour nous. Comme vous le savez, dans le Livre rouge, le Parti libéral déclare que, dans le cadre des nouvelles relations qu'il entretient avec les peuples autochtones:
- un gouvernement libéral agira selon le principe que l'autonomie gouvernementale est un droit
inhérent aux peuples autochtones et un droit issu des traités selon le sens de l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982.
- un gouvernement libéral sollicitera l'avis des Premières Nations visées par les traités pour
convenir d'une méthode mutuellement acceptable d'interprétation plus actuelle des traités tout
en respectant leur esprit et leur intention initiaux.
Voilà pourquoi nous estimons que l'occasion s'offre aux Premières Nations de l'Alberta liées par traité, en particulier le Traité no 6, de s'efforcer sérieusement de faire de notre traité un document de premier plan dans les négociations avec le gouvernement fédéral. Les droits négociés et reconnus en 1876 ainsi que les annexes subséquentes ne disparaîtront pas. Ils constituent le fondement même de nos vies.
[Français]
Le vice-président: Merci. Monsieur Bonin.
[Traduction]
M. Bonin: Vous avez probablement entendu les questions que j'ai posées aux autres témoins. Celle-ci sera dans la même veine.
J'aimerais parler du conseil scolaire. Vous avez un président et 10 personnes représentent cinq Premières Nations. Pourriez-vous m'expliquer comment ces personnes sont devenues membres du conseil?
Le chef Goodrunning: Monsieur le président, ces personnes sont nommées membres du conseil par des résolutions du conseil de bande de chaque Première Nation.
M. Bonin: Le président du conseil est-il aussi nommé à ce poste?
Le chef Goodrunning: Jim Brulé vous répondra.
M. Brulé: Le président est élu par les dix représentants choisis. Ce sont les membres du conseil qui élisent le président.
M. Bonin: Il n'y a donc pas un président et 10 membres du conseil. Au total, 10 personnes siègent au conseil.
M. Brulé: C'est exact. Celui dont on propose la candidature et qui est élu devient président du conseil pour la période de temps prévue qui n'est pas fixe.
M. Bonin: En ce qui concerne le financement et la prise de décisions, ce conseil est-il entièrement autonome?
M. Brulé: Les décisions sont prises par le conseil. Les représentants doivent faire rapport au chef de bande des délibérations du conseil.
Par ailleurs, le conseil a le plein contrôle de ses finances.
M. Bonin: Si j'ai posé la question c'est parce que j'ai été étonné que les recommandations que vous présentez ne viennent pas du conseil d'administration mais du conseil tribal. Je me demande quel rôle joue ce conseil si les recommandations touchant à l'éducation sont présentées par le conseil de bande. Je suppose qu'elles auront été formulées par le conseil d'administration pour être présentées par le conseil de bande.
M. Brulé: Le système exige que les chefs soient avisés en tout temps de toute transaction touchant l'éducation et les finances et c'est ainsi que les choses se passent pour tous les secteurs relevant du conseil tribal de Yellowhead.
M. Bonin: Vous êtes le directeur de l'éducation?
M. Brulé: Oui.
M. Bonin: Vous vous appelé Brulé?
M. Brulé: Oui.
M. Bonin: Vous savez, on dit toujours: «conseil fort, administration faible et conseil faible, administration forte». Je suis sûr que vous avez beaucoup d'expérience en éducation et qu'il faut donc travailler d'arrache-pied et quelquefois, en apparence, contre votre conseil en faveur des enfants, ce qui suscite certains conflits.
M. Brulé: C'est exact.
M. Bonin: C'est parfait. Qui résout les conflits, le conseil ou le conseil tribal?
M. Brulé: Le conseil tribal a le dernier mot.
M. Bonin: Quelles sont les compétences de ses membres en éducation?
M. Brulé: Ils ont chacun un directeur de l'éducation pour leur bande respective qu'ils peuvent utiliser comme aide technique.
M. Bonin: Ces gens là sont-ils agréés ou nommés?
M. Brulé: Je crois que sur les cinq, il y en a trois qui sont agréés.
M. Bonin: Ca semble bien marcher.
Pendant que j'y suis, je pourrais vous poser la question que je pose à tout le monde. S'il existait un système d'autonomie du conseil, par lequel les fonds iraient directement au conseil scolaire et où le conseil tribal n'aurait rien à dire, cela présenterait-il des problèmes? Tout d'abord, je veux qu'il soit clair qu'il n'est absolument question que nous envisagions même de mettre quoi que ce soit en oeuvre parce que ce n'est pas notre rôle; nous nous contenterons de faire des recommandations fondées sur des réponses que vous nous donnez. En quoi cela touchera-t-il le système dans votre domaine?
M. Brulé: Nous avons toujours travaillé en partant du principe que...
M. Bonin: Si vous me permettez de vous interrompre, est-ce que vous voulez que je demande au chef de s'en aller?
M. Brulé: Tout le monde participe toujours, du haut en bas et du bas en haut. Chez les non-autochtones, on a habituellement le président directeur général au sommet et tout le monde doit passer par tous les échelons avant d'arriver à lui. Si bien que ceux d'en bas ne parlent jamais au pdg. Dans la culture autochtone, c'est l'inverse, nous sommes tous au même niveau, à la base, avec le chef, et nous pouvons lui parler à n'importe quel moment, personnellement. Nos organismes sont également dirigés de la même façon; c'est-à-dire que tout le monde travaille ensemble et que personne ne peut agir seul parce qu'on a besoin de l'appui du chef. Je sais où vous voulez en venir mais c'est fondé sur la collectivité et on ne peut pas exclure les chefs parce qu'ils doivent constamment être informés.
M. Bonin: Ce que je veux dire c'est qu'étant donné le temps relativement bref que nous avons passé ici et les documents que j'ai vus, je n'ai aucun doute que vos chefs soient convaincus de l'importance de l'éducation...
M. Brulé: C'est vrai.
M. Bonin: ...quelle garantie avons-nous que le prochain chef en sera aussi convaincu? C'est pourquoi je pose ces questions.
Si vous avez un conseil élu, qui sert pendant un certain temps, celui-ci se consacre à sa tâche - lorsque vous avez, par exemple un conseiller qui sert pendant 25 ans.
Dans les collectivités où le chef, en particulier, fait tout pour l'éducation, les systèmes marchent bien. On parle d'études postsecondaires, il faut que cela marche bien. Et lorsque le chef ne s'y intéresse pas personnellement, je constate que le succès n'est pas aussi grand et c'est ce que je voudrais que l'on protège à l'avenir.
Le chef Goodrunning: Monsieur le président, j'aimerais répondre à cela, si vous le permettez.
Tout d'abord, avant que le conseil ne devienne un conseil en 1993, le Conseil inter-tribal des chefs avait mis sur pied un système de portefeuilles. Nous avions chacun de l'expérience dans des domaines un peu différents. Mon domaine était l'éducation, qui était alors mon portefeuille. Nous n'avons pas vu d'inconvénients à supprimer cet obstacle à l'autonomie; nous sommes partis de ce principe et cela a très bien marché. D'un autre côté, avec le niveau de subventions actuel que nous recevons du ministère... cela augmente rapidement, et la demande d'études post-secondaires augmente sans cesse dans nos collectivités.
L'année dernière, je crois que nous avions quelque 350 à 370 candidats. Sur ce groupe, nous avons dû en refuser un nombre considérable qui avaient le droit d'être instruits parce que nous n'avions pas suffisamment de fonds. Toute l'idée d'une proposition de ressource pluriannuelle aurait permis de faire face à cette croissance constante et à la demande accrue au niveau post-secondaire.
M. Bonin: Qui décide qui est accepté et qui est refusé? Est-ce le conseil d'administration ou le conseil tribal?
Le chef Goodrunning: C'est le conseil d'administration.
M. Brulé: Quant à votre question de tout à l'heure à propos des chefs et de l'intérêt qu'ils portent à l'éducation - et vous avez demandé ce qui se passerait s'il y en avait un qui ne s'y intéressait pas - vous avez là cinq chefs et je crois que les quatre autres l'emporteraient si l'un d'entre eux ne faisait pas le nécessaire pour l'éducation. Jusqu'ici, ça a très bien marché. Nous fonctionnons depuis 1978 en tant que conseil tribal et nous avons réalisé beaucoup de progrès depuis.
M. Bonin: Je dois admettre que votre situation est tout à fait unique en ce sens que vous avez cinq groupes différents qui font ces nomiNations. Dans la majorité des cas, c'est un seul groupe dans lequel le chef fait la nomiNation et, habituellement, si un chef perd une élection...comme cela m'arrivera un jour - peut-être plus vite que je ne le voudrais - ce ne sera pas mon meilleur ami qui prendra les rênes, et donc les gens que j'aurai nommés seront remerciés; c'est la raison pour laquelle nous n'avons pas de continuité alors que vous, vous en avez.
Merci beaucoup.
[Français]
Le vice-président: Messieurs, nous vous remercions de votre présentation. Je pense que vous avez fait une très bonne présentation. Vous avez une organisation scolaire intéressante et encore une fois, je dois vous dire que l'avenir de vos jeunes étudiants semble être entre bonnes mains. Je vous souhaite un bon retour chez vous et nos salutations à vos communautés respectives. Merci.
[Traduction]
M. Brulé: Merci beaucoup, monsieur le président et merci aux autres membres du comité.
Le chef Goodrunning: Monsieur le président, encore une fois, je tiens à vous remercier et à répéter que même si tout semble aller bien, ce qui est important de comprendre c'est que les besoins des Premières Nations diffèrent beaucoup de ceux de la population canadienne en général. Nous avons cinq collectivités membres d'un conseil tribal. La localité dont je viens est située à trois heures environ de l'établissement post-secondaire le plus proche. Deux des autres localités sont éloignées de toute zone urbaine. La transition que doivent faire nos jeunes afin d'acquérir le niveau d'instruction nécessaire à leur succès dans la vie est énorme en comparaison des autres membres de la société canadienne.
Monsieur le président, je voulais simplement dire cela. Là encore, je tiens à vous remercier de cette occasion, monsieur. Nous vous saluons également de la part de nos chefs. Merci.
Le vice-président: La séance est levée.