[Enregistrement électronique]
Le mardi 25 avril 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue au ministre de l'Agriculture, qui fera un bref exposé, suivi d'une période de questions.
La parole est à vous, monsieur le ministre.
L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux de pouvoir parler aujourd'hui, comme je le ferai sans doute à d'autres occasions, du flot des événements que nous prévoyons et espérons faciliter dans le sillage des divers changements concernant le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire au Canada à la suite du budget fédéral le plus récent.
Tous les membres du comité auront sans doute reçu, au moment du budget, une série de documents réunis sous le titre Assurer notre avenir en agriculture et en agroalimentaire. Ces documents visent à former une vue d'ensemble cohérente des répercussions qu'aura le budget dans le secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire et à relier ces répercussions à l'exposé que j'ai eu l'occasion de faire en septembre dernier devant les comités réunis de l'agriculture du Sénat et de la Chambre des communes sur les éléments d'un énoncé des perspectives d'avenir du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Sauf erreur, votre comité a pour mandat et objectif d'examiner les diverses répercussions des changements annoncés dans le budget à l'égard de l'agriculture et, plus particulièrement, les mesures budgétaires ayant trait à la LTGO, au programme d'aide au transport des céréales fourragères et aux programmes découlant de la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes et de la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique, c'est-à-dire la LSTMRA et la LTTMPM, sigles sous lesquels ces programmes sont connus dans la région de l'Atlantique et dans l'est du Canada.
L'étude détaillée, article par article, des projets de loi d'application nécessaires se fera bien sûr au comité des finances, alors que votre sous-comité a plutôt pour objet d'examiner essentiellement la question de savoir où l'on va à partir d'ici. Je suis impatient de participer aux discussions que nous aurons et de prendre connaissance des idées et des suggestions que les membres du comité formuleront pour déterminer comment on pourait le mieux façonner le genre d'environnement que nous souhaitons pour assurer la prospérité du secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire.
Les mesures budgétaires qui relèvent explicitement de votre mandat portent essentiellement sur l'élimination de divers types de subventions aux transports. Je tiens à faire remarquer en premier lieu que même si ces programmes de subvention diffèrent à maints égards d'une région à l'autre du pays, le budget les traite de façon identique. Les divers programmes sont supprimés et des mesures de rajustement, de transition ou d'adaptation seront mises en oeuvre à l'égard de chacun de ces programmes afin de faciliter le passage de l'ancien environnement subventionné à un nouvel environnement moins subventionné.
Ce principe d'élimination des subventions et de mise en oeuvre d'une forme appropriée de transition et de rajustement sera appliqué uniformément d'un bout à l'autre du pays à l'égard de tous les programmes dont on parle. Il n'est pas question de traiter un programme, une région ou un groupe d'agriculteurs différemment des autres. Il s'agit d'appliquer systématiquement une politique nationale uniforme.
Abstraction faite des considérations budgétaires, il existe également un certain nombre d'autres raisons qui militent très fortement en faveur des réformes que nous allons mettre en oeuvre dans le domaine du transport des produits agricoles. Il faut garder également ces autres bonnes raisons valables présentes à l'esprit en nous engageant dans toutes ces discussions.
Monsieur le président, en passant maintenant plus particulièrement aux changements concernant la LTGO, je me permets de dire que lorsque vous étudierez plus spécialement les changements touchant le programme d'aide au transport des céréales fourragères, il serait peut-être très utile au comité d'inviter le secrétaire d'État à l'Agriculture et l'Agroalimentaire et aux Pêches et Océans à participer à vos travaux. J'ai en effet confié à l'honorable M. Robichaud la tâche de diriger le processus de consultation auprès de toutes les parties prenantes à ce programme. Il a mis le processus en branle et a constitué un groupe consultatif. On a commencé à étudier comment seront mises en oeuvre les mesures d'adaptation à venir concernant ce programme. Je pourrais parler de ce sujet de façon générale aujourd'hui, mais je pense qu'il serait très utile d'inviter M. Robichaud à en discuter de façon plus détaillée avec vous, comme il est manifestement mieux en mesure de le faire.
Quant à la LSTMRA et à la LTTMPM, même si les mesures budgétaires les concernant auront une certaine incidence sur l'agriculture, elles relèvent plus particulièrement de la compétence de mon collègue, M. Young, au ministère des Transports. Là encore, M. Young ou ses collaborateurs seraient mieux que moi en mesure de parler de façon détaillée de ces deux programmes. Encore une fois, je pourrais formuler quelques observations générales, mais le comité serait mieux informé s'il avait la possibilité d'engager le dialogue à ce sujet avec le ministre Young.
En ce qui a trait à la LTGO, je le répète, il existe des raisons tout à fait indépendantes du budget qui expliquent pourquoi il était nécessaire d'opérer une réforme dans le domaine du transport du grain de l'Ouest. Il s'agissait, premièment, de nous conformer aux obligations que nous avons contractées en matière de commerce international aux termes du nouvel accord du GATT. Ce nouvel Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, qui substituera bientôt l'OMC au GATT, entrera en vigeur au cours de 1995.
La Chambre des communes a adopté la loi de mise en oeuvre de l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce. Lorsque la Chambre en a été saisie, les députés ont exprimé des inquiétudes car une simple leture de la loi concernant l'OMC révèle qu'elle comporte de graves conséquences pour l'agriculture à moins qu'on n'apporte des changements. La loi de mise en oeuvre de l'OMC visait à adopter une approche minimaliste à l'observation de nos obligations commerciales, et à traduire tout simplement les répercussions de l'accord sur l'OMC dans la législation canadienne.
Nous avions clairement pour objectif d'éviter certaines des conséquences que pourrait avoir l'application de cette loi, spécialement à l'égard de la LTGO. Si la LTGO demeurait inchangée, l'OMC imposerait à cet égard de très fortes réductions en termes tant de dollars que de volume de produits pouvant faire l'objet de subventions à l'avenir. Ces conséquences seraient relativement modestes en ce qui concerne des cultures comme le blé et l'orge pendant une ou deux campagnes agricoles, mais elles seraient très graves pour le canola et les cultures spéciales. En fait, si nous appliquions les simples règles de l'OMC à la LTGO existante, nous ferions face à de très sérieuses entraves au commerce pour les cultures spéciales et les oléagineux au cours de la campagne agricole de 1995-1996, et à des restrictions sur le plan du volume de produits qu'il nous serait possible d'exporter et auquel la LTGO serait applicable. Il importe évidemment d'obvier à cette conséquence.
J'invoque cet exemple simplement pour faire comprendre que l'observation des règles du GATT ne correspond pas simplement à une théorie du commerce international ou à une charmante petite subtilité diplomatique; elle entraîne de très graves conséquences auxquelles nous devons faire face.
Voyons un autre exemple de ces conséquences dans le cas du blé. À cause de l'existence de la LTGO, nous faisons actuellement l'objet d'enquêtes pouvant mener à l'imposition de droits compensateurs dans certains marchés d'Amérique latine. L'accès à certains de ces marchés dépendra des réformes que nous apporterons à notre système de transport.
Enfin, toujours à propos du GATT, les règles commerciales qui prennent la LTGO en défaut prennent également en défaut des programmes et des politiques appliqués par des gouvernements étrangers et auxquels nous trouvons depuis longtemps à redire au Canada. Je songe tout particulièrement au programme américain de mise en valeur et au régime correspondant de subventions existant en Europe dans le cadre de l'Union européenne.
Évidemment, si nous voulons que les Américains et les Européens réduisent de façon importante leur niveau de subventions, comme nous croyons que le GATT l'exige, nous devons également être en mesure de nous conformer à ses règles. En nous y conformant à l'égard de la LTGO, nous serons dans une position beaucoup plus solide pour faire valoir les arguments que nous voulons défendre quant aux mesures que les Américains et les Europens devraient prendre à l'égard de leurs subventions.
J'ai eu l'occasion il y a deux semaines, lors de ma mission commerciale en Amérique du Sud, d'aborder ce genre de questions avec mes homologues du Chili, de l'Argentine et du Brésil. Dans chaque cas, cet argument en faveur de l'élimination des subventions à l'exportation ayant un effet de distorsion commerciale a été très bien reçu. Voilà une des raisons de modifier la LTGO, pour nous conformer au nouvel accord du GATT.
Deuxièmement, il est évidemment important, pour l'avenir du secteur des céréales, d'établir un système de manutention et de transport du grain qui soit plus efficace, moins coûteux et plus rapide que celui que nous avons déjà. Je sais que plusieurs membres du comité ont participé à des discussions au comité il y a maintenant un an lorsque certains aspects de notre système de manutention et de transport du grain se sont révélés extrêmement inefficaces et nous ont causé d'énormes difficultés. Plus tard au cours de cette campagne agricole, il y a un an, nous avons réussi à régler ces difficultés de façon ad hoc pour surmonter les problèmes de congestion et autres que nous éprouvions à ce moment-là.
Ces problèmes se répéteront sans cesse à moins que nous ne trouvions le moyen de passer à un système de transport moins rigide et plus adaptable, capable de réaliser de véritables améliorations de rendement internes. Cela veut dire éliminer les coûts inutiles et le faire d'une manière qui tienne compte des intérêts de toutes les parties prenantes, dont les producteurs tout particulièrement.
Les mesures que nous proposons dans le projet de loi prévoient, comme vous le savez, un tarif-marchandises maximum imposé pour une période de cinq ans. Nous proposons également un examen, auquel participeront des représentants de l'industrie, du nouveau système qui sera mis en place; il s'agira plus particulièrement d'examiner jusqu'à quel point les changements apportés au système ont permis de réaliser des améliorations et dans quelle mesure les économies résultant de ces améliorations sont partagées équitablement entre toutes les parties prenantes.
Dans les discussions que j'ai eues avec les agriculteurs et les organismes agricoles à propos du genre d'amélioration du rendement qu'ils souhaitaient, il y a deux choses que mes interlocuteurs m'ont fait remarquer bien clairement. Tout d'abord, qu'il y avait beaucoup de place pour de l'amélioration, qu'ils souhaitaient voir se réaliser aussi rapidement que possible. Deuxièmement, qu'ils voulaient avoir un moyen d'évaluer dans quelle mesure on réussissait à avoir un système plus efficace et aussi - question cruciale - qui bénéficiait des gains de rendement qui en résultaient, et si les agriculteurs participaient pleinement au partage de ces avantages.
J'ai eu l'occasion, il y a deux semaines, de prendre la parole devant le Conseil des grains du Canada réuni à Winnipeg. J'ai alors décrit un certain nombre des progrès qui avaient été accomplis en matière de gains de rendement depuis le dépôt du budget. Je n'abuserai pas du temps du comité en en faisant une revue détaillée. Les députés qui voudraient examiner la question plus à fond pourront trouver toute l'information à cet égard dans mon discours et dans d'autres documents.
Voilà donc la deuxième raison pour laquelle nous voulons effectuer ce genre de réforme, c'est-à-dire tâcher de mettre en place un système de manutention et de transport du grain qui soit moins coûteux, plus rapide et plus efficace, et dont les économies résultant des gains de rendement soient partagées équitablement.
La troisième raison pour laquelle nous voulons réformer la LTGO, outre les raisons budgétaires, c'est que nous tenons à supprimer la discrimination inhérente existant depuis bien des années dans notre structure de tarif-marchandises et qui a empêché une diversification et une croissance économiques plus larges. En comportant ainsi une mesure importante de subventions, le tarif-marchandises a eu tendance à imprimer une certaine orientation à l'économie céréalière et à limiter le champ du secteur des céréales et des oléagineux qui aurait pu avoir des horizons plus vastes.
Quand ce genre de discrimination inhérente au tarif-marchandises a été introduite dans le système il y a près d'un siècle, on ne se souciait pas de diversification. Personne ne se préoccupait non plus de valeur ajoutée au début du siècle. Mais au fil des années, cette structure de tarif-marchandise en est arrivé à limiter les débouchés économiques et à faire dévier la production et la transformation dans une certaine direction au détriment de tout le reste.
Nous nous sommes notamment donné pour objectif d'éliminer ce genre de discrimination et d'élargir les horizons grâce à une production globale de cultures mixtes de valeur accrue, grâce à davantage de transformation à valeur ajoutée avec possibilité de transformation ultérieure et grâce à une production et une transformation accrues de bétail, conformément à notre objectif général de croissance économique et de création d'emplois.
La réalisation de tous ces projets entraînera des changements probablement sans précédent dans le secteur canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire. L'importance des changements envisagés est de toute évidence très significative.
On a prévu deux genres de mesures transitoires pour faciliter la réforme de la LTGO. Il y a, d'une part, un paiement en capital ex gratia de 1,6 milliard de dollars et, d'autre part, un fonds d'adaptation de la LTGO doté de 300 millions de dollars sur plusieurs années.
Nous avons publié énormément de renseignements sur ces deux mesures de transition. Je ne m'attarderai pas à ces détails pour l'instant, mais je serai heureux de répondre à vos questions à ce sujet; je précise que ces deux mesures visent à faciliter l'adaptation.
J'ajoute que dans le document que j'ai mentionné au début de mon exposé cet après-midi, le document intitulé «Assurer notre avenir en agriculture et en agroalimentaire» et diffusé le soir du budget, nous avons inséré plusieurs documents de travail qui donnaient certaines précisions sur le paiement en capital ex gratia de 1,6 milliard de dollars et sur le fonds d'adaptation de la LTGO de 300 millions de dollars.
On les a appelés des documents de travail pour la bonne raison que nous voulions lancer la discussion sur bon nombre de points précis. À partir du dépôt du budget jusqu'au début du mois d'avril, j'ai pris le temps de consulter sérieusement presque tous les intervenants du secteur de la manutention et du transport du grain de l'Ouest afin de recueillir leurs commentaires sur de nombreux aspects techniques des deux mesures de transition.
Pendant tout le mois d'avril, nous mettrons au point tous ces détails. Nous avons déjà réglé bon nombre de questions. Il reste certaines choses à éclaircir. Je tiens cependant à vous signaler que nous agissons en étroite collaboration avec les agriculteurs, les associations agricoles, les sociétés céréalières, les compagnies de chemin de fer, les organisations municipales et rurales, les provinces et d'autres intervenants afin de recueillir tous leurs avis sur l'application technique de ces programmes.
Monsieur le président, pour ce qui est du mandat de votre comité, je précise que je serai heureux de recevoir et d'examiner toutes les suggestions que les membres de votre comité voudront bien me faire au sujet de ces questions administratives. Il faut nous assurer, dans la mesure du possible, que nous prenons les bonnes décisions. Si les membres de votre comité ont des suggestions à me faire aujourd'hui ou plus tard, quant à la meilleure façon de régler ces questions administratives, je serai très heureux de recueillir leur point de vue.
Je signale que certains députés des deux côtés de la Chambre m'ont déjà fait part de leurs observations, de leur avis, de leurs suggestions et de leurs recommandations. Je les en remercie et je vais sûrement en tenir compte.
En ce qui concerne le fonds d'adaptatioan de la LTGO de 300 millions de dollars, je devrais peut-être mentionner que la question la plus grave que nous avons à régler d'ici sept à dix jours est à savoir si nous devons envisager la réforme du système de mise en commun de la Commission canadienne du blé en date du 1er août 1995 ou attendre au 1er août 1996, comme on le proposait dans le budget. On affirmait dans le budget que le meilleur moment pour modifier le système de mise en commun était au début de la campagne agricole de 1996-1997.
Un grand nombre d'associations agricoles et autres intervenants sont d'accord sur ce point. Toutefois, depuis le dépôt du budget, de nombreux autres ont affirmé qu'il serait préférable, si possible, d'apporter tous les changements en même temps, aussi rapidement que possible, au cours de la présente année civile. Ils nous ont aussi recommandé de procéder plus rapidement à la réforme du système de mise en commun de la Commission canadienne du blé au début de la campagne 1995-1996, si nous pouvions le faire.
La Commission canadienne du blé et d'autres organisations nous ont fait parvenir diverses propositions sur la façon de réformer le système de mise en commun. La dernière de ces propositions m'a été remise au cours de la première semaine d'avril. Nous l'avons transmise aux associations agricoles afin de recueillir leurs avis. Nous continuons de recevoir des commentaires au moment où je vous parle. J'ai même rencontré un représentant d'une des associations agricoles aujourd'hui, juste avant de me présenter à cette réunion.
Je dois dire que les opinions que nous recueillons sont très variées. Certains groupes nous disent qu'il faut réformer le système à tout prix dès le 1er août 1995. D'autres sont d'avis que le changement est trop important et trop complexe et qu'il serait préférable de prendre un an de plus pour mieux réfléchir à la situation.
Les gouvernements provinciaux ne sont pas tous du même avis à ce sujet. L'Alberta veut que les changements soient apportés le plus vite possible. Le Manitoba, quant à lui, préférerait que les changements se fassent le moins vite possible. La Saskatchewan est divisée à ce sujet, ce qui était à prévoir puisque le système touche une partie de cette province d'une façon et l'autre partie, d'une autre façon.
Aucune décision n'a été prise à ce sujet pour l'instant. J'ai demandé aux associations agricoles de me faire parvenir leurs derniers rapports cette semaine. Il faudra décider vers le 1er mai si nous devons modifier le système de mise en commun le 1er août 1995 ou attendre jusqu'au 1er août 1996.
Encore une fois, monsieur le président, si des membres de votre comité font, dans le cadre de vos discussions cette semaine, des suggestions précises pour régler ce problème, l'un des plus graves pour l'instant, je serais heureux de savoir s'ils considèrent qu'il est préférable d'agir immédiatement ou d'attendre encore un an.
J'associe la question de la mise en commun au fonds d'adaptation de la LTGO de 300 millions de dollars, parce que nous avons précisé dès le début que certaines indemnités visant à faciliter la transition entre l'ancien système de mise en commun et le nouvel accord seraient puisées à même ce fonds de 300 millions de dollars. J'ajoute que nous envisageons d'utiliser ce fonds de 300 millions de dollars pour régler d'autres questions, comme la situation particulière de l'industrie de la déshydratation de la luzerne dans l'Ouest, les routes municipales rurales, l'aide au transport routier, si cela se révèle souhaitable et nécessaire dans certains cas, et finalement le service ferroviaire sur courte distance, un mode de transport qui pourrait devenir plus attrayant dans certaines circonstances.
Voilà à quoi servirait essentiellement le fonds d'adaptation de 300 millions de dollars. Je le répète, j'aimerais bien connaître vos suggestions ou observations précises sur ce qui devrait être ou ne devrait pas être un objectif prioritaire de ce fonds.
Monsieur le président, en terminant, je voudrais faire une dernière observation sur la LTGO. Depuis deux jours, certains médias, du moins dans l'ouest du Canada, semblent confondre le fonds d'adaptation de la LTGO de 300 millions de dollars et d'autres mesures transitoires prévues dans le budget. Dans certains reportages que j'ai vus ces derniers jours, on a mêlé les divers genres de mesures d'adaptation qui sont offertes.
Je tiens à préciser que la somme de 300 millions de dollars vise expressément à faciliter les changements touchant les producteurs de céréales et d'oléagineux de l'ouest du Canada. Outre cette somme, il existe un autre fonds d'environ 62 millions de dollars devant servir à faciliter la réforme des subventions aux transport des céréales fourragères. Un troisième fonds distincts, relevant celui-là du ministère des Transports, permet de traiter les questions découlant de la LSTMRA et de la LTTMPM.
Enfin, un quatrième fonds, qui est tout à fait distinct et n'a rien à voir avec les précédents, vise à appuyer l'adaptation agricole et le développement rural. Tout cela est bien expliqué dans les documents budgétaires, même s'il y a confusion dans certains reportages.
J'ai remarqué certaines critiques dans des reportages diffusés ces deux derniers jours, où l'on demandait pourquoi le fonds d'adaptation de la LTGO servait à financer le Programme de formation en gestion agricole au Canada, la sécurité en milieu agricole, ainsi de suite. Eh bien, le fonds n'est pas utilisé à ces fins. Ces programmes sont subventionnés par le Fonds d'adaptation agricole et de développement rural et n'ont absolument rien à voir avec les subventions accordées aux termes de la LTGO. Je tiens simplement à rappeler qu'il existe en tout quatre fonds d'adaptation distincts, visant certains objectifs précis, qui sont tous décrits en détail dans les documents budgétaires. Pour bien comprendre la situation, il faut bien distinguer ces quatre fonds, leur source et leurs objectifs.
Monsieur le président, je vais m'arrêter ici. Je vous remercie de l'intérêt que vous avez accordé à mon intervention. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur le ministre.
Je voudrais simplement apporter quelques précisions au sujet de notre mandat avant de passer aux questions. Il ne fait aucun doute qu'il peut y avoir confusion, puisque le Comité des finances étudie actuellement le projet de loi C-76 et les répercussions définitives du budget sur la LTGO, la LSTMRA et la LTTMPM de même que sur les subventions au transport des céréales fourragères. En tant que comité étudiant le transport, nous estimions que, même s'il était question de transport et de finances ici, les personnes les plus durement touchées par tous les changements envisagés sont certes les producteurs primaires vivant dans les localités agricoles.
Par conséquent, le mandat de notre comité consiste en fait à envisager l'avenir sans LTGO, sans LSTMRA, sans LTTMPM et sans subvention au transport des céréales fourragères. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, la Loi de la passe du Nid-de-Corbeau qui a précédé la LTGO et ensuite la subvention Nid-de-Corbeau sont devenues la pierre angulaire de la politique agricole dans l'ouest du Canada, dont découlent d'autres politiques et mesures complémentaires.
Donc, étant donné leurs répercussions, ces changements sont extrêmement importants. Qu'on apprécie ou non les changements, ceux-ci auront des répercussions et nous nous devons de jeter de nouvelles bases sur lesquelles pourront reposer la politique agricole de l'Ouest et un nouveau système de transport et de prendre les bonnes décisions, comme le disait le ministre.
Le mandat du comité est donc d'envisager l'avenir. Ouvrage hâté, ouvrage gâté. Si les changements doivent avoir des répercussions, il nous faut les connaître avant de prendre des décisions et tenter d'agir tout en protégeant les intérêts des agriculteurs et des localités agricoles ainsi que de tous les autres intervenants.
Pour répondre aux questions qui m'ont été posées, nous étudierons tôt ou tard les subventions au transport des céréales fourragères et songeons à inviter le secrétaire d'État à l'Agriculture, M. Robichaud. Sur la question du transport, notre comité entendra plus tard cette semaine M. Mulder. Nous déterminerons à un moment donné s'il est utile de convoquer le ministre.
Sur ce, je cède la parole à M. Bernier.
[Français]
M. Bernier (Mégantic - Compton - Stanstead): Vous remarquerez d'abord qu'il y a un changement au niveau du porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'agriculture, mais c'est une situation tout à fait temporaire, puisque mon collègue Chrétien a dû retourner dans sa circonscription pour des raisons tout à fait spéciales et il sera à son poste bientôt.
En tant que député de Mégantic - Compton - Stanstead, je suis naturellement très intéressé par le dossier de l'agriculture. Ma circonscription en est une essentiellement agricole. J'ai participé à la journée de l'opposition sur l'agriculture l'autre jour et c'est pour cela que j'ai accepté, au pied levé, de remplacer mon collègue. J'espère que je serai à la hauteur de la situation.
Monsieur le ministre, merci d'accepter de répondre à nos questions. Je me permettrai de faire un petit commentaire et après, j'aurai quelques questions à poser. J'ai été quelque peu étonné de constater que vous avez commencé votre présentation en prétendant que les décisions qui sont adoptées suite au Budget concernant les politiques de transport céréalier sont les mêmes partout à la grandeur du pays, dans l'Ouest comme dans l'Est, et que, de ce fait, les régions sont traitées de la même façon.
Je souhaite qu'au cours de l'heure et des quelques minutes qu'on a devant soi, vous aurez l'occasion de nous expliquer comment l'Est et l'Ouest sont égaux, parce que je sais que l'autre jour, lors du débat que nous avons eu à la Chambre, vous avez accusé l'Opposition officielle, le Bloc Québécois, de susciter les passions et de mettre en opposition les gens de l'Ouest et ceux de l'Est. Vous allez avoir l'occasion, probablement, de nous expliquer tout cela au cours de l'heure qui vient et je le souhaite de façon très sincère, parce que ce n'est pas notre vision.
On considère que cette politique du Nid-de-Corbeau était déjà une politique discriminatoire et vous le reconnaissez sur certains aspects dans votre présentation. Nous sommes donc, au niveau du Bloc, très heureux de voir son abolition. Sauf qu'à notre avis, les mesures que vous mettez de l'avant pour compenser sont également discriminatoires, si on compare la façon dont on traite l'Est du Canada par rapport à l'Ouest.
Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. C'est une question d'ordre général. J'aurai l'occasion de revenir à des questions plus précises suite à votre intervention, mais avant de vous laisser la parole, j'ai deux questions très précises à poser.
Je sais que vous dites que vous êtes en réflexion, en consultation avec tous les intervenants sur la façon d'appliquer les mesures compensatoires, mais au niveau du paiement de 1,6 milliard de dollars qui est accordé aux agriculteurs de l'Ouest, j'aimerais que vous nous disiez si ce paiement, qui correspond en fait à 2,2 milliards de dollars, selon les informations qui proviennent de votre ministère, va être fait aux propriétaires terriens, aux propriétaires fonciers ou aux locataires, et selon quels critères?
Où en est rendue votre réflexion par rapport à cela? Quels critères allez-vous adopter pour appliquer cette mesure, qui correspond à un montant de 1,6 milliard de dollars?
[Traduction]
M. Goodale: Pour répondre à votre question, je dirai que, dans le domaine des subventions au transport des marchandises, il y a eu essentiellement trois grands programmes gouvernementaux. L'un deux est naturellement la LTGO, aux termes de laquelle des subventions totalisant à peu près 560 millions de dollars ont été accordées au cours de la dernière année financière pour compenser environ la moitié des frais de transport des céréales et des oléagineux de l'Ouest vers les marchés d'exportation.
Puis il y a le programme de subvention au transport.
Le programme d'aide au transport des céréales fourragères n'a pratiquement aucune application dans la région des Prairies, mais il est particulièrement important dans les provinces de l'Atlantique et en Colombie-Britannique. Il est également important dans l'est du Québec, dans le nord de l'Ontario et dans certaines parties des Territoires du Nord-Ouest et, aussi, sauf erreur, au Yukon. Par le passé, ce programme a coûté quelque 15 à 17 millions de dollars par année, comparativement au programme LTGO, qui a coûté 560 millions de dollars ou plus chaque année.
Le troisième programme important est ce que nous appelons le programme LSTMRA, ou programme de subventions au transport des marchandises dans la région Atlantique, et le programme LTTMPM, ou programme sur les taux de transport des marchandises dans les provinces maritimes. Je n'ai pas sous les yeux les coûts de ces programmes, mais on me dit qu'ils représentent habituellement plus de 100 millions de dollars par année et qu'ils profitent surtout à la région Atlantique et à l'est du Canada.
Ces programmes, actuels ou passés, ont tous servi à subventionner le transport des marchandises.
Aux termes du budget, ces trois programmes, le LTGO, le programme d'aide au transport des céréales fourragères, ainsi que les programmes LSTMRA et LTTMPM, prendront fin essentiellement au cours de l'année 1995.
Nous avons reconnu que, pour chacun de ces programmes, il faudra instaurer des mesures de transition, de rajustement ou d'adaptation, et nous avons prévu dans le budget les fonds proportionnels nécessaires à cette fin, les montants étant déterminés d'une manière qui, à notre avis, reflète équitablement les relations proportionnelles qui existent entre ces divers programmes.
[Français]
M. Bernier: Vous êtes en train de nous expliquer les différents programmes qui existent, mais j'aimerais que vous en veniez aux critères d'application de la compensation de 1,6 milliard de dollars. C'est cette partie qui m'intéresse. En quoi cette mesure sera-t-elle équitable comparativement aux mesures appliquées dans l'Est du Canada?
[Traduction]
M. Goodale: J'arrive à cette question, et je conviens avc vous qu'elle est importante. J'essayais de répondre à votre question précédente au sujet du traitement symétrique, si vous voulez, de tous ces différents programmes. Qu'ils portent sur l'est, l'ouest, le centre ou le nord du Canada, le principe sur lequel nous nous fondons pour examiner tous ces programmes est le même et l'approche du gouvernement est équitable.
Avant de traiter en détail de votre question au sujet du propriétaire et du locataire, l'autre observation que je voudrais faire à propos de la LTGO, c'est que la proposition que nous avons faite pour réaliser la transition entre l'ancien et le nouveau régime est, à notre avis, conforme aux paramètres et aux principes exposés il y a quelque temps par la Coalition des producteurs du Québec et par d'autres groupes qui avaient formulé des observations sur la façon de procéder à la réforme de la LTGO et fait certaines recommandations pour en arriver à un résultat acceptable. De toute évidence, un grand nombre de permutations et de combinaisons sont possibles, mais ce que nous avons proposé dans le budget est, à mon avis, très conforme aux grands principes que nous ont exposés cette coalition du Québec qui s'est réunie pour examiner la LTGO.
Pour ce qui est du paiement de 1,6 milliard de dollars, nous avons décidé de l'accorder aux propriétaires de terres agricoles et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, on peut déterminer avec précision à qui appartiennent les terres dans les Prairies, comme presque partout ailleurs au Canada. D'après les diverses lois sur les titres de biens-fonds, les bureaux d'enregistrement et les règles sur les taxes municipales, il est très facile d'identifier avec précision le propriétaire d'une parcelle de terre agricole en particulier.
Les choses se compliquent quelque peu lorsqu'il s'agit d'identifier les exploitants de terres agricoles. Dans environ 60 p. 100 des cas, le propriétaire et l'exploitant ne sont qu'une seule et même personne. Dans jusqu'à 40 p. 100 des cas, les terres sont louées, de sorte que l'exploitant n'est pas propriétaire. Les ententes de location entre le locateur et le locataire peuvent donc varier à l'infini. Certaines sont très simples, d'autres fort compliquées. Il existe une grande variété d'ententes entre propriétaires et locataires. Il est extrêmement compliqué d'essayer de trouver un moyen de tenir compte de toutes ces variantes.
Je dis simplement qu'on peut identifier le propriétaire avec précision, alors que c'est plus difficile dans le cas de l'exploitant.
En Saskatchewan, par exemple, nous avons constaté que cinq ou six exploitants pouvaient avoir des intérêts dans le même quart de section. Étant donné la nature de ces intérêts, aucun d'eux n'était consigné dans un carnet de livraison prévu par la Commission canadienne du blé, et il existait cinq ou six façons de s'entendre sur l'utilisation et le paiement des terres. Il est très compliqué de déterminer quelle personne, dans ce quart de section, devrait recevoir le paiement. Nous avons donc décidé, en partie pour simplifier le processus administratif, de nous concentrer sur le propriétaire.
La deuxième raison pour laquelle on paie le propriétaire, c'est pour reconnaître que la subvention au tarif-marchandises existe depuis 98 ans sous une forme ou sous une autre. Au cours de cette longue période, la valeur de la subvention a été ajoutée à celle des terres agricoles. Lorsque la subvention sera supprimée, le tarif augmentera et la valeur des terres diminuera en conséquence. En payant le propriétaire, on reconnaît cette relation de cause à effet.
La troisième raison pour laquelle on paie le propriétaire est d'ordre fiscal. Si on fait le paiement en tant que paiement de capital à l'égard de terres, il est en grande partie non imposable, étant donné nos règles actuelles en matière d'impôt sur les gains en capital. Si on fait le paiement à l'exploitant d'une terre agricole, qu'il en soit le propriétaire ou non, ce paiement devra être considéré comme un revenu et sera donc imposable. Si on peut organiser le paiement de façon à éviter les conséquences fiscales, on en accroît manifestement les avantages, car une fois qu'il aura été remis au bénéficiaire, ce dernier n'aura pas à s'inquiéter des problèmes d'impôt. Si le paiement était imposable, de toute évidence, sa valeur nette serait réduite. Alors, il y a aussi une raison d'ordre fiscal.
Je voudrais ajouter une dernière observation. Cette question a été largement débattue par les associations agricoles. Bien qu'elle ne fasse pas l'unanimité, il est juste de dire qu'on s'entend généralement pour penser que payer le propriétaire est la bonne théorie économique. Cette théorie est également appuyée par un groupe d'économistes agricoles de l'Université de la Saskatchewan et par divers autres commentateurs indépendants et éditorialistes de quotidiens, etc.
Nous avons tenté de tenir compte de la préoccupation dont on nous a fait part, à savoir que la théorie économique visant à payer le propriétaire est peut-être valable, mais, il faut aussi se demander, dans un deuxième temps, comment faire en sorte que le locateur, le cas échéant, bénéficie également d'une partie équitable de ces avantages? Nous avons mis en place un mécanisme, que j'ai décrit dans les observations que j'ai présentées plus tôt ce mois-ci au Conseil des grains du Canada et que je serais heureux de vous exposer, pour faciliter le transfert approprié de ces avantages au locateur.
Le président: Nous vous donnerons la parole pendant le deuxième tour. Vous aurez une autre occasion de parler à ce moment-là. Nous allons maintenant écouter Mme Cowling.
M. Goodale: Monsieur le président, je m'excuse pour cette réponse interminable, mais il s'agit là d'une question importante et j'estime qu'il convient de l'examiner en détail.
Le président: Ce sont en effet de longues réponses.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je voudrais traiter de deux questions en particulier, car elles m'ont été signalées par les électeurs de la circonscription de Dauphin - Swan River.
La première est le paiement accordé aux propriétaires. Vous en avez parlé, et les habitants de ma circonscription estiment qu'il s'agit là de la meilleure solution. Ils pensent qu'elle est la plus équitable et en sont très heureux.
Cependant, l'avenir de l'exemption pour gains en capital me préoccupe. Le paiement est considéré comme du capital pour éviter que les avantages soient réimposés. Or, si l'exemption pour gains en capital dont bénéficient les agriculteurs est supprimée ou réduite l'année prochaine, les avantages risquent fort d'être réimposés. Le ministre des Finances vous a-t-il donné des garanties que les agriculteurs pourront continuer de bénéficier de l'exemption pour gains en capital?
M. Goodale: J'ai eu l'occasion de discuter de cette question avec M. Martin. Je lui ai dit très clairement que le régime actuel d'impôt sur les gains en capital, dans la mesure où il concerne les agriculteurs, revêt une importance cruciale pour la mise en oeuvre efficace des mesures que nous comptons prendre au sujet du paiement de 1,6 milliard de dollars. Je pense que le ministre des Finances a très bien saisi mon argument, mais j'encourage toujours mes alliés à en présenter d'autres à ce sujet au ministre des Finances. Alors, qu'on entre dans les rangs.
Mme Cowling: Mon autre question porte, bien sûr, sur la mise en commun des coûts du transport maritime. Si je mentionne cela, c'est en raison des coûts que les agriculteurs de l'est de la Saskatchewan, du Manitoba et de l'ouest de l'Ontario risquent de devoir payer eux aussi. Ils risquent de payer des coûts plus élevés pour le transport de leurs céréales à l'extérieur de ces régions enclavées.
Il est difficile de décider à quel moment nous devrions procéder à la mise en commun. Comme vous l'avez mentionné plus tôt, certaines associations agricoles voudraient que cette question soit documentée et réglée dès la campagne agricole en cours. Cependant, il est difficile de prendre ces décisions sans savoir quels changements seront apportés à la mise en commun. Cela nous place donc dans une situation difficile.
Ce que je veux savoir donc, c'est quels seront les coûts et les avantages pour les producteurs si la mise en commun des coûts du transport maritime est décidée en août 1995, et si le point de mise en commun demeurera en Saskatchewan ou s'il sera déplacé, comme certaines provinces l'ont proposé? Nous devons savoir quels seraient ces coûts et ces avantages à long terme pour les producteurs.
M. Goodale: Sur ce dernier point, c'est justement la complexité de cette question qui a amené certains d'entre nous à conclure que nous avons tous besoin d'un peu de temps pour évaluer les diverses propositions qu'on fait actuellement pour réformer le système de mise en commun des coûts de transport.
Je dis «propositions» au pluriel parce que la Commission canadienne du blé a fait une proposition, la première fois en 1985, je crois, laquelle est toujours valable et tient compte de l'évolution des marchés mondiaux et indique qu'il serait plus logique d'avoir dans l'est un point de mise en commun dans le bas Saint-Laurent, par opposition à un point ouest, situé à Vancouver, au lieu d'utiliser Thunder Bay comme point intérimaire, au milieu du pays.
On peut faire divers rajustements. Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, pas plus tard qu'au début du mois, la Commission canadienne du blé a proposé une autre méthode pour traiter cette question. Dès que j'ai reçu cet autre document de la Commission du blé, je l'ai fait circuler parmi tous les porte-parole de l'agriculture et les autres intéressés de l'ouest du Canada pour recueillir leur opinion. Je serais heureux de remettre un exemplaire de cet exposé très récent aux membres du Comité pour qu'ils puissent également l'examiner.
Cet exposé comporte énormément de détails, mais c'est le genre de détails que nous avons tous besoin d'examiner, de connaître et de comprendre pour déterminer si cette formule particulière de changement dans la mise en commun est préférable aux deux ou trois autres qui peuvent exister et s'il est souhaitable de l'appliquer tout de suite ou d'attendre une année, pendant que les choses se tassent. Je demanderai à mes collaborateurs de distribuer ce document aux membres du Comité pour qu'ils puissent y jeter un coup d'oeil.
Cependant, je voudrais simplement souligner que si le Comité a des opinions à exprimer sur les changements apportés à la mise en commun des coûts du transport, je l'invite fortement à m'en faire part d'ici quelques jours, car, pour être juste, j'estime que, au plus tard au tout début de mai, nous devrons décider si les changements prendront effet en 1995 ou s'ils seront reportés à 1996.
Le président: Le Comité prend note du fait qu'il doit vous recontacter rapidement.
Monsieur Kerpan.
M. Kerpan (Moose Jaw - Lake Centre): Monsieur Goodale, nous accusons souvent M. Easter de poser des questions plutôt interminables au Comité. Ce qui me préoccupe aujourd'hui, c'est qu'il vous pose une de ses questions typiques, que vous lui répondiez à l'avenant et que nous ne réussissions pas à placer un mot.
M. Goodale: Allez-y Wayne!
M. Kerpan: Je vous suis reconnaissant de vous préoccuper de cette question et vous remercie d'être ici aujourd'hui.
De toute évidence, comme bien des gens de ma province et de ma région me l'ont dit, la subvention du Nid-de-Corbeau n'est plus. Cela ne fait aucun doute. En fait, quelqu'un m'a dit il y a quelques jours que c'est tout l'ouest du Canada qui en souffrira.
Ce que j'entends diffère un peu de ce à quoi je m'attendais lorsqu'on a annoncé que la LTGO serait supprimée, et la nonchalance de certaines associations agricoles de la Saskatchewan devant cette annonce m'a quelque peu étonné.
Il y a deux questions dont nous devons parler et sur lesquelles nous devons prendre des décisions. De toute évidence, la première est la méthode de paiement des 1,6 milliard de dollars: comment le paiement sera fait, à qui et quand il le sera. Je crois, monsieur, qu'il vous incombe de prendre cette décision. En effet, je ne vois pas la nécessité d'établir une autre bureaucratie, un groupe d'arbitres parmi les agriculteurs, les propriétaires et les producteurs. Si vous décidez que le paiement est fait aux propriétaires, je crois qu'il devrait en être ainsi, et s'il doit être fait à d'autres, cette décision devrait vous appartenir. C'est ce que je propose et recommande.
Je crains une autre bureaucratie, si on peut s'exprimer ainsi, où agriculteurs, propriétaires et producteurs risquent d'être mêlés à quelque chose impossible à régler. Je pense notamment à des terres appartenant à des banques à charte et à des coopératives de crédit. Cela est très courant en Saskatchewan, et je crains que le processus ne s'éternise et ne soit difficile à régler. C'est une proposition que je fais.
J'en ai une deuxième à faire, et j'aimerais obtenir votre opinion là-dessus. Il s'agit de la date de propriété officielle de toute parcelle de terre.
Comme vous le savez, puisque vous êtes originaire de la Saskatchewan, près de la totalité des transactions foncières ont lieu pendant les mois d'hiver. Très peu de transactions se font à d'autres temps de l'année.
Beaucoup d'agriculteurs, autant producteurs que propriétaires, ont communiqué avec moi pour connaître la date officielle d'entrée en vigueur de la propriété. Je sais que c'était le jour du budget; cela a été annoncé. Toutefois, je proposerais de retenir le ler août comme date officielle de propriété. Nous bénéficions évidemment des avantages de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest jusqu'au ler août 1995. Je suggère de retenir cette date comme date officielle d'entrée en vigueur en ce qui concerne les paiements à venir, de manière à atténuer ou supprimer toute confusion parmi ceux qui procèdent actuellement à une transaction foncière quelconque. Je voudrais aussi connaître votre point de vue à ce sujet.
M. Goodale: En ce qui concerne la méthode de paiement, le point que vous avez soulevé constitue en fait la dernière partie de la réponse que j'entendais faire à la toute première question concernant le mécanisme que nous avons tenté de mettre en place pour que les changements se fassent aussi, comme le veulent l'équité et le bon sens, à l'avantage des locataires dans les cas où une terre est louée et non pas exploitée par son propriétaire.
Comme je l'ai dit plus tôt, la théorie économique veut qu'un changement des tarifs-marchandises entraîne une réduction générale de la valeur des terres agricoles qui bénéficient jusque-là d'une subvention au transport. Il s'ensuit que si la valer des terres agricoles diminue, le tarif d'affermage doit aussi baisser, le locataire bénéficiant ainsi de taux locatifs mois élevés.
Au cours des discussions que j'ai eues avec les agriculteurs et les représentants d'organisations agricoles, j'ai constaté qu'on comprenait de façon générale la théorie économique, mais on s'est sérieusement interrogé quant à savoir si la théorie allait se concrétiser, particulièrement dans certains cas difficiles où intervient la propriété étrangère, par exemple. La diminution de la valeur foncière allait-elle entraîner une diminution du taux d'affermage?
Nous avons décidé de donner suite à une suggestion que nous a faite la «Saskatchewan Association of Rural Municipalities». Cette organisation a de toute évidence examiné la question. Elle a proposé que nous répertorions, dans le cadre du processus de demande de fonds, les terres faisant l'objet d'accords d'affermage, soit les quelque 40 p. 100 de terres auxquelles je faisais référence, et d'exiger du locataire, lorsqu'il fait sa demande, la confirmation que le propriétaire et lui-même se sont entendus sur la façon de régler cette question.
Nous n'avons pas à connaître la teneur de l'entente, qui est une affaire privée entre le locataire et le propriétaire. Il leur appartient de décider ce qu'ils doivent faire. Nous voulons simplement la confirmation qu'ils ont examiné la question et se sont entendus sur la solution qui leur convient.
Cela nous amène à nous demander ce qui se passera à défaut d'un accord.
Nous avons dit espérer pouvoir verser la première tranche des 1,6 milliard de dollars en décembre 1995. Dans les cas où il n'y aurait pas confirmation d'une entente entre le locataire et son propriétaire, nous n'effectuerions pas le versement.
Le versement final serait prévu pour le printemps ou le début de l'été 1996. Nous accorderions au propriétaire et au locataire un délai supplémentaire de 5 à 6 mois pour régler leurs affaires. En cas d'incapacité de surmonter le problème, nous envisagerions l'arbitrage, que nous voudrions le plus net, le plus simple, le plus court et le moins coûteux possible.
Je suis conscient du fait qu'il n'existe probablement pas de solution parfaite à ce problème, mais depuis que nous avons fait l'annonce du processus que je viens de décrire, la «Saskatchewan Association of Rural Municipalities» a fait savoir qu'il s'agissait probablement là de la meilleure solution possible et qu'elle y donnait son appui. La «Western Canadian Wheat Growers Association» et la «Western Barley Growers Association» ont eu la même réaction. Les membres du «Saskatchewan Wheat Pool» ont indiqué qu'ils étaient conscients du fait qu'il n'existait probablement pas de solution parfaite et ont fait savoir que la mesure proposée leur semblait adéquate.
Comme je le disais, il n'existe pas de solution parfaite. Celle qui est proposée est sans doute la meilleure possible et je suis heureux de voir que la plupart des organisations agricoles semblent partager cet avis.
Les organisations ont également dit, et j'espère qu'elles ont raison, qu'il ne devrait pas y avoir beaucoup de recours d'arbitrage. L'existence même de ce mécanisme incitera les intéressés à s'entendre entre eux avant d'avoir recours à l'arbitrage. Toutefois, dans les dernières consultations que j'ai eues avec les organisations agricoles pendant la première semaine d'avril, ces dernières ont indiqué que 95 p. 100 des cas pourraient être réglés à l'amiable et en privé entre le propriétaire et le locataire, sans arbitrage. Je souhaite beaucoup qu'on atteigne ce taux de 95 p. 100.
En ce qui concerne la propriété, vous avez tout à fait raison: quelle que soit la date retenue pour procéder à un changement de cette ampleur, il y aura à ce moment des transactions en cours.
Nous avons annoncé dans le budget que la date d'entrée en vigueur de la propriété serait celle du dépôt du budget lui-même, soit le 27 février 1995, ce qui est conforme aux principes budgétaires courants. Nous avons également dit cependant qu'il nous fallait une certaine flexibilité pour pouvoir identifier les problèmes propres à une transaction en cours.
Nous avons dit que dans les cas où les parties auraient réellement conclu une entente concernant la vente des terres et qu'elles seraient convenues d'un prix avant le dépôt du budget et la réforme de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest - et qu'il y aurait une preuve écrite de cette entente - le gouvernement effectuerait le versement à l'acheteur puisque le montant de la transaction aurait été convenu avant les changements. Là encore, j'ai discuté de cet aspect avec les organisations agricoles et elles semblent toutes avoir approuvé le choix du moment.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): Au lieu de prononcer un discours, je vais plutôt vous poser une liste de questions.
L'an dernier, nous avons examiné une liste de primes et pénalités concernant les chemins de fer dans le cadre de l'examen de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Allons-nous conserver ce mécanisme pour protéger les transporteurs de grains?
Voulez-vous que je lise ma liste?
M. Goodale: Je crois pouvoir répondre à cette question très rapidement, monsieur Collins. Vous faites probablement référence, du moins en partie, au projet de loi C-66 dont la Chambre est actuellement saisie. Il me semble que le projet de loi sur le budget rend superflue l'étude du projet de loi C-66. Aussi, je crois que nous devrions nous occuper du projet de loi concernant le budget et oublier le projet de loi C-66.
Le ministre des Transports proposera dans le courant de l'année des modifications à la Loi sur les transports nationaux. Je crois que l'étude de ces modifications plus générale sur les transports nationaux serait le moment opportun pour examiner des questions plus précises concernant les garanties de rendement, les pénalités et autres aspects disciplinaires du système.
Autrement dit, si des éléments valables du projet de loi C-66 ne sont pas examinés pendant l'étude du projet de loi du budget, il sera possible de le faire lors de l'étude du projet modificatif de la Loi sur les transports nationaux.
M. Collins: Je crois que c'est crucial car nous passons beaucoup de temps à examiner ces questions et à dire que quelque chose ne va pas. Je ne voudrais pas que la situation persiste. Nous disons que le projet de loi concernant le budget a écarté ces aspects.
Je voudrais avoir l'assurance, monsieur le ministre, que la SCA et le CPA voient à ce que ce soient les producteurs qui bénéficient des avantages de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Il est actuellement question en Saskatchewan que la province envisage de réduire son budget en faisant valoir l'aspect avantageux de la situation, et je crois que la Société du crédit agricole doit en faire autant.
Je suis heureux que la Banque de Montréal ait dit vouloir prendre l'initiative et refuser d'être laissée derrière lorsque le processus sera engagé.
La question de l'infrastructure routière nous préoccupe et peut-être devrions-nous conserver cette infrastructure plutôt que les chemins de fer.
Le plafond doit être aboli après une période de cinq ans. Pourquoi ne pas le conserver? Il suffirait qu'ils nous démontrent après ce délai pourquoi il y aurait lieu d'y apporter des modifications, au lieu de procéder de façon inverse et d'abolir le plafond au bout de cinq ans.
Je voudrais parler de trois autres sujets vraiment très sérieux. Il est question d'apporter des changements à l'heure actuelle. Le système de taxation qui s'applique actuellement au port de Vancouver fait en sorte que nous payons cinq ou six fois plus qu'à Seattle et environ 25 fois plus qu'à Duluth. Si nous voulons être concurrentiels, comment allons-nous nous y prendre?
La rémunération dans le système ferroviaire reposait autrefois sur la distance parcourue qui était de 100 milles par jour. Aujourd'hui, les trains parcourent quelque 250 milles par jour et je crois savoir que ces messieurs touchent deux jours et demi de rémunération pour cette distance. Le système comporte beaucoup d'injustices.
Je crains que le personnel des transports ne soit pas conscient de la façon dont les choses se passent dans l'Ouest. Ils ne comprennent pas ce qui se passe et ne sont pas conscients des répercussions que subiront l'infrastructure routière et l'ensemble du système de transport. Au lieu de se limiter à dire qu'on va abandonner des lignes de chemins de fer, il serait préférable de venir sur place pour voir de quoi il retourne. J'ai de sérieuses réserves.
En somme, la question est de savoir si nous sommes prêts à offrir un service non pas cinq jours par semaine mais sept jours par semaine dans les ports, car si nous ne le faisons pas les gens enverront leurs produits dans les ports du Sud ou ailleurs.
Lorsque les subventions au transport disparaîtront, les gens vont s'intéresser à l'efficience du système.
Je crois que nous devons nous intéresser à ce que font nos voisins et voir si les règles du jeu sont équitables. Dans la négative, comment effectuerons-nous le rajustement nécessaire?
Veuillez m'excuser. J'ai parlé sans arrêt.
Le président: Monsieur Goodale, une brève réponse.
M. Goodale: Au sujet des projets de la Société du crédit agricole, je suis heureux de dire qu'elle n'a pas perdu de temps et que 48 heures après le dépôt du budget, cet organisme a fait savoir qu'elle entendait trouver un moyen de faire en sorte que ses clients bénéficient de la situation.
La Société a proposé deux solutions. Dans le cas d'un paiement de capital concernant une parcelle de terre, la Société serait disposée à vendre la terre à son client agriculteur à un prix réduit après que le paiement de capital aurait été déduit de la valeur marchande courante. Cela est évidemment conforme à la volonté de la Société du crédit agricole de ne pas être propriétaire. La Société du crédit agricole est un organisme de prêt et non pas un propriétaire terrien et c'est pourquoi elle préfère se départir de ses terres. Elle peut évidemment pas le faire à n'importe quel prix et elle n'entend d'ailleurs pas agir de façon à perturber le marché. Toutefois, dans les cas où le paiement de capital ferait la différence entre la capacité ou l'incapacité d'un agriculteur client d'acheter une terre, la Société du crédit agricole serait toute disposée à céder cette terre à l'agriculteur au prix le moins élevé.
Par ailleurs, dans les cas où un agriculteur préférerait poursuivre la convention de location, la Société du crédit agricole calculerait le juste pourcentage de dépréciation de la valeur marchande de la terre consécutive au paiement de capital et réduirait le montant de location en conséquence.
La Société du crédit agricole examine aussi d'autres techniques qui lui permettront d'être sûre de suivre la tendance légitime du marché dans la région des Prairies, d'agir équitablement envers tous ses clients et de se conformer à ce qui se fait ailleurs sur le marché en matière de bail à ferme.
Je n'ai pas eu l'occasion de discuter en détail avec M. Cunningham de la Saskatchewan de ses projets précis en ce qui concerne l'«Agriculture Credit Corporation of Saskatchewan», mais je souligne que cet organisme possède relativement bien peu de terres.
Le plus grand propriétaire est actuellement la Direction générale des terres du ministère provincial de l'Agriculture, qui gère la majeure partie de ce qui constituait l'ancienne banque de terres de la Saskatchewan.
M. Cunningham m'a dit que son gouvernement pourrait avoir recours à des techniques et à des mécanismes qui ne correspondent pas exactement au modèle de la Société du crédit agricole, mais qu'il entendait néanmoins céder les avantages. Il appartient évidemment au gouvernement de la Saskatchewan de préciser comment il entend s'y prendre, mais je vous répète ce que m'a dit le ministre. La méthode pourra être différente, mais le gouvernement entend parvenir au même résultat, c'est-à-dire céder les avantages.
De façon générale, j'ai eu la même impression en ce qui concerne les autres provinces de l'Ouest, sans pour autant connaître les détails de la méthodologie qui sera utilisée. Ces provinces m'ont néanmoins donné l'assurance qu'elles n'entendaient pas profiter du paiement de capital à titre gracieux. Elles ont l'intention de tenir compte de la valeur du paiement de capital dans les conventions de location qui relèvent de leur autorité.
En ce qui concerne l'inversion du fardeau de la preuve auquel vous faisiez référence dans votre question, monsieur Collins, pendant la période de transition, je crois qu'il serait tout indiqué de soulever la question devant le Comité des finances dans le cadre des discussions concernant le projet de loi sur le budget. J'ai l'impression que certaines des organisations agricoles qui comparaîtront devant le Comité des finances ont l'intention de soulever la question et d'exposer très clairement leurs arguments selon la ligne de pensée que vous avez suivie dans votre question, à savoir qui devra supporter le fardeau à la fin de la période de transition de cinq ans.
Vous avez parlé d'un service continu dans le port et de certaines questions touchant la main-d'oeuvre et la taxation. Tout cela touche de très près la compétitivité et la rentabilité de notre système de manutention et de transport du grain. Ces questions relèvent plus particulièrement de la compétence de M. Young, mais je porte moi-même un vif intérêt à cette question, comme vous tous d'ailleurs.
Sans empiéter sur les plates-bandes de mon collègue du Cabinet, je puis dire que nous serions tous heureux qu'il y ait un effort réfléchi et concerté en vue de trouver une solution aux questions auxquelles vous avez fait référence, notamment la taxation, le service continu, les relations de travail dans le système de manutention et de transport du grain, ainsi qu'une longue liste d'autres sujets. Nous pourrions ainsi améliorer le rendement de notre système et faire en sorte qu'il devienne, comme je le disais dans ma déclaration liminaire, moins coûteux, plus rapide et plus efficient pour tous les intéressés. Le système assurerait aussi un partage plus équitable des avantages découlant d'une efficience accrue.
Vous pourrez constater qu'une bonne partie des questions qui vous préoccupent figurent déjà à l'ordre du jour de M. Young.
Le président: Je voudrais poser une brève question avant de vous donner la parole, monsieur Bernier.
Pour faire suite aux questions de M. Collins, les céréaliculteurs voient certainement en fait les chemins de fer comme un monopole. Monsieur le ministre, vous parlez d'accroître l'efficience et l'équité du système. Quelles sont, à votre connaissance, les garanties qui seront mises en place dans un système moins réglementé afin d'assurer la protection des expéditeurs et comment allons-nous faire en sorte que ce soient les producteurs qui bénéficient de l'accroissement d'efficience des chemins de fer?
M. Goodale: Il existe plusieurs mécanismes.
Avant de répondre, j'inviterais les membres du Comité à se pencher sur cette question.
Si le but du Comité est de vérifier où l'on s'en va à partir de maintenant, après la mise en oeuvre de ces diverses modifications législatives et financières, je crois que les intéressés comme ceux qui siègent à ce Comité vont se demander comment mettre au point un système plus efficace et comment s'assurer qu'il soit équitable. Les intéressés devraient examiner la question et faire connaître leurs idées et leurs recommandations, surtout si l'on pense qu'il serait aussi possible de présenter des modifications à la loi sur les transports, en plus des propositions d'amendements déjà présentées dans les mesures budgétaires.
Nous avons discuté aujourd'hui d'un certain nombre de questions précises sur le mode de distribution de cette somme de 1,6 milliard de dollars et sur le genre de choses que nous devrons traiter en priorité en ce qui a trait aux 300 millions de dollars du fonds d'adaptation prévu en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Ce sont des questions importantes, et je pense qu'il convient que ce Comité les étudie et donne son avis là-dessus.
Une fois réglés les détails du traitement de la somme de 1,6 milliard de dollars et de la distribution des 300 millions, il restera deux questions plus vastes qui sont extrêmement importantes, probablement plus importantes que la distribution des fonds dont je viens de parler, et je crois que tous ceux d'entre nous qui s'intéressent de près au système de manutention et de transport du grain doivent y réfléchir et y travailler en faisant preuve d'imagination.
La première de ces questions consistera à mettre au point des mesures adéquates d'amélioration de l'efficacité afin que nous en tirions réellement un système plus rapide, meilleur marché et plus efficace qui assure une répartition équitable du grain. Comment faire pour y arriver? Autrement dit, dans ce processus de déréglementation, comment faire pour obtenir un système qui soit efficace tout en étant assez souple pour rester innovateur? Comment faire pour laisser place à la créativité dans le système sans aller jusqu'à retirer toute garantie à ceux qui sont en position de vulnérabilité, comme certains producteurs croient l'être? Les conseils que pourra prodiguer votre Comité pourraient être très utiles dans l'organisation de ce train de mesures d'amélioration de l'efficacité.
L'autre grande question, dont je ne vais pas discuter mais dont je souhaite que le Comité discutera, concerne la diversification, la transformation à forte valeur ajoutée, la croissance économique et le type de développement que nous pouvons viser. Une fois éliminée la discrimination causée par les taux de fret, comment faire pour instaurer une économie plus complexe et plus évoluée, qui puisse, plus que par le passé, favoriser la croissance et la création d'emplois?
Le président: Quelque chose m'inquiète. Êtes-vous en train de dire qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de mesures de protection?
M. Goodale: Excusez-moi, vous avez raison de me le rappeler. Non, il y a effectivement des mesures de protection dans le projet de loi que le Comité des finances étudie actuellement. Encore une fois, je ne discuterai pas de ces dispositions en détail, mais je me permettrai d'en décrire les grands principes.
Ce projet de loi prévoit une formule fixant un taux de fret maximum, et c'est ce que nos collègues du Comité des finances examineront. Cette formule d'imposition d'un taux de fret maximum comporte beaucoup de détails complexes, mais elle comporte essentiellement deux parties. Il y a une possibilité de rajustement à la hausse des taux de fret, si l'inflation l'exige. Le rajustement pourrait aussi se faire à la baisse, si cette période de transition de cinq ans permet de réaliser des économies suffisantes. Voilà pour ce qui est du taux de fret maximum prévu dans la loi.
Ensuite, il y a un processus d'examen. Permettez-moi de revenir en arrière un moment. La loi prévoit l'imposition d'un taux de fret maximum pour une période de cinq ans. C'est de cela que parlait M. Collins dans ses questions. À la fin de cette période de cinq ans, qu'arrivera-t-il? Devrions-nous prévoir que le maximum légal restera en vigueur ou qu'il faudra alors modifier la loi pour conserver ce maximum? Comme je le disais, j'ai cru comprendre que certaines organisations agricoles s'attacheront à cette question lorsqu'elles discuteront du projet de loi devant l'autre comité.
Au cours de cette période de cinq ans, disons en gros à mi-chemin, nous avons prévu, pour tenir compte des suggestions des organisations agricoles, la réalisation d'un examen par l'industrie pour mesurer l'impact réel des mesures d'amélioration de l'efficacité. Cela devrait se faire après deux ans et demi ou trois ans. Si tous ces changements visent à mettre au point un système plus efficace, il importe de vérifier où en sont les choses à mi-chemin du projet. C'est le but que devra viser l'examen effectué par l'industrie. Quels auront été les gains réalisés en matière d'efficacité, en gros, à la mi-temps du projet? Quels auront été les coûts et les recettes du système de manutention et de transport du grain et dans quelle mesure ces gains bénéficieront-ils à tous? Je répète que c'est d'après moi une question cruciale quand on parle de cet enjeu fondamental qu'est l'équité.
Enfin, un an avant la fin de la période de transition, la loi prévoit la tenue d'un examen détaillé allant jusqu'à la fin de la période de cinq ans. C'est alors qu'on pourra voir les décisions nécessaires à savoir s'il faut apporter d'autres modifications à la mesure qu'étudie actuellement l'autre comité.
Le président: Monsieur Bernier.
[Français]
M. Bernier: Le ministre a des réponses très longues, sûrement très intéressantes, mais très longues. Je voudrais revenir à la question du 6,6 milliard de dollars. Plus tôt, vous avez mentionné que le choix que vous privilégiez consiste à verser compensation aux propriétaires fonciers plutôt qu'aux producteurs comme tels.
Cette décision nous préoccupe. Nous voudrions obtenir un engagement de votre part, monsieur le ministre. Quand on pense aux producteurs comme tels qui verront leurs coûts augmenter relativement aux coûts de transport ou à une diminution de la valeur de la propriété, on est d'accord pour qu'ils reçoivent compensation.
Mais, quand vous versez compensation aux propriétaires sans qu'on connaisse les critères qui seront utilisés, pouvez-vous nous garantir que cela ne sera pas une façon de diversifier les subventions pour diversifier la production dans l'Ouest au détriment des producteurs de l'Est? Je voudrais obtenir cette garantie.
Vous l'avez souvent dit à la Chambre, mais j'aimerais que vous le répétiez, que vous nous assuriez que cela ne sera pas une façon déguisée de donner des subventions pour diversifier la production agricole de l'Ouest au détriment des producteurs de l'Est.
Je veux également revenir sur la question du transport. Je sais que vous allez me référer probablement au ministre des Transports. Mais, quand on parle de la période de cinq ans pour revoir la réglementation, vous, comme membre du gouvernement, ne croyez-vous pas qu'on devrait appliquer les mêmes critères dans l'Est que dans l'Ouest quand vient le temps d'évaluer la rentabilité d'une ligne ferroviaire?
Vous savez très bien que dans l'Est, actuellement, le critère qui prévaut est celui de la rentabilité, alors que dans l'Ouest, c'est celui de l'intérêt public quand on évalue le maintien d'une ligne ferroviaire. Quelle est votre position à ce sujet? Ne croyez-vous pas qu'on devrait avoir les mêmes règles.
[Traduction]
M. Goodale: Je veux parler précisément de ce qui vous inquiète au sujet de la répartition de la somme de 1,6 milliard de dollars. Selon nous, la superficie admissible dans l'Ouest devrait englober les secteurs qui ont été ensemencés en vertu de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest en 1994, ainsi que les terres normalement en jachère. En répartissant les paiements selon ces critères, je crois que nous la distribuons exactement de la façon dont se répartissaient les avantages en vertu de l'ancienne loi sur le transport du grain de l'Ouest, c'est-à-dire en fonction des récoltes assujetties à la Loi sur le transport du grain en 1994 et des terres normalement en jachère dans le cycle des récoltes.
La seule chose qui reste à régler pour ce qui des surfaces admissibles a trait à des demandes que certaines organisations agricoles - certainement pas toutes, mais certaines d'entre elles - ont formulées. Ces organisations affirment qu'il est arrivé, au cours des dernières années, que des agriculteurs utilisent le fourrage ensemencé de la même façon que d'autres ont utilisés les jachères.
Il y a là une question d'interprétation que nous devons considérer. Nous sommes en train d'examiner très soigneusement ce dernier élément. Encore une fois, monsieur le président, si le Comité ou certains de ses membres ont une idée précise de ce qu'il conviendrait de faire des superficies utilisées pour le fourrage, je serais très heureux d'en prendre connaissance au cours des prochains jours. J'aimerais beaucoup entendre votre opinion et vos observations à cet égard.
Ce n'est pas une grande question de principe. Il s'agit de savoir comment distribuer équitablement une somme de financement limitée. Si vous vérifiez, vous trouverez des gens pour vous confirmer que certains agriculteurs utilisent du fourrage dans le cycle de leurs cultures là où d'autres mettent leurs terres en jachère. Je pense que d'autres vous diront aussi qu'il est très difficile de faire la distinction entre le fourrage et toute autre récolte, et que si, dans l'ensemble, vous acceptez que le fourrage compte pour une partie des récoltes, vous aurez de la difficulté à fixer une limite équitable quant à la quantité de fourrage admissible.
[Français]
M. Bernier: Votre préoccupation, monsieur le ministre, est vraiment de verser compensation à ceux qui sont touchés par la mesure; du moins, c'est ce que je comprends. Vous nous demandez de vous faire des suggestions, mais c'est l'engagement que vous prenez en ce qui a trait à l'application des compensations...
[Traduction]
M. Goodale: C'est certainement l'objectif que nous visons. C'est tout à fait ce que nous essayons de faire.
[Français]
M. Bernier: ...de faire en sorte qu'il n'y ait pas cette discrimination-là entre la production dans l'Est et la production dans l'Ouest. Comme je l'ai dit plus tôt, la préoccupation est à l'effet qu'on veut s'assurer que la façon d'appliquer la mesure ne viendra pas créer un préjudice aux producteurs de l'Est. C'est l'engagement qu'on veut obtenir.
[Traduction]
M. Goodale: Je ne crois pas qu'on doive s'inquiéter à cet égard, mais je suis heureux que vous posiez la question, parce que vous me donnez ainsi l'occasion d'y répondre.
La diversification, la croissance économique et le développement dont j'ai parlé plus tôt dans mes remarques au président et aux membres du Comité, ne se produiront pas grâce à de nouvelles subventions. Ce ne sera évidemment pas le cas, puisque la subvention est abolie. La diversification viendra de l'élimination des différences de tarif pour le transport du grain qui existent actuellement. L'élimination de cette discrimination augmentera les possibilités de culture à valeur ajoutée, d'exploitation du bétail, de croissance économique, de diversification, etc. C'est l'effet que créera naturellement l'absence de subvention. Ce ne sera pas attribuable aux subventions.
Pour ce qui est de la concurrence éventuelle entre l'Est et l'Ouest, je pense que notre objectif à l'échelle nationale doit être de garantir que tous nos producteurs auront les mêmes possibilités de commercialisation dans une entreprise de mise en marché dynamique, tant dans l'est que dans l'ouest du Canada. Ainsi, nous n'aurons pas à nous inquiéter du fait qu'une partie du pays pourrait faire concurrence à une autre partie ou qu'une région bénéficie d'un avantage par rapport à l'autre.
Nous devons surmonter ce problème pour nous intéresser plutôt à une mise en marché réussie, à travers le monde, de tout ce que nous pouvons produire. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons atteindre, d'ici le siècle prochain, notre objectif d'exportation de 23 milliards de dollars.
Au cours de cette mission commerciale, j'ai eu la chance de discuter avec la délégation des représentants des agriculteurs qui m'accompagnaient, des possibilités de commercialisation futures pour les producteurs de porcs. Parmi les délégués qui m'accompagnaient en Amérique du Sud, se trouvaient des représentants de l'industrie du porc originaires du Québec, de l'Ontario et de l'ouest du Canada.
Quelle que soit la région qu'ils représentaient, ces délégués étaient très enthousiastes quant aux possibilités de commercialisation. Que le porc provienne du Québec, de l'Ontario, de l'Ouest, de la région de l'Atlantique ou d'ailleurs, ils voyaient des possibilités au Japon, dans la région de l'Asie et du Pacifique, en Amérique latine, en Europe de l'Est et en Russie.
Du point de vue du Canada, ils croyaient que nous devions faire porter nos efforts sur une hausse de la production et de notre capacité de transformation pour être en mesure d'exploiter ces nouveaux marchés étrangers. Pour ces représentants de l'industrie du porc, ce changement signifie croissance. Je suis d'accord avec eux. Cela signifie une croissance de l'industrie du porc dans toutes les régions du Canada et non pas dans une région au détriment d'une autre.
[Français]
M. Bernier: Mais, en ce qui a trait aux règles du transport...
[Traduction]
Mme Cowling: Monsieur le ministre, vous avez mentionné que nous évoluerions dorénavant dans un monde plus rapide, renouvelé et moins subventionné, ce qui devrait accroître l'efficacité du système. Je veux m'arrêter sur ce que les représentants du système de paiement des producteurs ont négligé de dire. C'est l'histoire des producteurs du Manitoba, qui ont dû se soumettre à l'interfinancement d'un énorme réseau ferroviaire joignant le nord de l'Alberta et certains secteurs du nord de la Saskatchewan, alors que le système manitobain est très au point et très efficace.
Dans le cadre d'un régime déréglementé, on devrait constater une plus grande efficacité du système ferroviaire, grâce à l'abandon de certaines lignes de chemin de fer, une redistribution des wagons et une modification du tarif. A-t-on établi des projections en ce qui a trait à l'impact de la déréglementation sur les tarifs pour le transport du grain et aux niveaux de service que cela pourrait engendrer? Ma deuxième question ne vous surprendra pas. Quelle part des 300 millions de dollars ira aux producteurs manitobains, qui devront en fait assumer les coûts de transport les plus élevés du pays pour leurs exportations de grain?
M. Goodale: Madame Cowling, sur ce dernier point, je précise que nous travaillons toujours à faire ces calculs et à obtenir l'avis des provinces et des organisations agricoles. Je vous rappelle qu'il y a cinq ou six mois, nous avons présenté des calculs qui ont recueilli largement l'appui de l'industrie dans l'est des Prairies. Selon ces calculs, l'indemnisation nécessitée par la modification du système de mise en commun devrait représenter, au début, quelque chose comme 25 ou 30 millions de dollars par année. Évidemment, cette somme serait éliminée progressivement, mais au départ les chiffres seraient de cet ordre.
Dans l'ouest des Prairies, on a présenté une autre série de calculs qui révélaient la double nature de cet enjeu. On voyait ainsi que les calculs présentés par les intéressés de l'est des Prairies aboutissaient à des chiffres environ deux fois plus élevés que nécessaire. Les calculs faits dans la région Ouest arrivaient à un chiffre de 10 à 15 millions de dollars, et non de 25 à 30 millions. Je crois que tout cela vous donne une idée. De toute évidence, nous n'essayons pas d'arriver à un chiffre précis, car cela dépend de la nature exacte des changements que nous ferons au système de mise en commun. Est-ce la proposition originale faite par la Commission canadienne du blé en 1985? Est-ce la version modifiée qui est sortie il y a une quinzaine de jours? Est-ce une variante de l'un de ces thèmes proposée par un organisme agricole? Chaque fois qu'on change un peu le mode de mise en commun, les calculs changent.
Je pense que les chiffres approximatifs que j'ai cités donnent une idée de l'ordre de grandeur; ils pourront être précisés très rapidement. Si nous devons procéder au changement d'ici au 1er août 1995, il va falloir travailler très vite. Par contre, si nous avons jusqu'au 1er août 1996, nous aurons un peu plus de temps pour faire les calculs nécessaires. Nous étudions la question, mais le travail ne sera pas finalisé tant que les organismes agricoles ne nous auront pas soumis leur dernière proposition de ce qu'ils estiment être la meilleure formule de mise en commun.
Pour répondre à votre question sur l'interfinancement, je dirais que c'est l'un des problèmes dont souffre notre système depuis de nombreuses années en raison de sa nature rigide et du fait qu'il est fortement subventionné. Il y avait des producteurs, dans certaines régions des Prairies, qui croyaient qu'ils subventionnaient les producteurs d'autres régions. Où que vous alliez dans les Prairies, vous trouverez des gens qui croient qu'il y a, dans le système, un élément qui fait qu'ils subventionnent quelqu'un dans une autre région. Dans de nombreux cas, ces arguments sont exacts.
Ce à quoi cette réforme vise en partie est de simplifier le système, d'éliminer autant que possible l'interfinancement qui existait dans le passé et de rendre le système équitable pour tous les participants d'un bout à l'autre des Prairies.
Le président: Le temps file. Veuillez être aussi concis que possible.
Mme Cowling: Cette question est la dernière. Je ne pense pas que le ministre ait répondu à la première question que j'ai posée concernant les effets sur le système de la déréglementation du tarif pour le transport du grain.
M. Goodale: Dorénavant, le tarif sera connu. Quels sont les coûts du système? C'est une question dont, en général, les participants du système ignorent la réponse parce que les coûts sont cachés du fait de la structure du tarif et de l'existence de subvention. Le processus sera beaucoup plus transparent.
Vous remarquerez qu'aux termes de la mesure législative dont je me hâte de dire que nous ne la discutons pas en détail, mais à laquelle nous faisons seulement référence, et dont l'autre comité a été saisi, les dispositions de la loi actuelle sur les transports nationaux qui protègent les expéditeurs et qui, jusqu'à présent, ne s'appliquaient à l'industrie du grain, s'y appliqueront dorénavant du fait de la réforme. En réponse à la question posée plus tôt par le président à propos des garanties et je reprendrai une partie de ma réponse au président, c'est un autre élément de la réforme aux termes de laquelle nous essayons de donner aux producteurs de grain et aux expéditeurs de meilleurs moyens de faire jouer la concurrence en leur faveur en ce qui concerne les compagnies ferroviaires.
Mais cela ne suffira pas et nous devons avoir un débat plus général sur la concurrence réelle et essayer d'améliorer la position de ceux qui s'estiment être captifs ou vulnérables. Je pense qu'il faut que nous nous penchions de très près sur la question afin de nous assurer qu'une concurrence saine et réelle existe dans le système, ce qui, en fin de compte, est l'élément le plus utile. Mais, nous le savons, dans le domaine du transport, la concurrence est très limitée dans bien des cas et seulement un mythe dans certains.
Le président: Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): J'espère que l'ouïe de M. Easter est meilleure que sa vision; ça fait une demi-heure que j'essaie d'attirer son attention.
Le président: Vous n'occupez pas suffisamment de place.
M. Hoeppner: J'ai bien failli rentrer chez moi.
M. Goodale: Je suis heureux que vous ayez décidé de rester, Jake.
M. Hoeppner: D'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, je crois que j'obtiens un repas gratuit et ce, à chaque fois que les Libéraux doivent prendre une décision. J'ai fait un pari avec M. Bodnar et j'ai mis au défi d'autres Libéraux d'en faire autant.
Je suis inquiet, et je pense que M. Collins a fait allusion à cette préoccupation. Je crois que nous avons sorti la moissonneuse pour rendre le système plus efficace, mais nous avons oublié d'ensemencer les champs. Nous avons pris la décision de supprimer le tarif du Nid-de-Corbeau, mais comment allons-nous rendre le système efficace?
Je vais vous dire exactement ce qui me tracasse. Je vais vous donner des chiffres compilés par le Manitoba Pool Elevators qui nous ont été présentés à Thunder Bay. Entre 1980 et 1993, le salaire des cheminots et des travailleurs du grain sont passés d'environ 10,72$ à 22$ ou 23$. Le prix du blé de printemps de l'Ouest est tombé de 212$ à 156$. Au cours de cette période, un nombre record d'agriculteurs ont fait faillite. Mais maintenant, comme par magie, nous allons rendre le système plus efficace pour que les agriculteurs puissent survivre.
Les engrais ont augmenté de 50 p. 100 depuis l'automne, et M. Collins a parlé de la fiscalité qui est trop lourde. M. Young a fait remarquer, l'automne dernier, que la productivité des cheminots canadiens était égale à 60 p. 100 de celle des cheminots américains alors que leur salaire horaire est de 22$. Après huit ans ils sont payés à vie. Avec des données pareilles, je me demande comment on peut lutter à armes égales.
M. Collins a parlé d'impôts fonciers. D'après le Manitoba Pool Elevators, les taxes sur les carburants, les taxes de vente et les impôts fonciers représentent 640 millions de dollars de plus par an que les impôts que paient les compagnies ferroviaires américaines. C'est plus même que les subventions que nous touchons. Comment modifier le système et faire en sorte que les producteurs n'abandonnent pas la partie?
Les 20$ que toucheront les propriétaires seront une perte totale car il n'y aura plus de producteurs.
À chaque réunion à laquelle j'ai assisté dans ma région - et je suis surpris que Mme Cowling ait constaté que dans sa région les producteurs approuvaient le fait que la subvention aille aux propriétaires - je vous garantis qu'à chaque fois que j'ai demandé un vote à main levée, une centaine se sont prononcés en faveur de la donner aux producteurs et une seule personne pensait qu'il fallait donner cet argent aux propriétaires. Sans producteurs, il n'y a plus de propriétaires. Qu'importe ce qu'on fait de la terre; on peut toujours l'abandonner aux chevreuils, aux autochtones, ou à quiconque en veut.
Comment donc faire en sorte que les agriculteurs continuent à travailler la terre? Pendant les bonnes années, de 1980 à 1993, nous avons perdu 20 p. 100, 30 p. 100, 40 p. 100 de nos agriculteurs. C'est cela qui m'inquiète.
Nous voulons nous battre à armes égales. Les États-Unis dénoncent nos subventions; mais ils paient 640 millions de dollars de moins ne serait-ce qu'en taxes sur les carburants, en impôts fonciers et en taxes de vente. En fait, les agriculteurs ne touchent pas les subventions; elles retournent directement dans les poches du gouvernement. On peut économiser les 540 millions de dollars en subventions de transport et dire que nous avons donné cette somme aux agriculteurs plus 100 millions de dollars.
Le président: Jake, pourriez-vous poser une question précise.
M. Hoeppner: Ce que je demande c'est comment les agriculteurs peuvent-ils continuer à travailler la terre avec des données pareilles?
M. Goodale: Monsieur le président, il me semble que M. Hoeppner a dit que l'industrie avait perdu 20 ou 30 p. 100 de ses agriculteurs avant...
M. Hoeppner: Entre 1980 et 1993, et je pense que c'est en fait beaucoup plus que cela.
M. Goodale: Il est très intéressant de savoir qu'avant 1993, 20, 25 ou 30 p. 100 des agriculteurs ont disparu de ce secteur économique. Cela semble indiquer l'existence de problèmes qu'il faut résoudre. Le moment est donc probablement venu d'adopter certaines des mesures que nous proposons.
Afin d'améliorer l'efficacité, comme vous et vos collègues le proposez, on peut avoir recours à plusieurs techniques. L'une d'entre elles consiste à déterminer quelle partie de l'infrastructure du système est trop coûteuse ou dont la capacité dépasse le besoin.
Lorsque j'ai comparu devant le Conseil des grains du Canada, il y a une quinzaine de jours, j'ai décrit un processus selon lequel nous allons étudier sous un angle différent, les lignes secondaires en acier léger qui ont une capacité inférieure, processus qui est déjà en place et selon lequel nous étudierons ces lignes secondaires d'ici le mois de novembre 1995.
Dans l'ensemble, je pense qu'à long terme la vaste majorité des lignes secondaires dont l'existence dépend du transport du grain et qui sont exploitées soit par le CN soit par le CP continueront à l'être par l'une ou l'autre de ces deux compagnies. Certaines seront idéales pour offrir des services sur courte distance. À l'heure actuelle, le système réglementaire décourage ce genre de services. Nous devrions probablement renverser la vapeur et encourager leur expansion là où elles peuvent être une solution de rechange raisonnable et viable. Je pense que nous devons étudier très sérieusement toutes ces solutions.
Compte tenu du réseau de lignes secondaires qui existe à l'heure actuelle, je pense que la plupart des lignes dont la vocation est le transport du grain continueront à être exploitées par les compagnies ferroviaires. Certaines pourront offrir un service sur courte distance. Je pense que les organismes agricoles s'entendent pour dire qu'au moins certaines - et je ne veux pas qu'on en exagère le nombre - des lignes en acier léger à faible capacité pourraient être fermées dans un avenir relativement proche.
Le processus entrepris par l'Office national des transports permettra de reconnaître celle des lignes qui devront être fermées à court terme, compte tenu de tous les coûts. Il ne s'agit pas seulement des coûts des chemins de fer, mais également des coûts concernant le transport par camion, l'infrastructure routière, les élévateurs, etc. C'est une analyse complète et objective des coûts qui a été entreprise avec la participation de tous les organismes agricoles et des municipalités de l'Ouest. C'est une façon parmi d'autres de parvenir à faire des économies.
M. Hoeppner: Si on en croit les chiffres, cela ne diminuera les coûts que de 5 à 10 p. 100. C'est très minime.
M. Goodale: Vous avez tout à fait raison, ce n'est pas le facteur principal. Je pense qu'il y en a d'autres, et vous y avez d'ailleurs fait allusion dans votre question tout comme M. Collins d'ailleurs.
M. Hoeppner: Une fiscalité trop lourde.
Le président: Passons à autre chose, monsieur Hoeppner.
M. Goodale: Des modifications structurelles seront également nécesssaires. Elles font partie du programme du gouvernement.
Il ne faut pas sous-évaluer l'incidence des dispositions de la Loi sur les transports nationaux en faveur des expéditeurs qui vont entrer en jeu.
J'y ai déjà fait allusion plusieurs fois, et j'espère que le comité pourra aborder cette question en temps utile. C'est comme ça que la politique en matière de transport, qu'elle se traduise par des mesures législatives ou non, peut contribuer à créer un climat plus compétitif entre transporteurs contrairement à la tradition du milieu où la concurrence a été inexistante pendant des années.
Il n'est bien sûr pas question de créer toute une pléthore de compagnies ferroviaires. Comment introduire la concurrence dans ce système ou y créer des conditions proches de la concurrence de manière à ce que les expéditeurs et, en fin de compte, les agriculteurs, puissent profiter de la concurrence, et en percevoir les avantages, au lieu d'être obligés de payer les prix fixés par quelqu'un d'autre?
Le président: Monsieur le ministre, à ce propos, nous allons envoyer un certain nombre de questions, dont celle-ci, à des groupes de consultation.
Monsieur Collins, avant de vous donner la parole, j'ai une autre question pour le ministre. Monsieur le ministre, les services sur courte distance. Dans le document intitulé «Changements proposés aux politiques liées à l'efficacité du système du transport du grain», le gouvernement présente plusieurs options pour faciliter la transition des exploitants actuels de services sur courte distance au nouvel environnement.
M. Goodale: C'est exact.
Le président: Jusqu'à présent, au moins l'un d'entre eux a exprimé de sérieuses réserves. Selon eux, les exploitants de services sur courte distance n'ont pas été inclus dans la base servant à établir le prix de revient du régime actuel. C'est probablement davantage une question pour le ministère des Transports. Selon vous, sont-ils inclus dans cette base? Sinon, le seront-ils? Comment cela va-t-il se passer? Ils ont le sentiment que, si le régime envisagé à l'heure actuelle est mis en place, ils n'auront plus qu'à fermer boutique. Ce serait une perte grave pour les quelque 1 200 ou 1 500 producteurs qui dépendent de cette ligne.
M. Goodale: Monsieur Easter, je pense que pour le moment la meilleure réponse que je puisse vous donner est que, depuis plusieurs semaines, les deux exploitants de services sur courte distance de l'Ouest n'ont pas ménagé leurs efforts pour se faire entendre. M. Young et moi-même écoutons très attentivement ce qu'ils ont à dire, et nous espérons pouvoir leur donner une réponse constructive dans très peu de temps. Dès que nous serons en mesure de le faire, nous en aviserons également le Comité. Nous sommes très conscients des préoccupations des exploitants de services sur courte distance.
De toute évidence, l'un de nos objectifs à venir, si nous voulons créer un climat plus concurrentiel, est de faire en sorte qu'un plus grand nombre d'exploitants de services sur courte distance réussissent et demeurent viables à long terme.
Le président: Monsieur Collins, très rapidement, vous pouvez poser une question et je demanderais ensuite à M. Taylor d'être bref et ensuite nous ajournerons.
M. Collins: J'espère que M. Penney, de la SCA, prendra la directive au sérieux parce que je ne voudrais pas qu'il prenne une tangente et envisage d'utiliser ces fonds à des fins différentes.
L'autre chose qui, à mon avis, est très importante est la répartition des wagons. Il n'en est pas question dans le projet de loi C-76, ce qui nous inquiète beaucoup dans l'Ouest. Qui va s'occuper de la répartition des wagons?
M. Goodale: Pour ce qui est de la répartition des wagons, les documents budgétaires indiquent que nous réglerons cette question avant la fin de 1995. Un certain nombre de groupes et d'organismes de l'industrie du grain sont déjà en train d'y penser. Il s'agit d'un groupe de cadres supérieurs des compagnies céréalières, de ce qui s'appelait le Comité supérieur du transport du grain et qui fait partie de l'Office du transport du grain, et mon groupe du 16 mai de l'an dernier, ainsi que l'alliance des organismes agricoles concernés par la LTGO. Tous s'intéressent à la question de savoir quelle est la meilleure façon de répartir les wagons céréaliers, mais leur travail n'est pas encore fini et nous devrions en avoir des nouvelles plus tard cette année.
Le président: Monsieur Taylor, une brève question.
M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Je serai bref car j'entends le timbre qui nous appelle pour un vote.
J'espère que le ministre acceptera de comparaître à nouveau devant le Comité. Le mandat du Comité était d'étudier l'avenir de l'agriculture sans la LTGO. Le ministre ne nous a donné aucune indication qu'il avait une vision de l'avenir, qu'il avait pris des décisions tenant compte de leurs conséquences à long terme pour les producteurs et les collectivités qu'ils font vivre. Au moins, M. Mazankowski avait publié un livre vert dans lequel, que ça vous plaise ou non, il exposait sa vision de l'agriculture pour les 15 années à venir.
Nous prenons des décisions en réaction à une décision du GATT que certains d'entre nous pensent pouvoir contester. Les décisions prises tiennent-elles compte de leurs conséquences à long terme et en quoi correspondent-elles à la vision qu'a le ministre de l'Agriculture à long terme? Ce sont les questions auxquelles le Comité doit répondre. Ce n'est pas le rôle du Comité de poser ces questions avant que les décisions soient prises; c'est la responsabilité du ministre, mais je crains qu'il ne l'a pas fait.
M. Goodale: Monsieur Taylor, sachant que vous êtes à la veille d'une élection en Saskatchewan, je comprends votre question dans cette optique. Le fait est qu'un document présentant notre vision a été remis au comité l'automne dernier, en septembre. Je crois que vous n'étiez pas là à l'époque. Certains de vos collègues présents autour de la table diraient qu'il exposait en termes très détaillés en quoi consistait notre vision à long terme de ce que l'agriculture canadienne devrait être.
Le soir du budget, tous les principes énoncés dans la vision présentée en septembre, l'année précédente, ont été mis à jour et incorporés dans le document budgétaire intitulé «Assurer notre avenir en agriculture et en agroalimentaire».
Cela fait 18 mois que je procède à des analyses et que je tiens des consultations détaillées auprès de chaque élément de l'industrie céréalière de l'Ouest. C'est probablement la consultation la plus généralisée qui ait jamais été entreprise à ce sujet. Nous avons pu compter sur la coopération extraordinaire des organismes agricoles, des exploitants de silos-élévateurs, des chemins de fer, des syndicats, des responsables des ports de Vancouver et de Thunder Bay, des municipalités rurales et de tous les organismes qui les représentent.
Contrairement à ce que vous pensez, nous avons une vision. Mais nous ne partageons pas votre théorie que le ciel va nous tomber sur la tête; notre vision est celle d'une agriculture canadienne en expansion où les secteurs céréaliers et oléagineux pourront se débarrasser des entraves qui les étranglaient et se transformer en une économie diversifiée, à valeur ajoutée et dont la croissance permettra de créer des emplois et d'améliorer la situation économique des Canadiens à l'avenir.
Vous pouvez être aussi pessimiste que vous le désirez. Pour ma part, je pense que nous pouvons édifier un avenir plein d'optimisme pour l'industrie agricole, non seulement dans l'Ouest, mais dans le reste du pays.
M. Taylor: Faites-en la preuve au Comité.
Le président: Monsieur Taylor, nous devons lever la séance.
M. Goodale: Nous vous avons déjà soumis des tonnes de preuves.
Le président: Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier. Je rappelle au Comité que le ministre veut des réponses immédiatement sur des sujets tels que le calendrier concernant les points de convergence et les superficies ensemencées en fourrage.
Monsieur le ministre, nous vous savons gré d'avoir comparu devant le Comité, et nous voulons travailler en collaboration avec vous afin que les changements qui seront apportés profitent à l'industrie à long terme. Je vous remercie.
M. Goodale: Je vous remercie.
Le président: La séance est levée.