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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi le 26 avril 1995

.1619

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

J'accueille cet après-midi mon ancienne collègue, Nettie Wiebe, présidente du Syndicat national des agriculteurs.

Veuillez excuser notre retard, il y avait un vote en Chambre. Si vous avez un bref exposé à faire, je vous donne la parole.

Mme Nettie Wiebe (présidente, Syndicat national des agriculteurs): Je commence en vous remerciant beaucoup de donner au Syndicat national des agriculteurs la possibilité de s'adresser à vous, car cela témoigne d'une attitude très positive de la part de votre comité. En effet, cela montre que vous estimez important de connaître l'opinion des agriculteurs sur cette question cruciale de transport.

Il est clair à nos yeux, et j'espère que cela le deviendra également aux vôtres au cours de ces audiences, que les intérêts des agriculteurs ne sont pas toujours les mêmes que ceux des autres parties prenantes. En fait, même si certaines de ces parties prenantes prétendent s'exprimer en notre nom, nous tenons à préciser que nous nous adressons à vous à titre de producteurs primaires.

.1620

J'aimerais dire par ailleurs que j'espère que cette comparution devant votre comité ne sera que préliminaire. Je vous invite en effet à venir écouter directement ce qu'ont à dire les producteurs primaires des provinces de l'ouest, notamment les producteurs de céréales, au sujet de cette question très importante de transport et d'infrastructure. Je vous conseille vivement de prendre la peine de recueillir personnellement l'opinion des producteurs primaires. Après tout, il y va de notre gagne-pain et de la santé économique de toute notre région.

Je suis très heureuse que le mandat du comité soit relativement vaste, si j'ai bien compris, puisqu'il s'agit de réfléchir à toutes les options viables pour l'ère post-LTGO. Nous savons tous que notre secteur d'activité connaît actuellement des changements très rapides et, même si cela engendre beaucoup d'inquiétude et, parfois, de colère, cela nous permet aussi de redéfinir notre avenir.

Nous ne croyons aucunement qu'il suffise d'abolir les barrières et de voir ce qu'il en résulte. Or, j'ai l'impression que c'est ce que l'on fait aujourd'hui. On s'est débarrassé de la LTGO et l'on commence simplement à attendre pour voir quelles vont être les conséquences on à penser que cela suffit.

À mon avis, c'est toute l'économie de notre région qui est en jeu et il faut donc faire beaucoup plus attention pour tracer notre avenir, car il ne suffit pas d'avoir éliminé une barrière.

C'est comme si vous alliez retourner votre champ pour le cultiver et que vous attendiez ensuite de voir ce qui se passe. L'agriculteur sait très bien ce qui va se passer. Des restes de la récolte de l'année précédente - orge, blé ou quoi que ce soit d'autre - commenceront à pousser n'importe où et vous vous retrouverez avec un champ de mauvaises herbes. Dans le secteur des transports, on vient de prendre une première mesure importante, mais il y a encore beaucoup à faire pour savoir où l'on va.

Le ministre de l'Agriculture a déclaré devant votre comité et ailleurs que notre système de transport doit devenir plus rapide, être plus efficient, et coûter moins cher, de façon à rendre notre industrie agricole plus compétitive à l'échelle internationale. Pendant notre débat, j'aimerais que le comité se penche sur ces questions générales, notamment sur ce que nous devrions faire pour que les producteurs canadiens soient plus compétitifs à l'échelle internationale. Que faudra-t-il faire pour atteindre ce résultat?

Si l'on veut répondre à cette question - centrale et à long terme - il faut se demander qui sont nos concurrents sur les marchés mondiaux. Bien sûr, quand on fait une course, il ne suffit pas de courir vite, il faut aussi courir plus vite que les autres. Il est donc important de savoir où en sont nos concurrents et comment ils se positionnent dans l'économie mondiale.

Par exemple, nous avons appris que notre principal concurrent, les États-Unis, ne retire pas le soutien des deniers publics à l'industrie agricole. L'annonce récente d'une réduction des crédits du programme d'expansion des exportations a été plus que compensée par la proposition d'instaurer un nouveau fonds de promotion des marchés. De même, les Européens ne réduisent pas l'appui public qu'ils consentent à leur industrie agricole afin de la rendre compétitive.

En conséquence, si notre objectif est de devenir et de rester compétitifs, il faut nous demander ce que cela exige.

.1625

Comme je l'ai dit, nous devrons commencer par tenir compte des autres qui sont dans la course, nous demander s'ils sont aussi rapides que nous, mais en même temps, nous ne devons pas oublier notre contexte. Dans le secteur céréalier, notre secteur agricole de l'Ouest du Canada, la réalité c'est que nous sommes les producteurs les plus éloignés d'un océan quelconque. Par conséquent, sur le plan de la concurrence, les considérations de transport continuent d'être un facteur clé. Si nous voulons rester concurrentiels, nous devons trouver la bonne solution en ce qui concerne les transports.

D'autre part, il ne faut pas oublier non plus notre climat. Notre saison est très courte, ce qui n'est pas forcément un désavantage car ce même climat nous permet de produire énormément de grain. C'est un avantage naturel, pour parler comme les économistes, et sur ce plan-là, nous nous sommes très bien organisés, nous obtenons de bons prix pour des produits d'excellente qualité, et cela, grâce à un système de contrôle de la qualité et à un système de mise en marché qui nous permet d'obtenir ces bons prix. Bien sûr, sur le plan du climat, nous devons également nous interroger sur nos possibilités de diversification. Et si je reviens à la question de la diversification, c'est qu'on ne cesse d'y revenir dans le cadre de cette discussion.

D'autre part, quand nous cherchons à nous réorganiser pour être plus concurrentiels, nous devons réfléchir sérieusement à un autre facteur, de fait que nous dépendons beaucoup des exportations. Étant donné que la population de l'Ouest du Canada est relativement faible, nous continuons à produire beaucoup plus que nous ne pouvons consommer. Nous aurons toujours une productoin excédentaire, et cela nous ramène à la question des transports. Quelle que soit notre production, nous allons devoir en exporter une bonne proportion. Et là encore, les transports sont un facteur clé.

Quand l'Ouest a été ouvert à l'agriculture, ces arguments évidents aujourd'hui étaient déjà évidents et, très vite, on s'est aperçu qu'il faudrait organiser les transports d'une certaine façon pour permettre le développement de l'agriculture. C'est ce qui s'est produit avec le tarif du Nid-de-Corbeau et également, dans une moindre mesure, avec la LTGO. Le Nid-de-Corbeau devait servir l'agriculture et le développement économique de l'Ouest du Canada en réglant le problème des coûts de production, de distance, et en mettant en place un système permettant de contrôler les transports.

Il était évident à l'époque, et ce l'est toujours, que vous sommes des expéditeurs sans option. Comme les économistes vous le diraient, là-bas les chemins de fer ont un monopole naturel incontesté, si bien que, quel que soit le scénario des transports envisagé, les principales artères vers l'océan seront toujours les deux chemins de fer. Il n'est pas question de mettre en place un troisième ou un quatrième chemin de fer à destination de l'océan pour concurrencer les deux qui sont déjà là.

C'est donc une circonstance que nous devons prendre très au sérieux. En notre qualité de producteur, nous en sommes particulièrement conscients. Cela nous met en effet dans une position vulnérable car nous n'avons pas d'autres options et, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes forcés d'exporter et tout ce qui est exporté doit absolument être transporté.

Avec le Nid-de-Corbeau et la LTGO le gouvernement est intervenu pour, dans une certaine mesure, plier ce monopole à nos besoins en exerçant un certain contrôle financier sur ce monopole. Ici, je fais allusion à une méthode de paiement. De plus, on a institué un régime réglementaire pour faire la part des intérêts des producteurs et du secteur agricole et en même temps, la part des intérêts commerciaux des sociétés, c'est-à-dire les chemins de fer.

.1630

À mes yeux, l'une des questions centrales qui se pose à votre comité est de savoir ce que deviendra le pouvoir monopolistique des sociétés de chemins de fer après la LTGO. Nous n'imaginons pas qu'il sera purement et simplement aboli. Considérant où nous en sommes, et ce dont nous avons besoin pour que notre industrie agricole soit viable, nous devons nous demander comment on domestiquera ce pouvoir des sociétés de chemins de fer, dans le but de le mettre au service de nos intérêts, c'est-à-dire pour nous permettre de continuer à produire.

Il est parfaitement évident que les sociétés de chemins de fer ne sont pas des organismes à but non lucratif. Elles ne l'ont jamais été et elles n'ont jamais été conçues pour cela. Je ne veux pas les critiquer en disant qu'elles font payer ce que le marché est prêt à payer. C'est une simple réalité économique. La question est donc de savoir comment on va s'arranger pour veiller à ce qu'elles répondent également à nos propres intérêts et à ce que notre compétitivité et nos possibilités d'expansion économique rurale ne soient pas minées, voire complètement abolies, par un monopole agissant en fonction de ses seuls intérêts particuliers.

Nous devrons donc nous demander, par exemple, si les modifications proposées à la LTN seront conformes à ces objectifs. Ainsi, puisque l'on attache beaucoup d'importance à une répartition équitable des gains dus à une meilleure efficience, nous devons nous demander comment on peut l'assurer sans procéder à une révision des coûts. Quelle forme de réglementation faudra-t-il pour assurer l'équilibre entre les intérêts des diverses parties prenantes? Qui devrait contrôler ou posséder les parties du réseau de transport qui jouissent des avantages d'un monopole, afin de veiller à ce qu'elles répondent aux besoins de l'industrie?

À ces questions générales s'ajoute un vaste faisceau de questions connexes dont votre comité entendra sans doute beaucoup parler au cours de ses audiences. Il s'agira, par exemple, de la répartition des wagons, c'est-à-dire de la question de savoir s'il pourra toujours y avoir des wagons de producteurs. Il y aura aussi la question de la préservation des voies secondaires, c'est-à-dire qui décidera d'en conserver certaines et d'en abandonner d'autres. Il y aura ensuite la question des points de mise en commun, et bien d'autres.

Si le but est d'obtenir un système de transport moins coûteux, plus rapide et plus efficient, il faut garder tous ces facteurs à l'esprit et se demander - ce qui est extrêmement important pour les agriculteurs - ce que l'on entend par efficience. Nous insistons beaucoup, à titre de producteurs primaires, sur le fait que l'efficience doit être évaluée à partir de l'exploitation agricole même, c'est-à-dire là où commence le transport des produits.

La question qui se pose à votre comité est de savoir si un système ferroviaire intégré sera plus rapide et moins coûteux à partir de l'exploitation agricole. Évidemment, les questions que j'ai posées vous ont certainement montré que les producteurs primaires ont beaucoup d'inquiétudes à ce sujet. La solution que l'on évoque le plus fréquemment lorsque nous exprimons nos préoccupations au sujet de l'abolition de la LTGO est que nous devons diversifier notre production, avec plus de valeur ajoutée, pour retrouver notre santé financière. Je ne saurais vous dire combien de fois on m'a fait cette recommandation. Pour certaines personnes, c'est devenu quasiment un article de foi, la diversification est ce dont nous avons besoin, et la LTGO était un obstacle à la diversification.

.1635

J'ai lu récemment avec une certaine tristesse, je dois le dire, un article du Western Producer dans lequel le président de la Canadian Cattlemen's Association, M. Doug Gear, affirme que l'abolition de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest ne changera, à son avis, pas grand-chose pour l'industrie de l'élevage du bétail. Je dis avoir lu cela avec tristesse car on nous a dit pendant une décennie que nous devions nous diversifier et que l'industrie du bétail était entravée par la LTGO. Voilà qui montre que l'on doit réfléchir très sérieusement à cette question de diversification.

Je précise d'ailleurs que nous avons déjà beaucoup diversifié nos activités, et je ne parle pas ici en mon nom seulement, mais au nom de la quasi-totalité des agriculteurs de l'Ouest. Nous avons adopté de nouvelles cultures, et nous élevons plus de bétail et de porcs; c'est bel et bien de la diversification.

Toutefois, et c'est bien évident, la diversification agricole a certaines limites. Par exemple, nous ne pouvons pas planter uniquement des cultures à valeur ajoutée élevée, et nous ne pouvons pas inclure le canola dans notre assolement plus d'une fois tous les quatre ans. Cela veut dire qu'il y a trois années où il faut cultiver autre chose.

L'un des paradoxes de cette tendance à la diversification est, me semble-t-il, que certaines des cultures ayant le plus de valeur sont celles du Nord-Est de la Saskatchewan, région qui se prête extrêmement bien au canola. Or, c'est aussi une région où l'on menace d'abandonner les voies secondaires. Il me semble donc particulièrement paradoxal que les changements entrepris en matière de transport pour encourager la diversification soient précisément ceux qui empêchent les agriculteurs qui ont fait de leur mieux pour se diversifier d'acheminer leurs produits sur les marchés à des tarifs compétitifs.

Votre comité va donc devoir se demander comment on pourra continuer d'encourager la diversification en ayant recours à des productions à valeur ajoutée après la LTGO. Il ne faudrait certainement pas penser que cela se fera automatiquement parce qu'un obstacle aura été aboli. Il faudra se demander quelles mesures devront être prises pour encourager la diversification si c'est ce qu'exige la prospérité de notre industrie.

Du point de vue de l'exploitant agricole, il faudra aussi se rendre compte que l'abolition de la LTGO entraînera une baisse de revenus, c'est-à-dire une baisse des sommes pouvant être consacrées à la diversification et à production de denrées à valeur ajoutée. Autrement dit, la diversification sera plus difficile parce que les coûts de transport seront plus élevés.

Finalement, toujours sur cette question de diversification, une partie importante de notre production, quelle qu'elle soit, devra toujours être acheminée sur les marchés, notamment étrangers, grâce à un système de transport efficace et efficient.

Comme je l'ai dit plus tôt, il se peut que nous ayons un avantage naturel sur la concurrence pour ce qui est de la production de certaines céréales de haute qualité, mais cet avantage n'existe pas dans l'industrie de la transformation. En conséquence, pour que les produits transformés soient, eux aussi, compétitifs, il faudra toujours un système de transport efficace et efficient.

Permettez-moi de préciser que je soulève toutes ces questions parce que je pense que votre comité a beaucoup de latitude pour les analyser. J'en ajoute donc une autre: Comment peut-on penser que ces industries à valeur ajoutée deviendront plus compétitives lorsqu'on aura relevé leurs taux de fret?

À nos yeux, la LTGO a toujours été un système de transition, et je pense que les chiffres le confirme. En 1984, avant la LTGO, environ 75 p. 100 des frais d'expédition sur les marchés d'exportation étaient financés par le gouvernement fédéral. En 1994, avec la LTGO, la proportion était tombée à 52 p. 100. Cela montre bien que des mesures systématiques relativement ordonnées avaient été prises pour amener peu à peu les producteurs à assumer une part plus élevée du coût de transport.

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Je crois pouvoir dire, à notre défense, que nous avons très bien su exploiter cette période de transition. C'est l'évidence même. En effet, on nous a brièvement laissé respirer et nous en avons profité pour diversifier nos activités.

Par contre, dès le 1er août 1995, nous aurons moins d'argent pour poursuivre cette diversification. Ce qui m'inquiète, c'est que l'abolition de la LTGO va en fait entraver la diversification plutôt que de l'encourager. Est-ce que ce sera le cas parmi nos exploitations agricoles?

Il me semble que le fonds d'adaptation qui a été prévu - mais je ne veux pas y consacrer beaucoup de temps aujourd'hui - soit le montant de 1,6 milliard de dollars qui sera distribué aux propriétaires de terres arables montre bien que l'on ne va plus encourager la diversification. C'est une stratégie régressive plutôt que progressiste.

Pendant vos audiences, vous allez probablement consacrer plus de temps et d'énergie à cette question qu'à beaucoup d'autres. Dans l'immédiat, en effet, la question est de savoir comment cet argent de transition sera dépensé. Pour moi, la question fondamentale est celle-ci: comment fera-t-on pour que la structure de réglementation contribue à la diversification à long terme?

Je suppose que je devrais conclure et je le ferai en vous disant que les crédits de transition à court terme ne sont pas du tout adaptés à la situation et nous donneront beaucoup moins de possibilités d'assurer l'expansion de notre industrie agricole, ainsi que sa compétitivité internationale, qu'un programme de transition à plus long terme. En fin de compte, j'ai le sentiment que nous nous sommes imposé une thérapie de choc, alors que nous suivions déjà un traitement à long terme, beaucoup plus bénéfique.

Si nous voulons que l'agriculture de l'Ouest continue d'être prospère, il est essentiel que nous assurions la bonne intégration de la production, du marketing et du transport. J'ai la conviction que les questions cruciales auxquelles votre comité va s'attaquer dépasseront largement les simples problèmes techniques par lesquels on semble être obsédé à l'heure actuelle et que l'on traite de manière isolée.

En fait, le rôle de votre comité sera d'examiner l'incidence à long terme de la restructuration du système de transport, en sachant bien qu'il y va non seulement de la survie de nombreuses familles d'agriculteurs, mais aussi de collectivités entières, voire de toute la région agricole des provinces de l'Ouest, pendant cette prochaine phase de sa restructuration.

Je suis certaine que nous sommes capables de réorganiser positivement notre système de transport, à condition de se pencher avec sérieux sur la contribution de toutes les parties intéressées, et en premier, sur celle des producteurs primaires. Merci.

Le président: Merci, Nettie, de cet excellent exposé où vous posez beaucoup plus de questions importantes que vous n'apportez de réponses. Soyez certaine que nous reprendrons contact avec vous un peu plus tard pour trouver les réponses à certaines de ces questions.

.1645

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Madame Wiebe, je suis un producteur agricole du Québec, mais je ne connais pas très bien l'association que vous représentez, la National Farmers' Union.

Avant que je vous pose ma première question, pouvez-vous me dire combien de membres vous représentez et dans quelles provinces ils se trouvent?

[Traduction]

Mme Wiebe: Ce sont deux questions que vous posez. Nos membres sont essentiellement des familles d'exploitants agricoles, qui sont réparties dans la quasi-totalité du pays, puisqu'on en trouve de Peace River à l'Île-du-Prince-Édouard, sauf, évidemment, à Terre-Neuve et au Québec. Comme l'adhésion à notre organisation est volontaire, le nombre de membres varie constamment. Cela dit, il se situe généralement entre 8 000 et 15 000.

[Français]

M. Chrétien: J'ai deux questions à vous poser l'une à la suite de l'autre et vous pourrez prendre le temps que le président vous donnera pour y répondre.

Premièrement, est-ce que, selon vous, l'abandon de la LTGO va accélérer l'abandon des lignes de chemin de fer communément appelées les lignes d'embranchement ou les lignes secondaires, ou tout simplement des voies qui semblent sous-utilisées par les compagnies de transport par chemin de fer?

Ma deuxième question concerne la diversification. Plusieurs agriculteurs québécois et ontariens pensent à juste titre, et je partage leurs craintes, que les agriculteurs de l'Ouest diversifient leurs cultures et leurs élevages pour concurrencer les producteurs agricoles québécois et ontariens grâce à une partie de la subvention de 1,6 milliard de dollars qui sera remise aux producteurs agricoles de l'Ouest.

[Traduction]

Mme Wiebe: En ce qui concerne l'abandon des voies secondaires, il est difficile de donner une réponse ferme dès maintenant, mais plusieurs indices permettent de penser que beaucoup de voies secondaires dont dépendent les producteurs céréaliers seront abandonnées. Par exemple, il est certain que toutes les voies en acier léger seront rapidement abandonnées.

Quant à savoir combien le seront et où, cela dépendra en grande mesure du genre de structure réglementaire et tarifaire que l'on mettra en place, et de qui prendra les décisions. Autrement dit, celles-ci seront-elles prises uniquement en fonction de l'objectif de profitabilité des sociétés ferroviaires, ou en tenant compte de tout le contexte de compétitivité de l'agriculture canadienne de l'Ouest, notamment de la viabilité des producteurs.

Pour ce qui est de votre question sur la diversification et sur l'utilisation éventuelle du fonds de 1,6 milliard de dollars pour faire concurrence aux producteurs d'autres régions, je répète que je n'ai absolument pas la conviction que l'abandon de la LTGO va ouvrir d'autres possibilités de diversification. Il faut savoir en effet que ce sont les propriétaires fonciers qui recevront cette aide et que ceux-ci sont les plus âgés parmi les producteurs céréaliers des Prairies.

Si vous me permettez d'élargir un peu le débat, il me semble que notre objectif à tous au Canada, puisque nous avons négocié des accords internationaux, devrait être de faire le point sur ce que nous devrions faire pour survivre à l'échelle internationale, c'est-à-dire pour que chaque secteur de l'agriculture soit aussi compétitif que possible. Par exemple, les concurrents auxquels font face les producteurs de bovins de l'Ouest canadien ne se trouvent pas au Québec mais aux États-Unis.

.1650

À titre de dirigeante d'une organisation dont les membres produisent toutes les denrées agricoles que l'on trouve au Canada, je puis vous dire qu'il est toujours important de voir au-delà de sa propre production et de sa propre région. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, j'estime que nous devons, avant tout, nous demander comment faire pour que l'industrie agricole du Canada se repositionne et reste compétitive à l'échelle internationale, ce qui exige que nous nous penchions sur la cohésion et l'intégration internes de cette industrie.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Je tiens d'abord à vous remercier de votre présence, madame Wiebe, et à vous dire aussi que tout n'est pas aussi sombre qu'on pourrait le penser. Les changements massifs et importants apportés au système de la Passe du Nid-de-Corbeau ont été fort bien accueillis par la plupart des grandes organisations d'agriculteurs et de producteurs primaires du pays. Et ces changements massifs étaient nécessaires vu l'existence de l'Organisation mondiale du commerce et à cause de l'évolution de l'agriculture à l'échelle internationale.

Vous avez dit au début que nous devrions nous pencher sur les options qui s'offrent à nous pour être compétitifs à l'échelle mondiale. Voici donc ma première question: quelles options votre organisation est-elle prête à présenter à notre sous-comité à ce sujet?

Vous avez également dit que les Américains et les Européens ne réduisent pas leurs subventions à l'agriculture. J'aimerais savoir sur quelles informations concrètes vous fondez cette affirmation.

Finalement, votre organisation reçoit-elle des crédits fédéraux ou une aide fédérale quelconque pour mener ses activités, par exemple, en matière de frais de voyage?

Mme Wiebe: Je vais reprendre vos questions dans l'ordre. Je n'ai certainement pas prétendu que la situation était désespérée. Il est parfaitement clair que nous nous engageons aujourd'hui dans une nouvelle voie. Par contre, ce qui est important, c'est de ne pas croire que tout est réglé parce qu'on a éliminé certaines barrières. À mon avis, il est plus important que jamais de faire des efforts résolus pour tirer le meilleur parti possible de cette opportunité. Je le dis clairement.

En ce qui concerne la perte de la LTGO, je n'en suis pas heureuse - et je serais surprise que vous rencontriez de nombreux exploitants agricoles qui se disent ravis de la hausse de leurs coûts de production. En règle générale, en effet, cette mesure entraînera une compression de nos marges bénéficiaires, et je suis certaine que très peu d'agriculteurs envisagent avec enthousiasme de devoir payer deux fois plus pour transporter leur production. Pour ce qui est du long terme, cependant, il est vrai que tout n'est pas négatif.

En ce qui concerne les options que nous pourrions proposer pour accroître notre compétitivité, je crois qu'une chose est parfaitement claire, comme je l'ai dit dans mon exposé. Si l'on analyse bien le contexte mondial et la nature de notre concurrence, il est évident que l'on peut laisser aux seules forces du marché le soin de prendre des décisions. Cela vient du fait que nous vivons dans une région assujettie à un duopole, comme on dit, mais où il existe en fait, à toutes fins pratiques, un monopole dans le secteur du transport.

.1655

Il est évident dès le départ qu'il faudra que cela soit réglementé. Je suis, par contre, incapable de vous préciser maintenant les diverses solutions envisageables. Il y a des solutions à l'étude et je suis convaincu que votre comité va recevoir toutes sortes de conseils sur les différentes façons de rentabiliser la production primaire.

Pour ce qui est des données concernant les États-Unis, je n'ai pas mon dossier avec moi. Dans le Register of United States Barriers to Trade, 1995, le document du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, il est mentionné que le programme d'aide à l'exportation des États-Unis avait un budget de 800 millions de dollars en 1994.

Dans le même document, on note également que:

Ce document indique très clairement que les Américains n'ont aucune intention de démanteler cette infrastructure. En fait, ils sont en train de la renforcer grâce à des fonds publics, comme ils le font dans le cas des ports.

Pour ce qui est de la troisième question qui portait sur le financement de notre organisme, je vous dirais que notre syndicat est directement financé par nos membres. Si nous avons déjà reçu des subventions pour certains projets, je crois me souvenir que cela visait toujours un programme ou un projet en particulier, habituellement un projet destiné aux femmes d'agriculteurs. À ma connaissance, notre organisme n'a jamais été financé autrement que par ses membres.

M. Kerpan (Moose Jaw - Lake Centre): Bienvenue à Ottawa, Nettie. C'est agréable d'avoir ici, pour une fois, quelqu'un de chez nous.

Nous avons déjà passé quelques heures ensemble il n'y a pas très longtemps, je vais donc être aussi bref que possible. Je n'ai pas beaucoup de questions à vous poser. J'en ai toutefois une sur un sujet qui n'est peut-être pas essentiel ici. C'est la question des producteurs de fourrage. Qu'est-ce que vous et votre groupe pensent de cette question? Devraient-ils avoir droit à une partie de ce versement de 1,6 milliard de dollars? Voilà pour ma première question.

Cela pourrait certainement se justifier, même si pratiquement tout le fourrage vient de l'Alberta, et très probablement du sud de l'Alberta. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

J'aimerais vous poser une autre question. Nous sommes d'accord sur le genre de problème qui va se poser après le 1er août, notamment l'abandon de lignes de chemins de fer, la répartition des wagons à grain, etc. Je sais que nous avons parlé longtemps, il y a quelques semaines, de votre position au sujet des lignes ferroviaires sur courtes distances ou sur la possibilité de privatiser ce genre de service, en Saskatchewan, tout au moins. Pourriez-vous dire au comité ce que vous en pensez? Cela me ferait plaisir.

Mme Wiebe: Pour ce qui est des producteurs de fourrage, nous avons pris grand soin de ne pas nous mêler à la discussion qui consiste à déterminer si c'est le producteur ou le propriétaire qu'il faut dédommager et si le producteur de fourrage a droit ou non à une indemnité. Nous estimons que c'est une très mauvaise façon de redistribuer une subvention au transport. Il paraît très difficile de le faire de façon équitable. Je continue à dire qu'il n'existe pas de bonne façon de mettre en pratique une mauvaise décision.

Je ne vais donc pas essayer d'apporter une réponse à la question de savoir si c'est ce que l'on devrait faire. Ces discussions me paraissent susciter des affrontements, elles se limitent au court terme et ne nous permettront pas d'examiner les véritables questions à long terme, à savoir comment restructurer l'industrie et le transport pour que cela soit efficace.

Il y a des choses paradoxales. Nous procédons de cette façon officiellement pour favoriser la valeur ajoutée, et la disparition de la LTGO va porter un rude coup à une des principales industries à valeur ajoutée dans l'Ouest du Canada, la luzerne séchée.

.1700

Je sais qu'on a prévu pour ce secteur un fonds d'ajustement de 300 millions de dollars. Mais c'est simplement parce que nous savons déjà que cette industrie à valeur ajoutée ne risque pas d'être favorisée par les changements prévus. Il sera peut-être préférable de revenir sur ce sujet lorsque nous aborderons la question des industries à valeur ajoutée, de leur importance et de leur place dans notre agriculture.

Votre deuxième question portait sur l'abandon de lignes de chemin de fer ou la possibilité de mettre en place un service sur courtes distances au lieu d'abandonner des lignes ferroviaires. Il faudrait plutôt se demander dans quel genre de situation ou de contexte il est possible d'avoir un service sur courtes distances.

Lorsque vous vous rendrez dans l'Ouest pour étudier cela, vous allez entendre des gens qui exploitent déjà ce type de lignes. Ils vous diront très clairement que ce genre de service n'est pas rentable lorsque, par exemple, on voudrait que les lignes ferroviaires sur courtes distances soient concurrentielles par rapport aux lignes principales et qu'elles payent le loyer que les lignes principales leur imposent. Donc, même selon ce scénario, la question de la propriété, du contrôle et du cadre réglementaire du système de transport joue un rôle prépondérant lorsqu'on parle de mettre sur pied un service sur courtes distances.

C'est là pour votre comité l'occasion rêvée d'examiner les différentes façons de diversifier la structure de la propriété au sein du système de transport, pour qu'il profite à tous les intéressés, y compris nous, les producteurs primaires.

Le président: Avant de donner la parole à M. Taylor, Nettie, vous avez dit dans votre exposé que le montant des fonds d'ajustement à court terme est nettement suffisant. Je vous suggère d'en parler au Comité des finances. Il faudrait leur communiquer ce point de vue, soit en les rencontrant, soit en leur écrivant.

Je voulais vous poser une question sur le contrôle de la qualité dans le système de commercialisation, aspect qui me paraît extrêmement important. La Commission canadienne du blé et notre système de contrôle de la qualité nous ont permis de demeurer dans un marché auquel les autres n'avaient pas accès. Pouvez-vous, dès maintenant, prévoir quelles vont être les répercussions des changements en cours sur la Commission canadienne du blé et le système de contrôle de la qualité? Comment, à votre avis, pouvons-nous nous en tirer?

Mme Wiebe: Il est plus facile de répondre à la première partie de votre question qu'à la deuxième. Quant à savoir si l'abolition de la LGTO va avoir des répercussions, cela est incontestable. Il s'exerce déjà des pressions pour que nous options pour un système qui - je ne sais trop comment dire cela - contrôle moins certains aspects de la commercialisation, en particulier pour ce qui est des États-Unis. C'est un système intégré qui combine transport, contrôle de la qualité et commercialisation centralisée, et qui nous permet d'être compétitifs au niveau mondial.

Lorsque l'on supprime un de ces éléments, comme nous venons de le faire, ou du moins lorsqu'on le réduit sensiblement - je veux parler de la réglementation du système de transport - il est évident que les autres composantes, soit la commercialisation et le contrôle de la qualité, vont être affectées. Nous le voyons en fait déjà. Tout cela va dépendre de la façon dont nous allons réussir à réglementer le système de transport et à conserver les avantages que nous accorde, dans ce marché mondial, le fait d'avoir une qualité garantie.

Je l'ai dit plus tôt et je tiens à le répéter, c'est un des avantages que nous avons dans un environnement qui est plutôt hostile aux produits agricoles. Cela a été un de nos points forts. Nous avons réussi à offrir un produit de haute qualité que nous avons commercialisé grâce à cette caractéristique. Il ne suffit pas de produire du blé de bonne qualité, encore faut-il pouvoir le vendre et en garantir la qualité. C'est un élément clé de notre compétitivité mondiale, et nous devrions réfléchir sérieusement avant de l'échanger contre autre chose.

Le président: Vous avez parlé de diversification. Vous avez dit que le seul fait de modifier la LGTO ou de l'abolir ne suffirait pas à nous faire progresser dans la voie de la diversification, mais risquerait plutôt de réduire notre capacité à diversifier nos activités. Sur quoi vous basez-vous pour affirmer cela?

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Deuxièmement, si votre affirmation est exacte, que faudra-t-il faire pour poursuivre la diversification de notre industrie?

Mme Wiebe: Je tiens à commencer par dire que la LGTO n'a manifestement pas empêché la diversification. L'Ouest du Canada est un exemple vivant de cette diversification. En fait, le rythme de la diversification a été très rapide pendant que la LTGO était en vigueur. Les faits ont fait mentir ceux qui prétendaient que cela n'était pas possible.

La diversification va-t-elle s'accélérer grâce à ces changements? Je vous ai indiqué certains facteurs qui semblent prouver que cela ne sera pas le cas. Premièrement, il va y avoir des problèmes d'accès au crédit, en particulier au niveau des producteurs. Nous avons déjà vu, comme je viens de le mentionner, qu'une de nos initiatives de diversification, l'industrie de la luzerne séchée, qui a été une réussite, va connaître des changements importants et très probablement des pertes.

Il me semble donc qu'avant d'accepter ce genre d'affirmation, il faudrait examiner les faits. Les éleveurs de bovins qui soutenaient, selon leur credo, que la LTGO nuisait aux produits à valeur ajoutée et à leur industrie nous disent, au moment même où ils obtiennent finalement ce qu'ils désiraient, que cela n'aura pas grand effet.

Nous allons devoir réfléchir à la façon dont tout cela est structuré et ne pas nous contenter de croire qu'avec la disparition de la LTGO, il y aura automatiquement diversification de notre agriculture. Il n'y a pas de solutions magiques, il faut y travailler. Il va nous falloir de l'argent, c'est une chose nécessaire, mais nous devons réfléchir à la façon de le faire.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Je viens de la Saskatchewan et je peux vous dire que j'ai beaucoup voyagé dans ma circonscription. Nous ne sommes pas demeurés les bras croisés face aux problèmes que vous soulevez. Ce serait très mal comprendre et interpréter notre action.

J'en ai parlé à la SUMA. J'en ai parlé à des gens du SARM, du syndicat et des terminus intérieurs - à tout le monde. S'ils pouvaient seulement laisser tomber la question des armes à feu et s'occuper des vrais problèmes, je serais vraiment content. Neuf sur 10 des questions qui ont été soulevées - c'était dans les régions rurales de la Saskatchewan. J'ai été consterné de voir que tout le monde me posait des questions au sujet de mon Cooey et me demandait si je l'avais enregistré. On n'a pas posé beaucoup de questions sur la LTGO. En fait, c'est moi qui ai dû aborder le sujet.

Je tiens à vous dire en fin de compte que je suis heureux de vous voir poser ces questions, mais je crois que notre rôle consiste aussi à vous demander de nous fournir des réponses. Nous avons besoin de vos avis. Il ne faudrait pas que les gouvernements et les administrations ne sachent pas dans quelle direction s'orienter, car l'on risque ainsi de patauger complètement. À mon avis, cela est critique.

J'ai effectué une étude très détaillée sur les services sur courtes distances avec Paul Beingessner et les autres intéressés. Il se trouve que je fais partie du comité des Transports. Vous avez, d'après moi, tapé dans le mille lorsque vous avez parlé de la nature de nos objectifs à long terme en matière de transport. Comment allons-nous les réaliser? Ce n'est pas parce que les compagnies de chemins de fer disent qu'elles vont interdire ce genre de lignes ferroviaires qu'il faut leur céder immédiatement.

Je crois que vous avez raison lorsque vous dites que si cela concerne Mortlach ou la partie nord de la province, il faudrait examiner une à une chacune de ces lignes, même si le comité des Transports risque d'être d'un autre avis. Mais en fin de compte, il me paraît difficile de soutenir qu'avec la disparition de la LTGO, il nous sera impossible de progresser ou d'améliorer la situation, même si vous dites qu'il y aura des répercussions. À Weyburn, par exemple, nous nous sommes lancés dans l'éthanol. Cela me paraît une bonne chose.

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Je ne voudrais pas que nous commettions d'erreur. Le système de transport doit être complètement remanié. Comme je l'ai mentionné hier, la compagnie de chemin de fer qui faisait avant 100 milles par jour en fait maintenant 250 et nous payons des salaires correspondant à deux jours et demi. Cela ne saurait durer.

Pour ce qui est du CN, nous avons suggéré aux gens du syndicat d'acquérir des actions. Ainsi, ce sont eux qui signeront le chèque et ils devront accepter une certaine responsabilité étant donné qu'ils seront propriétaires. Mais je suis d'accord avec vous, nous ne pouvons pas tout abandonner et laisser les tarifs monter sans savoir où nous allons.

Cela dit, j'aimerais que vous me disiez comment nous pourrions faire pour nous adresser à tous les intéressés et leur demander leur avis sur l'orientation qu'il conviendrait de suivre pour revoir complètement notre système de transport, puisque c'est ce que nous allons être amenés à faire? Que ce soit les députés qui siègent de l'autre côté de la table ou les autres, nous allons tous devoir rechercher des avis. Quels sont les éléments sur lesquels nous devrions nous pencher? Comment faire pour qu'à la fin du processus, vous ayez le sentiment que nous avons travaillé avec vous et non pas contre vous pour atteindre les grands objectifs que constituent le développement de l'agriculture et la rentabilité?

Je voudrais faire une autre remarque. Il y a tellement d'agriculteurs qui m'ont dit qu'ils n'avaient jamais demandé de subvention. Depuis que je fais de la politique, je n'ai jamais entendu un agriculteur me demander une subvention. Ils demandent un prix juste pour leurs produits et ils sont prêts à se mesurer à n'importe qui. Je suis profondément convaincu de cela.

Mme Wiebe: Merci d'avoir posé cette question. Vous avez parfaitement raison sur le dernier point. Je n'ai jamais rencontré d'agriculteurs qui voulaient des subventions. Nous voulons qu'il y ait un marché structuré et équitable. Nous voulons recevoir un prix qui correspond à la valeur du produit. Cela nous permettra de bien vivre et nous n'aurons pas à nous inquiéter.

Je voudrais revenir sur un point que vous avez soulevé tout à l'heure, la façon d'envisager cela. Je crois qu'il y a deux choses. La première est qu'il faut vraiment dépasser le court terme. Le monde ne va pas s'arrêter le 1er août 1995, ni en l'an 2000, avec la suppression du plafonnement des taux de fret. Il faut vraiment voir un peu plus loin.

Il s'agit d'une industrie qui représente, à long terme, des milliards de dollars. Elle va connaître de grands changements mais on n'arrivera pas à les assimiler si l'on continue à réfléchir uniquement au court terme, ce que nous faisons en ce moment. Comment va-t-on verser ces fonds au cours des trois prochaines années? Que va-t-on faire de ces 300 millions de dollars? C'est pourquoi j'ai pris grand soin de ne pas répondre à ces questions: pour éviter de mal centrer le débat.

L'autre élément à ne pas oublier est que nous sommes confrontés à un marché mondial. Il ne suffit pas de régler les problèmes locaux. Nous faisons partie d'un marché mondial et si nous n'arrivons pas à être compétitifs sur ce marché, le montant du salaire des travailleurs du CN importe peu, qu'ils fassent 2$ ou 22$ de l'heure. Notre agriculture doit d'abord être concurrentielle.

Il va falloir examiner, soigneusement, cela s'entend, certaines de ces questions internes de rentabilité. Mais il faudra toujours se rappeler quels sont nos concurrents. Ce ne sont pas les agriculteurs qui font concurrence aux travailleurs, et nous ne faisons pas non plus concurrence aux agriculteurs du reste du pays. Nous sommes des agriculteurs qui veulent mettre au point, avec l'aide du gouvernement et grâce au système de transport, etc., une structure qui nous permettra d'être compétitifs à l'échelon mondial.

Par nécessité, nous devons toujours penser au marché mondial. C'est ce que nous devons faire au Canada. Les travaux de votre comité vont dans cette direction. Il me semble que c'est le rôle du gouvernement de ne pas nous laisser oublier que nous constituons un secteur d'activité canadien qui a une place à prendre dans le monde.

M. Collins: Vous avez parlé de marché mondial. Si nos produits n'arrivent pas sur le marché à cause des obstacles qu'ils rencontrent, quels qu'ils soient, si nous ne travaillons pas 7 jours par semaine, 365 jours par an, nous ne serons pas compétitifs.

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Les gens vont dire, comme ils le font déjà dans ma région, qu'il faut viser le Sud. Si vous ne pouvez pas me garantir que je peux envoyer mes produits vers l'Est, vers l'Ouest ou vers le Nord, alors qu'on les envoie vers le Sud. Ils veulent l'égalité sur le plan de l'accès au marché. C'est à nous d'y veiller. Mais pour le moment, je ne peux pas la leur garantir.

Cela me paraît injuste pour vous. Nous vendons le meilleur produit au monde, et nous vous mettons ensuite des bâtons dans les roues pour que vous ne puissiez le livrer à temps.

Si l'on réussit à ouvrir ce marché mondial et que nous ne sommes pas capables d'y envoyer vos produits ou ceux de M. Kerpan ou de M. Taylor, qu'allons-nous faire? Il faut bouger. Je dis simplement qu'il ne faut surtout pas oublier cela.

Mme Wiebe: Je suis d'accord, mais ce n'est qu'un aspect des choses. Il ne faut pas rester accroché à un élément mineur, car on risque de manquer l'ensemble.

M. Taylor (The Battlefords - Meadow Lake): Je reviens sur les sujets abordés par MM. Collins et Easter. M. Easter a parlé des contrôles de la qualité effectués par la Commission canadienne du blé et M. Collins, de déréglementation et des expéditions de grain vers le Sud à cause de problèmes de transport.

La Commission canadienne du blé représente un élément important de notre accès au marché international. La Commission canadienne du blé est un facteur essentiel du succès de l'agriculture céréalière dans les Prairies.

La Commission canadienne du blé va-t-elle pouvoir continuer à fonctionner sans la LTGO et dans un marché déréglementé?

Mme Wiebe: Il s'agit de deux questions distinctes. La première porte sur les conséquences, pour la Commission canadienne du blé, de la disparition de la LTGO. Si l'on modifie le régime réglementaire pour qu'elle puisse continuer à fonctionner, cela devrait être possible.

Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir la poursuite de ses activités dans un environnement déréglementé - et non un environnement réglementé à nouveau - cela sera sans doute très difficile, voire impossible.

M. Taylor: Lorsque le ministre des Finances a présenté le projet de loi à la base du mandat de ce comité, il a parlé de l'importance de supprimer le tarif de la Passe du Nid-de-Corbeau si l'on veut renforcer la diversification et l'agriculture à valeur ajoutée dans les Prairies.

Le secrétaire parlementaire du ministre des Finances en a reparlé à la Chambre des communes. Et hier, devant le comité, le ministre de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire en a parlé en termes dithyrambiques et a déclaré que cela allait favoriser la diversification et renforcer la production à valeur ajoutée.

Connaissez-vous des études gouvernementales qui justifient un tel optimisme? Pensez-vous qu'il faudrait en faire pour déterminer s'il y a lieu d'être optimiste, pessimiste ou inquiet des déclarations faites par les ministres?

Mme Wiebe: Je ne connais pas d'études qui démontrent clairement que le transport a été un obstacle grave à la diversification. On y trouve divers chiffres et il y en a qui sont moins optimistes et d'autres plus.

Quant à savoir s'il faudrait effectuer ce genre d'études, oui, il faut le faire. Il faut abandonner les idées préconçues et les articles de foi pour décider ce qu'il faut faire, et nous fier davantage à ce qui nous permettra vraiment d'arriver là où nous voulons parvenir.

Prenons, par exemple, l'expérience du Dakota du Nord et du Montana. Vous y chercherez en vain une industrie diversifiée, à valeur ajoutée, en pleine croissance.

Nos homologues vivent dans des conditions géographiques semblables, dans un environnement relativement moins réglementé que le nôtre et l'on voit bien que ce résultat n'est pas automatique.

Oui, il faut faire ces études. Il faudrait les faire avant de nous précipiter là-dedans.

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[Français]

M. Chrétien: Madame, je vais essayer de vous entraîner sur la patinoire politique.

La LTGO existait dans l'Ouest depuis près d'un siècle. Tout à l'heure, vous nous disiez qu'en 1984, 75 p. 100 des coûts de transport étaient défrayés par la LTGO. En 1994, 10 ans plus tard, ces coûts étaient défrayés à 52 p. 100 par la LTGO. En août 1995, ce sera zéro. C'était à prévoir. Il y avait déjà eu des tentatives, dans le passé, en vue de modifier le Pas du Nid-de-Corbeau.

J'écoutais hier les résultats des élections au Manitoba, et le commentateur, qui était un Manitobain, disait que les agriculteurs étaient très mécontents de la disparition de la LTGO. Compte tenu du fait qu'on l'évalue à 1,6 milliard de dollars non imposables, qu'il y a 300 millions de dollars additionnels et que 1 milliard de dollars sont aussi débloqués pour des prêts à l'exportation des produits agricoles, est-ce que les fermiers de l'Ouest sont mécontents ou très mécontents, ou s'ils vont accepter la disparition de la LTGO à moyen ou à court terme?

[Traduction]

Mme Wiebe: Le silence actuel n'est pas synonyme d'acceptation mais d'incertitude. Nous ne savons pas très bien ce qui va nous arriver. Allons-nous réussir à retomber sur nos pieds?

Quant à savoir si cela va susciter des réactions de colère ou du mécontentement, cela dépend beaucoup de ce que feront des comités comme le vôtre. Il s'agit de modifier le système pour que les producteurs primaires soient en mesure d'absorber ces coûts de transport, en apportant d'autres modifications qui nous permettent de demeurer rentables.

Cela est loin d'être sûr. Je crois que l'Ouest du Canada a, pour le moment, suspendu son jugement, il attend de voir le nouveau régime qui doit assurer notre rentabilité.

Si finalement rien n'est fait et qu'on laisse mourrir des communautés, si on laisse tomber notre système de transport entre les mains de ceux qui n'ont guère à coeur de défendre nos intérêts et si notre agriculture périclite, alors bien sûr, l'insatisfaction qui naîtra sera proportionnelle à la gravité de la situation.

Le président: Pour en revenir à vos dernières remarques, c'est en partie ce que tente de faire notre comité. Nous avons décidé d'examiner ce qui va se passer à l'avenir. Nous voulons adopter une attitude axée sur l'avenir. Nous voulons, en tant que comité, être finalement en mesure de présenter une série de suggestions utiles.

Comme je l'ai dit au début, nous allons vous recontacter, vous ou votre organisme, pour obtenir des réponses à certaines des questions que vous avez soulevées. Ce sont d'excellentes questions et nous allons les examiner sérieusement. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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