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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 mai 1995

.1101

[Traduction]

Le président: Nous avons deux témoins ce matin. Tout d'abord, de l'Université du Manitoba, M. John Heads, qui est directeur du Manitoba Institute of Transport. Le témoin suivant sera M. Daryl Kraft du Agricultural-Economic Farm Management Departement de l'Université du Manitoba.

Bienvenue, monsieur Heads. Je crois que vous voulez commencer.

M. John Heads (directeur, Manitoba Institute of Transport): Merci, monsieur le président. En guise d'introduction, je vais me présenter et vous dire quelle est mon expérience, du moins celle qui est pertinente par rapport aux travaux de ce comité.

Je suis directeur du Transport Institute de l'Université du Manitoba. Avant de travailler pour l'université, j'étais à l'Office national des transports du Canada où j'occupais le poste de directeur exécutif du comité des transports ferroviaires. À cette époque, je me suis beaucoup occupé de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et j'étais responsable de la tarification, de l'établissement des coûts et des subventions dans le cadre de l'application de cette loi. J'ai par conséquent des connaissances approfondies sur ses dispositions et son administration, connaissances qui seront parfaitement inutiles dans six mois mais que je mets maintenant à votre entière disposition si vous avez des questions à poser à ce propos.

Depuis que je travaille pour l'Université du Manitoba, je me suis beaucoup occupé de nombreux aspects du secteur des transports, y compris le transport du grain. J'ai notamment réalisé des analyses sur l'avenir prévisible de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, à commencer par une étude effectuée en 1988.

Nous avons examiné la question des lignes secondaires qui assurent le transport du grain et celle du point de référence utilisé par la CCB. J'ai travaillé pour le groupe chargé des paiements aux producteurs à titre de conseiller technique et nous avons récemment terminé une étude pour le ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest où nous avons examiné entre autres la possibilité de passer par les États-Unis pour transporter le grain canadien dans l'Ouest.

Lorsque j'étais fonctionnaire, mon rôle n'était évidemment pas de donner mon opinion sur la méthode de paiement des subventions au titre de la LTGO. Lorsque j'ai rejoint les rangs des universitaires, j'ai cessé d'être soumis à ce genre de contrainte. De 1988, date à laquelle j'ai publié un document sur le sujet, jusqu'à maintenant, j'ai toujours été expressément partisan de mettre fin aux subventions versées aux compagnies ferroviaires. En disant cela, je pense que je rejoins l'avis de la plupart des universitaires qui ont exprimé une opinion à ce propos. Nous sommes pratiquement aussi unanimes là-dessus que les économistes, je crois.

Par conséquent, je me réjouis de la décision prise par le gouvernement. Toutefois, en passant, j'ai été un peu surpris que le gouvernement ait pu régler la question grâce à un paiement final de 1,6 milliard de dollars, accompagné de paiements de transition de 300 millions de dollars, étant donné que la subvention se chiffrait à 560 millions de dollars par an avant que l'on y mette fin. Je crois cependant que le gouvernement a dû prendre une bonne décision étant donné qu'il y a eu très peu de protestations de la part du public à propos des sommes qui vont être versées.

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J'ai sur le problème de l'affectation des wagons une opinion qui n'est peut-être pas celle de tout le monde et il serait sans doute utile que je la présente au comité.

À l'heure actuelle, le commerce du grain mobilise 19 000 wagons dont le gouvernement est propriétaire ou qu'il loue. Il s'agit de wagons-trémies, mais il y a également des wagons couverts qui ont été rénovés aux frais de la province du Manitoba. Sur ces 19 000 wagons, 13 000 constituent le parc gouvernemental, il y en a 2 000 dont la Commission canadienne du blé est propriétaire et 2 000 qui sont loués et payés par le gouvernement. Les autres appartiennent aux gouvernements de la Saskatchewan et de l'Alberta.

De mon point de vue, la meilleure façon de disposer des wagons appartenant au gouvernement serait de les donner aux deux compagnies de chemin de fer, la moitié au CN et la moitié au CP, étant donné que les compagnies transportent, chacune, à peu près la moitié du grain. La raison pour laquelle je fais cette proposition, c'est que, premièrement, le gouvernement fournissait ces wagons avant l'adoption de la LTGO; il le faisait essentiellement, je crois, pour se dédouaner en compensant le taux de la subvention du Nid-de-Corbeau et donner quelque chose aux compagnies de chemin de fer pour leur faire oublier à quel point le transport du grain était peu rentable.

La deuxième raison pour laquelle je suis en faveur de cette solution est que le barème des taux maximaux qui sera appliqué jusqu'à la campagne agricole de 1999-2000 a été fixé en partant de l'hypothèse que les compagnies de chemin de fer n'ont aucun frais de propriété à engager en ce qui concerne les wagons à trémie fournis par le gouvernement. Autrement dit, pour fixer ce barème, on part du principe que ce ne sont pas les compagnies de chemin de fer qui ont à régler les frais de propriété de ces wagons; par conséquent, ces frais n'entrent pas dans le calcul du barème.

La troisième raison pour laquelle je propose cette solution est que à mon avis, si les compagnies de chemin de fer contrôlaient directement ces wagons, il n'y aurait probablement pas de problème d'affectation. Du moins, je pense que cela ne se produirait que très rarement. Les compagnies de chemin de fer fournissent des wagons pour le transport de pratiquement toutes les autres marchandises - à l'exception des marchandises dangereuses, un sujet qu'il ne me semble pas nécessaire d'aborder ce matin. Il est rare qu'elles manquent de wagons et que cela cause de sérieux problèmes en ce qui a trait au transport des autres produits. C'est arrivé et cela arrive encore de temps en temps mais, en règle générale, je pense que le problème se poserait beaucoup moins souvent si les compagnies de chemin de fer avaient la haute main sur les wagons.

Pour ce qui est du coût que cela représente pour le gouvernement, je suggère que les wagons soient donnés, et non vendus, aux compagnies de chemin de fer. Peut-être pourraient-ils être vendus pour un dollar, mais ce que je suggère, c'est essentiellement qu'on les leur donne. Si l'on enlève des 19 000 wagons les 2 000 qui sont loués et les 1 000 qui appartiennent à la Saskatchewan et à l'Alberta, il en reste 15 000. Ils valent actuellement environ 30 000$, peut-être un peu moins. Leur valeur totale serait donc de 450 millions de dollars. Je fais ce calcul juste pour vous donner une idée de la somme que cela représente.

Monsieur le président, je ne pense pas que je vais prolonger ma déclaration liminaire. En ce qui concerne les questions très claires que vous avez transmises aux personnes appelées à comparaître ici, je ne crois pas que mes connaissances techniques me permettent de donner une réponse utile à la question 1 ni à la question 4. Je me sens relativement capable de vous donner toutes les précisions que vous souhaiterez avoir à propos des questions 2 et 3. Je voudrais également soulever quelques points techniques à propos des documents rendus publics par Transport Canada le 27 février.

Cela met un terme à mes déclarations liminaires.

Le président: M. Chrétien, voulez-vous commencer?

[Français]

M. Chrétien (Frontenac): Bienvenue à Ottawa.

.1110

Monsieur Heads, je voudrais vous souhaiter la bienvenue au sous-comité du Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire au nom de l'Opposition officielle. Ce sous-comité traite particulièrement de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Je voudrais vous faire remarquer que, malheureusement, le parti d'opposition qui représente essentiellement la population de l'Ouest est complètement absent ce matin. J'espère qu'il y aura des représentants de ce parti qui se présenteront d'ici la fin de la réunion.

Étant originaire du Québec, j'ai des connaisssances très limitées sur l'agriculture de l'Ouest. Je voudrais également remercier ma collègue, Mme Cowling, de nous avoir fait parvenir votre curriculum vitae qui, soit dit en passant, est très impressionnant.

J'aimerais maintenant vous poser deux questions. D'abord, j'aimerais avoir des explications additionnelles concernant les 19 000 wagons, wagons-trémies ou wagons fermés. Si j'ai bien compris l'interprétation et les calculs que j'ai pu faire subséquemment, il y aurait 13 000 wagons qui appartiendraient au gouvernement du Canada, 2 000 à la Commission canadienne du blé et 4 000 aux trois gouvernements provinciaux, soit l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba.

Pour ce qui est des 13 000 wagons-trémies qui appartiennent au gouvernement, vous les avez évalués à 450 millions de dollars. Vous seriez d'accord pour en vendre la moitié au CN et l'autre moitié au CP, au coût unitaire de 1$. Vous avez avancé des arguments prônant cette thèse.

En les vendant 1$ l'unité, vous faites un don de 450 millions de dollars aux deux compagnies de transport. Je vous ferai remarquer que le gouvernement a déposé cette semaine un projet de loi visant à privatiser le CN. J'aimerais que vous reveniez un petit peu là-dessus pour m'expliquer. Venant du Québec, à première vue en tout cas, je m'opposerais à ce qu'on vende les 13 000 wagons pour 1$ au CN et au CP. Il faudrait m'apporter des arguments additionnels à ceux que vous avez apportés.

Je ne sais pas si vous pourrez répondre à ma deuxième question, étant donné qu'elle ne touche pas le transport comme tel. J'aimerais aborder le dédommagement aux agriculteurs, la redistribution des 1,6 milliard de dollars. Que va-t-on faire des terres louées qui appartiennent au gouvernement provincial, aux banques et aux institutions prêteuses? Va-t-on les remettre aux propriétaires du bien foncier ou aux agriculteurs qui louaient ces nombreuses terres?

Voilà autant de questions qui méritent d'être examinées de très près. Le gouvernement, le ministre des Finances et le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ne savent pas encore comment seront répartis ces 1,6 milliard de dollars.

[Traduction]

M. Heads: Merci, monsieur.

J'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre à la deuxième question car cela dépasse le champ de mes compétences. J'espère que mon collègue, M. Kraft, pourra faire des observations à ce propos. Il va bientôt prendre la parole.

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En ce qui concerne votre première question, j'ai bien peur de vous avoir induit en erreur en évoquant rapidement un détail. Sur les 4 000 wagons restants, 2 000 sont loués et les frais de location sont payés par Transports Canada. Les provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan sont chacune propriétaire de 1 000 wagons.

J'ai déjà présenté mes arguments en faveur du don des wagons aux compagnies de chemin de fer et je n'ai rien de plus précis à ajouter.

Pour ce qui est de faire cadeau de fonds publics, il est très clair que le barème des taux qui sera appliqué jusqu'en l'an 2000 a été fixé en partant de l'hypothèse que le gouvernement n'assumera aucun des frais de propriété de ces wagons. D'ici à l'an 2000, ces wagons se seront encore dépréciés. Je n'ai pas calculé précisément leur valeur en l'an 2000, mais la somme que cela représentera encore à ce moment-là s'élevera certainement à plus de 300 millions de dollars.

Il est tout à fait juste de se demander, comme vous le faites, pourquoi nous ferions cadeau de 300 millions de dollars aux compagnies de chemin de fer en l'an 2000, sans avoir quelque garantie que l'opération va s'avérer avantageuse et que l'on pourra exercer un certain contrôle. Si, à ce moment-là, on laissait les compagnies de chemin de fer libres de fixer les coûts du transport du grain à leur gré, et si cela leur permettait de faire des profits sur leurs transactions avec le gouvernement, il se pourrait qu'elles tirent un double avantage de la situation.

Ce que je veux dire, monsieur, c'est que votre remarque est juste et que j'ai peut-être trop vite sauté aux conclusions.

[Français]

M. Chrétien: En l'an 2000, pour justifier la répartition entre le CN et le CP, il y a fort à parier que le CN sera privatisé, mais il sera toujours là. On va peut-être conserver son appellation, mais peut-être y en aura-t-il une nouvelle. Il y aura donc deux compagnies privées. La dépréciation de 450 millions de dollars sera, en l'an 2000, de 300 millions de dollars, donc 150 millions de dollars pour chacun. Vous savez que le pays est grand et que, lorsqu'il se produit des iniquités, on les soulève dans un coin du pays. Hier, en écoutant Le Téléjournal, j'ai vu qu'on s'apprêtait à étudier la possibilité d'investir 31 millions de dollars du gouvernement fédéral dans la construction d'une aréna, à Winnipeg, pour conserver l'équipe de hockey, alors qu'au Québec, on vit la même situation. Si on le donne à un, il faudrait bien le donner à l'autre. Nous sommes un peu comme des enfants gâtés, des enfants qui se jalousent. Si quelqu'un a un gros bâton, on aimerait, nous aussi, en avoir un aussi gros.

Je vois une iniquité dans le fait qu'on allouerait de l'argent. Il est vrai qu'il y a le barème des taux, mais est-ce que les compagnies de chemin de fer vont perdre de l'argent à cause du barème que le gouvernement va fixer? Je suis convaincu que s'il y a une perte d'argent, elles viendront faire leur lobbying et on va ajuster le barème des taux pour qu'elles rentabilisent leurs transports.

[Traduction]

M. Heads: En ce qui a trait au lobbying et à l'ajustement du barème des taux, je pense qu'il se pourrait fort bien que les choses se passent comme vous le prévoyez, mais je ne peux faire aucun commentaire utile là-dessus.

Le président: Monsieur Chrétien, je pense qu'il y a aussi des conditions qui s'appliquent à d'autres choses. Pour ce qui est de la privatisation du CN, je crois que le siège social doit demeurer à Montréal.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): J'aimerais remercier M. Heads de comparaître devant le Comité ce matin et de nous apporter son concours dans l'étude de ce domaine très particulier.

Les agriculteurs de ma circonscription et, je crois, du Manitoba en général envisagent de façon très optimiste les changements en cours. Ils sont cependant quelque peu inquiets étant donné que la déréglementation du système représente un changement de grande envergure. Certains groupes nous disent que nous devrions prolonger la période d'application du barème des taux et fixer un maximum après le 1er août 2000.

.1120

Je me demande quel est votre avis sur ce point. Pensez-vous qu'il serait approprié pour le gouvernement de s'orienter dans cette direction?

M. Heads: Je pense que tout devrait bien marcher jusqu'à l'an 2000, comme vous l'avez dit vous-même en posant votre question.

Parmi les questions précises soulevées par le comité dans sa note d'information, il y en a une qui porte sur d'éventuelles mesures de protection vis-à-vis le taux maximum imposé aux expéditeurs captifs. Au cours des 30 dernières années, le Canada n'a pas très bien réussi à assurer une protection légale aux expéditeurs captifs. De fait, hier, j'ai fait un exposé sur les expéditeurs captifs dans le secteur de l'industrie du charbon et du soufre et sur les problèmes auxquels ils font face lorsqu'ils ne peuvent avoir recours qu'à une seule compagnie de chemin de fer et qu'il n'existe aucun moyen d'instaurer une concurrence efficace.

Lorsque je dis qu'il n'existe «aucun moyen d'instaurer une concurrence efficace», je ne cherche pas à diminuer l'importance des dispositions de la Loi de 1987 sur les transports nationaux qui, à mon avis, s'est avérée fort utile de bien des façons. Toutefois, si vous êtes un expéditeur captif et que vous ne pouvez bénéficier des dispositions de cette loi, vous ne pouvez opérer aucune substitution, car il n'y a personne avec qui vous pourriez le faire et vous ne pouvez utiliser un tarif de transports ferroviaires compétitif car CN et CP ne se sont jamais faits concurrence. Vous vous retrouvez donc quelque peu à la merci des compagnies de chemin de fer.

Je ne pense pas que les producteurs de céréales se retrouveront jamais dans une situation aussi difficile que les exploitations minières et les usines productrices de soufre. Ces agriculteurs peuvent au moins expédier leur grain vers d'autres silos, même si, parfois, dans certaines régions du pays, ils sont plus ou moins captifs d'une compagnie de chemin de fer ou de l'autre.

Fort heureusement, votre comité n'a pas à rendre encore de décision finale à ce sujet puisque la législation va faire l'objet d'examens approfondis, y compris l'examen complet prévu en 1999. Ce n'est évidemment pas à moi de décider si vous devriez aborder cette question ou non, car je ne sais pas quelles sont les priorités du comité.

Je vous ai donné une réponse plutôt longue et décousue. Pour me résumer, je pense que les agriculteurs n'ont pas complètement tort de craindre d'être captifs d'une compagnie de chemin de fer ou de l'autre. À mon avis, ces craintes sont plus justifiées dans le cas des producteurs du Nord qui sont desservis par le CN, car, dans le Sud, où ils sont desservis par le CP, il y a toujours la possibilité de traverser la frontière au besoin et de faire valoir la concurrence des chemins de fer américains. Je ne pense donc pas qu'il s'agisse nécessairement d'un danger fictif mais heureusement, vous n'avez pas, je crois, à prendre de mesures immédiates si vous ne le souhaitez pas.

Mme Cowling: Avec un régime déréglementé, jusqu'où devrions-nous aller en ce qui concerne l'établissement des taux et les embranchements?

M. Heads: Pour ce qui est de fixer les taux, je crois comprendre que l'on a décidé qu'après l'an 2000, les taux s'appliquant au transport des céréales ne seront plus réglementés mais déterminés par les marchés. Même si j'ai travaillé autrefois pour un organisme de réglementation, je n'ai aucun goût pour cela; je pense que plus on laisse les choses aller librement, mieux c'est. Par conséquent, je ne crois pas qu'il sera nécessaire de réglementer les taux s'appliquant au transport du grain après l'an 2000, sauf si le cas des expéditeurs captifs pose un problème, ce que j'ai déjà évoqué.

Le processus d'abandon des embranchements tributaires du transport du grain reprend ce qui avait été établi, de façon générale, pour la LTN, et doit débuter, je pense, au début de l'année prochaine. Cette procédure devrait se prolonger également jusqu'en l'an 2000 et au-delà. Il semble que ces arrangements soient relativement satisfaisants.

.1125

Mme Cowling: J'ai une autre question, monsieur le président. Une des choses que me disent mes électeurs, notamment les élus municipaux, c'est qu'ils sont très préoccupés au sujet de leurs réseaux routiers et de ce qui va se passer lorsque le régime va être déréglementé et que de beaucoup plus gros camions vont commencer à circuler sur les routes.

Monsieur Heads, pouvez-vous nous dire si, à votre avis, cela va entraîner des complications et si leurs préoccupations sont justifiées?

M. Heads: Oui. J'ai déjà déclaré publiquement que je partageais ce point de vue. Voici ce que j'en pense. Lorsqu'on abandonne un embranchement, les économies qui sont ainsi réalisées sont très considérables mais, en vertu de la législation telle qu'elle est actuellement - et ce n'est pas une critique, car on ne peut pas procéder d'une autre façon - ce sont tous les agriculteurs, en général, qui en profitent.

Or, il y a deux catégories de gens pour qui l'abandon d'un embranchement se traduit par des conséquences néfastes: d'abord, les agriculteurs qui utilisent cette ligne pour transporter leur grain jusqu'au silo, car, en général, il va falloir qu'ils le fassent expédier plus loin; et deuxièmement, les municipalités rurales, car il va falloir qu'elles consacrent plus d'argent à l'entretien de leurs routes et elles n'ont aucun moyen de recouvrer automatiquement ces sommes par le biais du système. Par conséquent, il y a deux groupes qui subissent des conséquences néfastes.

D'après les enquêtes que nous avons effectuées jusqu'ici, si l'on prend la somme de 100$ comme indice des économies résultant de l'abandon d'un embranchement, les coûts imputables au transport par camions qui sera alors nécessaire se situent, en moyenne, autour de 35$ et les coûts supplémentaires d'entretien des routes sont, en moyenne, de 3$ à 4$. Donc, au total, sur 100$ d'économie, les coûts de transport par camion et d'entretien des routes qui deviennent alors nécessaires prennent, en moyenne, quelque chose comme 39$ ou 40$.

Je m'empresse d'ajouter que, naturellement, ce chiffre varie énormément d'une ligne à l'autre. J'ai fait ce calcul en me fondant sur les données pour la Saskatchewan que m'a fournies la Saskatchewan Association of Rural Municipalities qui, à mon avis, soit dit en passant, a fait des recherches très intéressantes dans ce domaine. Il semble que ce soit la moyenne.

Je crois - et ce n'est pas là une idée très originale - que, si l'ensemble de la communauté tire des avantages d'une telle décision mais que certaines personnes en souffrent, il serait bon que ceux qui en souffrent reçoivent une compensation. De fait, la législation prévoit bel et bien qu'une telle compensation puisse être offerte.

Naturellement, on peut contester les chiffres que je vous ai donnés. On peut contester les coûts supplémentaires du transport par camions, on peut contester la valeur attribuée au temps d'un agriculteur. En ce qui a trait aux routes, on peut se demander s'il s'agit simplement d'améliorer des chemins de gravier ou s'il va falloir faire des travaux de nature structurelle, etc.

Je pense que je vous ai donné une idée très générale des économies qui pourraient être réalisées. Il est clair que la législation ne permettrait pas de verser indéfiniment aux agriculteurs et aux municipalités une compensation pour les coûts supplémentaires du transport par camions; cela devrait prendre la forme d'un versement en capital. Je ne pense pas que, sur le plan de la logistique, il y ait une autre façon d'administrer cela, mais, personnellement, il me semble que les craintes exprimées par les municipalités rurales ne sont pas sans fondement.

Si je voulais faire un jugement de valeur, je dirais qu'il faut leur verser une compensation, mais je ne suis pas payé pour faire des jugements de valeur; je suis payé pour donner des conseils spécialisés. Ainsi donc, c'est plus ou moins ainsi que se présente la situation.

Mme Cowling: Merci.

Le président: Monsieur Heads, vous serait-il possible de nous transmettre une copie de l'exposé sur les marchés captifs que vous avez mentionné. Cela nous serait utile. Même si l'industrie céréalière est quelque peu différente, nous serions certainement heureux de l'avoir.

.1130

J'ai tendance... Je ne dirais pas à remettre votre jugement en question mais à soulever des objections à propos de ce que vous avez dit sur l'ensemble des retombées à long terme et sur la possibilité d'une concurrence entre les compagnies de chemin de fer.

Hier, pour ce qui est de l'opinion exprimée par certains représentants de l'industrie du transport ferroviaire... De là où vous êtes, vous ne pouvez pas voir cette carte; je sais qu'il faudrait qu'elle soit plus grande, mais elle représente le système ferroviaire du Canada. Les lignes principales et secondaires du CN et du CP sont indiquées en jaune.

De mon point de vue, à long terme, c'est le système que les principales compagnies ferroviaires envisagent. Tout le reste, les embranchements, sera éventuellement abandonné à moins d'être repris par des exploitants de lignes secondaires.

Imaginez que vous êtes agriculteur dans ces régions; même si ces distances n'ont pas l'air très grandes sur la carte, si vous empruntez ces routes de l'Ouest canadien, comme je l'ai fait moi-même, vous réalisez combien ces distances sont grandes et les coûts élevés qui en découlent ainsi que l'envergure de l'impact économique de la détérioration des routes.

En commençant, vous avez mentionné - et c'est peut-être quelque chose qui ne pose problème qu'à moi, mais c'est un problème que j'ai toujours eu quand je faisais partie du mouvement agricole - qu'essentiellement, la plupart des universitaires approuvent les changements visant les paiements consentis aux compagnies de chemin de fer, et je suis d'accord avec vous sur ce point; la plupart des universitaires approuvent cela. Mais c'est sacrément loin d'être l'opinion de la communauté agricole.

Il me semble que la différence vient du fait que, si vous vous trompez dans votre analyse théorique, vous n'avez pas à en subir les conséquences financières. Mais si, en tant que gouvernement, nous prenons des décisions conformes à votre analyse et que nous nous trompons, alors, la communauté agricole en subira les conséquences.

Je me demande ce que vous pensez de cela. Pourquoi y a-t-il une telle différence, une telle divergence de vue entre les universitaires et les agriculteurs sur ce sujet? Je respecte votre opinion, mais j'ai pu constater une réelle divergence de vue en parlant, d'une part, à des représentants de l'industrie de production primaire et, d'autre part, à des bureaucrates d'Ottawa et à des représentants du milieu universitaire.

M. Heads: Monsieur le président, je pense que vous soulevez deux questions; tout d'abord, celle de la différence entre les universitaires et les agriculteurs, mais aussi, je crois, celle des embranchements.

Puis-je diviser ma réponse en deux parties?

Le président: Bien sûr.

M. Heads: Je pense qu'il faudrait mieux que je commence par la différence entre les universitaires et les agriculteurs. Vous avez dit que les agriculteurs subissent des retombées financières alors que les universitaires continuent d'avoir un poste assuré - bien entendu, monsieur le président, il se peut que cela ne dure plus très longtemps - et je pense que ce que vous avez dit est tout à fait fondé.

Lorqu'ils se déclarent en faveur de mettre fin aux versements consentis aux compagnies de chemin de fer, les universitaires avancent les arguments suivants: une plus grande diversification de la production agricole dans la région des prairies, l'utilisation d'un plus grande nombre de moyens de transport pour expédier le grain, etc., et l'élimination de certaines cargaisons de grains, par exemple, d'orge, où le profit réalisé par l'agriculteur sur la vente de son orge peut-être, dans certains cas, moindre que la subvention consentie au titre de la LTGO. Le comité a déjà certainement entendu ce genre d'arguments et je ne vais pas les reprendre en détail.

Pourquoi les agriculteurs ne sont-ils pas d'accord? Je pense qu'en partie, sans doute, c'est qu'en 1987 - de fait, cela remonte à beaucoup plus loin que cela, comme vous le savez mieux que moi, monsieur le président - les agriculteurs ont tout d'abord pensé qu'il était peut-être plus sûr, d'un point de vue politique, d'avoir une subvention versée aux compagnies de chemin de fer et non aux agriculteurs. Ainsi, cela n'était pas considéré comme encore une autre subvention consentie à l'agriculture.

Deuxièmement, les agriculteurs ont été satisfaits des dispositions de la LTGO qui permettaient au gouvernement de contrôler les compagnies de chemin de fer, de s'assurer qu'elles faisaient des investissements adéquats et qu'elles tenaient leurs promesses de rendement. Je pense également qu'il y a une énorme différence entre la qualité du service fourni par les compagnies de chemin de fer par comparaison avec ce qu'elles offraient avant l'entrée en vigueur de la LTGO, quand elles laissaient les embranchements se détériorer complètement, envoyaient des wagons couverts sans portes, etc. Je pense donc que cela peut en partie expliquer pourquoi les choses sont perçues différemment.

.1135

Le président: Merci, monsieur Heads.

En ce qui concerne la diversification, l'un des objectifs du comité, comme vous l'avez vu d'après les questions, est d'essayer de prévoir l'avenir. La diversification est un aspect très important, mais nous devons faire des recommandations sur la façon dont on peut encourager effectivement cette diversification. Il est facile de dire qu'elle se produira. Certains des responsables des diverses industries prétendent que la diversification s'est déjà produite dans une certaine mesure dans le secteur du bétail. Donc si vous avez des idées sur la façon dont nous pouvons encourager la diversification, dans une perspective de politique gouvernementale, nous aimerions certainement les entendre.

Nous avons largement étudié le rapport sur la compétitivité internationale, pour lequel vous étiez directeur de projet, réalisé pour la diversification de l'économie de l'Ouest. J'aurai quelques questions à ce sujet, puis je donnerai la parole à Bernie. Dans ce rapport, vous dites que, tant que la subvention du Nid-de-Corbeau de la LTGO est versée aux chemins de fer, les chemins de fer et les ports américains ne sont pas compétitifs en ce qui concerne les déplacements du grain canadien en provenance des Prairies. Le rapport précise:

Andrew Elliott - et vous avez peut-être vu le rapport qu'il a préparé pour Transports Canada sur la déréglementation des tarifs - a également estimé que les volumes à risque pour ce qui est du transport via les États-Unis allaient jusqu'à 10 millions de tonnes. Bien des gens pensent que ce chiffre est un peu élevé.

Sur la question de la diversion vers les États-Unis, votre institut ou vous-même avez-vous fait des projections sur l'incidence que cela aura sur le système canadien dans un certain nombre de secteurs? Si l'on envoie de plus grandes quantités aux États-Unis, quelle sera l'incidence sur les ports de Thunder Bay ou de la région de Montréal? Si nos volumes diminuent dans les ports canadiens, nos coûts vont augmenter dans une certaine mesure dans ces ports. Quelles seront les répercussions sur le contrôle de la qualité? Avez-vous des observations à faire?

M. Heads: Oui, monsieur le président. Je pense que la question du contrôle de la qualité doit être abordée avant toute diversion, car il est clair que nous attendons des normes plus élevées que celles des États-Unis, sur le nettoyage du grain par exemple. Dans notre institut, nous avons tendance à penser que cette question de contrôle de la qualité serait résolue au cours des prochaines années. Nous avons tendance à envisager la question d'un possible détournement, en supposant que les exigences de la Commission canadienne des grains n'allaient pas créer d'obstacles.

Je ne cherche pas à critiquer la Commission canadienne des grains; je pense que nous avons besoin de normes.

Je ne suis pas d'accord avec Andrew Elliott sur le fait que le détournement pourrait atteindre 10 millions de tonnes. S'il a parlé de risque, il a peut-être voulu dire que ce chiffre pourrait être atteint, mais je ne pense pas que ce soit le cas pour le moment.

Dans l'étude à laquelle vous avez fait allusion, nous avons examiné les possibilités de détournement vers les ports de la côte ouest des États-Unis en particulier, bien que nous ayons examiné d'autres questions. Pour le moment, nous croyons que les taux de fret américains globaux correspondant à des distances équivalents sont assez compétitifs par rapport aux taux de fret canadiens. On fait souvent remarquer, à juste titre, que les taux de fret élevés que les agriculteurs doivent payer dans le Dakota du nord et l'est du Montana, sont plus élevés que ceux que l'on paie au Canada. Mais quelques expéditeurs utilisent la Burlington Northern Railway à qui cela rapporte beaucoup.

Mais si les chemins de fer canadiens demandent les mêmes taux que les chemins de fer américains pour des distances équivalentes, nous sommes actuellement protégés sur la côte ouest par le fait qu'il y a bien plus de kilomètres pour se rendre aux ports de la côte ouest américaine que pour aller à Vancouver et Prince Rupert.

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Nous pensons que, en général, le détournement des grains vers les ports américains ne sera pas très important. Nous pensons que nos chemins de fer sont tout à fait compétitifs. Il y a bien entendu le problème, dont on m'a dit que ces témoins vont vous parler, des frais de silo qui sont beaucoup plus élevés au Canada qu'aux États-Unis.

Selon nous, le risque de détournement se situe plutôt vers la Nouvelle-Orléans et non nécessairement par voie navigable. Il s'agirait plutôt de déplacements continus par chemins de fer qui seraient compétitifs à certains égards avec les voies navigables.

En fin de compte, nous pensons qu'il n'y a pas de danger véritable pour Vancouver dans un proche avenir et nous pensons que les volumes continueront d'être de l'ordre de 14 millions de tonnes comme ils le sont actuellement à Vancouver ou seront même supérieurs. La question se pose de façon plus aiguë à Prince-Rupert qui va souffrir de la perte de la parité avec Vancouver, comme vous le savez tous très bien.

Je ne sais pas si cela se concrétisera. Cela se concrétisera évidemment dans l'échelle maximum des tarifs mais il difficile de savoir si le CN offrirait des taux compétitifs pour encourager le transport du grain par Prince-Rupert.

Il y a donc une certaine menace qui pèse sur Prince-Rupert. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une menace importante mais elle existe. Elle pourrait cependant devenir grave si l'on accroît le tonnage à Vancouver, en particulier si l'on envoie directement du grain propre par ce port, car on a dit que Vancouver pourrait accroître son débit de 14 millions à 17 millions de tonnes. C'est ce que laisse entendre une étude réalisée par KPMG. Ce n'est pas nous qui avons fait cette étude, mais je pense qu'une telle augmentation est assez réaliste.

Je pense donc que la menace principale vient surtout du transport du grain par la voie maritime vers la côte est. Nous en sommes tous conscients car il ne s'agit plus d'une menace mais d'une réalité. Le volume de grain passant par la côte est est très faible depuis un certain nombre d'années et je pense que cette tendance va se poursuivre. Malheureusement, la côte est est devenue notre débouché secondaire.

Le président: Merci monsieur Heads. Je vous enverrai peut-être par lettre une demi-douzaine d'autres questions, car nous n'avons pas le temps de les poser ici aujourd'hui.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Je vous remercie d'être venu. Je trouve intéressant de voir que les universitaires peuvent faire des observations sur la façon de se débarrasser de wagons de chemin de fer aux frais de quelqu'un d'autre. Je pense que lorsque l'on entre dans le monde politique, on fait beaucoup plus attention à ce que l'on dit au sujet de l'argent des autres. Dans l'Ouest, on n'aime pas que l'on dise que les chemins de fer finiront par obtenir ces wagons. Je peux vous l'assurer. En tout cas, en Saskatchewan, les chemins de fer sont le dernier endroit où l'on voudrait que ces wagons retournent.

J'aimerais faire quelques observations. D'après vos antécédents et sachant quelle est la situation à Prince-Rupert, que pensez-vous de Roberts Bank? Je pense que vous devez avoir quelques idées sur Roberts Bank. Lui prévoyez-vous un rôle important en ce qui concerne le nombre de trains et le mouvement de ces trains depuis l'Ouest?

Vous avez fait allusion à une chose qui m'inquiète... Je pense qu'il s'agissait du point 3. Vous avez dit que les chemins de fer étaient des propriétaires directs et que la répartition des wagons ne poserait pas de problèmes.

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En ce qui concerne la répartition des wagons, comme c'est le cas pour d'autres produits, il n'y a pas tellement de terminaux dans l'Ouest. Vous dites qu'il y en a beaucoup, mais ce sont des points de collecte. Dans le cadre du système de répartition des wagons... et vous faites partie du secteur des transports... l'an dernier, nous avons dû aider les chemins de fer et d'autres. Nous avons trouvé qu'il y avait sept ou huit choses comme le Port de Thunder Bay et le retour à charge et toute l'idée que nous allions évaluer les frais de convergence pour les mouvements injustifiés de wagons. J'ai bien peur que tout cela ne disparaisse.

Aimeriez-vous répondre à ces questions sur Roberts Bank, la suggestion concernant la propriété des wagons et les sept ou huit points dont nous avons parlé au ministre de l'Agriculture en ce qui concerne le transport du grain?

M. Heads: Je ne pense pas que l'on va expédier du grain aux installations de Roberts Bank dans un avenir immédiat. Pour le moment, Roberts Bank sert uniquement pour le charbon mais on construit actuellement un port à conteneur, et je pense que, dans un avenir proche, il serait peu rentable d'investir dans des silos traditionnels sur la côte ouest.

Si nous passons à des exportations rapides et à un impact direct, je pense alors que les installations actuelles pourraient être suffisantes. Vous dites que avec d'autres produits, le nombre des points d'origine qui doivent être desservis dans l'Ouest est extrêmement limité par rapport au secteur agricole. C'est tout à fait exact et l'existence d'un grand nombre de points d'origine pour le grain d'exportation rend le système de distribution plus difficile.

Je pense qu'à l'avenir le nombre des points d'origine du grain à l'exportation va grandement diminuer. On se dirige certainement vers la construction de silos à grande capacité, et l'on m'a dit lors d'une conférence donnée plus tôt cette semaine par le sous-ministre de l'agriculture de la Saskatchewan que bon nombre de collectivités se montraient intéressées par la construction de silos à grande capacité. En fait, on s'inquiétait même dans la province, disant que l'on pourrait en construire un trop grand nombre et qu'il y aurait un surplus de ces silos.

Mais je pense que, si le transport assuré par les chemins de fer est rentable - et le transport du grain est rentable depuis 1983 - , les chemins de fer feront tout leur possible pour assurer un service efficace, et c'est d'ailleurs ce qu'ils font du point de vue technique. Cela ne veut pas dire que tout soit pour le mieux si les chemins de fer conservent le contrôle du trafic, car il reste toujours les problèmes liés au niveau approprié des taux de fret.

M. Collins: En ce qui concerne les lignes secondaires, que pensez-vous de droits de circulation qui leur soient spécifiques? Pour ce qui est de la disposition sur l'inversion du fardeau de la preuve concernant le plafond, je n'ai pas très bien compris lorsque vous avez répondu à Mme Cowling, si le ministre des Transports allait dans la bonne direction en supprimant ce plafond en 1999 ou en le laissant en place en même temps que la disposition sur le fardeau inversé de la preuve.

M. Heads: Il me faudrait beaucoup de temps pour répondre à la question sur l'octroi de droits de circulation aux chemins de fer secondaires sur les voies du CN et du CP, ce qui est je crois ce que vous voulez dire. Il faudrait soulever un certain nombre de problèmes liés à la coordination du trafic et ainsi de suite. Je ne dis pas que c'est techniquement impossible mais qu'il y a des difficultés techniques.

Je ne suis pas certain des avantages. Ce serait sans doute que les chemins de fer secondaires pourraient concurrencer le CN sur les voies du CN. Cela fait donc partie de toute cette idée de la propriété de l'infrastructure des voies qui est distincte de la propriété des chemins de fer eux-mêmes.

Cela a des avantages mais pose également des problèmes. Je ne pense pas que je dois poursuivre, madame la présidente, mais je suis tout à fait prêt à répondre plus longuement plus tard.

En ce qui concerne le plafond, vous avez voulu dire, mais vous êtes bien trop poli pour cela, que je n'ai peut-être pas donné une réponse très claire à la question de Mme Cowling. Cette observation me paraît très juste, monsieur Collins, car je ne sais pas vraiment quelle est la réponse.

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Il n'y aura sans doute pas de problème de contrôle des taux maximums d'ici l'an 2000. Le problème pourrait cependant se poser dans certaines circonstances par la suite. Il appartient au comité de décider si l'on veut s'attaquer à cette question dès maintenant ou en reporter l'étude jusqu'à l'examen de 1999.

M. Collins: Nous avons reçu des observations du vérificateur général. Vous voudrez peut-être dire ce que vous pensez de certaines d'entre elles. On lit dans son rapport qu'une réduction d'une seule journée de la durée de rotation pendant les périodes de pointe permettrait au secteur des grains d'économiser jusqu'à 3 millions de dollars par année. Êtes-vous d'accord?

M. Heads: En voyant ce chiffre, j'ai tout de suite pensé qu'on sous-estimait probablement un peu cette économie, mais je ne conteste pas qu'on puisse la réaliser. Je n'ai pas vérifié ses calculs, mais l'affirmation n'est certainement pas absurde.

Cependant, les cycles de rotation des wagons ne se sont pas beaucoup améliorés depuis 10 ans, comme vous le savez. Si l'on pouvait obtenir une meilleure utilisation des trains-blocs pour l'acheminement des grains, ce qui nécessiterait des élévateurs à débit élevé pour répondre à la demande, la durée de rotation pourrait être réduite. Si l'on compare la durée de rotation des wagons à grains et celle des wagons à charbon, la différence est certainement aussi grande qu'entre le jour et la nuit.

M. Collins: Voici ma dernière question pour le moment. Lorsque vous étiez fonctionnaire, avez-vous travaillé un certain temps à l'Office national des transports?

M. Heads: J'ai travaillé à la Commission canadienne des transports, dont les cadres supérieurs ont été encouragés à partir lorsque l'Office national des transports l'a remplacée.

M. Collins: Il y a une observation intéressante au paragraphe 6.94. C'est vraiment une perle; j'aimerais bien savoir qui en est l'auteur.

M. Heads: Dans ce rapport-ci?

M. Collins: Non, dans celui-ci. Ce paragraphe est une vraie merveille. Il mériterait un prix littéraire. En voici le début:

Et remarquez, ça ne s'arrête pas là. J'aime ce paragraphe parce qu'il poursuit dans cette veine. En voici la dernière phrase:

Je voudrais connaître votre avis professionnel: si je vous donnais ce merveilleux paragraphe à interpréter, pourriez-vous nous dire ce que l'auteur pouvait bien vouloir dire, à votre humble avis?

M. Heads: L'Office national des transports doit déterminer si les projets d'investissement des compagnies de chemin de fer permettront de maintenir un réseau ferroviaire adéquat, et les autres belles choses que vous avez mentionnées au sujet du transport du grain. C'est une exigence qui a été ajoutée au projet de loi à la dernière minute.

Le problème, c'est qu'une quantité incroyable d'investissements ferroviaires dans l'Ouest - non pas seulement aux fins de cette discussion, mais partout - sont faits pour servir au transport de toutes sortes de produits et non pas exclusivement des grains. Essayer de déterminer si un investissement y a été fait pour servir ou non au transport des grains, du charbon, de la potasse ou de quoi que ce soit d'autre constitue un exercice passablement subjectif.

Les investissements ferroviaires ont été extrêmement intensifs du début au milieu des années 1980, en culminant bien sûr avec le tunnel du CP. Les investissements ferroviaires ont généralement été plus faibles depuis parce que les compagnies de chemin de fer n'avaient plus d'argent à investir.

Quand on a adopté la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, on y a inscrit des dispositions visant à s'assurer que les investissements ferroviaires soient satisfaisants. On y a inscrit également des dispositions visant à s'assurer que les compagnies de chemin de fer affichent un rendement satisfaisant. Je crois qu'en général, les investissements et la prestation de tous les services, sauf la fourniture de wagons aux périodes de pointe, ont été satisfaisants.

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On a inscrit beaucoup de ces exigences dans la loi parce que les agriculteurs de l'Ouest se méfiaient beaucoup, et à juste titre, non seulement des taux de transport, mais aussi de la qualité du transport des grains d'après leur expérience des années antérieures. On n'entend plus beaucoup de plaintes dans l'Ouest maintenant à propos de la qualité du transport des grains, comparé à ce qu'on entendait il y a 15 ans.

M. Collins: Ce que le vérificateur général a dit dans le résumé vient démentir cette opinion.

M. Heads: Je ne partage pas les critiques du vérificateur général à cet égard. Il a été un peu sévère à l'endroit de l'Office national des transports. Il n'a certainement pas suggéré de moyens de mesurer ces divers aspects quantitativement et objectivement.

M. Collins: Vous avez été très aimable. J'apprécie vos observations, car différents témoins se présentent ici et expriment différentes opinions. Vous avez raison de dire que, s'il faut exprimer son opinion, il vaut mieux que ce soit en termes constructifs compris par le profane qu'en jargon administratif. Il y a tellement de niveaux de responsabilité en l'occurrence que personne ne semble vouloir exprimer une opinion. les gens ne font que parler pour ne rien dire et tout cela finit par se résumer par «Qui avait raison?» Il ne s'agit pas d'avoir raison, mais de faire ce qu'on a à faire.

Je viens de découvrir dans le rapport certaines observations à propos desquelles vous avez sûrement quelque chose à nous dire. Êtes-vous d'accord pour dire qu'on peut raisonnablement estimer à 10 000$ par mille le coût d'abandon d'un embranchement?

M. Heads: Avant de répondre, monsieur Collins, je voudrais faire une mise au point pour être bien franc. J'ai dit que je n'avais pas travaillé pour l'Office national des transports, et c'est exact. Je me suis cependant occupé de l'application des dispositions de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest pour le compte de la Commission canadienne des transports de 1984 à 1987. Si cela avait été encore ma responsabilité, j'aurais fait l'objet des observations du vérificateur général. Je n'y travaille plus depuis 1988, mais il me paraissait nécessaire de faire cette mise au point par souci d'honnêteté intellectuelle.

Il est très intéressant que vous souleviez cette question des 10 000$. Je ne suis pas d'accord, car le chiffre me paraît trop faible. À l'heure actuelle, la moyenne des coûts afférents aux lignes pour les embranchements tributaires du transport du grain s'établit à environ 14 000$. Le Comité pourrait obtenir un chiffre plus précis auprès de l'ONT, mais c'est quelque chose de cet ordre, plutôt que 10 000$. Autrefois, quand un embranchement était abandonné, l'agriculteur bénéficiait pleinement des 14 000$ grâce au barème. On propose maintenant de le faire bénéficier de 10 000$ seulement.

Je ne sais pas très bien ce qui motive cette proposition, mais il n'est que très marginalement vrai que cela incitera davantage les compagnies de chemin de fer à abandonner des embranchements. Quand elles abandonnent un embranchement, cela leur permet d'économiser environ 14 000$ par mille de voie ferrée. Ces 14 000$ par mille entrent ensuite dans le calcul du barème et le montant total payé aux compagnies de chemin de fer s'en trouve réduit d'autant.

Si le CN abandonne un embranchement, cependant, il ne perd pas 14 000$ par mille dans le calcul du barème; ce montant est partagé également entre le CN et le CP. Quand le CN abandonne un embranchement, il obtient tout le bénéfice de cet abandon, même si l'agriculteur a bénéficié des 14 000$ le mille. D'après le mode de calcul du barème, le CP supporte 7 000$ du coût et le CN, 7 000$. Le CN a donc déjà une incitation à se débarrasser d'autant d'embranchements que possible, mais en même temps, il souhaite voir le CP conserver des embranchements de ce point de vue-là, et vice-versa.

Le seul inconvénient de cette formule, c'est que si les compagnies de chemin de fer se débarrassent de trop d'embranchements, cela réduit leurs coûts d'exploitation, mais elles perdent des possibilités de transport du grain. Je devrais modifier cette dernière affirmation en disant qu'une compagnie de chemin de fer veut se débarrasser de certains embranchements, mais seulement si elle peut être raisonnablement sûre de pouvoir conserver le transport du grain sur les embranchements qui lui appartiennent.

Le président suppléant (Mme Cowling): Au nom du Comité, je tiens à remercier M. Heads d'être venu à Ottawa et de nous avoir fait cet exposé très instructif.

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Nous allons maintenant entendre M. Kraft.

M. D. Kraft (professeur, Département «Agricultural Economic Farm Management» Université du Manitoba): Merci, madame la présidente.

Dans ce domaine des transports et de l'agriculture des Prairies, comme je fais partie de l'Université du Manitoba depuis une vingtaine d'années, je puis dire que j'ai un classeur rotatif consacré à ce sujet. Le sujet s'est présenté tous les trois ou quatre ans depuis que je travaille à l'université. J'ai été invité plusieurs fois à étudier le sujet ou à participer aux travaux de commissions de recherche dans ce domaine.

Cette fois-ci, quand on m'a invité à faire un exposé devant votre sous-comité, il m'a fallu consulter de nouveau ce classeur rotatif; il faudra peut-être en archiver le contenu dans deux ou trois ans étant donné que ce sujet et les données qui s'y rattachent ne seront plus pertinents.

J'ai préparé un bref aide-mémoire; vous voudrez peut-être écrire des observations dans la marge pour que je ne m'écarte pas du sujet. Je situerai mon exposé dans le contexte de la réforme des subventions et des mesures de soutien aux chemins de fer, c'est-à-dire la raison pour laquelle nous sommes réunis ici.

Nous pourrions revenir aux mémoires que j'ai présentés il y a plus d'un an, après avoir vu le Canada signer l'accord du GATT. À l'époque, connaissant la nature de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et sa contribution au financement du transport des grains, je savais qu'il était absolument impossible que le gouvernement canadien puisse respecter l'engagement qu'il avait pris dans le cadre du GATT et continuer à offrir cette forme de subvention. Il n'était donc pas étonnant qu'il annonce par la suite dans l'exposé budgétaire les réformes qu'il entendait faire.

Dans ce contexte, nous devons examiner ce qui a réellement provoqué la réforme des mesures de soutien et des subventions aux chemins de fer. Il s'agit de l'engagement que le Canada a pris dans le cadre du GATT à l'égard des subventions à l'exportation. Nous avons donc affaire à une réforme des subventions au transport dans un contexte où tout le reste à l'extérieur du Canada change aussi.

Nous ne pouvons pas nous concentrer uniquement sur l'agriculture des Prairies et la réforme des subventions aux chemins de fer, car nous avons promis de réduire ces subventions si les autres États signataires de l'accord du GATT remplissent leur engagement à réduire leurs propres subventions à l'exportation. Pour vous rafraîchir la mémoire, je ferai brièvement remarquer que la valeur des subventions à l'exportation devra avoir été réduite de 36 p. 100 d'ici l'an 2001, tandis que la quantité des produits qui sont admissibles à un soutien devra avoir été réduite de 21 p. 100.

Les membres de l'Union européenne et les États-Unis, qui sont les pays qui subventionnent le plus les grains et les oléagineux, devront donc eux aussi effectuer des changements, et la politique agricole commune a déjà changé. Elle a changé en prévision de la conclusion de l'accord du GATT.

Le projet de loi agricole des États-Unis, dont vous suivrez attentivement l'étude, prévoit également quelques changements. C'est donc dans ce contexte que nous parlons de l'avenir de l'agriculture des Prairies et des mesures d'adaptation qui s'imposeront. Nous ne parlons pas seulement d'une réforme des subventions au transport, mais aussi d'une transformation du marché mondial.

Dans ce contexte, nous devons donc examiner l'incidence que l'accord du GATT aura probablement sur les prix mondiaux du blé, des oléagineux et des céréales fourragères à partir de Vancouver et de Montréal. Dans leurs analyses, la plupart des économistes s'accordent pour dire que les prix augmenteront à mesure que les subventions diminueront. Ils s'entendent également pour dire que la hausse des prix à l'échelle mondiale ne sera pas aussi forte que la diminution des subventions. Par conséquent, si la subvention diminuait de 10$ la tonne pour le blé, le prix mondial n'augmenterait pas d'autant, peut-être de 6$ à 7$ la tonne à mesure que diminuera le niveau de cette subvention à l'exportation.

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Les divergences d'opinion parmi nous oscillent entre un chiffre proche du niveau de subvention et 50 p. 100 du niveau de subvention. Les études sur le sujet concluent généralement que la hausse des prix ne correspondra pas à la réduction des subventions.

Du point de vue du Canada, il faut examiner dans quelle mesure les produits agricoles que nous exportons sont touchés par les subventions mondiales avant de pouvoir dire de combien augmentera le prix qu'en obtiennent les agriculteurs des Prairies.

Prenons d'abord un produit comme le canola: quand nos exportateurs de céréales commerciales se rendaient compte que ce produit bénéficiait d'une subvention à l'exportation sur un marché, ils ne voulaient plus y offrir leur produit. Dans le cas du canola, en effet, toutes nos exportations étaient écoulées sur les marchés commerciaux. Elles ne bénéficient d'aucune subvention. L'accord du GATT n'aura donc presque aucune incidence sur le prix que les agriculteurs de l'Ouest touchent pour le canola, car ce produit n'était pas vendu sur les marchés subventionnés. Il ne pouvait tout simplement pas y soutenir la concurrence.

Quant aux céréales fourragères et au blé - lequel est le grain le plus fortement subventionné et représente au total près des deux tiers de nos exportations - dans ce contexte particulier, nous écoulons une certaine partie de notre blé sur des marchés exclusivement commerciaux, qui ne sont pas subventionnés. Nous en vendons une certaine partie sur des marchés modérément subventionnés et nous écoulons le reste sur des marchés fortement subventionnés. Étant donné que le blé est commercialisé selon un système de mise en commun, le prix que les céréaliers en obtiennent est établi d'après le mélange des ventes sur tous les marchés. Pour déterminer à quel point notre prix changera, il faut vraiment analyser dans quelle mesure les subventions à l'exportation vont changer marché par marché.

D'après l'étude que j'ai entreprise avec un collègue à la Commission canadienne du blé, d'ici la fin de l'application de l'accord, la hausse du prix du blé canadien - la seule variable étant la subvention à l'exportation - sera probablement de l'ordre de 6$ à 10$ la tonne. La subvention à l'exportation est le seul élément de l'équation qui change.

Nous savons que, sur le marché mondial, plusieurs autres facteurs changent à part la subvention à l'exportation. Dans ce contexte, le gouvernement canadien a effectivement supprimé la totalité de la subvention à l'exportation dont bénéficiaient les agriculteurs des Prairies et qui s'établissait probablement en moyenne à environ 15$ la tonne. Si rien d'autre ne changeait à part les subventions à l'exportation et la réforme des subventions canadiennes au transport, cela se traduirait probablement, pour tous les grains, par une réduction des revenus des producteurs de grains et d'oléagineux des Prairies.

Il faut cependant espérer que d'autres événements se produisent, que la demande mondiale augmente et que les prix s'élèvent de sorte qu'ils fassent plus que compenser la perte du revenu que représentait la subvention au transport. D'après mon analyse, cependant, le marché mondial ne remplacera pas la subvention versée au titre de la LTGO. Dans ces condition, les producteurs canadiens de grains et d'oléagineux toucheront donc des revenus moindres - si les subventions sont les seuls facteurs à changer - Au cours de la prochaine décennie ou durant l'application de l'accord.

De plus - et je passerai rapidement en revue mes notes de la deuxième page - des changements sont également prévus aux comptes des livraisons en commun de la Commission canadienne du blé, et il faudra pour cela modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé. À l'heure actuelle, les paiements tirés des comptes de livraison en commun sont établis en fonction des livraisons de grains à Thunder Bay, aux ports du Pacifique et à Churchill. S'y ajoutent les coûts encourus par la Commission canadienne du blé pour expédier les grains destinés à l'exportation en passant par la voie maritime du Saint-Laurent, ou expédiés directement par rail aux États-Unis ou expédiés en sens inverse - c'est-à-dire les grains venant de la Saskatchewan et du Manitoba dont le prix serait normalement établi sur la base de Thunder bay, mais qui sont acheminés à Vancouver. À l'heure actuelle, tous ces coûts sont partagés par tous les participants à la mise en commun.

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On propose d'affecter ces coûts de commercialisation au point d'origine de ce grain, et dans ce contexte, il ne s'agit pas d'une subvention accordée dans toutes les Prairies, mais d'un transfert de coûts.

À la suite de la réaffectation de ces points d'expédition et des coûts reliés au transport du grain à partir de n'importe quel point d'origine, les coûts de transport du blé et de l'orge à partir de la partie ouest des Prairies vont diminuer. Les recettes de ces agriculteurs vont s'accroître. Dans l'est des Prairies, comme au Manitoba, les agriculteurs paieront par contre beaucoup plus à la suite de la décision de tirer une ligne à partir de Melfort, en Saskatchewan, directement au sud ou juste un petit peu à l'Ouest de Melfort.

Ainsi, il est question de deux sortes de modifications dans la politique des transports. Il s'agit des tarifs ferroviaires subventionnés et d'un transfert des coûts par l'entremise des comptes de mise en commun de la Commission canadienne du blé. Le prix du blé et de l'orge va baisser à la ferme ou les agriculteurs seront forcés d'assumer davantage de coûts que ceux de la partie est des Prairies, c'est-à-dire une plus grande proportion des coûts reliés au transport ferroviaire du grain.

Ces deux changements vont donc de pair. Nous examinons ensuite ce qui va se produire dans le secteur de l'agriculture dans les Prairies. Nous passons à notre troisième page de notes. Je pense qu'il faut examiner cela à court terme puis à long terme. Par court terme, on entend deux à trois ans; le long terme signifie probablement plus de 10 ans, les agriculteurs prenant plus de temps pour modifier leurs décisions. Il y a certaines chose qu'on peut changer rapidement, mais d'autres qui prennent du temps.

Manifestement, à la suite de ces changements et du fait que les producteurs de grains et d'oléagineux auront moins de revenus, ils vont chercher d'autres façons d'utiliser leurs terres. Celles qui vont être immédiatement visées seront les terres fragiles et à faible productivité qui donnent de faible rendements céréaliers et ne permettent pas aux agriculteurs de rentrer dans leurs frais.

À court terme, nous croyons que d'ici deux à trois ans, il est probable qu'on assiste à une réduction de plus de 2 à 3 p. 100 des quantités de céréales produites, les agriculteurs décidant de consacrer des quarts de sections, des demi sections ou des sections entières aux plantes fourragères, qu'on s'en serve comme pacages ou comme foin pour nourrir les animaux en hiver.

À long terme, des ajustements encore plus grands vont se produire, car les agriculteurs doivent faire le bilan de tout le matériel qu'ils utilisent pour produire du grain, de tous leurs frais généraux et même du temps et des efforts qu'ils consacrent à cette production pour voir si cela vaut la peine. À long terme, nous prévoyons une réduction de plus de 10 p. 100 peut-être de la production du secteur du grain et des oléagineux des Prairies et, en retour, une expansion du secteur de l'élevage, surtout du boeuf de boucherie.

Les répercussions ne sont pas les mêmes dans toutes les Prairies. Comme on peut s'y attendre, les agriculteurs de l'est auront le plus à s'adapter, à cause de leur structure de coûts et de leurs rendements. Ce sont eux qui sont confrontés par la plus forte augmentation de leurs coûts et qui voient leur rendement baisser le plus. La majorité de ces changements se produiront probablement au Manitoba, dans la partie est de la Saskatcheman et dans l'ancien triangle Palliser.

À la suite de cela, il est probable que nous soyons témoin d'une expansion importante des troupeaux de boeufs de boucherie, qu'il s'agisse des bêtes de reproduction ou, vu la plus grande abondance de fourrage, de la semi-finition. Je n'ai pas parlé de cela. En fait, la finition des animaux va se produire et on assistera à une expansion du secteur de la transformation de la viande. C'est une possibilité, mais ces débouchés ne sont pas reliés directement au transport; ils doivent découler d'autres facteurs.

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En ce qui concerne l'industrie du porc, je suis loin de prévoir la même croissance que dans le cas du boeuf, surtout parce que dans le cas du boeuf, on peut utiliser des terrains sur lesquels il n'était plus rentable de produire des grains et des oléagineux. Le porc va nécessiter des céréales fourragères moins coûteuses.

Je ne suis pas persuadé que, dans les Prairies, le prix de l'orge va baisser de façon marquée par rapport à son niveau actuel. En fait, je pense que l'orge va être une culture servant à la consommation intérieure. Nos exportations d'orge pourraient, certaines années, être pratiquement nulles, si on fait exception de l'orge de brasserie. On va cultiver l'orge aux fins de la consommation dans les Prairies et, dans ce contexte, le secteur de l'élevage devra signer des contrats à terme pour sa production d'orge, afin que les agriculteurs ne cultivent pas du canola ou du blé.

Étant donné qu'on subventionne beaucoup l'orge depuis 10 ans, le secteur de l'élevage a profité durant tout ce temps de prix auxquels les agriculteurs ne pourraient pas continuer à vendre si des subventions n'étaient pas versées dans le monde entier, c'est-à-dire au sein de la Communauté européenne, aux États-Unis et au Canada. Au fur et à mesure de la disparition de ces subventions, les prix mondiaux de l'orge vont augmenter et ce produit sera alors en concurrence avec le maïs.

On a moins subventionné le maïs et le secteur du porc dans l'Ouest du Canada, doit alors se demander si, vu son coût, l'orge peut concurrencer le maïs vendu aux États-Unis en tant que principale source d'alimentation. À ce stade-ci, je doute qu'en fait, l'orge puisse, à l'avenir, être une source d'alimentation peu coûteuse et capable de concurrencer le maïs dans le cas de l'industrie du porc. J'ai donc de grandes réserves au sujet de la croissance du secteur du porc dans les Prairies, alors que je prévois une forte croissance du secteur du boeuf.

En ce qui concerne les secteurs laitier et avicole, étant donné la structure actuelle au sein du système de gestion de l'offre au Canada, il n'y a aucune possibilité de croissance, à moins que vous puissiez convaincre vos autres collègues provinciaux que vous avez droit à une plus grande part de marché, ce qui est peu probable.

Pour ce qui est des exportations, même avec un accroissement des rendements, les exportations de grain et d'oléagineux ne feront, au mieux, que se maintenir et baisseront probablement. Qui a exporté? Ce sera l'industrie du boeuf. Il suffit d'examiner les échanges commerciaux entre l'ouest du Canada et les États-Unis pour constater que depuis l'entrée en vigueur de l'Accord commercial Canada-États-Unis, nos exportations de boeuf aux États-Unis ont augmenté d'environ 750 millions de dollars en cinq ans. La croissance de cette industrie a donc été très rapide et elle va probablement se maintenir tant que ce secteur pourra avoir accès au marché américain.

En ce qui a trait à la manutention et au transport du grain, je pense que les expéditions de grain vont baisser. Les volumes de grain vont diminuer à la suite des changements dans le domaine du transport et du fait que les prix mondiaux ne se maintiennent pas à un niveau rentable. Ainsi, à l'heure actuelle, nous avons probablement un système trop lourd, c'est-à-dire qu'il y a trop d'entrepôts pour le grain et de voies de chemins de fer pour transporter ce grain.

De plus, à la suite de la baisse des volumes, on a une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est de rationaliser le système en fonction des coûts et des recettes. On va assister à des regroupements et à une réduction du nombre d'embranchements; il y en a maintenant 6 000. Ils servent à transporter la moitié du grain. Il est clair qu'il va y avoir une certaine réduction des coûts des chemins de fer, mais comme M. Heads l'a déclaré, les chemins de fer s'inquiètent également beaucoup de la réduction des recettes découlant de l'abandon d'un embranchement. Ainsi, il est improbable qu'on assiste à un abandon massif des embranchements. Cela ne se fera que dans le cadre d'un plan bien précis. Les compagnies espèreront conserver les mêmes volumes malgré l'abandon d'une ligne donnée. Ainsi, dans ce contexte, elles vont se livrer à toutes sortes de manoeuvres. Elles veulent réaliser des économies, sans pour autant se priver de recettes.

Ainsi, il est très difficile de prévoir combien de ces 6 000 lignes vont disparaître en fonction des volumes de grain que chaque ligne va éventuellement attirer. La décision ne sera pas basée simplement sur les coûts. Dans un cadre moins réglementé, les chemins de fer vont tenir compte des recettes.

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En ce qui concerne les élévateurs primaires, il y en a maintenant plus de 1 200. À l'heure actuelle, vu leur taille et les volumes de grain pouvant être manutentionnés, le nombre d'élévateurs qu'on construit pourrait s'élever à 300 - c'est exactement le chiffre auquel on arrive si l'on applique aux 15 prochaines années la réduction du nombre d'élévateurs primaires qui s'est produite au cours des 15 dernières années.

Ainsi, si la tendance se maintient, dans 15 ans, le nombre d'entrepôts recevant du grain aura baissé de beaucoup plus que la moitié. C'est le nombre auquel on arrive en fonction des installations qu'on construit à l'heure actuelle et de leur capacité de manutention.

Ainsi, quelle que soit la façon dont on examine la question, les compagnies céréalières vont regrouper très rapidement leurs installations de collecte du grain. Leur emplacement dépendra des lignes de chemin de fer qui peuvent desservir ces points de collecte au moindre coût possible.

En ce qui concerne les wagons-trémies, je ne veux pas m'attarder là-dessus. Le professeurs Heads en a parlé très clairement. Je pense qu'il importe peu de savoir qui les possède. Ce qui est important, c'est qu'on les confie à des intérêts privés. En effet, tant qu'ils appartiennent à la Couronne, on a tendance à faire prendre les décisions sur l'attribution par un comité. Je ne voudrais en rien dénigrer un comité comme le vôtre, mais, souvent, la façon la plus efficace d'affecter un wagon à une compagnie céréalière ou une culture donnée ne consiste pas à confier cette tâche à un comité.

Je me fiche vraiment de savoir qui devient propriétaire des wagons. Ce pourrait être la Commission canadienne du blé, les compagnies céréalières ou les chemins de fer ou on pourrait les vendre. Ce qui importe, c'est de les confier à quelqu'un. Une fois cela fait, le problème de la répartition sera minimisé, car les propriétaires de ces biens de grande valeur jugeront dans leur intérêt de s'en occuper le mieux possible et je suis persuadé qu'on constatera une nette amélioration en ce qui concerne l'utilisation, la durée de rotation et l'efficacité.

Je ne porte donc aucun jugement quant à savoir à qui on devrait les céder ou comment on devrait procéder pour ce faire, mais je vous exhorte tout simplement à les confier à des intérêts privés le plus rapidement possible. La Commission canadienne du blé pourrait être une candidate. Elle possède 2 000 wagons à l'heure actuelle. Si la population le désire, il serait tout aussi efficace d'accroître sa flotte, de lui laisser le soin d'administrer ses wagons.

En ce qui a trait au cinquième point, l'indemnisation, le mode d'occupation des terrains - la location de terres agricoles - est une tradition qui remonte à bien longtemps dans les Prairies. On négocie chaque année des baux, qu'il s'agisse de baux à métayage d'un an, deux ans, trois ans, quatre ans ou cinq ans. Les conditions de ces baux varient d'un cas à l'autre. Ils reflètent des circonstances particulières en ce qui concerne le locataire, le propriétaire et les terres elles-mêmes. Étant donné que j'étudie le marché des terres agricoles depuis que je suis à l'Université du Manitoba, je sais qu'il fonctionne extrêmement bien sans une très grande ingérance gouvernementale. Le gouvernement n'a pas jugé bon de se mêler des baux signés par les agriculteurs. Personne ne se plaint de la façon dont nous sommes traités par nos propriétaires. Je ne vois aucune raison pour que cela change si vous placez 1,6 millions de dollars sur la table.

Les propriétaires sont conscients du fait que leurs locataires vont supporter des coûts plus importants à compter du 1er août. Ils savent leurs terres vont leur rapporter moins. Depuis toujours, le montant des baux augmente ou diminue en fonction de la capacité de payer du locataire. Il est évident que ce sera un autre facteur dont on tiendra compte. Étant donné que le propriétaire va recevoir cet argent et que les coûts des locataires vont augmenter, il est probable que les loyers vont baisser graduellement pendant deux ou trois ans pour tenir compte de l'argent reçu par les propriétaires sous forme d'indemnité. J'ai arbitré certains cas où les propriétaires et les locataires avaient du mal à s'entendre. À la fin, les intéressés en viennent généralement à comprendre la position de l'autre partie. Je n'ai jamais eu à arbitrer à nouveau une cause à la suite d'une divergence d'opinion.

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Ainsi, les baux peuvent refléter ce type de changement et je crois qu'ils vont le faire.

À l'avenir, le marché immobilier va subir une baisse quand les revenus tirés des terres agricoles, c'est-à-dire les loyers que les propriétaires pourront toucher, vont baisser. Cela ne diffère en rien d'une obligation de laquelle on détache un coupon. Lorsqu'une personne possède une terre agricole et détient les titres de propriété pertinents, le bail correspond au coupon. Si le loyer baisse, le prix de la terre va baisser lui aussi. Si vous ne me croyez pas, je tiens à vous dire que le prix des terrains dans les Prairies est environ la moitié de ce qu'il était en 1982. Ainsi, en dix ans, lorsque le rendement tiré des terres diminue, le marché s'ajuste.

À la suite de ce changement particulier, si nous pensons simplement à la réfome des transports et à la réduction des revenus tiré des baux, je crois qu'on pourrait assister, vu le comportement du marché foncier dans le passé, à une réduction pouvant aller jusqu'à 20 p. 100 de la valeur des terrains. Dans ce contexte, la somme de 1,6 milliards de dollars est bien loin de contrebalancer la perte totale subie par les propriétaires dans les Prairies. Cette indemnité ne compense qu'en partie leurs pertes.

Dans ce cas, je suis en fait très surpris de constater qu'aux réunions d'agriculteurs au cours desquelles je prends la parole, le débat sur ce projet de loi porte sur la façon de diviser cette somme et non sur le montant lui-même. Je crois que, dans les deux ou trois prochaines années, on réfléchira davantage à la question et on se dira que ce montant de 1,6 milliards de dollars était loin de suffire. Cependant, à l'heure actuelle, il n'en est pas question. On se contente de parler de la façon de diviser cet argent.

Les gens parlent des changements sur les marchés mondiaux. Ils se disent que l'augmentation des prix mondiaux des céréales va être supérieure à la réduction de la subvention aux transports, qu'ils auront davantage de clients avec plus d'argent et qu'ainsi personne ne verra la différence, car les recettes seront supérieures.

Cependant, à la suite de ces changements seuls, si rien d'autre ne se produit, on aboutira probablement en définitive à une réduction des prix des terrains. Cela prend non pas un ou deux ans, mais quatre ou cinq. Il faut un certain temps pour que les effets se fassent sentir. Dans les Prairies, ce changement à lui seul - le fait de retirer cet argent aux producteurs céréaliers des Prairies - entraînera surtout une perte de richesse pour tous les propriétaires de terrains.

M. Collins: Merci beaucoup. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié votre exposé sur les indemnités prévues. Le ministre pense à l'heure actuelle qu'elles vont être partagées entre le propriétaire et la personne qui paie un loyer. Parmi tous les gens qui sont venus et m'ont fait part de leurs préoccupations, je pense que 90 p. 100 étaient des locataires. Ils voulaient être sûrs qu'ils auraient leur mot à dire au sujet de la façon de distribuer cet argent au mieux de leurs intérêts.

Avez-vous des problèmes avec la position du ministre?

M. Kraft: À la suite de ce changement, je m'attends à ce que, dans la plupart des cas, propriétaires et locataires modifient les baux par consentement mutuel et que les deux parties tiennent compte de leurs augmentations respectives de coûts et de revenus. Pour l'avenir, ces locataires ont exprimé une crainte. Je sais qu'ils craignent que, s'ils déplaisent à leur propriétaire, ce dernier décide alors d'offrir sa terre à quelqu'un d'autre dans le voisinage.

Le fait est que tous les autres locataires sont confrontés à la même situation, c'est-à-dire une augmentation des coûts de transport ferroviaire variant de 10$ à 25$ la tonne, pour expédier, par exemple, du canola vers Vancouver à compter du premier août. Cela entraîne une baisse de leurs revenus.

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Donc, un propriétaire qui croit pouvoir trouver un locataire qui paierait autant qu'avant la réforme du transport, se trompe. À mon avis, les parties s'arrangeront entre elles, même s'il existe certainement des propriétaires et des locataires qui ne sont pas raisonnables.

Si une tierce partie doit servir d'arbitre pour la répartition de ces fonds et pour la reformulation ou la renégociation du bail, cela me semble une mesure de protection raisonnable. Pourtant, je serais étonné que plus de 1 ou de 2 p. 100 de ceux qui sont concernés par ces baux, viennent demander de l'aide parce qu'ils n'arrivent pas à s'entendre. Cependant, trancher les différends touchant ces 1 ou 2 p. 100 pourrait bien prendre beaucoup de temps et épuiser le budget du ministre. Le processus nécessite parfois deux ou trois réunions plutôt qu'une, et c'est dans ce contexte-là, je crois, qu'il offre certaines mesures de protection. On espère, pourtant, qu'une fois qu'un ou deux précédents auront été établis par l'arbitre, tout le monde comprendra comment la décision a été prise et qu'il n'y aura plus besoin d'arbitrage.

M. Collins: Je connais des cas particuliers à Estevan et aux alentours. Dans un cas, un type louait auprès de cinq agriculteurs différents. Or, maintenant ses négociations vont être pas mal complexes. Il est parfois terriblement difficile de marchander, surtout quand il s'agit de le faire avec de la parenté.

Vous notez ici que la valeur des terres a baissé à partir de 1982. Quels facteurs avez-vous identifiés? Je vois que, selon vous, la valeur des terres a baissé jusqu'à 20 p. 100.

M. Kraft: Nous notons que certains facteurs peuvent avoir effet sur les revenus de la production de céréale. Si rien ne change que le transport et si le transport est le seul facteur à changer d'ici cinq ans, je dirais que, vu l'évolution du marché des terres agricoles par le passé, une baisse maximale de 20 p. 100 serait possible dans le cas des terre qui servent exclusivement à la production de céréales et d'oléagineux - nous ne parlons pas ici des pâturages ou des terres améliorées.

M. Collins: J'ai regardé la situation au cours des dernières années. Par le passé, la valeur des terres a baissé, et maintenant d'autres facteurs vont entrer en jeu.

M. Kraft: La valeur des terres a baissé le plus rapidement entre les années 1982-1983 et 1986. À ce moment-là, certains des programmes de soutien du revenu sont entrés en jeu. Si ces programmes n'avaient pas existé au début des années 1990, la baisse du marché aurait été beaucoup plus marquée. Si les programmes qui assurent certaines rentrées d'argent et un transfert de revenu aux agriculteurs des Prairies ne sont pas modifiés, ce changement spécifique servira à contrebalancer cet impact.

Mais, à la lecture du dernier budget, je dirais, par rapport à ce qu'elles ont été au cours des ou cinq dernières années, les sommes consacrées aux programmes de soutien du revenu vont vraisemblablement diminuer aussi. Donc, les programmes de soutien du revenu sont compromis, les coûts de transport sont en train de changer et, à vrai dire, les revenus provenants de la production de blé, d'oléagineux et de graines fourragères dans les provinces des Prairies diminuent à cause du rôle moins important du gouvernement.

M. Collins: Croyez-vous à la possibilité de produits agricoles et agro alimentaires dérivés qui nous permettront d'éviter le transport sur de longues distances et d'avoir une production ici dans les Prairies?

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M. Kraft: Les Prairies auront une économie axée sur l'exportation. Il s'agit de découvrir quels produits pénétreront vraisemblablement ces marchés d'exportation à l'extérieur des Prairies. En ce moment, ce qui me paraît le plus prometteur sur la base des réussites des cinq dernières années, c'est l'industrie du boeuf. Dans cette industrie, nos exportations d'animaux vivants augmentent, ce qui veut dire qu'une plus grande partie du processus d'engraissement se fait à la ferme même, probablement jusqu'à l'abattage. Il y a aussi une importante augmentation des exportations de viande transformée à partir de deux installations en Alberta. Pour ce qui est de la possibilité que ces changements mènent à un plus grande expansion des installations de traitement de la viande et du nombre d'animaux engraissés dans les Prairies, je dirais que c'est sans doute ce secteur qui offrira la meilleure croissance en matière de valeur ajoutée.

La valeur ajoutée en ce qui concerne les céréales et les oléagineux va dépendre surtout de ce qui se passe dans l'industrie des oléagineux et de la trituration du canola, ce qui est lié au marché américain et à la pénétration sur ce marché de l'huile végétale produite au Canada. Nous avons de bons résultats depuis sept ou huit ans. Si cette tendance se maintient, notre capacité de production ne sera pas suffisante. Il va falloir construire plus d'installations. Leur localisation - dans les provinces des Prairies ou dans les états du Nord des États-Unis - n'est pas... D'autres facteurs à part le transport entrent en jeu. Donc je ne peux pas me prononcer facilement.

M. Collins: Quand j'étais au Japon, une chose que j'ai certainement remarquée à Tokyo, c'était que les gens ne pourront pas continuer à manger autant de poisson six jours par semaine. À mon avis, ils vont changer leur régime alimentaire pour y inclure du boeuf et du porc. Je ne suis pas économiste, mais il me semble que le Japon représente un marché potentiel excellent pour ce que nous pouvons produire ici dans les Prairies et nous devrions nous y intéresser rapidement.

M. Kraft: Ces marchés sont importants, mais nous avons trouvé un débouché sur le marché américain suite à l'expansion des exportations de boeuf américain au Japon. Donc, à mesure que le Colorado exportait plus de viande au Japon et en vendait moins à la Californie, l'Alberta a comblé le vide sur le marché californien. Les ventes prévues par ceux qui ont investi dans l'abattoir de High River concernaient uniquement le marché asiatique et très peu le marché américain. Pourtant, en termes de développement du marché, je pense qu'ils ont trouvé qu'il était plus facile de développer le marché californien et de s'y faire une place une fois que les Américains ont développé le marché japonais.

Donc, même si nous n'avons pas un accès direct aux marchés asiatiques, peu importe qui réussit à s'y implanter, tant que nous continuons à avoir un raisonnablement bon accès au marché américain et que les Américains continuent à exporter vers l'Asie.

Évidemment, nous aurions intérêt à nous diversifier et à avoir plus d'acheteurs que les seuls Américains, mais la consommation de viande rouge est à la hausse et les provinces des Prairies sont bien placées pour s'emparer d'une partie de la consommation mondiale accrue.

M. Collins: Ce qui me préoccupe plus, c'est le fait que, même si on pense qu'on peut arriver à s'entendre parce qu'on est voisins, il arrive un moment où quelqu'un comme M. Kantor - qui à mon avis, a un peu des oeillères - ne voit rien de tellement intéressant quand il regarde vers le nord. Un jour nous pourrions peut-être dire que c'est notre marché. Et puis tout d'un coup, comme on le voit pour l'industrie automobile, on est assujetti à une tarification de 100 p. 100, ce qui décourage certainement les ventes sur ce marché. Le problème est très sérieux à mon avis.

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M. Kraft: Je suis d'accord, il serait préférable d'avoir des acheteurs beaucoup plus variés.

Le président suppléant (Mme Cowling): J'aimerais aborder la question de l'équité et de la justice. En tant que parlementaire qui représente une circonscription du Manitoba, la région la plus éloignée d'un point d'exportation, j'aimerais savoir ce que vous croyez juste pour les producteurs du Manitoba et de l'est de la Saskatchewan, la circonscription que représente mon collègue. À votre avis, quelle partie des 300 millions de dollars que représentent ces mesures d'indemnisation le Manitoba devrait-il recevoir?

M. Kraft: Vous parlez en fait de deux modifications statutaires. Dans un cas, il s'agit d'une indemnité forfaitaire devant se monter à 1,6 millions de dollars. Dans l'autre cas, il s'agit d'une modification statutaire à la Loi sur la Commission canadienne du blé; que je sache, aucune valeur monétaire n'a été attachée à cette modification.

En ce qui concerne les frais principalement imputés aux comptes de blé, il y aura probablement une augmentation nette d'environ 7$ à 10$ la tonne. C'est ce dont on parle en ce moment. Le coût du transport ferroviaire a augmenter d'à peu près 12$ dans votre région; par ici, ce sera plus près de 15$. Vu le paiement pour les terres qui serait de l'ordre de 25$ l'acre chez vous, et l'augmentation de 12$ par tonne du taux de fret, le changement des coûts en ce qui concerne les comptes de la commission se monterait au moins à 5$, et plutôt à plus de 10$; à peu près la moitié de ce montant représenterait donc une compensation comparable et équitable pour une modification statutaire par rapport à la compensation offerte pour l'autre modification statutaire.

Ici, ça va représenter probablement à peu près 15$, et le coût supplémentaire se situera entre 9$ et 10$ en ce qui concerne les comptes du syndicat du blé. Le chiffre sera encore plus élevé à la ligne de démarcation qui passe par Melfort et descent ensuite plus au sud. C'est dans cette région que les coûts vont augmenter le plus.

En termes d'équilibre entre les deux modifications statutaires, je ne crois pas que 300 millions de dollars soient... les choses seront à peu près les mêmes des deux côtés, et je pense que ça va probablement vider la cagnotte.

Le président suppléant (Mme Cowling): Je suis contente d'avoir ce que vous venez de dire au procès-verbal, M. Kraft.

À plusieurs reprises durant votre exposé, vous avez indiqué que, à votre avis, nous pourrions bien nous tourner vers la production de bétail. Je suis revenue il n'y a pas longtemps d'une mission commerciale avec un groupe de parlementaires à Taïwan. j'ai été intéressée par leur énorme intérêt pour nos légumineuses et leur valeur protéinique. Je me demande si vous vous servez d'un modèle spécifique pour déterminer les raisons de la croissance potentielle de l'élevage et la possibilité de trouver des débouchés. De quel modèle vous servez-vous?

M. Kraft: Nous avons éxaminé une étude que nous avons entreprise l'été passé. Nous avons analysé toutes les provinces des Prairies, quart de section par quart de section, pour déterminer leur potentiel de production de blé, d'oléagineux et de cultures fourragères. Nous avons établi des budgets et calculé le coût de production de ces diverses récoltes partout dans les Prairies. Dans ces conditions, et si aucun changement n'était apporté à la politique des transports, aux programmes de soutien du revenu et à la mise en commun, notre analyse indique que nous devrions continuer à faire la même chose et que ce serait rentable. En fait, nous avons continué à exporter et à manutentionner à peu près 34 millions de tonnes de céréales par année. C'était ce qu'il fallait faire.

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Dès qu'on commence à éliminer certains de ces programmes, les terres considérées comme plus fragiles et produisant moins devraient plutôt être ensemencées en graminées et en légumineuses pour en faire des cultures vivaces. Nous calculons des revenues très modestes pour l'élevage.

Je ne veux pas y donner trop d'importance, mais nous prévoyions un changement en faveur de la production d'herbe dans certaines fermes où les terres sont de qualité inférieure et dans certaines vastes étendues qui se trouvent dans votre circonscription.

Sans le soutien accordé aux céréales et aux oléagineux, les agriculteurs seraient dans l'impossibilité de justifier leurs investissements dans beaucoup de ces terres si ce soutien était fortement modifié, comme dans le cas de la Loi sur les transports. Le quart de section ou la demi-coupe seraient plus rentables en pâturages, ce qui implique le retour du bétail à la ferme.

On va voir de grands changements dans les Prairies au cours de la dans la prochaine décennie...on reverra des bovins à viande à certains endroits où il n'y en a pas eu depuis 20 ans. Il deviendront un élément important. À ce moment-là, on se demandera si on peut agrandir les troupeaux comme notre étude le suggère. J'ai examiné ce qui c'était produit dans le passé et j'ai remarqué qu'en effet, on avait bien agrandi les troupeaux dans les provinces des Prairies au moins deux fois à des intervalles de 10 ans dans les proportions dont il a été question.

C'est un fait historique. Et, à moins d'une augmentation importante des prix mondiaux du blé et des oléagineux, c'est ce qui pourrait bien arriver simplement si c'est ce que les gens choisissent de faire. Comment encourager cela? À mon avis le gouvernement a tout simplement à s'écarter et à voir s'il existe des obstacles auxquels on peut remédier. Il n'y aura pas besoin de beaucoup d'aide pour y parvenir. Les agriculteurs prendront les décisions requises.

Le président suppléant (Mme Cowling): Dans votre étude, Monsieur Kraft, avez-vous examiné les pays asiatiques riverains du Pacifique et le marché européen? Vous avez parlé beaucoup du marché américain. Avez-vous aussi examiné le mouvement est-ouest de ce produit?

M. Kraft: Oui. En fait ce n'est pas nous qui avons étudié cet aspect, mais plutôt une compagnie internationale, qui a analysé les légumineuses et les marchés spéciaux. Nous avons inclus cela dans notre évaluation du rendement de l'assolement dans l'ensemble des Prairies. En effet, ces cultures continuent de couvrir d'importantes superficies. Les réductions concernent le blé et l'orge.

Le président suppléant (Mme Cowling): Merci. Je crois qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps et je vous remercie, M. Kraft, d'être venu à Ottawa. Votre exposé nous a beaucoup appris.

M. Kraft: Je vous remercie beaucoup.

Le président suppléant (Mme Cowling): La séance est levée.

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