[Enregistrement électronique]
Le mardi 30 mai 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Je souhaite la bienvenue à nos premiers témoins, Sid Wilkinson et Jim Caldwell de l'Association canadienne des éleveurs de bétail.
Sid, comme votre mémoire est en anglais seulement, nous ne l'avons pas distribué. Il faut qu'il soit traduit avant. Donc, si vous voulez bien nous en donner un bref résumé, nous passerons aux questions après.
M. Sid Wilkinson (président, Oléagineux, Comité de soutien du revenu, Association canadienne des éleveurs de bétail): Merci, monsieur le président, membres du Comité. Nous sommes heureux d'être des vôtres aujourd'hui et de pouvoir faire valoir nos vues.
L'Association canadienne de éleveurs de bétail représente près de 100 000 éleveurs de bovins de boucherie, au Canada. Il s'agit d'une fédération d'associations provinciales d'éleveurs. Nous vous remettrons un peu plus tard la liste de nos organisations membres.
L'ACEB est présente dans le débat sur la politique de transport du grain depuis le milieu des années 1970. Déjà, à cette époque, il était évident que les bas tarifs réglementaires pour le transport du grain destiné à l'exportation, créaient d'importantes distortions dans toute l'économie agricole du Canada. Ces distortions pesaient en particulier sur les décisions en matière de production et de commersialisation dans les Prairies. Elles ont été maintenues et même accentuées avec l'adoption de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, aux termes de laquelle les sociétés ferroviaires touchaient des subventions de l'ordre de près de 700 millions de dollars pour expédier des grains et autres denrées hors du Canada, ce qui constituait essentiellement une subvention à l'exportation.
Nous avons toujours réclamé des changements à la loi afin d'éliminer ces distortions et de favoriser la création d'un système efficient de transport et de manutention du grain. Toutefois, nous tenons à rappeler au Sous-comité que les éleveurs de bovins de boucherie ne réclament pas de changements à la politique ni d'initiatives qui abaisseraient artificiellement les prix du grain.
Comme nous le faisons valoir plus loin dans notre mémoire, la plupart de nos membres produisent et mettent en marché également des produits du grain. Toute réduction artificielle des prix du grain dans un secteur aurait des effets négatifs sur l'élevage bovin dans d'autres secteurs. Nous tenons essentiellement à ce que les prix du grain partout au Canada soient concurrentiels d'une région à l'autre, et à ce qu'ils soient concurrentiels par rapport au grain des autres régions du monde, particulièrement des États-Unis.
Face aux changements qu'on propose à la politique gouvernementale, l'Association canadienne des éleveurs de bétail est de manière générale favorable à l'abolition de la subvention à l'exportation que prévoit la LTGO et aux autres changements qui encourageront la création d'un système plus efficient de transport et de manutention du grain pour les producteurs de grains et d'oléagineux des Prairies. Nous croyons aussi que les changements que l'on propose au système actuel de mise en commun géré par la Commission canadienne du blé permettront de rationaliser davantage la production et la commercialisation partout dans les Prairies. Cependant, nous avons des réserves quant à la proposition visant à indemniser les producteurs pour la perte de la subvention et quant à la façon dont le gouvernement entend distribuer ces fonds.
Nous croyons qu'une telle indemnisation va créer un précédent que le gouvernement pourrait regretter. Aux vues de la situation financière du gouvernement, on utiliserait mieux cet argent en réduisant la dette fédérale ou en encourageant l'amélioration des infrastructures et la recherche. La distribution de l'indemnité entre les producteurs qu'on propose est injuste et contraire aux principes mêmes du gouvernement.
Le ministre a dit qu'il voulait indemniser les propriétaires terriens pour la baisse de la valeur capitalisée des terres arables subventionnées. Indemniser les agriculteurs uniquement pour les terres arables utilisées actuellement pour la culture de grains visés par la loi, c'est oublier le fait que la valeur de la subvention a été capitalisée pour toutes les terres des Prairies, et particulièrement pour toutes les terres cultivées, indépendamment du genre de culture. On pénalise ainsi les producteurs qui pratiquent l'assolement avec des cultures fourragères afin de diversifier leurs sources de revenus et de délaisser les monocultures destructrices. Nous implorons le gouvernement de revenir sur sa décision, et si l'on doit indemniser les agriculteurs, qu'on s'assure d'être juste et logique conformément à la politique du gouvernement visant à encourager la diversification et l'adoption de pratiques d'utilisation des terres durables.
En réponse aux questions, à la première, concernant le potentiel de valeur ajoutée et de diversification, nous croyons que l'abolition de la subvention aura à long terme un effet durable et bénéfique sur l'économie agricole de l'Ouest canadien, et d'ailleurs sur toute l'économie canadienne, et en conséquence, sur les collectivités rurales qui vivent de l'agriculture.
L'augmentation remarquable de la production et de l'engraissement du bétail en Alberta, où l'incidence de la subvention sur le secteur de l'élevage a été atténuée par le tarif conpensatoire du Nid-de-Corbeau, montre bien que les agriculteurs peuvent s'adapter rapidement aux changements du rendement relatif du capital. Ces changements vont varier selon les possibilités de production et de commercialisation dans chaque région.
Voici ce que nous entrevoyons pour le long terme: une augmentation de l'assolement avec des cultures fourragères, plus de vaches, et par conséquent plus d'engraissage et de conditionnement du bétail; et des activités associées de valeur ajoutée partout dans les Prairies. Une économie agricole plus diversifiée grâce à l'ajout de l'élevage produira une collectivité rurale plus forte, plus stable et plus propère.
À notre avis, ces changements peuvent se faire sans modifications à la politique ou aux nouvelles initiatives. Nous avons des réserves quant aux politiques et aux programmes du gouvernement qui visent à imposer ou à encourager des adaptations particulières. À notre avis, à moins qu'elles ne soient très bien pensées, de telles politiques ont plus souvent pour effet d'entraver ou de freiner les changements voulus au lieu de les favoriser.
Le gouvernement doit avoir pour rôle d'assurer la mise en place d'infrastructures suffisantes ainsi que d'une stabilité financière qui permettra aux producteurs de planifier les changements à apporter à long terme à leurs exploitations. Si le gouvernement a un rôle précis à jouer, ce ne peut être que d'encourager les activités de recherche et de vulgarisation qui aideront les producteurs à apporter les changements voulus à leurs exploitations.
Pour ce qui est de la deuxième et de la troisième question, qui concernent la création d'un système plus efficient de transport et de manutention du grain, nous n'avons pas d'opinion autorisée à ce sujet. Cependant, nous croyons que l'Ouest canadien continuera d'exporter sur les marchés mondiaux des grains et des oléagineux en grand quantité. La plupart de nos membres dans les Prairies produisent des grains et du bétail.
Nous croyons que l'abolition de la subvention, de concert avec les autres changements réglementaires qui sont proposés, devrait créer un environnement où l'on pourra commencer à rationaliser les systèmes de transport et de manutention du grain. Nous croyons fermement que cette rationalisation aura lieu plus rapidement si elle est impulsée par le marché. Pour cette raison, nous tenons à ce que l'on réglemente au minimum les tarifs, l'attribution des wagons et tout ce qui constitue une entrave dans le système.
Nous vous rappelons que tout le système d'approvisionnement, de transport, de manutention et de commercialisation du bétail a évolué avec la plus grande efficacité sans toutes ces structures organisationnelles et toutes ces contraintes réglementaires si coûteuses qui entourent le système de commercialisation, de transport et de commercialisation du grain.
La question 4 porte sur les mesures visant les terres louées. Nous admettons qu'un pourcentage élevé des terres cultivées dans l'Ouest canadien sont louées sous un régime ou un autre. Nous croyons que dans la vaste majorité des cas, l'effet des changements que nous réclamons pour les tarifs du transport et les indemnités seront pris en compte dans la négociation des nouvelles ententes de location, à la satisfaction des deux parties. C'est le marché qui déterminera le loyer que les locateurs vont payer et que les propriétaires vont exiger pour l'utilisation de ces terres.
Nous rappelons que les hausses normales dans le rendement commercial compensent souvent les effets que peuvent avoir les augmentations tarifaires qu'on propose pour le transport. Nous n'entrevoyons pas de circonstances où le gouvernement pourrait jouer un rôle utile ici.
À notre avis, si le gouvernement établit des procédures quelconques régissant l'arbitrage obligatoire, les producteurs seront moins pressés de conclure des accords bilatéraux, ce qui aura pour effet d'allonger et de compliquer le processus. C'est pourquoi nous disons qu'aucun mécanisme d'arbitrage gouvernemental n'est nécessaire. Il faut plutôt encourager les organismes gouvernementaux existants à communiquer des informations sur les effets financiers et autres des changements qui aideront les propriétaires et les locataires à négocier de nouveaux accords.
Nous vous remercions de votre attention et nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Wilkinson.
[Français]
M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Au début de votre exposé, vous avez mentionné que les formes de compensation devront être équitables. Pourriez-vous élaborer un peu là-dessus?
[Traduction]
M. Wilkinson: La distribution doit être équitable, et le gouvernement a déclaré dans son propre examen qu'il faut indemniser les producteurs pour la dévaluation des terres arables. À notre avis, ces terres vont perdre de leur valeur de toute façon, peu importe ce qu'on produit sur ces terres, qu'il s'agisse de céréales traditionnelles ou de cultures fourragères. Il faut donc indemniser les producteurs pour toutes les terres arables, au lieu de se limiter uniquement aux terres qui produisent des récoltes annuelles ou qui sont en jachère. Chaque ferme réduira ses superficies de cultures fourragères et celles des cultures annuelles du même nombre d'acres. C'est pourquoi l'indemnisation doit être identique.
[Français]
M. Crête: Les producteurs de grain et d'oléagineux représentent quelle proportion des membres de votre association? Les éleveurs forment-ils la majeure partie des producteurs ou bien une minorité d'entre eux?
[Traduction]
M. Wilkinson: C'est une question intéressante. En substance, nous représentons tous les éleveurs du Canada, et...
[Français]
M. Crête: Ce sont les éleveurs, mais vous avez dit, si j'ai bien compris, qu'un certain nombre d'entre eux, qui sont peut-être une majorité importante, sont aussi des producteurs de grain ou d'oléagineux. J'aimerais savoir quel est le poids relatif de ces éleveurs dans l'ensemble.
[Traduction]
M. Wilkinson: Cela varie beaucoup d'une région à l'autre. Si vous connaissez l'économie agricole de l'Ouest canadien, vous savez qu'il y a des secteurs qui sont essentiellement céréaliers et d'autres où les éleveurs de bétail sont majoritaires, là où il y a surtout des pâturages, les secteurs plus secs des Prairies.
Il y a aussi les grands secteurs dans le nord... la région des prairies-parcs et l'est des Prairies, où l'économie agricole se divise également entre producteurs de grains et de bétail. Dans ces secteurs, il y a des agriculteurs qui produisent beaucoup de grains et qui font aussi de l'élevage. Et dans ces mêmes régions, il y a des agriculteurs qui ne font que de l'élevage et d'autres qui ne produisent que du grain. C'est pourquoi il est difficile de répondre à votre question; il y a de grands écarts entre les producteurs et entre les régions. Mais nos membres qui sont éleveurs sont aussi ceux qui produisent une bonne part de la récolte céréalière. Dans plusieurs cas, ce sont les mêmes gens qui produisent les deux denrées.
Mais l'effet sur ces exploitations agricoles ne sera pas partout le même. Toutes les terres seront dévaluées du même montant, que le producteur s'en serve pour produire des cultures fourragères destinées à l'alimentation de son cheptel ou pour produire du grain destiné à l'exploitation. Il y aura dévaluation générale des terres. Le producteur sera indemnisé pour une partie de son exploitation mais pas pour l'autre.
Certains agriculteurs produisent des cultures fourragères pour la vente à l'extérieur, et dans certains cas, pour l'exportation, qu'elles soient déshydratées par... mais l'indemnisation qu'on propose couvrira une partie de cela.
Je vis assez près de la frontière américaine, et l'on exporte beaucoup de foin vers le Sud pour l'industrie laitière américaine. Les agriculteurs qui ont délaissé la production céréalière pour se lancer dans la production de luzerne afin de profiter de ce marché ne seront pas indemnisés. Ils ont agi ainsi pour ajouter de la valeur à leur production et la diversifier, ce que tout le monde juge nécessaire aujourd'hui dans les Prairies, et c'est évidemment le cas.
Ceux qui ont déjà pris des initiatives de ce genre ne seront pas indemnisés ici, et c'est justement le genre d'initiative qu'on veut encourager.
[Français]
M. Crête: Si vous aviez à nous dresser rapidement un portrait des effets qu'auront sur l'économie, d'ici dix ans, les changements prévus dans le projet de loi C-76, quel serait ce portrait?
[Traduction]
M. Wilkinson: Vous parlez de l'abolition totale de la subvention.
[Français]
M. Crête: Oui.
[Traduction]
M. Wilkinson: Je pense que ce sera très bon. Nous réclamons depuis des années des changements afin d'éliminer toute distorsion. Le gouvernement n'a pas jugé bon de procéder à des changements qui ne causent aucune distorsion.
C'est pourquoi notre position a changé l'automne dernier. Si nous ne pouvons apporter des changements qui auront pour effet d'éliminer toutes les distorsions... il y a trop de distorsions. Cette subvention fait plus de tort que de bien. Elle inhibe la croissance de l'industrie. Cela ne permet pas de transformation en produits à valeur ajoutée ou d'augmentation de l'élevage parce qu'on encourage les producteurs à exporter des matières premières plutôt qu'à exporter un produit à valeur ajoutée.
Si l'on paie le tarif complet sur les produits céréaliers qui quittent une région comme le Manitoba, où j'ai ma propre exploitation, lorsque ces produits parviennent à l'autre bout du monde, la part du prix qui correspond aux coûts de transport est presque égale à la valeur de l'orge lorsqu'il quitte le Canada. D'un point de vue économique, cela n'a pas de sens d'expédier ce type de produit aussi loin. On gagne davantage à transformer un peu plus cet orge pour en faire des aliments destinés à la consommation humaine et pour nourrir le bétail, qu'on exportera plus tard sous forme de boeuf, de porc ou de volaille mis en boîte.
Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Vous avez parlé de l'augmentation de l'élevage. Avez-vous utilisé un modèle qui vous permettrait de déterminer à quoi ressemblerait cette augmentation? Lorsque vous dites qu'il y aura augmentation de l'élevage, qu'est-ce qui vous permet d'affirmer cela? Avez-vous un modèle que vous avez utilisé?
M. Wilkinson: Avons-nous un modèle que nous avons utilisé? Étant donné que nous pouvons obtenir à des prix plus avantageux les matières premières que nous produisons près de chez nous, nous croyons que cela nous donne un avantage naturel dont nous ne pouvions tirer partie auparavant. À l'heure actuelle, un éleveur d'une autre région du monde paie essentiellement le même prix que moi pour l'orge qui pousse en face de chez moi. Nous avons dépensé beaucoup d'argent en frais de transport pour expédier ce produit juqu'à lui.
Disons qu'il est plus près des débouchés que nous recherchons nous aussi. Ses frais de transport ont été payés, mais je dois lui faire concurrence et ensuite exporter mon produit et assumer le total des frais de transport si j'exporte du boeuf.
Mme Cowling: Lorsqu'il s'agit de l'augmentation de l'élevage, quelle augmentation entrevoyez-vous? Par exemple, tachons d'imaginer à quoi ressemblera la situation dans dix ans.
M. Wilkinson: J'entrevois une augmentation relativement importante du cheptel partout dans l'Ouest, particulièrement en Saskatchewan et au Manitoba.
En Alberta, l'augmentation ne sera pas aussi importante parce qu'une bonne part de cette expansion a déjà eu lieu lorqu'on a introduit le tarif compensatoire du Nid-de-Corbeau. Vous êtes peut-être au courant des changements et des augmentations qui ont eu lieu. Le cheptel albertain a beaucoup augmenté, ainsi que le secteur de l'engraissement.
Nous entrevoyons une nouvelle expansion dans le secteur de l'engraissement, peut-être davantage en Saskatchewan et au Manitoba. Il n'y aura pas de changements importants, mais il y aura plus d'expansion dans cette région des Prairies parce que les prix des céréales fourragères seront plus avantageux là-bas. Le Manitoba n'exportera pas d'orge, à moins que ce ne soit vers les États-Unis. Ce n'est tout simplement pas payant. Ça ne marchera pas. Nous devons y trouver un meilleur emploi.
Même aujourd'hui, le marché de l'exportation n'est pas avantageux. La Commission canadienne du blé a du mal à trouver de l'orge pour ses navires en partance. Il en est ainsi parce que les éleveurs des Prairies touchent plus d'argent, et c'est à eux que les producteurs de grain vendent leur produit.
M. James Caldwell (directeur général adjoint et directeur des affaires gouvernementales, Association canadienne des éleveurs de bétail): Si l'on me permet une observation, on a déjà assisté au cours des deux dernières années à une augmentation de 11 p. 100 dans le secteur de l'élevage-naissage. Il n'y a donc pas que les changements dans l'industrie céréalière qui interviennent, il y a plusieurs autres facteurs. Il s'agit aussi de savoir s'il est rentable de continuer à produire du boeuf. Au cours des trois ou quatre dernières années, cette industrie a retrouvé une certaine rentabilité. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, mais c'était bel et bien le cas, ce qui explique aussi cette augmentation.
Mme Cowling: Je vais m'attarder un peu ici parce que je crois qu'il est important de comprendre votre industrie. J'aimerais parler du volet valeur ajoutée, et de la diversification. Entrevoyez-vous l'expansion du volet valeur ajoutée ici au Canada et l'exporation de produits transformés? Prenez-vous de l'expansion dans ce secteur?
M. Wilkinson: C'est sûrement ce que j'aimerais voir pour nos producteurs. Je ne fais pas moi-même de transformation, mais nous allons certainement faire tout ce que nous pouvons pour encourager ce secteur. La première chose à faire pour encourager cela dans un secteur en particulier, c'est d'engraisser le bétail sur place. Comme vous le savez, il n'y pas beaucoup d'installations de conditionnement et de transformation au Manitoba, mais s'il se fait plus d'engraissement sur place, nous verrons alors émerger ce type d'activité.
Nous entrevoyons une expansion en Alberta. Les deux grands conditionneurs augmentent tous deux leur production. Ils envisagent même de doubler leur capacité d'abattage. En outre, ils élargissent leurs activités de seconde transformation et de valeur ajoutée de telle manière que, plutôt que de vendre simplement de la viande de boeuf, ce sont des produits du boeuf emballés et estampillés qu'ils exportent dans une certaine mesure.
Ces organisations prévoient une expansion des marchés d'exportation pour les produits de marque. IBP s'apprête à se porter acquéreur des installations de Brooks, ce qui, selon moi, sera avantageux pour le secteur canadien de l'engraissement du bétail. Cette entreprise occupe une place importante sur les marchés d'exportation. Cela donnera une excellente occasion au Canada d'exporter davantage à l'échelle mondiale.
Mme Cowling: Je suppose que vous avez étudié les marchés sur lesquels cette production bovine sera écoulée. Pouvez-vous dire au comité quelle part ira au marché intérieur et quelle part ira à l'exportation? Également, où seront destinées les exportations?
M. Wilkinson: Le marché canadien du boeuf est stabilisé. La consommation au Canada ne va pas augmenter beaucoup, à moins d'une forte baisse des prix. Évidemment, ce n'est pas ce que nous cherchons.
Ainsi, toute expansion du secteur devra passer par les marchés extérieurs. Nous voyons en Asie des possibilités de débouchés très considérables. Il s'agit d'un marché en expansion. Les pays d'Asie s'enrichissent. Ils sont peuplés. À mesure que leur population s'enrichira, elle consommera davantage de produits carnés. Il existe donc, d'après nous, un potentiel considérable d'accès à ces marchés, de même qu'à celui des États-Unis.
Les producteurs de l'Ouest canadien sont beaucoup plus proches de marchés comme celui de la Californie. En Californie, il y a plus de gens que dans l'ensemble du Canada. Or, l'Alberta est plus proche de ce marché que ne l'est le secteur de l'engraissement du bétail des États-Unis. Il est certain que les mouvements nord-sud vont s'accentuer et que les produits de l'Alberta et de l'Ouest du Canada vont être acheminés vers les marchés du sud.
Je suppose que, pour l'Est du Canada, on peut prévoir un plus grand déplacement de produits en sens contraire.
Cependant, l'augmentation devra être destinée aux marchés étangers. Nous faisons certainement des efforts en ce sens.
M. Caldwell: Pour votre information, environ 45 p. 100 de notre production actuelle de boeuf est exportée, comme l'a dit Sid, surtout aux États-Unis. Environ 98 p. 100 de la production va aux États-Unis. À l'heure actuelle, cependant, une bonne partie de cette production est expédiée sous forme de bétail sur pied. Mais, comme Sid l'a dit, la situation va changer quelque peu lorsque Lakeside et Cargill passeront à deux quarts de travail en Alberta. Les bovins seront transformés au Canada et expédiés sous forme de produits carnés aux États-Unis.
Il vaut également la peine de signaler que le Canada est également, toute proportion gardée, le plus grand pays importateur de boeuf. Nous sommes extrêmement satisfaits du fait que le gouvernement a été en mesure, dans le cadre du cycle actuel de négociations du GATT, d'imposer des limites aux importations. Mais je crois que vous savez également que nous souhaitons limiter les expéditions supplémentaires.
Le système semble fonctionner. Nous nous efforçons de faire en sorte que le gouvernement limite les importations de boeuf, mais celles qui proviennent d'Australie et de Nouvelle-Zélande continuent d'être considérables.
Ainsi, nous travaillons sur deux tableaux. Nous nous efforçons de développer les marchés extérieurs, mais nous cherchons également à faire en sorte que le commerce soit équitable.
Mme Cowling: Pour terminer, j'aimerais vous demander si j'ai raison de percevoir chez vous une réaction très optimiste à notre initiative de déréglementation des transports. Vous ai-je bien compris? Êtes-vous satisfaits et relativement optimistes au sujet des initiatives que nous prenons dans l'intérêt des milieux agricoles?
M. Wilkinson: Il nous semble qu'il vous faut aller plus loin dans la même direction. C'est ainsi que l'économie pourra vraiment progresser. Les gens doivent être en mesure de fonder leurs décisions de production, à l'échelle individuelle et régionale, sur les réalités du marché. Les gens vont agir en fonction des bénéfices possibles. Ils ne pourront le faire que dans la mesure où ils recevront du marché des signaux exacts, ce qui correspond à un système déréglementé.
Un tel système a assez bien fonctionné pour le bétail. Il n'y a pratiquement pas de réglementation qui touche l'achat et la vente du bétail. Aucune réglementation ne touche le transport par camion ou le transport en général. Et cela fonctionne assez bien. Nous transportons des produits partout dans le monde.
Le président: Mais n'y a-t-il pas là une contradiction par rapport à ce que vous venez tout juste de dire au sujet du contingentement des importations?
M. Wilkinson: Nous avons dit également que nos importations par habitant étaient les plus élevées au monde. Nous ne pouvons tout de même pas ouvrir toutes grandes les vannes et laisser tous les exportateurs déverser leurs produits chez nous. Un certain degré de protection nous est nécessaire. Cela peut vous sembler contradictoire, mais nous ne pouvons tout simplement pas ouvrir...
Le président: C'est pourtant cela, la réalité.
M. Wilkinson: Nous ne sommes pas autorisés à vendre quoi que ce soit en Australie.
M. Caldwell: Voilà un tout autre débat, monsieur le président.
M. Hoeppner (Lisgar - Marquette): Bienvenue, messieurs. Je constate que l'inclusion des cultures fourragères vous a causé certains problèmes. Je dois vous dire que la très grande majorité de ceux qui m'ont appelé à mon bureau de circonscription ont mis l'accent sur cet aspect. Il y a donc là un problème, d'après moi.
J'ai toujours tendance à évaluer les éleveurs selon l'importance relative des terres qu'ils louent ou qu'ils possèdent. Quelle proportion de vos terres possédez-vous? Vous n'en louez pas autant que les producteurs céréaliers, n'est-ce pas?
M. Wilkinson: Au total?
M. Hoeppner: Oui.
M. Wilkinson: La différence n'est pas tellement grande, à mon avis. Bon nombre de producteurs exploitent des concessions publiques; il s'agit de terres louées. Dans mon cas, la proportion de terres louées correspond probablement au cas d'un grand nombre de producteurs céréaliers de ma région, tout au moins pour ce qui est des pâturages et, dans une certaine mesure, des terres à foin. La location des terres a également une importance considérable dans la production bovine. Qu'il s'agisse de terres destinées à la production d'aliments du bétail ou aux pâturages, une proportion importante des terres sont louées. Je n'ai pas de chiffres ou de pourcentages exacts.
M. Hoeppner: J'ai été agréablement surpris de constater que vous n'aviez pas besoin d'un tribunal. Il me semblait que nous n'aurions jamais dû en arriver là. Pourtant, c'est là où nous en sommes.
Si l'argent va au propriétaire foncier, elle est appliquée à l'amortissement puisqu'elle n'est pas imposable à cause de la dévaluation des terres. Cependant, si elle va au producteur, il y a de l'impôt à payer. Trouvez-vous que cela soit juste?
M. Wilkinson: Évidemment, les revenus non imposables sont toujours plus intéressants que ceux qui le sont.
M. Hoeppner: Je tente de faire ressortir un aspect que j'ai soulevé à l'occasion d'une autre réunion. Aujourd'hui, environ 48 p. 100 du revenu net des agriculteurs provient du travail à l'extérieur de l'exploitation. Une certaine mesure de travail à l'extérieur est la règle dans pratiquement toutes les exploitations agricoles. Ainsi, la plupart des revenus de l'exploitation agricole sont imposables d'une façon ou d'une autre.
Auriez-vous des propositions pour qu'une partie au moins des revenus soit exonérée? Il me semble que les exploitants agricoles mériteraient un certain répit.
M. Wilkinson: N'étant pas comptable, je ne serais certainement pas en mesure de m'improviser conseiller en fiscalité. Cependant, il me semble que le versement du gouvernement ne causerait pas problème s'il était considéré comme un revenu du capital foncier. C'est d'ailleurs ce qu'on semble vouloir faire.
D'après nous, le marché sera certainement en mesure de déterminer l'effet du loyer de la terre. En cas de problème entre un locataire et un propriétaire foncier, le marché servira de mécanisme de détermination du prix de la terre, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
Si l'un et l'autre ne peuvent s'entendre, il pourra arriver que le locataire change. C'est ce qui se produit d'ailleurs constamment à l'heure actuelle. Certains sont prêts à payer la terre plus cher parce qu'ils estiment pouvoir en tirer un meilleur rendement que leurs concurrents. Voilà ce qui se passe en réalité.
Je ne crois pas qu'il soit opportun pour le gouvernement de tenter de contrôler l'affectation des revenus, en contrôlant par exemple les ententes relatives à la location de terres.
M. Hoeppner: Je ne sais pas si le gouvernement va modifier sa position sur l'inclusion des cultures fourragères. Quel sera l'effet sur vos terres si vous avez des cultures fourragères? Je suppose qu'elles seront dévaluées, tout comme les terres agricoles.
M. Wilkinson: Certainement. Si la valeur des terres agricoles de ma région baisse de10$ l'acre, alors les miennes vont également perdre 10$ l'acre. Si la baisse est de 50$, alors les miennes baisseront de 50$. Pourquoi en serait-il autrement?
M. Hoeppner: Voilà ce que j'avais à dire au sujet du paiement de l'indemnité.
Je me demande, par ailleurs, si nous ne nous dirigeons pas vers le genre de situation que nous avons connue en 1974. J'étais éleveur à l'époque et j'ai donc pu mesurer l'ampleur du désastre. D'un seul coup, les prix des céréales et les prix des bovins se sont mis à évoluer en sens opposé.
Estimez-vous être suffisamment assurés ou avoir suffisamment de garanties pour pouvoir résister avec succès à une période de fluctuation comme celle que nous avons connue en 1974?
M. Wilkinson: Si cela se produit, je suppose que, dans la mesure du possible, les gens produiront moins de bovins et davantage de céréales. De tels déplacements de la production ont toujours lieu et ils ont tendance à exercer un effet à la hausse sur les prix.
C'est pourquoi bon nombre de producteurs produisent à la fois des céréales et du bétail. C'est une façon pour eux de se protéger. Lorsque les cours céréaliers sont élevés et que ceux du bétail sont faibles, il se peut qu'une partie de l'exploitation agricole subventionne l'autre. Lorsque c'est l'inverse, comme cela s'est produit au cours des dernières années, alors c'est la production bovine qui maintient l'exploitation à flot.
M. Hoeppner: Si je pose la question c'est que, en 1974, il y avait au Manitoba un nombre assez important d'abattoirs. Or, le changement dont je vous ai parlé les a fait disparaître. Nous nous efforçons maintenant de changer les choses pour lancer des usines de transformation à plus forte valeur ajoutée au Manitoba ou dans l'Ouest du Canada.
Je serais certainement heureux de voir l'avènement d'un système dont seraient absentes les fortes fluctuations qui nous font perdre toutes nos usines et nous obligent à recommencer à neuf.
M. Wilkinson: Ces usines ont quitté le Manitoba pour d'autres raisons. Un certain nombre de facteurs sont venus compliquer la situation, notamment le fait que toutes ces installations étaient désuètes et devaient être reconstruites. La conjoncture économique a fait en sorte qu'ils l'ont été en Alberta. La province offrait certains programmes incitatifs. Au Manitoba, c'était le contraire. Diverses raisons expliquent le déplacement des salaisons.
Je crois que nous digressons.
M. Hoeppner: Je crois qu'il s'agit d'une question que nous devons régler, de manière à éviter les fortes fluctuations qui entraînent le déplacement des usines et des secteurs à valeur ajoutée d'une région du pays à une autre. Si nous y arrivons, nous pourrons profiter des avantages de la décentralisation ou de la déréglementation.
M. Wilkinson: Compte tenu des systèmes de transport du bétail qui existent aujourd'hui, je dois dire à titre de producteur du Manitoba, où il n'y a pas de salaisons, que ce facteur n'a pas beaucoup d'importance pour mon exploitation. J'ai accès à des salaisons de l'Alberta ou de l'Ontario, ou même de la région Iowa-Nebraska. J'occupe une position centrale en quelque sorte. Je suis en mesure de déplacer mon bétail selon les impératifs du marché. Il n'est pas nécessaire pour moi d'avoir comme voisin une salaison pour que l'élevage bovin soit rentable. Évidemment, pour l'économie de cette région des Prairies, il serait intéressant qu'une partie de cette activité s'y implante.
M. Collins (Souris - Moose Mountain): Je dois dire que je vous trouve optimistes, comme l'a souligné d'ailleurs Mme Cowling. D'après moi, c'est la seule attitude valable. Nous avons reçu de nombreux témoins et je me suis toujours efforcé de déterminer s'ils étaient optimistes ou pessimistes.
Vous avez fait certaines observations au sujet de nos initiatives en matière d'indemnisation. Vous avez droit à votre point de vue, je suppose. Je ne le partage pas.
Néanmoins, je crois que nous avons effleuré une question intéressante. Les gens ne s'objectent pas à la déréglementation tant qu'elle n'a pas d'effet sur eux. Dans le cas contraire, ils souhaitent que quelqu'un défende leurs intérêts.
Je m'intéresse à un aspect que vous avez abordé, je crois. Il s'agit d'un phénomène que je constate à Moose Jaw à l'heure actuelle et que nous allons bientôt voir à Weyburn. J'espère bien qu'il va toucher le sud du Manitoba. Le nombre de têtes de bétail sur pied qui passent par Estevan est incroyable. Nous sommes la porte d'entrée pour le Sud.
Je sors tout juste d'une rencontre avec des gens de Weyburn qui cherchent à répondre à certaines questions. Permettez-moi de vous faire part de leurs observations. Elles correspondent un peu à ce que nous a dit M. Hoeppner.
Supposons que l'indemnité soit versée aux agriculteurs. Supposons de plus que ceux d'entre eux qui sont des locataires seront en mesure de placer les revenus dans notre usine d'éthanol de Weyburn tout en continuant de pratiquer l'élevage. Supposons qu'ils puissent investir dans ce genre d'entreprise et le faire en exonération d'impôt.
Qu'avez-vous à dire de ce genre de proposition, vous qui êtes éleveur, compte tenu du fait qu'il y aura indemnisation et que, si ces gens sont des locataires, ils pourraient très bien être visés par une taxe immédiate alors que celui qui possède des terres pourrait faire passer le revenu par pertes et profits?
Il s'agit d'une diminution importante pour eux, 1,6 milliard de dollars... Même si l'ensemble du processus suscite un certain nombre de réserves, je souhaiterais certainement que les agriculteurs en profitent autant que possible. S'il s'agit des retombées d'un secteur agricole et agroalimentaire, alors pourquoi pas?
M. Wilkinson: Vous proposez qu'une certaine part de l'indemnité serve à cibler certaines initiatives du secteur agricole?
M. Collins: Je souligne tout simplement que le locataire va toucher une indemnité. N'y aurait-il pas lieu de prévoir pour ce dernier une mesure d'incitation fiscale qui lui éviterait de payer de l'impôt s'il investissait dans une exploitation d'élevage ou d'engraissement?
M. Wilkinson: Je m'inquiète toujours de voir cibler un secteur ou un produit.
M. Collins: J'ai donné un exemple, tout simplement. Il pourrait s'agir de n'importe qui.
M. Wilkinson: Il faudrait que la mesure soit d'une portée très générale.
M. Collins: Absolument.
M. Wilkinson: Dès que l'on cible un secteur comme celui des bovins, on encourage à se lancer en affaires des gens qui, autrement, ne s'y lanceraient pas. Il y a toutes sortes de répercussions; certaines personnes n'ont pas la compétence voulue comme gestionnaires; d'autres risquent de produire au-delà de la capacité du marché, et ainsi de suite. Il faut une mesure assez générale qui laisse au marché le soin de déterminer comment les gens vont dépenser leur argent.
M. Collins: Il s'agissait tout simplement d'un exemple. Vous avez raison. Ils pourraient dépenser l'argent comme ils le voudraient. J'aimerais tout simplement que cet argent leur profite autant que possible.
Mais nous avons abordé d'autres questions et j'aimerais savoir ce que vous pensez au sujet de certaines d'entre elles.
Au sujet du transport ferroviaire et des changements que nous y apportons, avez-vous des opinions au sujet des chemins de fer d'intérêt local et de questions connexes?
M. Wilkinson: Nous ne sommes pas beaucoup attardés aux moyens d'exporter les céréales. Nous nous efforçons surtout de trouver des moyens d'en consommer le plus possible dans les Prairies et d'augmenter ainsi l'activité économique.
M. Collins: La question des chemins de fer d'intérêt local ne vous pose pas de problème?
M. Wilkinson: Non.
M. Collins: Je crois vous avoir entendu parler de l'attribution des wagons. Pourriez-vous être un peu plus précis à ce sujet. Comment devrait se faire, d'après vous, l'attribution des wagons? Pouvez-vous nous parler par ailleurs de la question de la propriété des wagons?
M. Wilkinson: Je suis loin d'être expert en la matière, mais je ne suis pas convaincu que le gouvernement devrait posséder des wagons. Je ne vois pas pourquoi nous, les contribuables, devons être propriétaires de wagons. C'est peut-être la société des chemins de fer qui devrait posséder les wagons ou les louer au besoin.
Pour ce qui est de leur attribution, il me semble que dans ce cas également, le marché devrait être en mesure de déterminer où les wagons devraient aller. En principe, les wagons devraient aboutir aux endroits où il y a des produits à transporter.
À ma connaissance, l'attribution de wagons par un organisme gouvernemental ne se fait pour aucune autre marchandise au Canada. Dans le cas de tous les autres produits, il semble qu'ils soient transportés et acheminés vers le marché sans la réglementation et les mesures de contrôle qui caractérisent le transport céréalier.
M. Collins: Quelles sont vos réflexions à ce sujet? Pour le transport de leurs produits, dans quelle mesure les producteurs canadiens sont-ils relativement désavantagés sur le plan des coûts, en raison de coûts de main-d'oeuvre plus élevés, de taux d'imposition plus élevés, ou des coûts plus élevés des facteurs de production?
M. Wilkinson: Je crois que vous allez au-delà de ma sphère de compétences, mais il est certainement vrai, je crois, que nos taux de rémunération de la main-d'oeuvre sont plus élevés que ceux de plusieurs pays qui sont nos concurrents.
M. Caldwell: M. Collins, la seule façon de répondre à cette question - et je suis certain que nous n'avons pas fait d'études en vue de déterminer cela dans le secteur des transports ou celui de la manutention des céréales - c'est de dire que les abattoirs les plus efficaces sont situés à l'heure actuelle dans la province de l'Alberta. Les deux grands abattoirs situés dans cette province sont probablement les plus efficaces au monde. Il s'agit donc de savoir si les taux sont plus élevés ou si nous sommes plus inefficaces. La chose est vraie pour d'autres secteurs également. On se débrouille très bien sans réglementation et sans programmes gouvernementaux.
M. Collins: Eh bien, là par exemple, je suis au courant d'un cas...
M. Caldwell: Certains ont reçu de l'aide, ce qui a entraîné toutes sortes de...
M. Collins: Je vous en prie, dites-le à d'autres. Le cas de North Battleford m'a tout à fait estomaqué.
M. Caldwell: Et l'aide n'a pas donné de très bons résultats non plus.
M. Collins: Dans ce cas-là, le loup est entré dans la bergerie et il nous a bien eus.
M. Caldwell: Ce ne sont pas les installations prospères qui ont reçu de l'aide. Si nous nous en tenons à l'efficacité, il faut dire que, indépendamment du fait que les taux salariaux soient plus élevés en Iowa qu'au Canada ou l'inverse, nous semblons être en mesure d'être compétitifs, puisque nous expédions des produits vers cette région.
M. Collins: Je ne doute pas de ce que vous dites. Je crois que vous avez raison de parler du marché de l'Asie du Sud-Est comme vous le faites.
Nous devons étudier les débouchés éventuels. En effet, le jour viendra peut-être où nos amis du Sud nous diront que ça suffit. Il faudra alors avoir un plan de match en réserve pour écouler l'excédent.
Par exemple, il me semble que l'effort de pêche qui sert à répondre à la demande des Japonais ne sera pas viable. On ne peut pas pêcher autant sans qu'il n'y ait de répercussions sur la ressource.
Nous nous attendons donc à ce que vous proposiez des solutions. Il nous faut savoir comment vous envisagez l'évolution au cours des cinq à dix prochaines années. Voilà pourquoi je me dis heureux de constater votre optimisme. Je crois que vous avez raison. Le gouvernement est ici - et nous le sommes tous d'ailleurs - pour apprendre ce que vous avez à dire. Donnez nous une idée des orientations que vous souhaitez nous voir prendre.
M. Caldwell: S'agit-il d'une question?
M. Collins: Eh bien, j'aimerais tout simplement savoir comment vous envisagez les cinq à dix prochaines années.
M. Wilkinson: Nous prévoyons des augmentations considérables de l'élevage, mais également de la transformation à valeur ajoutée.
Pour ce qui est de l'avoine, par exemple, il y a quelqu'un tout près de chez-moi qui réussit assez bien en affaire en transformant l'avoine en aliments pour les oiseaux, en produits destinés à la consommation humaine, et ainsi de suite. La Commission canadienne du blé n'a rien à voir là-dedans. Il exporte une bonne partie de sa production aux Etats-Unis, évidemment, il en vend aussi au Canada. C'est ce genre d'activité que je prévois. Et je suis moi-même en mesure d'utiliser certains des sous-produits de cette activité.
Le président: Le comité cherche notamment à trouver des façons d'encourager la diversification. En réponse à la question de Bernie, vous avez déclaré qu'il existait un marché en Asie. Sur quoi vous fondez-vous pour l'affirmer? Quelles sont les analyses de marché qui nous permettent de croire qu'il existe à l'heure actuelle des débouchés énormes en Asie?
M. Wilkinson: Nos exportations vers les pays asiatiques augmentent actuellement à très forte cadence. Nous avons exporté cette année deux fois plus que l'an dernier à des pays comme le Japon et Taiwan. Certains changements de réglementation dans des pays comme la Corée et Taiwan nous ont rendu ces marchés plus accessibles.
Vous ne connaissez peut-être pas la Fédération canadienne des exportateurs de boeuf, une organisation qui regroupe le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, l'Association canadienne des éleveurs de bétail, les associations provinciales d'éleveurs de bovins, de même que des salaisons et des transformateurs. Elle vise essentiellement à trouver des débouchés en Asie et à faire en sorte que nos salaisons et nos usines de transformation nouent contact avec les importateurs de ces pays à cet effet.
Le potentiel est très considérable. Ce sont des pays qui sont en voie de s'enrichir. Abstraction faite de l'aspect environnemental, ils n'ont tout simplement pas l'espace voulu pour produire le bétail qu'ils consommeront à l'avenir. Les pays comme la Chine s'enrichissent. Nous sommes justement en train d'effectuer une étude d'accès au marché pour la Chine. Une fraction minime du milliard de Chinois suffirait à engendrer une augmentation considérable de la demande. Il nous suffirait d'atteindre, d'ici la fin du siècle, des objectifs que nous jugeons raisonnables par rapport au seul marché japonais pour entraîner un accroissement du cheptel bovin canadien de l'ordre de 300 000 vaches. Celui du Manitoba se chiffre à environ 500 000 têtes à l'heure actuelle. Le seul marché japonais pourrait donc entraîner une augmentation considérable du cheptel bovin du Manitoba.
Le président: Et le marché américain? Bon nombre de nos témoins ne sont pas les seuls à croire que, lorsque les céréales coûtent moins cher, il est possible de produire beaucoup plus de boeuf, d'accroître la valeur ajoutée, et de le transformer au Canada. Disposez-vous d'étude ou de renseignements qui permettent de savoir quelles seront les répercussions sur le marché américain ou sur nous lorsque nous nous mettrons à vendre des produits finis aux États-Unis et non plus des bovins d'engraissement? À l'heure actuelle, ce sont les Américains qui finissent nos bovins de boucherie et les ré-acheminent vers le centre du Canada.
M. Wilkinson: Pour le Manitoba et une partie de la Saskatchewan, il s'agit surtout en effet de bovins d'engraissement. Cependant, l'Alberta exporte beaucoup de bovins engraissés vers les États-Unis. La transformation sera donc plus poussée lorsque les salaisons produiront à plein régime. Elles exporteront du boeuf en carton vers le marché américain. Il se peut même que l'une des usines de transformation de l'État de Washington soit obligée de fermer ses portes si tous les bovins de l'Alberta sont engraissés et transformés sur place. À l'heure actuelle, le Montana fournit même des bovins d'engraissement à l'Alberta et c'est un phénomène qui promet de prendre de l'ampleur.
Le président: Vous avez dit je crois que le paiement compensatoire lié au tarif du Pas-du-Nid-de-Corbeau avait eu des répercussions spectaculaires, et je suis bien d'accord. Je voudrais donc savoir si la diversification a déjà eu lieu dans le secteur de l'élevage du bétail à la suite de l'entrée en vigueur des mesures de compensation liées au tarif du Nid-de-Corbeau.
M. Wilkinson: En effet, en Alberta et dans certaines parties de la Saskatchewan, il s'agit d'un phénomène qui va continuer de prendre de l'ampleur en se déplaçant quelque peu vers l'Est peut-être, étant donné que des programmes du genre n'ont jamais existé au Manitoba. Il nous semble possible d'engraisser les bovins produits au Manitoba dans cette province ou dans la région de l'est de Prairies plutôt que de les expédier vers des finisseurs de l'Iowa.
Le président: Puisque la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau entraîne un déplacement du point de mise en commun, je suppose que c'est au Manitoba qu'il va coûter le moins cher pour l'alimentation du bétail. Cela va-t-il avoir des effets sur l'Alberta? Quels déplacements de production sont prévisibles?
M. Wilkinson: Les exploitants de parcs d'engraissement ne vont pas démégager de l'Alberta au Manitoba, mais l'expansion se fera plutôt, je pense, dans l'est des Prairies. L'infrastructure actuelle de l'Alberta restera sans doute en place, car cette province est avantagée partiellement par le climat.
Le président: L'autre question portait surtout sur le boeuf. L'Association canadienne des éleveurs de bétail est-elle une organisation nationale?
M. Wilkinson: Oui.
Le président: Quelles répercussions envisagez-vous sur la production de bovins de boucherie dans ma province de l'Île-du-Prince-Édouard, qui ne se classe certainement pas parmi les grands producteurs, et au Québec?
M. Wilkinson: Si l'élevage de bovins de boucherie y est rentable, on le pratiquera.
Le président: Ce n'était pas ma question.
M. Wilkinson: Et s'il n'est par rentable, il ne sera pas...
Le président: Mais sera-t-il rentable, à votre avis, à l'avenir?
M. Wilkinson: Je ne connais pas bien la question, mais dans ces provinces, je ne pense guère qu'il y ait un grand développement. Nous ne pouvons pas faire concurrence à l'Ouest, parce que les céréales fourragères y sont meilleur marché et à cause de l'abondance des pâturages et des salaisons, entre autres.
Le président: Il me reste une question avant de donner la parole à un autre intervenant, probablement le dernier. Vous disiez que le rôle du gouvernement était, en vérité, d'assurer une infrastructure satisfaisante, qu'entendez-vous par là?
M. Wilkinson: Le réseau routier et les moyens de transport, pour d'autres denrées, sont déjà en place. Nous ne voulons certainement pas que de l'argent soit dépensé à construire des salaisons ou d'autres installations, et à encourager des entreprises qui n'existeraient pas autrement, mais nous voulons que tout soit mis en oeuvre pour permettre aux gens de faire dans leur région ce qui réussit le mieux.
Le président: Si nous nous orientons vers une diversification dans le secteur de l'élevage, qu'en est-il de la recherche et du développement pour améliorer l'élevage, la génétique, voire la biotechnologie? Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer en la matière?
M. Wilkinson: Certainement: on a fait au Canada beaucoup de recherche sur la sélection bovine, entre autres. Nous sommes actuellement en consultation avec l'Association canadienne des éleveurs de bétail et avec certains de ceux qui travaillent dans les stations de recherche pour savoir quelle catégorie de recherche il faudrait privilégier: d'après nous, davantage la qualité de la viande, sa salubrité afin que les gens aient confiance quand ils achètent de la viande, et une qualité homogène. Le bifteck devrait partout être de la même qualité et les gens devraient en être satisfaits, ce qui n'est pas le cas actuellement. C'est là-dessus, à notre avis, que devrait porter essentiellement la recherche, à savoir la qualité et la salubrité du produit.
Le président: C'est donc là le rôle que nous pourrions éventuellement jouer.
M. Wilkinson: C'est exact.
M. Caldwell: Monsieur le président, le gouvernement joue d'ores et déjà un rôle dans notre secteur par le truchement du fonds de développement, qui existe presque uniquement pour nos produits. À l'heure actuelle, il y a un programme de 22 millions de dollars auquel participent les éleveurs, le gouvernement et le secteur tout entier. On procède à des expériences de classement électronique et, comme le disait Sid, à des programme d'attendrissement mécanique, entre autres. C'est là la voie à suivre, à notre avis, à savoir la collaboration entre le secteur et le gouvernement sans que ce dernier dicte ce qu'il convient de faire, mais collabore simplement à des programmes approuvés par le secteur industriel. Ce genre de chose se fait donc déjà.
Nous avons également un service d'évaluation génétique qui est maintenant bien lancé et notre programme de promotion, le Centre d'information sur le boeuf.
Nous sommes donc optimistes, car en matière de recherche et de développement nous pensons dépasser un grand nombre d'autres producteurs de denrées, mais nous nous maintiendrons dans cette voie.
Le président: Très bien.
Monsieur Hoeppner.
M. Hoeppner: J'ai simplement une petite question sur le transport. J'ai été stupéfait d'apprendre que les coûts du camionage n'ont pas tant d'importance pour vous, que vous pourriez expédier votre production vers le Sud ou vers l'Ouest. Les tarifs du fret sont-il donc si bas? Quand je faisais de l'élevage, je trouvais que les tarifs du fret amputaient considérablement nos bénéfices.
M. Wilkinson: Ce n'est pas que cela ne nous inquiète pas, mais il est certainement meilleur marché d'expédier un produit compact, comme le boeuf, qu'un produit volumineux, comme l'orge. Pour accéder aux marchés, les produits peuvent prendre trois directions différentes.
Il faudra de toute façon transporter le produit: s'il va en Alberta, une fois qu'il est en cartons, il ira sans doute quelque part ailleurs. Si nous pouvons donc l'écouler en Iowa, qui est plus proche d'un marché différent, l'avantage-coût d'une partie du pays à...
Notre produit quittera les Prairies centrales pour aller où le prix le dicte.
M. Hoeppner: Le coût du transport ne joue donc pas vraiment pour vous?
M. Wilkinson: Il joue certainement toujours et on se demande toujours où il sera possible d'expédier le produit, mais nous avons l'impression que nous sommes en position de concurrence.
M. Caldwell: Je voulais simplement vous dire que si vous avez, à l'avenir, des questions à nous poser, que ce soit par courrier ou autrement, nous serons heureux de vous répondre. Sid et moi n'avons pas toutes les réponses à vos questions aujourd'hui; si nous les avions, nous exercerions sans doute une autre profession.
Des voix: Ah, ah!
M. Caldwell: Nous vous souhaitons bonne chance. Si nous pouvons vous être utiles dans vos délibérations, nous serons très heureux de vous aider.
Le président: Je vous remercie.
Notre prochain témoin est Andrew Elliott, dont le nom nous est devenu familier au cours des dernières semaines, depuis que nous examinons cette question.
Un grand nombre d'entre nous avons lu plusieurs de vos rapports, monsieur Elliott, de sorte que nous allons d'abord vous donner la parole, et nous passerons ensuite aux questions.
M. Andrew Elliott (consultant, Andrew Elliott Consultants, Inc.): Merci, monsieur le président. Je n'ai pas grand-chose à dire, et je suppose que vous m'avez demandé de venir en raison des travaux que j'ai réalisés, au cours de l'année écoulée, pour le ministère des Transports.
Ce qu'on me demandait de faire était relativement simple: il s'agissait de faire passer le transport du grain du cadre de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest à celui de la Loi nationale sur les transports: comment procéder, pour quels motifs et qu'est-ce qui en résulterait.
À ce stade, il serait peut-être préférable que je réponde simplement aux questions que vous aurez à me poser.
Le président: Pourriez-vous d'abord nous donner un bref aperçu de ce à quoi vous vous attendez? J'ai lu votre mémoire et j'ai plusieurs questions à vous poser, et d'autres en auront aussi, j'imagine.
M. Elliott: Vous voulez dire ce que sera le barème des tarifs?
Le président: Le barème des tarifs et ce qu'il adviendra de l'agriculture, si vous pouvez nous résumer en une dizaine de mots au maximum.
M. Elliott: D'ici dix ans, les céréales seront probablement traitées et considérées de la même façon que toute autre denrée en vrac, qu'il s'agisse du charbon, de la potasse ou du soufre. Le transport des céréales n'occupera plus une case à part dans l'esprit des gens; c'est en tout cas ce que j'espère, et c'est sans doute ce qui va arriver.
Les producteurs, l'industrie céréalière et les chemins de fer ne poussent plus leurs pions qu'avec la plus grande prudence, car lorsqu'on s'avance trop on risque de rester en place pendant encore longtemps. Le processus de transition va probablement être assez lent, mais il se fera néanmoins.
Quant à l'impact sur l'économie agricole dans les Prairies, l'on cultivera probablement moins de produits de faible valeur. Il y aura sans doute un passage progressif des céréales aux cultures fourragères, ainsi qu'une transition continue du blé et de l'orge vers ce qu'on appelle les céréales spéciales. Il y a toutefois une limite à cela, parce qu'enfin, il doit bien y avoir une limite à la consommation mondiale de graines de l'alpiste des Canaries, par exemple.
Je ne voudrais vraiment pas trop m'aventurer quant aux questions de transformation en aval. Il en est beaucoup question depuis 1973, date de la conférence sur les débouchés économiques de l'Ouest, mais ce sont surtout des chimères, je pense.
Le président: Voilà qui devrait servir d'entrée en matière.
M. Hoeppner: Ma première question va peut-être prêter à la controverse.
J'ai reçu plusieurs appels téléphoniques de producteurs qui me disaient: «Quand les spécialistes du gouvernement te disent de faire quelque chose, fais le contraire et tu t'en porteras bien». Les éleveurs m'ont dit qu'ils vendent leur entreprise, d'autres gens m'ont dit qu'au lieu de cultiver des plantes fourragères, ils pratiquaient la jachère et qu'ils vont cultiver des céréales parce que nous allons entrer dans un cycle où le cours des céréales sera élevé.
Pensez-vous que ce soit probable?
M. Elliott: Certainement. Si vous examinez l'évolution tant des volumes que des coûts de toute la gamme des produits céréaliers au cours des dix dernières années, vous constatez que la courbe monte et descend partout: les fluctuations du cours du blé peuvent atteindre 50$ à 60$ la tonne. Voilà de quoi encourager les gens à aller dans une direction quand le cours baisse et dans l'autre quand il remonte.
Et ce n'est pas coulé dans le béton. Si les gens ont une meilleure chance de réagir aux forces du marché et que ces dernières roulent et tanguent, ma foi, les producteurs devront également apprendre à rouler et à tanguer.
M. Hoeppner: Sur un tableau que j'ai vu l'autre jour, j'ai été surpris de constater que l'excédent de blé, à la fin de cette campagne agricole, sera probablement le plus faible dans l'histoire mondiale, représentant moins d'une cinquantaine de jours d'approvisionnement. Qu'arrivera-t-il si nous avons une récolte désastreuse? En moins de rien, le blé pourrait atteindre 5$ ou 6$. Où en serait le secteur de l'élevage? Voilà qui m'inquiète et que l'on ne devrait pas négliger.
Je vous approuve quand vous dites que les céréales devraient être traitées comme la potasse et le charbon, mais mettre en place un tel système coûtera très cher, n'est-ce pas? Nous devrons passer par des silos d'expédition à roulement rapide des stocks, comme Roberts Bank, où l'on essaie de mettre en place un énorme système de manutention des céréales. Si ces dernières n'augmentent pas, est-ce réalisable? Il faudra que les producteurs y aillent de leur poche.
M. Elliott: Oui, les augmentations des cours favoriseraient certainement le processus, mais il faudrait d'abord «désembouteiller» les installations existantes avant de consacrer beaucoup d'argent à en construire de nouvelles.
M. Hoeppner: Vous dites donc qu'il y a des «bouchons»? Pouvez-vous nous en indiquer certains? Ce serait vraiment utile, je pense.
M. Elliott: Il faut bien reconnaître que dans la région de Vancouver, tout le processus de manutention des céréales dans le port est souvent ralenti soit en raison de certaines habitudes de travail, soit pour une anicroche ou une autre.
Souvent ce sont les silos portuaires qui sont en cause: certains ne travaillent pas le soir et en fin de semaine, parce qu'ils ne peuvent se permettre de verser les primes qui seraient dues. Avec la répartition des wagons, il y a des catégories de céréales qui arrivent à Vancouver et dont on a pas besoin ou pour lesquelles on a pas de marché; c'est là l'une des raisons des embouteillages.
Mais il y a toute une série de facteurs, depuis le point de départ, c'est-à-dire l'entreprise agricole jusqu'au bateau, où il conviendrait de faire le ménage.
C'est ainsi qu'à l'heure actuelle il faut compter une vingtaine de jours avant que les wagons parviennent à la côte. Si on pouvrait ramener cela à 15 jours, il n'y aurait pas de pénurie de wagons, bien au contraire, on ne saurait qu'en faire.
M. Hoeppner: Est-ce réalisable sans trop dépenser en trains-blocs ou autres? Les «bouchons» ne sont-ils pas aussi causés par des sociétés céréalières qui ne coopèrent pas suffisamment pour l'utilisation des silos portuaires?
M. Elliott: Nombre de ces facteurs sont liés à la structure actuelle de la Commission canadienne du blé, au système d'attribution de wagons et à autres choses du même ordre. Il faudrait revoir toutes ces questions et se demander ce qu'il serait possible d'ajouter et de retrancher au processus pour accélérer les choses.
M. Hoeppner: Vous pensez donc qu'il y a place pour cela?
M. Elliott: Certainement.
M. Hoeppner: Je vous remercie.
Mme Cowling: Je voudrais simplement revenir sur l'un des commentaires que vous avez faits tout à l'heure, à savoir que les céréales devraient être traitées comme toutes les autres denrées, par exemple, le charbon et la potasse. Voilà qui me paraît contestable, car je suis aussi céréalicultrice et je comprends le système d'acheminement depuis l'entreprise agricole elle-même.
Je vois mal comment on traiterait les céréales comme le charbon, alors que le système d'acheminement est tout différent. Toutes ces céréales doivent d'abord provenir des entreprises agricoles par un système qui va être plus rapide.
Je ne suis donc pas tout à fait d'accord avec vous, mais vous pourriez peut-être nous expliquer pourquoi vous voudriez placer les céréales dans la même catégorie que le charbon.
M. Elliott: Ce ne sont pas des produits identiques, et ils ne le deviendront pas, mais pensez bien que chaque groupe producteur d'une certaine denrée se considère comme unique, ce qui est bien normal.
C'est ainsi que dans le secteur du bois d'oeuvre 300 ou 400 scieries de la Colombie-Britannique expédient leurs produits aux États-Unis, à des milliers de destinations différentes. Quant à la potasse, une demi-douzaine de mines de la Saskatchewan expédient leurs produits à environ10 000 distributeurs d'engrais aux États-Unis et, à un stade ultérieur, à environ un million d'entreprises agricoles. C'est donc en quelque sorte l'inverse du système d'acheminement des céréales: au lieu d'avoir un grand nombre de points de collecte, vous avez un grand nombre de points de distribution. C'est comme un triangle dont le sommet pointerait vers le haut et un autre dont le sommet pointerait vers le bas.
M. Cowling: Qu'adviendrait-il s'il y avait déréglementation? Des questions se posent, pour lesquels le Comité a besoin d'aide. Prenons ainsi le cas de l'attribution des wagons: qui, d'après vous devrait en être propriétaire? Comment devrait fonctionner le système de fixation du barème des tarifs basés sur les coûts?
Je vais d'abord vous laisser répondre à ces deux questions, puis j'en aurai d'autres.
M. Elliott: J'en aurai terminé vers 20 heures.
Mme Cowling: Très bien.
Des voix: Ah, ah!
M. Elliott: Dans le rapport que j'ai fait, j'ai à dessein évité la question de la propriété des wagons pour le transport des céréales, parce que c'était une question relativement mineure. L'équipement existe, et peu importe, en vérité, que le propriétaire soit le gouvernement du Canada ou de la Saskatchewan ou de l'Alberta , ou Joe's Leasing Company; ce qui importe, c'est la façon dont on se sert de ce matériel.
Le gouvernement fédéral a l'intention, je crois, de se dessaisir de ses wagons, mais quel qu'en soit le propriétaire, l'effet sur le fonctionnement du système de transport des grains ne devrait pas être considérable.
L'attribution des wagons constitue une question plus importante. J'ai examiné ce qui se passait aux États-Unis où la déréglementation pour toutes les denrées est en place depuis 1980. Les Américains ont donc eu 15 ans d'expérience, sur un marché relativement libre, pour mettre au point un système d'attribution des wagons. Plusieurs de ces systèmes existent aux États-Unis, sans qu'aucun ne paraisse entièrement satisfaisant.
La leçon que nous pouvons en tirer, c'est qu'il n'y a pas de solution facile pour mettre en place un bon système d'attribution des wagons.
J'ajouterais que le problème ne se pose vraiment que lorsqu'il y a pénurie de wagons, ou une très forte demande d'acheminement des produits aux marchés. Quand tel n'est pas le cas, peu importe le système en place, à condition que le produit soit acheminé.
J'ajouterais que le système d'attribution des wagons pour d'autres marchandises est parfois tout aussi bizarre, sinon plus, qu'il ne l'est pour les céréales, la principale différence résidant dans le fait qu'il s'agit de relations privées entre chemins de fer et expéditeurs, et que cela ne fait pas la manchette du The Western Producer, toutes les semaines. C'est là l'une des différences avec les céréales.
Mais le secteur céréalier semble vouloir changer les règles d'attribution des wagons, et j'aurais tendance à le laisser faire.
La troisième question porte sur la fixation des tarifs, mais je ne me souviens plus au juste de votre question, pourriez-vous me la répéter?
Mme Cowling: Certainement. Savez-vous ce que deviendrait l'établissement d'un barème des tarifs, sous un régime de déréglementation? Devrait-il y avoir quelqu'un pour suivre et contrôler les opérations, jusqu'à ce que nous sachions ce qui nous attend? Je parle là du point de vue des agriculteurs, car ce sont eux que je représente. Devrait-il y avoir une instance de surveillance, ou bien des règlements pour gouverner l'établissement des tarifs et voir comment les choses se passent?
Dans un régime déréglementé, nous voudrions encore avoir, dans dix ans, un secteur viable et dynamique. Devrait-il y avoir un organisme de réglementation ou autre qui suive de près le déroulement des événements en matière de fixation des tarifs?
M. Elliott: Rappelez-vous que les compagnies ferroviaires, elles aussi, tiennent à ce que ce secteur se porte bien, car ce trafic représente 30 à 40 millions de tonnes, et cela compte.
D'après la Loi portant éxécution du budget, le contrôle est assuré, pour l'essentiel, par un plafond des tarifs; en-dessous de ce plafond on est libre. Ce plafond est, pour l'essentiel, le barème des tarifs actuellement existant, qui serait rajusté en fonction de l'inflation.
Il y a des gens qui pensent qu'il ne devrait pas y avoir de plafond, il y en a d'autres qui voudraient abréger sa durée, d'autres encore qui voudraient l'allonger.
En l'absence de ce barème à tarif maximum, mis en place pour une période de cinq ans, le contrôle découlerait des dispositions de la Loi nationale sur les transports, dispositions qui existent actuellement et servent à réglementer les autres denrées. Depuis 1990, CN et CP ont vu diminuer en moyenne de 35 p. 100 le volume des principales denrées en vrac, certaines davantage, d'autres un peu moins.
Si j'étais expéditeur de céréales, je crois que ces dispositions me rassureraient.
Mme Cowling: Pour en revenir aux wagons, je crois que vous avez fait observer qu'il importe peu comment une marchandise est acheminée, du moment qu'elle arrive à destination. D'après ce qu'on me dit, une bonne partie de notre parc de matériel roulant est en service depuis près de 24 ans. Il semblerait que, pour une raison ou pour une autre, son efficacité pourrait être accrue de 20 p. 100 s'il était aussi neuf que celui des Américains.
À mon avis, nous avons besoin de matériel roulant modernisé et probablement plus neuf et plus rapide pour nous permettre d'expédier le grain plus rapidement.
M. Elliott: Je ne sais si ce que vous dites au sujet du matériel roulant est exact; c'est possible, mais je n'en suis pas convaincu.
Les Américains vous diront que leur parc de matériel roulant est plutôt vieux. Les wagons ne se détériorent pas à rien faire. Ce n'est pas comme vous et moi, qui allons grisonner et devenir moins fringuants, entre autres. Leur vieillissement est essentiellement en fonction du kilométrage. Parce que ces wagons n'ont pas été utilisés d'une façon aussi efficace qu'ils auraient pu l'être autrement, ils ne sont pas aussi usés que d'autres. Vous pouvez donc avoir un wagon de 20 ans qui est en bien meilleur état que la plupart des wagons du même âge qui ont servi à transporter d'autres types de marchandises.
Par contre, ce n'est pas le genre d'équipement que vous choisiriez aujourd'hui pour le transport du grain. Je suppose que ce serait un peu comme acheter une Studebaker. Il y a des wagons parfaitement adaptés au transport de grosses charges par exemple; c'est le genre de wagons que vous achèteriez. C'est de ces gros porteurs que parlent les gens quand ils parlent de «jumbos».
Bref, je pense que notre parc est en bon état.
Le président: Que dire des gains en efficience? Les témoins précédents ont également aborder la question du système d'attribution. Nous avons affaire à un système qui assure le transport de plus de 30 millions de tonnes de marchandises en provenance de plus de 100 000 endroits, ou expéditeurs ou producteurs, pour être embarquées à bord d'un navire un jour donné.
Il est question de ramener le délai de 20 jours à 15 et, à ce qu'on me dit, le système est inefficace. C'est du moins ce que Jake en dit de temps à autre. Mais s'agit-il d'une possibilité réelle? Quel avantage cela présenterait-il?
Vous avez dit que l'arrivée intempestive de certains types de grain causait un problème, et je suis d'accord avec vous sur ce point. Il y a toujours des frais de surestarie à payer pendant que les navires attendent. Mais le système est-il vraiment aussi mauvais qu'on le prétend? Je pense que ce système d'attribution centralisé fait assez bien l'affaire. Bien sûr, il pourrait être amélioré...
M. Elliott: En fin de compte, ce que nous avons, c'est un système qui achemine régulièrement plus de 30 millions de tonnes de grain vers les marchés chaque année. Il ne peut pas être si mauvais que cela. Certes, des améliorations s'imposent. Il y a des questions d'efficacité sur toute la ligne, depuis les embranchements jusqu'au port.
Le président: Si je peux me permettre de devancer Bernie qui s'apprêtait à intervenir, vous avez mentionné les embranchements et cette question me tient vraiment à coeur.
À ce propos, n'est-il pas question dans une certaine mesure de l'effience des lignes principales et des embranchements? Je ne crois pas que vous ayez abordé le sujet, du moins pas dans le mémoire du 6 mars, mais qu'arrivera-t-il en fin de compte si nous nous dotons d'un système ferroviaire plus efficace et si, à cette fin, nous abandonnons des embranchements et transportons le grain par camions à la place? A-t-on pris en considération la consommation de carburant, les dommages causés aux routes et les autres considérations pertinentes? Nous avons évalué l'efficience du transport depuis la ferme jusqu'au point d'exportation plutôt que l'efficience du transport d'un point donné d'une ligne principale ou secondaire jusqu'à un point d'exportation.
Même si je passe beaucoup de temps dans l'Ouest du pays, je suis en fait originaire de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous avons abandonné nos voies de chemin de fer et laissez moi vous dire que, si vous aimez les montagnes russes, vous n'avez qu'à venir nous voir à l'Île; vous serez servi à souhait par nos routes sur lesquelles sont acheminées des milliers de tonnes de pommes de terres.
M. Elliott: À l'heure actuelle, quelque 45 p. 100 du grain transporté par rail provient d'endroits situés le long des 5 000 ou 6 000 milles d'embranchements dits tributaires du grain. Les compagnies de chemin de fer vous diraient probablement qu'elles accordent une grande importance à leur réseau d'embranchements car c'est de là que provient le gros de leur trafic.
Il y a, dans le budget, une disposition qui permet la conversion accélérée d'un certain nombre d'embranchements et, chose certaine, lorsque nous nous sommes penchés sur la question, l'hiver dernier, nous espérions que les lignes dites d'acier léger, qui couvrent environ 845 milles au total, seraient incluses dans le processus, de même que les 300 ou 400 milles d'embranchements à faible densité de trafic.
Comme vous le savez probablement, les compagnies de chemin de fer ont proposé la conversion accélérée de plusieurs centaines de milles de voies. À mon avis, cela veut dire qu'elles ne sont pas trop pressées de se débarrasser de ce genre de lignes secondaires qui forment le réseau de collecte.
Quant à l'impact sur les routes, dix experts vous donneront dix avis différents. Il y a un certain nombre d'années, l'administrateur de l'Office du transport du grain a recensé une douzaine d'études, qui faisaient état d'impacts qui se chiffraient, en cents du mille, entre zéro et 30c. La marge est donc considérable.
Le problème c'est qu'il est très difficile de répartir les coûts de construction et d'entretien des routes entre les utilisateurs. Prenez l'autoroute qui relie Saskatoon à Régina. Quelle part des dépenses attribuez-vous aux camioneurs plutôt qu'aux personnes qui vont assister aux parties de football? Quelle que soit la méthode de calcul que l'on choisisse, elle reste arbitraire.
Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de rencontrer des représentants de la Saskatchewan Association of Rural Muncipalities, mais ils pourraient vous raconter des histoires d'horreur sur l'effet qu'aura le transport du grain par camion sur les routes de leur province. Je suis certain que bon nombre d'entreprises de camionnage sont en train de mettre au point des stratégies de marketing en vue d'aller faire le tour des fermes pour y recueillir le grain. Il est à peu près impossible de répondre à la question.
M. Collins: Vous avez indiqué que vous aviez pris des notes durant vos déplacements aux États-Unis. Qu'avez-vous observé là-bas qui pourrait nous être utile lorsque nous mettrons en oeuvre les changements que nous allons devoir apporter au système de transport?
M. Elliott: En ce qui concerne l'attribution du matériel roulant, par exemple, les Américains ont exprérimenté - je pense que le terme est mal choisi - divers systèmes axés sur les forces du marché, un genre de marché à terme sur les wagons à céréales.
La Burlington Northern offre un système qui vous permet de réserver des wagons pour des livraisons à venir. La compagnie vous remet un certificat vous réservant un wagon. Si, par hasard, vous n'en aviez pas besoin, il existe un marché secondaire sur lequel vous pouvez vendre votre certificat. De plus, lorsque la compagnie de chemin de fer juge qu'elle a des wagons excédentaires, elle peut accorder des remises pour s'assurer que les wagons ne restent pas à rien faire. Cela vaudrait probablement la peine qu'on y regarde de plus près.
Ces gens ont en outre beaucoup plus d'expérience que nous en ce qui concerne les chemins de fer d'intérêt local. Nous en avons un CFIL en Saskatchewan et un en Alberta. Il y en a quelques autres en Ontario. Il y a plusieurs centaines de ces CFIL aux États-Unis, et cela, dans une grande mesure, parce qu'on y a encouragé les compagnies de chemin de fer à abandonner les embranchements. Ainsi sont nées, avec la participation financière de l'État, les chemins de fer d'intérêt local.
Je pense qu'ils découvrent que les CFIL constituent souvent une espèce de mesure transitoire. Si un CFIL existe aujourd'hui, cela ne veut pas nécessairement dire que c'est pour la vie. Il peut exister durant plus de 20 ou 25 ans, puis être remplacé par quelque chose d'autre si ce mode de transport ne répond plus aux besoins. Je pense que les gens croient souvent, au Canada en particulier, que tous les embranchements seront automatiquement transformés en CFIL et continueront d'exister éternellement.
Les Américains ont également été capables de déceler certaines des choses qui nuisent parfois à l'efficacité de leur réseau. C'est généralement le manque de wagons ou de capacité, du point de vue des wagons, des locomotives et de tout le reste.
Le problème aux États-Unis provient en partie du fait qu'il faut donner 30 jours d'avis avant d'augmenter les prix et que cela prend trop de temps pour influencer le comportement des usagers. Si les prix pouvaient être modifiés d'une semaine à l'autre, immédiatement ou en deux jours, les gens feraient la file au guichet et ceux qui tiennent vraiment à expédier des marchandises immédiatement ne lambineraient pas.
L'autre problème - cela a plus à voir avec la disponibilité qu'avec l'attribution des wagons - c'est que l'achat de matériel ferroviaire pour le transport du grain est une entreprise assez hasardeuse pour les compagnies de chemin de fer américaines en raison de l'instabilité du volume de grain transporté chaque année. Elles se sont souvent trouvées - quoi que cela n'ait pas été le cas dernièrement - avec une surabondance de wagons inutilisés.
La moitié du matériel roulant qui sert au transport du grain aux États-Unis appartient aux expéditeurs. Les compagnies de chemin de fer hésitent un peu à permettre au matériel appartenant aux expéditeurs de rouler sur leurs rails, alors que leur propre matériel est là à ne rien faire.
L'autorisation en vertu de laquelle les expéditeurs peuvent emprunter les lignes de chemin de fer avec leur propre équipement s'appelle communément une OT-5. Je ne me souviens même plus ce que désigne les lettres OT. Les compagnies de chemin de fer ont été capables d'accorder ou de refuser cette autorisation en fonction de leur propre situation en matière de disponibilité de l'équipement. Aussi, si l'acquisition de matériel comporte des risques pour une compagnie de chemin de fer elle en comporte encore plus pour l'expéditeur.
Pour améliorer le système américain, il y a deux choses très simples que l'on peut faire: la première consiste à éliminer l'avis de 30 jours en ce qui concerne l'augmentation des tarifs, et la seconde, à permettre aux expéditeurs d'utiliser librement le réseau ferroviaire avec leur propre matériel. Cela réglerait probablement le problème de disponibilité des wagons.
M. Collins: Vous avez mentionné la SARM. J'ai justement rencontré certains de ses représentants. Dans le contexte de notre examen de l'évolution des modes de transport, je me demande quels changements seront proposés pour favoriser une répartition plus équitable entre le rail et le camionnage. Cela rendra-t-il le système plus équitable et, dans l'affirmative, en quoi sera-t-il plus équitable?
M. Elliot: C'est présumer que ce qui existe ne l'est pas. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas. Les compagnies du chemin de fer soutiendraient sans doute que c'est injuste car elles doivent mettre en place l'infrastructure nécessaire à leurs propres frais, tandis que les camionneurs se servent, par exemple, de l'infrastructure fournie par les gouvernements. Par contre, elles ont l'usage exclusif de leur infrastructure, tandis que les camionneurs doivent souvent patienter derrière les bonnes vieilles dames au volant de leur Honda.
On pourrait envisager par exemple d'uniformiser ou d'éliminer la taxe sur les carburants. Dans ce cas encore, les compagnies de chemins de fer prétenderont probablement que les camionneurs devraient payer une part plus équitable, c'est-à-dire plus élevée, du coût de propriété et d'entretien des routes.
Pour ce qui est de la répartition des coûts, quant à savoir quelle part de l'usure est attribuable aux camions, notons que certains des mastodontes que l'on rencontre sur la route causent moins de dommages que les camions ordinaires, dits de gabarit conventionnel. Autrement dit, si vous conduisez un gros poids lourd, vous devriez peut-être payer moins que les autres; en fait, les provinces devraient peut-être vous payer, puisque vous contribuez à la longévité de la route.
C'est à n'y rien comprendre quand on commence à parler d'égalité et de choses du genre. Ce qui est juste pour l'un est injuste pour l'autre et vice versa.
M. Collins: J'aurais une autre question, monsieur le président.
Compte tenu du fait que le transport du grain fait intervenir directement ou indirectement entre 22 et 25 syndicats, comment pensez-vous qu'il nous sera un jour possible d'en arriver, pour qu'il soit plus facile à M. Hoeppner d'expédier son produit sans subir de contretemps, sans payer de frais de surestarie et tout le reste... que nous faut-il faire?
M. Elliot: Passer par les États-Unis.
Les producteurs de potasse ont récemment annoncé qu'ils avait l'intention de construire un terminal portuaire dans l'État de Washington, plus précisément à Portland. Je ne crois que cette décision ait été motivée entièrement par les problèmes syndicaux à Vancouver, mais cela a néanmoins été l'un des facteurs.
À un moment donné, vers la fin de l'année, il était très difficile de faire entrer les gens au travail, en décembre. Il y avait des écarts de salaire terribles entre les postes du matin, de l'après-midi et du soir. Cela y était pour quelque chose.
La décision aurait également été motivée, à ce qu'on me dit, par le désir d'avoir accès à un port, à un terminal portuaire différent dans un endroit différent, pour ne pas toujours faire affaire avec le même.
Je pense aussi que certains expéditeurs de grain cherchaient à élargir un peu leurs horizons. Je ne serais pas surpris de voir du grain canadien être expédié via le port de la Nouvelle-Orléans ou un autre port du Golfe, pas plus que de le voir transiter par le Nord-Ouest du Pacifique. Cela ne manque pas d'attirer l'attention des gars de Vancouver. Ils devraient pourtant savoir qu'ils n'ont pas le monopole sur ce genre de choses.
Le président: Votre document du 6 mars a provoqué des réactions très diverses de la part des personnes qui ont comparu devant ce Comité. Vous avez dit qu'il serait possible d'exporter dix millions de tonnes de grain en passant par les États-Unis. Comme cela se produit pour n'importe quelle étude, il y a des gens qui vont dire que votre chiffre est beaucoup trop élevé.
Sur quoi le fondez-vous? Le jugez-vous exact? Quel serait l'effet, sur l'efficience du système canadien, de l'exportation de dix millions de tonnes, voire même de seulement cinq millions de tonnes, via les États-Unis? Quel en sera l'effet d'ensemble sur un système qui exporte déjà moins de grain par Vancouver, Prince Rupert et Thunder Bay... et quels seraient les ports qui en souffriraient le plus?
M. Elliott: Permettez-moi de vous rappeler que j'ai simplement dit - et je me cite - «...selon les estimations, le volume de grain qui pourrait être détourné serait au maximum de dix millions de tonnes.» C'est un maximum.
Cela explique en partie qu'à court terme il y aura une réduction nette des volumes de grain. L'estimation est fondée sur l'idée que l'on cultivera probablement moins de blé et d'orge, denrées qui seront en partie remplacées par des cultures à valeur plus élevée. Il pourrait donc s'agir d'un million de tonnes seulement.
Certains pensent qu'au cours des cinq à dix prochaines années, cinq à six millions de tonnes seront exportées vers les marchés américains. Ceux-ci prendraient donc le pas sur les marchés d'outre-mer, car il est plus rentable pour un producteur de les alimenter que d'exporter son produit beaucoup plus loin.
Certes, on court le risque de voir une partie des exportations passer par le Nord-Ouest du Pacifique. On court même le risque qu'elles transitent par les ports de la côte est des États-Unis, et certainement, par ceux du Golfe. Si vous faites le total de ces diverses possibilités, vous arrivez probablement au chiffre de dix millions de tonnes.
En tout cas, c'est ainsi que nous l'avons obtenu. Mais je vous rappelle que c'est un maximum.
Le président: Mais ce qui est important, c'est de savoir quel sera l'impact, même s'il ne s'agit que de cinq millions de tonnes. Ce dont nous parlons, c'est d'augmenter l'efficience de notre système. Si le volume du grain transporté augmente, le coût au boisseau diminuera probablement.
Si le volume est moins élevé, comme c'est fort probable selon vous et selon la plupart des témoins, quel sera l'impact sur l'ensemble du système canadien? Le volume de grain transporté sera-t-il moindre? Le système sera-t-il moins efficient?
Qu'en est-il de la Voie maritime du St-Laurent? Survivra-t-elle si la réduction se fait à ses dépens?
M. Elliott: Il pourrait y avoir moins de congestion à Vancouver. Il pourrait être profitable de détourner le trafic vers le sud.
La Voie maritime achemine actuellement environ la moitié du volume pour lequel elle avait été conçue, c'est-à-dire, 60 millions de tonnes à peu près. Moins de 5 p. 100 des navires qui sillonnent les océans sont capables de remonter jusqu'à Thunder Bay.
J'ai un ami en Saskatchewan qui est produteur de canola. Selon lui, s'il pouvait faire transporter son canola à Vancouver pour 15$, il pourrait l'expédier à peu près n'importe où dans le monde. Actuellement, le prix qu'il paie est plus proche de 25$. S'il peut amener son canola à Thunder bay pour 15$, il peut aller, tout au plus, jusqu'à Sarnia. Il a donc l'impression qu'il y a un complot pour relancer le port de Thunder Bay.
Je n'ai pas beaucoup étudié la situation de celui-ci, mais je ne vois pas comment il pourrait être très viable.
Le président: C'est l'une des choses qui m'étonne énormément. Les représentants de Thunder Bay qui ont comparu devant d'autres comités sont favorables à ce changement alors que j'estime que cela sonne le glas de la Voie maritime. Qu'en pensez-vous?
La Voie maritime est déjà en difficulté. Les mouvements de grain ont considérablement baissé à Thunder Bay alors que c'est là la clé de sa survie. Pourtant, vous n'avez guère étudié la question en dehors du transport du grain dans le sud.
M. Elliott: C'est exact. Le volume de potasse acheminé par le port de Thunder Bay était absolument prodigieux autrefois. Mais c'est fini.
Avez-vous récemment parlé à ces gens-là?
Le président: Oui, depuis ces changements. Peut-être serait-il bon de les contacter à nouveau.
Mais je suis profondément surpris. Si c'était moi, je sais très bien quels arguments je ferais valoir.
M. Elliott: Ils recommencent à exporter beaucoup de canola vers l'Europe.
Le président: S'ils veulent se faire hara-kiri, libre à eux.
Dans votre propre document vous indiqué qu'en vertu de la LTGO, un expéditeur qui ne fait absolument rien pour assurer l'efficience du transport est aussi bénéficiaire que celui qui fait des efforts en ce sens, alors qu'en vertu de la LTN un expéditeur qui ne fait rien risque d'être distancé par ses concurrents.
Lorsque les représentants de l'Alberta Wheat Pool ont comparu devant nous, ils ont exprimé des craintes au sujet des changements de réglementation qu'entraînera la LNT par rapport à la LTGO. Ils ont déclaré qu'en ce qui concerne la notion de captivité, aux termes de la LTN, on prend pour acquis qu'il existe une concurrence suffisante et efficace... entre les chemins de fer et les autres modes de transport, j'imagine. Ils ont ajouté que si cette supposition s'avère fausse, la compagnie de chemins de fer, jouissant alors d'un monopole, peut imposer le tarif qui lui plaît.
Comment, selon vous, pourrait-on renforcer la LTN afin de s'assurer que...? Même dans un climat de déréglementation, les chemins de fer continuent à jouir d'un monopole naturel, n'est-ce pas?
M. Elliott: Oui, certains expéditeurs sont en effet captifs car ils sont tributaires d'un seul chemin de fer. D'autres, qui peuvent avoir accès à deux ou trois transporteurs n'en demeurent pas moins captifs du rail sur le plan technologique.
Au Canada, vous ne pouvez pas utiliser des camions pour exporter 30 millions de tonnes de grain. Il n'y en pas assez pour cela. Et même s'il y avait assez de camions, ils embouteilleraient totalement les autoroutes.
Dans l'état actuel de la loi, les transporteurs captifs peuvent invoquer la disposition relative aux prix de ligne concurrentiels ou encore celle sur l'arbitrage des offres finales, ou même dans certains cas, se prévaloir de droits de circulation et d'usage commun des voies.
Il est clair que ces dispositions sont utilisées à en juger d'après le nombre d'affaires soumises à l'ONT. Si vous posez la question aux expéditeurs qui se trouvent quotidiennement placés dans ce genre de situation, ils vous répondront qu'en ayant ces dispositions, c'est comme si une tierce partie participait à leurs négociations avec les compagnies de chemins de fer. Ils ont un peu l'impression de tenir ainsi le gros bout du bâton aux négociations. Une grande partie de l'impact - et c'est voulu - n'est pas visible, mais le système fonctionne certainement.
J'ai fait une petite enquête auprès des expéditeurs de charbon, de potasse, de soufre, et de bois d'oeuvre depuis l'adoption de la loi de 1987. Tous constatent que les tarifs s'éffondrent, en particulier depuis 1990. Certains d'entre eux vous diraient sans doute que cela est en partie dû au fait qu'ils sont des négociateurs hors pair. D'autres diraient peut-être que c'est parce que le prix de leurs produits s'est effondré et que les compagnies de chemins de fer ont réagi en conséquence.
Le président: Cela nous amène à la situation examinée dans le projet de loi C-76, à propos du plafonnement des tarifs du fret. L'année 1999 n'est pas si loin et je crois qu'il est légitime que les producteurs craignent que si le plafond est supprimé, les tarifs ne deviendront pas nécessairement compétitifs, étant donné l'existence, dans les faits, de ce monopole.
Encore faut-il ajouter à cela les systèmes d'attribution aux États-Unis, facteurs dont vous avez parlé plus tôt. À en juger par vos propos, leur système n'est pas aussi bon que le nôtre. Il y a une différence entre le Canada et les États-Unis, car chez les Américains, c'est à chaque expéditeur de jouer.
Dans votre document, lorsque vous mentionnez la LTN et la LTGO, vous notez qu'au Canada, notre système est différent et que dans l'ensemble, nous nous sommes efforcés d'établir un système d'attribution équitable pour tous, qui ne permet pas à un expéditeur de négocier un arrangement qui le favorise mais qui désavantage tous les autres. Cela vous paraît-il valable.
M. Elliott: C'est un argument en faveur de l'équité, et si vous voulez un tel système, c'est un élément qui entre en jeu. Aux États-Unis, les expéditeurs de grain discutent du pourcentage de wagons de la Burlington Northern qui doivent faire l'objet d'appels d'offres. Ce pourcentage est actuellement d'environ 40 p. 100. C'est une question qui est également examinée dans le contexte canadien.
La différence entre les deux systèmes de réglementation est relativement simple. Aux États-Unis, l'objet de la politique de transport est de soutenir les compagnies de chemins de fer. Ce qu'ils craignent plus que toute autre chose, c'est qu'il y ait une autre faillite du genre de celle de la Penn Central et d'autres compagnies de chemin de fer. Ce qu'ils veulent, ce sont des compagnies de chemins de fer solides qui font concurrence à des sociétés de camionnage et à des sociétés de péniches également solides. En fin de compte, un tel système est probablement profitable aux expéditeurs comme aux voyageurs.
Le réseau de voies navigables dessert 30 des 48 États contigus, et le réseau d'autoroute inter-États est extrêmement bien développé. Certes, il y a quelques enclaves - l'une d'entre elles se trouve effectivement au Dakota du Nord et au Montana - où il n'y a pas de voie navigable, pas de camions, rien du tout, et où les expéditeurs ont en général l'impression de se faire exploiter.
Le président: Ils paient des sommes exorbitantes.
Je vous remercie, monsieur Elliott. Je vois que tout le monde se précipite pour aller voter. Je ferais bien d'en faire autant.
Au nom du comité, je vous remercie vivement d'être venus. Si quelqu'un a d'autres questions à poser, il faudra vous les transmette par écrit. Merci beaucoup.
La séance reprendra après le vote.
PAUSE
Le président: Nous reprenons, si vous le voulez bien.
Merci, monsieur, d'avoir bien voulu nous attendre. Nous avons été obligés d'aller voter.
Les témoins qui comparaissent devant le comité sont Bud Spencer, vice-président, et Warren Hilz, président, Transports, de la Western Barley Growers' Association.
Messieurs, soyez les bienvenus. Vous pourrez faire un exposé liminaire, après quoi nous passerons aux questions.
M. Buck Spencer (vice-président, Western Barley Growers' Association): La Western Barley Growers' Association se réjouit de pouvoir vous présenter ses vues sur le transport du grain. Depuis de nombreuses années, nous pensons que l'industrie est soumise à une réglementaiton excessive, ce qui a freiné sa croissance et son développement.
Les agriculteurs savent innover; ce sont des personnes pleines de ressources, qui savent s'adapter rapidement aux changements propres à améliorer leurs revenus. Nous encourageons donc le gouvernement à prendre un peu ses distances et à laisser les producteurs jouer un rôle important dans la création d'un climat favorable au maintien de l'existence et de la viabilité de cette importante industrie. Il est indispensable que les agriculteurs aient accès aux marchés nord-américains et qu'ils soient libres de choisir.
La suppression des subventions au transport changera les pratiques agricoles dans certaines régions. Elle offrira des possibilités de diversification dans l'élevage, que cela se fasse par la reconversion en pâturages de terres à rendement marginal ou par une production accrue de grains fourragers. Il sera également possible d'avoir des cultures qui rapportent plus de dollars à l'acre, mais qui exigent un plus gros effort de gestion et d'investissement de la part de l'agriculteur.
À notre avis, la suppression des subventions au transport favorisera certaines activités de diversification à valeur ajoutée, mais elle ne provoquera pas de changements radicaux dans la production céréalière des Prairies.
Ce qui empêche le plus les agriculteurs d'avoir de meilleurs revenus, c'est la surréglementation et l'inefficience des systèmes de mise en marché et de transport du grain. C'est l'agriculteur qui devrait être responsable de livrer du grain propre, de qualité supérieure, transporté dans des trains-blocs permettant le chargement direct et le transport jusqu'aux acheteurs. L'industrie se contente depuis trop longtemps de systèmes inefficaces qui sont coûteux et compromettent notre compétitivité sur les marchés mondiaux.
Cela ne sert à rien de blâmer la CEE et le programme américain d'expansion des exportations; en fait, cela sert uniquement à alimenter la controverse. À long terme, un environnement plus ouvert et moins protectionniste sera profitable à tout le monde. Il faut que les agriculteurs aient accès aux marchés d'exportation. Malheureusement, sous sa forme actuelle, le système craque de toute part et est très restrictif.
Quant au fonds d'adaptation de 300 millions de dollars, il devrait être utilisé pour créer un environnement efficient. Dépenser de l'argent pour écouler le grain en utilisant des voies de transport coûteuses et inefficientes aura pour seul effet de rendre les subventions gouvernementales encore plus nécessaires. Une telle situation ne sera bonne ni pour les gouvernements ni pour l'industrie.
Nous estimons que les gouvernements devraient moins intervenir et jouer un rôle plus réduit dans le maintien de l'infrastructure. Pour avoir le système le plus solide et le plus compétitif possible, offrant d'égales possibilités à tous, il faut autoriser la concurrence entre les sociétés céréalières.
L'abandon des embranchements créera de nombreux débouchés pour les camionneurs qui peuvent transporter le grain jusqu'aux lignes principales beaucoup plus efficacement, et le feront. On pourrait utiliser une partie du fonds d'adaptation pour assurer l'entretien des routes secondaires.
Les réseaux ferroviaire et routier du Canada sont relativement en bon état, mais leur exploitation n'est pas optimisée. Nous ne parviendrons à éliminer les perturbations dont souffre notre système que si nous permettons aux sociétés céréalières et aux agriculteurs d'utiliser d'autres méthodes de mise en marché et de transport. Le système actuel est trop rigide et nous met à la merci de forces extérieures capables de paralyser l'industrie si leurs exigences ne sont pas satisfaites.
On devrait permettre aux sociétés céréalières et aux agriculteurs de concourir pour l'utilisation des wagons de transport de céréales. Les sociétés et les particuliers qui désirent acheter ou louer des wagons devraient pouvoir en conserver le contrôle. Le système actuel ne comporte aucun encouragement pour cela, et notre parc de matériel roulant.
Ce n'est qu'en supprimant le monopole exercé par la Commission canadienne du blé que les agriculteurs pourront fonctionner dans un système équitable. Il y a suffisamment de sociétés céréalières pour assurer le climat de concurrence qui créerait le système le plus juste et le plus équitable possible. Nous serons parfois obligés d'utiliser les ports américains parce que nos installations actuelles sont saturées, à cause surtout de règlements qui rendent incontournable le manque d'efficience.
Si nous acceptons une déréglementation du système, l'argent du secteur privé permettra de construire et d'entretenir les installations nécessaires à la manutention du grain. Celles-ci ne seront d'ailleurs pas nécessairement construites au Canada. Notre réputation se détériore et seul un système ouvert et libre permettra de continuer à assurer notre sécurité.
Le gouvernement devrait bien réfléchir avant d'imposer de nouveaux contrôles et règlements. L'industrie sera bien mieux servie s'il n'intervient pas et permet à la déréglementation de se faire naturellement.
Ce sont les producteurs qui sont le mieux capables de s'adapter aux changements. On devrait lâcher la bride aux sociétés céréalières et aux compagnies de chemins de fer; il y aura ainsi beaucoup moins de perturbations.
Dans un système où les compagnies de chemins de fer pourront se défaire de leurs enbranchements coûteux, il deviendra rentable de transporter le grain, activité qui continuera à constituer un élément très important de leurs opérations.
Si les tarifs augmentent trop, il se produira de deux choses l'une. Les camionneurs se mettront de la partie, ou bien les agriculteurs se rabatteront sur des cultures plus viables. Dans certains cas, les terres marginales seront transformées en pâturages pour le bétail.
Tous les producteurs ne profiteront pas de la déréglementation. Il n'appartient cependant pas au gouvernement d'essayer de protéger un système qui n'est pas viable. C'est à chaque agriculteur qu'il incombe de prendre les mesures nécessaires et d'apporter des changements. Après tout, c'est lui qui est le mieux armé pour cela, et il le fera.
Le système de réglementation qu'il faudra conserver est un système dans lequel les particuliers et les sociétés auront de plus larges possibilités de mise en marché et de transport. Le blé et l'orge devraient être traités exactement de la même manière que n'importe quel autre produit. Les agriculteurs doivent pouvoir choisir leur mode de mise en marché, et il faudrait donc que la Commission canadienne du blé soit en concurrence avec toutes les autres sociétés céréalières.
La même concurrence devrait exister pour les compagnies de chemins de fer et les camionneurs. Toutes les sociétés céréalières, sans exception, devraient se retrouver en situation de concurrence. Il faut que le grain soit nettoyé dans les Prairies afin d'accroître la capacité de nos terminaux portuaires, et qu'il soit transporté dans des trains-blocs et chargé directement. Il faut que nous abandonnions ce coûteux système de classement.
Si nous ne le faisons pas, ce sera la fin de notre industrie. Il y a trop de comités, trop de commissions et trop d'organismes de réglementation. Nous aurions pu déréglementer en 1983 si nous avions suivi les recommandations du rapport Gilson, alors que la situation économique nous contraint maintenant d'adopter des changements à un moment beaucoup moins favorable mais crucial.
Si nous n'agissons pas rapidement dès maintenant, une industrie très viable et importante en souffrira grandement.
Le gouvernement fédéral a établi un plan destiné à distribué 1,6 milliard de dollars aux propriétaires fonciers.
Étant donné que le règlement exige la signature du fermier-locataire, je suis certain que 99 p. 100 des cas pourront être réglés. Je ne me préoccuperais pas de ceux qui ne parviendront pas à s'entendre.
En résumé, les producteurs d'orge sont favorables à un système de marchés libres, plus efficients pour tous. À notre avis, pour que cela se produise, il faut que le gouvernement cesse d'intervenir. Cela permettra de créer un système durable dont profiteront les générations futures.
M. Hoeppner: Je suis heureux de vous voir ici, messieurs, et d'apprendre, par vous, ce qui se passe en Alberta.
Monsieur Spencer, j'ai été frappé de vous entendre dire que les agriculteurs devraient expédier jusqu'aux marchés d'exportation du grain déjà nettoyé, dans des trains-blocs. Envisagez-vous un système dans lequel tous les agriculteurs seraient obligés de nettoyer leur grain et de l'acheminer jusqu'à la voie principale, ou plutôt qu'il y ait des élévateurs de grande capacité dont ils seraient propriétaires?
M. Spencer: Je crois qu'il y aura un peu des deux. En Australie, c'est au producteur d'assumer la responsabilité. Si son grain est de haute qualité, avec très peu d'impuretés et d'insectes, il peut le livrer à un silo de collecte.
Si son grain est de moins bonne qualité et qu'il ne satisfait pas aux normes, il le livre à un silo de collecte différent. Il est donc possible de mettre en place les deux systèmes. Je crois que chez nous, des systèmes de nettoyage seront installés dans des élévateurs de grande capacité, mais certains céréaliculteurs nettoyeront également leur propre grain.
Ce n'est pas normal de transporter des impuretés.... Dans notre système actuel, c'est l'agriculteur qui en paie le transport. Le grain n'a pas été débarrassé de ses impuretés. Il paie donc le transport mais la Commission canadienne du blé paie également sa part du transport des impuretés. Le grain est ensuite nettoyé au terminal portuaire.
Le chargement des silos et la manutention ont donc deux effets: ils rendent le système beaucoup plus coûteux, et les impuretés se retrouvent aux mauvais endroits.
M. Hoeppner: Avez-vous des chiffres, Buck, qui nous permettraient de nous faire une idée de la quantité des impuretés dont on doit débarrasser le grain et qui sont ensuite probablement redistribuées.
M. Spencer: Si vous prenez une production moyenne annuelle de 30 millions de tonnes, on peut considérer qu'il y a 3 p. 100 d'impuretés.
M. Hoeppner: Cela donne donc à peu près un million de tonnes?
M. Spencer: En effet.
M. Hoeppner: L'an dernier, dans le Dakota du Nord, j'ai examiné une unité de nettoyage pour l'exportation. L'installation m'a paru très économique et facile à exploiter. Nous songions à l'intégrer à notre système de séchage, mais cela crée alors le problème du transport jusqu'à la voie principale et à un système de chargement.
On songe aussi à utiliser des cellules à fond à trémie le long de la voie principale, qui seraient chargées par les agriculteurs eux-mêmes. Je sais que l'essai en a été fait à quelques endroits.
Que va-t-il se passer, selon vous, messieurs, en ce qui concerne la diversification? Un témoin qui a comparu cet après-midi, a déclaré ceci: habituellement lorsque le gouvernement vous dit de diversifier, vous faites le contraire: vous concentrez vos efforts sur la production de céréales au lieu de l'élevage.
Selon vous, serait-il possible de reconvertir des superficies importantes en Alberta pour passer de la production céréalière à l'élevage, ou pensez-vous qu'on a déjà atteint le maximum?
M. Spencer: À mon avis, le potentiel existe. J'ai traversé le sud de la Saskatchewan la semaine dernière et les possibilités qui s'y offrent sont absolument idéales. Il y a beaucoup d'eau, la production de grains fourragers est très importante, et on y élève du bétail. Ce bétail est transporté par camion dans le sud de l'Alberta et j'estime donc que le potentiel du sud de la Saskatchewan est phénoménal.
J'ai traversé d'un bout à l'autre la pointe sud de la province et je n'y ai vu que de grands parcs d'engraissement modernes. Je crois que les possibilités d'expansion de l'élevage des bovins sont donc considérables au Canada.
M. Hoeppner: Cela se fait déjà?
M. Spencer: Je crois que oui, en ce qui concerne le sud de l'Alberta. Nous avons déjà nos parcs d'engraissement et nos élevages de porcs et de volailles. Mais des possibilités très réelles s'offrent actuellement à la Saskatchewan qui, ne l'oublions pas, est la région la plus éloignée des ports.
M. Hoeppner: Que pensez-vous du paiement compensatoire? Seriez-vous favorable à ce qu'on y inclut les superficies consacrées aux fourrages?
M. Spencer: Je n'ai pas d'avis à ce sujet.
Et vous, Warren?
M. Warren Hilz (président, Transports, Western Barley Growers' Association): Nous avions décidé, je crois, que cela serait prélevé sur les 300 millions de dollars. Mais ce n'est vraiment pas une de nos grandes priorités.
M. Hoeppner: J'imagine que vous avez beaucoup de terres cultivables qui ont été mises en fourrages en raison de votre production bovine.
M. Spencer: Oui.
Hier, lors d'une rencontre, M. Goodale nous a dit que nous allions allouer 40 des 300 millions à la luzerne.
M. Hoeppner: Vous n'allez rien nous laisser au Manitoba en compensation...
M. Spencer: Il en est simplement question, rien n'est encore coulé dans le béton, mais c'est ce qui s'est dit hier.
M. Hoeppner: Cette somme était-elle destinée aux producteurs fourragers ou aux usines de déshydration?
M. Spencer: C'était pour la luzerne...
M. Hoeppner: Pour la déshydration?
M. Spencer: Oui.
M. Hoeppner: Puisque nous examinons le dossier du transport, que pensez-vous des chemins de fer d'intérêt local et du transport par route sur l'axe nord-sud?
Au Manitoba, nous avons des problèmes avec nos routes nord-sud. Êtes-vous mieux lotis en Alberta?
M. Spencer: Nous avons d'assez bonnes routes en Alberta. Comme l'industrie bovine se trouve dans le sud de la province, elle a fait construire des routes. Bien sûr, comme l'Alberta était assez riche ces dernières années, l'infrastructure routière est assez bonne.
Je n'ai pas manqué de constater que votre réseau de routes secondaires dans le sud du Manitoba n'est pas aussi bon qu'il le devrait...
M. Hoeppner: Eh bien...
M. Spencer: ...et cela va vous poser un problème.
Il est question d'imposer un tarif de 10c. la tonne métrique sur l'ensemble du réseau ferroviaire, pour permettre l'exploitation des embranchements. Même si personne ne s'opposerait au fait que l'on annonce simplement la mise hors service de 1 500 milles d'embranchements, il est question de n'en abandonner que 500 milles.
Je suis désolé qu'on n'aille pas plus loin. Si on le faisait, on construirait des routes. L'industrie du camionnage pourrait se charger des transports pour un coût nettement moindre que celui exigé sur les embranchements.
M. Hilz: Si les chemins de fer d'intérêt local réussissent à s'accrocher, tant mieux pour eux. Mais nous ne voulons pas qu'ils fassent l'objet d'un traitement de faveur.
M. Hoeppner: Il y a une raison pour laquelle je vous ai posé cette question. Après Noel, je suis allé dans le Dakota du Nord pour m'entretenir avec des représentants de compagnies de chemins de fer et de sociétés céréalières. Il m'ont dit qu'à présent ils ont un problème environnemental à cause de tous ces camions. Alors, les gens font pression pour qu'on transporte plus de marchandises par chemin de fer, parce que ce moyen de transport est plus efficace que les camions au plan énergétique.
C'était à prévoir. Donc, sur le plan de l'environnement, et surtout aux États-Unis qui importenent beaucoup de carburant...
M. Spencer: Mais voyez ce que ça donne sur le réseau de transport. Vous prenez un wagon que vous ne pouvez remplir qu'à 40 p. 100 de sa capacité pour le tracter ensuite à mi-vitesse. Et cela ne se limite pas aux embranchements, parce qu'une fois que le wagon se retrouve sur les lignes principales, il est tiré jusqu'à Vancouver ou jusqu'à Thunder Bay rempli à 40 p. 100 de sa capacité.
Le président: Mais ce n'est pas vrai dans tous les cas. D'après ce que j'ai cru comprendre, par exemple, Central Western remplit ses...
M. Spencer: Ah oui? Bien.
Le président: Les trains-blocs se déplacent à faible vitesse sur les CFIL, mais quand ils se retrouvent sur les lignes principales, ils sont remplis à pleine capacité.
M. Spencer: C'est parfait.
Le président: Comme vous le savez, il s'agit d'acier léger.
M. Spencer: Oui, c'est de l'acier léger.
M. Hoeppner: C'est ce qui m'a impressionné de l'exploitation des CFIL. Les exploitants ont ramené leurs coûts de 13$ la tonne à environ 9$. Donc, ils ont réduit leurs coûts simplement en remplissant les wagons et en les tractant à une vitesse légèrement inférieure. Mais ils tirent encore des trains-blocs et j'ai l'impression qu'ils font un bon travail.
M. Spencer: Oui. C'est fort bien s'ils parviennent à subsister. Ce mode de transport est beaucoup plus efficient que le camionnage, c'est certain.
M. Hoeppner: Alors, avez-vous des recommandations à faire au Comité des transports? Que devrait-il encore se passer qui devrait changer tout le système et qui ne se trouve pas dans ce projet de loi?
M. Spencer: Ce qui m'effraie, c'est qu'on est en train d'adopter toutes sortes de réglements et qu'on va finir avec un Nid-de-corbeau version 2, mais sans subventions cette fois. Comme je le dis dans mon mémoire, je suis convaincu que nous devrons prendre un peu de recul et voir comment les choses évoluent. Dans les conditions actuelles, il y en a qui seront durement touchés.
M. Hoeppner: Pouvez-vous mettre le doigt sur certains des problèmes qui pourraient découler de cela?
M. Spencer: Eh bien, il faut acheminer les céréales par trains-blocs. J'ai entendu des histoires d'horreur à ce sujet, et sur la façon dont on procède maintenant. On forme des convois de céréales pouvant être constitués de cinq wagons d'orge, de deux wagons de blé dur et chaque fois la compagnie ferroviaire fractionne les convois...
Il n'y a pas de stimulant à constituer des trains-blocs. Nous expédions tout ce qu'il y a, impuretés y compris, et si nous pouvions aller au-delà...
J'ai toujours cru que les sociétés céréalières achetaient les impuretés 13$ la tonne. Mais au fait, les 13$ la tonne sont entièrement prélevés sur le compte de mise en commun. Donc, les agriculteurs paient même pour faire expédier ces impuretés. C'est tout à fait inefficient.
À Thunder Bay, les choses vont mieux, en ce qui concerne les terminaux portuaires. Mais de l'autre côté du lac, et jusqu'à la Voie maritime du St-Laurent... et après jusqu'à Vancouver, alors là c'est très congestionné. Et pourtant, rien ne bouge et l'on assiste à des levées de boucliers quand quelqu'un propose des projets comme «Mercury Terminals». Rien n'incite à construire ce genre d'installations à chargement direct.
Donc, nous sommes convaincus que tout cela se produira naturellement si l'on retire à la Commission son monopole et si l'on se dégage des règlements qui régissent tout ce système.
M. Hoeppner: Avez-vous envisagé d'expédier les céréales par les États-Unis en empruntant leur réseau de chemins de fer? Est-ce que cela vous coûterait trop cher dans votre région?
Le président: C'était votre dernière question, nous devons laisser la parole aux autres.
M. Spencer: Non. Je suis un peu au courant de ce qui se passe. Le tarif marchandise est en fait l'instrument de négociation des exploitants d'élévateurs à grain, là-bas. Il suffit d'amener l'orge jusqu'à Butte, dans le Montana, et de le confier ensuite à une compagnie du nom de «Scoular Grain» qui offre le meilleur prix qui soit sur l'orge, parce que Butte se trouve à l'extrême nord du réseau desservi par l'«Union Pacific Railway» et que, de là, on peut ensuite faire transporter l'orge jusqu'en Californie par une seule compagnie de chemin de fer. Eh bien, ces gens protègent leur tarif marchandise comme la prunelle de leurs yeux parce que c'est de lui que dépend leur budget de fonctionnement. Et puis, plus bas, à Lewiston, dans l'Idaho, et à Pasco, il y a des élévateurs le long de la voie navigable qui permettent le chargement de barges et le transport à des tarifs encore plus compétitifs.
Je ne vois rien de mal ni dans nos prix de transport, ni dans quoi que ce soit d'autre. C'est simplement que nous ne sommes pas efficients.
M. Hilz: On peut penser que plus tôt les expéditeurs et les transporteurs négocieront leurs propres tarifs et mieux cela sera et plus tôt un grand nombre des choses que vous venez d'évoquer se réaliseront, c'est-à-dire la constitution de trains-blocs, le nettoyage du grain...mais il faut que cela vienne des expéditeurs. Ce ne peut être le fait de la Commission canadienne du blé, parce qu'elle n'a pas autant que les expéditeurs intérêt à réduire les prix du transport. La Commission n'a pas...
M. Hoeppner: Ça ne les touche pas.
M. Hilz: Précisément.
M. Spencer: À l'heure actuelle, rien n'incite les gens à posséder leurs propres wagons de chemin de fer, parce qu'ils sont mis en commun dans le système. Si je louais une dizaine de wagons, au début, je pourrais expédier...mais finalement, j'en perdrais la maîtrise. Si les gens pouvaient demeurer propriétaires de ces wagons, il y aurait, je crois, un incitatif à les louer. Peut-être suis-je naïf, mais j'ai vraiment l'impression que cela est nécessaire. Rien de ce que nous faisons pour l'instant ne fonctionne.
Mme Cowling: Merci de votre exposé. J'aimerais savoir combien de membres compte votre association.
M. Spencer: Trois cent soixante-quinze.
Mme Cowling: D'où sont-ils?
M. Spencer: Du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta.
Mme Cowling: Quel genre d'appui financier recevez-vous du gouvernement?
M. Hilz: Aucun depuis quelques années.
M. Spencer: Je ne pense pas que nous recevions quoi que ce soit du gouvernement.
Mme Cowling: Mais au début, n'avez-vous pas bénéficié d'un appui financier du Gouvernement de l'Alberta?
M. Spencer: Sans doute.
M. Hilz: L'essentiel de cet appui était destiné à nous aider à assumer les coûts des projets en cours à l'époque, comme une proposition de double commercialisation.
Mme Cowling: Mais cela ne va-t-il pas à l'encontre de votre principe d'un marché libre et ouvert où vous agiriez pour votre compte?
M. Spencer: Que voulez-vous dire?
Mme Cowling: Eh bien vous avez déjà reçu un appui financier du gouvernement de l'Alberta pour...
M. Spencer: Cargill va chercher un soutien financier où il peut le trouver.
Mme Cowling: Mais pouvez-vous répondre à ma question? Cela ne va-t-il pas à l'encontre du principe que vous défendez d'un marché libre et ouvert?
M. Spencer: Non.
Mme Cowling: Parfait.
Vous avez soulevé un certain nombre de questions et je me demande sur quelle base solide vous vous appuyez pour soutenir ce que vous soutenez. Quelle étude de faisabilité avez-vous effectuée ou de quel modèle disposez-vous pour étayer ce qui est dans votre document.
M. Spencer: J'ai passé six semaines en Australie. J'y ai étudié le réseau de transport intérieur et j'ai également visité les ports.
J'ai sillonné tout le réseau du Pacifique Nord-Ouest, parce que j'ai pris part à des opérations de marketing comme celle portant sur la vente des tourteaux de canola et d'avoine. Nous acheminons ces céréales jusqu'en Arizona et en Californie.
J'ai également été sur la cote Ouest. De là, j'ai fait le transport de criblures jusqu'en Alberta.
Et Grand Dieu, je peux vous dire que nous avons le réseau qu'il faut mais que nous ne l'utilisons pas au mieux. J'estime que rien n'incite ni les sociétés céréalières, ni la Commission, ni les gouvernements à changer le système. Rien n'incite les compagnies de chemins de fer a constitue des trains-blocs et rien n'incite les gens à faire le chargement direct sur les navires.
Je suis dans l'agriculture depuis 1960.
Mme Cowling: Où se trouve votre exploitation?
M. Spencer: Dans le sud de l'Alberta, à l'extérieur de Lethbridge.
Mme Cowling: Croyez-vous que le système soit juste pour ces régions grandes productrices de céréales, enclavées à l'intérieur des terres? Croyez-vous dans ce concept?
M. Spencer: Je crois qu'elles peuvent avoir des débouchés. J'estime que personne n'a le droit de dire: «Mon père a fait du blé, je vais faire du blé et mes petits-enfants feront du blé aussi». S'il est une chose dont on peut être certain dans la vie, c'est que les choses évoluent.
Nous en sommes à présent au stade où le gouvernement ne veut plus subventionner le réseau de transport en place. Il veut se retirer de ce secteur. Eh bien, si les gouvernements ne veulent plus subventionner le réseau, je crois qu'ils devraient au moins alléger la réglementation et permettre une élimination naturelle de certains segments.
Certaines régions seront désavantagées, c'est vrai, mais je ne suis pas en mesure de faire pousser du canola-colza comme le font les gens de la région de Peace River. Certes, je suis voisin de certains marchés américains, mais je ne peux produire du canola-colza comme les gens le font dans le nord de l'Alberta et dans le nord de la Saskatchewan. Chaque région présente ses avantages et ses inconvénients et il appartient à chaque producteur de s'adapter aux changements.
M. Hilz: Donc, vous convenez sans doute que le système est équitable, mais cela ne veut pas dire que les conditions sont les mêmes pour tout le monde. S'il en coûte 100$ pour transporter une tonne de céréales vers un port, c'est équitable, mais pour transporter la même tonne d'ailleurs, il peut n'en coûter que 30$ et cela demeure équitable.
M. Spencer: Il y a des gens, dans l'industrie, qui sombrent. Il y a des gens qui sont désavantagés par ce système et il y a ceux qui sont désavantagés par un système différent. Donc, cela dépend de chacun.
Mme Cowling: Donc, selon vous, nous devrions mettre en place un système selon lequel en quelque sorte, les gens seraient livrés à eux-mêmes et, ou ça passerait et ou ça casserait.
M. Spencer: Ce système fonctionne pour le lin et le canola-colza et je n'imagine pas les producteurs d'avoine réclamant le retour à la Commission canadienne du blé.
Qu'y a-t-il de si particulier avec l'orge et le blé? Ce sont des céréales comme les autres. Dans tous les autres cas, nous faisons du transport de part et d'autre du 49e parallèle et nous sommes libres de trouver nos propres marchés, mais ce n'est pas le cas avec le blé et l'orge. Si ça fonctionne pour les autres céréales, ça devrait également fonctionner dans le cas du blé et de l'orge.
Mme Cowling: Eh bien, admettons que nous ne sommes peut-être pas d'accord et passons à autre chose.
Le président: Je crois que cela ne fait aucun doute.
Des voix: Ah, ah.
Mme Cowling: Mon autre question concerne la valeur ajoutée. Votre organisation croit-elle en l'avenir de la production à valeur ajoutée et aux débouchés que présente la diversification?
M. Spencer: Très certainement. Cela a été prouvé dans le sud de l'Alberta. Qu'est-ce que la province consomme... environ 80 p. 100 de sa production d'orge?
M. Hilz: Oui, c'est à peu près cela.
Par ailleurs, s'agissant de niveaux d'exportation de produits agricoles, je lisais justement ce matin qu'au cours des dernières semaines, les exportations de produits à valeur ajoutée, en pourcentage, ont beaucoup plus augmenté que les exportations de matières premières, si bien que nous sommes sur la bonne voie.
Mme Cowling: Ce comité essaie de voir ce que sera l'agriculture et le système de transport dans son ensemble dans 10 ans, mais il s'intéresse surtout au transport. Bien sûr, nous espérons parvenir à quelque chose de fiable, de prévisible et à quelque chose dont nous pourrions assumer les coûts. Qu'en pensez-vous? En quoi pourriez-vous nous aider à réaliser ce mandat? Je crois déjà savoir ce que ce sera, mais....
M. Spencer: Eh bien, il y a déjà des choses qui se passent. Il y a toutes ces sociétés céréalières qui construisent à présent d'immenses élévateurs en béton. UGG en construit un d'une capacité de 25 000 tonnes, autrement dit d'un million de boisseaux.
Le système est en place. Je pense que nous avons besoin de ports de chargement direct où il sera possible de charger les céréales nettoyées, de façon à ne pas acheminer également les impuretés. Plutôt que de payer 32$ la tonne pour transporter des impuretés, mieux vaudrait investir cet argent dans les voies. Il nous faut des ports d'une plus grande capacité. Il faut expédier les céréales par trains-blocs, c'est-à-dire transporter les mêmes céréales vers les mêmes ports. Les installations sont déjà en place.
Nous devons songer à utiliser d'autres ports, parce que nous sommes à la merci des syndicats. Dès qu'ils sont mécontents, ils paralysent toute l'industrie. Si nous pouvions nous tourner vers des ports américains et y faire transporter les céréales, je crois que cela pourrait nous aider.
M. Collins: Eh bien, mesieurs, vous venez très certainement d'évoquer d'intéressants scénarios. Je voudrais que nous revenions sur certains afin de nous assurer que nous sommes bien sur la même longueur d'ondes.
Je ne sais pas si vous avez lu l'avis de M. Galvin au sujet de la Commission canadienne du blé, mais je suppose que vous êtes d'accord avec lui. M. Galvin est Américain. Avez-vous lu...?
M. Spencer: Non.
M. Collins: Je crois que vous le trouveriez intéressant. Il travaille avec acharnement à l'élimination de la Commission canadienne du blé. Et la seule raison, je pense, qui le pousse à faire cela c'est qu'il craint sans doute que nous avons un système qui fonctionne. Je n'ai jamais vu les Américains s'inquiéter à propos de quoi que ce soit chez nous qui ne fonctionne pas.
Vous avez été au port de Vancouver. Dans votre dernière intervention, vous avez dit avoir eu des problèmes avec les syndicats.
M. Spencer: À l'époque, ils avaient paralysé toute l'industrie.
M. Collins: Sachant cela - et si vous deviez nous conseiller - que nous diriez-vous de faire étant donné qu'il arrive que 22 à 25 syndicats interviennent dans le transport de vos produits?
M. Spencer: Eh bien, je vous recommanderais de nous débarrasser du monopole de la Commission canadienne du blé pour que les sociétés céréalières, les agriculteurs et tous les autres puissent faire acheminer leurs céréales en faisant un détour par les États-Unis si besoin était. Nous pourrions ainsi faire livrer nos marchandises d'une autre façon.
M. Collins: Est-ce que cela résoudrait le problème que pose le fait d'avoir à traiter avec les syndicats?
M. Hilz: Je crois que cela les mettrait en échec.
M. Collins: Le problème, c'est de savoir comment réagiraient nos voisins américains en voyant les camions arriver dans le Dakota du Nord. Si le troisième camion aligné était américain et que tous les autres jusqu'au dix-septième étaient canadiens, je suis sûr qu'ils verraient cela d'un mauvais oeil. Ils demanderaient pourquoi ils ont à faire la queue.
M. Spencer: Vous savez, le plus gros problème que nous avons eu dans le Dakota du Nord et dans le Montana, c'est avec les céréales de la Commission canadienne du blé, transportées à bord de camions canadiens, et qui transitaient par des installations américaines à des tarifs inférieurs à la moyenne.
Je connais bien des gens qui acheminent d'importantes quantités de céréales....
M. Collins: Avez-vous des statistiques? Si oui, j'aimerais que vous les fournissiez au comité pour que nous puissions les recevoir en preuve. Avez-vous ces preuves?
M. Spencer: Je pourrais vous les obtenir.
M. Collins: Je l'apprécierais.
M. Spencer: Dans le cas du Montana....
M. Collins: Je ne parle pas du Montana, je parle du Dakota du Nord.
Ce genre de chose nous est déjà arrivé. Je n'aime pas que des gens se présentent devant nous et nous fassent part de remarques et non de faits. Si vous avez ces données précises, j'aimerais que vous nous les communiquiez. Je ne veux pas paraître belliqueux mais je crois que de telles données devraient nous être fournies.
M. Spencer: Eh bien, monsieur, je peux vous dire que je transporte du grain aux États-Unis depuis une dizaine d'années et que j'y ai expédié du blé et de l'orge. Je n'ai jamais eu de problème à traiter avec ces gens.
M. Collins: Tout ce que je vous dis, c'est qu'au cours de la dernière année....
Permettez-moi de dire autre chose. M. Hoeppner et nous tous avons pris position. Vous voulez que le gouvernement se retire. L'année dernière, un sous-comité des transports - dont le président était d'ailleurs membre - a formulé sept ou huit recommandations.
Nous avions notamment recommandé de mettre un terme au retour à charge, d'augmenter la capacité des silos, d'imposer des frais de surestarie dans le cas des wagons mal utilisés, d'interdire que ces wagons soient laissés sur la voie et d'accorder des primes pour l'utilisation correcte des wagons. Estimez-vous qu'il s'agit là de mesures positives?
M. Hilz: Tout à fait, elles sont très positives.
M. Collins: Eh bien il a fallu que ce soit le gouvernement qui fasse cela. Vous ne pouvez pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Vous voulez que nous intervenions ou que nous nous retirions? J'estime que nous avons fait ce qu'il fallait en intervenant parce que c'est le genre de pratiques qui s'instauraient.
Les intervenants dans le système.... et si vous aviez été avec nous, vous auriez vu que c'était comme dans Alice au pays des merveilles. Tout le monde avait une histoire à raconter, mais personne ne voulait prendre le blâme. Or, le problème qui se pose à présent, c'est que nous n'allons plus nous occuper de cela. Cela a été abandonné.
Au début, vous avez dit que vous n'aviez rien contre la CEE ni contre le programme américain d'expansion des exportations (EEP).
M. Spencer: Je n'ai pas dit que je n'avais rien contre. J'ai dit que ce n'était pas la source de nos problèmes.
M. Collins: Mais vous vous rendez bien compte que le problème existe. Je vais en revenir àM. Galvin. Ces gens sont prêts à ce que les États-Unis bénéficient de 900 millions de dolars de subventions pour justifier leur programme.
M. Spencer: Eh bien si les Américains veulent manger de l'orge, laissons-les faire. Donnez-moi la possibilité, en tant que particulier, d'aller là-bas et de leur dire «vous voulez de cet orge? Alors allez-y!». La façon la plus rapide de mettre un terme à l'EEP est de permettre l'écoulement des céréales canadiennes.
M. Collins: Tout ce que je dis, c'est que selon moi il va y avoir un problème. Je vais en revenir à mon analogie. Supposons que deux personnes - ce pourrait être Mme Cowling et moi-même - aient un produit à écouler aux États-Unis. Vont-elles retenir le transporteur leur proposant le tarif le plus élevé ou celui leur proposant le tarif le plus bas? Elles n'opteront certainement pas pour le plus cher des deux. Nous allons tous deux jouer le jeu de la concurrence pour que le produit soit écoulé sur le marché visé.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des chemins de fer d'intérêt local. Je ne vois rien de mal avec les terminaux de têtes de ligne de l'intérieur; il y en a dans ma région et je vois que les trains-blocs circulent bien. Ces terminaux sont très efficaces, comprenons-nous bien.
Mais si l'on faisait intervenir les CFIL, faudrait-il leur accorder le même nombre de wagons de trains-blocs que dans le cas des accords conclus avec terminaux de têtes de ligne de l'intérieur?
M. Spencer: J'estime que ce serait aller un peu trop loin que d'exiger des exploitants de chemins de fer d'intérêt local de constituer des trains-blocs mais l'on devrait prévoir certaines situations où les wagons seraient regroupés en trains-blocs à l'extrémité d'un CFIL.
M. Collins: Parfaitement.
M. Spencer: Je n'ai rien contre les chemins de fer d'intérêt local, tant qu'ils ne coûtent pas les yeux de la tête aux contribuables.
M. Collins: D'aucuns ont prétendu que les CFIL ne sont pas visés par le programme à cause d'un oubli. Peut-être avez-vous entendu cela. Chacun de vous devra assumer un certain coût à cet égard. Qu'en pensez-vous?
De quoi s'agit-il, de 10c. la tonne?
M. Spencer: Oui, de 10c. la tonne.
Dix cents la tonne, ce n'est que 10c. la tonne, mais, nous sommes repartis pour un tour. Nous jouons le Nid-de-Corbeau, version II. On y revient, on réglemente le fret et l'utilisation des wagons, et, de nouveau, le système éprouve des problèmes. Dix cents la tonne, ce n'est pas beaucoup, mais....
M. Collins: Mais à cause d'un oubli les chemins de fer d'intérêt local échappent au filet.
M. Spencer: Ce n'est pas grave.
M. Collins: Cela ne vous fait rien?
M. Spencer: Non.
M. Collins: Vous devrez faire avec.
Le président: Pensez-vous qu'on aurait dû commencer par les intégrer dans le calcul du coût de référence? C'est de là que vient le problème. Nous pourrions prendre n'importe quel autre poste de dépenses qu'on aurait oublié pour le remettre dans le calcul et on nous accuserait d'augmenter les coûts de référence, même si, au début, il s'était agi d'un simple oubli.
M. Collins: Comme vous avez été au port de Vancouver, je voulais savoir si vous aviez traité avec les producteurs d'orge de l'Alberta.
M. Spencer: Avec les produteurs d'orge de l'Ouest? Oui.
M. Collins: Parfait.
Cela nous éloigne de la question du train-bloc, mais là-bas, les semi-remorques arrivent et chargent leur 25 tonnes en une minute et 15 secondes. Après cela, ils mettent les céréales en conteneurs pour les charger à bord des bateaux et les expédier vers l'Asie du Sud-Est ou ailleurs. J'ai bien dit une minute et 15 secondes. Comment pourrions-nous faire cela s'il n'y avait pas cette installation?
Deuxièmement, je sais que vous avez parlé du terminal portuaire de Roberts Bank, mais regardez la situation du port de Vancouver, et voyez son encombrement. Il y a cinq compagnies de chemin de fer. Je n'aurais pu imaginer un système plus complexe que celui-là. Il y avait les débardeurs qui participaient à un programme complètement dépassé; ils devaient se rendre dans la salle de réunion à 15 heures pour qu'on leur dise où travailler. C'est impossible de faire des affaires de cette façon.
Qui aura le courage d'intervenir et de dire à ces gens que le travail est bien fait mais que la façon dont il est réparti soulève certaines questions? Quand allons-nous réussir à régler ce genre de problèmes? Comment pourrions-nous vous aider à améliorer la situation pour que nous ne soyons pas obligés d'envoyer une bonne partie de nos expéditions en utilisant d'autres terminaux portuaires, comme Portland et Seattle, parce qu'il y a ces gens ici qui ont besoin de travailler?
M. Spencer: Mercury International Terminals n'est plus en activité. Jimmy Patterson, avecM. Brown maintenant, ont racheté les anciennes actions Westmark et ont loué des terrains à Roberts Bank. Ils vont y construire un terminal de déchargement. Voilà ce dont le pays a besoin, un terminal qui permet de charger directement sur les navires des céréales propres, ce qui nous permettrait d'y envoyer des trains-blocs. Cela pourra se faire à Roberts Bank.
Je me souviens qu'il y a deux ou trois ans, on faisait de la promotion pour Mercury Terminals et nous avions reçu une délégation de Vancouver, de l'autorité portuaire de Vancouver, M. Kancs... ils visitaient le pays et disaient que les terminaux étaient très efficaces. Il faudrait qu'un des terminaux de Vancouver soit uniquement utilisé pour le canola-colza. Nous avons besoin d'un terminal où l'on puisse charger directement nos produits sur les navires.
M. Collins: Vous pensez que Roberts Bank serait un bon endroit pour le faire?
M. Spencer: Oui, je crois que ce site est idéal.
Le président: Il ne servirait pas à grand-chose que nous discutions de la Commission canadienne du blé, parce que cela ne servirait à rien. Nous avons des idées différentes sur cette question.
Vous avez tout de même affirmé qu'on allait adopter une série de règlements qui seraient la reprise du Nid-de-Corbeau. Je me demande si vous pourriez être un peu plus précis sur ce point. Plus précisément, de quels règlements parlez-vous?
M. Spencer: Ils ont conservé le contrôle des wagons. D'après moi, je crois que l'attribution des wagons devrait être laissée aux lois du marché. Nous avons toujours un système qui nous oblige à expédier des céréales non nettoyées que l'on sera obligé d'entreposer, de classer et d'inspecter. Mais après tous ces frais, il ne reste pas grand-chose pour le producteur. Ce ne sont certainement pas les sociétés céréalières qui vont se battre pour modifier la situation. Cela existe toujours.
Il n'y a rien qui pourrait les inciter à... On devrait mettre en place une mesure qui inciterait les producteurs à livrer des céréales nettoyées aux silos de collecte. L'orge fourragère est un bon exemple de cela. Je connais des agriculteurs qui ont livré cinquante livres d'orge fourragère de qualité aux silos de collecte. Mais lorsque l'orge arrive à Vancouver, il est mélangé à toutes sortes de choses et l'orge fourragère numéro 1 ne pèse plus que 46 livres et peut contenir jusqu'à 2,5 p. 100 de corps étrangers. Voilà l'état dans lequel se trouve l'orge lorsqu'il arrive à Vancouver, même si l'agriculteur a livré au départ un produit bien supérieur.
Ce genre de choses existent toujours et cela continue. Le blé numéro 1 peut supporter...
Le président: Mais nous ne réglementons pas ces aspects-là. Si j'ai bien compris, les ports à chargement direct et ce genre de choses sont des possibilités. Ce sont des possibilités intéressantes mais les changements que nous proposons d'apporter à la LTGO et les autres mesures n'empêchent aucunement de mettre en oeuvre ces possibilités. Il n'y a aucun règlement qui oblige de conserver tout cela, n'est-ce pas?
M. Spencer: La Commission canadienne du grain. C'est un organisme gouvernemental et c'est elle qui met sur pied tous ces...
Le président: Oui, mais pour ce qui est des inspections, l'évaluation des impuretés et le classement et ainsi de suite. Mais si nous avons la réputation que nous avons à l'heure actuelle... Je veux dire que le Canada a une bonne image dans le monde, où que ce soit. Lorsqu'on achète un produit canadien, on sait que c'est un produit de qualité. On ne peut pas dire la même chose des États-Unis. Sur le marché mondial des céréales, ces sont les derniers fournisseurs sollicités, parce que l'on sait qu'on n'aura pas de la bonne qualité.
M. Spencer: Il y a un autre pays qui est en train de se faire une réputation pour ce qui est de livrer des céréales d'excellente qualité, c'est l'Australie. L'Australie est en train de nous prendre des clients. Leur système est tout à fait différent du nôtre. Ils ne s'occupent pas du nettoyage. C'est au producteur de le faire.
Il nous faut un système qui accorde une prime au producteur qui livre des céréales de bonne qualité. Nous obtenons des céréales de haute qualité en les entreposant, en les nettoyant, en les classant et en les inspectant. Je crois que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Les sociétés céréalières font beaucoup d'argent avec cette méthode et elles ne seront pas disposées à changer quoi que ce soit. Mais si on arrivait à inciter le producteur à livrer au départ des céréales de cette qualité, cela demeurerait...
Le président: Je dis simplement que les mesures proposées n'empêchent pas d'aller dans cette direction. Je crois que cela pourrait se mettre en place progressivement. Il est possible que les sociétés céréalières ne soient pas de notre avis pour ce qui est du classement qui s'effectue dans les élévateurs et de l'effet des changements, mais pour ce qui est de la position du gouvernement, je ne pense pas que nous soyons en train de bloquer le système dans son état actuel.
M. Spencer: Je n'en sais trop rien. D'après moi, on devrait expédier le grain à partir des points d'expédition en fonction des normes demandées par l'importateur. C'est la personne qui achète le grain qui devrait décider quel genre de grain nous devons lui envoyer. Il me semble que c'est le client qui devrait dicter ses conditions.
Je nous ai déjà vu remettre des impuretés dans le grain; après avoir fait tout ce travail pour amener le grain à une certaine qualité, avant de l'expédier, nous y avons remis des impuretés parce que c'était ce que le client voulait.
Ce sont des obstacles auxquels j'aimerais voir le gouvernement s'attaquer. Il y a le système de classement; il faudrait trouver le moyen d'intéresser le producteur à livrer la meilleure qualité possible, mais ensuite de conserver cette qualité lorsque le grain est expédié et exporté.
Le président: Je ne vois pas pourquoi cela ne peut se faire avec le système actuel.
Quoiqu'il en soit, pour ce qui est de la modification des tarifs marchandises, il y a un aspect qui m'inquiète en particulier pour ce qui est de l'orge fourragère. Prenons le cas de Winnipeg, où le tarif de l'orge fourragère est d'environ 9,11$. Avec les nouveaux points de mise en commun et les propositions de la Commission canadienne du blé pour 1995, ce producteur va se voir déduire au silo un taux de marchandise d'environ 41,34$, même s'il va peut-être récupérer 6$ sur le paiement final.
Quel effet cela va-t-il avoir sur le producteur? Vous représentez les producteurs d'orge. Je sais que si j'étais producteur d'orge - c'est ce que je ferais pousser dans l'Île-du-Prince-Édouard - et si je devais le livrer à un élévateur de Winnipeg, et que l'on me parle de me déduire 41,34$ pour le transport, je ferais une colère.
M. Spencer: Oui.
Le président: Que va-t-il se passer? Que faites-vous pour protéger les intérêts des producteurs d'orge, que ce soit la diversification ou autre chose? Décrivez-moi un peu ce qui va se passer là-bas.
M. Spencer: Nous avons déjà commencé à transporter l'orge par camion du Manitoba vers le sud de l'Alberta à un coût de 22$ la tonne. Personne ne va payer 41$ de transport pour l'orge. S'il y a des producteurs qui n'arrivent pas à contourner cela, ils vont devoir abandonner la culture de l'orge fourragère. Il n'y a pas d'autre solution.
Le président: Vous livrez de l'orge aux parcs d'engraissement en Alberta.
M. Spencer: Paul's Hauling est prêt à transporter de l'orge entre le sud du Manitoba et le sud de l'Alberta à un prix de 22$ la tonne.
Mme Cowling: Quelle quantité d'orge transportez-vous de cette façon, vers l'Alberta?
M. Spencer: Je n'ai aucune idée des quantités. Il y en a beaucoup.
Mme Cowling: Ce genre d'affirmation devrait s'appuyer sur une documentation, parce que lancer un chiffre comme cela ne nous apprend pas grand-chose. S'agit-il d'un camion?
M. Spencer: J'habite dans une région où il y a un million de têtes dans les parcs d'engraissement - dans le sud de l'Alberta. Il y a des agriculteurs qui reçoivent tous les jours 10 ou 12 Super-B, tous les jours, ce sont des exploitants individuels. Le grain voyage beaucoup. Il en arrive du nord de la Saskatchewan. Il en arrive du sud de la Saskatchewan. J'ai apporté ici un chargement la semaine dernière qui venait du sud de la Saskatchewan. J'ai transporté un chargement de Redvers en Saskatchewan jusque dans le sud de l'Alberta et je crois que le coût du transport s'est élevé à quelque chose comme 18$. Je m'occupe de ce genre d'activités, il y a pas mal d'orge qui arrive par camion à un prix de 22 à 28$ la tonne. On a même transporté du blé de Lethbridge en Alberta au terminal Pioneer à Vancouver pour 35$ la tonne. Ils ont ramené pour Canbra Foods un échantillon de canola-colza venant de ce terminal pour un prix de 18$. Le coût de transport moyen était de 25$, et cela s'est fait par camion.
Le président: Oui, mais un des problèmes que cela pose.... Je suis d'accord avec l'exemple que vous avez donné. C'est la même chose si vous envoyez un camion chargé d'orge aux États-Unis et vous en tirez un excellent prix mais si tout le monde commence à amener de l'orge par camion aux États-Unis, il est sûr que les prix vont baisser. Le même phénomène s'applique à l'envoi d'un camion de canola-colza à Vancouver. Par contre, si vous avez à envoyer 30 millions de tonnes métriques par camion à Vancouver, ce n'est pas la même chose du tout. Vous ne pouvez pas d'un seul coup....
M. Spencer: Personne ne va utiliser des camions pour expédier le grain à Vancouver. Ce n'est pas une solution. Je vous indique simplement ce que fait le secteur du transport routier. Je crois que l'on pourrait installer quelques parcs d'engraissement dans le sud de la Saskatchewan; il y a de l'eau, il y a de l'herbe, nous avons de bonnes terres pour produire de l'orge et ils s'en produit déjà mais il n'y a pas d'élevage dans le sud de la Saskatchewan. Une des raisons en est que l'on a lourdement subventionné le sud de l'Alberta et qu'ils ont ainsi établi une bonne base de travail.
Le président: Ils ont une base. La dernière question que j'aimerais poser c'est ce que le gouvernement devrait faire pour encourager la diversification, ou les autres mesures qui vous paraissent souhaitables. Que devrait faire le gouvernement pour vous aider compte tenu du nouveau régime?
M. Spencer: Je crois que s'il laissait la concurrrence jouer librement et qu'il autorisait les entrepreneurs à créer leurs propres...
Une voix: Laissez faire et tout ira bien.
M. Spencer: Oui, tout ira bien.
Le président: Y a-t-il d'autres questions? Jake, une brève question.
M. Hoeppner: Un commentaire peut-être. Je voulais simplement confirmer si ce queM. Collins a dit au sujet de la question du retour en arrière était exact. Nous avons dit qu'il fallait y mettre fin mais cela continue. Le problème est que lorsque le gouvernement prend des décisions, elles ne sont pas mise en oeuvre immédiatement. Nous avons dit au gouvernement de démanteler l'Office du transport du grain parce que M. Kancs a même déclaré qu'il fallait que quelqu'un ait la volonté de faire fonctionner ce système. Rien n'a changé. Nous prenons parfois notre temps à la Chambre et la Commission canadienne du blé n'a pas très bonne presse à l'heure actuelle. Pour une raison que j'ignore, je n'obtiens pas beaucoup de réponses lorsque je pose des questions au sujet de la Commission canadienne du blé.
Le président: Le dernier sondage indiquait un renforcement de l'appui accordé à la Commission canadienne du blé, Jake, et je suis heureux de l'entendre.
Messieurs, nous avons beaucoup apprécié votre exposé. Au nom du comité, je vous remercie d'être venus. Tout le monde a son idée sur cette question mais je crois que c'est la seule façon de faire les choses.
Voici maintenant les représentants de la Western Stock Growers' Association, David Foat et Norman Ward.
Bienvenue messieurs. Nous aimerions entendre un bref exposé, après quoi nous passerons aux questions. Merci d'être venus.
M. David Foat (président, Western Stock Growers' Association): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle David Foat et je représente la Western Stock Growers' Association de l'Alberta. Je suis heureux qu'on m'ait invité à participer à cette discussion sur la question du transport du grain.
J'aimerais faire un peu de publicité pour notre organisme. Nous allons célébrer l'an prochain notre premier siècle d'existence en tant qu'organisme de défense de la libre entreprise. Notre objectif est bien sûr d'amener le gouvernement à préserver la libre entreprise, en particulier en Alberta mais aussi dans le secteur de l'élevage au Canada.
Nous allons célébrer ce centenaire l'an prochain en faisant la transhumance d'un troupeau. Il nous faudra cinq ou six jours pour traverser le Suffield Block au sud de l'Alberta. Nous vous invitons à vous renseigner et nous serions heureux de vous avoir avec nous pour célébrer notre centaire l'an prochain.
Je suis accompagné de M. Norm Ward, le vice-président de la Western Stock Growers' Association qui est également propriétaire d'un ranch dans le Sud de l'Alberta. Norm va présenter une partie de l'exposé et m'aidera à répondre aux questions.
Nous allons donc maintenant passer à notre exposé.
La Western Stock Growers' Association est heureuse d'avoir l'occasion de fournir au sous-comité sur le transport du grain notre avis sur le versement de paiement compensatoire en remplacement de la subvention du Nid-de-Corbeau prévue dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, une subvention à l'exportation.
Les éleveurs s'intéressent à cette question parce qu'ils estiment avoir été désavantagés dans le passé en raison du prix élevé des fourrages qu'ils ont été obligés de payer à cause de l'écart entre le prix du transport du grain fixé législativement à un demi cent par tonne/mille et le coût réel du transport du grain. Nous payons toujours l'équivalent de la subvention à l'exportation prévue par la LGTO, soit 20,90$ la tonne en 1983, montant qui a été plus élevé les années suivantes. Pour que l'on puisse utiliser dans la province du grain qui autrement aurait été exporté, l'Alberta a offert une contre-subvention qui couvrait une partie de cet écart, entre 1985 et 1994, selon un barème régressif.
On a mesuré en 1978 le fardeau économique qu'on avait imposé au secteur de l'élevage. Un économiste, Gordon McEachern, a constaté que les éleveurs de l'Alberta payaient la tonne d'orge 12,10$ de plus que leurs concurrents de l'Iowa et du Colorado ne le faisaient pour le maïs. Cela représentait pour les Albertains un désavantage compétitif de près de 25$ par tête. Il a constaté que le cheptel bovin albertain avait diminué de ce fait de 10 p. 100 et que cela représentait pour l'industrie un manque à gagner de 26 millions de dollars annuellement.
La situation s'était aggravée au moment où l'on a adopté la LGTO cinq ans plus tard.
Voici quelques questions générales. Premièrement, le tarif du Nid-de-Corbeau ne devait pas à l'origine être inférieur au coût réel du transport du grain. Ce n'est que dans la seconde moitié du siècle que les compagnies de chemin de fer ont demandé au gouvernement des subventions de fonctionnement.
Deuxièmement, après avoir dépensé depuis 1975 plus de 10 milliards de dollars en subventions au transport du grain pour 12 000 wagons - trémies, pour la remise en état d'embranchements, pour la modernisation des wagons couverts et pour les subventions directes à l'exportation prévue par l'accord du Nid-de-Corbeau, ces subventions sont toujours à l'origine de graves problèmes. Il est évident que ce régime de subventions est un échec.
Troisièment, ce sont les grands exploitants d'élévateurs à grain, principalement le Prairie Pools qui ont été les véritables bénéficiaires de cette politique de versement de la subvention aux compagnies de chemins de fer parce qu'ils ont réussi à prendre le contrôle du processus de rationalisation du système de transport du grain et ainsi, à protéger les investissements qu'ils avaient faits dans des élévateurs pour la plupart désuets, inefficients et de faible capacité. Si l'on avait laissé jouer les forces du marché, le système de manutention du grain serait adapté aux besoins des agriculteurs.
Quatrièmement, une étude effectuée par le comité sénatorial permanent de l'Agriculture, des Pêches et des Forêts intitulée Nos sols en péril attribue la grave dégradation des sols dans les Prairies au système canadien de contingentement des expéditions de grain et de subventions au transport des grains.
Cinquièmement, même si nous sommes contre les subventions par principe, nous sommes énormément surpris de la répartition inéquitable du paiement compensatoire que préconisent certains groupes d'intérêt, une fois supprimée la subvention du Nid-de-Corbeau. On soutient encore à tort que seuls les agriculteurs qui ont exporté des grains avaient le droit de toucher ce paiement compensatoire - idée qui sous-tend la politique de versement direct aux compagnies de chemins de fer découlant de la LTGO.
Résultat, seuls les agriculteurs qui ont exporté des grains ont bénéficié des largesses du gouvernement. Pourtant, la seule différence qui existe entre un agriculteur qui produit pour l'exportation et un autre qui produit pour la consommation locale est l'origine de la subvention. Le gouvernement devrait donc s'abstenir d'indemniser, par le paiement compensatoire - les seuls agriculteurs qui ont exporté leurs grains au détriment de l'économie des provinces des Prairies et du sol.
Nous n'exigeons pas que les éléveurs touchent leur juste part du paiement compensatoire mais nous réagissons à ce manque d'équité. Il est possible que les producteurs de l'Alberta, et même du Manitoba, se voient refuser leur part du paiement compensatoire en remplacement de la subvention du Nid-de-Corbeau équivalente à celle de la Saskatchewan, pour la seule raison qu'ils n'ont jamais exporté toute leur production de céréales mais qu'ils nous l'on vendue ainsi qu'à d'autres utilisateurs des provinces des Prairies.
Nous sommes également choqués d'entendre dire que si l'on tient compte des céréales consommées au Canada cela risque de trop réduire le montant du paiement compensatoire. Quelle bêtise! Cet argument va à l'encontre des faits et ne fait que réfléter l'égoïsme de ceux qui l'avancent.
Sixièment, le gouvernement a raison d'affirmer que l'avantage de l'Accord du Nid-de-Corbeau s'est reflété sur la valeur des terres, pas de toutes les terres, mais seulement de celles qui ont été utilisées pour les céréales d'exportation. Plus précisément, l'effet qu'a eu l'Accord du Nid-de-Corbeau sur la valeur des terres s'est autant fait ressentir au Manitoba et en Alberta qu'en Saskatchewan. C'est pourquoi il ne serait pas logique d'organiser les producteurs en se basant uniquement sur les quantités de céréales exportées. La seule façon logique de procéder est d'indemniser les producteurs en fonction des céréales produites ou des terres cultivées.
Septièmement, l'augmentation de la valeur des terres va certainement profiter à leur propriétaire, mais c'est le fermier céréalier qui par son activité a fait bénéficier ces terres de l'avantage du Nid-de-Corbeau. Il serait donc logique que le gouvernement refuse de verser le paiement indemnitaire du Nid-de-Corbeau s'il n'existe pas d'accord signé entre le propriétaire de la terre et le fermier, précisant la part des chacun.
Pour ce qui est de la réforme du transport du grain, la plupart des problèmes auxquels fait face actuellement l'agriculture dans l'Ouest découle des subventions qui préservent le statu quo et empêchent les efforts faits pour s'adapter aux nouvelles réalités. Les subventions offrent toujours certains désavantages, ce sont parfois ceux qui sont subventionnés qui en souffrent, mais elles nuisent toujours aux contribuables, puisque ce sont eux qui paient. Le remède consiste à abolir ces subventions.
Ne faites pas l'erreur de croire qu'il suffira d'effectuer le paiement indemnitaire prévu par l'Accord du Nid-de-Corbeau. Il faudra également supprimer les mesures gouvernementales qui introduisent des distorsions sur le marché et qui constituent des obstacles à la croissance.
D'autres aspects doivent être déréglementés, notamment la répartition des wagons; les restrictions qu'impose la Commission canadienne du blé aux mesures de commercialisation que pourraient prendre les agriculteurs; les pratiques opaques de la Commission canadienne du blé en matière d'établissement des prix; et les signaux qu'envoie la Commission canadienne du blé sur un marché protégé, qui trompent souvent les producteurs et les amènent à prendre de mauvaises décisions.
Depuis un siècle, les éleveurs de bovins qui ont appuyé la Western Stock Growers' Association s'opposent à ce système de subvention et aux autres politiques protectionnistes. Nous avons toujours pensé que le commerce est plus prospère lorsque le gouvernement ne vient pas le réglementer et l'entraver. Nous avons toujours été convaincus qu'un marché libre permet le mieux d'orienter la production et de déterminer les prix. Seul le marché livre peut amener les acheteurs et les vendeurs à s'entendre au sujet de leurs opérations commerciales.
Il ne faut pas imposer un plafond aux tarifs pratiqués pour le transport du grain, puisque cela amènerait inévitablement un autre système de subventions comme l'ont déjà fait le taux du Nid-de-Corbeau et la LTGO. Il faut laisser les forces du marché fixer ces tarifs.
Ceux qui sont incapables de tirer les leçons de l'histoire sont condamnés à la répéter. En deux mots, notre conseil pour ce qui est de la réforme du transport du grain est d'en sortir le plus vite possible et de laisser jouer librement les forces du marché. Le marché va contrôler l'offre, régir la répartition des moyens de transport et des autres ressources, donner des signaux sur l'évolution du marché et des prix et fournir un appui à long terme aux producteurs qui sont prêts à s'adapter, et tout cela, beaucoup mieux que le gouvernement et les bureaucrates ont pu le faire jusqu'à présent.
Je vais maintenant laisser Norm continuer.
M. Normand Ward (premier vice-président, Western Stock Growers' Association): Le prochain sujet est l'effet de la suppression des subventions au transport.
La mort des provinces des Prairies s'explique par un ensemble de facteurs, et non pas seulement par les subventions au transport. Il y a encore beaucoup de villes dans ces provinces qui sont desservies par des lignes de chemins de fer remis en service et où passent régulièrement des convois de grains sont encore en train de mourir. Les gens sont prêts à aller plus loin pour acheter dans les grandes villes au lieu de payer plus cher dans les petits magasins. En outre, les nouveaux silos-élévateurs à chargement et déchargement rapide ont besoin d'espace dégagé pour que l'on puisse construire les raccordements qu'exige leur grande capacité. Il y en a maintenant beaucoup à l'extérieur des villes.
L'expérience albertaine en matière de produits à valeur ajoutée a donné d'excellents résultats, puisque le gouvernement a décidé de compenser en partie la perte économique causée à l'économie provinciale par les subventions fédérales. C'est ce qui a permis à l'Alberta de diversifier beaucoup plus son secteur agro-alimentaire.
Je vais vous fournir certains faits. En 1982, 87 p. 100 des exportations de l'Alberta étaient composées de produits primaires. En 1993, les exportations de produits bruts étaient tombées à 64 p. 100. En 1994, les exportations de produits agro-alimentaires vers 131 pays s'élevaient à près de3,9 milliards de dollars. Les exportations à valeur ajoutée se sont montés à 1,3 milliard de dollars en 1994, soit une augmentation de près de 24 p. 100 par rapport à l'année précédente. Des exportations d'une valeur de 1,9 milliard de dollars ont été faites vers les États-Unis, ce qui représente une augmentation de 31 p. 100. Les exportations de viande de boeuf ont augmenté de 32 p. 100, passant à près de 386 millions de dollars. Des exportations de 500 000 têtes de bétail, d'une valeur de600 millions de dollars, ont été effectuées. Le cheptel de bétail de l'Alberta se monte à 5,4 millions de têtes. Il s'agit d'une augmentation de 1,6 million de têtes par rapport au cheptel de 1950. Ce sont là des augmentations tout à fait considérables. L'Alberta se charge de finir à l'heure actuelle 65 p. 100 des boeufs de boucherie du Canada et elle arrive en cinquième position en tant que parc d'engraissement du bétail en Amérique du Nord, derrière le Colorado, le Kansas, le Nebraska et le Texas.
Les marchés américains de la viande de boeuf et du bétail vif, d'une valeur d'environ 1 milliard de dollars pour la seule Alberta, sont extrêmement importants pour les producteurs de bétail de l'Alberta et ils sont menacés chaque fois que les gouvernements cherchent à aider les agriculteurs en les subventionnant.
Est-ce que la suppression de la subvention du Nid-de-corbeau est suffisante? En un mot, non. Il est indispensable de déréglementer complètement tous les secteurs de l'industrie des grains, à l'exception éventuellement des services de classification et de normalisation. La réforme de LTGO étant désormais bien en train, c'est la Commission canadienne du blé qui est devenue le principal obstacle au commerce susceptible d'empoisonner le marché américain dans des secteurs tels que l'élevage. Une réforme est indispensable.
Tout d'abord, il faudrait privatiser la Commission canadienne du blé et lui enlever son monopole sur la commercialisation du grain. Si la Commission canadienne du blé est une si bonne chose, comment se fait-il que l'on ne l'impose pas à l'Ontario et au Québec?
En deuxième lieu, si le gouvernement ne réussit pas à se donner la volonté politique de mettre fin au monopole de la Commission canadienne du blé, il serait alors indispensable d'avoir un double marché pour donner aux agriculteurs des choix raisonnables en matière de commercialisation et faire en sorte qu'ils reçoivent des signaux plus clairs du marché. La Commission reconnaît elle-même qu'elle est mieux adaptée à la recherche de marchés importants, centralisés, contrôlés qui ne s'adressent qu'à un seul acheteur. Toutefois, le fait de vendre à un acheteur unique est devenu de plus en plus en handicap avec l'effondrement de l'empire soviétique qui représentait un gros monopole auquel la Commission pouvait offrir ses services.
En troisième lieu, il faut que les utilisateurs nationaux puissent accéder librement à toutes les qualités de blé et d'orge.
Quatrièmement, le marché nord-américain dans son intégralité devrait être considéré comme étant national pour les besoins de la Commission canadienne du blé. Il devrait y avoir un marché continental permettant aux agariculteurs de se ménager des créneaux et d'être moins tributaires de la Commission et du cartel des entreprises propriétaires des silos. Si la Commission fait un bon travail en rendant service aux agriculteurs, elles survivra à cette épreuve.
Enfin il faut, dans le cadre de la diversification, qu'il y ait moins de règles, de réglementations et de restrictions et moins d'aide de la part des gouvernements. L'agriculture doit survivre sans que les bureaucrates lui tiennent la main alors qu'ils ne subissent pas les conséquences de leurs erreurs lorsqu'il s'agit d'affecter les wagons, de les mettre en commun ou de rationaliser les lignes secondaires.
La meilleure façon d'améliorer l'efficacité et de réduire le coût de la manutention des grains et du système de transport est de supprimer toutes les administrations qui à l'heure actuelle les réglementent en laissant au marché le soin de décider des prix et de rationaliser les ressources. Il faudra même laisser aux forces du marché le soin de décider de l'affectation des wagons et de la rationalisation des lignes secondaires. Les regroupements devraient être laissés au choix des producteurs, à tout le moins par l'intermédiaire d'un double marché.
Nous n'insisterons jamais trop sur l'importance de la déréglementation. Laissés à leur sort, les expéditeurs finiront par louer des wagons de chemins de fer ou par s'en faire construire pour expédier leurs grains, à condition que leur investissement soit rentable. Les flottes privées et spécialisées de wagons trémies brillent par leur absence dans le secteur des grains au Canada. Les investissements effectués dans l'industrie de la potasse, du charbon, du pétrole, des produits forestiers et de l'automobile montrent que la déréglementation entraîne l'acquisition de matériel roulant par le secteur privé.
C'est aussi le marché qui doit entraîner une rationalisation des lignes secondaires. Lorsque les principales lignes de chemins de fer ne peuvent pas faire le travail, il est possible que de petites lignes ferroviaires puissent le faire. À notre avis, il n'est pas nécessaire de prévoir un fonds de transition et d'adaptation. Les programmes temporaires ont eu tendance par le passé à devenir permanents et à causer des dommages. L'affectation doit se faire en fonction du volume d'activité actuel et en tenant compte de la valeur économique des récoltes expédiées. Dans un marché livre et déréglementé on aurait, l'année dernière, expédié en premier lieu le canola de grande valeur en faisant passer ensuite l'orge de la Commission canadienne du blé, ce qui aurait procuré davantage d'argent aux agriculteurs.
Aucune infrastructure gouvernementale n'est nécessaire dans le secteur des grains. Les secteurs de la potasse, du charbon, des produits forestiers et de la fabrication ont-ils besoin d'une infrastructure gouvernementale? Non. Ils font confiance au marché et discutent directement des contrats et des conditions avec les sociétés de chemins de fer. Je considère que les agriculteurs peuvent en faire autant.
Les impôts plus élevés, le coût accru des facteurs de production et le prix supérieur de la main-d'oeuvre réduisent notre revenu disponible et nous empêchent d'être concurrentiels par rapport au service de transport des autres pays. Tout cela est cependant la conséquence de l'implication plus grande de nos gouvernements et de la lourdeur de la réglementation dans notre pays. Si l'on réduisait le fardeau administratif imposé à notre secteur, on résoudrait en grande partie ces problèmes. Les lois du travail pourraient être modifiées pour éliminer les obstacles au commerce et aux secteurs réglementés par le fédéral tels que la manutention et le transport des Grains.
Ce dont nous avons besoin, c'est d'une loi faisant respecter le droit au travail. Les syndicats ont réussi à faire pression sur certains gouvernements pour les amener à adopter des lois interdisant que l'on puisse remplacer les travailleurs pour le motif qu'il faut empêcher la violence sur les lignes de piquetage. Les gouvernements ne doivent pas céder au chantage. Il faut au contraire que des accusations en matière pénale soient portées en cas de violence sur une ligne de piquetage. Il faut aussi que les syndicats assument la responsabilité de leurs actes et soient tenus responsables de tout dommage causé à des tiers, agriculteurs ou autres, à la suite d'une action syndicale.
Si le système devient efficace, les règles classiques de la concurrence sur le marché permettront de répercuter les économies réalisées sur les producteurs et sur les différents expéditeurs. Il pourrait même se faire que certaines expéditions passent par les États-Unis par l'intermédiaire de transporteurs des États-Unis. Loin d'être un fardeau pour les producteurs, la présence de circuits et de modes de transport de rechange doit permettre d'éviter les abus au sein du système et de procurer des économies permanentes pour les producteurs.
Enfin, nous ne voyons pas pourquoi la réforme de notre système de transport des grains aurait des répercussions négatives sur la réputation du Canada en tant que fournisseur de grains de qualité. Notre qualité dépend de notre système de classification et d'inspection et elle n'est pas en cause ici. Tant que nous serons en mesure de livrer la marchandise et tant que nos normes de qualité resteront élevés, notre réputation se maintiendra.
Quant à la Loi sur les transports nationaux, la Western Stock Growers Association n'est pas très au fait de ses dispositions, mais il nous apparaît évident que la LTN prévoit d'ores et déjà une transparence des coûts à la base et un mécanisme d'établissement des tarifs pour toutes les autres industries. Nous ne voyons pas pourquoi il ne devrait pas en être de même pour les grains. Toutefois, cela signifie qu'il ne faut pas insérer dans la LTN des dispositions spéciales pour les grains.
Un plein accès au transporteur doit être assuré pour tous les usagers, depuis l'agriculteur individuel jusqu'au plus gros utilisateur, et pour tous les modes, depuis les conteneurs et les wagons uniques jusqu'au pouvoir de locomotion au service des parcs de wagons privés ou loués. Lorsqu'il faut prendre une potion amère, le mieux est encore de l'avaler tout de suite et qu'on n'en parle plus.
Nous continuons à nous opposer aux subventions de transition. Les tentatives visant à compenser les effets dommageables ne feront que prolonger la phase de transition et causer plus de problèmes. Aucune autre mesure réglementaire ne s'impose, et il ne devrait pas non plus y avoir de système artificiel de garantie des performances, de récompenses ou de sanctions autres que celles qui sont déterminées par un contrat entre l'expéditeur et la Société de chemins de fer dans un marché exploité librement.
Nous avons pu voir que la déréglementation du réseau des chemins de fer aux États-Unis, qui a commencé au début des années 1980, a donné naissance à un réseau dégraissé, plus efficace, plus concurrentiel et plus rentable, parce que les sociétés de chemin de fer et les expéditeurs ont cherché à utiliser au mieux le matériel en accélérant les taux de roulement. On a donc fait davantage avec la même quantité d'investissement en locomotives et en matériel roulant. D'ailleurs, l'efficacité plus grande du réseau américain a attiré l'attention des expéditeurs de la Saskatchewan.
Les responsables du port de Portland, en Oregon, ont récemment rencontré les producteurs de la Saskatchewan Wheat Pool pour discuter de la possibilité d'exporter du grain à partir de ce port plutôt qu'à partir de Vancouver. Les expéditeurs de la Saskatchewan voulaient voir se créer une certaine concurrence au port de Vancouver et au réseau de chemin de fer canadien.
Enfin, nous demandons au gouvernement fédéral de faire tout ce qui est en son pouvoir pour supprimer les limitations au commerce entre les provinces. On nous dit qu'il y a plus d'obstacles aux échanges entre les provinces à l'intérieur même du Canada qu'entre le Canada et le reste du monde. Ne constituons-nous pas un seul et même pays?
Indemnisation au titre de l'Accord du Nid-de-Corbeau: Nous félicitons le gouvernement d'avoir décidé de mettre fin aux subventions du Nid-de-Corbeau en payant une indemnisation. Nous entendons toutefois la communauté agricole se plaindre du manque d'équité du mécanisme que l'on a décidé d'adopter en payant le propriétaire foncier dans l'espoir que l'avantage ainsi consenti se répercutera jusqu'au producteur effectif. Il est vrai que les avantages tirés du Nid-de-Corbeau ont été capitalisés dans la propriété foncière, mais cette valeur ne se réalise que lorsque la terre est mise en production.
Nous proposons par conséquent qu'on ne fasse aucun paiement d'amélioration au titre du Nid-de-Corbeau tant qu'un accord n'aura pas été signé entre le propriétaire foncier et le fermier qui loue la terre en précisant la part que chacun doit recevoir.
Voilà le résumé de notre intervention, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, messieurs.
Qui veut commencer? Vous, Marlene?
Mme Cowling: Bien sûr.
Pouvez-vous nous dire un peu qui vous représentez? Est-ce que vous êtes tous des éleveurs de bétail ou y a-t-il des producteurs de grain? Quelle est la base que vous représentez
M. Foat: Les membres de la Western Stock Growers Association sont en majorité des éleveurs de bovins, mais on ne fait pas toujours exclusivement de l'élevage dans un ranch. Ainsi, pour ma part, je cultive aussi des céréales. Bon nombre de nos membres font pousser des céréales. Nous représentons l'industrie de l'élevage. C'est notre raison d'être. C'est notre principal intérêt et, dans la plupart des cas, notre principale source de revenus.
Mme Cowling: Cela concerne combien de producteurs?
M. Foat: Nous avons à l'heure actuelle environ 1 000 membres. J'ajouterais que c'est une affiliation volontaire. Les membres payent un droit d'inscription contre le service qu'on leur fournit. L'affiliation est volontaire. Nous n'avons pas les pouvoirs d'une commission qui recueille des cotisations.
Mme Cowling: Je viens du Manitoba et j'ai pu voir ce qui s'est passé dans notre industrie de l'élevage, qui a quitté le Manitoba pour aller en Alberta. Si j'ai bien compris, en écoutant les différents témoins qui sont venus témoigner à cette table, il y a deux provinces au Canada qui sont fortement subventionnées. Il y a le Québec et il y a l'Alberta. Pouvez-vous me dire quelles sont les subventions que vous touchez du gouvernement de l'Alberta en tant qu'éleveur dans votre région?
M. Foat: J'imagine que vous voulez parler du paiement de compensation du Nid-de-Corbeau, n'est-ce-pas?
Mme Cowling: Non, je veux parler de votre secteur tel qu'il se présente à l'heure actuelle, en dehors du paiement du Nid-de-Corbeau. Je me prépare à poser ensuite une autre question.
Le président: Oui, tout ce qui représente des subventions consenties par le gouvernement de l'Alberta, sous quelle que forme que ce soit, les tarifs des combustibles, et j'en passe. Marlene a tout à fait raison. La grande Alberta, héraut de la libre entreprise, est deuxième sur la liste des provinces les plus subventionnées de notre pays.
M. Foat: Il vous faut aussi bien voir que notre message n'est pas nécessairement le même que celui que vous envoie notre gouvernement.
Mme Cowling: Vous dites que vous vous préoccupez de l'équité, mais, d'autre part, vous parlez d'un système axé sur la libre entreprise. Je trouve ça difficile à avaler lorsqu'on sait qu'en réalité vous êtes l'une des provinces les plus fortement subventionnées au pays. Ce qui peut être bon éventuellement pour l'Alberta ne l'est peut-être pas pour le reste du pays et je me demande si vous avez d'autre chose à dire au sujet de l'équité. Est-ce que les questions liées à la justice et à l'équité vous préoccupent-elles aussi à l'échelle de l'ensemble du pays?
M. Ward: Tout d'abord, nous vous transmettons le même message que celui que nous avons fait parvenir à notre gouvernement en Alberta et ce dernier sait pertinemment que nous sommes partisans de la libre entreprise et que nous ne voulons pas de subvention dans notre secteur. Indépendemment de cela, il y a des subventions indirectes qui existent, et vous en avez mentionné quelques-unes.
La liste en est longue, depuis la plantation de caragans servant de rideaux de protection jusqu'aux ristournes de taxe sur le carburant dans le cas de l'essence mauve. Il n'en reste pas moins que nous restons branchés de bovins sur la libre entreprise à la Western Stock Growers. Quant aux subventions directes versées aux éleveurs de l'Alberta, elles sont très très rares, sinon inexistantes.
Je ne vois vraiment pas, Dave, de subvention directe...
M. Foat: Moi non plus, je ne vois pas où il pourrait y avoir une subvention directe. Norm vous l'a dit, nous sommes peut-être dans votre esprit très subventionnés, mais je crois que si vous examinez ce qu'a fait par le passé la Stock Growers Association, vous verrez qu'elle a toujours préconisé la suppression du Programme national tripartite de stabilisation. Vous verrez aussi que l'Alberta a pris la tête de ceux qui ont demandé la suppression de ce programme qui subventionnait très fortement le secteur de la viande de boeuf.
La ristourne de taxe sur le carburant, qui est l'une de vos cibles favorites...si vous vérifiez vos dossiers, vous verrez que l'Alberta l'a réduite dernièrement et que nous en sommes à un point où la subventin du carburant est très faible. Nous sommes à notre avis dans la bonne voie, qui consiste à supprimer toutes les subventions, mais il nous reste beaucoup à faire.
M. Hoeppner: Je comprends bien votre message. La première question que j'ai à vous poser est la suivante: en quoi êtes-vous différents de la Cattlemen's Association? Comment fait-on la distinction entre les deux?
M. Ward: Tout d'abord, nous sommes un organisme bénévole. Nos membres payent tous une cotisation pour en faire partie, alors que l'Alberta Cattle Commission, qui est une Commission, a le droit d'imposer une taxe.
M. Hoeppner: Faites-vous partie des deux?
M. Ward: En Alberta, tous ceux qui ont déjà vendu un bovin deviennent automatiquement membres de la Commission. Par conséquent, tous nos membres en font partie indirectement.
M. Foat: Qu'on le veuille ou non.
M. Hoeppner: C'est la question que je me posais. J'ai toujours cru qu'il n'y avait qu'une Cattlemen's Association. J'ai été plutôt étonné de voir les représentants de la Western Stock Growers' Association. J'en avais entendu parler, mais de quoi s'agit-il au juste?
M. Ward: Il y a un certain temps, la Western Stock Growers' Association a été une des fondatrices de l'Alberta Cattle Commission. En fait, on a fait cela pour financer l'Association canadienne des éleveurs de bovins. Par conséquent, nous existons depuis pas mal de temps et nous avons pas mal d'expérience.
M. Hoeppner: Je trouve votre message intéressant. Vous nous avez cité des chiffres très significatifs qui indiquent ce que la valeur ajoutée a rapporté à l'Alberta et ce qu'elle pourrait encore lui rapporter.
La question que je pose toujours, quand je veux provoquer mon interlocuteur, est la suivante: combien de subventions avez-vous refusées?
Le président: Probablement autant que vous, Jake.
Des voix: Oh, oh!
M. Hoeppner: C'est ce que je me demandais.
M. Foat: Je vous demande à mon tour si vous avez déjà renvoyé votre remboursement d'impôt.
M. Hoeppner: J'espère toujours en avoir un, mais ça ne m'est jamais arrivé.
M. Foat: Un bon homme d'affaires ne se pose jamais de question sur la source de ses revenus, pour autant qu'ils soient légaux. Je ne pense pas que les éleveurs de bovins soient différents. Si nous avons reçu des subventions, j'estime que notre organisation peut s'enorgueillir du fait que nous réclamons leur suppression avec beaucoup d'insistance.
M. Hoeppner: L'autre question que je voudrais poser porte sur les paiements de transition. Je fais partie des radicaux qui prétendent qu'ils devraient également être versés aux producteurs de fourrage ou aux polyculteurs.
Il faut absolument se mettre d'accord, car les indemnités versées aux propriétaires ne seront pas imposables, alors que celles versées aux producteurs le seront. Comment peut-on remédier à cette anomalie, d'après vous? Compte tenu de la situation pitoyable du secteur agricole et du fait que 48 p. 100 du revenu agricole net provient d'emplois agricoles, il ne restera vraiment plus beaucoup d'argent aux agriculteurs après le passage du fisc. Quels changements nous recommandez-vous de faire?
J'irais même un peu plus loin. Faudrait-il verser la totalité des indemnités aux propriétaires et les considérer comme un coût d'investissement et par conséquent préparer un contrat de location spécial prévoyant un loyer plus faible? Serait-ce une solution?
M. Foat: Je suis concerné dans une bonne partie des cas. Je suis propriétaire. Je loue également des terres. Je produis du fourrage pour l'exportation sur le marché japonais. J'ai travaillé dans l'industrie pétrolière pour arrondir mes revenus. Par conséquent, je sais bien de quoi vous parlez.
Je tiens à signaler que le paiement d'indemnités suite à la suppression du tarif du Nid-de-Corbeau ne sera fait que pour une année, il sera unique, si je ne me trompe.
M. Hoeppner: Il y aura deux versements, si je ne m'abuse. Est-ce exact?
Le président: Je crois que oui, mais nous le saurons exactement lorsque le projet de loi C-76 aura été adopté. C'est ce que l'on propose pour le moment.
M. Foat: Si je comprends bien, l'indemnité moyenne pour les provinces de l'Ouest se chiffrera à environ 18$ l'acre. Est-ce exact?
M. Hoeppner: Je pense que c'est à peu près cela.
M. Foat: C'est très peu, si l'on pense à long terme. Si l'indemnité n'est versée que pour une année, ces 18$ ne couvriront pas les frais d'achat de l'herbicide nécessaire à la culture de l'orge ou du blé pour une seule année.
Ce que je veux dire, c'est que l'indemnité couvrira à peine les frais d'achat de produits chimiques. Je ne pense pas qu'il faudra rajuster à la baisse les contrats de location entre les propriétaires et les locataires. Il s'agit d'une toute petite indemnité, versée une seule fois.
J'apprécie vos commentaires sur les producteurs de fourrage. Ils se sont lancés dans d'autres cultures que les céréales. Dans certains cas, ils ont établi de nouvelles usines de denrées à valeur ajoutée et l'exportation au Japon semble donner de bons résultats. Je ne sais pas s'ils ne devraient pas recevoir l'indemnité, mais je crois que cela ne les enrichira pas beaucoup d'en recevoir une de 18$, une seule fois.
M. Hoeppner: Le Manitoba se trouve en fait dans une situation assez particulière. C'est chez nous que les frais de transport seront les plus élevés. Par ailleurs, comme vous le savez, le prix des engrais a presque doublé et les frais de production ont augmenté. Compte tenu de tous ces frais supplémentaires, je ne pense pas que les producteurs tiennent le coup si le prix des céréales ne s'améliore pas.
Comme je l'ai dit et répété, à quoi servira un réseau ferroviaire ou un système de manutention du grain si l'on perd les producteurs? C'est ce que je pense. Je crains beaucoup que l'on perde encore toute une série de producteurs. C'est pourquoi je recommande vivement au gouvernement de renoncer à obliger les producteurs à payer de l'impôt sur cette indemnité, si c'est ce qu'il prévoit.
M. Foat: J'apprécie ce commentaire. À mon avis, vous n'auriez pas pu choisir un meilleur moment que celui-ci pour supprimer le tarif du pas du Nid-de-Corbeau. Les prix mondiaux du grain ont tellement augmenté depuis neuf mois que les producteurs pourront absorber le choc en ayant un revenu à peu près égal à celui qu'ils avaient il y a 18 mois. Par conséquent, dans l'immédiat, l'effet de ce changement sera très négligeable.
M. Hoeppner: Que pensez-vous des prévisions? Je réagis très mal quand j'entends les compagnies céréalières ou la Commission canadienne du blé annoncer au mois de février que nous recevrons 80$ de moins la tonne du blé dur que l'année précédente. Vous savez comment réagissent à ce genre de nouvelles les spéculateurs et les agences de courtage en grain qui transigent sur les marchés mondiaux. Ce genre de prévisions me mettent parfois littéralement en furie.
Je suis passé par la Saskatchewan et l'Alberta en 1988, à l'époque où sévissait la sécheresse, c'est-à-dire vers le début juillet et j'ai vu le colza canola se déssécher sur pied. La même semaine, l'UGG annonçait, si je ne m'abuse, que la récolte serait exceptionnelle. J'ai acheté un lot de colza canola sur le marché à terme, mais ce n'est pas tout le monde qui a eu l'occasion de le faire.
Cela me révolte quand j'entends les gens de l'extérieur faire des prévisions alors qu'ils n'ont pas la moindre idée de ce qui va se passer. Comment résoudre ce problème?
M. Foat: Je ne crois pas que l'on puisse empêcher les analystes d'émettre des opinions. C'est leur travail. En matière de prévision, il faut séparer le bon grain de l'ivraie.
M. Hoeppner: Il s'agit généralement d'une analyse très unilatérale. C'est ce que je n'aime pas. Si ces gens-là faisaient des prévisions exactes, je n'y verrais aucun inconvénient, mais elles sont absolument fausses la plupart du temps.
M. Foat: Je m'explique. Les agriculteurs ont l'habitude de se trouver un bouc émissaire pour justifier leurs erreurs de gestion. La plupart du temps, quand ils font leurs prévisions en se basant sur le prix initial des compagnies céréalières et qu'ils n'obtiennent pas le prix espéré à l'automne, ils en rejettent la responsabilité sur ces compagnies ou sur les analystes.
M. Collins: Je commence à comprendre en quoi consiste la Western Stock Growers' Association.
Je me pose plusieurs questions. Je constate que nous venons d'entendre la Cattlemen's Association, (Association des éleveurs de bovins) et que vous représentez la Western Stock Growers' Association. Est-ce que leurs activités se chevauchent en Alberta?
M. Foat: Non.
M. Collins: Vous n'allez pas dans deux directions à la fois?
M. Foat: Disons qu'il existe en théorie une différence entre un organisme bénévole et un qui est taxé.
M. Collins: Ah bon.
Il y a un certain temps - et vous étiez probablement là, monsieur le président - la Canadian Cattlemen's Association et je ne sais pas combien d'autres organismes sont venus lancer un appel au gouvernement fédéral.
Je sais que vous voulez que les fonctionnaires ne se mêlent pas de cela et nous non plus, mais c'était à propos de l'importation de viande de boeuf. Vous avez peut-être un petit problème avec le boeuf importé d'Australie et de Nouvelle-Zélande. Que pensez-vous de l'intervention du gouvernement dans un cas semblable?
M. Foat: Nous nous demandons pourquoi il est nécessaire d'importer de la viande de boeuf de l'étranger alors que nous avons des excédents, que nous exportons aux États-Unis.
M. Collins: Je ne parle pas des exportations aux États-Unis. Ce que je veux dire, c'est que nous connaissons la ritournelle; on nous recommande continuellement de ne pas faire ceci ou cela, de ne pas nous en mêler. Tout d'un coup, on nous fait de petites suggestions, mais si l'on intervient, on nous demande ce que nous faisons, en affirmant que ces gens-là veulent être compétitifs sur un marché continental ouvert.
Les Australiens veulent une petite part du marché. Si vous aviez été avec moi et avec les gens qui font la transformation finale du produit, vous les auriez entendus expliquer dans le détail pourquoi ils avaient besoin d'importer ce genre de produits, qu'il s'agisse de cuir résistant pour la fabrication de chaussures ou d'autres choses. Je suppose que le produit avait des qualités différentes de celui de l'ouest du Canada, de l'Alberta.
Nous trouvons cela bizarre. D'une part, on nous dit de ne pas intervenir alors que d'autre part, on réclame notre aide.
M. Foat: Je dirais pour la défense de la Canadian Cattlemen's Association, que nous avons parfois l'impression que l'on se sert de nous comme voie d'accès pour le marché américain pour une partie de ce boeuf. Les importations sont contingentées aux États-Unis et l'importation de notre boeuf n'y est évidemment pas interdite.
M. Collins: J'ai écouté et la Société McDonald a bien précisé qu'elle achèterait du boeuf canadien.
Le président: Je crois que c'est Burger King qui a dit cela.
M. Collins: Oui, c'est Burger King.
Qu'arrivera-t-il toutefois si ces gens-là décident de s'intéresser à un produit international au lieu d'acheter un produit canadien?
Vous avez parlé de transport de bovins et j'imagine que l'Alberta en exporte pas mal.
M. Foat: Quatre veaux sur dix nés au Canada doivent être exportés. On ne peut rien en faire.
M. Collins: Oui, et les véhicules qui transportent ces veaux passent apparemment par Estevan, en Saskatchewan. C'est là que j'habite. Notre réseau routier et notre infrastructure s'use et je ne crois pas que la province de l'Alberta, M. Klein et la Western Stock Growers Association fournissent de l'argent pour remédier à ce problème.
Je ne vous en veux pas, je suis heureux que vous passiez par chez-nous et qu'on vous en donne l'occasion. Par contre, il faut faire face à la réalité à un moment ou l'autre. Je ne crois pas qu'il soit juste que les contribuables d'Estevan doivent payer les frais de réparation de la route 39 qui sont dus au passage des camions semi-remorques qui transportent tous ces produits.
Notre gouvernement provincial a supprimé la taxe sur le carburant. Parlons un peu de l'endroit où vous faites le plein. Certainement pas en Saskatchewan, étant donné les prix. Vous allez probablement faire le plein au Dakota du Nord. Et dire que le carburant que l'on vend là-bas vient de Régina. Vous ne viendrez pas me dire que ce n'est pas un pays de cocagne.
C'est le genre de chose qui arrive. Peut-être que cela n'a rien à voir avec vous, mais c'est nous qui en ressentons les effets. C'est nous, les contribuables, qui devons payer les frais. Nos taxes municipales grimpent pour ce genre de raisons.
J'ai encore deux choses à dire. J'ai été membre d'un syndicat pendant cinq ans. Vous prétendez qu'il faut modifier la législation du travail. Comment voulez-vous que j'aille dire au syndicat que j'ai parlé aux représentants de la Western Stock Growers Association et qu'ils veulent que l'on modifie les syndicats?
Comment faire changer les syndicats d'idée? Ils veulent une semaine de travail de 40 heures, et ils ne veulent pas que l'on travaille le samedi et le dimanche et pour lesquels ils veulent que le temps compte double. Qui oserait intervenir dans leurs affaires et leur imposer des règlements? Voudriez-vous que le gouvernement intervienne?
M. Foat: Je conseille aux syndicats de voir la réalité en face. La plupart des gens ne peuvent pas vivre avec un seul revenu et 40 heures de travail par semaine.
En outre, on devrait avoir parfaitement le droit de travailler 60 heures par semaine. Aucun syndicat ne devrait empêcher quelqu'un de faire plus d'heures de travail par semaine, au tarif qu'il veut.
Nous estimons que vous devriez adopter une loi consacrant le droit au travail.
M. Collins: Pour cette province?
M. Foat: Dans tout le pays.
M. Collins: Vous pensez donc qu'une loi du droit au travail résoudrait les problèmes qu'on a avec les syndicats. Il y en a 25 qui ont une influence sur le transport de notre produit vers la côte ouest et ils peuvent tous décider à un moment ou l'autre d'enrayer la machine.
M. Foat: C'est exact. Nous avons pu le constater à maintes reprises.
M. Collins: Mais ce n'est là qu'une partie du problème. Ce n'est pas seulement une question de droit au travail.
J'ai cité l'exemple suivant aux autres témoins. Les débardeurs sont appelés au local du syndicat à 15 heures, où ils se rassemblent pour aller au travail. C'est un système archaïque.
M. Foat: Mais leur syndicat a le monopole sur ce travail.
M. Collins: Oh, je le sais.
M. Foat: Si l'on appliquait une loi consacrant le droit au travail, tous ceux qui veulent aller travailler pour 20$ de l'heure par exemple pourraient le faire. Il y a plein de gens qui seraient tout disposés à le faire et ils se présenteraient à 8 heures du matin et non à 15 heures.
M. Collins: Malgré tout, le système actuel doit changer. Il n'a rien à voir avec le droit au travail. C'est au niveau de l'attitude des syndicats à l'égard de tout le système que le bât blesse. Ils veulent s'assurer que les gens aient du travail, mais leur approche est désuète.
M. Foat: Je suis d'accord. Ne pensez-vous pas que le syndicalisme est désuet?
M. Collins: Je ne tiens pas à me lancer dans une discussion à ce sujet.
Le président: Ce n'est pas la question que nous sommes censés examiner.
M. Collins: Je m'excuse.
Le président: Je vous conseille d'aller en Georgie ainsi que dans d'autres États où il existe une loi du droit au travail et d'aller parler aux gens, aux agriculteurs. Vous verrez que ce n'est pas aussi formidable qu'on le croit. Voulez-vous que votre fils ou votre fille travaille pour 2.50$ l'heure?
J'ai vu des Mexicains travailler comme des esclaves dans des salles de traite. Ils travaillaient neuf heures par jour et mettaient un sandwich dans la poche de leur combinaison. C'était leur repas, car ils n'avaient pas de pause. Au premier mot de protestation, on les renvoyait au Mexique. Il y a tout de même des limites.
M. Collins: Une toute dernière question, monsieur le président.
M. Foat: Pourrais-je dire quelque chose à propos du commentaire que vous avez fait au sujet de votre infrastructure? Vous dites que c'est à cause du transport de bétail.
M. Collins: Non, non.
M. Foat: Vous dites que ce sont les chargements de bétail qui passent par Estevan qui abîment complètement les routes.
M. Collins: Non, ce sont tous les semi-remorques. Le transport du bétail n'est qu'un exemple...
M. Foat: C'est exact.
M. Collins: ...parmi tant d'autres.
M. Foat: Pour chaque chargement de bétail qui passe par là, il y en a huit de grain pour nourrir ce bétail et celui-ci est cultivé en Saskatchewan.
Mme Cowling: Je m'excuse, je dois m'en aller.
M. Collins: Je voudrais savoir ce que vous pensez des lignes ferroviaires sur de courtes distances?
M. Foat: J'estime que si elles sont en mesure d'être concurrentielles avec le transport routier ou le réseau ferroviaire national, encore faut-il leur permettre de leur faire concurrence.
M. Collins: Bien.
Le président: J'ai encore une petite question à poser au sujet d'un des principaux facteurs que nous tenons à examiner. Comment faire la transition vers la diversification? Que pourrait faire le gouvernement pour l'encourager? Avez-vous des suggestions à faire?
M. Ward: Je crois que, d'une manière générale, le gouvernement devrait rester tranquille. Comme on a pu le constater en Alberta et ailleurs, lorsqu'on supprime des subventions, c'est comme si on libérait un ressort d'un certain poids. Le ressort fonctionne à nouveau et les gens vont faire autre chose.
Il est certain que lorsqu'il y a une récompense financière, on s'en réjouit. Les subventions accordées au secteur céréalier a empêché ce ressort de fonctionner et je crois que tout ira bien. Je ne suis pas pessimiste du tout. Je suis même optimiste pour l'avenir.
Je pense que l'Ouest canadien va se mettre à prospérer dans un autre secteur que le céréalier. Je suis très optimiste à ce sujet. C'est ce qui s'est passé en Alberta. On s'est tourné vers la culture du colza canola et des lentilles, vers l'élevage du boeuf et toutes sortes d'autres activités. Nous ne sommes que les premiers à le faire. Je pense que la Saskatchewan et le Manitoba nous imiteront, même si c'est avec un certain décalage. À mon avis, l'Ouest du Canada va devenir une région agricole prospère, à valeur ajoutée, quand les subventions auront disparu.
M. Foat: Puis-je donner un exemple? Si l'on supprime les subventions agricoles et qu'il n'est plus rentable de faire de la cuture céréalière, on passera à autre chose. C'est ce qui s'est produit dans ma région.
Elle est située à une altitude de 3 800 pieds. On ne peut pas y cultiver de l'orge brassicole avec succès. On ne peut pas obtenir de bons résultats dans la culture du blé. Par contre, nous cultivons du colza canola, mais sur de petites superficies. Nous cultivons surtout de la fléole des prés, pour l'exportation. En ce qui concerne ces céréales, nous n'avons pas été en mesure de soutenir la concurrence de la Saskatchewan ou de l'est de l'Alberta. Nous avons dû fonctionner sous le même régime tarifaire qu'elles, mais la culture de la fléole des prés pour l'exportation nous rapporte 186$ la tonne et le rendement est de trois à quatre tonnes à l'acre.
Nous avons trouvé un marché diversifié. Nous nous sommes adaptés aux circonstances. On a construit deux instalations d'envergure nationale pour le foin, à un mille de chez moi. Quand on ne peut plus s'adonner à une culture, parce que ce n'est plus rentable, on se diversifie. C'est ce qui s'est passé dans ma région. C'est ce qui se passera dans d'autres régions également.
Le président: Jake, je vous permettrai de faire un commentaire, s'il ne dure pas plus de30 secondes.
M. Hoeppner: On revient au problème de la main-d'oeuvre. J'ai aimé la remarque qui a été faite dans les déclarations liminaires à propos de la responsabilité civile. Étant agriculteur, je suis étonné de voir des prisonniers toucher des indemnités parce que les gardiens étaient en grève, alors que les agriculteurs et les producteurs n'y arrivent pas. Je crois que la responsabilité civile réglerait tous nos problèmes. Êtes-vous d'accord?
M. Ward: Cela pourrait aider.
Le président: J'ai une toute dernière observation à faire. Je crois que, pour notre part, nous devons peser le pour et le contre. Monsieur Foat, je crois que vous avez dit que ceux qui ne tirent pas les leçons de l'histoire sont condamnés la répéter. Je crois sincèrement que nous nous devons de faire en sorte que ce ne soit pas le cas.
C'est peut-être un peu regrettable, je ne sais pas, mais j'ai passé beaucoup de temps dans l'Ouest et quand j'y suis allé en tant que porte-parole du secteur agricole, j'ai fait une étude approfondie sur la Commission canadienne du blé, sur ses origines, sur sa nécessité, et je ne tiens pas à ce que l'on répète l'expérience. Il y a certaines raisons qui sont entrées en jeu et la même chose peut se produire.
Je reconnais qu'il faut un certain équilibre entre l'industrie céréalière et le secteur de l'élevage du bétail, mais comme Marlene le dit souvent, il faut être juste et équitable envers les deux.
Merci d'être venus, messieurs. Nous apprécions vos commentaires.
Notre témoin suivant est la Hudson Bay Route Association. Nous sommes poussés par le temps. Les témoins sont M. Arnold Grambo et M. Reg Hertz.
M. Arnold Grambo (président, Hudson Bay Route Association): Je tiens tout d'abord à vous remercier de nous avoir permis de témoigner. Nous avons deux brefs exposés à faire. Le mien durera moins de dix minutes.
Je suis président de la Hudson Bay Route Association, organisation relativement ancienne. Il s'agit d'un groupe de lobbying, et nous le reconnaissons en toute honnêteté. L'Association a 50 ans, mais Reg et moi sommes plus vieux que ça, je pense.
Reg Hertz est un agriculteur de Hudson Bay, en Saskatchewan. Il fait partie du conseil d'administration depuis un certain temps et il défend les intérêts des producteurs en essayant de trouver le moyen de leur permettre d'expédier leurs produits au moindre coût possible.
Je suis enseignant et conseiller municipal à Brandon, au Manitoba. C'est là que j'habite.
Je vais sans plus tarder passer à l'exposé proprement dit. Reg espérait qu'il y aurait un rétroprojecteur ici parce qu'il avait des données assez importantes pour lesquelles c'est la meilleure façon de communiquer, mais il n'y en a pas. Je ne sais pas comment Reg va s'y prendre, mais il se tirera d'affaire.
Je lirai mon texte, car je ne tiens pas à m'en écarter ni à parler plus de dix minutes, comme vous l'avez proposé.
Vous avez posé quatre questions qui servent à délimiter le sujet des exposés et du débat. Je n'y vois aucun inconvénient, mais je tiens à signaler que certaines questions préoccupent davantage la HBRA que d'autres, ce que vous comprenez certainement.
La première question n'a pas beaucoup d'importance pour notre association. Personnellement, je vous assure que, d'une manière générale, il serait avantageux pour les agriculteurs des Prairies de pouvoir transformer davantage leurs produits sur place. Pour diverses raisons, la transformation n'était généralement pas faite chez nous. Étant professeur de géographie au niveau secondaire, je peux énumérer toutes sortes de raisons, mais cela ne concerne pas vraiment la HBRA.
Les habitants des Prairies étaient des coupeurs de bois et des puisatiers et par conséquent, il y avait peu d'emplois dans le secteur secondaire et moins de valeur ajoutée. Par exemple, nous expédions du blé et le rachetons sous forme de blé soufflé. Je prévois qu 'un jour, les habitants des Prairies n'arriveront plus à supporter une situation aussi ridicule et je crois qu'il existe dans le système des mécanismes susceptibles d'empêcher que cela ne se produise. Ce n'est pas vraiment l'opinion de la HBRA, mais c'est mon opinion personnelle.
Comme je l'ai signalé, il s'agit d'une évaluation générale de la situation, mais il y a d'autres sujets importants qui gravitent autour de cette question et qu'il faut aborder. Si l'on expédie ce produit en Europe par la voie maritime, cela va coûter à l'agriculteur un supplément d'environ 30$ la tonne. Si les agriculteurs pouvaient utiliser le port de Churchill, ils le feraient malgré les pressions en sens contraire qu'exerceraient les grandes compagnies comme UGG, Cargill et Pioneer, dont les terminaux sont situés à Thunder Bay. Comme vous le savez, un coût de 30$ la tonne correspond à environ 1$ par boisseau de profit net.
Pour ces agriculteurs, il ne s'agit pas vraiment de valeur ajoutée. Cela est très rentable pour eux s'ils peuvent choisir le port d'expédition. Cela ne veut pas dire que nous soyons contre la diversification; nous sommes en faveur du principe. C'est peut-être que nous sommes mieux placés pour constater que l'on peut certes exporter des produits transformés de façon à augmenter le nombre des emplois dans les Prairies, mais qu'il existe un certain nombre de produits qui sont très rentables pour les agriculteurs, si ces derniers sont en mesure d'expédier leurs produits selon la méthode la moins chère possible. Dans ce cas, c'est évidemment Churchill. Si nous n'avons pas accès à ce port, nous allons peut-être être dépendants des voies est-ouest.
Pour ce qui est de la valeur ajoutée, il est évident que Churchill serait également le choix logique pour ces produits, s'ils sont destinés à l'est du pays. Les produits à valeur ajoutée permettent d'augmenter les bénéfices, mais il y en aurait encore davantage si ces produits tranformés transitaient par Churchill.
Voici ce que j'aurais à dire sur la deuxième question: pas un centime du fonds d'adaptation de 300 millions de dollars ne doit être attribué à Churchill. Le gouvernement fédéral a pratiquement abandonné ce port depuis plusieurs années et il a envers Churchill une obligation qui va beaucoup plus loin que ce fonds d'adaptation. Cette obligation devrait se traduire par l'affectation de crédits supplémentaires. J'aimerais insister là-dessus «crédits supplémentaires».
Il est possible que la ligne de la Baie d'Hudson soit rachetée par divers intéressés, notamment des agriculteurs. Si cela se produit, on va naturellement s'attendre à ce que le gouvernement fédéral finance la remise en état de l'infrastructure et la période de transition. Si notre pays existe, c'est grâce aux compagnies de chemin de fer et ce sont elles qui en font la force. Le gouvernement fédéral essaie de limiter ses interventions dans ce domaine et nous estimons qu'il serait tout à fait mauvais de prendre des mesures qui pourraient mettre en danger une ligne ferroviaire qui peut jouer un rôle aussi essentiel pour l'avenir de l'agriculture des Prairies. Vous demandez si le gouvernement fédéral doit s'occuper de l'infrastructure. Bien sûr qu'il doit le faire, je ne pense pas qu'il y ait quoique ce soit à ajouter.
Les deuxième et troisième questions intéressent beaucoup la HBRA. Il est évident que les agriculteurs des Prairies cherchent à dépenser le moins possible pour le transport et la mise en marché. C'est pourquoi ils ont souvent tentés d'utiliser le port de Churchill, mais le CN les en a toujours empêchés. La plupart des agriculteurs savent qu'ils pourraient économiser des montants astronomiques - plus d'un dollar le boisseau, comme je l'ai dit tout à l'heure - s'ils pouvaient utiliser le port de Churchill au lieu de la Voie maritime.
Cet écart se réduirait peut-être, parce que les prix de transport par la Voie maritime seraient obligés de baisser pour faire concurrence à ceux de Churchill. Cependant, ils n'arriveraient jamais à égaler les prix de Churchill. Cela profiterait à tous les agriculteurs, parce que cela entraînerait des réductions des frais de transport. Je signalerai en passant que Churchill attirait tout au plus deux millions de tonnes des quantités qui transitent actuellement par la voie maritime - la plus grosse partie des exportations passeraient encore par la Voie maritime si elles sont destinées à l'est du pays - mais l'existence de l'alternative de Churchill aurait une influence salutaire sur la voie maritime et cela me paraît important.
Vous dites que cela aurait un effet destructif sur le système en place. Je rappellerai au Sous-comité - comme l'a mentionné le groupe qui nous a précédé, qu'il n'y a pratiquement pas eu de problèmes de relations de travail à Churchill. Cela n'est pas sans importance.
La question de la répartition équitable des wagons est une question importante. Il faudrait un système ou une formule équitable qui permettrait aux agriculteurs d'expédier leur grain où ils le souhaitent, en fonction des coûts. Cela peut exiger l'attribution d'un certain nombre de wagons à Churchill ou peut-être des droits de circulation communs que se partageraient plusieurs transporteurs.
L'équité est le premier souci et il incombe au gouvernement fédéral de mettre sur pied un système qui permette aux agriculteurs de rentabiliser au maximum leur production. On ne devrait pas les obliger à subventionner la Voie maritime, le Canada central ou l'autre région du pays. Nous comprenons fort bien que d'autres régions souhaitent faire le plus de bénéfices possibles, mais ce n'est certainement pas aux agriculteurs des Prairies de subventionner ces régions. Cela fait trop longtemps que cela dure. Il ne faudrait pas non plus nous obliger à subventionner les grandes compagnies céréalières qui possèdent les terminaux de Thunder Bay.
Vous avez parlé d'exporter le grain par les États-Unis et vous voulez sans doute dire par le réseau du Mississippi, tout au moins pour ce qui concerne Churchill. La HBRA estime, et nous sommes convaincus, que ce serait au mieux un second choix pour les agriculteurs, si on compare les coûts que cela entraînerait à ceux de Churchill. Nous avons effectué certaines études. Nous avons constaté en fait que les producteurs du Dakota du Nord auraient avantage à expédier leur grain par Churchill. Il est très possible, d'après nous, que cela se produise à l'avenir.
Dans la question 3, vous parlez des tarifs de fret maximaux. Nous estimons qu'il est absolument nécessaire de conserver des tarifs de maximaux, ainsi que des coûts calculés en fonction de la distance, bien au-delà de l'an 2000.
Vous parlez également des avantages de la concurrence, mais ces avantages ne peuvent se faire sentir que lorsqu'il existe d'autres solutions rentables comme l'échange des wagons et des prix de transport communs. Il n'y a pas de concurrence lorsque c'est le CP qui s'occupe de la moitié sud du pays et le CN de la moitié nord. Comment parler de concurrence lorsque nous sommes à la merci de l'un ou de l'autre.
La question 4 n'entre pas dans le cadre du mandat de la HBRA. La plupart de nos membres ont des opinions bien arrêtées sur cette question, mais nous ne présenterons pas de commentaires au sujet de la question 4. Nous aimerions toutefois aborder d'autres aspects que je vais énumérer rapidement.
Numéro 1 - et je crois que le groupe qui nous a précédé l'a mentionné - il faut harmoniser les règlements applicables aux lignes secondaires, ceux des diverses provinces et du gouvernement fédéral, pour que ces lignes soient rentables. Je crois qu'il y a beaucoup trop de règlements et cela ne peut pas fonctionner ainsi.
Numéro 2, les agriculteurs doivent avoir leur mot à dire, puisque ce sont eux qui payent.
Numéro 3, vous parlez souvent d'efficacité. Je peux vous dire que le chemin de fer est beaucoup plus efficace que la route. La ligne de la Baie d'Hudson est construite en acier de 100 livres, elle supporte les plus longs trains céréaliers du Canada et elle est en pente douce sur une distance de 600 milles environ vers l'océan, contre 2 000 milles pour se rendre à Montréal. Cette voie est avantageuse sur le plan financier et également sur le plan environnemental. Il ne faudrait pas oublier cela.
Numéro 4, nous ne sommes pas du tout d'accord avec l'idée de la Commission du blé de moduler la mise en commun en fonction des parts de marché antérieurs. Je crois vous avoir démontré que si on avait laissé les agriculteurs expédier leur production par le port de leur choix, ils auraient tous choisi le port de Churchill. C'est pourquoi le recours aux parts de marché antérieures n'offre aucun intérêt. Il serait bien préférable de définir les régions desservies par rapport au coût facturé aux producteurs. L'autre aspect essentiel est qu'il n'y a que la région desservie par le port de Churchill qui soit calculée en fonction des trois dernières années - et je ne comprends pas comment la Commission du blé ait pu décider de procéder de cette façon. Pour les autres ports, on se base sur la capacité. Pourquoi procéder ainsi? C'est manifestement inéquitable.
Numéro 5, il y a beaucoup de fausses idées qui circulent sur les problèmes d'utilisation du port de Churchill. Il y a beaucoup de gens qui y croient parce qu'on ne leur pas fourni des renseignements exacts et que ce port n'a pas réussi à bien se faire connaître. La création de l'agence de commercialiation de la Porte du Nord devrait changer tout cela. J'ai apporté quelques livres si vous n'avez pas lu le rapport sur la Porte du Nord.
Il faudra des gens aux larges vues pour exploiter tout le potentiel qu'offre le port de Churchill, et ces gens-là seront largement récompensés. L'existence d'un port bien équipé à Churchill, libre de toute contrainte politique, offrirait de nombreuses possibilités à la région des Prairies, il faciliterait le développement d'une agriculture durable et prospère dès aujourd'hui et dans l'avenir, avec ou sans produits à valeur ajoutée. Si l'on utilisait le Port de Churchill à sa pleine capacité, cela permettrait de réaliser des économies de 50 millions à 150 millions de dollars par an dans l'économie des Prairies. Je pourrais parler de la longueur de la saison et d'autres choses du genre, mais je m'en abstiens pour des raisons de temps.
Numéro 6, comme vous le savez fort bien, Akjuit Aerospace est devenue une composante essentielle à l'économie du Canada. C'est un projet que l'on peut qualifier de monstrueux. Il ne faut absolument rien faire qui puisse nuire à sa réussite. Des revenus fiscaux de près de 120 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, la création de nombreux emplois et le développement de l'activité économique dans un secteur de pointe devrait inciter le gouvernement fédéral à appuyer et favoriser la réalisation d'un tel projet.
Je crois que je vais passer maintenant la parole à Reg. Je ne sais pas comment il va faire sans rétroprojecteur, mais il va vous parler, comme je l'ai dit, du coût du transport ferroviaire et de versements au titre de la LTGO. Il va nous faire une brève présentation que je pourrais peut-être conclure par un dernier paragraphe, si cela vous convient.
Le président: Soyez aussi bref que possible, Reg, parce que nous avons quelques députés qui ont des problèmes de temps.
M. Reg Hertz (directeur général, Hudson Bay Route Association): Oui, c'est ce que je vais faire. Merci.
Pour remonter quelques années en arrière, en 1986-1987, le versement effectué en vertu de LTGO était de 906 millions de dollars. En 1990-1991, il s'élevait à 731 millions de dollars, et le versement final est de 1,6 milliard de dollars - un versement unique et définitif. Tous les ans, les quatre États du nord des États-Unis - le Montana, le Dakota du Nord, le Dakota du Sud et le Minnesota - reçoivent des subventions agricoles d'un montant de 1,7 milliard de dollars. Il semble que nous ayons davantage de terres agricoles et moins d'argent. Les Canadiens doivent réduire les sommes versées à leurs agriculteurs, mais là-bas, ils font apparemment ce qu'ils veulent pour leurs agriculteurs.
Je voulais parler un peu de la Voie maritime. Je m'y trouvais en vacances il y a quelque temps et j'ai ramassé un napperon où on pouvait lire qu'entre 1959 et 1984, soit une période 25 ans,433 millions de tonnes de grain avaient transité par la Voie maritime. Au deuxième rang venait le minerai de fer - je crois qu'ils se sont trompé - avec 291 millions de tonnes; aciers divers, 69 millions de tonnes et tous les autres produits, 243 millions de tonnes.
Ces quantités sont bien inférieures à celles du grain. J'étais surpris d'apprendre que les agriculteurs de l'Ouest avaient produit autant de grains, qu'ils en avaient exporté autant par la Voie maritime, avec toutes les retombées que cela comporte pour les gens de la Voie maritime.
J'ai tout dernièrement trouvé un document de TravaCon Research Ltd.. Il étudiait les impôts qu'avaient levés les provinces sur les compagnies de chemins de fer. J'ai résumé cette étude. Le total des impôts perçus par la Saskatchewan représentait 17,2 p. 100 des impôts perçus ailleurs au Canada sur les compagnies de chemins de fer. Par contre, le trafic provenant de la Saskatchewan représentait 23,4 p. 100 de tout le trafic ferroviaire au Canada. Ainsi, 23,4 p. 100 de ce trafic venait de la Saskatchewan.
Eh bien, d'après ce rapport, seulement 6,7 p. 100 des habitants de la Saskatchewan travaillent pour les compagnies de chemins de fer.
M. Grambo: Vous parlez de 6,7 p. 100 de la population active.
M. Hertz: Oui. J'ai été très étonné. Mais cela confirme les chiffres qui figuraient sur le napperon. Tout cela concorde.
Les agriculteurs produisent tout ce grain et ils doivent payer pour pouvoir l'exporter. Ils ne revoient pas cet argent. Cet argent ne revient ni en Saskatchewan ni au Manitoba ni en Alberta. Il va aussi loin que va le grain. C'est ce qui coûte le plus cher, dans un secteur qui n'a rien à voir avec la culture des céréales. Ils ne devraient donc pas avoir droit à tout cet argent.
J'ai effectué une autre étude sur le système ferroviaire. Nous avons un excellent système ferroviaire. Il serait dommage de le voir disparaître à cause de la suppression des subventions du Nid-de-Corbeau.
J'ai calculé qu'en 1990-1991, on avait produit trois millions de tonnes de céréales dans un rayon de 690 milles autour de Churchill. Si toutes ces céréales avaient été expédiées par le port de Churchill, cela aurait entraîné un bénéfice de 40 millions de dollars pour cette région, pour les seuls agriculteurs.
Si vous examinez le rapport de la porte du Nord, il suffirait de 1,5 million de tonnes environ pour que la compagnie du chemin de fer soit rentable et n'ait besoin d'aucune subvention. C'est le chiffre qu'a fourni le CN.
J'aimerais beaucoup envoyer à Churchill toute ma production de grain, mais je ne peux pas le faire à cause du système. J'essaie de charger les wagons lorsqu'ils se trouvent sur la voie. J'habite au deuxième point de mise en commun au sud de Le Pas. Tous les trains qui vont dans cette direction passent pratiquement devant chez-moi, mais je n'ai pas le droit de charger mon grain. Pour moi, c'est un crime. Il faut que j'envoie mon grain à Prince Rupert. La Commission canadienne du blé utilise une bonne partie des fonds du Nid-de-Corbeau pour y expédier le grain. J'aimerais bien plutôt que mon grain aille à Churchill. Je pourrais payer le transport et je ferais encore d'excellents bénéfices.
Autre chose - les Américains n'ont pas d'accord du Nid-de-Corbeau, mais leur tarif marchandise pour un seul wagon est de 65$ dollars la tonne entre Minot et Seattle. Soixante-cinq dollars la tonne. Les sociétés céréalières parlent des économies que l'on peut faire avec des convois de 100 wagons. Aux Etats-Unis, pour un convoi de 50 wagons de céréales destinés à Seattle, le tarif passe de 65$ dollars la tonne à 56$ dollars la tonne.
Entre Estevan et Vancouver, c'est à peu près la même distance. Ils paient cette année 18$ dollars la tonne avec les subventions du Nid-de-Corbeau pour transporter le grain d'Estevan à Vancouver. Avec la LTGO, ce tarif ne passerait qu'à 37$ dollars la tonne, ce qui est encore beaucoup moins cher que dans le système américain. On dirait que tout le monde dit que le système américain est excellent.
Il y a autre chose que j'ai découvert - et cela s'est fait ici à Ottawa par Transport Concepts - c'est une étude des effets de la modification de la répartition entre transport ferroviaire et transport par camion à la suite de l'abolition de l'Accord du Nid-de-Corbeau. Si le traffic ferroviaire diminue de 10 p. 100 en étant remplacé par le traffic routier, il en coûtera 458 millions de dollars de plus par an pour transporter ce grain ou tout autre produit. Si les chiffres étaient renversés et que 10 p. 100 des marchandises transportées par la route l'étaient par la voie ferrée, cela donnerait des économies annuelles de 230 millions de dollars.
C'est pourquoi je voudrais que les agriculteurs aient plus de pouvoir. J'aimerais que l'on utilise davantage le port de Churchill. Je n'aime pas beaucoup que le CN contrôle tout à partir de Montréal ou d'où il se trouve. Tout est contrôlé de là-bas. Il devrait y avoir davantage de retombées pour la Saskatchewan, le Manitoba, et tous les dollars que nous dépensons au chapitre du transport.
Nous allons continuer à produire du grain. Nous en aurons encore beaucoup à exporter. Mais nous voulons que tous ces dollars que nous dépensons en transport reviennent dans nos provinces.
M. Grambo: Je pourrais peut-être conclure en disant que j'ai inséré dans mon mémoire un paragraphe où je critique ceux qui décident d'avoir choisi de tenir ces réunions à Ottawa. Je le fais avec une certaine appréhension, parce que je sais fort bien que lorsqu'on se trouve dans l'antre du lion, il n'est pas bon de lui rentrer un bâton dans les côtes. Mais je pensais qu'il fallait le dire. Nous sommes à la fin du printemps et les agriculteurs travaillent sur leur terre. Le comité veut l'avis des agriculteurs et il tient sa réunion à Ottawa. Cela est tout à fait impossible. Nous avons eu beaucoup de mal à venir ici, mais nous avons pensé qu'il fallait le faire. Reg exploite sa ferme. Il a encore des semis à faire. Mais il fallait que nous venions.
J'ajouterai l'intention du comité qu'il n'a sans doute aucune idée de l'agitation qui règne dans les cafétérias. Qu'est-ce qui se passe? Pourquoi devons-nous aller là-bas? Pourquoi ne viennent-ils pas ici. Il faut que nous vous disions ce qui se passe là-bas.
Cela dit, j'aimerais en rester là. Il fallait que je le dise et que je le dise moi-même.
Nous avons eu un appui très large, depuis le caucus libéral du Manitoba jusqu'à tous les partis politiques - en fait, à peu près tous, jusqu'aux gouvernements provinciaux en Saskatchewan et au Manitoba et à l'opposition. Nous savons que ces gens-là comprennent les questions et sont en faveur du développement du port de Churchill parce que cela est une question de bon sens.
Ils savent - ils le savent tous - que les agriculteurs doivent pouvoir rentabiliser leur production ou ils vont faire faillite. Mon Dieu, les producteurs de l'Ouest - il y a des faillites tous les jours. Il faudrait certainement essayer de changer tout cela.
Je crois que le producteur de pois qui l'année dernière avait essayé d'envoyer deux chargements de pois à Churchill et qui a essuyé le refus du CN a clairement déclaré que le CN lui avait pris des centaines de milliers de dollars. Voilà ce qu'il en est.
Je vous remercie de nouveau de votre attention. Nous espérons que vous présenterez de bonnes recommandations.
Nous serions ravis de répondre à vos questions. Merci de nous avoir invités.
Le président: J'accepte votre critique du fait que le comité ne s'est pas déplacé, Arnold. Nous avons eu une vive discussion à ce sujet. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais le Bloc ne voulait pas se déplacer. Nous avons dû accepter de nous réunir ici. Vous avez parfaitement raison. En particulier parce qu'il s'agit de l'agriculture, les comités doivent se rendre dans les régions agricoles. Cela donne des résultats très différents des exposés bien polis que nous présente Ottawa. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Marlene, allez-y
Mme Cowling: Tout d'abord, je tiens à vous dire que je viens du Manitoba. Je préside le caucus du Manitoba. Je tiens à vous réaffirmer que nous sommes en faveur du développement du port de Churchill. Nous vous appuyons à 100 p. 100.
J'ai une question à vous poser. Vous dites que pas un centime du fonds d'adaptation de300 millions de dollars devrait être affecté au développement du port de Churchill, et que l'obligation du gouvernement fédédral devrait être financée à même des crédits supplémentaires. Je me demande de quel montant vous voulez parler et d'où viendrait cet argent.
M. Grambo: Je ne pense pas que ce soit à nous de répondre à cette question. Je l'ai formulée de cette façon parce que les agriculteurs estiment que l'abandon de l'Accord de Nid-de-Corbeau leur a beaucoup nui financièrement. Cela est certain. C'est peut-être vrai ou ça ne l'est pas, mais c'est du moins ce qu'ils pensent. Je ne tiens pas à débattre de ce point.
Mais avec les pertes qu'ils ont subies, du moins dans leur esprit, ils ne comprendraient pas que l'on utilise les fonds qui, d'après eux, leur appartient - qu'ils voudraient voir utiliser de telle ou telle manière - être mis de côté et affecté à un port que beaucoup considèrent comme un poste budgétaire coûteux et inutile. Cela les amènerait à critiquer tout effort de développement de Churchill.
En fait, il y en a beaucoup qui comprennent que Churchill était rentable jusqu'à il y a huit ans. Ce port était même très rentable. Mais ce sont les huit dernières années dont se souviennent les gens. Nous pensons tout simplement qu'il ne serait pas adroit sur le plan politique de procéder de cette façon.
Mme Cowling: Il y a aussi le plafonnement des tarifs marchandise qu'il faut conserver. Je crois que notre comité a déjà déclaré qu'il était en faveur de ce maintien.
Vous dites également que les agriculteurs devraient avoir leur mot à dire puisque ce sont eux qui paient. Je me demande ce que votre organisation penserait d'un organe de surveillance, qui, après l'année 2000 serait composé de gens de l'industrie et qui serait chargé de surveiller le fonctionnement du systèsme. Personne ne sait encore très bien quelle forme pourrait prendre un système déréglementé. Avez-vous réfléchi à cette question?
M. Grambo: Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée. Cela fonctionnerait peut-être. Ce qui nous inquiète, c'est que si l'on privatise le CN et que c'est une entreprise qui le rachète, la situation ne sera guère meilleure pour nous. Le CN facture selon la distance parcourue. Pourquoi serait-il intéressé à transporter des marchandises à Churchill alors qu'il peut les transporter jusqu'à Montréal?
Quelle que soit l'entreprise qui reprendra le CN, elle fera le même raisonnement, à moins que les agriculteurs n'exercent un contrôle sur elle, mais ces derniers vont s'apercevoir qu'ils peuvent réaliser des économies en utlisant cette ligne de chemin de fer. S'ils sont actionnaires, ils ne vont pas seulement gagner de l'argent - un dollar le boisseau - bénéfice net - mais ils obtiendront également des dividendes de la compagnie de chemin de fer.
La situation nous inquiète particulièrement. Ce que nous tenions à vous dire, c'est qu'il existe bel et bien un danger, et je suis persuadé que vous y avez déjà pensé. Vous savez aussi, j'en suis sûr, qu'un certain nombre de propositions ont été présentées à M. Axworthy concernant l'achat d'actions. J'ai peur que les agriculteurs n'aient pas vraiment leur mot à dire.
Je ne voudrais pas non plus qu'il s'agisse seulement d'un court tronçon à partir, disons, de la Baie d'Hudson. Les lignes sur de courtes distances fonctionnent lorsqu'elles sont situées «en tête de réseau» - lorsqu'une telle ligne permet d'acheminer des céréales vers la ligne principale, puis de là, vers leur point de destination. Si on avait un court tronçon - un court tronçon plutôt long - vers la fin du réseau, pourquoi le CN voudrait-il y acheminer des céréales qu'il peut transporter ailleurs? Ce court tronçon pourrait être voué à l'échec à moins qu'il n'existe un mécanisme qui nous garantisse du contraire.
Nous sommes inquiets. Je ne dis pas que nous avons la solution à tous les problèmes, mais je pense que nous devrions avoir l'occasion d'entamer un dialogue.
M. Breitkreuz (Yorkton - Melville): Merci beaucoup. J'ai bien aimé votre exposé. Cette question a beaucoup d'importance dans la circonscription que je représente, soit Yorkton - Melville, parce que nous ne sommes pas très loin de la baie, et ce serait bien sûr un avantage pour nous.
J'ai examiné la solution de la Porte du Nord dont les avantages pourraient se faire sentir aussi loin qu'en Alberta, même dans le Dakota du Nord, au sud de Winnipeg, si la subvention du Nid-de-Corbeau était supprimée. Est-ce vrai?
M. Grambo: Tout dépend du point de destination des marchandises. Dans le cas des pois, par exemple, destinés à Amsterdam ou à Rotterdam, la zone d'alimentation correspondrait à l'ensemble des Prairies et s'étendrait jusqu'aux États-Unis. Aucun autre port ne pourrait les manutentionner. Ce serait du gâteau. En fait, je suppose que si nous pouvions faire passer un chargement de pois par Amsterdam ou Rotterdam, tout le monde se battrait pour avoir sa part du gâteau. C'est par là que nous acheminerions le moindre petit pois, du moins autant de pois que le port pourrait manutentionner. Pourquoi pas? Un dollar de plus le boisseau représente une somme phénoménale.
Donc, la zone d'alimentation dépend du lieu de destination, c'est évident. Si le point de destination est l'Afrique, la zone d'alimentation rapetisse un peu, mais correspond quand même à la plus grande partie de la Saskatchewan et à une bonne partie du Manitoba.
M. Breitkreuz: La question évidente qui se pose pour moi est la suivante: s'il est possible de réaliser des économies aussi énormes, pourquoi une telle mauvaise volonté? Qu'est-ce qui nous empêche d'aller de l'avant, selon vous?
M. Grambo: Pour être franc avec vous, je dois avouer que le CN s'est montré très prudent, comme je l'ai dit tout à l'heure, parce qu'il préférerait que cela ne fonctionne pas. Il y a aussi le fait que la Commission canadienne du blé est censée travailler pour les agriculteurs, mais elle cache assez bien son jeu. Lorsqu'ils lui demandent si elle va faire ce qu'il y a de mieux pour eux, elle dit que oui, bien sûr.
Lorsque la HBRA nous a demandé pourquoi nous n'exportions pas plus de céréales via Churchill, à l'époque où nous envisagions encore d'en envoyer en Russie, on nous a dit que les Russes ne voulaient pas venir ici. Nous avons parlé aux Russes et ils nous ont indiqué qu'ils aimeraient bien venir ici. Ils sont habitués au Nord et ils ont des navires qui sont adaptés au climat - et ils ne demanderaient pas mieux. Lorsque nous avons obtenu ces renseignements par écrit des Russes, la Commission canadienne du blé a fini par se taire.
Elle a fait preuve d'un très grand esprit de collaboration lors des discussions au sujet de la Porte du Nord et je ne veux donc pas dire trop de mal d'elle, mais il reste qu'à mon avis, elle n'a pas fait ce qu'il y avait de mieux pour les agriculteurs.
Lorsque la Porte du Nord a été aménagée, les économies étaient de 22,09$ si on passait par Churchill, mais ce n'est pas un chiffre fixe. À l'heure actuelle, le chiffre est de 35$ la tonne. C'est une grosse augmentation. J'espère que vous allez pouvoir nous aider à retracer les chiffres, mais nous pensons savoir de source assez sûre que pendant un bout de temps la somme de 4$ a été versée au total pour chaque tonne qui passait par Thunder Bay - soit 2,50$ pour Thunder Bay et 1,50$ pour le gouvernement de l'Ontario. C'est ce qu'on nous a rapporté de source assez sûre. Si c'est vrai, cela fait grimper les chiffres à 39$, et c'est criminel. Les agriculteurs devraient pousser des hauts cris.
Je le répète, c'est qu'on nous a dit. Je n'ai aucune preuve, mais il s'agirait d'une source assez sûre.
M. Breitkreuz: Si c'est vrai, ce serait un boulet plus lourd encore pour l'économie de la Saskatchewan - ou du Manitoba - par rapport à d'autres régions du Canada.
M. Grambo: Cela ne fait aucun doute.
Vous dites que cela est important pour la circonscription de Yorkton. En fait, la région la plus durement touchée est celle de Souris, au Manitoba, qui s'étend presque jusqu'à Estevan, comme Bernie le sait.
M. Breitkreuz: Vous avez dit entre autres qu'il en coûte 36$ au Canada pour acheminer des marchandises vers la côte et 56$ aux États-Unis. Pourquoi un tel écart? Est-ce que quelqu'un d'entre vous s'est interrogé sur les raisons d'un tel écart? Si nous songions à la privatisation, cela m'inquiéterait beaucoup.
M. Hertz: Je dirais qu'il s'agit simplement de profits supplémentaires pour la GTA. Les chemins de fer américains, peu importe lesquels, doivent faire plus d'argent que leurs homologues canadiens. C'est la seule chose à laquelle je peux penser.
M. Breitkreuz: Je dirais que c'est une chose qui mériterait d'être approfondie. Il serait utile de faire des recherches à ce sujet.
M. Grambo: Nous n'en n'avons pas faites.
M. Breitkreuz: Le chemin de fer pourrait-il manutentionner plus de 2 millions de tonnes? Vous avez dit qu'il y a 3 millions de tonnes en-deçà d'une certaine distance qui pourraient être acheminées là-bas. En fait, si la subvention du Nid-de-corbeau disparaissaît, et ce sera le cas, un nombre beaucoup plus grand d'agriculteurs envisageraient d'expédier leurs produits via ce port. Pensez-vous qu'ils en auraient la possibilité?
M. Grambo: Je pourrais peut-être répondre à cette question. Comme tout le monde le sait, nous disposons d'un délai de 100 jours, et cela pour des raisons d'assurance. Cela veut dire que pendant 100 jours, on bénéficie des mêmes taux d'assurance que si le navire devait partir pour les Bahamas. Il n'y a aucune différence - on ne tient absolument pas compte des glaces. Passé ce délai, il peut y avoir une surcharge, selon les glaces.
Si vous me permettez d'en revenir aux pois, je dirais qu'ils arrivent à maturité assez tard en Saskatchewan, comme vous le savez. Il avait en réalité conclu des accords avec les propriétaires du M.V. Arctic, par exemple, et il y a là-bas plusieurs autres navires renforcés contre les glaces dont la taille est parfaite pour le port de Churchill. La navigation ne posait aucun problème en novembre ou à la fin de décembre. Nous pourrions facilement prévoir un délai de six mois sans avoir à penser à utiliser un brise-glace.
Nous avons fini par piquer l'intérêt du gars dont je vous parle et il a alors téléphoné au courtier qu'il utilise habituellement à Montréal. Je pense que «courtier» est le bon mot, mais c'est une notion qui ne m'est pas familière. Il a téléphoné à la personne avec qui il traite depuis des années lorsqu'il achemine des marchandises par la Voie maritime. Il lui a demandé de vérifier certains chiffres pour lui en ce qui concerne Churchill. L'autre gars lui a répondu qu'il ne devrait même pas y penser, parce qu'il y perdrait sa chemise; il lui a dit que le port était encombré de glaces et qu'il ne devrait même pas essayer. Quelqu'un d'autre aurait peut-être abandonné l'idée, mais pas lui et il est allé voir directement les propriétaires du M.V. Arctic.
C'est le genre de renseignements erronés et de mythe dont je vous parlais.
Je pense qu'on pourrait penser sans problème à un délai de six mois. Si c'était le cas et si deux ou trois équipes se mettaient au travail, étant donné qu'il n'y a jamais eu d'interruption de travail là-bas, ces gars veulent vraiment travailler - je pense qu'on pourrait probablement manutentionner3 millions de tonnes assez facilement.
Il faudrait bien sûr penser à améliorer l'infrastructure du port, la gare terminus et la ligne de chemin de fer. Il faut de l'argent pour faire de l'argent, et les recettes pourraient servir à l'amélioration de l'infrastructure.
Le gars aux petits pois a dit qu'il allait faire 60c. le boisseau. Il a dit qu'il serait fou de ne pas payer de contribution. Je serais prêt à en payer une de 10c.; qui ne serait pas prêt à payer 10c. pour aller en chercher 50? Il y a toutes sortes de façons d'envisager le problème et toutes sortes de solutions possibles.
Pour répondre brièvement à votre question, je dirais que oui, j'en suis persuadé, nous pourrions arriver à acheminer de 2 à 3 millions de tonnes en six mois.
M. Collins: Je connais assez bien la région puisque j'ai passé un certain temps à Kamsack, et j'ai vu la manière dont le CN s'y est pris. J'ai parlé à des gars du Dakota du Nord qui étaient très intéressés. Orlin sera ici au moment où Hanson va venir. Ils envisagent la possibilité d'utiliser ce port et cela est encourageant.
J'ai soulevé la question à Moose Jaw et j'ai pensé qu'on allait me scalper. Les trois premiers gars étaient prêts à me faire ravaler mon idée. Je leur ai dit que s'ils vivaient près de Springside, Kamsack ou Yorkton, ils verraient peut-être les choses différemment.
Je vous félicite de votre document. Vous avez abordé certaines questions qui sont très pertinentes en ce qui concerne les délais et tous les facteurs qui entrent en ligne de compte.
Quant à la vente du CN, je pense qu'il est essentiel que nous examinions la question. S'il devait y avoir des lignes sur de courtes distances, les agriculteurs pourraient vouloir se faire une idée assez rapidement de la situation. Si les voies ferrées étaient vendues comme matériel récupéré sans qu'on essaie d'obtenir un certain prix.... Je pense que vous avez raison en ce qui concerne la Baie d'Hudson. Quel dommage de devoir passer par ailleurs lorsque le chemin le plus court est celui qui est le plus....
Vous devez vous demander quels seraient pour vous les avantages et si cela sera suffisant. Lorsque vous aurez à assumer les coûts qu'un changement supposera, c'est nous à Estevan qui aurons à assumer le plus lourd fardeau. C'est là que vont être effectuées les coupures les plus importantes, de sorte que nous devons examiner toutes les zones d'alimentation pour voir ce qu'on pourrait faire de mieux.
Nous sommes heureux que vous soyez parmi nous. Je pense que le président vous l'a dit. Nous nous demandions comment connaître la réaction de gens comme vous. Certaines personnes ne font pas tellement de cas de la Baie d'Hudson. À leur avis, c'est une solution qu'il faudrait oublier.
M. Grambo: Elles ne comprennent pas la situation.
M. Collins: Nous avions besoin de votre avis. Nous vous remercions du temps que vous avez bien voulu nous consacrer malgré vos tâches d'agriculteur et d'enseignant. Continuez à enseigner.
Au cours des cinq ou dix prochaines années, qu'est-ce qui va arriver à la Baie d'Hudson? Qu'en pense l'association? Comment convaincre d'autres intervenants de l'efficacité de cette solution?
M. Grambo: J'ai répondu à la plupart des questions. Voulez-vous répondre à celle-ci?
M. Hertz: Oui. Je me promène pas mal dans ce coin-là. Il y a un tas de gens qui sont très intéressés. Je vends beaucoup de publicité dans notre livre annuel et il y a beaucoup de personnes que Churchill intéresse. Il ne sera pas nécessaire d'opter pour une publicité agressive. Il y en a qui disent que cette solution ne fonctionnera pas, mais il y a aussi bien des gens qui savent que c'est pour des raisons politiques qu'elle n'a pas fonctionné.
Comme vous le savez, lorsque le port de Churchill a fait ses débuts, il y avait un gouvernement minoritaire à Ottawa et c'est comme cela que tout a commencé. Ils savent qu'il y a de la politique là-dedans, mais ils croient que cela peut fonctionner. Cela ne fait aucun doute. Je ne pense pas qu'il serait difficile d'aller chercher des investissements ou d'autres types d'appui dans la région.
M. Collins: Quels sont les coûts dont vous avez parlé? Vous avez dit que pas un sou sur les300 millions de dollars, mais si vous deviez venir voir le gouvernement.... La Canadian Cattlemen's Association vient de se prononcer contre les subventions et les aumônes. Auriez-vous des chiffres à nous donner?
M. Grambo: J'aurais bien aimé être ailleurs moi aussi lorsqu'ils étaient en train de nous dire certaines de ces choses. Je suppose que c'est ce qui contribue au débat. Toutes sortes d'idées circulent autour de la table
Je tiens tout simplement à dire que nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer à cette infrastructure. Cela fait effet et si nous examinons.... Je ne sais pas où le gouvernement fédéral va chercher son argent, mais je pense qu'il faudrait un financement provisoire en attendant que la situation soit rétablie, parce que je suis tout à fait convaincu que nous pouvons arriver à faire augmenter les volumes. Pourquoi n'y arriverions-nous pas? Les économies sont réelles. Et elles militent contre la Voie maritime. Si nous pouvions obtenir un financement provisoire pendant un bout de temps - et cela nous ramène à la porte du Nord - si nous pouvions compter sur un office de commercialisation pour déblayer le terrain en Europe, au même titre de Cargill et tous les autres, et si les agriculteurs avaient leur mot à dire, cette solution pourrait fonctionner.
La ligne ferroviaire a besoin d'être réparée, mais toutes les lignes ont besoin de certaines réparations.
Est-ce que je peux ajouter un autre point que je trouve important? Lorsque les lignes ferroviaires seront abandonnées, il est absolument essentiel que la société ne soit pas autorisée à les démanteler pour les vendre comme matériel récupéré sur le champ. Les choses peuvent changer. Cela ne fera pas de mal à personne si on les laisse dormir pendand cinq ans en laissant pousser les mauvaises herbes. Si on les laisse là, une petite entreprise pourrait vouloir les exploiter dans cinq ans, mais si on les démantèle, ce sera pour toujours.
M. Breitkreuz: Il y a une autre idée dont j'aimerais vous faire part, et je voudrais que vous me disiez ce que vous en pensez. Le gouvernement a proposé de vendre le CN pour 1,5 ou 1,6 milliard de dollars, ce qui correspond à peu près au versement final de la subvention du Pas - du Nid-de-Corbeau. Que pensez-vous de l'idée de donner aux agriculteurs le contrôle du matériel roulant du CN en remplacement de ce versement final? Croyez-vous que cela serait possible?
Ce que je veux dire, c'est que le gouvernement pourrait continuer à entretenir les voies ferrées, de la même manière que les routes ou toute autre infrastructure. L'élimination de la subvention ne serait pas si terrible pour les agriculteurs s'ils pouvaient obtenir une compensation équivalente en contrôlant ce chemin de fer étant donné que, comme vous le dites dans votre mémoire, une bonne partie du trafic a sa source dans les Prairies. Voyez-vous ce que je veux dire?
M. Grambo: Bien sûr. J'hésite un peu à m'avancer sur ce terrain, parce que dès que la HBRA aura dit aux agriculteurs ce qui va se passer, vous allez vous retrouver avec autant d'idées qu'il y a d'agriculteurs.
Les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à dire que si le mécanisme voulu existait, ils prélèveraient un certain montant d'argent sur cette somme de 1,6 milliard de dollars pour l'investir dans la ligne de la Baie d'Hudson. Il faudrait que l'idée vienne d'eux. Si le gouvernement la leur proposait, elle ne leur plairait probablement pas, mais je n'en suis pas sûr.
Je pense avoir une assez bonne idée de la situation. Il y a des agriculteurs parmi les membres de ma famille et je sais comment ils pensent. J'ai l'impression qu'ils voudraient pouvoir faire ce qu'ils veulent de ce chèque. Mais je sais aussi que s'il n'y a en place aucun mécanisme, cet argent ne sera pas suffisant pour payer les dettes, pour acheter des terres ou de la machinerie. Il va être dépensé à droite et à gauche et, au bout d'un an, ils n'auront plus rien.
M. Breitkreuz: Tenons-nous en à la ligne de la Baie. Que pensez-vous de l'idée de donner aux agriculteurs un plus grand contrôle sur le matériel roulant utilisé, et peut-être même sur les installations portuaires, ou d'en confier le contrôle à une coopérative agricole? Pensez-vous que cela pourrait fonctionner? Ce serait une entreprise beaucoup plus viable. Il faudrait aussi leur donner un certain contrôle sur la Commission canadienne du blé et leur permettre d'acheminer leurs marchandises en passant par cette ligne. Cela ne s'arrêterait pas au matériel roulant.
M. Grambo: Il faudrait probablement que vous leur donniez des droits de circulation communs au-delà de la Baie d'Hudson pour qu'ils aient accès au tronçon sud. C'est là que les pois sont cultivés et c'est là qu'ils voudront déjouer la Commission du blé parce que cela ne relève pas de sa compétence. Je pense que vous venez de lancer là une idée qui pourrait très bien fonctionner. Peu importe de quel côté de l'éventail politique on se place - qu'on parle de coopérative ou de consortium - je dirais que cela pourrait fonctionner.
M. Breitkreuz: Il faudrait laisser la politique en dehors de tout cela.
M. Grambo: Vous avez tout à fait raison. C'est ce qu'il faut faire et c'est ce que font, je pense, de plus en plus d'agriculteurs. Tout ce qui compte, lorsque le moment est venu de payer, ce sont les résultats.
M. Breitkreuz: Cela me chicotte un peu lorsque vous dites que le problème s'explique par des raisons politiques ou que la politique ne vous a pas permis de faire en sorte que les choses fonctionnent. Pourriez-vous vous expliquer? Est-ce que je vous mets dans l'eau bouillante? J'aimerais tout simplement que vous m'expliquiez en quelques mots ce que vous voulez dire.
M. Grambo: Nous ne pesons pas très lourd dans la balance nous, des Prairies. Nous avons14 membres du Manitoba et 14 autres de la Saskatchewan en tout. Nous ne pouvons pas soutenir la concurrence de Toronto. Quel effet de levier aurait un effort de lobbying en vue de l'utilisation de la Voie maritime? Je n'ai pas d'autre explicxation.
Ce n'est pas une explication économique, parce que si c'en était une, le port de Churchill serait utilisé à plein. Nous aurions probablement trouvé un moyen de l'utiliser à longueur d'année ou à peu près. Il faut donc chercher des raisons politiques; il faut les chercher du côté du lobbying en faveur de la Voie maritime, du lobbying du CN. Étant donné que la Commission du blé cache son jeu, je ne pense pas qu'on puisse lui faire confiance à elle non plus.
Ce sont des questions politiques, pas des questions économiques. Elles ont un caractère économique pour la Voie maritime et pour le centre du Canada. Je ne veux pas me battre contre le Canada central. J'aimerais que Thunder Bay prospère et j'aimerais aussi que les grosses entreprises prospèrent, mais Bon Dieu, pas au détriment des agriculteurs.
Si un agriculteur voit qu'il peut économiser 4$ le boisseau ici et 3$ le boisseau par là, il ne devrait pas être forcé d'envoyer ses céréales pour n'économiser que 3$. C'est tout ce que nous disons.
M. Breitkreuz: Nous vous savons gré de ces commentaires.
M. Hoeppner: Il faut utiliser les mêmes armes que son adversaire, n'est-ce pas? J'ai déjà dit que le port de Churchill est tout à fait viable et que nous devrions le privatiser, et j'ai reçu un appel téléphonique d'un cadre d'une entreprise céréalière qui m'a demandé si j'étais devenu fou. Le tarif marchandises de Churchill jusqu'en Europe est de tant ou de tant. Avez-vous des chiffres?
M. Grambo: Pas avec moi. Je ne les ai pas ici, mais je peux vous le procurer.
M. Hoeppner: Cela m'aiderait et je pense que cela aiderait Garry aussi.
M. Grambo: Qu'est-ce qu'il dit? Il veut parler du fret maritime?
M. Hoeppner: Il disait que le tarif marchandises nous coûterait plus cher pour le transport de Churchill vers l'Europe.
M. Grambo: Vers où? Il ment.
M. Hoeppner: C'est ce que j'ai dit, mais ce sont là les problèmes auxquels nous sommes confrontés.
M. Grambo: Il ment. Je ne suis pas député, de sorte que je peux me permettre de le dire.
M. Hoeppner: L'autre chose qu'ils disent, c'est qu'il y a eu trois bateaux endommagés par les glaces.
Quel était ce mot? Était-il parlementaire?
Le président: Nous avons constaté qu'il ne l'est pas.
M. Hoeppner: Non, mais c'est quelque chose qu'il faudra nous fournir parce qu'on va nous lancer des chiffres, qu'on soit libéral, réformiste ou bloquiste.
M. Grambo: Toutes ces entreprises ont leur terminal terminus à Thunder Bay.
M. Hoeppner: Je le sais.
M. Grambo: C'est une vache grasse. Ils demandent des droits de silos-élévateurs, des droits pour le nettoyage et des droits de débarquement. C'est une vache grasse. Tous ces gens ne font rien pour l'agriculteur; ils ne pensent qu'à eux.
M. Hoeppner: Mais il nous faut des munitions pour vous défendre.
M. Grambo: Nous pouvons certainement vous en fournir.
M. Hoeppner: J'aimerais bien. On m'a dit qu'il y avait eu trois navires endommagés par les glaces l'année dernière. J'ai essayé de vérifier, mais il a été très difficile d'obtenir des renseignements.
M. Grambo: Ce n'était pas l'année dernière. Est-ce que je peux nommer l'intéressé? Charlie Meyer s'est levé à une réunion de la SARM en Saskatchewan où il a dit que l'un des problèmes avec Churchill, c'est que les navires se font endommager par les glaces. Nous savons que ce n'est pas le cas. Nous savons qu'il n'y a presque jamais eu aucun dommage.
M. Hoeppner: Pouvez-vous vérifier pour moi?
M. Grambo: Nous avons vérifié. Ces navires étaient dans le Golfe du St-Laurent. Ils ont été endommagés par les glaces l'année dernière, mais alors qu'ils s'acheminaient vers la Voie maritime.
Lorsqu'un homme de cette importance prend la parole à la convention de la SARM en Saskatchewan pour faire de telles déclarations, il a de la crédibilité. Nous pouvons nous défendre. Je pense que nous avons abattu pas mal de chemin, parce que la nouvelle s'est vite répandue. Je ne dis pas qu'il mentait; je pense qu'il avait peut-être été mal informé.
M. Hoeppner: Il avait été mal informé.
M. Grambo: Oui, mais c'est ce qu'il a dit, et c'est de là que viennent les mythes. Cela s'est passé dans le Golfe du St-Laurent près de...
M. Hoeppner: Il va vous falloir nous fournir des chiffres pour chaque année, parce que c'est ce qu'on va dire, que cela soit exact ou non. C'est ce qu'on m'a dit il y a à peine quelques semaines. J'ai téléphoné à M. Johnson qui n'était pas vraiment d'accord, mais il nous faut des preuves tangibles.
L'autre chose que je voudrais ajouter brièvement, c'est que nous avons rencontré ici des représentants d'une petite société ferroviaire qui songeait aux possibilités qu'offre le tourisme à Churchill. C'est une chose dont vous n'avez pas parlé. Je pense que le potientiel touristique est énorme. Il nous ont dit ce jour-là que s'ils avaient les chiffres exacts, ils seraient prêts à acheter cette ligne de VIA et à offrir un service décent aux touristes. Je pense que vous pourriez faire valoir cet aspect de la question.
M. Grambo: Si vous m'aviez donné une heure, j'aurais pu vous parler de bien des aspects de la question. Le tourisme en est un. Churchill va sûrement devenir de plus en plus touristique. On va probablement y construire deux nouveaux hôtels cet été.
Il y aussi la question du troc avec les Russes. Il veulent toujours nos céréales, mais ne peuvent pas nous les acheter. Ils ont de riches réserves de phosporite, roche dont nous avons besoin. Si nous nous y mettions tous, nous pourrions trouver une solution - et je pense au transport de retour - plus économique encore.
Le président: C'est ce que nous avions l'habitude de faire, n'est-ce pas?
M. Grambo: Nous transportions au retour toutes sortes de choses. Nous avons déjà transporté du Whisky écossais, nom de Dieu.
M. Hoeppner: Ce n'est pas parlementaire non plus.
M. Grambo: Toute sorte de marchandises arrivaient. Nous avons déjà reçu des automobiles.
M. Hoeppner: J'ai soulevé la question parce que M. Breitkreuz et moi-même nous sommes rendus sur place avec des représentants de VIA Rail pour examiner la situation de près. Nous étions déouragés à l'idée de penser qu'un touriste voyagerait à bord de ce train, parce ce que c'était ridicule.
M. Grambo: Vous avez vu à quel point la situation s'est détériorée. Ils essaient de se débarrasser de ce service-là aussi.
Le président: Est-ce tout, Jake?
M. Hoeppner: Je pense que oui. Nous avons parlé du tourisme, de l'idée d'un court tronçon, de la promotion pour couvrir la taxe pour nous, le tarif marchandises pour nous...
M. Grambo: Que voulez-vous dire par «nous»? Voulez-vous parler du comité?
M. Hoeppner: M. Breitkreuz et moi-même, tout comme le président d'ailleurs, aimerions bien que ce soit le cas.
Le président: Je m'y engage. Faites parvenir cela au greffier du Comité, si vous le pouvez, pour que nous le fassions distribuer.
M. Grambo: Je ne vois pas exactement de quelle donnée vous parlez. Je sais que vous voulez connaître le tarif du fret maritime à partir de Churchill, comparé à ce qu'il faut payer au départ de Montréal, de Port-Cartier, de Baie-Comeau ou quelque chose comme ça.
M. Hoeppner: Oui.
M. Grambo: En fait, cela concerne la Porte du Nord, mais nous pouvons très certainement extraire cette donnée et vous la communiquer. Que voulez-vous d'autre?
M. Hoeppner: Je voudrais savoir si les glaces ont occasionné des dommages en 1994, parce qu'on vient juste de me dire que tel avait été le cas.
Le président: Parfait, essayez de nous procurer ces données, si vous le pouvez.
M. Breitkreuz: Vous avez beaucoup parlé de mythes, mais vous n'en dites rien dans votre mémoire et il est possible que vous n'aurez certainement pas le temps d'aborder la question maintenant.
Mais j'ai, entre autres choses, entendu dire que selon la Commission canadienne du blé, les acheteurs ne veulent pas aller à Churchill. Comment pouvez-vous contredire cela? Qu'auriez-vous à dire à ce propos? Est-ce là un mythe? Ou est-ce vrai qu'on ne parvient pas à attirer les gens à Churchill pour prendre livraison des céréales?
M. Grambo: Le problème - et je suppose que je ne peux en blâmer personne - , c'est que toutes les grandes compagnies ont leurs propres agents de marketing qui battent la campagne un peu partout dans le monde. C'est Ports Canada qui possède le silo portuaire et comme cet organisme ne peut faire la promotion d'un port plus que d'un autre - et qu'il ne le doit certainement pas - , personne ne s'occupe du marketing du port. Alors il est là, qui attend dans cet Arctique de glace, exposé à toutes les insinuations et à tous les mensonges des compagnies qui souhaitent sa disparition.
Voilà pourquoi il est tellement essentiel de mettre sur pied un organisme de commercialisation. On nous a assurés que ce serait fait. Mais j'estime qu'on traîne beaucoup trop de la patte. Il faut que le ministère de Lloyd Axworthy agisse à ce sujet. Il y a bien un expert-conseil qui travaille sur le dossier, mais c'est aujourd'hui que se font les transactions.
Par exemple, si nous allions voir les Norvégiens - qui nous achètent pas mal de colza - , pour leur dire que nous pourrions conclure un accord pour leur vendre du colza moins cher à condition qu'ils passent par Churchill, accord qui profiterait également aux agriculteurs céréaliers et selon lequel nous nous partagerions les coûts et les bénéfices, ne pensez-vous pas que leurs bateaux viendraient ici? Ne pensez-vous pas que les acheteurs utiliseraient ce port s'ils étaient certains de pouvoir économiser beaucoup d'argent? Ils se précépiteraient, parce qu'ils n'auraient pas de redevances de stationnement à payer, qu'ils n'auraient pas à attendre, qu'ils n'auraient pas à subir de grèves, qu'ils auraient moins de distance à parcourir et qu'ils bénéficieraient de meilleurs prix. Quel mal y a-t-il à cela?
M. Breitkreuz: Je vais enchaîner sur le même sujet. Pensez-vous que ce serait faisable ou logique de céder le silo portuaire à une entreprise privée, à une coopérative ou à un organisme du genre? Pensez-vous que cela résoudrait le problème?
M. Grambo: Si un consortium quelconque doit se former, il comprendra certainement les énormes multinationales qui, par exemple, achètent des pois pour l'Europe. Il est fort possible que ces gens là investissent. Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose pour l'économie canadienne ou pour les agriculteurs des Prairies.
Je suis inquiet dès que j'ai l'impression que les agriculteurs des Prairies risquent de perdre la maîtrise du marché, parce qu'à ce momen-là, nous nous retrouverions dans la situation actuelle. Je pense qu'ils auraient eux-mêmes à payer un peu moins et donc qu'ils feraient plus d'argent. Tout dépend de la façon dont les choses se dérouleront. Je crois que nous allons avoir besoin d'une réglementation quelconque, dans la mesure où les gens acceptent l'intervention du gouvernement.
M. Breitkreuz: Merci, monsieur le président, de m'avoir permis de poser cette question.
Le président: J'ai deux ou trois choses à ajouter. Nous allons faire reproduire le document que vous vouliez coucher sur feuilles de tableaux-papier pour le faire distribuer aux membres du Comité. Il contient en effet quelques renseignements valables.
J'ai une chose à dire au sujet du tarif marchandise, surtout dans le cas du transport par chemin de fer jusqu'au port. Vous nous avez dit que dans le cadre de la LTGO, le tarif marchandise de Estevan à Vancouver sera de 37,28$, contre 65,10$ de Minot à Seattle, pour un wagon simple.
M. Hoeppner: Monsieur le président, j'aimerais ajouter quelque chose à cela. Je n'habite qu'à quelques milles de la frontière avec les États-Unis et je me suis livré à certaines vérifications. Ces chiffres pourraient tenir en l'absence de concurrence dans le secteur ferroviaire, mais les devis que j'ai obtenu pour faire transporter mes céréales s'approchent de ce que nous payons actuellement. Il y a donc un écart.
Le président: Oui, et c'est là tout le problème. Des représentants de certains groupes viennent nous dire que ça coûte beaucoup moins cher aux États-Unis alors que d'autres prétendent que c'est plus cher. Quant à moi, j'ai la certitude, pour m'être rendu dans le Dakota du Nord et ailleurs, que la réalité tient aux deux.
M. Grambo: Oui.
Le président: Et puis, par dessus tout cela, il y a les tarifs confidentiels. Les tarifs dont vous faites l'objet dépendent de qui vous êtes. Notre système fonctionne différemment.
En répondant à ces autres questions, pourriez-vous étayer ces tarifs par d'autres tarifs? Il serait certainement plus utile que nous disposions d'un éventail de tarifs permettant de faire la comparaison entre les États-Unis et le Canada.
M. Grambo: Nous essaierons de faire cela.
Le président: Parlons de Churchill. Vers quels marchés faudrait-il se tourner pour que le port de Churchill soit exploité?
M. Grambo: Le bassin d'approvisionnement...
Le président: Non, je veux parler des marchés auxquels nous vendons. Nous reviendrons sur le bassin d'approvisionnement plus tard.
M. Grambo: Mais, voyez-vous, ça dépend. Si vous parlez d'Amsterdam ou de Rotterdam, alors le bassin d'approvisionnement s'étend à l'ensemble des Prairies. En revanche, dans le cas de l'Afrique, du Mexique ou du Brésil, cette zone est réduite. Donc, elle est plus petite, mais elle englobe tout de même Saskatoon et...
Le président: Pourquoi?
M. Grambo: Parce que si les marchandises transitent par la Porte du Nord - notre expert-conseil a d'ailleurs étudié la question - , il semble que le tarif maritime soit légèrement inférieur à ce qu'il serait par Churchill. Mais la différence n'est pas grande et les chiffres fluctuent. Donc, selon l'accord conclu, c'est-à-dire s'il y a retour à charge ou que sais-je encore, vous pourriez fort bien être en mesure d'expédier la marchandise en provenance de l'extrême sud de la Saskatchewan par Churchill, à destination, par exemple, du Brésil.
Mais le bassin d'approvisionnement est réduit. Je me dois d'attirer votre attention sur des cartes à la fin de ce livre. La HBRA a émis certaines critiques que nous devons, je crois, répéter.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, à l'époque, la redevance de la Voie maritime était de 22 09$ et elle est maintenant de 35 00$. Cela signifierait donc que le bassin d'approvisionnement conserverait des proportions monstrueuses. En passant par Churchill, il serait possible de desservir le Mexique et n'importe quel pays en Amérique du Sud, de ce côté de l'Atlantique.
Le président: Donc, pour les cartes qui se trouvent dans la Porte du Nord, la redevance de la voie maritime était de 22 09$ à l'époque?
M. Grambo: C'est cela. C'est ce qui est dit ici.
Le président: Parfait. Avez-vous rencontré des représentants de la Commission canadienne du blé? Des gens de la Commission ont témoigné devant le Comité. Ils nous ont parlé de la nouvelle approche en ce qui concerne les bassins d'approvisionnement, comme celui qui se trouve dans la région sud pour les États-Unis, et nous ont parlé aussi du bassin d'approvisionnement de Churchill. Les avez-vous rencontrés à ce sujet? Que pensez-vous de ce qu'ils proposent?
M. Grambo: Nous avons lu leurs propositions. J'ai eu l'occasion de rencontrer brièvement un des représentants de la Commission canadienne du blé. Nous étions en complet désaccord. C'était à l'occasion de notre convention annuelle à Brandon. Nous avons parlé et nous avons convenu que nous n'étions pas d'accord. Je suis alors parti pour aller chercher quelqu'un susceptible d'épauler ma position, à savoir qu'il était injuste de retenir un constat sur trois ans dans le cas de Churchill et une perspective d'avenir dans les autres cas. Malheureusement, cette autre personne était déjà partie. Depuis lors, nous n'avons pu donner suite à notre conversation.
Je ne vois rien d'équitable là-dedans. Pourquoi ne parlerions-nous pas de capacité future pour tous les ports?
Le président: Pour parler de la ligne de chemin de fer elle-même, quel genre de matériel roulant y circule? Pour être honnête avec vous, je n'ai jamais voyagé sur cette ligne.
M. Grambo: Moi, je l'ai fait en tête de train, avec les mécaniciens.
Le président: Je suis bien allé à la Baie d'Hudson et ailleurs, mais je n'ai jamais emprunté cette ligne. Quel genre de matériel roulant on emprunte? Quel est sa capacité?
M. Grambo: Pour l'instant, le CN estime qu'on doit la limiter aux seuls wagons couverts. Il y a des points de ralentissement, sur les petits ponts, les ponceaux, mais le temps de rotation demeure bon malgré tout.
Nous avions parmi nous un ingénieur d'IPSCO Inc. de Regina. Il a demandé les chiffres du CN. Il est revenu nous voir et nous a déclaré que nous avions des wagons-trémies qui pourraient très bien emprunter cette ligne maintenant. C'est une question de roulis. Comme l'acier est rigide, il ne permet pas aux wagons de se balancer sur cette voie, contrairement à ce qui se passe dans le cas des wagons en aluminium. En fait, leur indice de roulis est meilleur quand ils sont chargés que dans le cas des wagons couverts. Et pourtant, selon cet ingénieur, ils seraient tout aussi satisfaisants que ces derniers.
Le CN a entrepris une simulation sur ordinateur puis a effectué un passage d'essai cet été. La compagnie a décidé de faire ce passage d'essai au pire moment de l'année, c'est-à-dire en août, quand le pergélisol est dégelé.
Le président: Est-ce que ces wagons seront chargés à pleine capacité?
M. Grambo: Nous avons cru comprendre qu'ils pourraient l'être, mais même s'ils ne l'étaient pas, grâce aux descentes en pente douce, le poids de céréales transportées serait même nettement supérieur. C'est ce que nous faisons à présent même avec les wagons couverts dans lesquels on ne peut pas charger autant de céréales. Nous transportons plus par chassis que sur l'axe est-ouest. C'est là un facteur que beaucoup ignorent.
Mais dans tous les cas, et qu'ils soient chargés à pleine capacité ou non, nous aimerions que le silo-terminus soit plein tout de suite parce que c'est là que les céréales vont aboutir. Je suis sûr qu'ils n'entreprendront pas cet essai avant la fin de la saison, ce qui est malheureux.
Le président: C'est la dernière question que je vais poser. Je crois que le gouvernement se trouve face à un dilemme. La diminution des volumes de céréales. Plusieurs choses sont en train de se produire, notamment les mouvements dus aux changements apportés à la LTGO, à la réglementation et au reste. Comme le souligne Andrew Elliott dans son rapport, c'est en fait une dizaine de millions de tonnes qui peuvent être acheminées vers le sud. C'est peut-être élevé. Et puis, les volumes sont également à la baisse du côté de la Voie maritime.
Nous devons prendre des décisions difficiles. C'est blanc bonnet et bonnet blanc et voilè notre dilemme.
M. Grambo: Je comprends tout à fait cela. Je vais simplement vous rappeler que depuis son ouverture, en 1959, la Voie maritime est une bonne affaire pour le Canada. Elle est certainement nécessaire à la vie des entreprises installées sur ses berges. Je ne nie pas le fait. Mais en tant que résident des Prairies, revendiquant ce qu'il y a de mieux pour l'agriculture de ma région, je ne vois vraiment pas pourquoi les agriculteurs des Prairies devraient faire faillite pour subventionner la Voie maritime. Selon moi, cela ne se discute pas.
Et si tel est le cas, alors il faut permettre au port de Churchill de demeurer viable. N'oublions pas ici l'intervention des Akjuit. Quoi que nous fassions, nous avons Akjuit dans nos jambes. Les membres du Comité savent certainement qu'Akjuit est partout en Europe, dans les pays scandinaves, en Russie et à Poker Flats, en Alaska, parce que là-bas, on retrouve trois éléments essentiels: un aéroport, un port et une ligne de chemin de fer. Si nous menaçons ou quoi que ce soit, Akjuit disparaît. On parle ici de plus d'un demi-milliard de dollars de fonds privés. Il s'agit d'une technologie de pointe. Si ça ne va pas à Churchill, ça n'ira nulle part au Canada. Ce sera perdu.
Donc, si nous n'accordons pas un financement provisoire d'environ 25 millions de dollars, nous risquons de devoir renoncer à des recettes fiscales de 125 millions de dollars au cours des trois prochaines années, pour les trois ordres de gouvernement. Nous ne pouvons nous permettre cela. Je pense qu'Akjuit est le dernier élément qui facilite la position du gouvernement et le choix qu'il a à prendre. Nous ne pouvons mettre cela en péril.
Le président: C'est ce dont je veux parler. Y a-t-il d'autres activités qui nous permettraient de faire en sorte que Churchill soit viable, à part l'acheminement des céréales?
M. Grambo: Nous ne voulons pas que le port dépende des céréales. Nous y avons toujours vu un véritable avantage pour les agriculteurs des Prairies et c'est pour cela que nous avons un penchant pour lui. Nous aimerions qu'il y ait diversification des activités et que des produits transformés passent par là. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas tranformer le grain en farine et la faire passer par Churchill, si c'est possible. Il y a bien d'autres choses comme ça que l'on peut faire.
Le président: Messieurs, je vous remercie pour votre exposé.
M. Grambo: Nous avons sans doute pris trop de temps. Merci beaucoup de votre attention.
Le président: La séance est levée.