Avant-propos du Président
Le présent rapport est le second du genre produit par le Comité depuis que le gouvernement s'est engagé à faire participer largement le public à la préparation de ses budgets. Il conclut notre deuxième ronde de consultations auprès des Canadiens et confirme que la participation des citoyens est d'ores et déjà une caractéristique permanente et bien établie de l'élaboration du budget.
Sans le premier rapport du Comité, présenté il y a un an, il aurait été impossible de dégager le large consensus dont ont fait l'objet les mesures prises par le gouvernement dans son second budget, en février 1995.
Le gouvernement prépare actuellement son troisième budget. Le rapport qui suit est fondé sur le témoignage des 480 témoins qui ont comparu devant nous, à Ottawa et dans chacune des provinces canadiennes, et sur les 58 mémoires que nous avons reçus.
Le Comité a tenu ces consultations avec comme toile de fond les progrès historiques réalisés en vue de résoudre la crise de l'endettement du Canada et d'atteindre l'objectif provisoire du gouvernement, à savoir ramener le déficit à un maximum de 3 p. 100 du produit intérieur brut pour 1996-1997. Grâce aux mesures déjà prises en ce sens, le déficit tombera à 24,3 milliards de dollars cette année-là, contre 42 milliards en 1993-1994, 37,5 milliards en 1994-1995 et à 32,7 milliards pour l'exercice courant.
Ces progrès ne doivent pas faire oublier les dangers graves qui nous guettent.
Parce que notre dette nationale est énorme, tant en termes absolus que relativement à notre production économique nationale, nous sommes très exposés aux ondes de choc produites par les bouleversements économiques, financiers ou politiques.
Un autre séisme financier international, comme la crise du peso mexicain d'il y a un an, pourrait faire grimper brusquement les taux d'intérêt sur les marchés financiers internationaux. Une récession aurait pour effet de renverser les nombreuses tendances qui nous sont actuellement favorables et de compromettre notre rétablissement fiscal.
Mais surtout, l'éventualité d'un autre référendum sur la séparation du Québec constitue un boulet qui ralentit l'économie canadienne, surtout au Québec.
Voilà le contexte dans lequel notre Comité s'est acquitté de sa tâche. À la lumière de ce que nous avons appris, nous suggérons d'insister, dans le prochain budget, sur les six domaines suivants.
Premièrement, il est impératif que le gouvernement atteigne ses objectifs de réduction du déficit. S'il échouait, la perte de confiance qu'il subirait aurait tôt fait de se répercuter sur les taux d'intérêt et de faire monter en flèche le coût déjà ruineux du service de la dette. Cette réalité signifie deux choses : il faut continuer de réduire les dépenses de programmes et maintenir les impôts à leur niveau actuel.
Deuxièmement, nous devons nous occuper de façon plus immédiate de la dette nationale. Cela ne signifie pas qu'il faut abandonner notre stratégie de réduction du déficit, laquelle consiste à nous fixer des objectifs sur deux ans qui prendront le relais de l'objectif de 3 p. 100 du PIB en 1996-1997 et de 2 p. 100 en 1997-1998. Loin de là. Cette stratégie porte fruit. Ce qui nous vaut des déficits énormes, c'est la dette nationale, et nous devons réduire le poids qu'elle fait peser sur l'économie.
Troisièmement, le Comité estime raisonnable de prévoir, d'ici la fin du siècle, l'un ou l'autre d'un certain nombre d'événements propres à nous faire rater nos objectifs en matière de réduction du déficit, notamment ceux que nous avons mentionnés plus haut, à savoir un ralentissement grave du cycle des affaires ou une récession, une crise financière internationale ou un référendum au Québec.
Il importe donc, notamment, d'employer, à l'égard des projections des taux d'intérêt et de la croissance, des hypothèses plus prudentes que celles sur lesquelles on songe actuellement à baser le prochain budget. Il faudrait aussi prévoir des réserves pour éventualités plus importantes pour les années qui suivront les deux ans visés par le prochain budget, lorsque les écueils énumérés au paragraphe précédent présenteront un risque accru.
Quatrièmement, si nous avons bien réussi au chapitre de la création d'emplois, il reste que le chômage ou la peur qu'il inspire nous font envisager l'avenir avec appréhension. Le Comité suggère divers moyens d'aider un plus grand nombre de Canadiens à se mettre à leur compte et de soutenir l'expansion des petites entreprises. Mais en bout de ligne, les deux mesures les plus importantes que le gouvernement puisse prendre pour stimuler la création d'emplois consistent à rendre au Canada sa santé financière et à résoudre le problème de l'unité nationale.
Cinquièmement, comme les gouvernements, à tous les niveaux, sont forcés de réduire leurs services aux citoyens, ceux-ci devront faire plus pour eux-mêmes et pour leurs semblables. Les organismes bénévoles et les oeuvres de charité devront répondre à une demande accrue. Nous avons demandé au gouvernement de chercher des moyens d'encourager les citoyens à donner plus aux oeuvres de bienfaisance afin que les Canadiens puissent s'aider eux-mêmes et se charger d'une plus grande part des services qui incombaient jusqu'à maintenant à l'État.
Enfin, puisque le gouvernement continuera de réduire ses dépenses - il n'a, hélas, pas le choix - le Comité l'exhorte à continuer de procéder aux réductions de façon équilibrée, tant dans le choix de ce qui doit changer que dans le rythme du changement. Les réductions ne doivent pas être draconiennes au point d'entraver la croissance économique. Elles ne doivent pas être universelles non plus, mais être ciblées en fonction des véritables priorités nationales. Promouvoir l'éducation, la recherche, l'innovation, la science et la technologie est une priorité nationale, car ces activités sont essentielles pour assurer l'avenir. De plus, les réductions ne doivent pas être faites aux dépens des plus vulnérables; le partage et la compassion sont également des priorités nationales. Il en va de même du système canadien de soins de santé.
Je tiens à souligner que beaucoup de Canadiens de toutes les provinces souscrivent à la démarche équilibrée que le gouvernement a choisie pour maîtriser les déficits budgétaires et s'attaquer à la dette nationale, objectifs dont il a fait une priorité. Le gouvernement doit continuer dans cette voie, mais à un rythme qui fasse que les Canadiens croient non seulement en son aptitude à rendre la santé financière au pays, mais aussi en leur propre capacité de s'adapter aux changements historiques qu'il a apportés à sa façon de gérer les finances du pays. La politique du couperet et du bûcher a peu de partisans. Au contraire, on tient beaucoup à ce que les changements que nous vivons permettent aux Canadiens de demeurer une société où la principale fibre des liens qui les unissent est la bienveillance qu'ils ont les uns envers les autres.
Personnellement, je suis convaincu qu'aussi importantes que puissent être nos difficultés - et elles semblent parfois décourageantes -, nous nous en sortirons, et avec des valeurs fondamentales d'autant plus fortes qu'elles auront été mises à l'épreuve.
Je n'ai senti nulle part - ni mes collègues du Comité - la volonté de détruire ce que nos parents et grands-parents ont construit et de jeter aux orties nos réussites en même temps que nos échecs. Bien au contraire, nous avons trouvé partout la volonté de corriger nos erreurs de parcours, de payer les dettes accumulées, de réparer, de reconstruire et, surtout, de léguer à nos enfants et aux leurs un pays encore meilleur.
Nos aïeux ont bâti un pays qui fait l'envie de beaucoup d'autres, et quand on entend des gens comme ceux que j'ai rencontrés dans le cadre des travaux de notre Comité, on voit tout de suite que l'esprit qui a permis à nos prédécesseurs de faire du Canada le pays qu'il est devenu est toujours aussi fort.
Animés par cet esprit, je suis certain que nous laisserons à nos enfants et aux leurs le Canada en meilleure santé, plus prospère et meilleur qui est à notre portée.
Je tiens à remercier tous les témoins qui se sont donné la peine de comparaître devant le Comité lors des séances qu'il a tenues dans l'ensemble du pays, ainsi que les membres du Comité, à quelque parti qu'ils appartiennent, pour la diligence dont ils ont fait preuve dans leur travail et la grâce avec laquelle ils ont accepté de faire, dans des conditions parfois inconfortables, les longues heures de travail qu'impliquent souvent les déplacements fréquents et les séances intensives d'un comité itinérant. Les mémoires et témoignages reçus font partie des comptes rendus de notre Comité et ont été versés à la documentation dont le ministre des Finances disposera et qu'il consultera dans la préparation de son budget.
En terminant, je tiens à remercier sincèrement, tant au nom du Comité que personnellement, le personnel de la Chambre des communes et tous ceux et celles qui ont travaillé avec nous, de leur précieux appui. Je songe tout particulièrement à notre greffière, Martine Bresson, et à son adjoint, Pierre Rodrigue, à nos recherchistes Marion Wrobel et Richard Domingue, à David Ablett et Michael Bryans, qui nous ont conseillés dans la rédaction du rapport, à Liz Yong-Laflèche et Jeannie Dempster, de mon bureau d'Ottawa, et surtout à mon adjoint législatif, Lou Riccoboni. C'est à leur professionnalisme et à leur dévouement que nous devons d'avoir pu nous acquitter de notre tâche dans le court délai qui nous était imparti.
Jim Peterson.