Opinion divergente du Parti réformiste
Table ronde sur les questions budgétaires du Comité permanent des finances
Au cours des derniers mois, le Comité permanent a entendu un grand nombre de participants. Ils estimaient, pour la plupart, que le déficit demeure un problème grave qui mérite une attention plus soutenue de la part du gouvernement.
La table ronde des économistes a fortement recommandé que le gouvernement aille au-delà de ses objectifs actuels et qu'il vise un budget équilibré. Bien qu'il n'y ait pas eu de consensus quant à un échéancier, plusieurs pensaient qu'un déficit nul d'ici la fin du mandat actuel était souhaitable.
Pour commencer
Un des problèmes qui s'est présenté lors des audiences du Comité était que, contrairement à l'année dernière, le ministre des Finances ne s'est manifesté au Comité que lorsque les audiences ont été pratiquement terminées. Il n'y avait donc pas de «point de référence» adéquat pour appuyer la consultation ni de repères vers lesquels les participants pouvaient diriger leurs commentaires. L'année dernière, le ministre avait clairement établi des priorités et demandé au Comité de répondre à une liste de questions très détaillée. Les audiences du Comité disposaient donc de directives claires et les membres du Comité estimaient que les consultations avaient permis de fournir des réponses aux questions cruciales du ministre. Pour des questions aussi importantes que la santé financière du Canada et pour s'assurer que les futures consultations sur le budget se déroulent avec des points de référence et des repères précis, nous recommandons que toutes les futures consultations sur le budget commencent par une visite du ministre des Finances qui définira clairement les points de référence et fournira des questions spécifiques qui seront étudiées par le Comité permanent des finances.
Objectifs budgétaires
Les rapports de la presse présentant en détail des documents soit disant «secrets» du Fonds monétaire international sur la situation financière du Canada suggèrent que les progrès du Canada dans ce domaine ont été «indûment lents » (Toronto Star, le 5 décembre 1995). La table ronde des économistes a également confirmé que bien que le gouvernement ait pris quelques mesures positives, il ne doit pas en rester là. Il y a au moins trois grandes raisons pour que le gouvernement équilibre son budget avant la fin de son mandat actuel :
- Le cycle économique. L'économie se trouve actuellement au point culminant de son cycle économique ou elle vient juste de le dépasser. Au cours des deux dernières années, la réduction du déficit a découlé principalement de la croissance de l'économie. La réduction des paiements au titre de l'assurance-chômage et la hausse des recettes fiscales ont largement contribué à réduire le déficit pendant cette période. Une récession renverserait immédiatement ces tendances favorables. Lors de la récession de 1990-1991, les revenus du gouvernement fédéral ont chuté et les paiements au titre de l'assurance-chômage ont atteint un niveau critique. Le budget de 1995 a apporté quelques changements structurels à l'assurance-chômage et au RAPC pour s'assurer que les dépenses fédérales n'augmentent pas de la même façon lors du prochain ralentissement de l'économie; toutefois, rien de ce qu'a fait le gouvernement ne peut protéger ce dernier contre une chute de ses revenus globaux. Par exemple, s'il y avait une récession en 1996-1997 et que les revenus du gouvernement fédéral demeurent semblables à ceux de l'année précédente, le déficit fédéral augmenterait immédiatement de 4,2 $ milliards. Si les revenus diminuaient, comme cela a été le cas en 1991-1992, le déficit augmenterait encore davantage. Il est clair que le profil d'évolution financière actuel ne protège pas adéquatement le gouvernement contre ce genre d'événement. Ce sont des mesures imprudentes et à courte vue.
- Le cycle politique. L'administration actuelle est entrée dans la «deuxième moitié» de son mandat. Ceci limite sérieusement les choix politiques difficiles qui doivent être faits pour intensifier les restrictions financières. L'histoire montre bien qu'il est peu probable que les gouvernements qui n'ont pas fait de progrès en matière de déficit pendant la première partie de leur mandat, réussissent à en faire alors qu'ils s'apprêtent à faire face à l'électorat. Ce délai politique ne dure pas longtemps, et nous avons bien peur qu'il soit déjà passé pour un parti politique qui n'est pas connu pour limiter les dépenses.
- Les intérêts composés. Les intérêts sont une dépense fédérale inéluctable. Les frais d'intérêt du gouvernement fédéral sont un obstacle sérieux à la capacité à financer des programmes que le gouvernement juge essentiels. Depuis plusieurs années, au Canada, la croissance du fardeau des intérêts est plus rapide que celle des recettes de l'État. Si le gouvernement fédéral devait équilibrer son budget aujourd'hui, il ne pourrait fournir que 65 cents en services pour chaque dollar d'impôt perçu. Les 35 cents restants serviraient à payer les intérêts. L'envergure de la dette fédérale est au coeur du problème des intérêts. Aussi longtemps que la dette continuera à croître plus rapidement que l'économie, la proportion des revenus disponibles pour les programmes continuera de diminuer. Le gouvernement prétend qu'en atteignant un objectif de 3 % sur le plan du déficit, le fardeau des intérêts (et le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB) se stabiliserait. Toutefois, deux conditions préalables doivent exister pour que cela puisse se faire. Premièrement, il faut que le taux d'intérêt réel (intérêt moins l'inflation) soit inférieur au taux de croissance. Ceci ne s'est pas produit au cours des dernières années et il semble peu probable que cela se produise dans un futur proche en raison de l'incertitude qui continue de régner sur les plans financier et politique. Ensuite, le taux de croissance doit être supérieur à 3 % (ou alors, il faut que les revenus fédéraux augmentent de plus de 3 %). Le taux de croissance réel a augmenté de plus de 3 % une fois seulement au cours des sept dernières années. Nous ne pouvons qu'en conclure que compte tenu des réalités politiques et financières auxquelles nous sommes confrontés, un objectif de réduction du déficit de 3 % ne garantit pas que le fardeau du gouvernement fédéral en matière d'intérêts diminuera ou se stabilisera. Le gouvernement doit aller plus loin.
Le ministre des Finances a annoncé que pour 1997-1998 l'objectif serait 2 % du PIB (soit 17 $ milliards). Si certains pensent qu'il s'agit de réductions importantes, la plupart des analystes estiment maintenant que l'on peut atteindre cet objectif en augmentant d'aussi peu qu'un milliard de dollars les réductions des dépenses. Cet objectif ne tient pas compte des problèmes mentionnés plus haut en ce qui concerne les cycles économique et politique ou les dangers d'accumuler les intérêts. En refusant de donner une date précise pour équilibrer le budget, le ministre nous offre le pire de tous les mondes : des réductions de dépenses douloureuses sans perspectives de baisses des taux d'intérêt ou des impôts qui découleraient normalement de l'établissement d'un plan solide pour équilibrer le budget.
Solutions de rechange du Parti réformiste
Nous estimons que le ministre des Finances, après avoir pris de timides mesures a perdu sa motivation. Nous demandons instamment au gouvernement d'accélérer le rythme de réduction du déficit et d'annoncer un objectif du 1,5 % du PIB en 1997-1998 et un budget équilibré en 1998-1999. De plus, nous suggérons que le ministre redonne espoir aux Canadiens et Canadiennes en leur promettant que les surplus budgétaires générés par la croissance économique au cours des années à venir seront utilisés pour réduire les impôts et la dette nationale. Enfin, nous insistons auprès du ministre pour qu'il mette en place des plans visant à introduire un régime fiscal simplifié, transparent, équitable et plus efficace qui mettrait fin au cauchemar de la TPS.