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Table des matières


CHAPITRE UN
LE GOUVERNEMENT ET LA PERFORMANCE DES PME DANS L'ÉCONOMIE MONDIALE


LA MONDIALISATION ET LES PME CANADIENNES

La mondialisation de l'économie, qui s'est imposée rapidement au cours des cinquante dernières années, se caractérise par d'importants regroupements de capitaux découlant des opérations transfrontalières des grandes multinationales. La transformation s'est accélérée depuis le milieu des années 80 en raison d'une plus grande libéralisation du commerce international et des mouvements instantanés de capitaux, ainsi que des progrès rapides de la technologie, particulièrement en matière de communications, de transport et de traitement de l'information. C'est ainsi que les multinationales, les organisations internationales, les gouvernements et les PME ont tous vu leur environnement se transformer. La multiplication des liens entre les économies nationales, conjuguée à l'évolution des conditions propices à la création de richesses et à une concurrence croissante, ont donné naissance à de grandes possibilités et à des défis de taille.

Les entreprises canadiennes traversent donc une période que les commentateurs appellent un «changement de paradigme» : pour créer ses richesses, le Canada délaisse l'exploitation de ressources naturelles dont il dépendait tant, pour passer progressivement à l'acquisition et à la mise sur pied d'industries basées sur la connaissance et l'application de leurs produits à l'ensemble de l'économie. De façon générale, l'économie canadienne a longtemps reposé sur une abondance de ressources naturelles et sur l'exportation par des entreprises (principalement des multinationales) de produits à l'état quasiment brut. Auparavant, les droits de douane et autres barrières commerciales protégeaient l'économie canadienne contre la concurrence extérieure, tout en lui donnant accès aux plus importants marchés mondiaux par l'entremise de multinationales (surtout américains). Il importe aussi de noter qu'une bonne partie de l'industrie manufacturière secondaire du Canada était contrôlée par des intérêts étrangers (surtout américains, encore une fois). Le résultat de cette structure économique : une demande et des investissements faibles en recherche et développement, une ambivalence quant au développement de compétences entrepreneuriales et administratives et une tendance à créer des institutions financières solides chargées principalement de conserver les richesses plutôt que d'investir pour multiplier les sources de richesses.

La libéralisation du commerce et l'accroissement des mouvements de capitaux, les innovations attribuables aux progrès techniques et l'approche mondiale adoptée par un nombre croissant d'entreprises accentueront la tendance vers la mondialisation des marchés. Dans un tel contexte, des pays moins bien nantis que le Canada en ressources naturelles peuvent néanmoins jouir d'un avantage relatif s'ils se pourvoient d'une main-d'oeuvre qualifiée, d'entreprises innovatrices, d'une infrastructure de réseaux de communication et de transport modernes et fiables et de politiques et de programmes publics conçus pour créer, attirer et retenir les investissements de capitaux.

L'ÉVOLUTION DES MARCHÉS ET LES PME

Ce milieu en évolution rapide ne favorise pas beaucoup les PME. De façon générale, la libéralisation du commerce par les rondes successives du GATT et l'apparition de zones de libre-échange à l'échelle de continents (l'Association européenne de libre-échange (AELE), la Communauté/Union européenne, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)) ont plutôt favorisé les multinationales qui, en raison de leur taille et des ressources à leur disposition, sont plus à même de s'adapter aux nouveaux défis et à profiter des occasions qui se présentent. L'apparition dans la région du Pacifique, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine de producteurs efficaces à coût de revient relativement faible a intensifié la concurrence à laquelle font face les PME au pays et à l'étranger.

Avant le Kennedy Round du GATT (qui, de 1967 à 1971, a réduit de 35 p. 100 en moyenne les droits de douane sur les produits industriels), les PME jouissaient de la protection assurée par des droits de douane relativement élevés au Canada. Elles travaillaient surtout comme sous-traitants pour de grandes entreprises de fabrication ou de transformation (par exemple l'industrie automobile) ou se trouvaient un créneau sur le marché intérieur dans des secteurs protégés comme les textiles, la chaussure, le meuble, les produits blancs, l'équipement et les appareils électriques, la machinerie et les machines-outils, la papeterie et l'impression. Ensuite, les PME qui avaient connu un certain succès national se sont aventurées sur les marchés d'exportation, particulièrement aux États-Unis et dans les pays du Commonwealth, en raison dans le premier cas de la proximité et dans le second d'un régime préférentiel. Or, la mondialisation a transformé cet environnement et multiplié les défis pour les PME.

La fin de la reconstruction d'après-guerre en Europe occidentale a entraîné une baisse de la proportion des exportations canadiennes vers ces marchés (y compris les exportations des PME). À cela s'est ajoutée l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté européenne (CE) qui n'a cessé de grandir, passant de six à neuf, puis à douze et enfin à quinze États membres. Pour assurer leur compétitivité sur un vaste marché de plus de 400 millions de personnes, les entreprises américaines, japonaises et canadiennes ont dû investir pour s'établir au sein de la CE, laquelle offrait d'ailleurs de nombreux incitatifs d'implantation, particulièrement dans les zones défavorisées sur le plan économique. Dans un tel contexte, les grandes entreprises ont joui d'un net avantage.

Au même moment, confrontées au protectionnisme des États-Unis, de grandes firmes japonaises et européennes se sont établies dans ce marché, option que n'ont pas eue les PME. La lourdeur bureaucratique et les coûts judiciaires prohibitifs pour assurer leur défense dans les causes en matière d'antidumping ou de droits compensateurs, conjugués à la lenteur et à l'incertitude inhérentes au processus, ont contribué à dissuader les PME étrangères de tenter des percées sur certains marchés américains.

Il est impossible de dire si la création du ministère de l'Industrie en 1963 et de l'Industrie et du Commerce en 1968, avec son chapelet de programmes industriels et d'appui au développement, a vraiment favorisé le succès des PME sur les marchés mondiaux. La Loi sur l'examen de l'investissement étranger, inspirée des résultats du Pacte de l'automobile, devait obliger les investisseurs étrangers à assortir leurs offres d'engagements visant à assurer au Canada des retombées importantes : emploi, recherche et développement, transfert de technologie et, dans certains cas, exportations. Or, de nombreuses PME se trouvaient en deçà des seuils d'immobilisations et d'emploi déclenchant le processus complet d'examen et en furent donc virtuellement exemptées, sous réserve de l'approbation du Cabinet. Il y eut ainsi plusieurs prises de contrôle, particulièrement de PME spécialisées en haute technologie et en informatique (par exemple Mitel). En outre, avec la création d'Investissement Canada en 1984, on a quasiment renoncé à exiger des entreprises étrangères désireuses de prendre le contrôle d'une société canadienne qu'elles accordent des «avantages importants».

La révolution électronique, l'explosion des techniques d'information, la multiplication des usagers et l'expansion des industries de services connexes ont profondément changé le marché. Par le biais de fusions, les multinationales deviennent plus grosses, plus efficaces et hautement compétitives. La rationalisation de leurs opérations à l'échelle internationale, une plus grande intégration verticale et l'émigration des entreprises vers de vastes marchés au sein de zones visées par des accords de libre-échange (Europe occidentale et Amérique du Nord) ont également nui à la compétitivité des PME.

En réaction, les PME canadiennes ciblent de plus en plus les marchés mondiaux pour leurs biens et services. Pour elles, les marchés étrangers constituent à la fois des cibles et des sources de concurrence, aussi bien à l'échelle internationale que sur le marché intérieur. Comme l'a dit M. David Killins de Legacy Storage Systems, «nous n'envisageons pas différemment les marchés étrangers et le marché intérieur canadien» (66:2). Cela est particulièrement vrai dans les industries de pointe basées sur la connaissance où les coûts élevés de démarrage et les économies d'échelle interdisent de se concentrer uniquement sur l'économie intérieure. M. Paul Russo, président de Genesis Microchip, souligne que «tout participant dans l'industrie de la micropuce doit avoir une vision mondiale. Le Canada représente moins de 2 p. 100 du marché électronique mondial et par conséquent, pour nous, moins de 2 p. 100 de nos ventes» (66:7). M. William Friend d'ATS Aerospace Inc. a souligné, en parlant de façon générale des industries basées sur la connaissance, que «le marché intérieur du Canada est minuscule par rapport à celui des États-Unis - les entreprises canadiennes doivent exporter pour survivre» (mémoire, p. 9). Les exportateurs canadiens du secteur des industries basées sur la connaissance reconnaissent ainsi que la participation à l'économie mondiale est un facteur essentiel à leur réussite.

POURQUOI LE GOUVERNEMENT S'INTÉRESSE-T-IL AUX PME?

Parce qu'elles sont importantes, car elles sont en train de devenir des agents de croissance, d'innovation et de création d'emplois.

Tout comme les entreprises et les exportateurs canadiens ont décidé qu'ils doivent repenser leurs activités pour s'adapter aux impératifs du marché mondial, le secteur public examine lui aussi les priorités et les principes en fonction desquels il détermine où, quand et comment il doit fonctionner. Ce faisant, les décideurs ne se penchent pas uniquement sur la façon dont leurs actions influent sur l'économie nationale. Ils examinent également l'influence de leurs actions sur la compétitivité internationale des entreprises canadiennes et sur leur capacité de pénétrer le marché mondial.

Le gouvernement s'est toujours intéressé davantage aux grandes entreprises, comme le souligne le rapport du Comité permanent de l'industrie intitulé Pour financer le succès de la PME :

[ . . . ] depuis une cinquantaine d'années, les grandes orientations économiques, industrielles et technologiques sont axées sur les intérêts de la grande entreprise, car on a longtemps pensé que, s'agissant d'entreprise, grosseur était synonyme de vigueur et de croissance économique. Une grosse entreprise peut réaliser des économies d'échelle et ainsi jouir d'une meilleure productivité et accroître ses ventes au pays et à l'étranger. À mesure que les multinationales étendaient leurs activités à un nombre croissant de pays, on a fini par tenir pour acquis qu'elles revêtaient une importance cruciale pour la croissance économique, la prospérité et même la souveraineté nationale3.
Pourquoi est-il devenu important de se pencher sur les PME? Un certain nombre de facteurs interreliés aident à expliquer pourquoi les PME occupent maintenant une meilleure place dans les priorités du gouvernement. Parmi les premiers figurent les liens entre l'expansion du commerce international et la politique économique externe du Canada tout au long de l'après-guerre. Un autre facteur important est le rôle de plus en plus central que jouent les PME dans la création d'emplois.

Les PME en tant que moteur de la croissance économique

Un nombre grandissant d'études indiquent que les PME prennent une importance toujours plus grande en matière de croissance économique et de création d'emplois. En 1995, Statistique Canada4 a publié un rapport qui évalue l'importance relative des PME dans l'économie canadienne :

Les petites et les moyennes entreprises constituent un élément essentiel du système économique canadien. Au cours des dernières années, elles ont pris une part de plus en plus importante à l'ensemble de l'effectif. Entre 1978 et 1989, les entreprises de moins de 500 employés ont accru leur part de l'effectif qui est passé de 56 p. 100 à63 p. 100. Dans une certaine mesure, cela est le résultat de l'expansion du secteur tertiaire par rapport au secteur manufacturier. Les entreprises du secteur tertiaire sont en moyenne plus petites que celles du secteur manufacturier. Mais même dans le secteur manufacturier, l'importance des petites entreprises a augmenté dans un grand nombre de branches d'activités. Le plus important changement s'est produit dans l'industrie manufacturière, où des technologies nouvelles et souples ont été introduites.
Les petites entreprises constituent donc l'axe dynamique de l'économie moderne. Toutefois, elles sont considérées comme vulnérables et soumises aux vicissitudes du monde des affaires. On considère souvent que les grandes entreprises ont la capacité de surmonter les crises économiques et même, d'influencer l'environnement qui agit sur elles. On estime que les petites entreprises possèdent certains avantages naturels, mais qu'elles présentent aussi de sérieuses lacunes.
Une autre étude récente de Statistique Canada, portant sur la création d'emplois dans l'ensemble de l'économie canadienne et dans le secteur manufacturier entre 1978 et 1992, constate que le taux de croissance net de l'emploi est plus élevé dans les petites entreprises que dans les grandes5.

Dans son plus récent profil des PME dans l'économie canadienne6, Industrie Canada fait les constatations suivantes :

Malgré cette importance croissante des PME dans l'économie canadienne, elles sont relativement peu nombreuses à réussir dans l'exportation. Diverses études indiquent que moins de 150 compagnies canadiennes effectuent plus des deux tiers des exportations canadiennes au cours d'une année donnée. Il importerait donc de faire le nécessaire pour augmenter et diversifier le bassin d'exportateurs canadiens afin que l'économie dépende moins des activités d'un petit nombre d'entreprises. On est d'accord pour dire que les grandes entreprises sont capables de se débrouiller seules sur le marché international et qu'il faut mettre davantage l'accent sur l'aide aux PME canadiennes.

Liens entre la politique commerciale et le développement du commerce

Les PME doivent fonctionner dans un environnement qui subit de plus en plus l'influence des institutions internationales et canadiennes ainsi que des rapports entre elles. Soulignons tout particulièrement les politiques et programmes du gouvernement fédéral destinés à promouvoir le commerce international et les politiques et programmes de gouvernements étrangers qui, indirectement, entravent l'accès des entreprises canadiennes aux marchés étrangers.

Dans un monde marqué par une telle interdépendance, les gouvernements établissent des institutions et des accords bilatéraux, plurilatéraux et multilatéraux afin de gérer le niveau d'intégration de l'économie intérieure et de l'économie mondiale. Depuis le début de l'après-guerre, le gouvernement canadien mène une politique commerciale activiste qui repose sur trois objectifs clés7 :

Des mesures en cinq grands volets ont été prises pour réaliser ces objectifs généraux :

Ainsi, tout au long de l'après-guerre, le gouvernement canadien a joué un rôle actif dans les négociations commerciales multilatérales tenues dans le cadre du GATT. Ces négociations ont permis de réduire considérablement les droits de douane, d'éliminer certains obstacles non tarifaires au commerce et d'élaborer des règles commerciales et des mécanismes de règlement des différends. La mise en application de l'ALENA le 1er janvier 1994 et des accords de l'Uruguay Round conclus dans le cadre du GATT, suivie de la mise sur pied un an plus tard de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), a amené l'élimination d'autres obstacles canadiens à la concurrence internationale.

Au terme de ces deux ententes, d'autres obstacles tarifaires et non tarifaires au commerce sont atténués ou supprimés. Il y est établi des règles régissant les échanges de services, les droits de propriété intellectuelle et les investissements, ainsi que des mécanismes améliorés de règlement des différends. L'ALENA représente généralement une forme accélérée de la libéralisation du commerce prévue par les ententes de l'OMC. L'accord comporte des dispositions dans plusieurs domaines, comme les services financiers, qui ne sont couverts que partiellement par l'OMC. Il convient de noter que l'OMC réduit d'environ 40 p. 100 les préférences tarifaires que les États-Unis et le Canada s'accordent réciproquement en vertu de l'ALE et maintenant de l'ALENA.

Les deux ententes serviront aussi à encourager, sinon à forcer, les compagnies à s'adapter à la concurrence internationale et à s'intégrer davantage à l'économie mondiale. En ouvrant de nouveaux marchés pour les biens canadiens tout en offrant aux concurrents étrangers un plus grand accès au marché canadien, ces accords inciteront sans doute les compagnies à accorder une importance croissante à la «survie» comme facteur déterminant de leur stratégie d'exportation. Par la même occasion, les études indiquent que les entreprises favoriseront la stratégie du «marché à créneau» et chercheront à exploiter les avantages de la spécialisation dans une économie mondiale plus ouverte.

De nombreux témoins se sont montrés préoccupés par le fait que les accords commerciaux internationaux ouvrent l'économie intérieure à la concurrence étrangère. De plus, la réduction et l'élimination des droits de douane suscitent l'adoption de règlements qui agissent comme des barrières non tarifaires. Les marchés étrangers de leur côté sont parfois difficiles à pénétrer car les grandes entreprises font peser sur tout nouveau venu la menace de mesures commerciales. Cette tendance s'intensifie à mesure que l'élimination des droits de douane expose les industries nationales à une plus grande concurrence internationale. On s'inquiète de ce que seules les grandes entreprises ont les moyens de contester l'accès au marché de leurs concurrents étrangers, soit devant les tribunaux nationaux ou par des mécanismes internationaux de règlement des différends. En effet, pour de nombreuses grandes compagnies, cela fait tout simplement partie des frais courants d'une entreprise. Pour les PME, de telles mesures représentent un énorme défi.

Le gouvernement fédéral reconnaît que pour permettre aux entreprises canadiennes de profiter des occasions que présente la libéralisation du commerce international et des régimes d'investissement, la nature de l'appui fourni aux délégués commerciaux, et de l'appui qu'ils fournissent, doit changer. Dans son exposé le plus récent sur les objectifs et les priorités de sa politique étrangère, Le Canada dans le monde, le gouvernement fédéral indique que les délégués commerciaux fourniront davantage d'explications et de conseils aux exportateurs sur les questions d'accès au marché et sur les droits et les obligations du Canada en commerce international, notamment en ce qui a trait à l'accès aux marchés :

[ . . . ] Nous mettrons moins d'insistance sur l'offre d'informations commerciales pour nous concentrer davantage sur l'exercice de nos droits commerciaux internationaux (dans le contexte de l'OMC et de l'ALENA, par exemple) et sur la collecte de renseignements actualisés sur les marchés par notre réseau d'ambassades et de consulats à l'étranger8.
Dans une étude particulièrement exhaustive des programmes canadiens de développement international des entreprises, Andrew Griffith9, agent du service extérieur et ancien délégué commercial, affirme qu'il est possible et souhaitable de resserrer les liens entre la politique commerciale et le développement. Selon lui :

La politique commerciale et l'expansion des échanges peuvent avoir des styles différents. L'expansion des échanges et des investissements repose sur l'esprit d'entreprise, la poursuite d'activités et l'atteinte des résultats. La politique commerciale est bureaucratique, tributaire d'un processus et cumulative. Cependant, cette distinction s'estompe au fur et à mesure que les exigences de notre clientèle se raffinent. L'expansion du commerce, particulièrement sur les marchés de l'OCDE, exige une politique commerciale «appliquée»; nos informations commerciales et notrerôle de défenseurs portent de plus en plus sur l'accès au marché et les questions connexes de politique commerciale. Expansion n'est plus synonyme de promotion - l'organisation de foires et de missions commerciales, la recherche de canaux de distribution et de commercialisation; il faut plutôt, comme le constatent un nombre croissant de délégués commerciaux, s'occuper des obstacles institutionnels et autres qui ont toujours été l'apanage des responsables de la politique commerciale.

LE SECTEUR DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
DES ENTREPRISES AU CANADA

Le développement international des entreprises est en pleine croissance parce que les impératifs de la concurrence obligent les entreprises de toute taille à tenir compte de la mondialisation de l'économie et à en tirer parti. Et cette croissance, elle est attribuable surtout aux PME qui, plus que les grandes entreprises, doivent obtenir de l'extérieur les conseils spécialisés et l'aide financière dont elles ont besoin.

Dans ce secteur, le gouvernement et le secteur privé travaillent à la fois chacun de leur côté et en collaboration pour répondre aux besoins des PME qui exportent ou se proposent de le faire. Ce secteur est dominé par des joueurs importants bien en selle dont la position et l'expertise, cependant, sont contestées par un nombre croissant de firmes plus petites et plus spécialisées capables d'assurer aux PME orientées vers l'international une gamme de services novateurs. Les joueurs importants (gouvernements, banques, compagnies d'assurance, etc.) repensent actuellement leur stratégie de commercialisation en fonction d'une clientèle qui se compose non plus seulement de grandes entreprises, mais aussi de PME. Les petits joueurs (NORTHSTAR Trade Finance Inc., Millenium, Prospectus Inc., 11 Corinfo, le Programme de paiements progressifs de la CCC, l'Équipe des exportateurs en essor de la SEE, etc.) exploitent des créneaux inoccupés par les secteurs privé ou public ou apparus par suite de changements technologiques, du rôle croissant de l'information dans la stratégie globale des entreprises et d'autres facteurs d'ordre concurrentiel. Dans bien des cas, les petits joueurs mobilisent l'attention par la spécialisation de leur service ou de leur mandat tandis que les plus grands cherchent à se tailler un rôle durable. Cependant, tous doivent opérer dans un milieu en constante évolution où des concurrents qui abordent autrement les mêmes problèmes de base viennent contester leur emprise sur tel ou tel secteur du marché. En outre, à cause des progrès de la technologie, du faible coût des communications et d'autres changements fondamentaux, ces concurrents peuvent offrir leurs services avec autant de rapidité et d'efficacité, qu'ils se trouvent à l'autre bout du monde ou de l'autre côté de la rue.

Une autre caractéristique de ce secteur, est que les programmes et les services gouvernementaux disputent de plus en plus au secteur privé la même clientèle alors qu'ils bénéficient d'avantages sur le plan des coûts (franchise d'impôt, accès au capital à des taux réduits, faibles frais généraux, etc.). Reste que, quand, par exemple, le président de Millenium, M. Ron Doyle, courtier d'assurance-crédit, cherche à obtenir pour ses clients du financement à l'exportation au meilleur prix, il songe, nous a-t-il expliqué, non plus seulement à la SEE, mais aussi à des sociétés de services financiers canadiennes et, de plus en plus, étrangères. Il leur recommande tantôt la SEE, tantôt une société privée. Pour lui, la SEE est une source de crédit à l'exportation parmi d'autres.

Le même phénomène se produit dans l'industrie de l'information commerciale. Des firmes comme Prospectus Inc., 11 Corinfo et InfoGlobe réorganisent les données brutes qu'elles obtiennent de l'État ou sur le marché pour les vendre non seulement à des sociétés privées, mais à l'État lui-même. En même temps, les progrès techniques et l'autoroute de l'information permettent d'accéder presque instantanément à l'information partout dans le monde. Lorsqu'une PME a besoin d'information commerciale elle doit donc choisir parmi un nombre de plus en plus grand de fournisseurs. Et même si le MAECI et ses délégués commerciaux peuvent offrir ces services gratuitement, les PME comparent ces services à ceux que peut leur offrir le secteur privé. Le MAECI est parfois la source la plus utile, mais il arrive que la PME s'adresse à un fournisseur privé.

Le MAECI s'aperçoit aussi que ses programmes et ses services font souvent double emploi avec ceux qu'offrent les autres ordres de gouvernement. La prolifération des programmes de développement international des entreprises aux niveaux municipal et provincial tient à la libéralisation du commerce au cours des 30 dernières années et à l'expansion des exportations qui en a résulté. En raison de ces deux phénomènes, les provinces et les municipalités sont devenues de plus en plus aptes à la promotion du commerce et, par conséquent, mieux en mesure de servir les PME. Certains voudraient que le gouvernement fédéral se retire des services et des programmes qu'il était le seul à offrir il y a 50 ans, mais que les provinces et les municipalités assurent aujourd'hui. Cependant, il est possible que les petites provinces aient toujours besoin des services et des programmes fédéraux.

Entre le secteur privé et l'État, il y a un nombre croissant d'associations professionnelles et d'organisations non gouvernementales. Les ONG ont ceci de particulier qu'elles reçoivent des crédits à la fois du secteur privé et du secteur public au titre de différentes activités. En tant qu'organisme à but non lucratif, elles opèrent en fonction d'une structure de coûts différente qui leur permet de se livrer à des activités que ne pourrait se permettre une entreprise à but lucratif. Les associations professionnelles de commerce, en particulier, assurent traditionnellement la liaison entre les secteurs privé et public du fait qu'elles agissent comme porte-parole d'un groupe particulier du secteur privé et comme groupe-conseils pour les différentes options politiques. Elles peuvent offrir des services que ni le secteur privé ni le secteur public ne peuvent assurer de la même façon parce qu'elles attirent des gens qui s'intéressent aux politiques publiques et veulent participer à leur élaboration dans le cadre d'un organisme et d'un milieu qui échappent aux procédures bureaucratiques de l'État (par exemple la responsabilité ministérielle).

Il semble y avoir convergence vers ce modèle d'exécution des programmes et des services de développement international des entreprises. Le Forum pour la formation en commerce international (FITT) en est une des manifestations les plus récentes. Ce forum était à l'origine administré par une coalition de ministères, d'associations professionnelles et de sociétés privées qui ont contribué financièrement et directement à l'établissement d'un programme national accrédité en matière de formation au commerce international. Mis sur pied en 1992, il est censé s'autofinancer en 1996.

Les pouvoirs publics aussi mettent en place des mécanismes conçus pour permettre au secteur privé de participer davantage à l'élaboration et au fonctionnement des programmes et des services de développement international des entreprises. Par exemple, tout en examinant quelques-unes des questions soulevées par le Comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada, le Comité s'est penché sur les recommandations du rapport Wilson, du nom de L.R. Wilson, directeur général de BCE Inc., président du groupe d'étude du secteur privé sur les programmes de développement international des entreprises. Le Comité a également reçu le témoignage des villes de Calgary, Toronto, Montréal et Kitchener sur le rôle des représentants du secteur privé dans leurs activités de développement international des entreprises. Les deux sociétés d'État examinées dans le cadre de la présente étude - la Société pour l'expansion des exportations et la Corporation commerciale canadienne - comptent des représentants des secteurs public et privé au sein même de leur conseil d'administration.

QUE FAIT LE GOUVERNEMENT POUR LES PME?

Le ministre des Affaires étrangères, celui du Commerce international et, depuis le début de 1996, celui de la Coopération internationale, sont responsables au premier chef de divers programmes individuels de promotion commerciale et d'une société d'État (anciennement deux) qui offrent aux entreprises canadiennes des services pour les aider à réussir sur les marchés internationaux :

Le Comité s'est concentré sur l'aide que chacun de ces ministères ou organismes offre aux PME. Par exemple, dans le cas de la SEE, le Comité a étudié l'efficacité de l'Équipe des exportateurs en essor (EEE) et du Programme de garantie générale sur les créances (PGGC), mais il n'a pas examiné les activités visant les grandes entreprises. L'EEE a été créée pour répondre aux besoins des PME en matière de financement des exportations; le PGGC est une initiative de l'EEE destinée à aider les PME à obtenir plus facilement du financement pour leurs exportations.

Affectations budgétaires

L'annexe 1 regroupe une série de tableaux qui expliquent la ventilation des fonds de programmes en matière de développement international des entreprises. Le tableau 1 présente une ventilation sur cinq ans des budgets du Secteur de la promotion du commerce international, du Programme de coopération industrielle de l'ACDI et de la Corporation commerciale canadienne. Le tableau 2 montre les fonds du crédit 1 (utilisés pour les programmes des missions à l'étranger) entre 1994-1995 et 1997-1998. Il s'agit de fonds qui seront administrés en vertu du nouveau Programme de l'expansion du commerce international (PECI). Cette enveloppe, créée récemment, regroupe en un tout coordonné une série de petits programmes : le Programme de développement des marchés d'exportation - Initiatives gouvernementales (PDME-IG), le Programme de promotion du commerce sur les marchés mondiaux, Accès Amérique du Nord (AAN), le Programme de développement de l'investissement - Programme d'apports technologiques (PDI-PAT), la Stratégie nationale du commerce, le Programme de promotion commerciale amorcée par la mission (PIPP), et Horizon le monde. Les fonds attribués à cette enveloppe diminueront, pour passer de 32 589 000 $ à 15 157 000 $ entre 1994 et 1998.

Le tableau 3 montre les fonds du crédit 10 (assortis de diverses conditions de remboursement et affectés à des entreprises et à d'autres organismes afin de promouvoir les objectifs du Ministère en matière de développement international des entreprises) pour 1995-1996. Les fonds figurant aux rubriques Politique économique, Politique commerciale et Affaires politiques sont considérés comme étant liés à la politique commerciale et non au développement comme tel. Ce tableau reprend également l'affectation au crédit 1 du tableau précédent, présentée sur une seule ligne à des fins de comparaison et d'uniformité.

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS PRÉLIMINAIRES

Depuis 1993, les activités du gouvernement fédéral visant le développement international des entreprises ont fait l'objet d'un certain nombre d'examens internes et externes. Au chapitre des examens externes, mentionnons le Comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada et le rapport Wilson qui ont présenté au gouvernement des recommandations sur les programmes d'expansion du commerce international. Ont suivi une réponse du gouvernement fédéral et la publication du document Le Canada dans le monde, exposé officiel du gouvernement sur les objectifs et les priorités du Canada en matière de politique étrangère. Depuis la publication de ces rapports, divers comités, groupes de travail et autres activités ont été lancés pour donner suite aux recommandations10.

Ces déclarations officielles, ces examens et ces nouvelles initiatives témoignent du fait que l'on délaisse l'aide financière générale en faveur d'une orientation axée davantage sur les services, et plus particulièrement sur les PME. L'évaluation de ce changement d'orientation soulève plusieurs questions. Est-ce que le ministère des Affaires étrangères pose les bonnes questions? Est-ce que les services gouvernementaux constituent un complément aux services offerts par le secteur privé? Ou est-ce que le gouvernement fait concurrence aux entreprises canadiennes? Le gouvernement a-t-il réussi à diminuer son aide financière aux grandes entreprises bien établies pour se concentrer davantage sur la prestation de services aux PME qui bien souvent connaissent très peu le marché international? Et, question la plus importante pour le présent examen, est-ce que ces initiatives répondent aux besoins des PME?

Le Comité a entendu les porte-parole d'un certain nombre de PME représentant cinq secteurs de l'économie et toutes les régions du pays. Dans l'ensemble, les avis étaient partagés au sujet des programmes du gouvernement fédéral pour le développement international des entreprises. Certains témoins ont vécu de très bonnes expériences, tandis que d'autres se sont montrés moins enthousiastes. Tous s'entendaient en général pour dire que des mesures supplémentaires doivent être prises pour coordonner programmes et services, rationaliser les opérations et réduire les chevauchements et les doubles emplois. On s'entend en général également pour dire que le gouvernement doit se contenter de fournir des services qui ne sont pas disponibles sur le marché mais qui sont nécessaires pour aider les PME sur la scène internationale. Cependant, on estime de façon générale que les PME ont des attentes trop élevées quant à ce que le gouvernement peut effectivement offrir; les programmes et les services gouvernementaux devraient être davantage ciblés sur les activités que le secteur privé n'offre pas, du moins pas à des taux compétitifs. D'ailleurs, les services gouvernementaux que les PME accueillent avec le plus d'empressement sont ceux qui répondent aux besoins d'un créneau donné, comme le PGGC, et qui ont un but précis.

Le gouvernement fédéral doit mieux définir son rôle en matière de développement du commerce international. Le Comité recommande que l'examen du rôle du gouvernement s'inspire des principes suivants :

  • Les programmes et services doivent cibler principalement les PME, notamment les nouvelles qui arrivent sur les marchés internationaux;

  • Le rôle principal du gouvernement est d'encourager et de faciliter, et non pas de subventionner;

  • Les programmes et services du gouvernement doivent compléter ceux du secteur privé et ne doivent pas concurrencer ou remplacer ce que les provinces, les municipalités ou le secteur privé offrent déjà;

  • Les programmes et services du gouvernement doivent s'adapter aux particularités de chaque province, région ou secteur économique.

    Les trois prochains chapitres portent sur les besoins exprimés par les PME dans l'élaboration de stratégies efficaces de développement international. Chaque chapitre décrit les principaux programmes et services fédéraux qui existent pour répondre à ces besoins, les vues des témoins sur leur efficacité relative et les conclusions quant au rôle que doit jouer le gouvernement pour aider les PME à élaborer leurs stratégies de développement international.


    3Pour financer le succès de la PME, rapport du Comité permanent de l'industrie, octobre 1994, p. 2.

    4Statistique Canada, Stratégies de réussite : Profil des petites et des moyennes entreprises en croissance au Canada, (Ottawa : Gouvernement du Canada, 1995, no 61-523F au catalogue).

    5G. Picot, J. Baldwin et R. Dupuy, Have Small Firms Created a Disproportionate Share of New Jobs in Canada? A Reassessment of the Facts, Statistics Canada Research Paper Series, no 71, 1994. (Aux fins de l'étude, une petite entreprise compte moins de 500 employés.)

    6La petite entreprise au Canada : un tour d'horizon statistique, Bureau de l'entrepreneurship et de la petite entreprise, Industrie Canada, décembre 1994.

    7Michael Hart, What's Next: Canada, The Global Economy and the New Trade Policy, (Ottawa: Centre for Trade Policy and Law, 1994), p. 4.

    8Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Le Canada dans le monde - Énoncé du gouvernement, (Ottawa : MAECI, 1995), p. 24.

    9Andrew Griffith, From a Trading Nation to a Nation of Traders: Towards a Second Century of Canadian Trade Development, DFAIT: Policy Planning Staff Paper, no 92/5, p. 77.

    10Voir la liste de ces initiatives à l'annexe 2.

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