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Dans un ordre mondial nouveau et amélioré, dans une société civile mondiale, l'économie politique internationale traitera ses membres les plus faibles d'une façon plus civilisée. [ . . . ] Assurer à l'échelle internationale la protection de nos enfants pourrait constituer l'aspect le plus marquant du projet de civilisation de l'ordre mondial.

OBJET ET PORTÉE DE L'ENQUÊTE : INTRODUCTION

En cette fin du XXe siècle, il est inacceptable que de si nombreux jeunes, dont le nombre se chiffrerait en centaines de millions2, travaillent toujours dans des conditions intolérables d'exploitation et de traitements inhumains, voire d'esclavage et de danger mortel. Pour la société, les enfants représentent l'espoir d'un avenir meilleur. Lorsqu'on fait fi de leurs droits les plus fondamentaux ou qu'on les nie, on contredit de façon particulièrement flagrante les buts transgénérationnels du développement humain durable. Même si, souvent, on doit trouver et mettre en oeuvre des solutions au niveau de la famille, de la collectivité et de la nation, les problèmes que présente l'exploitation des enfants exigent que des engagements internationaux soient pris, et respectés, par les nations.

Il est réconfortant de constater que la lutte contre les formes les plus viles d'exploitation des enfants a, au cours des derniers mois, retenu davantage l'attention de la communauté internationale. Venant appuyer les travaux essentiels menés par l'Organisation internationale du travail (OIT), le rapport de l'UNICEF intitulé La situation des enfants dans le monde 1997, constitue l'exposé de la situation et l'appel à l'action le plus récent et le plus étoffé. La population canadienne a également été sensibilisée au problème et a été inspirée par les efforts de jeunes militants et défenseurs de tous âges. Ces activités ont commencé à produire leur effet sur les politiques gouvernementales. Néanmoins, c'est la réalisation de progrès concrets en vue de l'abolition du travail des enfants et, en dernière analyse, de son exploitation dans tous les pays qui constitue le véritable défi.

Devant la nécessité pour les gouvernements de prendre des mesures additionnelles urgentes, le Sous-comité du développement durable humain a décidé de faire de l'exploitation des enfants le sujet de sa première étude. En octobre et novembre 1996, il a entendu plus de 30 témoins et reçu nombre de mémoires écrits. Il a tenu une série de tables rondes - dont un panel de jeunes - sur les principaux enjeux de même que sur les interventions canadiennes. En ce qui concerne ce dernier point, trois ministres assumant des responsabilités importantes relativement aux questions internationales liées au travail des enfants ont également témoigné3. Tôt au début du processus, nous avons été encouragés par une déclaration du ministre des Affaires étrangères à l'occasion de l'ouverture de la première table ronde. Selon lui, le Canada fait «de gros efforts pour faire des droits des enfants une priorité de notre politique étrangère». [Témoignages 5:2] Il faut également dès le départ souligner que l'influence du Canada à l'étranger dépend des engagements qu'il prend à l'intérieur de ses frontières et des résultats qu'il y obtient en matière d'application des droits internationaux de l'enfant. La politique étrangère doit être sous-tendue par une politique intérieure qui va dans le même sens.

En plus de vouloir soutenir la volonté politique qui s'est manifestée jusqu'ici, nous souhaitons que le rapport issu de ces délibérations fasse avancer, dans le domaine de la politique étrangère, les approches les plus susceptibles d'améliorer la vie des enfants et, ainsi, dresser à l'intention du gouvernement une liste prioritaire de recommandations claires et concrètes. Nous pensons que celles-ci proposent des moyens constructifs qui permettront au Canada de jouer un rôle efficace au sein du mouvement international visant à faire cesser l'exploitation des enfants au travail.

Des témoins nous ont dit que la question est à la fois complexe et multidimensionnelle et exige un large éventail d'interventions. Outre les problèmes liés aux enfants qui travaillent dans des conditions d'asservissement ou dangereuses, le ministre Axworthy a fait ressortir la nécessité d'adopter des initiatives internationales concernant l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et leur utilisation, notamment comme soldats, dans des conflits armés. En mettant l'accent sur les manifestations les plus viles de la main-d'oeuvre infantile, le Sous-comité n'a pas été en mesure d'explorer en profondeur tous les aspects liés à ces violations des droits des enfants, mais il en reconnaît sans contredit l'importance. Devant les conclusions détaillées de rapports internationaux récents et la masse impressionnante de témoignages reçus, nous avons nécessairement dû nous montrer sélectifs également. Le Sous-comité presse malgré tout le gouvernement de tenir compte, dans sa réponse détaillée à ces recommandations, de tous les témoignages recueillis ainsi que des examens minutieux que la communauté internationale fait actuellement de l'amélioration des droits des enfants et des conditions de leur développement durable.

La première partie du rapport définit les paramètres de l'exploitation des enfants en tant que défi mondial exigeant une intervention de la part des Canadiens. Les données provenant de recherches internationales et les témoignages entendus permettent de mieux comprendre et analyser la situation. On pourra ainsi élaborer des mesures canadiennes plus efficaces, harmonisées avec celles d'autres pays. Dans le cadre de l'approche adoptée, on commencera de plus à définir les secteurs les plus susceptibles de bénéficier de l'attention internationale et dans lesquels le Canada peut intervenir avec le plus de succès.

Dans la deuxième partie, on passe à l'élaboration d'un cadre de politique étrangère axé sur des mesures concrètes de lutte contre l'exploitation des enfants. Une telle stratégie doit pouvoir fonctionner à divers niveaux et intégrer des intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux. Les recommandations du Sous-comité visent donc à : affirmer le leadership canadien dans les travaux menés avec les principales organisations internationales et dans le cadre des relations multilatérales; utiliser à fond les instruments commerciaux et d'aide à la coopération et au développement; obtenir une participation responsable de la part du secteur privé canadien; sensibiliser le public, favoriser les activités des ONG et soutenir des partenariats conclus dans la société civile; faire ressortir en particulier la contribution unique des jeunes eux-mêmes; et, enfin, engager le Parlement à suivre ces questions de façon continue, à superviser la mise en place de la politique et à noter ses résultats.


1
International Political Economy Series, Macmillan Press Ltd. et St. Martin's Press Inc., Houndmills et New York, 1995, p. 177.

2
Récemment, l'Organisation internationale du travail a radicalement revu à la hausse une estimation antérieure selon laquelle 73 millions d'enfants âgés de 10 à 14 ans travaillaient. Toutefois, dans le plus récent rapport de l'UNICEF, intitulé La situation des enfants dans le monde 1997, on fait remarquer les déficiences qu'accusent toujours les données en soulignant ce qui suit : «Si l'on avait tenu compte de tous les enfants de moins de 14 ans exerçant une activité économique, le total se situerait aux alentours de 250 millions - et de 400 millions si on y ajoutait les enfants qui vont chercher l'eau pour leur famille. Le chiffre serait encore plus impressionnant si on incluait les enfants travailleurs cachés aux regards des statisticiens, en particulier les jeunes filles occupées à des tâches domestiques.»

3
L'honorable Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, qui a pour responsabilité générale de faire des questions liées aux droits des enfants une priorité de la politique étrangère canadienne, a été le premier à comparaître. Il était accompagné par la sénatrice Landon Pearson, en sa qualité de conseillère spéciale relativement aux questions touchant les enfants. L'ex-ministre de la Coopération internationale, l'honorable Pierre Pettigrew, a comparu aux côtés de la présidente de l'ACDI pour expliquer le rôle des politiques et des programmes canadiens d'aide au développement dans ce secteur. Enfin, le ministre du Travail, l'honorable Alfonso Gagliano a également rendu compte du rôle de son ministère en ce qui concerne les normes du travail applicables aux enfants, de la participation aux travaux de l'OIT et, enfin, du processus continu de coopération instauré par l'ALENA dans le domaine du travail.


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