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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 22 octobre 1996

.1103

[Traduction]

Le président: Je déclare ouverte cette séance du Comité permanent du patrimoine canadien, qui est convoquée afin de poursuivre l'examen du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

[Français]

Les témoignages se poursuivent.

[Traduction]

Nous accueillons aujourd'hui M. Brian Chater, président de la Canadian Independent Record Production Association, ou CIRPA.

Monsieur Chater, vous disposez de 45 minutes. Plus votre exposé sera court, plus les membres du comité auront de temps pour dialoguer avec vous. Vous avez la parole.

M. Brian Chater (président, Canadian Independent Record Production Association): Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. La Canadian Independent Record Production Association est heureuse de pouvoir témoigner devant votre comité ce matin au sujet du projet de loi C-32, qui vise à modifier la Loi sur le droit d'auteur. En ma qualité de président de l'association, je m'occupe du fonctionnement au jour le jour.

La CIRPA représente les producteurs canadiens de disques en anglais. Nous comptons parmi nos membres aussi bien des petites maisons indépendantes qui produisent quelques disques seulement en vue d'un marché bien particulier que des maisons dont le chiffre d'affaires s'élève à plusieurs millions de dollars par an.

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La plupart de nos membres, il convient de le préciser, se situent au bas de l'échelle financière, mais les chiffres de Statistique Canada montrent bien que, chaque année, ils sont à l'origine de plus de 70 p. 100 des nouveaux disques à contenu canadien.

Nos membres représentent une foule d'artistes, depuis les vedettes internationales comme Rush et les artistes comme Loreena McKennitt qui ont atteint une certaine réussite commerciale jusqu'à la masse de nouveaux artistes qui espèrent suivre les traces des premiers à l'avenir.

La CIRPA tient à féliciter le gouvernement d'avoir déposé le projet de loi C-32. Comme le disait un de nos membres, Sam the Record Man, «Ils ont dit qu'ils le feraient, ils l'ont fait, et nous leur en sommes reconnaissants!»

Permettez-moi de vous dire très brièvement ce que fait la CIRPA. Nous exerçons au nom de nos membres un mandat à trois volets. Premièrement, comme vous aurez pu le constater aujourd'hui, nous sommes là pour représenter leurs intérêts à tous les paliers de gouvernement en ce qui concerne l'élaboration de lois et de politiques. Deuxièmement, nous avons pour mission de les aider à commercialiser leurs produits et à les vendre à l'échelle mondiale. Troisièmement, nous offrons des services d'information et d'éducation afin de les aider à survivre et à soutenir efficacement la concurrence dans notre monde moderne qui évolue de plus en plus et toujours plus vite.

Les changements qui se produisent présentent des possibilités de réussites extraordinaires et d'échecs retentissants pour nos membres. La CIRPA a pour tâche de tout mettre en oeuvre pour que nos membres puissent réaliser leurs objectifs. Plus loin dans notre exposé, nous vous donnerons des exemples concrets pour vous faire comprendre ce qu'est la réalité quotidienne de la CIRPA et de ses membres.

La CIRPA suit les audiences du comité avec beaucoup d'intérêt. Il s'agit, bien entendu, d'un processus de modification de la loi, mais la CIRPA estime que les problèmes qui en découlent sur le plan quotidien n'ont peut-être pas reçu autant d'attention qu'ils auraient dû en recevoir à notre avis. Aussi, nous essayerons dans notre exposé de vous faire comprendre le contexte commercial actuel et la façon dont il serait modifié si le projet de loi était adopté, et ce, du point de vue non pas seulement des créateurs et des titulaires de droits d'auteur mais aussi des principaux utilisateurs.

On entend souvent dire que le droit d'auteur est un sujet difficile et complexe. C'est là un point de vue. Cependant, la CIRPA serait plutôt de l'avis contraire, estimant que le droit d'auteur est en fait très simple. Il s'agit d'un droit de propriété sur des biens et les utilisateurs qui tirent un bénéfice de l'utilisation de ces biens, qu'il s'agisse de membres du secteur public ou privé, devraient payer pour cette utilisation. En termes simples, c'est le principe de l'utilisateur-payeur.

Voilà à notre avis à quoi se résume le droit d'auteur, mais il y a manifestement des questions qui s'y rattachent: combien faudrait-il payer, comment faudrait-il percevoir les sommes dues et comment ces sommes pourraient-elles être remises effectivement à ceux dont les biens sont utilisés? Ces questions peuvent être complexes, surtout dans notre monde actuel et dans le monde de demain.

Je le répète, la CIRPA estime que le principe du droit d'auteur est la simplicité même. C'est le principe de l'utilisateur-payeur, et tout le reste - comme disait M. Fowler sur un autre sujet - n'est qu'accessoire. En termes plus clairs, il s'agit de mettre au point des méthodes efficaces afin de s'assurer que cet objectif est réalisé.

Aux yeux de la CIRPA, la seule véritable question est de déterminer la valeur d'une utilisation. Comme vous nous l'entendrez dire tout au long de notre exposé, nous estimons qu'il s'agit d'une question qui doit faire l'objet de négociations libres et équitables entre les parties concernées, qu'il s'agisse de négociations entre particuliers ou de négociations collectives.

Le régime de gouvernement et la société que nous avons au Canada se fondent sur des principes auxquels nous adhérons tous. Parmi ces principes fondamentaux, il y a la reconnaissance du droit de propriété. Il y a donc des personnes qui sont titulaires d'un droit de propriété sur des biens et elles devraient pouvoir être payées quand d'autres utilisent leurs biens. De quoi parlons-nous au juste quand nous parlons de droit de propriété intellectuelle. C'est là une question cruciale. Ce droit est-il un élément central de la prospérité future du Canada ou est-il annexe? La CIRPA soutient que la réponse à cette question est très claire. Ce droit est au coeur même de notre prospérité future.

Comme l'a dit récemment le président du Conference Board of Canada:

Dans un récent rapport sur l'industrie irlandaise de la musique, on parlait de l'importance du droit d'auteur dans les termes suivants:

Permettez-moi de vous présenter un point de vue qui émane des États-Unis en reprenant les propos qu'a tenus un sénateur américain en 1986. Il a dit ceci:

Passons maintenant à notre mémoire. Nous n'avons pas l'intention d'en discuter dans le détail, mais nous voulons, dans le peu de temps qui nous est accordé, vous présenter quelques questions qui, de l'avis de la CIRPA, sont d'une importance critique pour l'ensemble du processus. Nous examinerons ensuite certaines des réalités auxquelles se heurtent quotidiennement tant nos membres que ceux qui utilisent leurs biens.

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Nous aborderons avec vous ce matin les questions suivantes: les droits voisins et les questions relatives à l'enregistrement sonore, les exceptions imposées par le gouvernement, les questions relatives à la copie pour usage privé, les exceptions relatives aux enregistrements éphémères et la permanence du processus.

Je vous parlerai tout d'abord des droits voisins et des questions relatives à l'enregistrement sonore. Comme vous avez pu le lire dans notre mémoire, la CIRPA s'oppose catégoriquement aux diverses dispositions du projet de loi qui, au lieu de prévoir un droit illimité en ce qui concerne les paiements, les droits ou les biens, imposent de nombreuses restrictions et de nombreux critères qui limitent dans la pratique le montant qui peut être négocié pour l'utilisation des créations intellectuelles.

Le problème se pose également dans le cas de l'article du projet de loi concernant la copie pour usage privé, et la CIRPA a les mêmes réserves en ce qui a trait à ces dispositions du projet de loi qui prévoient certaines exceptions. Nous sommes extrêmement préoccupés par le fait que certaines des exceptions proposées pourraient être permanentes, peu importe ce que nous réserve l'avenir.

Notre position en ce qui concerne la façon de légiférer sur le droit d'auteur est demeurée inchangée au fil des ans, et nous sommes d'avis qu'elle est pleinement justifiée par les conséquences de la Loi sur la retransmission.

Pour vous aider à comprendre notre propos, nous vous invitons à vous reporter au processus d'élaboration et d'adoption de cette loi. Cette loi qui était le fruit des négociations sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis...

Le président: Un instant, s'il vous plaît. L'interprète n'arrive pas à vous suivre, parce que vous allez trop vite. Avez-vous une version française de votre document?

M. Chater: Non.

Le président: Pourriez-vous aller lentement pour que l'interprète puisse suivre?

M. Chater: D'accord.

La loi a été adoptée à la suite des négociations sur le libre-échange entre le Canada et les États-Unis et parce que le Premier ministre Brian Mulroney avait fait une promesse en ce sens avant même que les négociations commencent pour de bon. Il était clair que les négociations aboutiraient à une loi qui refléterait fidèlement les critères américains, et c'est effectivement ce qui s'est produit.

La CIRPA avait présenté un mémoire détaillé à ces audiences, où elle disait que, même si elle souscrivait entièrement au principe du paiement pour l'utilisation de biens sur lesquels il existe un droit de propriété, nous avions de sérieuses réserves quant au libellé du projet de loi, notamment pour ce qui est de ceux qui auraient le droit d'être payés.

La principale lacune du projet de loi tenait essentiellement au fait qu'il suivait ni plus ni moins l'approche américaine. Les signaux locaux n'étaient pas considérés comme donnant droit à un paiement. D'après la définition retenue par la loi, les câblodistributeurs ne devaient payer que pour les signaux éloignés.

Bien qu'il soit possible de soutenir que la valeur des signaux locaux serait inférieure à celle des signaux éloignés pour un abonné du câble ou pour un câblodistributeur, l'exclusion de tous les signaux locaux était une erreur monumentale sur le plan tant moral que juridique, voire même sur le plan commercial.

La CIRPA avait soutenu avec véhémence que les résultats étaient tout à fait prévisibles. Les signaux locaux étaient presque invariablement canadiens, tandis que les signaux éloignés étaient presque toujours américains. Par conséquent, les titulaires de droit d'auteur, notamment les titulaires canadiens, seraient perdants.

Pressé de faire adopter le projet de loi, le gouvernement a choisi d'écarter ce qui était l'évidence même, et chacun peut voir ce qu'a été le résultat. Nous nous sommes retrouvés avec une loi injuste et anti-canadienne qui faisait en sorte que les conditions de paiement allaient manifestement à l'encontre de l'intérêt des titulaires de droits canadiens.

Bien que le contexte et les préceptes du projet de loi C-32 soient différents, la CIRPA est d'avis que le principe que nous avions alors énoncé vaut toujours. Le projet de loi ne devrait accorder aucun avantage à l'une ou l'autre partie ni imposer quelque limite que ce soit à la libre négociation des droits.

La CIRPA tient par ailleurs à préciser qu'il s'agit ici d'un nouveau droit et que les titulaires de droit d'auteur ont le droit à une rémunération équitable pour l'utilisation de leurs oeuvres. Cette rémunération ne devrait toutefois aucunement porter atteinte aux paiements auxquels les titulaires de droit d'auteur ont droit à l'heure actuelle.

Vous entendrez M. Pilon vous parler de ce projet de loi sur la retransmission dans un contexte différent. Nous tenons à bien faire comprendre que nous nous opposons au projet de loi, non pas à cause du régime qu'il crée, mais bien à cause de ce qu'il ne prévoit pas.

La deuxième question est celle de la copie pour usage privé. Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, la CIRPA a plusieurs réserves au sujet des dispositions que prévoit le projet de loi à cet égard. Nous tenons à réitérer nos préoccupations en proposant que certains critères qui seraient énoncés dans la loi devraient être pris en considération dans toute décision de la Commission.

Je veux maintenant vous citer un extrait d'un document récent paru sous la plume d'un avocat réputé d'Ottawa qui a été pendant de nombreuses années au service du gouvernement dans le domaine du droit d'auteur et qui pratique maintenant sa profession dans le privé. S'intéressant dans le cadre de l'examen de la compétence de la Commission et des montants accordés par ladite Commission au droit de retransmission dont je vous parlais, il a dit ceci:

La CIRPA est d'avis que le gouvernement a eu parfaitement raison de créer la Commission du droit d'auteur qui, aux termes du projet de loi C-60 de 1988, devait jouer le rôle d'arbitre indépendant. La Commission fonctionne de façon ouverte, efficace et juste et a donné la preuve qu'elle saisit bien les nombreuses questions complexes qui sont en cause dans les négociations en matière de propriété intellectuelle, et elle a rendu au fil des ans des décisions équitables qui étaient dans l'intérêt public.

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Au cas où vous seriez tentés de trouver que la phrase précédente confine à la flatterie, je m'empresse d'ajouter que la CIRPA n'a pas toujours apprécié les décisions de la Commission, loin de là. Nous estimons toutefois que c'était parce que les créateurs n'avaient pas réussi à convaincre la Commission du bien-fondé de leurs arguments. Nous devons maintenant nous employer à mieux faire notre travail à l'avenir.

La CIRPA appuie sans réserve le concept d'un arbitre indépendant qui tiendrait compte de tous les arguments qui lui seraient soumis ainsi que de l'intérêt public avant de rendre une décision. Voilà pourquoi nous nous préoccupons grandement de l'approche qui est envisagée dans les articles 68 et 83 du projet de loi ainsi que des conséquences qui en découlent.

Nos autres principales réserves relativement à la copie pour usage privé portent sur deux aspects du projet de loi. Premièrement, nous nous préoccupons grandement du fait que les changements aux droits prévus dans ce projet de loi se limitent clairement aux techniques et aux applications courantes. Il n'est pas question de permettre un accès public illimité aux nouvelles techniques au fur et à mesure de leur apparition sur le marché. Cela nous préoccupe étant donné le fait que tout nous porte à croire que ces nouvelles techniques rendront les transactions individuelles possibles très bientôt.

Nous tenons à préciser que nos membres considèrent l'approche actuelle comme une approche transitoire qui ne vise que les techniques courantes à l'heure actuelle, compte tenu en particulier de tous les progrès technologiques qui nous attendent.

Deuxièmement, les membres de la CIRPA tiennent à une compensation suffisante en contrepartie de l'utilisation des droits des créateurs. Notre association est tout à fait prête à défendre son point de vue devant la Commission du droit d'auteur, mais elle ne peut faire abstraction de la réalité. Qu'on ne se méprenne pas. Nos membres sont fermement convaincus qu'il ne convient pas de considérer le tarif qui pourrait être accordé par la Commission pendant cette période de transition technologique comme établissant un précédent aux termes duquel l'accès aux créations intellectuelles futures serait permis à d'autres fins et par l'intermédiaire d'autres techniques.

Avant de conclure cette partie de notre allocution, nous aimerions dire quelques mots au sujet des exceptions qui sont réclamées, en particulier par les radiodiffuseurs, et du processus d'examen continu prévu dans le projet de loi.

Les radiodiffuseurs réclament vigoureusement une exception à l'application des dispositions qui auraient un impact négatif sur eux, notamment au plan financier. Nous nous en tiendrons aux questions qui touchent la radio.

Depuis des décennies, les postes de radio transfèrent le matériel sonore d'un support à un autre pour des raisons d'efficacité. Le principe demeure le même même si l'on est passé des cassettes aux disques durs. À notre connaissance, aucun ayant-droit n'a jamais poursuivi une station de radio pour cette raison, le droit de le faire ayant toujours existé. Nos membres ne comptent plus le faire dans l'avenir. La CIRPA est tout à fait disposée à entamer un dialogue constructif avec les radiodiffuseurs afin d'en arriver à une entente sur cette question. Sauf erreur, les radiodiffuseurs ne nous ont jamais pressentis en ce sens, mais nous accueillerons favorablement toute requête de leur part.

Il y a ensuite la question de la troisième phase et de l'examen continu. La CIRPA presse vivement le gouvernement, et tous les partis politiques d'ailleurs, de donner son aval au processus d'examen continu afin qu'il soit possible de régler les questions qui demeurent toujours en suspens en ce qui touche le droit d'auteur ainsi que les questions nouvelles qui se poseront sûrement en raison des progrès technologiques.

La CIRPA et ses membres sont convaincus de l'importance critique que revêt ce processus d'examen continu pour la prospérité et le bien-être futurs du Canada. Comme nous l'avons fait remarquer au début de notre allocution, notre association se permettra maintenant d'aborder sous un angle commercial les questions soulevées dans nos mémoires et dans ceux d'autres témoins.

Comme vous le savez, la CIRPA s'oppose totalement à ce qu'on restreigne le droit aux négociations libres. Voici la réalité telle que nous la concevons.

Parlons d'abord du secteur indépendant dont font partie la CIRPA et ses membres. À l'heure actuelle, notre association regroupe plus de 150 entreprises. Si le gros de nos membres se trouve en Ontario, notre association est représentée dans presque toutes les régions du pays à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard et des Territoires du Nord-Ouest. Notre conseil d'administration reflète d'ailleurs la répartition géographique de nos membres.

J'aimerais préciser que la CIRPA s'occupe des enregistrements produits en anglais alors que l'ADISQ, qui comparaîtra sous peu, s'occupe des enregistrements produits en français. J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de deux solitudes, mais que cette répartition des responsabilités est plus efficace et pratique. Robert, Solange et moi-même nous parlons par téléphone probablement deux fois la semaine. Nous nous rencontrons aussi régulièrement pour mettre au point des stratégies et des approches communes dans de nombreux domaines allant de l'élaboration des politiques aux mesures législatives en passant par la commercialisation.

En prévision de ma comparution devant le comité, j'ai consulté notre liste de membres pour les dix dernières années, et cet examen a fait ressortir quelques faits intéressants. J'ai constaté que notre association comptait environ 150 membres en 1986. Par la suite, nous avons perdu des membres. Ce n'est qu'en 1996 que le nombre de nos membres est remonté à 150, ce qui ne s'est pas fait sans une vigoureuse campagne de recrutement au cours des 12 derniers mois.

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L'examen des noms des entreprises qui appartenaient à notre association en 1986 a aussi fait ressortir, chose intéressante, que seulement 26 p. 100 d'entre elles appartiennent toujours à notre association. Ce chiffre montre clairement que le secteur indépendant a connu de graves difficultés financières au Canada pendant cette période.

Même si notre association ne recueille pas de données financières auprès de ses membres, nous pouvons affirmer que la situation financière de ceux-ci est la même aujourd'hui. La majorité de nos membres sont de très petites entreprises dont les revenus sont sensiblement inférieurs à ceux de la plupart des petites stations de radio, sans mentionner les grandes stations ou les chaînes. Le document ci-joint établi à partir de données obtenues de Statistique Canada pour la période allant de 1989 à 1994, soit les données disponibles les plus récentes, le montrent bien.

Comme l'indiquent ces chiffres, les revenus et les bénéfices totaux des indépendants ont augmenté considérablement en 1992-1993 et 1993-1994 en raison du grand succès remporté par une ou deux entreprises de commercialisation télévisées. Or, la plupart de nos membres ont peine à survivre, ce qui explique que pour eux chaque sou compte.

Comme le montre le tableau, les maisons canadiennes continuent de produire la majorité, soit plus de 70 p. 100, des enregistrements simples à contenu canadien. Elles contribuent donc de façon marquée au succès commercial et culturel des artistes canadiens tant au Canada qu'à étranger.

Je regrette de me répéter continuellement, mais notre association veut réitérer qu'elle s'oppose totalement à la distinction faite entre les usagers et les créateurs. Comme ce projet de loi contient des dispositions établissant ces distinctions, notre association se sent tenue de les dénoncer.

Je suis sûr que les radiodiffuseurs ont fait grand cas devant le comité de leurs difficultés financières. J'aimerais cependant attirer votre attention sur certaines questions qu'ils n'ont pas abordées avec vous. Ce qui préoccupe surtout notre association c'est la valeur des licences accordées par le CRTC pour ce qui est des postes de radio ainsi que le rôle du Conseil dans l'établissement des paramètres financiers régissant l'exploitation des stations de radio et dans le processus de délivrance des licences.

Nous aimerions d'abord soulever la question de la valeur des licences accordées aux radiodiffuseurs. Les données sur lesquelles se fondent Statistique Canada et le CRTC représentent les revenus et les dépenses pour une année donnée. Ces chiffres ne reflètent pas la valeur parfois considérable de l'actif que constitue la licence.

Voici un exemple tiré des dossiers publics du CRTC. Une station de radio indépendante d'Edmonton a récemment été acquise au coût de 4 millions de dollars. Le prix d'achat se répartissait comme ceci: 575 000 $ pour l'équipement et les immobilisations et 3,425 millions de dollars pour le fonds commercial.

Selon les projections financières quinquennales jointes à la demande, l'acheteur s'attend à encourir des pertes nettes après impôt de 609 000 $ la première année, de 499 000 $ la deuxième année, de 273 000 $ la troisième année et de 29 000 $ la quatrième année. Il compte réaliser un profit de 153 000 $ au cours de la cinquième année.

La station sera déficitaire pendant plusieurs années, ce qui n'empêche pas une grande chaîne de vouloir payer quatre millions de dollars pour acquérir la licence, la plus grosse part de cette somme servant à acheter non pas des éléments d'actif matériels, mais le fonds commercial. La station sera déficitaire chaque année, mais l'actif, soit la licence elle-même, possède une valeur intrinsèque considérable, et si la station est bien gérée, la valeur de la licence augmentera chaque année. Or, les statistiques annuelles ne reflètent pas ce fait. Dans le monde de la radio, les apparences sont parfois trompeuses.

Comme vous le savez, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes réglemente la radiodiffusion au Canada. Les décisions portant sur la mise en valeur des talents canadiens constituent un exemple d'une politique récente du Conseil qui a eu un grand impact sur les revenus des radiodiffuseurs. Comme il s'agit d'une question de réglementation et d'un processus propre au Conseil, certains aspects de la situation vous échappent peut-être. Il conviendrait sans doute que je vous donne quelques explications.

Le processus de délivrance des licences au Canada prévoit que les stations de radio, en raison de la protection qui leur est accordée à l'égard des nouveaux détenteurs de licences entrant sur le marché, doivent pendant la durée de la licence promouvoir les talents canadiens.

En 1995, les fonds alloués à cette fin par les stations de radio s'élevaient à 11 millions de dollars. Sur ces 11 millions de dollars, 7 millions de dollars provenaient des demandes de renouvellement et 4 millions de nouvelles demandes.

En 1995, le Conseil a fait savoir publiquement qu'il était prêt à examiner la requête faite par l'ACR en vue de ramener ce chiffre de 7 millions de dollars à 1,8 million de dollars. Cela a constitué le coup d'envoi d'un long processus qui a abouti à l'émission d'un avis public et des décisions touchant le renouvellement des licences rendues en août 1996. Le Conseil avait acquiescé à la requête de l'ACR. Cette décision du Conseil a pour effet de réduire les coûts des radiodiffuseurs de 5,2 millions de dollars par année, ce qui représente à coup sûr une économie importante.

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Nous espérons que les deux brèves parties précédentes de notre mémoire portant sur l'industrie canadienne de l'enregistrement et l'industrie canadienne de la radio vous ont donné un petit aperçu de la réalité quotidienne à laquelle sont confrontés tant les créateurs que les usagers.

De l'avis de la CIRPA et de ses membres, l'adoption de lois rigoureuses en matière de propriété intellectuelle s'impose compte tenu de l'avenir qui nous attend. Il est vrai que la société de demain reposera sur le savoir. Il est incontestable que le savoir constituera la ressource la plus précieuse et la clé du progrès dans cette nouvelle ère de l'information. La société est déjà en train de se réorganiser rapidement autour des gens qui peuvent accroître la productivité et l'innovation par le savoir.

Qui est l'homme le plus riche des États-Unis? C'est Bill Gates. Il est bien évident que la clé de la richesse et du pouvoir de demain sera le savoir.

Les membres de la CIRPA en sont d'ailleurs bien conscients. Voilà pourquoi nous savons qu'il nous faut des lois rigoureuses et équitables pour pouvoir brasser des affaires efficacement et obtenir un taux de rendement réaliste de nos investissements. On ne peut certes pas nous reprocher de trop en demander. Nous réclamons seulement une compensation juste et équitable pour nos efforts dans un climat de négociations libres entre les usagers et les créateurs.

Notre association est d'avis que le fait de ne pas adopter de loi en ce sens pour la simple raison que ce n'est pas pratique pour les usagers, ou qu'ils ne peuvent pas se le permettre, sera gravement préjudiciable à long terme pour le Canada tant au plan culturel qu'au plan économique. En effet, ce qu'on gagnerait ici à court terme serait perdu à long terme.

Il ne faudrait pas conclure de nos propos que nous n'avons que des plaintes à formuler à l'égard du projet de loi. Comme chacun le sait, le droit d'auteur n'est pas un domaine facile et c'est un exercice qui prend beaucoup de temps. Nous sommes heureux de participer à la discussion entourant ce projet de loi et nous félicitons encore une fois le gouvernement de l'avoir proposé.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Comme la séance a commencé cinq minutes en retard, la période de questions se poursuivra jusqu'à 11 heures moins 10.

[Français]

On commence par un premier tour de cinq minutes.

Monsieur Plamondon.

M. Plamondon (Richelieu): Je vous remercie pour votre présentation. Votre rapport présente, selon moi, une vision très légaliste des choses. Vous parlez beaucoup des droits exclusifs. Vous revendiquez un droit exclusif plutôt qu'un droit à la rémunération. J'aimerais que vous me précisiez davantage la différence entre les deux.

Deuxièmement, si cela était un droit exclusif, comment, de façon pratique, pourrait-on fonctionner? Chaque station de radio devrait-elle obtenir une licence pour diffuser une musique ou une chanson? Comment fonctionnerait-on si on donnait, comme vous le demandez, une priorité au droit exclusif?

[Traduction]

M. Chater: En réponse à votre question, comme nous le faisions ressortir dans notre mémoire, il est certainement possible aujourd'hui d'assurer aux sociétés de gestion un droit à la rémunération. Dans la pratique, il n'y a pas tellement de différence pour une société de gestion entre un droit exclusif et un droit à la rémunération. À notre avis, cela revient cependant aux licences obligatoires qui avaient été supprimées dans de nombreux cas en 1988.

Permettez-moi de faire une analogie qui sera facile à comprendre. Supposons que je m'adresse à mon voisin et que je lui demande d'emprunter sa voiture. Celui-ci me dira qu'il a le droit exclusif d'utiliser cette voiture et que je ne peux l'utiliser qu'avec sa permission. Si un droit à la rémunération s'appliquait, je pourrais offrir à mon voisin de lui verser 20 $ et il serait alors tenu par la loi de me permettre d'utiliser sa voiture. Voilà la différence.

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Le principe ne pose pas de difficulté pour l'instant pour une société de gestion. Nous nous préoccupons cependant de l'impact que pourront avoir dans l'avenir des droits exclusifs étant donné que la technologie nous permettra de négocier individuellement... La technologie nous le permettra. À ce moment-là, un droit à la rémunération sera très nocif.

Autrement dit, un usager individuel se dira prêt à payer x dollars pour utiliser une oeuvre. Nous n'aurions cependant pas le droit de restreindre l'utilisation qu'il en fera si nous savions qu'il ne paiera pas le droit dans l'avenir ou qu'il endommagera le produit.

La situation est un peu difficile à expliquer.

[Français]

M. Plamondon: Cela me satisfait. Maintenant, j'aimerais que vous me parliez de votre opposition à l'exemption de 1 250 000 $. Dans votre texte, il est dit que les stations auront bientôt d'autres recettes. J'aimerais que vous me parliez des revenus autres que les recettes publicitaires auxquelles vous faites allusion. J'aimerais également que vous me disiez si vous avez une approche pratico-pratique en ce qui a trait à votre revendication contre ce 1 250 000 $.

Vous savez qu'en politique, on ne gagne jamais à 100 p. 100. Le gouvernement parle de 1 250 000 $. Un autre montant vous satisferait-il? Pourriez-vous établir un barème semblable à celui auquel l'ADISQ a fait allusion dans certains communiqués et dont ses représentants nous parleront sans doute plus tard aujourd'hui? Autrement dit, quelle serait la position mitoyenne acceptable et pour le gouvernement et pour vous?

[Traduction]

M. Chater: Voici comment je peux expliquer les choses. Nous estimons qu'il s'agit de nos droits de propriété qui devraient être traités comme tout autre droit de propriété. En pratique, des accommodements sont cependant nécessaires. Nous ne ferons pas de demande exagérée, en particulier aux petites stations. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, nous nous félicitons du fait que dans le projet de loi C-60, la Commission du droit d'auteur jouera le rôle d'arbitre indépendant et tiendra compte de l'intérêt public et pas seulement des intérêts des intervenants.

Nous pensons qu'il est bon que si les parties n'arrivent pas à s'entendre, elles puissent s'en remettre à la décision d'un arbitre indépendant. Nous pensons que c'est là que doivent cependant avoir lieu les discussions quant au montant du tarif que l'exception prévue soit de 1,25, de 1,5 ou de 0,75. Autrement dit, nous sommes privés de certains moyens.

[Français]

M. Plamondon: Vous en faites une objection de principe et vous voulez laisser entièrement libre cours à la négociation. C'est bien cela?

[Traduction]

M. Chater: Oui. Vous avez tout à fait raison. Nous réclamons des négociations libres entre les parties.

[Français]

M. Plamondon: Vous avez dit qu'il fallait prévoir des recettes autres que publicitaires. À quoi faisiez-vous allusion?

[Traduction]

M. Chater: Certaines stations possèdent déjà des sites sur Internet. Je suis sûr que les radiodiffuseurs vous ont déjà dit qu'on se dirigeait vers une nouvelle méthode de distribution, soit la distribution numérique ou la radio numérique. La radio numérique permettra la transmission de d'autres types d'informations outre le signal radio, soit de l'information commerciale. Un nouveau système de distribution permettra la transmission de nouveaux types d'information.

[Français]

M. Plamondon: Pourquoi êtes-vous opposés à ce que la Commission du droit d'auteur soit sous tutelle politique, autrement dit à ce qu'elle relève directement du ministre?

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[Traduction]

M. Chater: Nous estimons que le gouvernement crée de nouveaux droits de propriété ou qu'il modifie les droits actuels. À notre sens, les droits de propriété devraient, dans notre société, faire l'objet de négociations entre les parties, sous réserve de la protection de l'intérêt public, fonction qui est confiée à la Commission du droit d'auteur. C'est devant la Commission que ces questions devraient être soulevées si les parties n'arrivent pas à s'entendre.

Nous ne nous opposons pas à la création d'un droit mais déterminer sa valeur est une tout autre question. C'est à nous de négocier. Si nous négocions mal, c'est notre problème. C'est nous qui perdons. Nous devrions avoir le droit de négocier, si vous voulez, libres de toute contrainte et de toute exception au principe fondamental énoncé tout à l'heure. Mon bien étant utilisé par un usager, à des fins commerciales ou non, il ne devrait y avoir, à notre avis, aucune prémisse de restrictions.

Il est évident que la réalité de la vie quotidienne et du monde des affaires étant ce qu'elle est, comme vous l'avez dit, on ne peut pas toujours obtenir ce qu'on veut. Nous obtiendrons ce que voudra bien nous donner le marché.

M. Abbott (Kootenay-Est): Notre temps étant limité, je vais essayer de raccourcir mes questions au maximum. Nous pourrons peut-être ainsi en poser un plus grand nombre.

Une première confirmation. Votre association s'oppose aux exemptions de droits éphémères pour l'industrie de la radiodiffusion, n'est-ce pas?

M. Chater: Exact.

M. Abbott: À la page 8 de votre exposé, vous dites:

Si j'ai bien compris certains témoignages précédents, c'est pourtant ce qu'a fait la SODRAC. Il ne s'agit donc pas de simplement prétendre que personne ne le fera; cela se fait déjà dans le domaine public.

M. Chater: Je crois qu'il y a une petite différence mais je peux me tromper. Je ne connais pas vraiment les arguments de la SODRAC mais en ce qui nous concerne dans ce cas particulier nous ne visons que la radio et non pas la télévision. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il s'agit de ces transpositions sur cartouche qui étaient jusqu'à présent une réalité quotidienne. Aujourd'hui ces transpositions se font sur disque dur. Nous n'y voyons pas d'objection. Ça fait partie du métier.

M. Abbott: Voici ce que vous dites à la page 2:

En l'absence de cette exception, ne conviendriez-vous pas qu'il serait possible que la CIRPA finisse un jour par dire: puisque vous avez changé le support, vous l'avez utilisé, donc il faut payer? Quelle valeur économique tirent-ils de ce changement de support?

M. Chater: Il est évident, à notre avis, qu'il y a une valeur économique minimale dans ce cas et dans ce marché particulier. Nous considérons que c'est une valeur négligeable. Il s'agit simplement d'une transposition d'un support A à un support B pour des raisons de commodité.

M. Abbott: Oui, mais ils craignent sans cette exception, comme ils nous l'ont dit, de se faire prendre. Ils nous ont dit que de ne plus pouvoir enregistrer les artistes locaux en concert pour une diffusion ultérieure pourrait avoir un effet négatif sur la carrière de ces artistes locaux. Par exemple, s'ils ont l'obligation de diffuser ces artistes en direct, l'auditoire touché est beaucoup plus limité. Ils craignent la lourdeur des démarches d'autorisation. Une exemption pour les droits éphémères ne serait-elle pas plus simple?

M. Chater: Non, pas d'après nous. Toujours pour la même raison. Nous préférons avoir ce droit. Ensuite, comme nous le disons dans ce texte, nous serons plus que disposés tout de suite, ou demain, à négocier avec les responsables de l'émission quitte à leur dire que ce n'est pas un problème.

Je peux me tromper et les représentants de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement pourront infirmer ou confirmer la chose quand ils seront là, mais je crois que dans le cas des licences AVA, en fait de licences pour des vidéos, les stations ont le droit d'utiliser30 secondes pour des fins de promotion.

En réponse à votre autre point concernant l'enregistrement d'artistes, dans de nombreux cas, ces artistes ont déjà un contrat d'enregistrement. Encore une fois, en tant que membre de l'association, j'ai tout intérêt à ce qu'un tel enregistrement fasse connaître au public mon artiste. Il ne serait donc pas très intelligent de réclamer une redevance.

M. Abbott: Supposons que nous ne considérions pas les représentations des radiodiffuseurs comme une menace; supposons que nous les prenions pour argent comptant. Ne devrions-nous pas nous inquiéter des effets négatifs potentiels pour les artistes moins connus en n'exemptant pas de droits éphémères les radiodiffuseurs?

.1140

M. Chater: Dans la réalité, il ne devrait pas y avoir de problème car encore une fois nous pourrions toujours négocier avec le radiodiffuseur un accord global ou autre s'il estime en avoir besoin.

Comme je l'ai dit, cela fait 10 ans que je fais ce métier et je n'ai pas souvenir d'avoir jamais entendu un radiodiffuseur réclamer une telle exemption pour éviter un problème.

M. Abbott: Au risque de m'engager dans une polémique, ce qui n'est pas mon intention, selon les témoignages que nous avons entendus sur cette question, l'exemption de droits éphémères n'a pas été incluse jusqu'à présent parce qu'il y a toujours certains litiges en suspens devant les tribunaux.

Personnellement, je crains que si cette question n'est pas réglée elle continuera à nous obséder. Vous dites que vous n'y êtes certainement pour rien. C'est bien cela?

M. Chater: Je serais plutôt ravi que nos membres aient ce droit. Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres, mais il est évident pour nos membres qu'il n'y a rien là d'extraordinaire et que nous serions plus que disposés à régler cette question. Nous pensons que cela peut être fait dans le contexte de décisions ponctuelles, si vous voulez, compagnie par compagnie, ou entre usagers et créateurs. C'est une question qui peut être résolue assez simplement et nous sommes plus que disposés à la résoudre.

Comme je l'ai déjà dit, à ma connaissance, aucun de nos membres n'a jamais poursuivi quiconque pour ce droit et n'a l'intention de le faire. Mais si les radiodiffuseurs ont besoin d'être rassurés, nous nous ferons un plaisir de les rassurer. C'est une simple question de négociation.

M. Abbott: Une dernière petite question. Selon la ministre, le revenu moyen des artistes de spectacles est de 13 000 $ par an. Que pensez-vous de ce chiffre? D'où sort-il?

M. Chater: Je crois que c'est un chiffre de Statistique Canada. Comme vous le savez, Statistique Canada collectionne toutes sortes de chiffres et toutes sortes de choses. C'est un des chiffres qu'ils ont pour divers artistes, les écrivains, les musiciens, etc.

M. Abbott: Le calcul paraissait un peu bizarre car il contenait des étrangers. Je me demande si ces chiffres sont vraiment un reflet de la réalité.

M. Chater: Par définition, il s'agit d'artistes canadiens. Il faut qu'ils soient citoyens, qu'ils vivent dans ce pays, qu'ils paient des impôts, etc. Je crois qu'il serait difficile pour les artistes d'approcher d'encore plus près de la réalité. Ces chiffres sont très réels.

M. Abbott: Ce sera ma deuxième dernière question. Il me semble que les artistes qui ont des contrats d'enregistrement peuvent probablement gagner plus d'argent que cela. Est-ce que ce chiffre pourrait inclure des artistes qui n'ont pas de contrats d'enregistrement? En d'autres termes, des artistes très occasionnels qui feraient descendre la moyenne?

M. Chater: Je pourrais vous répondre que vous avez peut-être raison mais je n'en sais rien. Je pourrais également vous répondre, fort de ma longue expérience dans ce métier, que la majorité des artistes qui enregistrent ne gagnent pas beaucoup d'argent. Si vous avez des enfants, ne leur conseillez pas de faire des disques ou de faire l'artiste. Il y a des métiers beaucoup plus intéressants, croyez-moi.

Le président: Madame Phinney.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci, monsieur le président.

À la page 5 de votre exposé, vous parlez de la Loi sur la retransmission. Vous dites que son défaut majeur était de suivre l'approche des États-Unis. À la page suivante, vous dites que c'est une mesure législative injuste et anti-canadienne. Dans la phrase suivante, toujours à la page 6, vous dites que pour le projet de loi C-32 c'est essentiellement la même chose.

M. Chater: Non, juste le principe...

Mme Phinney: Vous dites que sur le principe c'est une mesure législative anti-canadienne.

M. Chater: Non, sur le principe de limitation imposée aux détenteurs de droits d'auteur. Permettez-moi de m'expliquer un peu plus. Le projet de loi sur la retransmission définissait un signal éloigné comme étant le contour B plus 32 kilomètres. Dans la pratique cela signifie ceci. À supposer que le contour B soit éloigné approximativement de 30 ou 40 kilomètres de l'émetteur, plus un petit quelque chose, cela revient à dire 50 ou 60 kilomètres du point d'émission.

Dans toutes les grandes villes canadiennes, presque tous les autres émetteurs canadiens sont locaux. Par conséquent, par définition, les seuls signaux éloignés ne peuvent être qu'américains dans 99 p. 100 des cas.

C'est ce que j'entendais par anti-canadienne. Je ne voulais pas dire - je m'excuse, ce n'est pas clair - que c'est un projet de loi anti-canadien; il établit simplement des différences entre les détenteurs ou crée des problèmes entre les usagers et les détenteurs qui, à notre avis, devraient faire l'objet de négociations. Je m'excuse de m'être mal expliqué.

.1145

Mme Phinney: Si le projet de loi C-32 était adopté sans changements, quelles en seraient les conséquences pour les membres de votre association? Nous devrions peut-être maintenir le statu quo.

M. Chater: Il est évident que nous ne serions pas d'accord. À notre avis - comme je l'ai dit et comme nous le disons depuis toujours - nous estimons qu'il s'agit de différents droits de propriété, si vous voulez, qui devraient être rémunérés. Par contre, le tarif de ces rémunérations est une question tout à fait distincte.

Quelles seront les conséquences pour nos membres? Une amélioration certaine de leurs possibilités financières. De quelle envergure? Seul le temps nous le dira.

Comme je le dis dans notre mémoire, un des problèmes de nos membres est un gros problème qui concerne tous les indépendants comme vous le montreront ces chiffres. En 1996, 26 p. 100 de nos 86 membres existent toujours. Le gros problème pour eux est de trouver du financement, de faire le travail correctement et de vendre leur produit.

Je suis sûr que je ne vous surprendrai pas en vous disant que les banques y regardent à deux fois avant de financer des entreprises qui ne reposent que sur la matière grise. Nous n'avons pas de produit, rien de concret, seulement des idées. La situation évolue mais ce n'est pas encore ça. Nous devons faire face à des industries qui nous concurrencent et, en plus, trouver des capitaux a toujours été un problème. Il nous faut des capitaux pour matérialiser nos idées. Nous avons toujours été confrontés à une concurrence mondiale. Le monde de la musique est ainsi et il faut faire avec.

Notre association organise entre autres des missions commerciales pour faire connaître nos membres. L'année dernière nous sommes allés en France, à Hongkong, et à Cologne en Allemagne. Ces missions ont permis de décrocher des contrats qui ont rapporté beaucoup d'argent à nos membres et par extension aux contribuables canadiens. C'est un des postes les plus importants pour notre industrie.

Pour vous donner simplement une petite idée, la part de marché mondial de l'industrie du disque canadien est d'environ 3 p. 100. En fait, elle est en train de diminuer. Elle traverse actuellement une mauvaise passe. L'Asie connaît une telle croissance que le marché asiatique va exploser et il est évident que les pourcentages vont changer. Par exemple, les États-Unis sont passés d'une part de marché mondial de 50 p. 100 en 1985 à 33 p. 100 aujourd'hui. Ce n'est pas parce que les Américains vendent moins mais parce que le marché mondial s'étend de plus en plus.

Mme Phinney: Je suis en train de regarder la page sur laquelle vous indiquez la moyenne de vos bénéfices avant impôt. Elle est à la hausse. Ce projet de loi la ferait progresser encore beaucoup plus.

M. Chater: Nous espérons que cela augmentera beaucoup plus, comme je l'ai dit, nous sommes un peu - comment dire - éphémères. Ce n'est pas une plaisanterie, mais nous sommes un peu éphémères.

Mme Phinney: Merci.

M. Chater: Merci.

Le président: Notre temps est pratiquement écoulé. M. Bélanger a une question très courte.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): J'ai deux questions très courtes. À propos des nouvelles technologies, dans tout votre mémoire et pendant l'exposé, vous avez dit que ce droit, si droit il y a, devrait s'appliquer à d'autres technologies. Pouvez-vous nous dire lesquelles?

Deuxièmement, je reviens à ce que mon collègue du Parti réformiste disait au sujet du peu de valeur que vous dites attribuer à la transposition du support en ce qui concerne les stations de radio. Vous avez dit que vous étiez prêts à négocier, mais si cela n'a pas beaucoup de valeur, qu'est-ce que vous négocieriez?

M. Chater: Votre première question porte sur la nouvelle technologie; je vous explique encore une fois en quoi consiste notre réalité quotidienne.

Nous avons parlé avec certains fabricants de technologie comme Bell et Cancom, etc. Tous envisagent que dans trois ou quatre ans, peut-être même plus tôt, les communications seront beaucoup plus directes: autrement dit, Bell pourrait vous facturer pour des services autres que le téléphone. Vous avez peut-être téléphoné pendant 16 secondes, mais vous avez utilisé deux minutes de telle musique, cinq minutes de tel film, etc. Cela sera possible.

Ce qui nous préoccupe, c'est que cette facture ne légalise pas toutes les utilisations, mais seulement des utilisations précises qui sont actuellement en sus: par exemple, les enregistrements à la maison, les copies privées, puisque nous avons une machine qui peut faire des copies.

Je ne voudrais pas qu'un beau jour quelqu'un trouve une exemption et que cela se trouve légalisé. Vous ne pouvez pas négocier avec eux directement, par conséquent ils vont simplement se l'approprier et l'utiliser. Nous pensons que l'énoncé doit être particulièrement prudent pour que quelqu'un ne puisse pas prétendre un beau jour que la loi permet... Cette nouvelle technologie à laquelle vous n'aviez pas pensé il y a cinq ans est devenue...

M. Bélanger: Pensez-vous que ce droit, si droit il y a, devrait s'appliquer aux cassettes magnétoscopiques, aux disques d'ordinateur, ou à tout autre support utilisé pour faire des copies?

.1150

M. Chater: Ce n'est pas vraiment mon domaine, mais si vous me demandez mon opinion personnelle, j'ai toujours pensé que les cassettes magnétoscopiques devaient faire partie du système. Toutefois, c'est une opinion personnelle. Sur le plan du service, je suis d'accord. Il est certain que nous sommes satisfaits de notre situation.

Quant à la deuxième question, effectivement, ça ne représente pas beaucoup d'argent, mais nous préférerions pouvoir négocier. Qu'il s'agisse de 10 $ ou de 50 000 $, ce qui nous intéresse, c'est que cela soit possible dans le monde réel. On vous permet de négocier une affaire, alors pourquoi prévoir une exemption pour résoudre un problème qui n'existe pas ou du moins dont nous ne pensons pas qu'il existera? Une transaction commerciale ordinaire suffira.

M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): Comme il nous reste du temps, j'aimerais poser une autre question. Connaissez-vous d'autres pays qui ont des exceptions pour transposition de support?

M. Chater: Oui, il y en a plusieurs.

M. Arseneault: Vraiment? Est-ce que les États-Unis en ont une?

M. Chater: Je crois que les États-Unis en ont une. Le Royaume-Uni également, de même que la France, mais je n'en suis pas tout à fait certain. Le problème d'une telle exception, c'est que ce n'est pratiquement pas applicable. Je suis certain que d'autres intervenants vous en parleront également.

M. Arseneault: Est-ce prévu dans la loi?

M. Chater: Oui, c'est dans la loi.

M. Arseneault: Je ne le savais pas. Cela me surprend.

M. Chater: J'imagine que c'est vrai. Je ne suis pas certain, mais nous pourrons vérifier.

M. Arseneault: Pouvez-vous vérifier et vous assurer que cette information est exacte? Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir la réponse à une date ultérieure.

M. Chater: Oui.

M. Arseneault: Merci.

Le président: Merci d'être venu, monsieur Chater. Nous avons beaucoup apprécié. Merci.

[Français]

Avant d'entendre le prochain groupe,

[Traduction]

nous allons faire une pause de quelques minutes.

.1152

.1200

[Français]

Le président: Il est exactement 12 heures et nous allons poursuivre jusqu'à 12 h 45. J'aimerais maintenant vous présenter, de l'Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, M. Robert Pilon, vice-président, Affaires publiques, et Mme Solange Drouin, directrice générale et conseillère juridique.

Monsieur Pilon.

M. Robert Pilon (vice-président, Affaires publiques, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo): Bonjour, mesdames et messieurs les députés. Nous vous remercions de votre invitation à participer aux délibérations du comité en ce qui a trait au projet de loi C-32.

L'ADISQ considère que le rôle des comités parlementaires est extrêmement important dans notre système démocratique. Des modifications peuvent être apportées aux projets de loi après consultation des parties intéressées. Nous espérons que ce sera le cas cette fois-ci.

On a peu de temps, mais nous avons déposé un mémoire complémentaire qui comprend un bon nombre de tableaux et de graphiques. Nous allons très rapidement vous exposer, à l'aide de grands graphiques, les principales constatations et analyses qu'on a faites des retombées économiques pour les ayants droit du projet de loi C-32, ainsi que vous soumettre une proposition de compromis, soit des amendements qui seraient, à notre avis, plus raisonnables.

Malheureusement, notre mémoire n'est pas encore entièrement traduit. Nous avons déjà pris des arrangements auprès de Mme la greffière et de son personnel à cet égard. Cependant, le texte des tableaux est déjà traduit. Nous allons collaborer de façon à intégrer la traduction anglaise dans les tableaux. J'espère que, dans les prochains jours, vous aurez une version anglaise du texte. J'essayerai de parler assez lentement, car ce qu'on fait est un peu technique.

Il faut dire que l'ADISQ n'a peut-être pas choisi la voie facile. Nous aurions pu venir ici, ce matin, et dire que nous sommes insatisfaits du projet de loi, etc., mais nous avons plutôt voulu dire que ce projet de loi, au niveau des principes, mises à part la question des exceptions - ma collègue reviendra là-dessus - , et l'introduction d'un régime de copie privée et d'un régime de droits voisins, est excellent. C'est une grande première en Amérique du Nord. On a déjà félicité les ministres responsables de ce projet de loi.

Cependant, en pratique, et c'est essentiellement le contenu de notre exposé ce matin, les mécanismes d'exemption qui sont prévus dans ce projet de loi, de même que certaines autres dispositions juridiques du projet de loi dont ma collègue vous entretiendra, sont très problématiques, à notre avis, et vont faire en sorte que l'intention du législateur de créer un véritable régime profitable pour les ayants droit ne pourra être mise en oeuvre à moins d'amendements au projet de loi.

Le projet de loi introduit un régime de rémunération équitable pour la communication publique par télécommunication des enregistrements sonores. Cela fera en sorte que les stations de radio devront verser des redevances sur une certaine proportion de leurs recettes publicitaires. Malheureusement, certains articles du projet de loi prévoient des exemptions pour certaines parties de ces recettes.

Nous avons d'abord pris l'exemple, au tableau 2.1, d'une station qui a des revenus de 4 millions de dollars. Essentiellement, deux types d'exemptions sont proposés. D'abord, cette station ne perd rien sur les premiers 1 225 000 $ de ses recettes. Toute notre démonstration est basée sur les cinq ans de la période d'introduction prévue dans le projet de loi. Donc, il y a une exemption totale sur les premiers 1 225 000 $.

Deuxièmement, les revenus au-delà de 1 225 000 $ seront exemptés à 80 p. 100 la première année, à 60 p. 100 la deuxième année, puis à 40 p. 100, 20 p. 100 et 0 p. 100. Donc, en moyenne, sur cinq ans, il y aura pour 1 250 000 $ de revenus exemptés et ensuite 1 100 000 $ d'exemptés pour un total de 2 350 000 $ de revenus exemptés en moyenne sur cinq ans. Cela représente une exemption de 59 p. 100 sur laquelle aucune redevance ne sera payée aux artistes, aux producteurs ou aux musiciens. C'est très problématique.

.1205

Au tableau 2.5, on voit l'effet d'ensemble des exemptions. Vous avez, ici représentées, les 495 stations de radio de l'industrie au Canada. Comme vous le voyez, il y a beaucoup de petites stations dont les revenus se situent entre 0 et 250 000 $, entre 250 000 $ et 500 000 $, etc.

Ici, vous avez toutes les stations dont les revenus sont inférieurs à 1 250 000 $ et ici, toutes les stations au-delà de 1 250 000 $. Donc, toute cette masse de revenus sera totalement exemptée. Ici, il y aura l'exemption d'introduction graduelle, ce qui fait qu'en moyenne, sur cinq ans, tout ce qui est en dessous de la ligne rouge sera exempté.

Donc, il y a l'exemption de base, ensuite 25 p. 100, 28 p. 100 et 53 p. 100 des recettes exemptées et enfin l'exemption pour l'introduction graduelle de 19 p. 100, pour un grand total de 72 p. 100 des recettes qui seront exemptées. Le régime de droit qui est prévu dans la loi ne s'appliquera donc qu'à 28 p. 100 des recettes des stations de radio canadiennes.

Ce tableau-ci résume la situation: une exemption de base de 53 p. 100 en moyenne sur cinq ans; une exemption pour l'introduction graduelle de 19 p. 100, pour une exemption totale de 72 p. 100; les petites stations entièrement exemptées; les stations plus importantes dont les revenus sont supérieurs à 1 250 000 $, qui seront exemptées à 62 p. 100.

Là nous avons supposé un taux de redevance, peut-être un peu idéaliste, de 1,5 p. 100 sur les recettes non exemptées, c'est-à-dire environ la moitié du taux de la SOCAN actuellement.

Donc, si on applique 1,5 p. 100 sur les 28 p. 100 qui ne sont pas exemptés, voici ce que cela donne: 1,1 million de dollars pour la première année; 2,1 millions de dollars pour la deuxième année; 3,2 millions de dollars pour la troisième année, et ainsi de suite, pour une moyenne de 3,2 millions de dollars par année sur 754 millions de dollars de recettes. Ce n'est même pas la moitié de un dixième de 1 p. 100.

Ce projet de loi nous apparaît donc, à ce niveau-là, extrêmement problématique. Nous pensons que ce serait une erreur que d'établir un régime qui, tout compte fait, générerait des sommes tellement minuscules que l'intention du législateur ne serait pas mise en oeuvre.

Nous avons donc une proposition de compromis à vous offrir. Je vais laisser ma collègue Solange Drouin présenter cette proposition.

Mme Solange Drouin (directrice générale et conseillère juridique, Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo): Merci, Robert.

Dans le processus d'élaboration de notre proposition de compromis, on a tenu compte, dans un premier temps, du taux de rentabilité de chaque catégorie.

Dans notre première analyse, on a tenu compte du taux de rentabilité de chaque catégorie de stations de radio. On y reviendra plus tard, quand mon collègue Robert Pilon présentera la proposition de compromis.

Ensuite, il nous est apparu tout naturel de nous tourner vers la Commission du droit d'auteur. Comme vous le savez, cette commission - et je souligne qu'elle comparaîtra devant vous d'ici deux semaines - est à l'heure actuelle l'organisme chargé de fixer les redevances pour l'exécution publique et la diffusion des oeuvres des auteurs.

Avec le projet de loi C-32, la Commission du droit d'auteur sera également l'organisme chargé de fixer les redevances pour les droits voisins. À ce jour, la Commission a homologué de nombreux tarifs pour fixer les redevances que peuvent percevoir les auteurs, lors de la diffusion en public de leurs oeuvres. Par exemple, il y a des tarifs qui touchent la radio, la télévision, les bars et les restaurants. D'ailleurs, les représentants des restaurants ont comparu devant vous il y a deux semaines. Il y a des tarifs pour tout cela.

Parmi ces tarifs, il y a un qui nous semble comporter une structure tarifaire très intéressante, et on s'en est inspirés pour élaborer notre proposition de compromis. Il s'agit du tarif communément appelé le tarif 17. Ce tarif est inspiré du tarif sur la retransmission, mais étant donné le peu de temps dont on dispose, je me concentrerai seulement sur le tarif 17.

.1210

Il s'agit d'un tarif récent. Il a trait aux oeuvres musicales qui sont incorporées dans la programmation des services de télévision canadiens et américains spécialisés et les services de télévision payante. Par exemple, il prévoit le taux qui sera payable par les câblodistributeurs pour les services qu'ils offrent, notamment les services de télévision payante SuperChannel et SuperÉcran, les services spécialisés tels que Musique Plus et MuchMusic et les services américains comme Arts and Entertainment.

Ce sont donc les câblodistributeurs qui sont chargés du paiement de ce tarif, mais la Commission a décidé que, pour déterminer la somme payée par les câblodistributeurs, elle tiendrait compte de la taille de chaque système de câblodistributeurs de façon à tenir compte des problèmes d'exploitation qui peuvent être différents selon qu'on est un petit ou un gros système de câblodistribution.

Il y a donc trois tarifs: un tarif pour les petits systèmes, un tarif pour les systèmes de taille moyenne et un tarif pour les gros systèmes.

Le tarif pour les petits systèmes, un petit système étant défini comme un système ayant 2 000 abonnés et moins, est de 10 $ par année. C'est donc un montant symbolique que le câblodistributeur est obligé de payer pour tous les signaux qu'il offre. Ce montant symbolique est très minime et ne menace sûrement pas la survie des petits systèmes de câblodistribution de 2 000 abonnés et moins.

L'autre palier de tarif touche les systèmes de taille moyenne, soit les systèmes qui ont 6 000 abonnés et moins. Pour cette catégorie, la Commission a prévu un échelonnement progressif qui varie selon la taille du système en question. Afin de justifier un traitement préférentiel pour une catégorie de systèmes de câblodistribution autre que les petits systèmes, la Commission dit qu'elle a tenu compte du fait que les problèmes d'exploitation ne se dissipaient pas parce qu'on dépassait le cap de 2 000 abonnés, qu'il pouvait y avoir des problèmes même pour des systèmes plus importants.

Donc, en 1995, l'échelle prévue dans le tarif qui est en vigueur actuellement, et qui est contestée sur une autre base, est le suivant: le tarif prévoit 3,2 cents par abonné pour un système de 2 000 à 2 500 abonnés; 3,8 cents par abonné pour un système de 2 500 à 3 000 abonnés; et 7 cents par abonné pour un service qui dessert entre 5 500 et 6 000 abonnés. Donc, c'est un tarif précis pour les systèmes de taille moyenne. Au-delà de 6 000 abonnés, il n'y a qu'un seul tarif qui s'applique à tous les systèmes, dont les gros systèmes de câblodistribution. Il est de 7,6 cents par mois par abonné.

Le tarif sur la retransmission - je ne l'expliquerai pas maintenant, mais si vous voulez poser des questions à la Commission, je vous y invite à le faire lorsqu'elle comparaîtra - est établi à peu près selon la même structure. Selon nous, c'est une structure vraiment intéressante parce qu'elle tient compte des réalités particulières de certains systèmes de câblodistribution.

Je cède la parole à mon collègue Robert Pilon qui va vous expliquer plus en détails notre proposition de compromis.

M. Pilon: Nous avons mentionné dans notre mémoire précédent et encore dans ce mémoire complémentaire, comme tous les ayants droit dans le monde, qu'il s'agisse des artistes, des musiciens ou des producteurs, que nous sommes en principe opposés aux exceptions ou aux exemptions. C'est une question philosophique importante.

On sait cependant que les petites stations sont en difficultés financières. Permettez-moi de faire une comparaison. On sait fort bien, par exemple, que dans les écoles des quartiers défavorisés, on fait un distribution de lait. Demande-t-on aux fermiers ou aux producteurs laitiers de payer pour ce lait-là? Non. La société a décidé qu'on devait distribuer du lait aux enfants pauvres dans les quartiers défavorisés. La société assume collectivement le coût de cette distribution. Elle ne demande pas aux producteurs laitiers de l'assumer.

Donc, comme position de principe, même pour les petites stations en difficultés financières, on comprend mal pourquoi on nous demande à nous, les ayants droit, d'assumer le coût d'une mesure sociale qui devrait relever de la société tout entière. La société, dans son ensemble, devrait donner des subventions. Si on estime que c'est une valeur sociale importante pour les Canadiens que de maintenir des services locaux dans les petites villes de radio, eh bien, aidons-les. Ne demandons pas à une catégorie de citoyens, les ayants droit de la musique, d'assumer ce coût-là seule. C'est notre position de principe. Cela fait 10 ans qu'on attend ce projet de loi. Nous sommes donc prêts, pour les cinq années - je précise bien pour les cinq années - de la période d'introduction, à offrir un compromis, lequel aurait pour effet d'exempter entièrement les petites stations, sauf pour les 100 $ symboliques. Par la suite, tout serait revu.

.1215

Notre définition des petites stations est légèrement différente de celle du projet de loi C-32. Deuxièmement, comme ma collègue l'a expliqué, nous inspirant des modèles du tarif 17 et du tarif de la retransmission, nous pensons qu'il serait approprié qu'on ait un système à trois paliers, c'est-à-dire un système où on reconnaîtrait la difficulté financière considérable des petites stations, notamment celles dont les revenus seraient de 750 000 $, qui auraient une exemption totale.

En ce qui a trait aux grandes stations dont les revenus dépassent 2 500 000 $ qui, elles, ont vraiment un taux de profit très élevé, même durant la récession, nous pensons qu'il n'y a aucune raison de leur offrir une exemption de base. Nous présentons un système d'introduction graduelle sur trois ans plutôt que sur cinq ans. Il n'y a aucune raison de concéder une exemption de base, ne serait-ce que sur 1 250 000 $, à de grandes stations.

Entre les petites stations totalement exemptées et les grandes stations qui ne bénéficieraient que d'une exemption pendant l'introduction graduelle, il y a les stations de taille intermédiaire dont la situation financière est relativement précaire. Nous pensons qu'on pourrait offrir à celles-là une échelle décroissante.

Le graphique 2.13 explique ce que cela donnerait. Nous présentons un système qui s'appliquerait avec deux échelles: une échelle pour les trois premières années du projet de loi, l'an un, l'an deux et l'an trois, et une échelle pour l'an 4 et l'an 5. Donc, pour les années 1, 2 et 3, toutes les stations ayant des revenus allant jusqu'à un million de dollars seraient totalement exemptées. Par la suite, l'exemption décroîtrait. Pour des revenus de 2 500 000 $ et plus, il n'y a pas d'exemption de base pour les troisième et quatrième années du projet de loi.

Donc, il y a ici une mesure de stabilité pendant trois ans et, pour les quatrième et cinquième années, toutes les stations ayant des revenus de moins de 750 000 $ seraient exemptées entièrement et on verrait ensuite une décroissance. Vous avez trois catégories d'exemption: les petites sont exemptées, les moyennes ont une exemption partielle et décroissante et les grandes n'ont pas d'exemption de base.

Lorsqu'on compare la proposition que nous vous présentons ce matin et les dispositions d'exemption prévues par le projet de loi C-32, voici ce que cela donne globalement sur cinq ans. Le projet de loi C-32, comme nous l'avons dit plus tôt, donne une exemption totale de 72 p. 100 en moyenne. En pratique, c'est la moyenne de 91 p. 100 d'exemption la première année, 81 p. 100 la deuxième année, puis 72, 62 et 53 p. 100 les trois années suivantes.

Notre proposition est encore extrêmement généreuse au début: 77 p. 100 d'exemption la première année sur l'ensemble de l'industrie, puis 54, 31, 22 et 22 p. 100 pour une moyenne de42 p. 100 d'exemption. On ne vous dit pas de réduire le niveau d'exemption de 72 à 4 p. 100. On vous dit, et c'est raisonnable, de le réduire de 72 à 42 p. 100.

Il nous reste deux tableaux à regarder ensemble, tout d'abord celui sur l'impact, non pas du point de vue des radiodiffuseurs, mais du point de vue des ayants droit: les artistes, les musiciens, les chanteurs et les producteurs. Que vont nous donner, en termes de redevances, les dispositions d'exemption qu'il y a dans le projet de loi C-32? Le comité pourrait aussi décider de suggérer à la Chambre d'approuver en tant qu'amendements les propositions qu'on vous fait ce matin.

En présumant des revenus constants - on pourra en discuter plus loin - , on a fait d'autres hypothèses avec des taux de croissance de 1, 2 et 3 p. 100. Il n'y a pas beaucoup de changement. On pourra faire parvenir cela au comité, si vous le souhaitez. S'il n'y avait aucune exemption,1,5 p. 100 - c'est notre hypothèse - de 754 millions de dollars donnerait 11,3 millions de dollars par année. Ce n'est quand même pas une somme faramineuse. Pour tous les artistes, musiciens et producteurs du Canada et des autres pays d'Europe, ce serait 11,3 millions de dollars.

.1220

Avec les exemptions qu'il y a dans le projet de loi gouvernemental, cela serait réduit à1,1 million de dollars la première année, etc., soit 3,2 millions de dollars en moyenne. Cela veut dire que le coût des exemptions concédées est de 8,1 millions de dollars.

Dans notre proposition, cela donne 2,6 millions de dollars la première année, 5,2 millions de dollars la deuxième année, 7,8 millions de dollars la troisième année, 8,8 millions de dollars la quatrième année et 8,8 millions de dollars la cinquième année, soit 6,6 millions de dollars en moyenne. Donc, la concession faite aux radiodiffuseurs, qui est encore relativement généreuse, comme vous pouvez le voir, est de 4,7 millions de dollars.

Ce graphique est intéressant. Ce sont les mêmes données, mais je pense que cela met les choses en perspective. Même en réduisant l'exemption de 72 à 42 p. 100, les paiements que devront effectuer les stations de radio sur l'ensemble de leurs revenus demeureront minuscules. Même avec notre proposition, où on passe en moyenne de 3,2 à 6,6 millions de dollars par année, cela ne représente même pas 1 p. 100 des recettes totales de l'industrie de la radio. Voilà.

Mme Drouin: Vous conviendrez que cette somme de 3,2 millions de dollars en moyenne sur des recettes publicitaires de 750 millions de dollars de recettes publicitaires est déjà minime. Mais, malheureusement, en plus de toutes les dispositions qui prévoient des exemptions généreuses aux stations de radio et qui fait perdre 72 p. 100 de leurs revenus aux artistes-interprètes et aux producteurs, d'autres dispositions du projet de loi peuvent encore aggraver la situation.

Jusqu'à maintenant, on n'a pas cité d'articles. Cependant, nous devons maintenant parler, et je pense qu'il est important de le dire pour que vous le reteniez afin d'en recommander le retrait, du fameux article qui stipule que la Commission doit tenir compte de certains facteurs dans l'établissement du tarif de droits voisins.

Ce fameux article prévoit premièrement que la Commission, dans l'établissement de son tarif, doit tenir compte de la portion de la programmation occupée par les enregistrements sonores. Une deuxième disposition stipule que la Commission doit tenir compte du fait que la diffusion de la musique par la radio contribue à la vente d'enregistrements sonores.

Ces deux critères, selon nous, ont trois impacts totalement désastreux. Premièrement, je vous démontrerai l'impact désastreux sur le tarif fixé par la Commission et, par conséquent, sur les redevances qui seront perçues par les artistes-interprètes et les producteurs.

Le deuxième impact est que cela crée un traitement discriminatoire, inique - n'ayons pas peur des mots - et surtout inutile des artistes-interprètes et des producteurs, sans compter qu'il s'agit là d'un empiétement injustifié sur la juridiction de la Commission du droit d'auteur.

Je reprends maintenant les impacts désastreux sur les tarifs fixés par la Commission. Le fameux critère qui dit que la Commission doit tenir compte de la portion de la programmation occupée par les enregistrements sonores signifie, en pratique, que le tarif que fixera la Commission, tarif qui ne s'applique que sur 28 p. 100 des recettes publicitaires, ne sera jamais appliqué à 100 p. 100. Je m'explique.

À part quelques nouveaux services de stations de radio qui ne sont même pas encore implantées au Canada, jamais une station de radio ne diffuse 100 p. 100 de musique. La programmation totale d'une station de radio est composée de nouvelles, de météo, de talk-shows. La proportion occupée par la programmation musicale varie entre 30 et 80 p. 100.

Ce fameux critère dit à la Commission qu'elle doit demander à une station de radio de ne payer que si sa programmation contient au moins 50 p. 100 de programmation musicale. Donc, elle ne paiera que 50 p. 100 du tarif. Si c'est 60 p. 100, ce sera 60 p. 100 du tarif, etc. Évidemment, ce critère risque encore d'amputer les redevances qui pourraient être perçues par les ayants droit.

Ces critères ont un caractère contraignant. L'autre critère, qui dicte à la Commission de tenir compte du fait que la diffusion de la musique contribue à la vente de disques, aura aussi des conséquences désastreuses.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais dire que l'ADISQ ne nie pas que, dans certaines circonstances, selon la programmation de certaines stations de radio, il peut y avoir des contributions variables, à des degrés divers, à la vente d'enregistrements sonores. On ne nie pas cela. Cependant, selon nous, cette contribution à la vente d'enregistrements sonores est déjà prise en compte dans le niveau du tarif de droits voisins.

.1225

Un tarif de droits voisins est un tarif qui génère des sommes modestes. On parle de 1,5 p. 100. Mon collègue Robert Pilon disait qu'on espérait peut-être avoir 1,5 p. 100 de la Commission. Selon nous, le fait que les stations de radio contribuent à la vente d'enregistrements sonores est déjà pris en compte dans ce tarif. Si on ne tenait pas compte de cette contribution à la vente d'enregistrements sonores, ce n'est pas 1,5 p. 100 qu'on demanderait aux stations de radio, mais 20, 30 et 50 p. 100, ce qui correspond, selon nous, de plus près à la contribution relative de la musique à la programmation d'une station de radio.

Donc, la mise en vigueur de ces deux critères peut conduire à une réduction substantielle du tarif de 1,5 p. 100. Elle pourrait le faire passer à 0,5 p. 100 et faire augmenter le niveau d'exemption au-delà de 72 p. 100, jusqu'à 90 p. 100 dans certains cas.

Selon nous, cet argument est déjà suffisant pour vous convaincre de retirer ces deux critères du projet de loi C-32. Si vous n'êtes pas encore convaincus, l'argument suivant pourra, selon moi, dissiper tous les doutes qui pourraient subsister dans votre esprit.

L'application des critères aux seuls artistes-interprètes ou producteurs constitue, selon nous, un traitement discriminatoire injustifié imposé par la Loi sur le droit d'auteur. Le projet de loi, comme vous le savez, impose à la Commission de tenir compte de critères pour l'établissement des tarifs de droits voisins.

Lorsque la Commission fixe un tarif pour le droit d'auteur, aucun critère n'est prévu dans la loi. Cela veut donc dire que, lorsque la Commission analyse un projet de tarif déposé par des auteurs, elle n'a pas de questions à se poser, à savoir si elle doit tenir compte du fait que la diffusion de la musique contribue à la vente d'enregistrements sonores ou, encore, de la proportion de la musique jouée par une station de radio. Elle n'a pas à le faire. Par contre, elle devra le faire lorsqu'elle établira le tarif de droits voisins. Les auteurs échappent à ces critères et aux conséquences désastreuses dont j'ai parlé.

Les artistes-interprètes et les producteurs risquent d'être lourdement désavantagés. On crée ainsi deux classes d'ayants droit: une classe d'auteurs qui peuvent percevoir le plein montant des redevances, qui n'est pas diminué par l'imposition de critères prévus par la loi, et une classe d'artistes-interprètes et producteurs à qui on nie ce droit.

Il va sans dire que l'ADISQ est totalement en désaccord sur cette discrimination qu'on trouve dans le projet de loi C-32. D'ailleurs, l'ADISQ aimerait rassurer les membres du comité en disant que, de toute façon, la Commission, par le passé, a tenu compte de certaines situations particulières bien qu'elle n'y ait pas été tenue par la loi. Rien n'empêche la Commission d'exercer sa juridiction et d'établir sa propre grille d'analyse qui tiendra compte de certaines situations particulières. Elle l'a d'ailleurs déjà fait.

Elle a tenu compte de circonstances particulières en ce qui a trait au tarif sur la retransmission et au tarif sur la radio. La Commission a tenu compte de circonstances particulières et a finalement fixé deux tarifs: un tarif de 3,2 p. 100 des recettes publicitaires pour les stations de radio qui diffusent20 p. 100 de musique et plus et un tarif de 1,4 p. 100 pour les stations de radio qui diffusent 20 p. 100 de musique et moins. Donc, la Commission, dans sa sagesse, peut déterminer ces critères. On demande au gouvernement de laisser la Commission jouer pleinement son rôle, qui est d'évaluer la valeur économique d'un droit.

J'aimerais terminer en disant deux mots sur les exceptions. Le projet de loi C-32 crée de nombreuses exceptions. L'ADISQ croit qu'on doit retirer du projet de loi C-32 toutes ces exceptions en faveur des établissements d'enseignement, des musées et des archives et laisser aux sociétés de gestion le soin de négocier des ententes particulières avec certaines catégories d'utilisateurs.

Un dernier mot sur l'enregistrement éphémère. L'ADISQ félicite le gouvernement de ne pas avoir proposé une exception à ce chapitre dans le projet de loi et demande au comité de ne pas se laisser influencer par les arguments des radiodiffuseurs en faveur de l'introduction d'une telle exception et de porter une attention particulière au mémoire qui a été soumis par la SODRAC, qui demande de ne pas introduire cette exemption pour les enregistrements éphémères.

.1230

Merci beaucoup. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Monsieur Plamondon.

M. Plamondon: Votre position est très claire et je voudrais d'abord vous féliciter. Cela fait12 ans que je siège à différents comités et j'ai rarement vu des témoins arriver avec une proposition aussi concrète et, surtout, présentée avec autant de force.

Comme comité, cela nous pousse à nous demander si nous devons continuer avec le projet tel qu'il est ou si nous devons accepter une proposition qui n'est pas une proposition de principe ou philosophique. Vous avez dit plus tôt que vous avez un principe, mais que vous comprenez qu'il y a une transition à faire sur une période de cinq ans. La proposition que vous faites me paraît donc fort justifiée et, comme comité, on devra absolument en tenir compte.

Vous m'avez un peu apeuré lorsque vous avez parlé des talk-shows. J'étais moins au courant de cette chose. Autrement dit, le gouvernement établit un critère selon les sommes d'argent recueillies par la publicité. À partir de ce critère-là, on prend un certain pourcentage pour le remettre aux artistes.

Vous me dites qu'on soustrairait la portion d'écoute. Prenons un poste de radio qui diffuserait 50 p. 100 de talk-shows et de lignes ouvertes, et 50 p. 100 de musique. Je ne sais pas ce que cela donnerait comme montant selon votre proposition, mais supposons qu'il a vendu pour deux millions de dollars de publicité; cela devrait donner environ 100 000 $ mais, en réalité, cela ne donnerait que 50 000 $ puisque la moitié du temps est consacrée à des talk-shows. C'est bien cela qui est inscrit? C'est le fameux critère que vous voudriez voir disparaître à l'article 68?

M. Pilon: Il contraint la Commission à prendre en compte cette chose-là.

M. Plamondon: Contrairement à ce qu'elle fera pour le droit d'auteur?

M. Pilon: Exactement. Donc, il y a un risque extrêmement important que se produise la situation que vous venez de décrire. Concrètement, monsieur Plamondon, cela signifie qu'au lieu d'avoir 3,2 millions de dollars, tous les artistes, musiciens et producteurs du Canada pourraient se ramasser, au pire, avec un million de dollars par année, parce que la Commission aurait dit qu'il faut couper le tarif de moitié parce que la musique est moins utilisée dans certaines stations, et qu'il faut le couper encore de moitié parce que les stations de radio aident à vendre les disques. Je caricature un peu, mais pas beaucoup.

M. Plamondon: Je suppose que cela mènerait à quelque chose de très complexe à administrer.

M. Pilon: Bien sûr.

M. Plamondon: En termes de temps, on devrait avoir un fonctionnaire qui calcule au chronomètre le nombre de minutes consacrées à la musique, aux talk-shows, aux nouvelles, aux émissions d'affaires publiques, etc.

Mme Drouin: Permettez-moi d'ajouter que, pour nous, c'était vraiment une question cruciale. On a donc demandé à Me Ysolde Gendreau, qui est docteure en droit et professeure de droit à l'Université de Montréal, de nous dire si c'était une pratique répandue que d'imposer internationalement ce critère dans des lois. On a analysé 13 lois, dont les lois française et allemande, et on a vu que seulement trois d'entre elles prévoyaient des critères, mais pas de cette nature-là.

On poursuit cette étude et on vous en remettra les conclusions finales. Il ne semble pas que ce soit une pratique répandue internationalement.

M. Plamondon: J'aurais envie de discuter plus longtemps, mais je vais permettre à mon confrère du Parti réformiste de poser des questions.

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott.

M. Abbott: Merci. Je n'ai pas l'intention, dans le cadre de cette discussion, de parler de la validité des arguments en faveur ou contre les droits voisins. J'ai l'intention de m'en tenir à votre exposé.

J'ai eu l'impression que pour vous, les seules stations de radio qui ont des problèmes financiers sont des petites stations. Autrement dit, les grosses stations qui ont un gros chiffre d'affaires doivent faire des bénéfices. Je dois admettre que je ne suis pas du tout d'accord avec vous. Si je prends votre chiffre de 1,2 p. 100, prenons une station de radio qui a un chiffre d'affaires de 5 millions de dollars. Pour une telle station, 60 000 $ par année, ce n'est pas négligeable, car cela représente le salaire de deux employés, n'est-ce pas? Autrement, on ne peut pas dire que c'est seulement 1,2 p. 100... C'est beaucoup d'argent. S'il s'agit de 5 millions de dollars, cela représente 60 000 $.

.1235

À mon avis, on ne peut pas prétendre que les seules stations de radio qui ont des difficultés financières sont des petites stations. Cela ne correspond pas à la réalité. Je crois que les grosses stations de radio sont tout aussi exposées que les petites.

Quoi qu'il en soit, aux fins de la discussion, vous avez avancé l'hypothèse qu'une station de radio diffuse de la musique pendant 54 p. 100 de son temps. Toutefois, vous pensez que votre organisme ou vos artistes, si je vous ai bien compris, devraient avoir accès à 100 p. 100. Sur quelle base? Je ne comprends pas cela.

Reprenez-moi si je me trompe, mais si j'ai bien compris ce que vous avez dit au sujet de l'exemption, aux termes du projet de loi C-32, si une station de radio diffuse de la musique pendant 50 p. 100 de son temps, les artistes devraient tout de même avoir droit à une compensation de100 p. 100 en vertu des droits voisins. Je ne comprends pas cela. Je ne comprends vraiment pas. Je comprends le concept des droits de propriété, droits d'exécution, propriété intellectuelle, je comprends ce concept-là, mais pour quelle raison l'artiste devrait-il recevoir 100 p. 100 lorsqu'il s'agit d'une station qui diffuse uniquement des discussions et des commentaires?

M. Pilon: À propos des difficultés financières des stations de radio, pour commencer, monsieur Abbott, je dois dire que j'ai été très impressionné. Je suis déjà venu ici deux fois, et vous êtes intervenu deux fois, je m'en souviens très bien, pour parler de la situation difficile des petites stations de radio. Vous avez d'ailleurs mentionné quelque chose de très intéressant et comparé la situation actuelle à la situation il y a 10 ans en disant que de nos jours il y avait très peu de programmation locale dans les stations locales. Je vais vous demander pourquoi?

M. Abbott: À cause des restrictions de coût, et à mon avis, ce 1,2 p. 100 fait partie de ces restrictions.

M. Pilon: Pourquoi? Le problème, c'est que de plus en plus ces petites stations de radio se contentent de retransmettre la programmation des grosses stations. Nous pourrions vous fournir beaucoup de chiffres de.AAM puisque nous sommes abonnés à.AAM, mais il se trouve que.AAM, qui est contrôlé par les stations de radio, a soudainement annulé notre abonnement. Nous ne savons pas pourquoi. Nous ne pouvons donc pas vous donner ces chiffres. En fait, si le président me les demandait, je pourrais probablement les fournir tout de même.

Si vous considérez les chiffres de.AAM pour les marchés de petite et moyenne taille, à l'exception de l'extrême Grand Nord, vous verrez que le principal problème des petites stations de radio, c'est que les grosses stations envahissent leur marché. C'est la principale raison des difficultés actuelles des petites stations: la concurrence des grosses stations.

Je trouve donc assez ironique de voir une association contrôlée par les grosses stations de radio venir vous encourager à sauver les petites stations alors que depuis 10 ans, ce sont les grosses stations de radio qui appartiennent à de grands groupes qui exterminent les petites stations.

Parlons maintenant de cette station avec un chiffre d'affaires de 5 millions de dollars par année. On en parle environ à la page 75 du mémoire. Vous trouverez, en annexe, le taux E.B.I.T. par groupe de stations, et le groupe 14, d'après une étude spéciale effectuée par Statistique Canada à notre demande - et ce sont là des chiffres publics - montre que pour les stations qui recueillent plus de4,5 millions de dollars par année en recettes publicitaires, le taux E.B.I.T. est de 22,3 p. 100, ce qui est extrêmement élevé comparativement aux autres secteurs de l'économie.

Monsieur Abbott, je conviens avec vous que 75 000 $ par an, c'est une grosse somme. Je ne dis pas que ce n'est pas beaucoup d'argent. Tout ce que je dis, c'est que ce genre de stations, à l'exception d'une poignée, n'auront aucune difficulté à payer cela.

Tout cela mis à part, c'est du droit de propriété dont il est question ici et, si je me rappelle bien la teneur du livre bleu du Parti réformiste, le droit de propriété est une chose très importante. En l'occurrence, il est question d'un élément d'un coût de production. Cette station radiophonique qui a un chiffre d'affaires de 5 millions de dollars paie son loyer et son compte de téléphone. Pourquoi ne devrait-elle pas payer pour la musique qu'elle utilise? C'est une question de respect de la propriété intellectuelle.

.1240

Le président: Une autre réponse. M. Abbott a posé une question concernant

[Français]

les taux de 50 p. 100 et 100 p. 100.

[Traduction]

M. Pilon: Oui. Voulez-vous en parler brièvement, Solange?

[Français]

Mme Drouin: Premièrement, la Commission du droit d'auteur a fait une distinction lorsqu'elle a fixé le tarif à 3,2 p. 100 pour les auteurs dans le cas des stations de radio qui diffusent 20 p. 100 de musique et plus. La Commission du droit d'auteur n'a pas fait de différence entre 30, 32, 50 et52 p. 100. Toute station de radio qui diffuse 30, 50 ou 60 p. 100 de musique doit remettre 3,2 p. 100 de ses recettes publicitaires aux auteurs.

Dans l'ensemble, il se crée une espèce de péréquation. C'est sûr que les plus grosses stations de radio vont payer plus et diffuser plus de musique et que d'autres stations, plus petites, vont payer moins et diffuser moins de musique, mais dans l'ensemble, je crois qu'il y a une forme de péréquation dans l'industrie. En bas de 20 p. 100, c'est 1,4 p. 100 des recettes publicitaires.

Les services de radio qui diffusent 100 p. 100 de musique... Je veux seulement porter à votre attention le fait que la SOCAN a déposé un tarif qui prévoit aussi cette situation. La SOCAN a vu venir cette situation et s'est dit que pour des services qui diffusent 100 p. 100 de musique, le tarif devrait être différent. Les droits voisins emboîteront probablement le pas dans ce sens-là également.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Bélanger: Je voudrais premièrement que vous nous décriviez la relation qui existe entre l'industrie de la musique et la radio et, ensuite, la relation entre l'industrie de la musique et la télévision. Faites-vous une distinction entre l'utilisation que la télé et la radio font de la musique?

M. Pilon: Monsieur Bélanger, je suis tenté de vous répondre en prenant un exemple et de vous dire que la relation qui existe entre l'industrie du disque et l'industrie de la radio est similaire à la relation qui existe entre l'industrie de la mode et les grands magasins comme Eaton ou La Baie. Vous êtes un designer. Vous faites une nouvelle ligne de vêtements. Vous souhaitez évidemment qu'Eaton et La Baie utilisent vos trucs. Vous êtes peut-être même prêt à leur donner des échantillons pendant trois mois pour que les nouvelles robes et les nouveaux costumes soient montrés en vitrine. C'est important pour vous. Mais vous ne leur donnez pas vos vêtements. À un moment donné, une entente se fait et Eaton paie les vêtements que vous avez fabriqués.

Donc, les deux profitent de cela. Pourquoi? Parce qu'Eaton peut dire qu'il a l'exclusivité ou encore qu'il a en magasin cette ligne de vêtements populaires et que le designer peut dire: «Eaton, qui est un grand magasin, vend mes vêtements.» Il y a là une relation synergique qui est bonne. Mais ce n'est pas parce qu'il y a une synergie entre deux secteurs qu'un secteur doit exploiter l'autre et ne rien verser. Il y a une synergie et on en tient compte. Si on n'en tenait pas compte, on demanderait, comme le disait ma collègue plus tôt, 10, 15 ou 20 p. 100.

Imaginez une station de radio, surtout une grande station FM, qui diffuse presque uniquement de la musique dans sa programmation. On ne demande que 1,5 p. 100 de ses recettes. Si on voulait avoir notre pleine part des recettes des stations, particulièrement les stations FM, on demanderait un taux beaucoup plus important. On reconnaît leur contribution en demandant un taux qui est très faible, qui n'est même pas 1,5 p. 100. C'est 0,9 p. 100 qu'on demande. Je pense qu'elles aussi doivent reconnaître... Trouvez-moi un radiodiffuseur qui va venir ici dire honnêtement au comité que la musique ne contribue pas à ses revenus. Trouvez-en un. Même ceux qui ne diffusent que 20 p. 100 de musique vous diront que c'est un fait.

M. Bélanger: Percevez-vous une différence dans la façon dont la télé traite la musique?

M. Pilon: Si on parle de musique en général, pas forcément. Cela dépend si on parle de musique ou de disques. Le projet de loi concerne les disques. Il est évident que la radio utilise beaucoup plus de musique enregistrée que la télévision. Là, il y a une distinction qui est très importante. Le taux de la SOCAN pour les auteurs à la télévision est de 2,1 p. 100. Il faut être réaliste: jamais on n'aura ce taux-là. Jamais on n'aura même la moitié de ce taux-là.

.1245

Pourquoi? Parce qu'on utilise les oeuvres des auteurs, non seulement sur disque, mais dans toutes les prestations live à la télévision. Ce n'est pas le cas pour les droits des producteurs alors que le droit porte seulement sur l'enregistrement sonore. Donc, le tarif qu'on aura des stations de télévision sera minuscule, c'est évident. Il ne sera pas du tout proportionnel à la réalité.

M. Bélanger: Vous avez fait un calcul sur cinq ans. Avez-vous fait le même calcul sur les cinq années suivantes?

M. Pilon: Nous n'avons pas fait ce même calcul. Par ailleurs, nous avons fait un calcul en mettant un taux de croissance des revenus durant ces cinq années-là. Au lieu d'avoir un taux constant, on aurait un taux de croissance de l'ordre de 2,5 ou 3 p. 100. Essentiellement - le modèle doit encore être raffiné un peu - , cela veut dire qu'au lieu d'avoir une exemption de 72 p. 100, on aurait une exemption de l'ordre de 68 p. 100 si le taux de croissance était de 2,5 ou 3 p. 100.

M. Bélanger: Après l'introduction des tarifs, etc., cela représenterait-il 8,8 millions de dollars par année? Qu'est-ce que ce montant représente? Vingt-deux pour cent d'exemption?

M. Pilon: Les 8,8 millions de dollars représentent... Il faudrait que je vérifie le chiffre exact.

M. Bélanger: C'est 22 p. 100 environ?

M. Pilon: À peu près 22 p. 100, oui.

M. Bélanger: On exempte 22 p. 100.

M. Pilon: Cela représente quand même une exemption assez significative.

M. Bélanger: Cela ne tient pas compte de l'inflation ou de l'augmentation des revenus.

M. Pilon: Non.

M. Bélanger: Je ne voudrais pas vous imposer une charge de travail énorme, mais il faudrait peut-être que pour les cinq prochaines années, et peut-être même pour les 10 prochaines années, parce qu'il faut bien admettre que vous avez attendu 10 ans...

Je sais que l'impact sur la période initiale est peut-être... Les chiffres que vous nous présentez sont assez flagrants. Si le législateur adopte cette loi, j'espère que ce sera pour toujours et que les droits voisins ne dureront pas seulement cinq ans. C'est seulement au bout de cinq ans qu'ils atteindront 100 p. 100.

Donc, je voudrais voir quel serait l'impact de cela une fois la loi mise en vigueur. Je pense que cela nous aiderait dans nos délibérations.

M. Pilon: On fera cela sans problème, monsieur Bélanger. Si le projet de loi n'est pas modifié, avec l'exemption à 1 250 000 $ pour toutes les stations, à revenu constant, cela représente 53 p. 100. Même la cinquième année, il y aura encore 53 p. 100 des revenus qui seront exemptés. J'ai fait rapidement le calcul, monsieur Bélanger. Si on met un taux de croissance de l'ordre de 2 ou 3 p. 100, les revenus représenteront encore quelque chose comme 47 ou 48 p. 100. Je ne pense pas que, décemment, le législateur canadien puisse dire: «On va exempter pour l'éternité près de la moitié des paiements de redevances.»

M. Bélanger: Selon ce que vous proposez, la cinquième année et les années qui suivraient, compte non tenu de l'inflation, 1,5 p. 100 du revenu qui est touché représenterait 3,2 millions de dollars. C'est cela?

M. Pilon: Avec le projet de loi actuel?

M. Bélanger: Avec le projet de loi actuel. Avec votre proposition, on parlerait de 8,8 millions de dollars.

M. Pilon: Non.

Mme Drouin: Non, c'est la moyenne.

M. Pilon: Avec le projet de loi actuel, monsieur Bélanger, la cinquième année, ce serait5,3 millions de dollars. Il y a une progression. Cela commence à 1,1 million de dollars et progresse à 2,1, 3,2 puis 4,3 millions de dollars.

M. Bélanger: La moyenne est de 3,2 millions de dollars. Ce serait 5,3 par rapport à 8,8 millions de dollars? Ce sont les chiffres exacts?

M. Pilon: C'est de cela qu'on parle.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Pilon, madame Drouin. Je dois dire que votre travail est très impressionnant. Vous êtes venus ici avec beaucoup de préparation et de soin. On vous remercie d'avoir témoigné devant le comité.

M. Pilon: Mesdames, messieurs les membres du comité, nous vous remercions.

M. Bélanger: S'il nous reste du temps à la fin, on pourrait envisager de revoir ce groupe.

Le président: On va certainement en discuter ce soir.

.1249

.1252

[Traduction]

Le président: À l'ordre, s'il vous plaît.

[Français]

Nous reprenons la séance. Il est 12 h 55 et on va continuer jusqu'à 13 h 40.

[Traduction]

Permettez-moi de vous présenter les représentants de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement: M. Brian Robertson, président, M. Ken Thompson, vice-président et conseiller général, et Mme Margaret McGuffin.

La parole est à vous. Je crois que vous connaissez la procédure.

M. Brian Robertson (président, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement): Merci, monsieur le président.

Les 28 membres de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement englobent toutes les grandes maisons de disque du Canada, les principales étiquettes indépendantes canadiennes et les producteurs d'enregistrements sonores. Tout d'abord, nous tenons à remercier le gouvernement d'avoir pris l'initiative de présenter des changements à la Loi sur le droit d'auteur et nous remercions les députés du Parlement de l'intérêt et de l'appui qu'ils portent aux propositions. Comme vous le savez, ces changements auraient dû être apportés il y a déjà longtemps et ils constituent une mise à jour d'une loi qui remonte aux années 20. Par conséquent, nous vous félicitons de vos efforts.

Mesdames et messieurs, bon nombre d'entre vous ignorent sans doute les paramètres économiques de l'industrie canadienne de l'enregistrement. La CIRPA et l'ADISQ vous ont donné une idée du fonctionnement du secteur indépendant et, en guise de complément, j'aimerais vous présenter un instantané des niveaux d'investissement et des pourcentages de rendement des grandes maisons de disque pour la production et la commercialisation d'enregistrements d'artistes canadiens.

Le coût moyen de production d'un enregistrement canadien pour le marché international s'élève à 300 000 $ environ. Cela englobe la recherche et le développement nécessaires pour découvrir l'artiste et le mettre sous contrat, les coûts de réalisation en studio, le soutien financier et l'orientation de la carrière, les coûts de production musicale et vidéo, ainsi que des frais de commercialisation considérables pour faire connaître l'enregistrement sur la scène nationale et internationale.

.1255

Les grandes maisons de disque estiment qu'il faut généralement financer trois albums pour faire connaître adéquatement un artiste. Mais en réalité, le pourcentage de succès dans l'industrie de l'enregistrement donne à réfléchir car de façon générale, seul un enregistrement sur dix génère des profits considérables. Autrement dit, les ventes de cet enregistrement subventionnent le développement et la production des neuf autres.

Les six principales maisons de disque du Canada consacrent en moyenne chaque année plus de 20 millions de dollars au développement, à la production et à la mise en marché d'artistes et d'enregistrements sonores canadiens.

Étant donné que nous n'avons que peu de temps, notre intervention portera surtout sur deux questions relatives au projet de loi C-32, pour que nous puissions laisser suffisamment de temps aux questions.

Nous avons déjà soumis à la fin d'août un mémoire exhaustif sur la mesure. Le seul document que vous n'avez pas reçu à l'avance est un rapport que vient de compléter pour nous la firme de consultants Coopers & Lybrand sur les droits voisins. Nous vous en laisserons un exemplaire aujourd'hui et d'ailleurs, nous en ferons un résumé dans le cours de notre exposé.

Il y a dans le projet de loi C-32 de nombreux éléments importants qui touchent l'industrie du disque, et de nombreux autres qui ne sont pas dans le projet de loi, mais qui devraient s'y trouver. Mais cette discussion devra prendre place ailleurs, un autre jour. Aujourd'hui, nous nous limiterons à deux sujets: les droits voisins et la copie privée.

Premièrement, nous voudrions commenter brièvement la question de la copie privée. Je demanderais à Ken Thompson de l'examiner avec vous.

M. G. Ken Thompson (vice-président et conseiller général, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement): Merci, Brian.

L'AICE se réjouit de ce que dans le projet de loi C-32, le gouvernement reconnaît que les producteurs de disques, au même titre que les artistes-interprètes et les auteurs de musique, ont droit à une compensation pour les copies non autorisées de leurs enregistrements électroniques que font régulièrement les particuliers pour leur usage privé. Depuis des décennies, l'industrie du disque réclame une modification à la Loi sur le droit d'auteur en matière de copie privée.

Dans nos mémoires écrits, nous avons souligné que dans un proche avenir les consommateurs pourront se procurer des enregistrements sonores numériques interactifs, sur lecteur électronique, que l'on appelle aussi le juke-box ou la boutique de disques virtuelle... Les propriétaires de ces enregistrements et de cette musique ne pourraient être compensés adéquatement par un régime de copies privées.

Pour que les producteurs d'enregistrements et les consommateurs puissent également tirer parti de ce mode de distribution commerciale électronique future des enregistrements sonores, il faudra qu'à l'avenir, le régime de copies privées soit assujetti à la discipline du marché. La réalisation de cet objectif passe par la reconnaissance d'un droit juridique exclusif et sans équivoque d'autoriser ou d'interdire toute forme de reproduction, y compris la copie privée.

La même technologie qui, à l'avenir, permettra aux consommateurs d'avoir accès et de copier facilement le répertoire mondial des enregistrements sonores, grâce aux vecteurs électroniques, facilitera aussi la tâche des maisons de disque pour ce qui est d'octroyer directement des licences et de recenser l'usage que font les particuliers des enregistrements électroniques, y compris la copie. Ces innovations ne sont pas des rêves utopiques. Elles seront aussi courantes dans un proche avenir que le sont aujourd'hui le code à barres et le guichet automatique.

Ce nouveau mode électronique de distribution commerciale des enregistrements sonores sera sans contredit avantageux pour les créateurs comme pour les utilisateurs, mais ce sont des considérations auxquelles on pourra revenir à un autre moment, dans le cadre d'une discussion sur le projet de loi sur l'autoroute électronique - qui, je l'espère, sera adopté rapidement par le gouvernement.

À ce stade-ci, vous vous demandez sans doute pourquoi nous vous disons que les régimes de copies privées seront rendus obsolètes par l'avènement d'une technologie novatrice pour autoriser directement la copie privée, moyennant la délivrance d'une licence. C'est tout simplement parce qu'à l'heure actuelle, l'industrie du disque traverse une période de transition entre le marché traditionnel d'enregistrements analogues sur support matériel, comme les cassettes, et le marché futur d'enregistrements sonores numériques interactifs, sur vecteurs électroniques, enregistrements dont les Canadiens pourront commander la transmission à domicile.

Il n'a jamais été aussi important que maintenant de compenser les artistes-interprètes, les compositeurs et les producteurs d'enregistrements électroniques pour la copie privée.

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À l'avenir, les régimes de copies privées pourront être éliminés graduellement et remplacés par un régime de licence directe. Dans l'intervalle, un régime de copies privées fondé sur le principe voulant que les sociétés qui bénéficient de la vente d'enregistrements audio vierges et les particuliers qui bénéficient de la copie privée d'enregistrements sonores devraient être mis à contribution et rémunérer les producteurs d'enregistrements sonores, les compositeurs de la musique et les interprètes des prestations qui y sont gravées.

Dans nos mémoires écrits, nous recommandons que le régime proposé de copies privées ne crée pas une exemption additionnelle, mais qu'il soit structuré sous forme de licence obligatoire. Un régime de copies privées fondé sur une licence obligatoire ne nuirait pas à la création d'un système de licence individuelle à l'avenir et n'empêcherait pas non plus la réalisation de copies privées d'enregistrements sonores interactifs transmis électroniquement.

Nous espérons que le comité envisagera les conséquences que le régime de copies privées aura pour l'avenir de l'industrie du disque au Canada et pour ses industries musicales connexes.

Je vais maintenant céder la parole à M. Robertson, qui abordera la question des droits voisins.

M. Robertson: Comme vous le savez, la question des droits voisins évoque l'image d'opinions conflictuelles entre les propriétaires des droits, les artistes et les producteurs, et les utilisateurs.

Ce n'est pas le cas uniquement au Canada. Dans tous les pays qui appliquent ou qui envisagent d'appliquer des droits voisins - 50 pays d'ailleurs l'ont fait jusqu'à maintenant - il y a eu un conflit entre les propriétaires des droits et les utilisateurs, plus précisément les radiodiffuseurs.

Dans une perspective canadienne, s'il faut en croire uniquement l'Association canadienne des radiodiffuseurs, il existe un prétendu arrangement de longue date entre nos deux industries. En fait, mesdames et messieurs, il n'existe pas de tel arrangement de longue date. La seule chose qui date depuis longtemps, c'est l'objectif constant de l'ACR de supprimer toute forme de compensation pour les artistes-interprètes et les maisons de disque.

Cette croisade dure depuis près de 30 ans. Vous vous souviendrez que la Loi sur le droit d'auteur prévoyait à l'origine un droit d'interprétation, et que lorsque l'industrie du disque a fait mine de l'exercer à la fin des années 60, les radiodiffuseurs ont fait du lobbying pour le supprimer, et ils y sont arrivés.

Notre industrie s'efforce sans relâche depuis le milieu des années 70 de rétablir ce droit. Il n'est donc pas étonnant que nous nous formalisions un peu de lire dans les communiqués de presse qu'il existe une prétendue entente entre les radiodiffuseurs et l'industrie du disque.

En 30 ans, nous avons perdu des milliers de dollars, non seulement en recettes nationales pour nos artistes et producteurs, mais ce qui est tout aussi important, des revenus réciproques des 51 pays éclairés qui ont mis en oeuvre une mesure législative en ce sens.

En s'opposant à l'application de tels droits, les radiodiffuseurs canadiens ont privé des douzaines d'artistes Canadiens qui ont connu sur la scène internationale un succès durable ou éphémère, de leurs droits d'interprétation. Dans le cas des premiers, ces droits auraient certainement pu soutenir une carrière et, dans le cas des deuxièmes, contribuer à la gravure d'un deuxième disque, leur offrant ainsi une autre chance.

À entendre le témoignage des représentants de l'ACR, si l'on réussit à vendre des disques, c'est uniquement parce qu'ils tournent à la radio. Permettez-moi de les citer:

En 1996, le fait est que seul un petit pourcentage du temps d'antenne consacré à la musique a une influence sur les ventes d'enregistrement sonore. Pourquoi? Permettez-moi de vous l'expliquer.

Premièrement, voyons l'influence de la radio AM. Il y a 20 ans, c'est surtout à la radio que les gens écoutaient la musique enregistrée. En fait, la formule du palmarès mettant en vedette les nouveaux artistes, les nouveaux disques et, surtout, les grands succès, était la pierre d'accise de la programmation radiophonique. Qu'en est-il maintenant? La radio AM est un format à l'agonie qui va connaître le même sort que les enregistrements vinyles dans les années 80. À l'heure actuelle, le AM est surtout un véhicule pour les actualités et les entrevues, et le FM l'a supplanté.

Nous sommes aux prises avec un problème. La radio commerciale est financée par la publicité, et les commanditaires courent après une clientèle vieillissante. Ce ne sont pas tant les nouveaux artistes, les nouveaux disques ou les grands succès qui comptent que les anciens succès. Les auditeurs ont droit à un régime de vieux succès nostalgiques, ce qui est fantastique pour les Beach Boys, Carole King, Fleetwood Mac, et même nos Guess Who, mais bien sûr personne ne se précipite pour aller acheter des enregistrements qui datent de 20 ou 30 ans, et le créneau de la programmation pour présenter de nouveaux enregistrements est extrêmement limité.

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Qu'une chose soit claire. Nous ne nous plaignons pas de la politique de programmation des stations de radio. Il s'agit là d'une décision commerciale tout à fait compréhensible. Cela dit, nous dénonçons cette tentative de faire croire artificiellement que la programmation radio a la même influence aujourd'hui qu'il y a 25 ans.

Nous sommes tout à fait disposés à reconnaître qu'il reste un certain nombre de stations intéressantes à écouter, mais de façon générale, l'industrie du disque canadienne a constaté depuis longtemps déjà que la radio n'est plus son principal véhicule de commercialisation et que, par nécessité, les maisons de disque investissent maintenant des millions de dollars dans d'autres modes de communication avec les marchés visés.

Par exemple, l'an dernier, mon association a consacré plus de 700 000 $ à un marché-test à Calgary. Nous voulions trouver des moyens plus efficaces de communiquer avec des acheteurs potentiels de disques et nous nous sommes servis de publi-postage direct et de lignes d'écoute 1-800. On envisage de répéter l'expérience dans d'autres villes dans un avenir rapproché.

Permettez-moi de répondre à une question que vous vous posez peut-être à propos des enquêtes réalisées par l'ACR, qui montrent que la radio influe sur l'achat d'enregistrements sonores. Dans l'étroit créneau qui existe encore, nous reconnaissons que c'est sans doute vrai, mais il est évident que ce n'est pas le cas pour la radio AM en général ou les stations qui ne diffusent que de grands succès.

Souvenez-vous de ce qui est arrivé aux ventes de détail dans notre secteur. Comme la radio AM, nous employons un support en voie de disparition: la cassette analogique. Le graphique du tableau I montre que les ventes d'enregistrements sonores au Canada ont culminé en 1979 et ne cessent de baisser depuis. Ce mouvement illustre le recul des disques de vinyle et des cassettes pré-enregistrées. Les radiodiffuseurs, surtout les stations FM, consacrent entre 70 et 80 p. 100 de leur programmation à des enregistrements sonores; pourtant, comme vous le savez, ils profitent depuis des dizaines d'années du fait qu'ils n'ont pas à payer les artistes et les producteurs de ces oeuvres. Les radiodiffuseurs qui possèdent également des stations de télévision savent, eux, ce que c'est que d'avoir à payer pour leur programmation.

Il est paradoxal que les radiodiffuseurs canadiens s'élèvent contre les droits des artistes et des producteurs canadiens puisqu'ils déploient de vigoureux efforts pour que l'on reconnaisse leurs droits et que l'on protège leurs signaux. C'est bien une affaire de deux poids, deux mesures, ne trouvez-vous pas?

Je vais maintenant commenter l'analyse de la maison d'experts-conseils Coopers & Lybrand sur le projet de loi concernant les droits voisins.

Nous sommes tous au courant des communiqués de l'Association canadienne des radiodiffuseurs dans lesquels elle sonne le glas des stations de radio dans les marchés à faible densité, qui parle d'une taxe assassine, de 15 années de pertes ou encore des 22, 13 ou huit millions de dollars selon le texte que l'on lit, que coûteraient les droits voisins à la radio privée. C'est une véritable pluie de renseignements inexacts.

L'étude de Coopers & Lybrand, comme vous le constaterez lorsque vous aurez pu en prendre connaissance, présente une analyse lucide des recettes tirées des droits que produiront les propositions du projet de loi C-32 ainsi que les options qui vous ont déjà été soumises. De plus, on y trouve une analyse économique détaillée qui montre ce que peuvent payer en droits voisins les radiodiffuseurs. Je cite Coopers & Lybrand:

Les auteurs concluent:

J'aimerais si vous me le permettez revenir brièvement sur les faits saillants de l'étude. Vous trouverez dans votre documentation les textes auxquels je vais me référer.

D'abord, examinons les recettes potentielles que produiraient les propositions contenues dans le projet de loi C-32. Comme vous le savez déjà, 327 stations de radio privées, sur 495, soit 66 p. 100, n'auront pas à verser de droits. Seules les 168 stations dont les recettes sont supérieures à 1,25 million de dollars auront à les verser. La somme exacte de la redevance sera fixée par la Commission du droit d'auteur plus tard, mais pour les besoins de l'étude, Coopers & Lybrand a retenu le chiffre de1,5 p. 100 pour les droits voisins, pour les raisons suivantes. D'abord, la SOCAN emploie le chiffre de 3,2 p. 100 pour les auteurs et les compositeurs. Ce n'est que la moitié du répertoire environ qui sera visée, vu l'absence de droits voisins aux États-Unis. Troisièmement, les droits voisins dans d'autres pays varient entre 1,3 p. 100 et 9 p. 100.

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Vous pourrez constater au tableau 2 que, d'après les propositions actuelles, les exemptions progressives conjuguées aux déductions américaines produisent des recettes d'à peine 5,3 millions de dollars en l'an 2002.

Pour estimer les dépenses de création et de fonctionnement d'une société de gestion, on a examiné le cas d'autres sociétés de gestion, comme la Société collective de retransmission du Canada et CANCOPY au Canada ainsi que les sociétés australiennes et britanniques, PPCA et PPL.

Comme l'illustre le tableau 3, les faibles recettes ne suffisent pas à couvrir les dépenses de fonctionnement de la société de gestion avant la quatrième année et c'est ce que l'on voit à la quatrième ligne.

S'agissant maintenant de l'analyse de la capacité des radiodiffuseurs d'acquitter les droits voisins, examinons le tableau 4. Ce tableau illustre la croissance des recettes de publicité des radiodiffuseurs canadiens. D'après l'analyse de régression effectuée par Coopers & Lybrand, qui emploie les ventes au détail comme variable prédictive, les recettes de la radio vont augmenter au rythme de 3,2 p. 100 en moyenne au cours de la période 1996-2003, par opposition à 2,6 p. 100 en moyenne pendant la période de 1986-1995, illustrée dans le graphique.

Le graphique suivant, c'est-à-dire le tableau 5, illustre les recettes de radiodiffusion pendant la période 1976-1995. Comme vous pouvez le constater, le ralentissement en 1991-1993 était une anomalie puisqu'il y a eu croissance continue dans les 16 ans qui ont précédé, récession de 1980-1983 comprise.

Coopers & Lybrand ont déterminé que le ratio de rentabilité de la radio augmentera sensiblement au-dessus des 6,7 p. 100 de bénéfices avant intérêt et amortissement et s'approchera des 10,3 p. 100 à 22,3 p. 100 des stations plus grandes, qui appartiennent habituellement à de grands groupes. Ce sont ces grandes stations qui dominent le secteur, non seulement en nombre d'auditeurs mais aussi en recettes et en bénéfices.

En 1995, les bénéfices combinés des grandes stations s'étendaient à 77 millions de dollars. Le groupe le plus important de stations, celles dont les recettes dépassaient 4,5 millions de dollars, ont dégagé des bénéfices de 61 millions de dollars, ce qui correspond à un ratio de bénéfices avant intérêt et impôt de 22,3 p. 100. C'est ce qui est illustré au tableau 6.

L'exemption générale pour les moins de 1,25 million de dollars prévue dans le projet de loi C-32 profiterait indistinctement aux petits propriétaires indépendants qui ont besoin de cette exemption ainsi qu'aux grands groupes très lucratifs qui sont capables de payer. Les stations plus grandes, les plus lucratives, se trouvent en majorité dans les marchés métropolitains plus riches et appartiennent en général aux grandes chaînes.

La radio est une industrie à très forte concentration qui se mesure en nombre de stations contrôlées et en nombre d'auditeurs. À peine 35 grands groupes, c'est-à-dire 25 p. 100 de toutes les entreprises qui possèdent un intérêt dans la radio, contrôlent 284 stations, soit 55 p. 100 du total. Ces 284 stations occupent 84 p. 100 des heures d'écoute. Ces stations bénéficient d'un auditoire proportionnellement plus vaste parce qu'elles sont situées dans des marchés plus importants, ce qui leur permet de prendre une plus grande part du marché de la publicité.

Comme vous le savez déjà, notre secteur a recommandé que soient modifiées les propositions du projet de loi C-32. À la place de l'exemption pour les moins de 1,25 millions de dollars, nous proposons une exemption de base variable qui distingue entre les stations petites, moyennes et grandes en fonction de leur rentabilité. De plus, nous proposons de ramener de cinq à trois ans la période de transition et d'augmenter plutôt le montant des droits.

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Dans notre proposition, l'exemption s'appliquerait là où on en a le plus besoin, c'est-à-dire aux stations plus petites dont les recettes annuelles sont de 750 000 $ ou moins. Cette proposition révisée aurait des effets négligeables, dans l'ensemble, sur la situation financière du secteur de la radio. Les stations plus grandes fourniraient un effort financier relativement plus important, tandis que les stations plus petites ne seraient presque pas touchées.

Les stations plus grandes - c'est-à-dire celles dont les recettes sont supérieures à 2,5 millions de dollars - seraient exemptées pour la première tranche de 20 p. 100 de leurs recettes. Les stations de taille moyenne, dont les recettes varient entre 750 000 $ et 2,5 millions de dollars se verraient accorder une exemption pour 55 p. 100 de leurs recettes et les petites stations dont les revenus sont inférieurs à 750 000 $ continueraient de bénéficier d'une exemption à 100 p. 100, à l'exception d'un versement symbolique de 100 $.

Comme l'illustre le tableau 7, pendant la période initiale de cinq ans, les conséquences financières nettes de la proposition de l'industrie de l'enregistrement sur le secteur de la radio sont modestes. Dans la colonne de droite, on voit où se situe le volume élevé des stations de radio, c'est-à-dire dans les petits marchés ou les marchés à densité moyenne. Les petites stations seraient donc toujours exemptées au complet. Les stations moyennes, ne verseraient en moyenne qu'entre 0.2% et 1.1% de leurs recettes totales, tandis que les grandes stations paieraient l'équivalent de 1,2% de leurs recettes.

Les montants modestes des stations de taille moyenne n'influeraient pas sensiblement sur leur situation financière, tandis que les versements relativement plus élevés des stations plus grandes se justifient par leur rentabilité plus élevée. Même dans le cas des grandes stations, le montant des redevances n'est pas excessif.

En vertu du projet de loi C-32, ce n'est que dans la quatrième année que la société de gestion aurait suffisamment de fonds pour payer les artistes et cela tient principalement au coût relativement élevé du financement de la dette. Par opposition, dans notre proposition à nous, au tableau 8, vous pouvez constater que les redevances sont versées plus tôt et à plus grand nombre d'artistes et de producteurs. Les recettes auraient augmenté légèrement, mais permettraient néanmoins à la société de gestion d'assurer son existence et aux détenteurs de droit de toucher des revenus dans la deuxième année, au lieu de la quatrième année comme le propose le projet de loi C-32.

Dans son témoignage devant la Chambre des communes concernant le projet de loi C-32, l'ACR a déposé un document d'information sur les tendances et les perspectives du secteur de la radio privée au Canada, intitulé «Private Radio: An Industry in Economic Crisis». Dans ce document, l'association déclare ce qui suit:

Le rapport de Coopers & Lybrand, en revanche, affirme que l'analyse de l'ACR trace un portrait exagérément sombre de la situation financière du secteur de la radio. Les auteurs estiment que l'ACR a employé une mesure inhabituelle de la rentabilité - les profits après les dépenses en intérêts. L'organe de réglementation de la radio, le CRTC, emploie une mesure plus classique, celle des bénéfices avant intérêts et impôts, ou BAII. Le conseil emploie cette unité de mesure en raison du fait que la situation financière peut être distortionnée si les dépenses en intérêts sont incluses.

À la fin des années 80, il y a eu un nombre important d'acquisitions dans le secteur de la radio, acquisitions financées par des emprunts. Ce facteur a alourdi de façon excessive les dépenses en intérêts qui figurent dans l'état des résultats et a faussé le ratio d'endettement normal d'un grand nombre d'entreprises de radiodiffusion. Entre 1989 et 1993, les dépenses en intérêts sont donc montées en flèche, à la suite de ces acquisitions. L'augmentation des dépenses en intérêts était particulièrement évidente du côté de la radio AM, qui a enregistré au même moment de fortes pertes d'exploitation.

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D'après Statistique Canada, qui emploie les bénéfices avant les dépenses d'intérêts, la radio n'a connu qu'une seule année sans bénéfices, au cours des dix dernières années. C'est ce qu'illustre le tableau 9.

L'étude de l'ACR insiste également sur l'effet de la récession de 1990 à 1993 dans son évaluation du potentiel de gain de la radio. On estime généralement que le cycle économique est de dix ans. On aurait une idée plus équilibrée du cycle économique et du potentiel de la radio si l'on retenait la période de 1985 à 1995 au lieu de la période de 1993, retenue par l'ACR.

Pour conclure, je dirais que non seulement l'association a exagéré les pertes de la radio privée mais, comme vous l'avez entendu plus tôt, celle-ci a récemment bénéficié d'une manne de plus de5 millions de dollar par année du CRTC sous forme de réduction de leurs paiements en faveur du développement des artistes canadiens.

Pour souligner le regain de vigueur des radiodiffuseurs, j'aimerais citer des observations publiées récemment dans une publication spécialisée. Il était question de Newcap Broadcasting, qui possède quinze stations de radio, d'Edmonton à St. John's:

Je vous dis, mesdames et messieurs, que les propositions révisées établissent un bon équilibre entre une rémunération suffisante pour les artistes et les producteurs et la faculté qu'ont les radiodiffuseurs de payer pour l'exploitation commerciale de dizaines de milliers de nos enregistrements sonores.

En conclusion, nous tenons à réitérer notre reconnaissance au gouvernement pour l'initiative qu'il a prise en proposant ce projet de loi, ainsi qu'aux membres du comité qui ont pris le temps de nous entendre.

Le président: Merci, beaucoup, monsieur Robertson.

Monsieur Abbott.

M. Abbott: Je vous dirai gentiment que si l'ACR a exagéré, vous avez peut-être mis un bémol de trop, parce que si je compare le tableau 3 au tableau 8, comme vous l'avez fait, où vous dites que les recettes ont connu une augmentation modeste, je dirais que la différence entre le tableau 3 et le tableau 8 est le fait que les recettes ont doublé. Pour moi, c'est plus qu'une amélioration modeste.

Je pense que vous avez invalidé votre argument au sujet de la radio AM lorsque vous parliez des vieux succès, parce que ce que vous dites essentiellement, c'est que les nouveaux artistes ne se font pas entendre à la radio, qui ne fait jouer que de vieux succès. Si l'on croit que les droits voisins constituent une indemnisation pour les droits des artistes, il me semble que ce que vous demandez vraiment, si j'en crois votre argument - et je ne cite que votre argument ici - c'est parce que l'on ne fait jouer en fait que de vieux succès, et vous voulez que les droits des artistes soient reconnus, mais on ne fait pas entendre les nouveaux artistes. J'aimerais donc savoir pourquoi il faut payer pour les nouveaux artistes qu'on ne fait même pas entendre?

Mon argument se fonde uniquement sur le vôtre. Je tiens à le dire.

M. Robertson: Monsieur Abbott, si l'on peut revenir à la première question, je ne vois pas comment les recettes ont doublé. Pour la cinquième année, si le projet de loi C-32 est adopté, en l'an 2002, c'est 3,5 millions de dollars, et si l'on applique la proposition révisée, c'est 8,8 millions de dollars.

M. Abbott: Je me suis servi de votre moyenne, lorsque vous êtes passé de 2,67 millions de dollars à 5,53 millions de dollars. J'ai noté ce chiffre et j'ai vu que l'augmentation apparaissait assez tôt.

L'autre chose, c'est que vous dites qu'il y a 35 entreprises, ou 35 propriétaires ou groupes de propriétaires, qui comprennent 55 p. 100 des stations de radio. Je peux me tromper, et vous pouvez me corriger, mais si je comprends bien, vos sept membres les plus importants sont des multinationales étrangères qui contrôlent plus de 95 p. 100 des ventes d'enregistrements canadiens.

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M. Robertson: Il s'agit de six entreprises, monsieur Abbott, et je pense que c'est à peu près80 p. 100, pour être réaliste.

M. Abbott: D'accord. Mais l'on parle de soutenir des artistes de carrière, et il y a des détails qui m'ont frappé dans votre exposé. Vous dites que vos membres de l'AICE ont investi 21 millions de dollars dans la formation d'artistes canadiens l'an dernier. C'est à votre annexe A, page 2. Cela vous rapporte un très joli profit étant donné que, selon Statistique Canada, les entreprises d'enregistrement étrangères ont réalisé un profit de 104 millions de dollars avant impôt en 1993-1994.

D'ailleurs, Statistique Canada montre que les entreprises étrangères ont touché des recettes de l'ordre de 51,4 millions de dollars cette même année avec des enregistrements à contenu canadien. Autrement dit, vos membres ont investi 21 millions de dollars dans la formation d'artistes canadiens et ont touché des recettes de l'ordre de 51,4 millions de dollars. Pour moi, c'est une belle affaire.

M. Robertson: C'est vrai. Je ne le nie pas, mais il y a aussi le niveau d'investissement... Si vous voulez l'avoir, j'ai ici la liste des artistes canadiens qui ont signé des contrats avec les grandes entreprises d'enregistrement. Il y a près de 160 artistes sur la liste. C'est un investissement important.

Elles ont également beaucoup investi dans les usines de fabrication et les systèmes de distribution. Elles distribuent également toutes les grandes marques canadiennes indépendantes au pays. Elles favorisent beaucoup les ventes au Canada et touchent des recettes internationales qui rapportent de jolies sommes à notre pays sous la forme de recettes d'exportation.

M. Abbott: Quel est le rapport avec le pauvre artiste qui gagne 13 000 $ par année? Retrouve-t-on ces artistes dans les entreprises dont nous parlons maintenant?

M. Robertson: Oui.

M. Abbott: Donc ces gens qui gagnent 13 000 $ par année collectivement investissent21 millions de dollars?

M. Robertson: Je ne vous suis pas très bien.

M. Abbott: D'accord. Je m'en tiens à ce 13 000 $ par année dont parlait la ministre. Les entreprises d'enregistrement étrangères au Canada ont touché des profits de l'ordre de 124 millions de dollars, et j'essaie de faire le rapport entre ce revenu de 13 000 $ par année et les 124 millions de dollars en profit de l'industrie de l'enregistrement.

M. Robertson: Tout d'abord, nous n'avons pas parlé de ces 13 000 $. Je ne suis pas sûr si ce chiffre vous vient seulement de l'industrie musicale ou de...

M. Abbott: Il nous vient de Statistique Canada.

M. Robertson: On trouve ici également des artistes qui n'ont pas de contrat d'enregistrement. C'est le cas de la majorité, comme vous le savez fort bien. Il faut qu'un artiste vende beaucoup pour obtenir un contrat. Je vous ai donné des chiffres qui disent en quoi consiste un succès, et il faut vendre beaucoup. Donc la majorité des artistes qui figurent dans cette étude n'ont pas de contrat d'enregistrement. Il s'agit d'artistes qui se produisent dans les petits cabarets et qui, essentiellement, arrivent à peine à gagner leur croûte.

M. Abbott: Est-ce qu'on peut dire alors que l'AICE représente essentiellement ces multinationales étrangères et les artistes très performants qui gagnent plus de 13 000 $ par année?

M. Robertson: Non. Si vous vous rappelez mon exposé, monsieur Abbott, je vous ai dit qu'il faut investir en moyenne près d'un million de dollars pour un artiste de carrière. Ces grandes multinationales investissent jusqu'à un million de dollar dans ces jeunes artistes, qui n'ont pas encore fait leurs preuves, ce qui représente à mon avis un investissement substantiel et très risqué si l'on considère qu'un enregistrement sur dix seulement fait ses frais.

M. Abbott: Ces artistes sont-il obligés de rembourser les compagnies en leur versant davantage parce qu'elles ont investi dans leurs disques?

M. Robertson: Je ne connais pas les détails de tous les contrats entre les artistes et les entreprises d'enregistrement, mais chose certaine, pour ce qui est du facteur risque, c'est l'entreprise d'enregistrement, qu'elle soit canadienne ou multinationale, qui fait cet investissement. Sans cet investissement, il n'y aurait pas d'industrie d'enregistrement, n'est-ce-pas?

M. Abbott: Changeons de sujet; à la page 15 de votre exposé, vous dites que les Canadiens qui ont enregistré à l'extérieur du Canada devraient avoir droit à la rémunération. Dans votre lettre à l'annexe G, vous dites qu'en limitant le droit à la rémunération à ceux qui ont enregistré dans un pays assujetti à la Convention de Rome, très rares seront les grands artistes canadiens qui reviendront enregistrer au Canada. Mais la ministre Copps nous a dit aux premiers jours de nos audiences que les artistes comme Céline Dion et d'autres reviendront au Canada, et elle a dit que l'industrie en profiterait grandement. S'agit-il là d'une divergence d'opinion entre vous et la ministre?

M. Robertson: Non. Je pense que nous parlons ici d'artistes canadiens qui réussissent à l'échelle internationale, n'est-ce-pas?

M. Thompson: Oui. Je ne suis pas sûr de bien comprendre la question.

M. Abbott: La ministre dit que le projet de loi C-32 fera revenir ces artistes au Canada et vous dites que non, ils ne reviendront pas. Je veux donc savoir s'il s'agit d'une divergence de vues ici entre vous et la ministre.

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M. Chater: À notre avis - corrigez-moi si j'ai tort, Ken - c'est que si l'on en juge d'après le libellé du projet de loi, si un artiste canadien qui réussit à l'échelle internationale n'est pas directement lié par contrat à une entreprise canadienne - et il pourrait s'agir de quelqu'un comme Brian Adams, par exemple, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas - il n'aurait pas droit aux paiements en vertu des droits voisins. C'est l'argument que nous faisons valoir.

Nous avons recommandé des changements à la ministre de telle sorte que les artistes qui ne sont pas liés directement par contrat à des entreprises canadiennes ne seraient pas pénalisées. Ils restent Canadiens, ils vivent ici, ils paient des impôts ici et leurs revenus reviennent au Canada.

M. Abbott: Est-ce que des Canadiens comme Alanis Morissette, qui ne vit pas au Canada, qui n'enregistre pas ici et qui ne paie pas d'impôts non plus ici, devrait profiter des droits voisins mondiaux même si elle n'enregistre pas avec une compagnie canadienne?

M. Chater: Rappelez-vous qu'Alanis Morissette est d'Ottawa. Elle est chez elle ici, et elle a passé plusieurs années ici à faire carrière. En ce moment, elle fait une tournée mondiale et elle enregistre ailleurs. Ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'elle n'est plus Canadienne, monsieur Abbott.

M. Abbott: Je ne dis pas qu'elle n'est pas Canadienne. Je veux savoir, si elle n'enregistre pas au Canada et n'est pas liée par contrat avec une entreprise canadienne, est-ce qu'elle devrait quand même profiter des droits voisins en sa qualité de Canadienne?

M. Chater: Bien sûr.

M. Abbott: Merci.

Le président: Monsieur Peric.

M. Peric (Cambridge): Merci, monsieur le président.

Monsieur Robertson, votre exposé sur les radiodiffuseurs était très bon. Pouvez-vous nous dire quels étaient les revenus des 28 membres de votre association - et M. Abbott a mentionné qu'il y avait parmi eux six multinationales - disons, l'an dernier?

M. Robertson: Je dirais que c'est de l'ordre d'environ 750 millions de dollars.

M. Peric: Pouvez-vous nous décrire toute l'opération après que l'artiste a signé son contrat - comment vous faites sa promotion, combien de temps et d'argent vous consacrez à sa promotion, combien il vous faut donner aux stations de radio pour la promotion et tout le reste? Où investissez-vous et comment partagez-vous avec l'artiste et ainsi de suite?

M. Robertson: Je veux bien essayer. Je ne crois pas que nous en ayons le temps, mais chose certaine...

M. Peric: Vous avez eu assez de temps pour nous parler des stations de radio et du reste.

M. Robertson: Chaque entreprise d'enregistrement, qu'elle soit multinationale ou indépendante, dispose de ce que l'on appelle un service «A et R», ce qui veut dire «artiste et répertoire». Ce service se consacre strictement à la découverte de nouveaux artistes, de nouveaux talents et de nouvelles musiques, et à déterminer s'il y a là des artistes qui vont faire carrière. Je souligne le mot «carrière» parce qu'un seul enregistrement n'intéresse personne. On recherche des artistes qui vont faire carrière.

Ce service A et R cherche des artistes. Il y a beaucoup de concurrence, non seulement entre les multinationales, mais aussi entre les entreprises indépendantes, sans compter les entreprises qui ne sont pas établies au Canada, par exemple les entreprises américaines. Tout le monde cherche le succès de demain.

M. Peric: La prochaine grande vedette.

M. Robertson: Idéalement. On cherche toujours la prochaine Céline Dion.

M. Peric: Et les profits.

M. Robertson: J'appelle tout cela la recherche-développement. Une fois qu'on a découvert l'artiste et qu'on lui a fait signer un contrat, il existe tout un processus qui permet de déterminer s'il a la faculté de se produire devant de grandes salles ou dans des cabarets. Il faut trouver des chansons car ce ne sont pas tous les artistes qui peuvent composer. Il faut toujours prendre cela en considération, parce qu'il y en a qui composent et d'autres non. Le meilleur exemple de ceux qui ne composent pas, c'est Céline Dion. Lorsque l'artiste compose, c'est un avantage tant pour l'artiste que pour l'entreprise d'enregistrement. Éventuellement, on enregistre. Il faut entre trois mois et un an et demi pour tout faire en studio.

Une fois qu'elle a l'enregistrement, l'entreprise verse habituellement des avances à l'artiste, ce qui l'aide dans sa vie de tous les jours et lui permet d'acheter des instruments, de faire sa tournée et de vivre essentiellement jusqu'à ce que le disque soit lancé et que l'on touche des recettes. Une fois le disque lancé, il y a tout un processus de marketing qui se met en branle, processus qui peut être extrêmement coûteux.

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Comme je vous l'ai expliqué, la radio jouait autrefois un rôle beaucoup plus grand que maintenant. Elle a encore un rôle à jouer dans certains cas, mais les entreprises d'enregistrement doivent montrer beaucoup plus d'audace dans la recherche de nouveaux débouchés.

Pour tester le marché, nous avons utilisé la correspondance directe et des lignes musicales sans frais qui permettent d'écouter l'enregistrement en composant seulement un numéro. L'un des griefs qu'on entend le plus souvent aujourd'hui tient au fait qu'il existe moins d'endroits où l'on peut écouter de la musique, et ce, pour diverses raisons. Voilà le processus, pour l'essentiel.

M. Peric: Comment ce service de marketing vend-il les disques? Est-ce qu'il les livre directement au magasin? Est-ce qu'il pressent les stations et leur envoie un...?

M. Robertson: Bien sûr, on pressent les stations de radio.

M. Peric: Les stations de radio font-elles payer pour faire jouer cette musique?

M. Robertson: Non.

M. Peric: Elles ne vous demandent rien.

M. Robertson: Non.

M. Peric: D'accord. Étant donné que vous connaissez parfaitement les radiodiffuseurs, pouvez-vous nous dire combien de temps ils consacrent à la promotion - selon vous, gratuitement?

M. Robertson: Qui, les radiodiffuseurs?

M. Peric: Oui.

M. Robertson: Les stations qui font jouer les nouveaux enregistrements sont très utiles. Nous ne le leur reprochons pas ce qu'elles font; ce que nous leur reprochons, ce sont leurs créneaux étroits dans leur programmation.

M. Peric: Combien vous en coûterait-il pour acheter ce temps d'antenne?

M. Robertson: Combien nous en coûterait-il?

M. Peric: Oui.

M. Robertson: C'est difficile à dire.

M. Peric: C'est difficile à dire.

M. Robertson: Si je comprends bien le projet de loi C-32, on a donné réponse à cette question. Nous ne sommes pas nécessairement d'accord avec cette réponse. La Commission du droit d'auteur devra prendre cela en compte lorsque nous la rencontrerons.

M. Peric: J'ai une dernière question, monsieur le président.

Le président: D'accord, mais rapidement.

M. Peric: Qu'elle est la part de vos recettes que vous partagez avec l'artiste?

M. Robertson: Il s'agit d'un accord contractuel. Les redevances varient.

M. Peric: Donnez-moi un pourcentage, disons, entre un minimum et un maximum.

M. Robertson: Je ne peux pas vous le dire.

M. Peric: Pouvez-vous nous communiquer cette information, s'il vous plaît?

M. Robertson: Je tâcherai de le faire, bien sûr.

M. Peric: Merci.

Le président: Nous avons deux dernières questions, une de M. Bélanger et une autre deM. Abbott, après quoi nous lèverons la séance.

M. Bélanger: Merci, monsieur le président.

J'aimerais savoir monsieur, lorsque vous calculez vos profits ou votre rentabilité, si vos membres prennent en compte leurs frais d'intérêts.

M. Robertson: Dans le calcul de la rentabilité?

M. Bélanger: Oui.

M. Robertson: Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, monsieur Bélanger. Désolé.

M. Bélanger: Ce serait intéressant à savoir, parce que si l'on demande aux stations de radio de ne pas inclure leurs frais d'intérêts lorsqu'elles déterminent leur rentabilité, j'aimerais savoir ce que vos membres font.

M. Robertson: Bien sûr.

M. Bélanger: Deuxièmement, à votre avis, le projet de loi C-32, dans son libellé actuel, aura-t-il pour effet d'attirer au Canada des artistes qui n'enregistrent pas à l'heure actuelle au Canada, qui ne sont pas Canadiens, et qui viendraient enregistrer chez nous afin d'appartenir à l'un des pays du Club de Rome? Vous ne pensez pas?

M. Robertson: Non, pas du tout.

M. Bélanger: Merci.

Enfin, lorsque vous mettez un artiste sous contrat, est-ce que vous...? Je n'ai jamais vu de contrat normal. Existe-t-il un contrat normal?

M. Robertson: Je ne crois pas.

M. Bélanger: Est-ce qu'on demande aux artistes de vous céder leurs droits d'auteur de telle sorte que les revenus de ces droits sont versés à vos compagnies afin que vous puissiez d'abord faire vos frais?

M. Robertson: Non, monsieur Bélanger. L'entente, chose certaine en ce qui concerne les droits voisins, comme vous le savez, prévoit un partage moitié-moitié entre l'artiste et l'entreprise d'enregistrement. Les recettes de l'artiste lui sont versées directement. Ce n'est jamais versé...

M. Bélanger: Je ne parle pas des droits voisins ici; je parle des droits qui sont...les droits de la SOCAN, et tout le reste, des autres droits qui permettent aujourd'hui à l'artiste de toucher des redevances. Est-ce qu'ils vous cèdent ces droits à la signature?

M. Robertson: Je ne peux pas vous donner une réponse qui s'applique à tous car chacun négocie une entente séparée.

M. Bélanger: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Abbott, une brève question.

M. Abbott: J'ai une dernière brève question. C'est un sujet dont nous parlions tout à l'heure, un citoyen canadien qui accède à la renommée internationale.

Nous semblons tous reconnaître que le plus gros marché est le marché américain et que c'est là que les artistes assoient leur réputation mondiale.

M. Robertson: C'est juste.

M. Abbott: Si j'ai compris, vous préconisez qu'une personne, ayant enregistré ses oeuvres dans une maison canadienne, ou ailleurs, cette personne possédant la citoyenneté canadienne, puisse recevoir ses chèques de redevances, de droits voisins ou toute autre somme qui lui revient à son adresse aux États-Unis, si c'est là qu'elle a choisi d'élire domicile, n'est-ce pas? Ce faisant, quel avantage l'industrie canadienne et le Canada en tirent-ils?

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M. Robertson: Je pense que cela ne concerne qu'une poignée d'artistes qui vivent à l'étranger. Sauf le respect que je vous dois, vous me donnez là un exemple bien limité, monsieur Abbott. La plupart des artistes résident au Canada, comme vous le savez, car c'est ici qu'ils ont élu domicile. Ainsi, le gros de ces sommes reviendra au Canada.

M. Abbott: Alors, pourquoi cette exception si elle ne touche qu'un petit groupe de gens?

M. Robertson: Parce qu'il est juste et raisonnable qu'un artiste canadien qui a poursuivi sa carrière au départ au Canada et qui pour une raison quelconque...

Je vais vous donner un exemple. Joni Mitchell, vous le savez sans doute, ferait partie de ce groupe. Elle a une propriété à Los Angeles. Elle en a aussi une autre en Colombie-Britannique. Elle se partage entre les deux. Voudriez-vous qu'elle soit pénalisée parce que...

M. Abbott: Tout dépend d'où elle a enregistré, si c'était avec une maison canadienne ou non.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Robertson. Je remercie aussi vos collègues. Merci de votre temps.

La séance est levée.

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