[Enregistrement électronique]
Le mardi 5 novembre 1996
[Français]
Le président: Je déclare la séance de ce soir ouverte. Nous allons poursuivre l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
Ce soir, à notre table ronde, nous recevons trois institutions:
[Traduction]
l'Association des producteurs et distributeurs du média d'éducation du Canada, représentée parM. John Fisher, président du droit d'auteur;
[Français]
le Front des créateurs pour la défense du droit d'auteurs, représenté par Mme Diane Lamarre, coordonnatrice; et l'Association nationale des éditeurs de livres, représentée par M. Antoine Del Busso, président.
On donnera l'occasion à chacun de s'exprimer et de donner son point de vue, après quoi ce sera la période de questions des députés. Il n'y aura pas d'ordre de préséance. Les gens qui voudront s'inscrire le feront. Ce sera un échange ouvert, jusqu'à ce qu'on ait terminé ce soir.
[Traduction]
La séance de ce soir prendra la forme d'une table ronde. Vous pourrez vous exprimer chacun à votre tour, après quoi nous tiendrons une discussion ouverte au cours de laquelle nous échangerons librement des questions et des réponses.
Monsieur Fisher, vous avez la parole.
M. John Fisher (président du droit d'auteur, Association des producteurs et distributeurs du média d'éducation du Canada): Merci, monsieur le président.
Je veux tout d'abord remercier le comité de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui pour présenter nos vues sur les modifications proposées à la Loi sur le droit d'auteur. En tant que producteurs et distributeurs de documents pédagogiques audiovisuels, nous sommes d'avis qu'une Loi sur le droit d'auteur efficace est essentielle au bien-être et à la survie de notre secteur, ainsi que des entreprises et des travailleurs que notre association représente.
Contrairement à la plupart des autres secteurs de l'industrie cinématographique, nous ne recevons aucune aide fédérale et nous ne sommes soumis à aucune réglementation particulière; nos entreprises sont traitées comme toutes les autres. Ce sont pour la plupart de petites entreprises canadiennes indépendantes. Et comme la majorité de nos membres distribuent également la production d'autres entreprises, nous représentons indirectement des centaines, sinon des milliers d'autres producteurs et réalisateurs canadiens.
Malgré la petite taille de notre secteur, nous fournissons environ 90 p. 100 des documents pédagogiques audiovisuels dont se servent les écoles canadiennes. Il est important de souligner que, même sans la réglementation et l'appui financier dont bénéficient les autres secteurs de l'industrie cinématographique, environ 40 p. 100 des émissions vendues par nos membres sont des productions canadiennes, ce que je considère comme une réalisation remarquable dans les circonstances.
Bon nombre des changements proposés à la Loi sur le droit d'auteur, s'ils sont adoptés dans leur forme actuelle, vont nuire à notre secteur à un point tel que nous craignons pour notre survie même.
Ces changements n'ont probablement pas été apportés expressément dans l'intention de nous nuire. Bon nombre des dispositions proposées sont rédigées de façon ambiguë et ne reflètent pas les intentions du gouvernement, d'après ce que nous ont dit les ministères responsables de l'application de la Loi sur le droit d'auteur. Nous pensons que ces dispositions pourraient être clarifiées facilement grâce à quelques modifications de forme; nous vous présentons des recommandations précises à ce sujet dans notre mémoire écrit. Je me ferai un plaisir de passer ces dispositions en revue de façon plus détaillée après les présentations des autres groupes de témoins.
Certaines autres dispositions sont cependant fondées sur des principes que nous jugeons inappropriés pour le Canada; à notre avis, elles sont injustes et pourraient porter préjudice aux droits des citoyens qui gagnent leur vie avec leurs idées, en créant des produits artistiques, culturels et éducatifs. Lorsque le comité étudiera les mesures proposées, il pourrait facilement se laisser distraire par la forme et le détail des propositions et des dispositions, et perdre ainsi de vue bon nombre des principes et des prémisses sur lesquels repose notre société.
Nous vous demandons par conséquent de tenir compte des considérations suivantes lorsque vous entreprendrez votre examen du projet de loi. Premièrement, il est important de reconnaître que l'oeuvre d'un créateur est sa propriété privée. Les modifications proposées prévoient des exceptions qu'il faudrait plutôt qualifier d'expropriations, puisqu'elles auraient effectivement pour résultat de dépouiller de simples citoyens de biens qui leur appartiennent en propre.
Nous reconnaissons que l'expropriation est une pratique appliquée assez couramment dans le secteur immobilier, lorsque la société et les gouvernements estiment que c'est dans l'intérêt public, mais les propositions contenues dans le projet de loi porteraient atteinte à la propriété privée de certaines personnes sans autre forme de procès, et sans compensation juste et équitable. Êtes-vous prêts personnellement à appuyer ce principe, et à l'appliquer également à des biens matériels? Votre parti défend-il ce principe? Va-t-il l'appliquer dans d'autres domaines, et à d'autres types de biens, si cela peut aussi être dans l'intérêt public? Si vous n'êtes pas d'accord, nous croyons que vous devez rejeter les exceptions proposées.
Deuxièmement, nous vous demandons de tenir compte du principe bien canadien selon lequel le financement de l'éducation est une responsabilité publique. La loi n'oblige aucun autre secteur desservant les établissements d'enseignement à le faire sans compensation - ni les enseignants, ni les architectes, ni les constructeurs, ni les fournisseurs de papiers ou de craies. Les créateurs ne devraient pas être tenus d'appuyer le système d'éducation plus qu'eux, autrement que par les taxes qu'ils paient déjà.
Dans les mémoires qu'ils ont soumis, la plupart des intervenants du secteur de l'éducation disent appuyer le principe d'une juste rémunération pour les créateurs, mais ils demandent quand même des exceptions. Ils invoquent en particulier le fait que les budgets consacrés à l'éducation ont diminué considérablement au cours des dernières années et que le secteur de l'éducation n'a tout simplement pas les moyens de payer le matériel dont les écoles ont besoin pour devenir véritablement des centres d'apprentissage efficaces.
Nous vous demandons de garder les faits suivants à l'esprit quand vous envisagerez leurs demandes. Les budgets consacrés à l'éducation au Canada n'ont pas baissé ces dernières années. En fait, ils ont augmenté substantiellement. Les hausses à ce chapitre ont même dépassé le taux de croissance de la population étudiante, de même que le taux d'inflation. S'il n'y a pas suffisamment de fonds disponibles pour acheter du matériel pédagogique, c'est parce que les gens du secteur de l'éducation ont choisi de dépenser leurs budgets croissants autrement, surtout pour les salaires.
Les budgets réservés à l'éducation ont augmenté de plus de 32 p. 100 entre 1989 et 1993, mais l'achat de ressources pédagogiques par les établissements d'enseignement du Canada a diminué de près de 18 p. 100, et ce pourcentage passe à plus de 37 p. 100 quand on tient compte des dépenses par élève.
Avec un budget national de plus de 55 millions de dollars consacré à ce secteur, il y a certainement assez de fonds disponibles pour payer toutes les ressources pédagogiques dont les établissements d'enseignement ont besoin. C'est simplement une question de priorités, et cela relève des provinces et des administrations locales.
Le troisième aspect dont nous vous demandons de tenir compte dans votre examen détaillé du projet de loi, c'est celui de la survie des producteurs canadiens d'outils pédagogiques audiovisuels. Comme vous pouvez le constater, notre secteur est petit, et très fragile. Depuis dix ans, nous avons dû faire face à une baisse constante des budgets consacrés à l'achat de ressources pédagogiques et, avec l'avènement des nouvelles technologies, beaucoup de nos oeuvres ont été copiées et utilisées sans que leurs créateurs soient indemnisés.
Comme tout le monde ici le sait très bien, les gouvernements de tous les niveaux réduisent leurs dépenses par les temps qui courent. Les activités culturelles et éducatives sont sans doute les plus touchées. Les industries culturelles se sont fait dire clairement de s'habituer à recevoir moins d'aide et à se débrouiller seules. Or, il nous sera beaucoup plus difficile d'y arriver si les exceptions proposées sont adoptées. Ces exceptions vont réduire considérablement nos revenus, et nous rendre plus vulnérables et plus dépendants du soutien gouvernemental, actuellement à la baisse ou déjà supprimé dans certains cas.
L'accessibilité est le quatrième point sur lequel nous vous demandons de vous pencher. Notre secteur, comme à peu près tous ceux qui s'occupent de création, reconnaît que les usagers doivent avoir accès à nos oeuvres à des prix justes et équitables, grâce à des mécanismes exigeant un minimum d'effort et d'administration.
Il est clair que nous profiterions tous d'une meilleure diffusion de nos oeuvres, à condition qu'on nous accorde une compensation juste et équitable. Nous reconnaissons qu'il est actuellement difficile, parfois même impossible, de reproduire légalement des émissions de télévision. Au cours des dix dernières années, notre secteur a déployé des efforts considérables pour mettre en place un mécanisme qui permettrait d'améliorer l'accessibilité à ces émissions en toute légalité. Nous appuyons donc les tentatives du gouvernement pour aider, par voie législative, à l'établissement d'un mécanisme qui permettra l'accès sous licence, avec compensation, aux émissions de télévision. Malheureusement, non seulement le régime proposé est inapplicable, mais il n'est pas viable financièrement.
La proposition qui a été déposée risque de semer le chaos et l'ambiguïté sur le marché et aura pour effet, concrètement, d'exempter les milieux scolaires des dispositions relatives au droit d'auteur, parce qu'une ou plusieurs des sociétés de gestion collectives ne seront pas viables et finiront par fermer leurs portes. En vertu des dispositions proposées, cette situation entraînerait une exception automatique pour l'éducation.
Il en résulterait pour notre secteur un manque à gagner important, à cause de ces expropriations qui finiraient par précipiter notre déclin et peut-être même notre disparition. Ce sont surtout les producteurs canadiens qui verraient leurs revenus diminuer, parce que leurs émissions sont les plus susceptibles d'être reproduites en vertu du régime proposé.
Si la production de matériel pédagogique n'est plus viable au Canada, qui va produire des ressources pédagogiques canadiennes pour les écoles?
Je vous remercie de votre intérêt. J'attends vos questions avec impatience, et je vais faire de mon mieux pour y répondre avec honnêteté et exactitude.
Le président: Merci, monsieur Fisher.
[Français]
Mme Diane Lamarre (coordonnatrice, Front des créateurs pour la défense du droit d'auteur): Je suis ici ce soir pour représenter le Front des créateurs pour la défense du droit d'auteur, qui est un regroupement formé à la suite du dépôt du projet de loi C-32 par huit associations professionnelles et sociétés de gestion collective des droits d'auteur qui sont toutes membres de la Coalition canadienne des créateurs et des titulaires de droit d'auteur.
Ces huit organismes représentent plus de 30 000 personnes: des auteurs d'oeuvres musicales, littéraires, dramatiques et audiovisuelles, des compositeurs, des réalisateurs et des artistes en arts visuels.
Comme vous le savez certainement déjà, l'industrie culturelle canadienne est un secteur de l'économie qui est responsable de plus de 500 000 emplois directs et indirects. Sa contribution au produit national brut a été évaluée à près de 22 milliards de dollars, soit 3,7 p. 100 de l'économie en 1990-1991.
Nous apprécions tous chaque jour les produits de cette industrie, qu'il s'agisse des livres, journaux ou revues que nous lisons, des disques, des films ou des émissions de télévision que nous écoutons, des concerts ou représentations théâtrales auxquels nous assistons, ou même des peintures, des sculptures et des photographies avec lesquelles nous vivons et que nous apprécions au quotidien.
Or, nous oublions trop souvent les gens qui créent la matière première, les gens qui sont à l'origine de ces oeuvres et productions artistiques: les créateurs.
Les créateurs sont en général des travailleurs autonomes. Ils investissent leur temps, leur énergie et leur talent dans la création d'oeuvres, de la même manière que le font un grand nombre d'entrepreneurs indépendants, dans l'espoir d'assurer le succès de leur entreprise et d'en vivre convenablement.
Comme tout entrepreneur, ils doivent être compensés pour toutes les utilisations qui sont faites des produits de leurs créations, du résultat de leur travail.
La Loi sur le droit d'auteur est le seul outil juridique qui leur assure cette protection en leur permettant de contrôler les utilisations qui sont faites de leurs oeuvres et d'en obtenir une juste rémunération.
Il faut comprendre qu'en pratique, les redevances perçues en contrepartie de la concession du droit d'utilisation de leurs oeuvres est, dans bien des cas, la seule source de revenu d'un auteur pour son travail de création.
Nous croyons qu'il est aussi très important de vous faire part du fait que, malgré l'existence de la Loi sur le droit d'auteur, la réalité des créateurs et des sociétés de gestion et associations professionnelles qui les représentent, est qu'ils doivent constamment, jour après jour depuis des années, revendiquer le respect de leurs droits auprès des différents utilisateurs, devant même trop souvent investir de fortes sommes pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux.
Dans ce contexte, l'importance d'une Loi sur le droit d'auteur qui soit solide et efficace est indéniable. C'est pourquoi nous demandons qu'elle accorde aux créateurs une protection réelle qui tienne compte des réalités d'aujourd'hui et qu'elle assure un accès aux oeuvres, mais dans le respect du principe de la libre négociation.
À ce niveau, le Front des créateurs fait siennes les revendications mises de l'avant depuis maintenant plusieurs années par les membres de la Coalition des créateurs et des titulaires de droit d'auteur, soit: la confirmation du créateur comme premier titulaire des droits sur son oeuvre; la reconnaissance aux artistes-interprètes, dans une section spécifique de la loi, de droits sur leur interprétation d'une oeuvre, que celle-ci soit musicale, littéraire, dramatique ou chorégraphique; l'attribution d'un droit de suite aux artistes en arts visuels; l'octroi à tous les types d'oeuvres d'une durée égale de protection; l'utilisation de définitions technologiquement neutres; une compensation pour les utilisations privées de tous les types d'oeuvres par le biais d'une redevance perçue sur tous les appareils et tous les supports permettant la reproduction; l'introduction d'un droit de location pour toutes les oeuvres protégées par la loi, au bénéfice de tous les titulaires de droit; l'élimination de toute exception à la protection des oeuvres; et la protection des droits des créateurs par des recours et sanctions adéquats et adaptés aux réalités contemporaines.
Certes, nous pourrions conclure, à première vue, que le projet de loi C-32 répond à certaines de ces demandes. Or, quand il le fait, il le fait mal et souvent de façon incomplète.
Avant que je ne procède plus avant, permettez-moi de vous souligner que le but de notre mémoire et de notre présentation d'aujourd'hui n'est pas d'entrer dans le détail du projet de loi C-32, mais de formuler un rappel des notions plus générales qui ont trait aux droits des auteurs et à leur gestion.
En ce qui a trait aux dispositions relatives aux droits voisins, nous tenons à vous souligner que les associations membres du Front des créateurs appuient depuis maintenant plusieurs années les représentants des artistes-interprètes dans leurs revendications afin d'obtenir la reconnaissance de droits voisins dans la Loi canadienne sur le droit d'auteur.
Les représentations faites à cet égard par les différents organismes et regroupements ont, pendant toutes ces années, toujours précisé que les droits voisins devaient faire l'objet d'une section spécifique de la loi et ne devaient d'aucune manière empiéter sur le droit d'auteur ou porter atteinte au droit d'auteur ou à son exercice.
Or, le projet de loi C-32 prévoit, dans sa partie II, la reconnaissance de droits d'auteur aux artistes-interprètes et aux producteurs d'enregistrements sonores ainsi qu'aux radiodiffuseurs. Un tel libellé crée une situation confuse qui préoccupe grandement les auteurs que nous représentons.
Les artistes-interprètes, les producteurs et les radiodiffuseurs ne sont pas les auteurs des oeuvres sur lesquels ces droits sont reconnus. Nous considérons qu'il est essentiel, d'un point de vue juridique, que le législateur maintienne une distinction entre les droits d'auteur et les droits qu'on appelle, d'ailleurs très justement, les droits voisins du droit d'auteur.
La reconnaissance de la copie privée est une autre initiative du projet de loi C-32 que nous considérons incomplète, puisqu'elle porte sur les supports sonores uniquement. La reproduction privée d'oeuvres protégées par la Loi sur le droit d'auteur est une pratique illégale, qui est grandement répandue mais, hélas, impossible à contrôler. C'est une pratique qui a trait non seulement à la reproduction d'oeuvres musicales mais à tous les types d'oeuvres visés par la loi.
Dans le contexte actuel, où il n'est question que d'oeuvres multimédia, et alors que les nouvelles technologies permettent la reproduction de tous les types d'oeuvre sans perte de qualité, l'application limitée du principe de la copie privée, telle que proposée dans le projet de loi C-32, nous semble déjà quasi désuète. D'ici quelques années, les supports sonores ne représenteront qu'une part minime du marché de la reproduction à domicile, et les auteurs continueront de voir leurs oeuvres produites illégalement sans recevoir de compensation pour celles-ci.
Nous sommes d'avis que la Loi sur le droit d'auteur doit employer des définitions technologiquement neutres, de manière à ce que son application ne soit pas limitée par le type de support de création, de diffusion ou de reproduction des oeuvres.
Comme dernier exemple de modifications incomplètes proposées par le projet de loi C-32, nous tenons à souligner le cas du droit de location.
La Loi sur le droit d'auteur reconnaît depuis maintenant quelques années un droit de location sur les oeuvres musicales au profit des producteurs d'enregistrements sonores uniquement. Le projet de loi C-32 étend cette reconnaissance aux créateurs et aux interprètes, ce qui est en soi une heureuse initiative que nous saluons.
La location de différents types d'oeuvres, c'est-à-dire autres que musicales, est une pratique de plus en plus répandue. Nous n'avons qu'à penser à la location de best-sellers qui se fait dans les bibliothèques ou à la location d'oeuvres artistiques qui se fait dans des commerces spécialisés. Cette pratique permet aux gens d'avoir accès à des oeuvres à un coût beaucoup moindre que celui de l'achat, mais elle a aussi pour effet de priver les créateurs des revenus qui seraient générés par la vente d'exemplaires de celles-ci. Nous sommes d'avis que le droit de location devrait pallier à cette iniquité.
En ce qui a trait aux revendications du Front des créateurs qui ne trouvent pas écho dans le projet de loi C-32, mentionnons la reconnaissance du créateur comme premier titulaire des droits sur son oeuvre. Les oeuvres doivent être traitées comme toute autre forme de propriété privée. La loi doit reconnaître sans distinction à leurs auteurs des droits permanents qui permettent d'en contrôler l'utilisation et de recevoir une compensation pour celles-ci, que ces auteurs soient des écrivains, des scénaristes, des peintres, des auteurs-compositeurs, des réalisateurs ou des photographes.
La durée de protection des oeuvres doit aussi être la même pour tous les auteurs et titulaires de droits, sans égard au type d'oeuvre ou au médium de création.
En ce qui a trait aux dispositions du projet de loi relatives à la durée de protection sur les oeuvres posthumes, nous sommes d'avis que la loi doit maintenir la protection à perpétuité sur les oeuvres non publiées.
Finalement, les créateurs demandent depuis maintenant plusieurs années que la Loi sur le droit d'auteur reconnaisse un droit de suite aux artistes en arts visuels, afin de leur permettre de bénéficier de l'augmentation de la valeur de leurs oeuvres et d'être ainsi associés à leur vie économique.
Actuellement, seuls les collectionneurs tirent profit du succès d'un artiste par la revente successive de ses oeuvres. Le droit de suite, qui est actuellement reconnu dans plusieurs pays à travers le monde, vient pallier à cette iniquité.
Comme dernier point, nous traiterons de la partie du projet de loi C-32 qui touche, pour ne pas dire qui blesse, très certainement le plus les créateurs. Il s'agit, bien entendu, des exceptions. Sous prétexte d'une recherche d'équilibre entre le droit des créateurs à la protection de leurs oeuvres et le droit des utilisateurs à avoir accès à celles-ci, le gouvernement propose, dans le projet de loi C-32, l'introduction de nombreuses nouvelles exceptions et limitations qui exproprient les créateurs de leurs droits au profit des établissements d'enseignement, bibliothèques, musées et archives, ainsi que des personnes ayant des déficiences perceptuelles.
Le but de ces exceptions est présumément de faciliter l'accès aux oeuvres. Nous croyons qu'elles visent plutôt à leur en assurer la gratuité et nous considérons cette situation inacceptable.
Les sociétés de gestion collective, dont l'existence et le rôle ont été expressément reconnus dans la phase I de la révision de la loi, facilitent l'accès aux oeuvres tant au plan pratique que monétaire.
Elles accordent aux utilisateurs institutionnels, telles les maisons d'enseignement, des licences générales d'utilisation qui, dans certains cas, garantissent une tarification préférentielle à certaines catégories d'usagers. À titre d'exemple, mentionnons l'entente qui existe entre l'Union des écrivaines et écrivains québécois et le ministère de l'Éducation du Québec, qui permet aux maisons d'enseignement de photocopier, sans autorisation préalable, mais en respectant certaines normes, toutes les oeuvres du répertoire international de l'UNEQ en contrepartie d'une somme forfaitaire.
Une entente semblable a été signée en 1994 entre l'UNEQ, CANCOPY, son équivalent canadien, et le gouvernement fédéral. Une telle entente existe aussi entre la SODRAC et l'Institut national canadien pour les aveugles relativement à la reproduction sonore d'oeuvres littéraires. Les exceptions proposées viennent affaiblir et parfois même invalider l'application de telles licences qui ont, dans certains cas, fait l'objet d'années de négociations intensives. Par le fait même, elles affaiblissent le rôle des sociétés de gestion, qui est justement de négocier ces droits.
Nous considérons qu'il s'agit là d'un illogisme et soumettons que le gouvernement doit continuer de respecter le principe de la libre négociation entre les usagers et les sociétés de gestion collective de droit d'auteur.
À défaut d'entente sur le montant des redevances à être versées, les parties pourront s'adresser à la Commission du droit d'auteur, qui a pour mandat d'assurer un accès équitable aux oeuvres protégées.
En ce qui a trait au contenu du projet de loi en tant que tel, nous avons choisi de ne pas effectuer une analyse article par article des exceptions, laissant plutôt cela au soin des associations membres du Front des créateurs. Nous tenons toutefois à mentionner que nous considérons que la rédaction de certains de ces articles porte grandement à confusion.
Il ne fait aucun doute pour nous que cette section de la loi crée un épais brouillard au niveau de l'interprétation et qu'elle deviendra rapidement un nid à procès, ce qui entraînera des coûts énormes pour les créateurs.
Par ailleurs, nous croyons que les modalités d'application de ces articles sont, dans certains cas, à ce point complexes qu'elles seront excessivement difficiles, pour ne pas dire tout simplement impossibles à gérer, tant pour les créateurs que pour les usagers.
Finalement, nous considérons qu'il revient aux maisons d'enseignement, de même qu'aux musées et aux bibliothèques, dont la vocation première est de sensibiliser et d'éduquer, de donner l'exemple du respect des droits, ceux des créateurs autant que tous les autres.
Par ailleurs, si ces institutions trouvent le moyen de payer leurs fournisseurs de biens et de services, nous comprenons difficilement pourquoi il n'en serait pas de même pour les droits d'auteur.
Soyons clairs: les créateurs ne s'opposent aucunement à ce que leurs oeuvres soient rendues accessibles au plus vaste public possible. Au contraire. La question n'est pas de limiter l'accès aux oeuvres, mais de garder les créateurs associés à toutes les utilisations qui en sont faites.
Pour ces motifs, nous nous opposons formellement à l'inclusion de ces exceptions et limitations et demandons le respect du principe de la libre négociation.
En conclusion, les créateurs que nous représentons demandent que l'objectif principal de la Loi sur le droit d'auteur, soit la protection de leurs intérêts, soit respecté et que l'accès aux oeuvres pour les usagers soit assuré par le respect du principe de la libre négociation et non par l'usurpation de leurs droits et, par le fait même, de leur gagne-pain.
Le projet de loi C-32, attendu depuis plus de huit ans par les créateurs, ne constitue pas une amélioration de leurs droits, mais un recul par rapport à leur situation actuelle. Non seulement ne répond-il pas aux besoins mis de l'avant depuis maintenant plusieurs années, mais lorsqu'il tente d'y répondre, il échoue.
Au surplus, il exproprie les créateurs de leur droit exclusif d'autoriser ou non l'utilisation de leurs oeuvres et de la possibilité d'être rémunérés pour celles-ci et renie par le fait même le rôle des sociétés de gestion collective que la phase I de la révision de la loi a justement reconnues.
Compte tenu de cela, les organismes membres du Front des créateurs considèrent que les changements proposés ne constituent pas une véritable réforme de la Loi sur le droit d'auteur et se déclarent insatisfaits du projet de loi C-32.
Au nom des associations membres du Front des créateurs, j'aimerais vous remercier de nous avoir permis d'exprimer notre point de vue devant vous aujourd'hui.
M. Antoine Del Busso (président, Association nationale des éditeurs de livres): Bonsoir.
Je me vois obligé de faire une observation préliminaire pour corriger une impression négative de notre mémoire, que vous avez déjà reçu, dans lequel nous affirmons la position qui consiste à demander le retrait du projet de loi si des amendements n'y sont pas apportés.
Je m'empresse donc de dire tout de suite que notre position est moins radicale qu'elle n'en a l'air. Fondamentalement, notre association reconnaît qu'il y a des choses extrêmement positives dans ce projet de loi et nous voulons les saluer. Une mise à jour s'imposait, et elle est faite.
Deuxièmement, il y a un droit de distribution exclusive qui est reconnu et auquel nous tenons beaucoup. Donc, il y a des éléments intéressants dans cette loi. Nous sommes néanmoins déçus. On voudrait faire un certain nombre de suggestions pour améliorer la loi en question.
Je m'éloignerai du texte que vous avez reçu pour faire valoir un certain nombre de points. J'aimerais vous dire, d'abord, que notre association représente une centaine de maisons d'édition de langue française au Canada. La plupart d'entre elles sont au Québec, mais il y a aussi des maisons qui sont à l'extérieur du Québec, dans les autres provinces canadiennes. En fait, nous sommes le pendant de l'Association of Canadian Publishers qui a déjà, je crois, présenté sa propre position il y a quelques jours.
Fondamentalement, notre position rejoint assez celle de nos collègues du Canada anglais. Je voudrais dire quand même que notre déception tient à un certain nombre de points. Le premier a trait à la la question des exceptions. Mes collègues l'ont déjà amplement soulignée, mais je voudrais attirer votre attention sur un certain nombre de choses.
Premièrement, nous pensons que ces exceptions sont mauvaises en elles-mêmes et nous voulons revenir à l'esprit de la Convention de Berne, à laquelle le Canada est signataire, et qui dit tout simplement qu'on peut permettre des exceptions «pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur». Cela résume assez bien le principe sur lequel nous voulons baser nos observations. C'est à ce principe que nous allons nous en référer.
Pourquoi sommes-nous déçus et voulons-nous apporter des changements vraiment importants à ce projet de loi? Tout d'abord, parce qu'il nous semble reposer sur un faux principe. Ce faux principe est celui de la volonté de chercher un équilibre entre, d'une part, les usagers et, d'autre part, les détenteurs de droits.
En ce qui a trait à l'édition, le problème ne se pose pas dans ces termes parce que les éditeurs sont, par définition, des gens qui ont comme profession de rendre accessibles des oeuvres et de les exploiter, donc de les diffuser au maximum. En soi, nous ne sommes pas des obstacles à la diffusion des oeuvres. Au contraire, nous croyons que le respect de la propriété intellectuelle est ce qui permet une plus grande diffusion des oeuvres. Le non-respect de la propriété intellectuelle et du droit d'auteur est finalement la meilleure façon de nuire à l'accessibilité des oeuvres.
D'autre part, il y a des critères qui sont, à notre avis, non valables, qui sont faux, quant à la justification des fameuses exceptions. Quels sont ces critères? Dans beaucoup de dispositions du projet de loi, on fait appel à l'identité de l'usager, à ses intentions et à la nature de l'oeuvre qu'on veut reproduire. Nous soutenons que ces critères ne devraient pas entrer en ligne de compte, que ce devraient être des critères purement objectifs. Nous reconnaissons qu'il peut y avoir des exceptions, mais ces exceptions doivent être basées sur des critères vraiment objectifs.
J'ai utilisé, dans une autre présentation, l'image suivante. On ne peut, sous prétexte d'aller visiter un malade, voler des fruits dans un magasin pour les présenter au malade. C'est une façon de dire que, si nous voulons accomplir un bon geste, ce n'est pas la peine d'expliquer ce qu'on veut en faire; c'est plutôt le geste lui-même qui doit être apprécié.
Donc, la question n'est pas tellement de savoir si nous voulons reproduire telle oeuvre pour des fins de recherche, parce qu'on ne peut savoir si une recherche est véritablement une recherche ou une curiosité malsaine. On ne peut savoir, finalement, qui est le chercheur. On ne peut savoir quelles intentions on peut avoir. L'exemple qui a souvent retenu notre attention, c'est tout ce qui concerne l'éducation. C'est l'argument très souvent utilisé, et très paradoxalement, pour dire: «Voilà, nous voulons reproduire cette oeuvre pour des fins éducatives. Vous n'êtes quand même pas contre l'éducation et vous allez nous permettre de le faire.» C'est une pratique extrêmement courante. C'est un argument qui est utilisé très souvent.
Nous croyons qu'à l'époque actuelle, au moment où les nouvelles technologies permettent une diffusion beaucoup plus facile, au lieu d'élargir les exceptions, il faudrait les restreindre.
Dans le projet de loi, nous trouvons, par exemple, qu'on a prévu toutes sortes d'exceptions qui nous paraissent pour le moins superflues. La semaine dernière, nous avons rencontré les bibliothécaires en congrès qui m'ont dit: «Voilà, nous voulons avoir l'autorisation de reproduire des oeuvres parce que nous le faisons pour des fins de conservation ou pour les rendre plus accessibles aux gens qui viennent consulter en bibliothèque.» Après une discussion très brève, on se rend compte que ce genre de problème est inexistant puisque jamais, à notre connaissance, non plus qu'à la leur d'ailleurs, il n'y a eu de procès d'intenté à quelqu'un qui avait fait ce genre de photocopie.
Nous sommes d'accord pour qu'on puisse reproduire une oeuvre qui risquerait de ne pas être consultable ou qui risque de se détériorer au point de ne plus être accessible. Donc, ce n'est pas cela qui pose le problème. Le problème, c'est plutôt le nombre de photocopies qu'on fait et l'usage qu'on en fait. Peut-on reproduire une oeuvre à l'infini? Reproduit-on une fraction insignifiante de l'oeuvre ou une fraction significative de l'oeuvre? Ce sont des questions appréciables et qui devraient être exactement calculées et identifiées. À ce moment-là, les droits d'auteur et la propriété intellectuelle pourraient être mieux respectés.
On ne laisserait pas à la discrétion d'un bibliothécaire ou d'un commis quelconque la possibilité d'interpréter la loi et de se donner les attributs qu'il ne peut avoir. De toute façon, ce n'est pas la fonction d'un bibliothécaire que de savoir si tel chercheur est un chercheur sérieux, s'il poursuit des objectifs sérieux qui méritent que la photocopie soit faite.
Quant à nous, la question que l'on se pose est: Combien de copies faites-vous et quelle partie de l'oeuvre voulez-vous reproduire? C'est cela, fondamentalement, la question. Je crois que c'est par là qu'on peut régler les problèmes.
On peut régler les problèmes parce qu'il y a des sociétés de gestion des droits d'auteur qui permettent cela, qui ne nous obligent pas à identifier ou à faire le décompte de chaque photocopie qui est faite ou de chaque reproduction, mais qui gèrent ce qu'on appelle les petits droits de façon collective. Cela simplifie drôlement la gestion de ces droits-là.
Une loi bien faite devrait être facile à gérer. C'est ce que nous souhaitons comme modifications. C'est pour cela que les recommandations que nous faisons vont dans le sens du respect de l'esprit de la Convention de Berne, à savoir que, oui, il peut y avoir des exceptions, mais basées sur des critères objectifs, quantifiables et qui laissent de côté toute considération d'ordre subjectif telle l'intention de l'usager ou son identité même. Peu nous importe de savoir si le bibliothécaire est un bibliothécaire à but non lucratif ou un bibliothécaire à but lucratif, avec des motivations humanitaires ou pas. L'important, c'est de savoir le nombre de copies qui doivent être faites.
Nous appuyons donc la possibilité, établie dans la loi, de faire gérer les droits de façon collective par des sociétés spécialisées. Nous appuyons le principe, établi dans la loi, de distribution exclusive, mais en y incluant non seulement les livres imprimés mais aussi les livres sous toutes les formes que nous connaissons aujourd'hui.
Enfin, nous plaidons aussi en faveur du droit de location, comme ma collègue l'a expliqué plus tôt.
Voilà, en résumé, la position de l'Association nationale des éditeurs de livres. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Del Busso.
Monsieur Leroux, avez-vous des questions?
M. Leroux (Richmond - Wolfe): Oui, quelques-unes. Merci pour votre présence et votre mémoire. Dans l'ensemble des groupes et des témoins qui se sont présentés devant le Comité, on perçoit nettement des tendances, des revendications très claires et des analyses assez claires du projet de loi, particulièrement dans le champ des auteurs. On entend le discours qui, à notre avis, est exact, c'est-à-dire qu'il y a dans la loi une approche qui exproprie les auteurs de leurs droits. L'Opposition officielle est d'accord avec vous quant à cette perception.
Je voudrais, monsieur Fisher, parler avec vous de la dimension de votre mémoire qui a trait à une seule société de gestion. Vous soulevez la question d'une seule société de gestion. J'aimerais que vous nous expliquiez en détail ce que cela veut dire. On sait que, dans le décor, il y a plusieurs sociétés de gestion, que des modèles existent et qu'il y a la Commission. J'aimerais que vous situiez cela par rapport au monde de l'éducation, puisque vous le ramenez à cette dimension. Par la suite, j'aurai une question pour Mme Lamarre.
[Traduction]
M. Fisher: Certainement.
Il y a 10 ou 15 ans environ, notre association a entrepris des pourparlers avec les gens du secteur de l'éducation pour déterminer quels droits ils souhaitaient détenir pour avoir accès aux émissions au moment de leur diffusion. Il est apparu clairement que, malgré l'actuelle Loi sur le droit d'auteur, des centaines de milliers de copies d'émissions sont faites au moment de la diffusion et sont largement utilisées dans les écoles. La justification de cette façon de faire, à l'origine, c'est que les écoles ne pouvaient pas avoir accès à ces émissions autrement et qu'il n'existait en fait aucun mécanisme leur permettant de reproduire légalement les émissions et de les présenter publiquement en salle de classe.
Au cours de ces discussions, nous nous sommes rendu compte que, si nous pouvions mettre en place un mécanisme de ce genre, les établissements d'enseignement préféreraient pouvoir traiter avec une seule source plutôt que de devoir trouver chaque fois le titulaire des droits d'auteur, avant la diffusion, parmi toute une gamme de sociétés collectives ou d'entreprises. Ils jugeaient que les coûts administratifs de cette recherche dépasseraient les avantages.
C'est ainsi que nous avons élaboré une proposition que nous avons soumise aux deux ministères visés, celui des Communications et celui de l'Industrie - auxquels s'ajoute maintenant le ministère du Patrimoine. Cette proposition s'inspire du modèle appliqué en Australie. Il s'agit d'une société de gestion collective unique et obligatoire qui s'occupe de toutes les émissions diffusées en Australie et qui permet à une école ou à un district scolaire de reproduire des émissions et de les présenter en public, à condition de détenir une licence de cette société collective.
Il y a divers types de contrats de licence, et il y a toute une échelle de tarifs. Les prix dépendent du nombre de copies réalisées et de l'usage des émissions, et varient également selon que les émissions sont gardées en bibliothèque et offertes en prêt ou qu'elles sont présentées une fois seulement.
Étant donné la petite taille du marché des ressources pédagogiques au Canada - environ 150 millions de dollars si on inclut les manuels scolaires, ou 20 millions si on tient compte exclusivement du secteur audiovisuel - , nous avons jugé qu'il ne serait pas financièrement viable que ce marché ait à soutenir plus qu'une source unique étant donné l'argent dont il dispose. Notre association a donc proposé et continuera de proposer une organisation collective comparable à celle qui a été mise sur pied en Australie.
Pour vous donner une idée de l'efficacité de cette formule, je vous signale qu'elle a été mise en place il y a environ cinq ans en Australie; les premiers contrats de licence ont été signés il y a à peu près trois ans. Au départ, les droits étaient vraiment minimes, ce qui visait simplement à obtenir l'appui des milieux scolaires de manière à s'assurer qu'ils seraient d'accord pour obtenir des licences et payer les droits. Au cours des trois ou quatre dernières années, les sommes versées aux titulaires de droits d'auteur sont passées d'un peu moins de 1 million de dollars à tout juste un peu moins de 6 millions. C'est un montant considérable pour un aussi petit marché.
Je pense qu'il faut également reconnaître que ces sommes ont remplacé dans une très large mesure celles que les écoles dépensaient déjà pour acheter aux producteurs de matériel pédagogique des transcriptions sur papier des mêmes émissions ou d'émissions semblables. Il ne s'agit pas d'une dépense supplémentaire entièrement nouvelle. C'est une dépense de substitution, très importante pour notre secteur. S'il y a une exception, les écoles vont se servir d'émissions produites pour la diffusion générale, et parfois inférieures à celles qui sont destinées expressément à l'enseignement, simplement parce que c'est moins cher.
À mon avis, le modèle australien est approprié pour le Canada. De toute évidence, il fonctionne. L'an dernier, le gouvernement australien a passé en revue toutes les sociétés collectives mises sur pied pour administrer les droits perçus. Il a constaté que celle du secteur audiovisuel était la plus efficace, la mieux gérée et la plus appréciée de toutes les sociétés de gestion collectives desservant le secteur de l'éducation en Australie.
[Français]
M. Leroux: Ma question s'adresse autant à M. Del Busso et à Mme Lamarre qu'à M. Fisher. En ce qui a trait à l'objectif de la reconnaissance de la libre négociation par rapport aux collectifs de gestion, cela reste à atteindre.
Actuellement, dans vos regroupements, il y a déjà une série d'ententes de faites avec, entre autres, l'UNEQ, CANCOPY, etc. On sait qu'il y a des ententes dans plusieurs provinces avec des organismes comme l'INCA, par exemple.
On a posé la question à certains témoins et on a eu des sons de cloche un peu différents. On demandait si cette approche du projet de loi, avec les exceptions dans le champ de l'éducation, des bibliothèques et des archives, rendait caduques les ententes déjà en place et tout le processus de négociation qui, depuis peu dans notre histoire, est en train de se mettre en place et de s'installer. Cependant, on a eu des sons de cloche différents. Quelle est votre opinion en ce qui a trait aux ententes qui sont déjà dans le décor? Selon vous, le projet de loi rendrait-il ces ententes caduques ou envoie-t-il le message qu'il n'est pas nécessaire de signer des ententes? Comment évaluez-vous cette situation?
M. Del Busso: Toute la question des exceptions vient affaiblir ce genre d'entente ou la pertinence de ces ententes. C'est bien pourquoi nous voulons que les exceptions soient le moins nombreuses possibles, parce que nous prétendons que la preuve a été faite que ces ententes font en sorte que la gestion de ces petits droits est facile et qu'on n'a donc pas besoin de prévoir toutes sortes d'exceptions pour respecter le droit d'auteur.
Il est très important de comprendre la notion de «petit droit». Je vous donne l'exemple d'un éditeur dont un livre serait photocopié dans un collège, dans un cégep. S'il se fait 500 copies d'un chapitre, cela pourrait se traduire par une somme à récupérer de l'ordre de quelque 150 $ à 200 $. Aucune maison d'édition ne songerait à prendre un avocat et à entamer des poursuites si ses droits ne sont pas respectés.
Il faut que le respect de ces droits, à l'échelle nationale, soit fait dans le cadre d'ententes comme celle-là, pour que cela se fasse de façon ordonnée et d'après des règles bien admises, de sorte que chacun se sente à l'aise avec cela. C'est pour cela que nous croyons que ces ententes font la preuve, en quelque sorte, qu'on n'a pas besoin de faire d'exceptions. C'est pour cela que nous sommes déçus par le projet de loi.
Le président: Madame Lamarre, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Lamarre: Je crois que la réponse est assez claire. Oui, il faut, au risque de me répéter, se placer dans la situation.
Je ne peux parler pour tous les secteurs. Je suis ici pour le Front. Nos membres oeuvrent autant dans la littérature que dans les oeuvres dramatiques, les arts visuels et la musique.
Il est incroyablement difficile de faire respecter le droit d'auteur par les utilisateurs, que ce soit des institutions publiques ou privées. Donc, on part de loin. Les sociétés de gestion collective - il y en a qui sont plus jeunes que d'autres - travaillent constamment, jour après jour depuis des années, à faire valoir les droits des créateurs et passent parfois des années à négocier des ententes. Ce n'est pas une exagération. C'est très réel. Les utilisateurs sont excessivement réticents à respecter et surtout à payer des redevances en contrepartie d'une concession de droits d'utilisation. Donc, c'est certain que les exceptions font perdre de la crédibilité ou affaiblissent le rôle des sociétés de gestion collective.
M. Leroux: Pouvez-vous affirmer que cela annulerait les ententes déjà faites? Certains disaient que cela affaiblirait leur rôle, tandis que d'autres disaient non. Là, vous êtes en train de nous dire que cela ne nuirait pas aux ententes, mais affaiblirait la négociation.
Mme Lamarre: Je suis accompagnée de la présidente du Fonds des créateurs, qui est directrice d'une société de gestion collective. Elle serait probablement mieux en mesure que moi de répondre à votre question. Mais il est certain que cela affaiblit, sinon des ententes négociées, du moins des ententes en cours de négociation. C'est évident. Peut-être que Mme Fortier... Me permettez-vous de lui céder ma place?
Le président: Écoutez, on devra revenir à cela plus tard. On va laisser les députés poser les questions, mais je ne vais pas vous oublier.
Mme Lamarre: J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, que je sais que dans le cas de certaines associations qui sont actuellement en négociation ou en renégociation d'ententes avec des télédiffuseurs, les négociations sont retardées ou la conclusion de l'entente est retardée parce qu'on attend l'entrée en vigueur du projet de loi en espérant de nombreuses exceptions.
M. Leroux: D'accord, on y reviendra.
[Traduction]
Le président: Rapidement, monsieur Fisher.
M. Fisher: Je voudrais répondre moi aussi, si vous me le permettez; je vais limiter mes commentaires au domaine de l'éducation, parce que c'est celui que je connais le mieux et dans lequel je travaille régulièrement.
On présume souvent que toute négociation se déroule d'égal à égal, mais si vous regardez la taille du secteur de l'éducation, en termes monétaires, et celle des membres de mon organisation - comme d'ailleurs celle des éditeurs - , vous vous rendrez compte qu'il n'y a vraiment pas d'égalité. Ces gens-là sont nettement plus riches que nous. Et quand on inclut les enseignants et les élèves, comme le fait le projet de loi, en tant que mandataires de la Couronne et des ministères provinciaux de l'Éducation, on se rend compte que l'autre partie a beaucoup plus de poids que la nôtre.
Il est difficile aujourd'hui d'amener tous ces gens à la table de négociations. Il est difficile de les inciter à s'occuper de droits qu'ils doivent négocier, en vertu de la loi actuelle. Les conseils scolaires de la plupart des régions du Canada sont prêts à respecter la Loi sur le droit d'auteur, mais ils ferment les yeux quand leurs enseignants se servent de documents protégés.
Je suis à peu près certain de ne pas me tromper en disant qu'au cours des dix dernières années, pas un seul enseignant n'a été congédié ou réprimandé sérieusement par son conseil scolaire pour avoir contrevenu aux dispositions sur le droit d'auteur, alors que beaucoup l'ont été pour avoir volé des fournitures de l'école.
C'est une question sérieuse, et plus les droits des créateurs sont réduits, plus il est difficile de les amener à participer à la négociation d'une entente juste et équitable.
[Français]
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): J'aimerais explorer deux choses, mais je ne pense pas en avoir le temps. Une chose m'intrigue beaucoup: vous voudriez le maintien à perpétuité du droit d'auteur pour une oeuvre non publiée. Si j'ai le temps, j'y reviendrai.
J'aurais un commentaire à faire à M. Del Busso. J'aimerais vous féliciter, monsieur Del Busso, d'une expression, que je trouve fort juste, que vous avez utilisée au début de votre présentation. Vous disiez que vous représentiez plusieurs compagnies ou groupes du Québec et d'autres provinces du Canada.
Par la suite, malheureusement, vous avez utilisé une expression un peu moins heureuse, celle de «Canada anglais». Je vous ferai remarquer qu'il y a deux députés du Canada français ici. Je voulais juste ajouter quelques points sur quelques i.
[Traduction]
Monsieur Fisher, vous avez dit à trois ministères que vous alliez proposer une société de gestion collective obligatoire. Est- ce qu'ils vous ont donné une idée de la raison pour laquelle ils n'étaient pas prêts à accepter cette proposition?
M. Fisher: Je dois dire tout d'abord que cela s'est fait sur une assez longue période et qu'il y a eu pendant ce temps des changements constants au niveau ministériel, et au niveau du personnel. Mais, honnêtement, non, ces ministères ne nous ont jamais expliqué pourquoi ils n'appuyaient pas notre proposition à ce sujet.
En fait, à un moment donné, on nous avait encouragés à en discuter avec le conseil des ministres. C'est ce que nous avons fait, et nous avons aussi rencontré des gens de deux ou trois provinces pour essayer de connaître leur réaction. Certaines personnes ont soulevé des objections au sujet du terme «obligatoire», mais en fait, presque tout le monde serait satisfait du résultat, en ce sens qu'il y aurait une source unique pour tous les documents et que tout le monde serait régi par un contrat de licence commun avant de faire une offre quelconque.
M. Bélanger: Donc, vous dites que les représentants provinciaux avec qui vous avez discuté de cette idée appuient le produit final, mais pas la méthode proposée?
M. Fisher: Il est difficile de répondre à cette question parce que beaucoup d'entre eux hésitaient à s'engager dans un sens ou dans l'autre, mais l'idée d'une source unique pour l'octroi de licences a suscité un certain intérêt.
M. Bélanger: Est-ce qu'il serait possible de faire un suivi sur cette question, pour savoir ce que votre proposition recouvre exactement? Si je comprends bien, les sommes en jeu s'élèvent à 20 millions de dollars pour les 22 entreprises membres de votre organisation.
M. Fisher: Mais ce n'est pas tout. Price Waterhouse effectue chaque année un sondage auprès de toutes les entreprises de notre secteur et reçoit en général entre 35 et 40 réponses. Ces chiffres dépassent donc les recettes de nos entreprises membres, mais il est certain que nous représentons la majorité des entreprises du secteur.
M. Bélanger: Environ 40 p. 100 des ventes, quel qu'en soit le montant - vous avez parlé de 20 millions de dollars, alors je présume que c'est plus - , concernent du matériel produit au Canada.
M. Fisher: Oui.
M. Bélanger: Est-ce que cette société de gestion collective obligatoire couvrirait seulement les produits canadiens ou si son mandat s'étendrait à tous les produits?
M. Fisher: Nous proposons qu'elle s'occupe de tous les produits diffusés ou retransmis au Canada.
M. Bélanger: Donc, si cette proposition était adoptée, vous recevriez une compensation sous une forme ou sous une autre pour tous ces produits, après quoi nous enverrions environ 60 p. 100 de cette somme à des producteurs de l'extérieur du Canada.
M. Fisher: Ce que nous proposons, c'est d'octroyer des licences à toutes les parties intéressées à reproduire des émissions. Le matériel utilisé serait alors inscrit dans un registre, et les redevances seraient calculées en fonction de l'usage que les écoles en feraient. Nous estimons que plus de90 p. 100 des redevances payées iraient à des Canadiens.
M. Bélanger: Pourriez-vous m'expliquer cela?
M. Fisher: Oui. En novembre 1992, NGL Consulting Limited a préparé et soumis au ministère des Communications un rapport au sujet des répercussions possibles de la révision du droit d'auteur sur le marché canadien des oeuvres non théâtrales. Cette étude a révélé qu'il se faisait dans les écoles de très nombreuses copies illégales et qu'environ 91 p. 100 des oeuvres reproduites étaient des productions canadiennes.
M. Bélanger: C'est donc sur ces chiffres que vous vous fondez?
M. Fisher: Oui.
M. Bélanger: Si c'est exact, vous enverriez seulement à l'extérieur du pays environ 10 p. 100 des sommes qui seraient perçues.
M. Fisher: Eh bien, je suppose que nous n'atteindrions même pas ce pourcentage parce que ce sont souvent des entreprises canadiennes qui détiennent les droits de diffusion des émissions étrangères au Canada. Je suppose qu'il s'agirait de 10 p. 100 ou moins.
M. Bélanger: D'accord. Est-ce que l'Australie envoie de l'argent à l'étranger?
M. Fisher: Oui.
M. Bélanger: Y a-t-il d'autres pays que l'Australie qui ont adopté une formule de ce genre?
M. Fisher: Oui, le Royaume-Uni. Il ne s'agit pas d'une société collective obligatoire; le modèle est un peu différent. Mais il y a une société de gestion collective qui s'occupe de la reproduction d'émissions.
M. Bélanger: Merci.
Le président: Madame Phinney.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci, monsieur le président.
J'ai des questions à poser à deux des témoins. J'espère ne pas me tromper. Monsieur Del Busso, vous affirmez dans votre mémoire que le statu quo serait de loin préférable aux modifications proposées à la Loi sur le droit d'auteur dans le projet de loi C-32. Si nous appliquons votre recommandation en ce sens, les dispositions sur l'importation parallèle, destinées à protéger les droits de distribution exclusive de livres au Canada, ne se matérialiseront jamais. Pouvez-vous commenter?
M. Del Busso: J'ai mentionné au début de ma présentation que notre rapport semble un peu plus radical qu'il ne l'est en réalité. En gros, notre position est à peu près la même que celle de l'Association of Canadian Publishers. Nous serions évidemment en faveur de modifications qui corrigeraient les exceptions dont nous ne voulons pas, mais nous souhaitons bien sûr garder les bons éléments du projet de loi.
[Français]
Fondamentalement, c'est cela, notre position. À défaut de corriger le projet de loi dans le sens que nous avons indiqué, dans le sens du retour au respect de la Convention de Berne, nous préférons qu'on ne touche pas à cela et qu'on refasse les devoirs. C'est fondamentalement le message que nous vous transmettons.
[Traduction]
Mme Phinney: Je vois. Appuyez-vous, oui ou non, le principe des dispositions du projet de loi au sujet de l'importation parallèle?
M. Del Busso: Oui; c'est une de nos recommandations. Nous sommes d'accord.
Mme Phinney: Bien. Dans votre mémoire, vous vous demandez pourquoi le gouvernement limite le droit de location aux programmes informatiques et aux enregistrements sonores. Pourriez-vous nous donner des exemples d'autres types d'oeuvres qui pourraient être louées?
[Français]
M. Del Busso: À notre avis, toutes les oeuvres protégées par copyright sont susceptibles d'être louées. Par conséquent, nous avons tout simplement exprimé l'avis que toutes les oeuvres protégées par le copyright doivent aussi être protégées dans les cas de location. Cela peut être aussi bien des cassettes vidéo que des livres ou n'importe quel autre produit lié par copyright.
[Traduction]
Mme Phinney: Pensez-vous que l'accès à une oeuvre par Internet constitue une location?
[Français]
M. Del Busso: C'est une vaste question. Personnellement, honnêtement, je crois que, dans la mesure où on ne paie pas pour avoir accès à une oeuvre, si cette oeuvre n'est pas diffusée aux fins d'exploitation, c'est-à-dire s'il n'y a pas un prix à payer pour avoir accès à une oeuvre, il ne faut pas chercher des problèmes là où il n'y en a pas.
[Traduction]
Mme Phinney: Merci. Oui, madame Lamarre?
[Français]
Mme Lamarre: Ai-je le droit de répondre?
[Traduction]
Mme Phinney: Allez-y, je vous en prie. Faites ce que vous voulez. Vous pouvez danser si ça vous tente.
[Français]
Des voix: On est très libéral ici.
Mme Lamarre: Cette question m'est peut-être plus familière qu'à M. Del Busso. J'ai deux exemples de location d'oeuvres autres que musicales. Une pratique existe depuis maintenant quelques années. Cela se passe dans les bibliothèques publiques de la ville de Montréal où on fait la location de best-sellers. Les gens qui souhaitent lire un best-seller sans en faire l'acquisition, mais sans attendre non plus les délais dans les bibliothèques... Évidemment, quand un livre sort et qu'il intéresse beaucoup de gens, il est beaucoup en demande. Donc, les bibliothèques en achètent un certain nombre d'exemplaires et les louent.
Je suis allée à la bibliothèque la semaine dernière, et il me semble avoir entendu dire que le tarif était de 4,25 $ pour trois semaines. C'est renouvelable, moyennant un autre paiement de cette somme. C'est une pratique. C'est certain qu'il y a une vente d'un exemplaire, mais l'exemplaire va servir à un grand nombre de personnes. Finalement, il y a un profit qui sera fait par les bibliothèques, mais les auteurs et les éditeurs de ces livres n'en tireront aucun profit.
J'ai un autre exemple. Je sais qu'à Montréal, c'est assez fréquent, notamment au Musée des Beaux-Arts de Montréal et à l'Artothèque de Montréal. C'est la location d'oeuvres artistiques. Les gens n'ont pas toujours les moyens de faire l'acquisition d'oeuvres de moyenne ou de grande valeur. Donc, c'est une mode depuis quelques années: on fait la location de ces oeuvres-là.
Cela dépend des cas, mais habituellement, il n'y a pas de droits de location versés à l'artiste. Ce sont souvent des oeuvres qui ont été achetées et ensuite données à des fondations et qui sont reprises par l'Artothèque de Montréal. Donc, il y a une location qui se fait, et l'artiste n'a pas du tout de contrôle là-dessus et ne peut bénéficier des retombées économiques de ce geste.
Puis-je me permettre de répondre aussi sur le droit de location sur l'Internet?
[Traduction]
Mme Phinney: J'ai deux autres questions à vous poser.
[Français]
Mme Lamarre: Je sais que c'est un point actuellement à l'étude. C'est une question qui a été soulevée au niveau européen, je crois. Il n'y a pas de réponse claire à cela. Je ne sais pas si vous avez eu connaissance du rapport du sous-comité sur le droit d'auteur sur l'autoroute de l'information, mais il ne considérait pas cela comme un droit de location.
[Traduction]
Le président: Madame Phinney, vous avez deux questions courtes? D'accord, allez-y.
Mme Phinney: Oui, pour Mme Lamarre.
Vous dites dans votre mémoire que l'exception applicable à la copie privée, à l'article 30.2, sera dévastatrice pour les auteurs. Pourriez-vous nous en dire plus long sur cette question? Et pourriez-vous me dire également quel revenu les auteurs tirent de la reproduction d'une copie unique, en vertu de la loi actuelle?
[Français]
Mme Lamarre: La copie privée?
[Traduction]
Je suis désolée; je n'ai pas...
[Français]
Le président: Vous avez l'interprétation. Voulez-vous que Mme Phinney répète la question?
[Traduction]
Mme Lamarre: Je suis vraiment désolée.
Mme Phinney: Vous dites dans votre mémoire que l'exception applicable à la copie privée sera dévastatrice pour les auteurs. Pourriez-vous nous en dire plus long? Et pourriez-vous nous dire également quel revenu les auteurs tirent actuellement de la reproduction d'une copie privée?
[Français]
Mme Lamarre: J'ai saisi la question. Je m'excuse, mais il me semble qu'on ne parle pas de cela dans notre mémoire. Je suis désolée.
[Traduction]
Mme Phinney: Je pose peut-être la mauvaise question à la mauvaise personne.
[Français]
Le président: Pourrais-je suggérer quelque chose?
[Traduction]
Mme Phinney: Bien sûr.
Le président: Pendant que vous vérifiez cela toutes les deux, je vais laisser la parole àM. O'Brien et à M. Peric, après quoi je reviendrai à vous rapidement avant de commencer la deuxième ronde.
Mme Phinney: D'accord.
[Français]
Le président: Madame Lamarre, vous pourrez regarder et on reviendra à cela.
Mme Lamarre: Merci. Je suis désolée.
[Traduction]
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien (London - Middlesex): Merci, monsieur le président. J'ai plusieurs questions à poser; vous n'aurez qu'à m'avertir quand j'en aurai posé suffisamment, et j'essaierai de laisser les autres...
Je voudrais faire d'abord une observation. Il a été question des salaires. D'après l'information dont je dispose et si j'en juge par mon expérience personnelle, du moins depuis cinq ans, les salaires des enseignants ont été essentiellement gelés ou même réduits, dans ma province en tout cas.
Je peux vous dire, pour avoir travaillé dans ce domaine pendant environ 21 ans, que toute cette question embête royalement les enseignants, si vous me permettez l'expression. Ils veulent simplement enseigner à leurs élèves avec le matériel qu'on met à leur disposition, et qui n'est pas toujours excellent. Ils trouvent toute cette question très embêtante. N'importe quel enseignant responsable est certainement sensible à la question du droit d'auteur.
Ce qui m'amène à mes deux questions. Pensez-vous que les syndicats d'enseignants pourraient jouer un rôle dans tout ce débat sur le droit d'auteur applicable aux outils pédagogiques? Ma question s'adresse à ceux qui voudront bien y répondre.
M. Fisher: Je vous répondrai avec plaisir.
J'ai moi-même un certain nombre d'enseignants dans ma famille; je comprends donc parfaitement ce que vous dites. Mais les salaires peuvent grimper de bien des façons, et notamment par les augmentations d'effectif. En fait, entre 1965 et 1995, la masse salariale est passée d'environ 50 p. 100 des dépenses d'éducation à 90 p. 100, ce qui laisse très peu de place pour le reste.
Oui, je pense que les syndicats d'enseignants pourraient être très utiles. Leurs mémoires aux ministères de l'Éducation contiennent habituellement des dispositions dans lesquelles ils demandent que des sommes supplémentaires soient consacrées à l'achat de matériel pédagogique. Ils font parfois des commentaires à ce sujet, mais j'aimerais bien qu'ils en fassent une condition de leurs négociations contractuelles, à savoir que des fonds suffisants soient prévus pour l'achat d'outils pédagogiques. Franchement, ces sommes sont ridiculement modestes, et les choses n'arrêtent pas d'empirer. Nous ne dépensons même pas la moitié de ce que les États-Unis dépensent par étudiant.
M. O'Brien: Merci. Vous avez répondu à ma question. Je pourrais dire...
Le président: Merci, monsieur O'Brien. Je pense que M. Del Busso voulait ajouter...
[Français]
M. Del Busso: Non, je pense que mon commentaire serait trop long. Je vous laisse continuer.
[Traduction]
M. O'Brien: C'est bien.
Je pense que monsieur a répondu... Avec tout le respect que je lui dois, je ne sais pas s'il a beaucoup d'expérience dans la négociation des contrats des enseignants, mais ses espoirs me semblent un peu démesurés. En effet, on ne peut qu'espérer, au mieux, que les syndicats d'enseignants aient quelque chance d'obtenir gain de cause en insistant, dans leurs négociations avec les conseils scolaires, pour qu'il y ait plus d'argent consacré au matériel pédagogique. C'est une idée qui recueillerait sûrement beaucoup d'appuis, mais je doute qu'elle soit vraiment applicable.
M. Fisher: C'est impossible.
M. O'Brien: Oui. C'est beau en théorie.
Savez-vous si les conseils scolaires donnent aux enseignants des directives au sujet des lois relatives au droit d'auteur et de la nécessité de les respecter?
M. Fisher: Je travaille dans ce domaine depuis 30 ans. Avant l'avènement du magnétoscope, le droit d'auteur ne posait pas de problème. Mais quand la vidéo est arrivée, les conseils scolaires et les ministères se sont en fait lancés activement dans la copie d'émissions. Je dirais toutefois que les choses ont changé du tout au tout depuis dix ans. J'aurais du mal aujourd'hui à nommer des conseils scolaires qui font encore sciemment des copies illégales ou qui contreviennent délibérément au droit d'auteur. Mais, d'autre part...
M. O'Brien: Ce que je veux savoir - et j'apprécierais que vous répondiez directement à ma question puisque j'en ai plusieurs autres à poser - , c'est si, d'après ce que vous savez ou ce que vous pensez, les conseils scolaires insistent auprès de leurs enseignants sur la nécessité de respecter le droit d'auteur.
M. Fisher: Pas efficacement, ni suffisamment.
M. O'Brien: D'accord. Je peux vous dire encore une fois, d'après mon expérience personnelle, que les conseils scolaires - du moins ceux que je connais, dans ma propre ville - insistent régulièrement auprès de leurs enseignants sur la nécessité de respecter les dispositions des lois sur le droit d'auteur qui s'appliquent au matériel pédagogique.
Quant à savoir si ces avertissements sont efficaces, je suppose qu'il y a des gens consciencieux, qui respectent ces lois, et d'autres qui ne les respectent pas. Je ne peux pas vous le dire, puisque j'étais un de ceux qui les respectaient. Mais une chose est claire: tous ceux qui sont ici aujourd'hui et qui sont allés récemment dans une salle de classe peuvent attester que les enseignants sont avertis régulièrement.
Pour ce qui est du coût de ces documents pour les conseils scolaires, j'aimerais savoir ce que les témoins en pensent. Pourriez-vous nous dire combien les conseils scolaires doivent débourser en moyenne actuellement - si vous le savez - pour les ententes relatives aux droits d'auteur? Et comment cela changerait- il si le scénario que vous préférez était appliqué?
Le président: Qui veut répondre? M. Fisher? M. Del Busso? Rapidement, s'il vous plaît.
M. Fisher: Je pense pouvoir vous fournir une réponse assez précise.
Le président: Précise et brève, monsieur Fisher.
M. Fisher: Je vais faire de mon mieux. C'est une question extrêmement importante pour notre secteur.
Le président: Je sais, mais nous sommes nombreux à vouloir poser des questions.
M. Fisher: Les prix de nos émissions ont diminué d'environ 90 p. 100 depuis l'avènement du magnétoscope. Ils dépendent dans une large mesure du nombre de copies vendues à une école, ou à un conseil scolaire.
Il peut en coûter 150 $ pour une copie unique, comparativement à 700 $ ou 800 $ auparavant. Mais des copies multiples ne coûtent que 35 $ ou 40 $ chacune.
[Français]
Le président: M. Del Busso voulait ajouter quelque chose.
M. Del Busso: Pour donner un ordre de grandeur, au Québec, par l'intermédiaire de l'entente qui existe avec l'UNEQ, qui est l'association des éditeurs, c'est actuellement de l'ordre de 1 million de dollars par année.
Ce que cela donnerait si nos propres recommandations étaient appliquées, je ne peux franchement le dire, mais cela ne serait pas décuplé. Notre objectif n'est d'ailleurs pas nécessairement d'augmenter cela. Il s'agirait plutôt de faire respecter le droit d'auteur et de limiter au minimum le nombre de copies.
Je reviens à une question précédente de M. O'Brien. C'est vrai qu'on a averti les professeurs de ne pas faire de copie, mais c'est de notoriété publique que la photocopie s'accroît de jour en jour et que nous ne connaissons que la pointe de l'iceberg. Au niveau universitaire et au niveau collégial, c'est beaucoup plus important que ce qui est reconnu officiellement.
L'objectif de notre association est de dire: Attention, les éditeurs de livres font des livres précisément parce que c'est comme cela qu'on peut atteindre les objectifs pédagogiques ou les objectifs culturels que nous visons. Mais ce n'est pas en faisant des photocopies, parce que nous décourageons non seulement les industries de l'édition, mais aussi la lecture chez les jeunes. On n'apprend pas à lire à des jeunes en faisant des photocopies. On apprend à lire dans des livres qui sont bien faits et bien présentés. C'est cela, notre objectif.
[Traduction]
Le président: Monsieur O'Brien, auriez-vous des objections à ce que je...
M. O'Brien: J'ai d'autres questions, monsieur le président, mais c'est vous qui décidez.
Le président: Nous vous reviendrons si nous avons le temps. Monsieur Peric.
M. PeriG (Cambridge): Merci, monsieur le président.
Je voudrais poser quelques questions à M. Fisher. Vous avez indiqué dans votre déclaration que les ventes annuelles de vos membres s'élèvent à 20 millions de dollars environ. Vous avez ensuite souligné que plus de 40 p. 100 des oeuvres que vous distribuez sont produites par des Canadiens. Pourriez-vous nous dire à combien s'élèvent approximativement les recettes provenant des produits importés?
M. Fisher: Je pense que oui. La majorité des produits distribués par nos membres sont fabriqués au Canada, même si la production originale peut venir d'ailleurs, de France, deGrande-Bretagne et surtout des États-Unis. Donc, la production est étrangère, mais la fabrication est canadienne.
Les redevances s'élèvent à environ 25 p. 100; par conséquent, sur des recettes d'un million de dollars, elles pourraient représenter un quart de million, moins que les retenues fiscales versées aux producteurs. Donc, une très forte proportion de ces recettes totales - de ces 20 millions de dollars - reste au Canada.
Le président: C'était une réponse très précise; je pense que nous pouvons nous en contenter. Monsieur PeriG.
M. PeriG: Vous vous opposez dans votre mémoire aux exceptions prévues dans le projet de loi C-32 pour permettre aux établissements d'enseignement de copier des émissions et des commentaires d'actualité. Est-ce que vos membres détiennent les droits d'auteurs sur des oeuvres de ce genre?
M. Fisher: Certains d'entre eux.
M. PeriG: Dans quel pourcentage?
M. Fisher: Radio-Canada et le réseau CTV sont tous deux membres de notre organisation; or, ils produisent certainement une proportion très importante des émissions d'actualité.
Mais ce qui nous inquiète en réalité, c'est la façon dont le marché pourrait définir les émissions et les commentaires d'actualité. Dans les ateliers que nous avons eus avec eux, les gens du secteur de l'éducation nous ont souvent dit qu'il s'agissait à leur avis de tout ce qui pouvait contenir de l'information d'intérêt général. Cette définition pourrait donc recouvrir tout ce que nous produisons et distribuons, et c'est probablement ainsi qu'elle serait interprétée.
Le président: Merci. Madame Phinney, je pense que la question que vous aviez posée à Mme Lamarre...
Mme Phinney: Non, ça va, merci.
Le président: C'est réglé? D'accord.
[Français]
Monsieur Leroux.
M. Leroux: Madame Lamarre, plus tôt, vous avez parlé de la question des droits voisins. Cela ne me semble pas clair. Il y a les droits d'auteur et les droits voisins et vous avez un peu associé tout cela.
L'une de vos organisations membres, l'un de vos collectifs de gestion, la SOCAN, a proposé une définition pour clarifier le champ des droits d'auteur et des droits voisins. Connaissez-vous la proposition qu'ils ont faite en ce qui a trait à la clarification des deux champs?
Mme Lamarre: Faites-vous allusion à l'article 90?
M. Leroux: Oui, c'est cela.
Mme Lamarre: Oui, je la connais, mais le Front des créateurs n'a pas pris position là-dessus. On a laissé ces questions aux associations individuelles.
M. Leroux: C'est pour cela que plus tôt, vous disiez que vous abordiez la question d'une façon plus large.
Mme Lamarre: Plus générale.
M. Leroux: J'aimerais revenir aux outils qui sont en place, soit les collectifs de gestion et la Commission du droit d'auteur.
Le projet de loi qui est sur la table prévoit des exceptions. Certaines exceptions très détaillées ont été prévues, particulièrement dans le monde de l'éducation, des bibliothèques, etc. Est-ce parce qu'on constate que les collectifs de gestion et tout le système d'arbitrage avec la Commission ne fonctionnent pas qu'on fait tant d'exceptions?
M. Del Busso: Je ne pense pas que les deux questions soient vraiment liées. Je pense interpréter la volonté des législateurs dans ce principe qu'on a énoncé plus tôt, à savoir trouver un équilibre entre utilisateurs, usagers et détenteurs de droit.
En fait, dans les différentes dispositions du projet de loi, on trouve cette préoccupation de dire: Voilà, il y a quand même des choses qu'on doit permettre, parce que cela va à l'encontre du bon sens que d'empêcher un professeur de donner un cours à cause d'une permission à demander ou de telle activité à faire. Mais je ne crois pas que cela mine de quelque manière la crédibilité des sociétés de gestion, bien au contraire. À mon avis, tout concourt à faciliter le travail de ces sociétés.
J'ajouterais, parce que vous avez posé la question un peu plus tôt, qu'il est vrai que l'idéal, si c'était possible, serait d'avoir un guichet unique, c'est-à-dire que les usagers puissent, sans trop se poser de problèmes, savoir à qui s'adresser pour obtenir ces autorisations. En effet, plus c'est compliqué d'obtenir une autorisation, plus la tentation est forte d'enfreindre la loi.
M. Leroux: Plus tôt, M. Fisher décrivait la situation en disant: On fait affaire avec des commissions scolaires et avec des institutions nombreuses et plus ou moins grosses, etc. Monsieur Fisher, la semaine dernière, les associations universitaires, les cégeps, les professeurs, les tuteurs sont venus nous dire que ce sont les sociétés de gestion qui sont les grosses personnes dans les griffes desquelles on est pris.
Elles sont venues nous dire cela. J'essayais de voir si cette perception, de part et d'autre, n'était pas tributaire d'une difficulté. Mme Lamarre a fait un peu état des difficultés qu'il y a à faire fonctionner les outils qu'on a en place, les collectifs de gestion et la Commission des droits, dans une espèce de régime d'arbitrage.
J'essaie de voir pourquoi on nous dit que les collectifs de gestion sont des monopoles avec lesquels on a beaucoup de difficulté et vous, monsieur Fisher, vous dites en partant: On a affaire à beaucoup de grosses organisations, et c'est difficile. Qu'est-ce qui se passe là? Qui est tributaire de qui?
[Traduction]
M. Fisher: Je ne pense pas qu'il y ait un malentendu. Par exemple, si vous regardez ce qui s'est passé au cours des négociations entre les ministères provinciaux de l'Éducation et CANCOPY, vous en arriverez sans aucun doute à la conclusion - si vous êtes raisonnable, et je pense que vous l'êtes - que si les négociations ont pris autant de temps, c'est parce que les ministères provinciaux de l'Éducation ne voulaient pas avoir à payer pour ce qu'ils faisaient illégalement depuis des années.
Je pense que les collèges et les universités sont sensiblement dans la même situation. L'argent y est rare, même s'ils ont des budgets de plusieurs milliards de dollars. Ils ne veulent pas être obligés de payer; c'est simple. C'est pour cela que les négociations sont difficiles; c'est pour cela aussi que ces établissements jugent que les sociétés collectives posent un problème, parce que ces sociétés ont une certaine force et les obligent par conséquent à payer comme la loi le prévoit. Je pense que c'est juste et raisonnable, mais c'est ce qui explique à mon avis ces difficultés.
[Français]
Mme Lamarre: Je voulais juste ajouter qu'il faut quand même faire la distinction entre le rôle de la Commission quand elle se penche sur les redevances, sur la tarification qui est exigée, et l'obligation juridique qu'ont les utilisateurs de demander des permissions.
Avant tout, le droit d'auteur est un droit exclusif d'autoriser ou d'interdire l'utilisation d'une oeuvre.
Dans un deuxième temps, il y a l'établissement des redevances. À ce niveau, je pense que la Commission du droit d'auteur joue bien son rôle. On le voit avec la SOCAN, qui y retourne régulièrement.
Il est évident que les utilisateurs ont leur point de vue et que les sociétés de gestion ont le leur. Moi, je parle pour les sociétés de gestion. On dit souvent que les sociétés de gestion sont un problème d'une manière ou d'une autre. Si elles représentent tout le monde, elles ont un monopole et les utilisateurs ne sont pas satisfaits. Si elles ne représentent pas tout le monde, elles ne font pas bien leur travail. C'est aussi un problème pour eux.
Je pense qu'ils trouveront toujours les moyens de trouver des fautes aux sociétés de gestion collective.
M. Leroux: Vous voyez la perception qu'il y a. On ne la partage pas nécessairement, d'autant plus qu'il y a quand même un régime d'arbitrage et la Commission.
Mme Lamarre: Oui.
M. Leroux: On peut aller devant la Commission. J'essaie de comprendre l'utilisation des outils. Sont-ils bien faits?
Monsieur Del Busso, vous devez frémir à l'idée que les institutions ne seront plus responsables des machines à photocopier.
M. Del Busso: Remarquez que nous avons déjà des raisons de frémir.
Je rappellerai le problème qui se pose. Les détenteurs de droits sont perçus, fatalement, comme des empêcheurs de tourner en rond. Je rappelle qu'à chaque geste qu'on pose - imaginez les milliers de gestes qui sont faits chaque semaine, chaque jour, dans les commissions scolaires, dans les cégeps, dans les universités, etc. - , il faut se poser la question: Est-ce que j'ai le droit de photocopier ce livre? Combien dois-je payer? À qui dois-je demander la permission?
Ce sont des préoccupations qui ne touchent pas l'enseignant.
M. Leroux: M. O'Brien a soulevé le cas de cette pratique. J'ai été chargé de cours à l'université et je sais que selon les ententes avec l'UNEQ, on remplissait la feuille pour dire qu'il y avait de la photocopie qui se faisait. Chaque étudiant devait se présenter à la reprographie et aller chercher, en fonction de la bibliographie que je donnais, les extraits, etc.
Cette pratique est-elle facilement mesurable? Plus tôt, vous parliez de ce qui est mesurable, mais vous avez ajouté que ce n'était que la pointe de l'iceberg. Est-ce répandu?
M. Del Busso: Si vous avez fait cela, je voudrais franchement vous féliciter.
M. Leroux: C'est-à-dire que c'est l'université qui, avec les chargés de cours, établissait un mécanisme d'utilisation de la reprographie en fonction de la bibliographie que chaque chargé de cours donnait. C'était donc contrôlé.
M. Del Busso: C'est vrai.
M. Leroux: Est-ce un modèle répandu ou était-ce une initiative de l'université où j'enseignais?
M. Del Busso: C'est un modèle relativement répandu. Si je parlais de la pointe de l'iceberg, c'est précisément parce que, franchement, le contrôle de ce genre de directive est pratiquement nul.
Cela peut se faire à l'intérieur de l'université, mais dès que vous sortez d'un campus, il y a de nombreuses boîtes de photocopie qui existent, où absolument aucune norme ne peut être appliquée. Nous reconnaissons volontiers que ce n'est pas facile de les appliquer. C'est bien pour cela qu'une gestion collective vient régler tout cela d'une façon globale.
S'il faut faire des gestes à chaque permission, c'est là que cela devient difficile et pratiquement impossible à réaliser.
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Bélanger: Madame Lamarre, je perçois, de votre présentation et de celles de plusieurs autres qui vous ont précédée, qu'il y a une conviction profonde chez les auteurs, à savoir que le droit d'auteur est comme inviolable. Sous aucun prétexte on ne pourrait se l'accaparer sans payer. Il y a vraiment cette volonté de traiter le droit d'auteur à partir d'un principe fondamental.
Je voudrais explorer jusqu'où cette volonté veut pousser la perpétuité de ce droit d'auteur. J'aimerais revenir sur la question de la perpétuité du droit d'auteurs pour les oeuvres non publiées. Je voudrais aussi explorer un peu la question du droit de suite. On n'en a pas vraiment parlé en comité.
En troisième lieu, je voudrais parler de la notion du prêt de livres.
Mme Lamarre: La location.
M. Bélanger: La location, oui. On y reviendra.
Selon vous ou selon les organismes que vous représentez, pourquoi devrait-on conserver un droit à perpétuité pour une oeuvre non publiée, lorsque cette oeuvre fait partie d'une institution publique?
Mme Lamarre: Il faut faire attention. Premièrement, si les créateurs considèrent leur droit d'auteur comme un droit exclusif, c'est que la loi le leur reconnaît. Ce ne sont pas eux qui se l'imaginent. Donc, la particularité du droit d'auteur est que c'est un droit de propriété sur un bien intangible.
M. Bélanger: D'accord, on s'entend là-dessus.
Mme Lamarre: C'est distinct du droit de propriété sur ces biens.
M. Bélanger: On ne s'aventurera pas là-dessus. Par exemple, pour quelqu'un qui a écrit un roman qui n'est pas publié, ça va; on ne se pose pas de questions de ce côté-là. Mais si une oeuvre non publiée est maintenant aux archives, voudriez-vous qu'il n'y ait pas de droit...
Mme Lamarre: Si elle est aux archives, elle a été publiée.
M. Bélanger: Non, il y en a aux archives qui ne sont pas publiées.
M. Del Busso: C'est le cas des oeuvres de Jules Verne, par exemple, pour lesquelles il y a encore un copyright parce qu'elles ne sont pas publiées. Par définition, le droit commence à partir du moment où une oeuvre est publiée. Autrement, le problème ne se pose pas.
M. Bélanger: Iriez-vous jusqu'à appliquer cette notion à une oeuvre d'une collection publique quelconque pour laquelle on ne pourrait pas retracer d'héritier? Iriez-vous jusque-là?
Mme Lamarre: Une collection publique?
M. Bélanger: Une oeuvre non publiée pour laquelle il n'y a plus d'héritier; une oeuvre de quelqu'un qui est décédé, mais qui n'a pas été publiée. Pousseriez-vous cela à perpétuité également?
Mme Lamarre: Certaines dispositions de la loi prévoient que, dans le cas d'une oeuvre protégée pour laquelle on ne trouve pas le titulaire des droits, une demande peut être faite à la Commission du droit d'auteur pour ce qu'on appelle une licence de titulaire introuvable. On démontre, à ce moment-là, qu'on n'a pu identifier le titulaire des droits sur l'oeuvre et on peut obtenir...
M. Bélanger: Donc, vous acceptez qu'il y ait une limite quelque part?
Mme Lamarre: Oui, bien sûr.
M. Bélanger: Pour les droits de suite, pourriez-vous nous dire ce que vous entendez par cela? Vous allez jusqu'où avec les droits de suite?
Mme Lamarre: Jusqu'où va-t-on? Le droit de suite est strictement un droit aux auteurs sur la plus-value d'une oeuvre. Prenons, par exemple - et c'est un cas véritable - -l'artiste Jean-Paul Riopelle, qui est assez connu. Une de ses oeuvres a été vendue au début de sa carrière, alors qu'il n'était pas tellement connu et plusieurs ont été vendues dans les années 1950 pour environ 1 000 $ chacune. La même oeuvre a été revendue plusieurs fois et, évidemment, les collectionneurs rachètent et spéculent sur ces oeuvres. Parfois, il y a même des avantages au niveau fiscal à acheter et à revendre une oeuvre.
Donc, au fil des ans, cette oeuvre est revendue à plusieurs reprises. Dans l'exemple que je vous cite, cette même oeuvre aurait été vendue 1,2 million de dollars US, aux États-Unis, en 1992. Donc, l'oeuvre a pris de la valeur au fil des ans, mais l'artiste n'a jamais retiré quoi que ce soit de tout le profit qui a été fait.
M. Bélanger: Selon vous, chaque fois que l'oeuvre est revendue, l'artiste devrait retirer un pourcentage de la plus-value.
Mme Lamarre: Oui. C'est un droit qui existe, entre autres dans la loi française, et qui est assez important. Pour les artistes en art visuel, il serait même plus important, dans certains cas, que le droit de reproduction. Dans le cas des oeuvres d'art visuel, on parle d'une oeuvre originale qui ne dépend pas de la reproduction pour sa survie. Un livre doit être reproduit pour être diffusé. Dans le cas d'une oeuvre artistique, c'est différent. Une oeuvre originale est vendue, mais elle peut être reproduite à l'occasion dans un catalogue, etc.
M. Bélanger: Ce droit de suite peut-il être légué en héritage?
Mme Lamarre: Oui.
M. Bélanger: Donc, il est valable tant que l'oeuvre existe?
Mme Lamarre: C'est dommage que je n'aie pas apporté cela. C'est 50 ans après la mort, que l'oeuvre ait été publiée ou non. Je vous dirai que c'est une gravure d'un artiste qui s'appelait Forain. Il a apporté la reconnaissance du droit de suite en France. Cela montrait les enfants d'un artiste décédé qui regardent à travers la vitrine une vente aux enchères où l'oeuvre du père est vendue. Ces enfants-là sont très pauvres, ils regardent l'oeuvre de leur père qui est vendue aux enchères et qui rapporte beaucoup d'argent, mais eux n'ont rien du tout.
M. Bélanger: En ce qui a trait à la location de livres, que proposez-vous au juste?
Mme Lamarre: Que le droit de location soit reconnu pour tous les types d'oeuvres, pour que les auteurs soient en mesure d'autoriser ou d'interdire la location d'exemplaires de leurs publications. Par exemple, les bibliothèques devraient demander la permission pour faire la location de best-sellers.
M. Bélanger: Les individus aussi?
Mme Lamarre: Les individus ne font pas de location.
M. Bélanger: Non, mais ils font la revente. Cela s'applique-t-il seulement à la location?
Mme Lamarre: À la location.
M. Bélanger: Pas la revente?
Mme Lamarre: C'est cela. C'est un peu le même principe qu'au club vidéo. Il y aurait, à ce moment-là, une permission qui pourrait être obtenue par des licences générales et une partie de la somme qui serait perçue, disons 4,25 $, serait versée à l'auteur.
[Traduction]
Le président: Monsieur O'Brien et monsieur Peric.
M. O'Brien: Premièrement, je tiens à préciser que je comprends très bien l'argument selon lequel les conseils scolaires devraient acheter ces documents, ou le droit de s'en servir, comme tout le reste. C'est une simple question de justice.
Là où les choses pourraient se gâter, c'est s'il faut un jour faire des choix à cause des réalités financières. S'il y a une grosse augmentation du prix de ces documents, il est bien possible que les enseignants et les étudiants soient invités à se passer des outils dont ils disposent actuellement. Je sais bien que ce n'est pas une solution pour remplacer une entente en bonne et due forme.
Vous semblez dire qu'une entente générale serait préférable. Si c'est vrai, je suis d'accord. Mais dans les faits, comment pourrions-nous en arriver là? Les enseignants, quel que soit leur niveau, veulent simplement avoir accès aux meilleurs documents possibles pour leurs élèves, sans avoir à se casser la tête pour savoir s'ils risquent ou non d'être poursuivis.
Bien franchement, si vous ne comprenez pas que beaucoup d'enseignants de tout le pays, à tous les niveaux, travaillent chaque jour avec ce stress supplémentaire dont ils pourraient bien se passer, c'est que vous n'êtes pas allé dans une classe dernièrement. Pouvez-vous me répondre?
M. Fisher: Premièrement, je pense que c'est possible, parce que cela se fait déjà en Australie, et que cela fonctionne. Notre association est prête à s'engager à s'atteler sérieusement à la tâche pour former une société de gestion collective et la mettre en place.
Il faudrait des mesures législatives en ce sens, de manière à ce que toutes les émissions diffusées ou retransmises au Canada soient obligatoirement couvertes par cette entente. Nous tenterions ensuite de négocier une entente avec chaque conseil scolaire ou chaque ministère provincial de l'Éducation pour faciliter la reproduction des émissions. Vous administreriez cette entente sous l'égide de la Commission du droit d'auteur de manière à ce que les utilisateurs aient la possibilité de demander une exonération s'ils jugeaient que les conditions de l'entente et les droits exigés étaient injustifiés; ce serait une protection pour eux.
M. O'Brien: Merci.
Monsieur le président, je pense que c'est M. Fisher qui a parlé du «secteur de l'éducation». J'ai eu l'impression qu'il s'agissait dans son esprit d'un bloc monolithique, ce qui est évidemment loin d'être le cas. Je parlerais plutôt du «groupe» élémentaire, par exemple, ou du «réseau scolaire». Les choses sont très différentes entre le niveau élémentaire et le niveau postsecondaire. Il y a en réalité trois niveaux distincts dans ce «secteur de l'éducation». Il y a aussi la formation permanente, pour les adultes qui ont quitté le système scolaire et qui y sont retournés; donc, on pourrait même parler d'un quatrième niveau.
À votre point de vue, est-ce que cela pose un problème pour la négociation d'une entente qui s'appliquerait à ces quatre niveaux distincts dont la plupart des gens, dans le secteur de l'éducation, reconnaissent l'existence?
M. Fisher: Ce serait différent d'une province à l'autre, parce que toutes les provinces sont organisées différemment.
En Colombie-Britannique, le ministre de l'Éducation est responsable des quatre niveaux, en fait. Il serait donc relativement facile de négocier avec cette province.
Ce serait plus difficile en Ontario en raison du cloisonnement entre les collèges, les universités et les écoles qui reçoivent les élèves de la maternelle à la 12e année. Il est certain que la vaste majorité des élèves seraient couverts par une éventuelle entente avec le ministre provincial de l'Éducation.
Les collèges et universités sont regroupés dans leur propre association, par l'entremise de laquelle ils négocient des ententes avec CANCOPY. Je pense qu'il serait possible de suivre le même modèle.
La question de la formation à distance est plus délicate, parce qu'en Ontario, ce secteur relève de toute une gamme d'organismes, dont des collèges, des universités et des conseils scolaires locaux.
M. O'Brien: Je voudrais poser une dernière question, monsieur le président.
Le président: La dernière des dernières.
M. O'Brien: Oui, la dernière des dernières, c'est promis.
Je pense que c'est Mme Lamarre qui est la mieux placée pour répondre à cette question, qui porte sur les personnes handicapées. Nous avons entendu récemment d'excellentes présentations de l'INCA et d'autres groupes qui travaillent avec des personnes souffrant de déficience visuelle ou auditive.
J'ai peut-être mal compris votre position, mais j'ai eu l'impression que vous vous opposiez à toute exception pour les personnes handicapées. C'est bien ce que vous avez dit?
[Français]
Mme Lamarre: Oui, on s'oppose à toutes les exceptions, dans la mesure où les sociétés de gestion collective sont prêtes à tenir compte des catégories d'utilisateurs et à demander une redevance en conséquence.
Je sais que Mme Fortier, de la SODRAC, a négocié une entente avec l'Institut national canadien pour les aveugles pour la reproduction parlée d'oeuvres littéraires, ce qu'on appelle des livres parlés. Le tarif demandé, si je ne m'abuse, est de un dollar pour la première copie et de dix cents pour chaque copie supplémentaire.
En fait, ce qu'on demande, c'est le respect du principe voulant que les auteurs soient en mesure d'autoriser ou d'interdire, et donc de contrôler les utilisations qui sont faites, mais en négociant une redevance qui donne un accès équitable aux différents usagers, selon leurs moyens.
C'est vraiment ce sur quoi on insiste et c'est là que le rôle de la Commission sur le droit d'auteur...
Le président: Allez-y. Terminez votre réponse.
Mme Lamarre: Je voulais dire que cela doit être laissé à la libre négociation des parties. Dans le cas de l'Institut national canadien pour les aveugles, je suis un peu embêtée. J'aimerais laisser parler Mme Fortier, si vous voulez plus de détails là-dessus. Je crois que c'est une entente satisfaisante. Mais, dans la mesure où les parties ne peuvent en venir à une entente, je vous rappelle que le rôle de la Commission du droit d'auteur est de regarder les moyens, les besoins et les droits de chacun et d'établir un tarif équitable.
[Traduction]
M. O'Brien: Merci.
Le président: Monsieur Peric.
M. Peric: Ma question s'adresse aux trois témoins. Pourriez- vous nous décrire la structure de vos organisations? Percevez-vous des cotisations de vos membres? Combien avez-vous d'employés à plein temps, et avec quel argent les payez-vous?
Ma dernière question, enfin, est destinée à M. Fisher. Pourquoi y a-t-il des importations? À cause d'une demande expresse de produits importés ou d'un manque de produits canadiens?
M. Fisher: Je peux répondre en premier.
Le président: Nous allons commencer par la deuxième question; vous pouvez y répondre rapidement.
[Français]
je vais demander aux trois panélistes de répondre à la première question.
[Traduction]
M. Fisher: Je pense qu'il y a différentes raisons qui expliquent la quantité considérable de produits importés.
Pour commencer, nous sommes tout près des États-Unis. Les documents américains nous sont facilement accessibles, et il y a de nombreux échanges entre nos deux pays dans le secteur de l'éducation.
Comme vous pouvez le voir, avec des ventes de 20 ou 21 millions de dollars sur notre marché, et des productions coûtant de 50 000 $ à 100 000 $ chacune, la situation ne se prête pas tellement à des investissements substantiels dans des productions canadiennes. Ces productions sont pour la plupart destinées à la télévision, et à cause des droits peu élevés exigés pour leur diffusion, les producteurs doivent tirer une partie de leurs revenus d'autres sources. Les marchés des productions non théâtrales et de l'éducation représentent à cet égard une portion très substantielle.
[Français]
Le président: Je vais demander aux trois panélistes de répondre à la première question. Commencez, monsieur Del Busso.
M. Del Busso: Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question, mais je suppose...
[Traduction]
Le président: Pourriez-vous répéter votre première question, s'il vous plaît?
M. PeriG: Oui. Pourriez-vous nous décrire la structure de vos organisations? Combien avez-vous d'employés à plein temps, comment les payez-vous, et d'où vient votre budget? Des cotisations versées par vos membres?
[Français]
M. Del Busso: Il y a des frais d'inscription pour être membre de notre association. Au total, cela représente environ le tiers de notre budget global d'environ 300 000 $ par année.
Les cotisations des membres représentent de 96 000 $ à 100 000 $ et le reste vient de services que nous rendons sous différentes formes. Cela peut être des stages de formation professionnelle, des expositions que nous faisons à l'étranger, ou alors des subventions, qui jusqu'à maintenant sont venues du Conseil des arts du Canada et aussi du gouvernement du Québec.
Nous avons six personnes à temps plein qui touchent une rémunération normale pour des professionnels dans ce genre de travail.
[Traduction]
M. Fisher: Notre organisation se compose d'un peu plus de 20 membres, inscrits sur une base volontaire. Nos membres paient une petite cotisation de moins de 1 000 $ et contribuent aux dépenses spéciales découlant par exemple des discussions sur le droit d'auteur. Nous avons un directeur général à temps partiel, qui coordonne nos activités.
[Français]
Mme Lamarre: Le Front des créateurs est un regroupement qui a été créé uniquement pour faire des représentations sur le projet de loi C-32. Il est né de la Coalition canadienne des créateurs et des titulaires de droit d'auteur, un regroupement canadien qui existe depuis 1985 environ, depuis la phase I.
Il n'y a donc pas de structure formelle, les associations participant bénévolement aux activités. Il n'y a pas d'employés. Il n'y a que moi qui agis comme coordonnatrice.
[Traduction]
M. Peric: Merci.
[Français]
Le président: Nous sommes arrivés à la conclusion de notre travail.
Je voudrais vous remercier bien sincèrement de votre présence ici et de vos présentations.
M. Leroux: Monsieur président, s'il vous plaît...
Le président: Vous vouliez poser une question? Je n'y vois pas d'objections.
M. Leroux: Je voulais revenir sur ce que mon collègue, M. Bélanger, disait en ce qui a trait à la question de la protection perpétuelle. Qu'est-ce que cela change actuellement? On parle de l'article 7, page 11, du projet de loi.
Cela a trait aux oeuvres posthumes. C'est dans le sens où vous posez la question, monsieur Bélanger. Que change le projet de loi par rapport à la question de M. Bélanger sur la protection perpétuelle de l'oeuvre?
Mme Lamarre: Je ferai juste un petit commentaire en ce qui a trait à l'article 7 du projet de loi. Je dois vous dire que la version française de cet article, particulièrement les paragraphes (3) et (4), diffère de la version anglaise. Je voudrais vous le signaler en passant.
M. Leroux: Est-ce que cela diffère beaucoup?
Mme Lamarre: C'est assez tortueux. Disons que la lecture de cet article en français est assez ardue.
M. Bélanger: C'est un projet de loi.
Mme Lamarre: Je comprends, mais je vous le souligne.
M. Bélanger: D'après vous, c'est tortueux.
M. Leroux: Effectivement, et il est important de le souligner.
Mme Lamarre: La situation actuelle est que les oeuvres non publiées sont protégées à perpétuité. Finalement, le droit de propriété des auteurs sur leur oeuvre est respecté, et il y a une protection pour une période de 50 ans à partir du moment de la publication.
S'il y a des utilisations, si des redevances sont versées, elles vont aux héritiers.
Le projet de loi dit que si une oeuvre protégée mais non publiée à la date du décès de l'auteur - c'est un peu compliqué - est publiée avant l'entrée en vigueur de l'article, il y a une protection pour 50 ans. Si l'oeuvre n'est pas publiée à la date d'entrée en vigueur de la loi et que l'auteur est décédé moins de 100 ans avant l'entrée en vigueur, à ce moment-là, il y a une protection de 50 ans à compter de l'année de l'entrée en vigueur. Si l'auteur est décédé plus de 100 ans avant l'entrée en vigueur, à ce moment-là, il y a une protection de cinq ans.
Encore une fois, ce serait une espèce d'expropriation des auteurs du droit de propriété. Je dois dire que cela peut porter non seulement sur les écrits, mais aussi sur les échanges de correspondance, les journaux intimes, etc.
M. Leroux: C'est ce que je voulais vous faire dire. Cela va jusque-là. On peut reconnaître que la correspondance d'un artiste...
Mme Lamarre: C'est une oeuvre littéraire, à ce moment-là. Il semble assez clair que, pour certains auteurs, le fait de savoir que ces choses-là pourront être publiées sans contrepartie va les amener à détruire ces oeuvres.
M. Bélanger: Le droit d'auteur reste à celui ou celle qui a écrit la lettre, mais il faudra que celui ou celle à qui il l'a écrite la retrouve.
Mme Lamarre: Ce sera dans les archives. Parfois, pour nous situer, c'est très intéressant d'avoir accès à ces échanges de correspondances.
M. Bélanger: Je me demande si cela s'applique aux documents du Cabinet aussi.
Des voix: Ah! Ah!
M. Leroux: Monsieur le président, cela clôt-il la séance?
Le président: Madame Lamarre, avez-vous terminé?
Mme Lamarre: Je voulais simplement ajouter, en terminant, que je sais que l'écrivaine Marguerite Yourcenar, qui est maintenant décédée, avait prévu la publication de certaines de ses oeuvres 50 ans après la date de son décès, pour que ses héritiers puissent bénéficier des retombées économiques de ces oeuvres.
Le président: Merci encore une fois, madame Lamarre, monsieur Fisher et monsieur Del Busso, de nous avoir éclairés ce soir par vos points de vue.
[Traduction]
Je vous remercie infiniment d'être venus témoigner devant le comité. Nous vous en sommes reconnaissants.
[Français]
Mme Lamarre: C'est nous qui vous remercions.
[Traduction]
Le président: La séance est levée.