[Enregistrement électronique]
Le mardi 19 novembre 1996
[Français]
Le président: À l'ordre. Je déclare la séance ouverte pour l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
[Traduction]
Je déclare ouverte cette séance consacrée à l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
[Français]
Nous avons le plaisir aujourd'hui de recevoir
[Traduction]
la Canadian Copyright Licensing Agency, CANCOPY.
[Français]
Les représentants de CANCOPY sont
[Traduction]
M. Andrew Martin, directeur exécutif; Mme Lucy White, directrice associée; et Mme Marian Hebb, conseillère. Monsieur Martin, vous avez la parole.
M. Andrew Martin (directeur exécutif, Canadian Copyright Licensing Agency): Bonjour. Je suis Andrew Martin, directeur exécutif de CANCOPY, la Canadian Copyright Licensing Agency. Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant votre comité. D'après les rumeurs, notre organisme a été mentionné à plusieurs reprises au cours de ces audiences, et nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui vous faire part de notre opinion au sujet du projet de loi C-32.
Notre exposé est divisé en trois parties. Lucy White, directrice associée de CANCOPY, va vous expliquer qui nous sommes, ce que nous faisons, et le rapport qu'il y a avec le projet de loi C-32. Je parlerai ensuite des exceptions proposées qui nous causent de grandes préoccupations. Enfin, notre conseillère juridique, Marian Hebb, qui a déjà eu l'occasion de comparaître devant ce comité, discutera des recours et de certains aspects administratifs du projet de loi.
Ensuite, nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions et de vous fournir toutes les informations supplémentaires dont vous pourrez avoir besoin. À ce sujet, nous avons déjà donné à votre greffière des documents à distribuer; vous y trouverez un peu plus de détails sur CANCOPY. Vous avez également un exemplaire de notre rapport annuel, de nos lettres circulaires et des documents que nous envoyons aux détenteurs de licence, en particulier les enseignants.
Lucy.
Mme Lucy White (directrice associée, Canadian Copyright Licensing Agency): Bonjour. La Canadian Copyright Licensing Agency, mieux connue sous le nom de CANCOPY, a été créée en 1988 par les associations canadiennes d'écrivains et d'éditeurs. Notre mandat est d'offrir un accès légal, à un prix abordable, aux oeuvres éditées, sous droit d'auteur, grâce à des reproductions, et d'offrir aux titulaires de droits d'auteur une compensation suffisante lorsque leurs oeuvres sont reproduites.
Notre mandat a été couronné de succès. CANCOPY représente directement aujourd'hui 3 000 créateurs canadiens et 242 éditeurs canadiens. Cela représente plus de 90 p. 100 du secteur de l'édition au Canada. CANCOPY a également signé 13 accords avec des sociétés de gestion à l'étranger, ce qui nous permet d'offrir nos licences et les avantages qu'elles représentent à des titulaires de droits américains, britanniques, français et allemands, entre autres. Nous estimons que grâce aux mandats directs et indirects qui nous ont été confiés par des titulaires de droits d'auteur, nous pouvons offrir à nos détenteurs de licence un répertoire d'environ deux millions de publications.
La structure de CANCOPY mérite d'être mentionnée car elle est assez unique. Nos membres votants sont toutes les associations nationales et beaucoup d'associations provinciales qui représentent tous les genres d'auteurs publiés - romanciers, poètes, dramaturges, auteurs freelance, auteurs d'ouvrages érudits et éditeurs de livres, revues, journaux et musique.
En tout, 30 membres votants élisent notre conseil d'administration. Ce conseil est constitué de 18 administrateurs dont la moitié sont des créateurs et l'autre moitié des éditeurs. Cette même parité se retrouve dans chacun de nos comités. Nous sommes convaincus que cette structure encourage un débat permanent des problèmes auxquels nous nous heurtons et donne à CANCOPY la confiance de tous les groupes que l'organisme représente, confiance essentielle au succès d'une société de gestion.
Je vais passer maintenant à notre programme de licences. Parmi nos détenteurs de licence, nous comptons le gouvernement du Canada; les gouvernements provinciaux de l'Ontario et de l'Alberta; les ministères de l'Éducation, à l'exception de celui du Québec, qui représentent 88 p. 100 des élèves du jardin d'enfants à la 12e année, et des accords sont en cours de négociation pour les12 autres p. 100. Nous représentons toutes les universités et les collèges ainsi qu'un nombre sans cesse croissant de sociétés et d'organismes à but non lucratif. Nous sommes sur le point de finaliser un système d'octroi de licences pour les bibliothèques publiques, et au printemps prochain, avec l'appui des principaux éditeurs de matériel juridique, nous avons l'intention d'élaborer un système adapté à la profession juridique.
J'aimerais maintenant consacrer un instant à notre situation financière. Comme on le voit dans notre rapport annuel, l'année dernière, CANCOPY a recueilli plus de 12,7 millions de dollars. Pour cette année, nous projetons des revenus d'environ 14 millions de dollars. Les frais généraux de CANCOPY représentent actuellement 17,5 p. 100 des revenus tirés des licences, et ce chiffre va continuer à augmenter, comme cela a été le cas chaque année depuis 1991. Comparativement à nos homologues à l'étranger qui utilisent de 20 à 25 p. 100 de leurs revenus pour leurs frais administratifs, nous nous débrouillons particulièrement bien.
Le reste des redevances sont, bien sûr, distribuées aux écrivains et aux éditeurs. Au cours des 12 derniers mois, nous avons distribué plus de 7 millions de dollars, dont 76 p. 100 sont allés directement à des écrivains et à des éditeurs canadiens. On nous a critiqués, on a dit que nous étions très lents à redistribuer ces redevances, et je dois dire que nos titulaires de droits ont eu des problèmes lorsqu'ils ont été forcés d'attendre que les politiques, les systèmes et les données nécessaires à la distribution soient prêts. Toutefois, au 10 octobre 1996, nous avions distribué 94 p. 100 des redevances recueillies avant 1994-1995. Nous procédons actuellement à la distribution des redevances perçues en 1995-1996.
En plus de nos activités principales d'octroi de licences et de distribution, nous investissons dans le secteur des communications, nous travaillons avec nos détenteurs de licences et nous leur expliquons en expliquons les termes, et nous répondons par ailleurs à des questions d'ordre général de gens qui veulent se familiariser avec le droit d'auteur. Nous essayons d'être ouverts et transparents dans tous nos contacts avec nos membres, nos affiliés et nos détenteurs de licence. Nous avons une page d'accueil sur Internet, et on pourra bientôt y trouver notre rapport annuel et nos états financiers les plus récentes. Plusieurs autres témoins devant ce comité ont utilisé des informations que nous leur avions fournies avec empressement.
Bref, nous sommes les agents choisis par l'énorme majorité des titulaires de droits d'auteur canadiens. Grâce à cet appui, nous pouvons offrir des services d'octroi de licences efficaces, flexibles et à un prix abordable à tous les gens qui utilisent des oeuvres protégées par un droit d'auteur.
Nous travaillons en étroite collaboration avec nos homologues du Québec, l'UNEQ, la société de gestion québécoise, et nous cherchons sans cesse de nouveaux moyens d'aider nos clients et les autres parties intéressées.
D'une façon générale, nous sommes d'accord avec les objectifs du projet de loi C-32 en ce qui concerne la reprographie et les sociétés de gestion, mais certaines dispositions nous inquiètent. Andrew Martin va maintenant vous faire part de ses préoccupations et vous suggérer des solutions que vous trouverez acceptables, nous l'espérons.
Merci.
M. Martin: Depuis huit ans qu'on nous promet les amendements de ladite phase deux, la photocopie s'est tellement généralisée dans nos établissements d'enseignement et nos bibliothèques qu'elle est aujourd'hui considérée comme essentielle. Toutefois, CANCOPY et notre homologue, l'UNEQ, ont élaboré des systèmes d'octroi de licences qui répondent facilement, et à peu de frais, aux besoins des enseignants, des étudiants et des usagers des bibliothèques.
D'autres témoins vous ont dit que la législation actuelle coupait tous leurs moyens aux élèves, que les enseignants vivaient dans la crainte lorsqu'ils faisaient des photocopies, que les budgets des commissions scolaires passaient en frais juridiques pour négocier des licences, et que le coût de ces licences était prohibitif. Nous sommes convaincus que rien de tout cela n'est vrai.
La vérité, toutefois, c'est que certaines dispositions du projet de loi C-32 vont porter atteinte aux accords d'octroi de licences actuels. Nous considérons que cela n'est pas juste, et nous ne pensons pas non plus que telle ait été l'intention. Nous sommes en faveur du projet de loi C-32, mais nous préférerions qu'il y ait des exceptions uniquement lorsqu'il n'est pas possible d'obtenir une licence d'une société de gestion. Autrement dit, une licence ou rien.
Toutefois, nous nous rendons compte que vous ne choisirez peut-être pas cette voie-là, et pour cette raison, je vais vous proposer aujourd'hui une série de petits changements dont nous pensons qu'ils pourraient être acceptés par toutes les parties intéressées au droit d'auteur.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-32 autorise les bibliothèques à faire des copies multiples. Nous considérons que les bibliothèques n'ont pas besoin de cette possibilité, et d'ailleurs, c'est une chose qui n'existe dans aucun autre pays, sinon dans le cadre d'une licence.
CANCOPY octroie des licences pour des copies multiples, et les conseillers juridiques des universités, par exemple, nous ont déjà dit que les universités n'auront peut-être plus besoin de ces ententes de licence à l'avenir à cause du projet de loi C-32. Certains représentants d'écoles ont dit à peu près la même chose. Pour empêcher cette dislocation du marché actuel, nous vous demandons d'apporter les changements que nous proposons dans notre mémoire pour régler cette situation.
Deuxièmement, le projet de loi C-32 impose aux bibliothèques une restriction qui constitue en fait un embargo, et qui les empêche de copier des journaux et des magazines pendant une période de 12 mois. On suppose que cela est destiné à protéger le marché des nouvelles publications. Si c'est le cas, nous vous demandons d'étendre cet embargo à tous les périodiques pour une période de 12 mois suivant la publication, et de ne pas limiter cette disposition aux journaux et aux magazines.
Troisièmement, je passe aux prêts interbibliothèques (PIB). D'autres témoins vous ont dit que cela représente un pourcentage minime des copies de bibliothèques, peut-être 2 p. 100 seulement, mais c'est une chose qu'il faut regarder dans une perspective plus large. En effet, ces 2 p. 100 représentent quelque 300 000 articles par année, seulement pour les bibliothèques de recherche universitaires. Si vous ajoutez à cela les autres bibliothèques à but non lucratif, le chiffre est beaucoup plus élevé, et si vous ajoutez les prêts inter-bibliothèques organisés par l'ICIST, l'Institut canadien de l'information scientifique et technique, ce chiffre double, pour le moins.
J'ai quatre observations à faire au sujet des PIB. Premièrement, CANCOPY octroie des licences pour les prêts inter-bibliothèques; il est donc évident que cette exception va nous toucher. D'ailleurs, cela commencera au niveau du gouvernement du Canada, et les gens du Conseil du Trésor nous ont déjà dit que si le projet de loi C-32 entrait en vigueur, le gouvernement voulait voir ses droits de licences diminuer.
En second lieu, si les prêts inter-bibliothèques sont si importants pour les bibliothèques universitaires, nous vous demandons de limiter cette exception et de l'appliquer uniquement aux oeuvres qui ne figurent pas dans notre répertoire. Autrement dit, si nous pouvons octroyer une licence, nous pensons que nous devrions en avoir la possibilité.
En fait, l'ICIST a déjà une licence de cet ordre pour les documents qu'il exporte. Cette licence lui permet de se conformer aux lois étrangères sur le droit d'auteur. Les gens de l'institut nous disent que c'est facile à administrer, et nous sommes convaincus que si cela fonctionne dans ce cas-là, cela pourrait fonctionner facilement aussi pour d'autres bibliothèques qui disposent d'une technologie semblable.
Notre troisième observation au sujet des PIB, c'est que si vous jugez indispensable de conserver cette exception sous sa forme actuelle, il faudrait au moins imposer des restrictions semblables à celles qui existent aux États-Unis, par exemple des directives sur le nombre de fois que les bibliothèques peuvent faire appel à des PIB. Cela empêcherait que ce procédé ne remplace les achats de livres ou les abonnements.
Enfin, nous pensons que le projet de loi C-32 ne devrait pas définir la reprographie d'une façon qui autorise toute méthode autre que la photocopie. Nous sommes tout à fait opposés à une définition qui permet l'utilisation de technologies numériques, comme Ariel, et opposés également à toute exception qui pourrait être interprétée comme allant jusqu'à la transmission électronique.
Ma quatrième préoccupation porte sur l'acheminement des documents. Le projet de loi C-32 autorise les bibliothèques à but non lucratif à exploiter des services commerciaux d'acheminement des documents pour le compte de sociétés et de firmes professionnelles. Nous nous demandons vraiment si c'est un rôle bien indiqué pour les bibliothèques à but non lucratif. Le problème, en partie, c'est que de nombreux éditeurs et des services privés d'acheminement de documents offrent des services de télécopie ou de courrier électronique et on ne voit pas pourquoi on leur imposerait la concurrence de bibliothèques à but non lucratif qui sont déjà protégées par une exception statutaire et ne sont pas tenues de payer des droits aux auteurs ou aux éditeurs.
Cinquièmement, le projet de loi C-32 protège les bibliothèques et les établissements d'enseignement qui permettent à leurs clients et à leur personnel de copier eux-mêmes du matériel sur leurs photocopieuses. On vous a dit que sans cette immunité ces établissements seraient forcés de supprimer leurs photocopieuses non surveillées. C'est très difficile à croire puisque ces photocopieuses sont déjà là.
Dans certaines bibliothèques - la bibliothèque de référence de Toronto, par exemple - on trouve des photocopieuses ultra-rapides équipées de dispositifs automatiques pour tourner les pages de livres. Si cette responsabilité légale est véritablement une préoccupation, on se demande pourquoi les bibliothèques installent des machines qui sont conçues justement pour violer le droit d'auteur? Nous pensons que ces établissements devraient assumer une partie de la responsabilité lorsqu'ils installent ce matériel.
Nous sommes fermement contre cette disposition sous sa forme actuelle, mais nous donnons dans notre mémoire une solution qui nous semble acceptable. Il s'agirait d'accorder cette immunité en cas d'utilisation non autorisée, à condition que les établissements concernés aient une licence d'une société de gestion. Nous pensons que cette démarche est également compatible avec d'autres passages du projet de loi C-32 qui prévoient certains types d'immunité pour des entités qui ont une licence d'une société de gestion.
Enfin, nous partageons la préoccupation exprimée par plusieurs éditeurs et groupes de créateurs, et également par l'UNEQ, au sujet des exercices scolaires dont il est question dans le projet de loi C-32, en particulier à l'article 29.4. Cette disposition porte sans aucun doute sur les examens et contrôles, qui font partie du processus d'évaluation.
Par ailleurs, les exercices scolaires font partie intégrante du processus pédagogique, qui constitue, entre autres choses, la raison d'être de CANCOPY. Le libellé actuel est une porte ouverte aux abus ou, pour le moins, à la confusion et à la controverse, et nous vous demandons de le modifier.
Cela conclut notre exposé sur les cas d'exception prévus. Marian Hebb, conseillère juridique de CANCOPY, va vous présenter notre position sur certains recours prévus et les dispositions administratives du projet de loi C-32.
Mme Marian Hebb (conseillère, Canadian Copyright Licensing Agency): Bonjour.
Le projet de loi C-32 propose des améliorations aux recours prévus dans la Loi sur le droit d'auteur en vue d'en faciliter l'application. Malheureusement, étant donné que CANCOPY n'existe que grâce à ses titulaires de droits, nous ne pouvons pas avoir accès à ces recours améliorés.
Les droits de CANCOPY sont généralement non exclusifs. Autrement dit, nos membres peuvent, s'ils le désirent, contrôler une partie des droits en question eux-mêmes. Bien entendu, il s'ensuit que nous ne détenons pas de monopole. En conséquence, nous ne pouvons pas invoquer la disposition relative au recours en dommages-intérêts préétablis, laquelle vise précisément à aider les sociétés de gestion. Nous vous demandons de proposer l'amendement nécessaire pour que nous puissions nous prévaloir également de cette disposition.
Nous vous demandons également de modifier le plafond des dommages-intérêts, fixé à dix fois le montant de la redevance applicable. Étant donné que CANCOPY calcule ses redevances en cents, dix fois le montant ne constitue pas vraiment un recours efficace. Nous vous demandons d'accorder au moins au tribunal le pouvoir discrétionnaire d'augmenter le montant des dommages-intérêts dans certains cas.
Parmi les recours prévus se trouve l'injonction générale, laquelle vise des oeuvres qui n'ont pas encore fait l'objet de violation du droit d'auteur. Ce recours sera particulièrement intéressant pour les sociétés de gestion qui sont continuellement confrontées à ce genre d'abus. Là encore, étant donné la façon dont notre mandat s'applique, nous n'avons pas accès à ce recours et nous vous demandons donc de modifier le projet de loi comme nous le suggérons dans notre mémoire.
Plus important encore, rien dans le projet de loi C-32 ne donne à une société de gestion qui ne détient pas de mandat exclusif de la part de ses titulaires de droits le droit d'intenter des poursuites, à moins que la société ne regroupe tous les titulaires de droits d'auteur touchés comme plaignants. Ce système est peu pratique et parfois même impossible à appliquer lorsqu'il y a eu beaucoup de violations des droits d'auteur, surtout pour ce qui est des titulaires de droits étrangers. Ce n'est pas ce que nos titulaires de droits attendent de nous et nous vous demandons de proposer des amendements qui nous permettront de les satisfaire.
Nos titulaires de droits et nous craignons également que les copies faites à des fins visées par un cas d'exception servent à d'autres fins. Par exemple, les copies qui ont été faites pour un examen ou un test en vertu d'un cas d'exception ne doivent pas servir par la suite à des cours. Pour empêcher ce genre de choses ou d'autres utilisations à mauvais escient, nous avons proposé un petit amendement ou encore un changement de la définition de la contrefaçon.
Je voudrais conclure en appuyant deux positions qui vous ont été présentées par d'autres témoins ayant comparu devant votre comité. La première concerne la disposition du projet de loi C-32 qui fixe un plafond aux dommages-intérêts pouvant être obtenus en cas de violation du droit d'auteur par un établissement d'enseignement qui détient une licence auprès d'une société de gestion. CANCOPY appuie la proposition visant à étendre cette disposition aux autres établissements accrédités, comme les bibliothèques, les services d'archives et les musées, étant donné surtout que d'ici quelques semaines, un programme national d'octroi de licences sera mis en place pour les bibliothèques.
Enfin, je tiens à répondre à la proposition formulée par la Commission du droit d'auteur selon laquelle les sociétés de gestion devraient gérer les licences qu'elle accorde lorsqu'on ne peut pas retrouver les titulaires du droit d'auteur. À notre avis, cette responsabilité est normale et nous sommes prêts à l'assumer. Nous appuyons donc cette proposition faite par la Commission du droit d'auteur.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, madame Hebb.
Êtes-vous prêt à poser vos questions, monsieur Martin?
M. Martin: Oui.
[Français]
Le président: Monsieur Leroux.
M. Leroux (Richmond - Wolfe): Je voudrais vous remercier pour votre contribution aux travaux de la commission.
J'aimerais d'abord aborder la question de votre propre existence comme agence de négociation représentant des ayants droit.
Il y a des organisations et des collectifs de gestion qui sont venus dire que le présent projet de loi pouvait remettre en question certaines ententes déjà acquises. Ceux-ci ont même évoqué CANCOPY dans les suites possibles que pourrait avoir le projet de loi, à savoir qu'il pourrait remettre en question ou rendre caduques certaines ententes et remettre en question la reconnaissance de la négociation, ce qui rendrait la négociation plus difficile à l'avenir.
Je voudrais que vous me disiez si le projet de loi tel que déposé, avec toutes ses exceptions, vous permet de penser que CANCOPY a de l'avenir en tant que représentant d'ayants droit, avec la capacité de négocier et de faire respecter des ententes. Je pose cette question parce que vous venez d'évoquer le fait que vous êtes en train de négocier avec les bibliothèques et qu'une entente nationale est possible. Est-ce que le projet de loi va rendre plus difficiles votre pratique et votre existence?
[Traduction]
M. Martin: À certains égards, cela va rendre les choses plus difficiles. À mon avis, dans bien des cas, il sera impossible d'interpréter correctement les cas d'exception prévus et dans plusieurs autres cas, ce sera même impossible à appliquer.
J'ai assisté hier à une réunion avec des représentants des bibliothèques publiques. L'une des personnes présentes est ici aujourd'hui, et pourra me rappeler à l'ordre si je me trompe. Nous avons convenu qu'il sera tout simplement impossible de s'attendre à ce que les bibliothécaires ou les usagers des bibliothèques fassent certaines des distinctions très subtiles qu'exigent les cas d'exception prévus. Le projet de système d'octroi de licences pour les bibliothèques repose sur le principe que cela part du haut vers le bas et non l'inverse. En d'autres termes, on ne peut pas décider chaque fois que l'on fait une photocopie si oui ou non elle sera visée par un cas d'exception.
Dans l'ensemble, je pense que les exceptions ne faciliteront pas les choses relativement aux négociations. Il y aura des arguties interminables quant à ce qui est visé ou non par les cas d'exception. Il y a des éléments dans certaines de nos licences qui seront manifestement touchés par le projet de loi C-32. Il m'est impossible d'estimer pour le moment quelles seront véritablement ces conséquences, mais j'ai donné deux exemples.
D'une part, après avoir consulté les gens au nom des universités, on estime qu'un des éléments essentiels de leur système d'octroi de licences, qui rapporte actuellement près de 45 p. 100 des recettes que nous obtenons des universités, ne sera peut-être plus nécessaire une fois le projet de loi C-32 entré en vigueur en raison de l'exception visant les prêts inter-bibliothèques et de la possibilité que les bibliothèques fassent des copies multiples. Pour le moment, nous ne savons pas quelles incidences cela aura au niveau des négociations, mais il va sans dire que les responsables n'auraient pas signalé le problème s'ils ne pensaient pas que leur argument est valable.
D'après mes renseignements, notre entente avec le gouvernement du Canada, dont un élément important traite des photocopies faites par les bibliothèques gouvernementales, sera également touchée. Nous avons appris que lorsque ces ententes seront renégociées en avril prochain, ils vont essayer d'obtenir une diminution considérable des droits de licences.
Il va sans dire que tout cela va influer sur les négociations futures. Je ne veux pas vous induire en erreur en vous brossant un tableau apocalyptique des répercussions que cela aura sur les recettes. Il est possible que cela se compte en millions plutôt qu'en centaines de milliers. Je ne pense pas que cela puisse saper les systèmes d'octroi de licences, mais je ne crois pas non plus que le projet de loi C-32 tire au clair les aspects assez troubles de la question du droit d'auteur. Si l'on essaie de réaliser un juste équilibre, on privera nos titulaires de droits d'argent qu'ils touchent à l'heure actuelle.
J'espère que cela répond à votre question.
[Français]
M. Leroux: Merci, monsieur Martin. Vous avez maintenant une bonne expérience de la négociation depuis le temps que vous négociez des ententes et que vous utilisez les mécanismes d'arbitrage. Donc, vous déposez vos taux et n'importe qui a le droit de les contester devant la Commission.
Dans le régime actuel, vous accordez des licences. Est-ce que vous reconnaissez des exceptions dans les licences que vous accordez et est-ce que les mécanismes qui sont en place actuellement sont satisfaisants pour vous, en termes de négociation et en termes de capacité? On vous reconnaît le droit d'accorder des licences, mais comme la loi a aussi prévu des exceptions, je voudrais savoir si vous accordez aussi des exceptions.
[Traduction]
M. Martin: Nous constatons qu'il est tout à fait possible de négocier des systèmes d'octroi de licences acceptables pour les deux parties sans la moindre exception prévue dans le projet de loi C-32. Dans la mesure où certaines exceptions prévues sont venues sur le tapis lors des négociations, nous avons reconnu qu'il y avait des divergences d'opinions quant à l'application des exceptions ou de l'utilisation équitable, et avons décidé de formuler une solution acceptable pour les deux parties, en modifiant le taux en conséquence.
Nous avons constaté que dans certains secteurs, d'éventuels détenteurs de licence ont invoqué les dispositions du projet de loi C-32 pour retarder les négociations relatives aux ententes sur les licences. Nous avons constaté cette situation surtout dans les bibliothèques d'entreprises qui, depuis le début, étaient fermement convaincues qu'il y aurait une exception s'appliquant à la fois aux bibliothèques commerciales et à celles à but non lucratif.
En tant que secteur, la plupart des bibliothèques spécialisées ont été averties par leur association de ne pas nous parler du tout. La situation s'est légèrement détendue ces derniers mois, et il est de plus en plus évident que le projet de loi C-32 fera sans doute - et à juste titre - une distinction entre les bibliothèques à but non lucratif et celles dont l'objectif est fondamentalement commercial.
[Français]
M. Leroux: Considérons une exception spécifique. On dit dans le projet de loi, par exemple, que l'institution d'enseignement ne sera pas responsable du viol du droit d'auteur sur ses machines à photocopie ou reprographie en libre service, etc. Pour vous, est-ce que cela implique que le personnel de cette institution d'enseignement pourrait faire des photocopies en libre service et être exempté?
Pensez-vous que le projet de loi pourrait inclure tout ce monde-là et que, finalement, plus personne ne serait responsable du viol du droit d'auteur? Les membres de cette institution pourraient avertir tout le monde et les gens en profiteraient. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
M. Martin: Cela nous paraît tout à fait inadmissible et cela permettra aux établissements d'enseignement, s'ils le décident, d'échapper à leurs responsabilités en matière de droit d'auteur. Je précise toutefois que la majorité des établissements n'agissent pas, à mon avis, de façon irresponsable face au droit d'auteur; ce n'est pas ce que nous avons constaté.
Si l'on prévoit une exception qui absout sans réserve l'établissement s'il affiche des avis près des photocopieuses, cela nous posera un gros problème car on risquerait de voir un établissement autoriser des photocopies tout en sachant qu'elles sont illégales.
Cela nous irrite à double titre car les photocopieuses sont généralement des appareils très rentables; les gens qui les installent ne perdent jamais d'argent. Si vous utilisez une photocopieuse mise à la disposition du public dans un collège, une université ou une bibliothèque, cela coûte entre 10c. et 20c. la copie. Environ un tiers de cette somme va au fournisseur du matériel. Il n'est donc pas normal que ceux qui installent ce matériel puissent s'enrichir tout en sachant très bien que cette machine servira à faire des copies qui constituent une violation des droits d'auteur.
À notre avis, et nous le proposons dans notre mémoire, il faudrait à ce titre prévoir une exception. Autrement dit, l'absence de responsabilité relativement aux photocopieuses en libre service constituerait une exception justifiée si l'établissement lui-même détenait une licence auprès des sociétés de gestion. Cette proposition est compatible avec les dispositions du projet de loi C-32 relatives à certains aspects des dommages-intérêts préétablis et limités. En d'autres termes, ces protections sont liées à la mise en place d'un système d'octroi de licences.
Nous pensons également que grâce à notre système, cela garantit une protection satisfaisante contre toute photocopie non autorisée.
Nous pourrions donc accepter cette exception si elle visait un établissement qui détient une licence auprès d'une société de gestion.
M. Abbott (Kootenay-Est): Je jette un coup d'oeil à la répartition des fonds perçus par CANCOPY, et je constate que plus de 1,4 million de dollars sont allés aux États-Unis. Obtenez-vous un revenu équivalent ou supérieur des États-Unis, ou votre entreprise reçoit-elle de l'argent des titulaires de droits d'auteur américains, et, le cas échéant, cette somme est-elle distribuée aux auteurs et éditeurs canadiens?
Mme White: Nous avons effectivement d'importantes recettes qui nous viennent des États-Unis. Nous avons conclu un accord bilatéral avec nos homologues dans ce pays. Je n'ai pas en tête le chiffre exact, mais c'est de l'ordre de 200 000$.
Il y a donc une différence entre la somme que nous percevons des États-Unis et celle que nous leur envoyons. Toutefois, c'est sans doute proportionnel au volume de documents américains utilisés dans les écoles et les universités. Selon les conditions de notre accord bilatéral, de la Convention de Berne et d'autres conventions, nous respectons le principe du traitement national, et nous pensons prendre les mesures qui s'imposent.
M. Martin: Un autre petit détail à signaler: notre homologue aux États-Unis s'occupe essentiellement de l'octroi de licences aux entreprises. L'organisme s'occupe depuis peu d'octroyer des licences aux établissements d'enseignement et au gouvernement. Au cours des prochaines années, il y aura donc un écart dans les sources de revenus. Nous pouvons nous attendre - et cela se concrétise déjà - à des augmentations exponentielles des montants que nous recevons de nos partenaires bilatéraux.
M. Abbott: Au début de nos audiences, nous avons entendu le témoignage de Laurier Office-Mart. Pourriez-vous dire au comité pourquoi vous avez décidé de faire appliquer votre droit d'auteur à l'égard de l'atelier universitaire, en intentant des poursuites au criminel, plutôt que des poursuites pour violation du droit d'auteur?
M. Martin: Nous ne l'avons pas fait, monsieur Abbott; la GRC a décidé de faire une descente chez Laurier Office-Mart. Si vous lisez le mémoire qui a été présenté au nom de ce témoin, la chronologie des événements nous permet de constater que c'est ce qui s'est passé. Sauf erreur, un groupe d'agents de la GRC suivent des cours à l'Université d'Ottawa et ils ont remarqué qu'on leur distribuait des documents pour lesquels on n'avait pas obtenu d'autorisation dans le cadre du droit d'auteur.
Dans un instant, je vais demander à Lucy White de vous expliquer ce qui s'est vraiment passé, car elle était le témoin de CANCOPY et son nom a été mentionné il y a environ deux semaines.
Il est toutefois juste de dire que nous avons été quelque peu déconcertés et gênés par cette action. Le secrétaire de l'Université d'Ottawa était un membre clé de l'équipe de négociation de l'AUCC, avec qui nous espérions conclure une entente modèle pour les universités canadiennes.
Ainsi, toute observation laissant entendre que l'action en justice entreprise pourrait mettre en cause un de ces négociateurs nous met dans l'embarras et nous rend mal à l'aise. Nous n'avons pas entamé la poursuite en question, et nous ne nous sommes jamais sentis à l'aise en ce qui concerne cette poursuite.
M. Abbott: Dans ce cas-là, seriez-vous d'accord pour dire que les recours criminels prévus dans le projet de loi C-32, que les dispositions criminelles de la Loi sur le droit d'auteur qui seraient maintenues par le projet de loi C-32, sont peut-être indûment onéreuses et qu'il faudrait envisager d'autres moyens de faire respecter la loi sans faire appel à des sanctions criminelles?
M. Martin: Je n'ai pas d'opinion arrêtée là-dessus, car, de manière générale, nous ne considérons pas la voie des sanctions criminelles comme étant celle qu'il convient de suivre en cas de violation du droit d'auteur. Il ne s'ensuit pas cependant qu'il ne faut jamais opter pour cette voie.
Quand je vole un pain de chez Loblaws, je commets quand même un vol en vertu du Code criminel. C'est à la poursuite de décider s'il y a lieu d'intenter une action en justice. Je sais que le ministère de la Justice examine précisément les lignes directrices qu'il donne aux procureurs de la Couronne et aux détachements de la GRC à ce sujet.
On a donc parfaitement raison de dire que, dans certains cas, le résultat était hors de proportion avec le délit, mais je répugne à dire que, même quand les montants en cause sont infimes, la violation du droit d'auteur ne devrait jamais donner lieu à une poursuite criminelle.
M. Abbott: Dans les documents qui nous ont été fournis par Laurier, CANCOPY attirait l'attention d'un client éventuel de Laurier sur le fait que les droits exigés au titre du droit d'auteur étaient moins élevés à l'université, encourageant ainsi le client à ne pas faire appel à un service commercial. Pensez-vous vraiment qu'il s'agit là d'une pratique équitable de la part de CANCOPY?
M. Martin: Non; je crois toutefois que vous ne présentez pas la situation de façon exacte. Quand nous avons négocié nos ententes avec elles - et ces négociations ont pris près de cinq ans - , les universités étaient inébranlables dans leur conviction que, pour diverses raisons, elles devraient payer des tarifs moins élevés que ceux qui étaient exigés des entreprises commerciales à but lucratif.
À l'époque, nous pensions qu'il y avait des raisons très convaincantes de croire à la justesse de la position prise par les universités. Elles fondaient leur argument sur l'endroit où le document en question était produit, sur l'usage auquel il était destiné et sur le fait que les universités étaient des établissements à but non lucratif financés à même le Trésor public, tandis que les commerces de photocopie privés étaient essentiellement des entreprises à but lucratif. Elles ont également fait remarquer que les licences accordées aux commerces de photocopie ne les limitaient pas à la reproduction de matériel pédagogique et qu'ils pouvaient donc faire des photocopies pour des cabinets d'avocat et des sociétés. Nous nous sommes retrouvés avec une tarification qui, vous avez raison de le dire, prévoit des tarifs moins élevés pour les universités que pour les commerces de photocopie.
Or, il s'est produit un certain nombre de choses qui nous amènent à revoir tout cela. Premièrement, nous avons constaté, d'après les relevés que nous fournissent les commerces de photocopie, que la grande majorité d'entre eux reproduisent effectivement du matériel pédagogique à l'intention d'utilisateurs du milieu de l'éducation. Je ne veux pas commencer à citer des extraits de notre correspondance avec Laurier Office-Mart; ce ne serait pas acceptable. Il nous semble toutefois que de 95 à 97 p. 100 des documents photocopiés sont sans doute des documents à caractère pédagogique.
Il est donc raisonnable de soulever la question: est-il acceptable qu'il y ait un tarif différentiel qui s'applique à deux personnes qui font essentiellement la même chose à l'intention des mêmes utilisateurs? Nous ne sommes pas convaincus que oui.
Nous avons donc opté pour une action à deux volets. Premièrement, quoi qu'il arrive, nous proposons effectivement d'accroître le tarif exigé des universités, car nous estimons qu'il est vraiment hors de proportion avec ce qu'il devrait être étant donné les documents dont il s'agit. Soit nous arriverons à négocier une entente à ce sujet soit nous devrons faire appel à la Commission du droit d'auteur.
Dans le second cas, nous demanderons certainement à la commission de nous dire si le tarif différentiel pose un problème, puisque nous avons deux détenteurs de licence qui présentent des arguments ni plus ni moins contradictoires.
Par ailleurs, nous nous inquiétons de savoir si l'argument voulant que le tarif différentiel soit injuste et contraire aux lois sur la concurrence n'a pas un certain mérite. Nous avons déjà demandé au Bureau de la concurrence de nous dire si notre tarification actuelle fait problème. Dans l'affirmative, nous prendrions les mesures voulues pour la modifier. Nous ne voulons certainement pas causer de préjudices aux entreprises à but lucratif.
M. Abbott: En conclusion, on nous a dit qu'il y a six commerces de photocopies dans les environs de l'université, mais que deux seulement détiennent une licence. C'est de cela qu'il s'agit en partie ici.
M. Martin: Vous avez cependant été mal informés. Il y a peut-être six commerces de photocopies dans les alentours de l'Université d'Ottawa, mais d'après nos dossiers, il y en a au moins quatre - et même cinq, selon la façon dont vous délimitez le territoire - qui détiennent une licence.
M. Abbott: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Bélanger.
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Monsieur le président, M. Abbott a posé la plupart des questions que je voulais poser, mais je vais vérifier quelques petites choses. Je veux revoir la question de la différence de prix entre la licence que CANCOPY a signée avec l'université et les licences qu'elle signe avec des entrepreneurs privés.
Est-ce que vous seriez tout de même d'accord pour reconnaître - je ne sais pas si c'est le cas pour l'Université d'Ottawa - qu'il y a plusieurs institutions où le centre de reprographie est effectivement un centre à but lucratif?
[Traduction]
M. Martin: J'hésite à dire qu'il s'agit d'un commerce de photocopies à but lucratif, parce qu'il me semble qu'on s'engage alors dans une discussion sans fin sur les normes de comptabilité. En tout cas, nous avons bien l'impression que la plupart des universités s'attendent à tout le moins à recouvrer leurs frais et peut-être aussi à retirer un bénéfice de leurs services d'imprimerie et des photocopies qui sont faites à leur librairie.
Nous prévoyons donc augmenter le tarif exigé des universités et nous croyons que cette hausse effacerait presque, ou peut-être complètement, la distinction entre les services d'entreprises privées et ceux qui sont gérés par les universités.
M. Bélanger: Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Parmi les établissements qui détiennent une licence, y en a-t-il dont les services de photocopies sont en fait des centres de profits pour ces établissements à but non lucratif?
M. Martin: Je ne peux vraiment pas répondre à la question, puisque nous n'avons pas cette information.
M. Bélanger: Croyez-vous que vous devriez vous en soucier?
M. Martin: Il en a été question dans les discussions que nous avons eues avec les universités sur le tarif...
M. Bélanger: Pas seulement les universités.
M. Martin: Les bibliothèques et les autres services semblables?
M. Bélanger: Les établissements en général. Je veux savoir si vous...
M. Martin: Nous ne sommes pas tout à fait à l'aise avec la distinction faite en faveur des établissements à but non lucratif. Il semble, par exemple, que certaines universités envisagent de renoncer à leur désignation traditionnelle comme établissement à but non lucratif. Nous ne sommes pas persuadés que la différence entre «but lucratif» et «but non lucratif» devrait finalement entrer en ligne de compte dans le traitement prévu aux termes de la Loi sur le droit d'auteur.
M. Bélanger: Vous faites toutefois une distinction à l'heure actuelle pour ce qui est des licences que vous...
M. Martin: Oui, nous faisons une distinction dans les licences que nous attribuons.
M. Bélanger: Ainsi, CANCOPY voudrait mettre fin à cela et traiter tous les services de reproduction de la même façon, qu'il s'agisse de services à but non lucratif ou à but lucratif?
M. Martin: Nous estimons que le fait de distinguer entre les deux pourrait finalement être injuste et aller à l'encontre des lois sur la concurrence.
M. Bélanger: Très bien. Êtes-vous d'avis qu'il faudrait qu'un certain seuil soit atteint avant que des poursuites criminelles ne puissent être intentées pour violation du droit d'auteur?
M. Martin: Non, nous estimons que cela relève de la discrétion du poursuivant, voire de la politique en matière de détermination de la peine.
M. Bélanger: Ainsi, dans un cas comme celui de Laurier, peu importe que le montant en cause soit de 300$ ou de 32$, vous dites qu'il ne devrait pas y avoir de seuil à partir duquel des poursuites criminelles seraient intentées? Ces poursuites pourraient occasionner des frais allant dans les dizaines de milliers de dollars pour les parties en cause, selon...
M. Martin: Oui, effectivement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne considérons pas les recours criminels prévus par le projet de loi C-32 comme un élément central de l'approche qui devrait guider les efforts pour faire respecter la loi. Je ne veux vraiment pas prendre à cet égard une position qui, je le sais, n'est pas partagée par les autres titulaires de droits d'auteur et leurs sociétés de gestion.
M. Bélanger: C'est simplement que j'ai jeté un coup d'oeil à la documentation que vous nous avez remise ce matin. Je cite ici votre document intitulé CopyRight, automne 1996: «Des éditeurs obtiennent des jugements contre des commerces de photocopies». Vous venez de parler de deux cas où CANCOPY était au nombre des participants et dont elle était vraisemblablement l'instigateur...
M. Martin: Non, nous ne sommes pas les instigateurs.
M. Bélanger: Mais vous êtes un participant.
M. Martin: Nous sommes là comme témoin à la demande de la Couronne.
M. Bélanger: Désolé. On dit ici «dans John Wiley & Sons Canada Ltd. et CANCOPY c. Copywell Inc». Il s'agit d'un document publié par vous. Dans l'autre cas, on dit «Copp Clark Longmans et CANCOPY c. Copie 2000». Enfin, vous y êtes là contre...
Il s'agit d'un document publié par vous, où vous dites: «CANCOPY continue à faire du respect de la loi une priorité, s'employant à protéger les droits des créateurs et des éditeurs». Ce que vous dites ici ne semble pas aller de pair avec ce que je lis. Pourriez-vous nous expliquer cette contradiction?
Mme White: Il s'agit dans les deux cas de poursuites civiles intentées par CANCOPY conjointement avec le titulaire du droit d'auteur à la demande du titulaire de droit d'auteur. Il ne s'agit pas du tout de poursuites criminelles. Dans les deux cas, il s'agissait de commerces de photocopies qui photocopiaient des manuels et qui les vendaient à des prix qui étaient de beaucoup inférieurs au prix de détail.
M. Bélanger: Très bien. En ce qui concerne donc CANCOPY en tant que telle et les poursuites criminelles, y a-t-il un seuil en deçà duquel vous ne seriez pas prêts à intenter des poursuites et, le cas échéant, seriez-vous prêts à nous dire quel serait ce seuil?
Mme White: Avons-nous... Je suis désolée, mais je ne comprends pas la question.
M. Bélanger: Je veux savoir si...
Mme White: Avons-nous un seuil pour les poursuites criminelles?
M. Bélanger: Oui, un seuil fixé par vous.
Mme White: Non, nous n'en avons pas.
M. Bélanger: Avez-vous déjà intenté des poursuites criminelles?
Mme White: Non.
M. Martin: Nous n'intentons pas de poursuites.
M. Bélanger: Vous n'intentez que des actions civiles? Merci beaucoup.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. O'Brien (London - Middlesex): Merci, monsieur le président. Je veux discuter pendant un moment du libellé que vous proposez pour l'article 29.4, l'exception visant les établissements d'enseignement. Premièrement, dans le libellé que vous proposez pour le paragraphe 29.4(1), vous voulez que l'exception dite «du tableau noir» soit remplacée par une exception visant la reproduction manuscrite. Puis-je vous demander de nous expliquer pourquoi vous voulez limiter l'exception uniquement à la reproduction manuscrite? Pourquoi cette exception vous inquiète-t-elle tellement?
Il me semble que, dans la plupart des salles de classe de cette ville ou de ce pays, vous constateriez peut-être que, contrairement à ce qui se faisait jadis - si vous me passez l'expression - dans le milieu scolaire, l'enseignant ne passe pas son temps à écrire en gros caractères sur le tableau noir, utilisant chaque pouce carré. Il existe maintenant d'autres technologies.
Je me demande pourquoi vous avez cette inquiétude et pourquoi vous voulez limiter l'exception uniquement à la reproduction manuscrite. Je veux parler de l'amendement que vous proposez en ce sens, le premier en tête à la page 3 de votre mémoire.
Mme Hebb: Dans une perspective historique, les enseignants autrefois écrivaient au tableau. De nos jours, les gens sont très préoccupés par le fait que les enseignants peuvent faire appel à d'autres technologies afin de présenter des documents de façon plus organisée à leurs étudiants. Ils peuvent ainsi avoir recours à des diapositives et à d'autres choses qu'ils sortent tout simplement de leur tiroir. Il s'agit en fait d'une façon très organisée de copier des documents.
À l'origine, il fallait un certain effort pour écrire des choses au tableau, et nous ne considérions pas qu'il fallait vraiment prévoir une exception relativement à la reproduction manuscrite; aux termes de la loi, on considère que les montants en cause sont minimes. Personne ne subit vraiment de préjudices du fait qu'un enseignant écrit quelque chose au tableau.
Nous croyons toutefois savoir que cette disposition pourrait permettre l'utilisation d'un ordinateur par exemple, pour présenter certains documents à une classe d'étudiants ou même pour présenter un film.
Ainsi, l'exception qui, à l'origine, visait essentiellement à codifier une application très restreinte qui exigeait quand même un certain effort de la part de l'enseignant - et qui ne préoccupait vraiment personne - est en fait devenue d'une portée très considérable.
M. Martin: Nous considérons également qu'elle pourrait être interprétée comme autorisant la transmission numérique dans le cadre de l'éducation à distance, et nous croyons que l'exception ne saurait s'appliquer dans ces cas-là.
M. O'Brien: Monsieur le président, si je comprends bien ce que disent les témoins... Ce qui me préoccupe, c'est que vous voulez littéralement limiter l'enseignant à la reproduction manuscrite au tableau, sans du tout prendre en considération un certain nombre de choses très importantes qui se passent dans la salle de classe. Tout d'abord, il y a un certain nombre d'étudiants qui ont diverses déficiences physiques et intellectuelles. Limiter les enseignants à ce qu'ils peuvent écrire au tableau... Autant que je me souvienne, ce n'est guère fréquent de nos jours. Limiter les enseignants à ce genre de reproduction, si telle est votre intention, fait en sorte que l'exception n'a pratiquement plus aucun sens pour l'enseignant qui se trouve dans une salle de classe canadienne à l'heure où nous sommes... Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?
M. Martin: Oui, mais je ne partage pas tout à fait votre opinion quant à la façon de présenter la chose, monsieur O'Brien.
Ma femme est enseignante, et je l'ai interrogée sur quelques-unes de ces questions. Elle est d'accord pour dire que, de nos jours, elle ne se couvre généralement pas de craie à force d'écrire au tableau et qu'il leur arrive souvent de se servir de rétroprojecteurs et d'autres appareils. Je ne crois pas que nous en ayons contre ce qui se fait dans la salle de classe, selon une définition très restreinte.
Ce qui nous inquiète finalement, c'est que l'exception pourrait être interprétée comme autorisant la transmission numérique à des fins d'éducation à distance. Nous n'avons pas vraiment d'inquiétude en ce qui concerne la façon dont les enseignants communiquent la matière à la salle de classe. Nous attribuons d'ailleurs des licences qui s'appliquent à tout ce qu'ils font ou presque dans la salle de classe. Si vous vous reportez aux documents que nous vous avons fait remettre plus tôt, vous verrez que les licences n'imposent à toutes fins utiles aucune restriction quant à la façon dont les enseignants peuvent communiquer la matière.
Je suis marié à une enseignante et je suis le père de deux étudiants. Nos licences ne leur imposent pas de restrictions. Ce qui nous inquiète, ce que nous voulons éviter, c'est que des documents puissent être transmis numériquement à l'extérieur de la salle de classe.
M. O'Brien: Je vous suis reconnaissant de cet éclaircissement.
Limitons maintenant notre propos à l'Ontario. Les conseils scolaires de l'Ontario signent-ils des ententes avec vous, ou la plupart ont-ils des ententes avec vous?
M. Martin: Ils sont tous partie à une entente. Le régime d'attribution des licences en Ontario est compliqué et n'est pas entièrement satisfaisant, en raison du manque de précisions dans le partage de la responsabilité entre le ministère et les conseils scolaires. Je crois que ce qui se passe à l'heure actuelle au ministère de l'Éducation risque, dans l'ensemble, de venir, non pas simplifier la situation, mais la compliquer.
À l'heure actuelle, nous avons une licence à deux paliers. La moitié du coût est assumée par le ministère de l'Éducation. L'autre moitié est assumée directement par les conseils scolaires dans le cadre d'ententes supplémentaires. Les associations de conseillers scolaires appuient entièrement le processus. Je ne pense pas me tromper en disant que tous les conseils scolaires de l'Ontario ont une entente supplémentaire avec nous.
M. O'Brien: Alors, monsieur le président, pourquoi avons-nous besoin de ces amendements visant les établissements d'enseignement quand vous avez des ententes avec tous les conseils scolaires?
M. Martin: C'est précisément ce qui motive notre intervention. Nous serions ravis que vous éliminiez du projet de loi C-32 toutes les exceptions qui y sont prévues. Nous ne croyons pas qu'elles sont nécessaires. Nous considérons que les exceptions ne devraient s'appliquer que lorsqu'il n'existe pas de société de gestion qui puisse attribuer une licence.
Nous serions heureux d'en discuter dans le détail, mais d'après les témoignages antérieurs et d'après les questions que le comité a posées aux autres témoins, nous avons l'impression que vous n'avez pas du tout l'intention de vous engager dans cette voie. Si vous êtes prêts à envisager cette possibilité, nous pourrions en parler ad vitam eternam.
Le président: Je devrais vous signaler que le temps prévu est écoulé, mais étant donné l'importance de votre organisation dans l'examen du projet de loi, j'autoriserai deux personnes qui en ont fait la demande à poser une courte question: M. Leroux et M. Peric.
Étant donné les contraintes de temps, je vous invite à poser des questions brèves et concises et j'invite les représentants de CANCOPY à être brefs et concis eux aussi.
[Français]
M. Leroux: J'ai reçu votre message, monsieur le président.
J'ai une question un peu plus spécifique. Vous avez soulevé la question du répertoire et des difficultés que présente la loi par rapport à l'objectif qu'elle veut atteindre de rendre le répertoire accessible. Quelles sont les difficultés que cela pose? Vous dites que ce n'est pas applicable et vous n'êtes pas les premiers à le dire. Quelles sont les difficultés que cela pose?
[Traduction]
M. Martin: La difficulté tient en fait à la taille du répertoire. J'ai en ce moment sur mon bureau un imprimé du répertoire des oeuvres destinées aux établissements d'enseignement postsecondaire de la société de gestion qui est notre partenaire aux États-Unis. Le répertoire fait 1 100 pages et contient environ 45 000 inscriptions. Nous sommes en voie d'y inclure des oeuvres d'auteurs canadiens, britanniques et d'autres pays. Je crois que le document final aura sans doute 1 500 pages.
Le répertoire peut bien sûr être produit sous une forme exploitable par une machine. Le problème qui se pose... Tout d'abord, si quelqu'un veut savoir ce qui se trouve dans notre répertoire, nous nous faisons un plaisir de le lui dire. Ce n'est vraiment pas un secret.
Le problème, à mon avis, tient à l'application. Pour certains, il serait impossible de consulter un répertoire de 1 500 pages sur disques ou par accès direct. Je ne crois pas que c'est ce que voudraient faire les 250 000 ou 300 000 enseignants du primaire et du secondaire. Par contre, l'ICIST, qui est une division du Conseil national de recherches, a une licence qui est expressément liée à ce qui se trouve dans notre répertoire, mais la division a la technologie voulue pour avoir accès au répertoire.
Il n'est donc pas difficile de rendre le répertoire accessible, mais ce serait quelque chose de tout à fait futile sur le plan pratique, sur le plan de l'application. Il n'est pas réaliste de penser que les gens parcourront 60 000, 70 000 ou 80 000 inscriptions d'éditeur ou de périodiques pour déterminer ce qui se trouve dans le répertoire.
Le président: Monsieur Peric, brièvement.
M. Peric (Cambridge): Merci, monsieur le président.
Monsieur Martin, d'après vos états financiers pour l'exercice se terminant le 31 juillet 1996, il me semble que la répartition se fait avec un certain retard. Pourriez-vous nous dire quel est le problème? D'après ces états financiers, vous touchez des intérêts sur vos revenus. Pouvez-vous nous dire si vous partagez ces intérêts avec vos membres?
M. Martin: Je répondrai à la deuxième question en premier. Oui, nous les partageons. Nous répartissons effectivement les intérêts en les appliquant à nos frais d'administration, de sorte que nous conservons un pourcentage moins élevé des revenus tirés des licences. Nous ne gardons pas les intérêts; nous sommes une organisation à but non lucratif. La question est d'ailleurs pertinente car il ne s'agit pas de notre argent, mais de l'argent de quelqu'un d'autre. Il s'agit de l'argent de nos membres.
Nous ne répartissons pas les intérêts en tant que tels car ce serait un véritable cauchemar que de mettre en place les systèmes et les mesures comptables nécessaires. Il en résulterait aussi des problèmes sur le plan du fisc, car nous serions tenus de déclarer les intérêts séparément. Nous appliquons donc les intérêts à nos frais généraux, de sorte que le pourcentage de ces frais qui doit être pris sur les revenus des licences est beaucoup moins important. Alors, nous répartissons en fait les intérêts.
Pour ce qui est de la répartition qui se fait avec un certain retard, je vous donnerai une réponse à deux volets. Tout d'abord, nous ne sommes pas convaincus qu'il y ait vraiment un retard. La plupart des sociétés de gestion ont un délai qui varie entre 9 mois et 2 ans. Il nous faut attendre la fin de l'exercice pour savoir exactement combien d'argent nous avons, car, bien souvent, nous ne sommes payés que plusieurs mois après la fin de l'exercice. Si vous vous reportez à nos états financiers, vous verrez que les comptes clients représentent entre 20 et 22 p. 100 environ de nos revenus annuels. Tant que cet argent n'a pas été reçu, nous ne l'avons pas vraiment même si nous l'inscrivons au fur et à mesure aux comptes de redevances.
En outre, il se peut que nous devions attendre plusieurs semaines après la fin de l'exercice avant que nous ne recevions l'information bibliographique dont nous avons besoin pour répartir les redevances. Puis, il y a diverses opérations qui doivent être effectuées avant que nous ne puissions répartir l'argent. Nous avons pour règle de répartir les redevances dans les 12 mois suivant la fin de l'exercice au cours duquel elles ont été perçues. Je crois que c'est ce que nous avons fait l'an dernier. Nous réduirons considérablement le délai cette année et nous continuerons à nous efforcer de le réduire jusqu'à ce que les redevances soient réparties dans un délai minime.
Le président: Monsieur Martin, puis-je vous poser une courte question avant que nous ne mettions fin à notre entretien?
M. Martin: Oui.
Le président: Quand les établissements d'enseignement sont venus témoigner devant nous, je me souviens très bien qu'il y en avait au moins un - il y en avait peut-être deux - qui nous a parlé des négociations qui s'éternisaient, qui devenaient extrêmement acrimonieuses et qui parfois ne se terminaient que juste avant l'expiration de la licence, de sorte qu'elles se poursuivaient toujours au moment de renouveler la licence.
Les représentants des établissements d'enseignement se disaient surpris. Ils s'imaginaient que les négociations seraient peut-être difficiles au moment de négocier la première licence, mais qu'elles se feraient à peu près sans heurt par la suite puisque que la licence aurait déjà été négociée. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez? Est-ce vrai que les négociations sont si difficiles et si longues?
M. Martin: Tout dépend. Nous avons constaté que certaines personnes dans certains secteurs et dans certaines organisations abordent le processus de négociation avec des attentes plus définies et aussi avec une certaine souplesse quant aux progrès qui pourront être réalisés. Par ailleurs, nous constatons que beaucoup de ceux avec qui nous négocions n'ont pas vraiment le mandat d'en arriver à une entente avec nous.
Nous ne pensons pas que la longueur des négociations soit en fait de notre faute. Nous demandons toujours à rouvrir les négociations, le cas échéant, bien avant l'expiration de la licence. Nous sommes toujours disposés à négocier. Nous nous présentons aux rencontres de négociations avec le mandat de conclure des ententes.
Je ne veux pointer du doigt aucune des personnes qui ont témoigné devant vous. Ce ne serait pas juste, puisqu'elles n'auraient pas la possibilité de répliquer, mais il est juste de dire que, dans certains cas, les négociations se sont prolongées de façon interminable. Nous ne croyons pas que ce soit de notre faute. Nous croyons que c'est en partie à cause du processus.
Nous avons constaté, par exemple, dans le cas des écoles primaires et secondaires, que chaque province insiste pour repartir à zéro et reprendre ligne par ligne les ententes que des avocats dans d'autres provinces ont parcourues et ont jugées acceptables. Nous croyons que les autorités scolaires perdent leur temps. Nous croyons que nous perdons chaque fois notre temps et nous avons fait des recommandations, qui ont toutefois été rejetées, afin d'accélérer le processus.
Je suis donc bien conscient du fait qu'on a l'impression qu'il n'est pas facile de traiter avec nous. Je ne pense pas que ce soit le cas. Je crois que nous sommes généralement accommodants quand nous pouvons l'être, que nous tenons ferme quand nous estimons devoir le faire, mais que nous sommes tout à fait souples quant au lieu et au moment des rencontres. Nous nous retrouvons généralement à devoir insister pour rencontrer l'autre partie, qui, le plus souvent, n'arrive pas à nous rencontrer dans un délai le moindrement raisonnable.
Le président: Merci, monsieur Martin, et merci aussi à vos collègues d'être venus comparaître. Nous vous en sommes reconnaissants.
Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de l'Association des consommateurs du Canada, Mme Marnie McCall, qui est directrice de la recherche sur les politiques. Madame McCall, vous avez la parole.
Mme Marnie McCall (directrice, Recherche sur les politiques, Association des consommateurs du Canada): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.
Au nom de l'ACC, je tiens à vous remercier de cette occasion de vous présenter aujourd'hui certains des amendements que nous nous proposons d'apporter à la Loi sur le droit d'auteur. Avant de vous expliquer notre position, je voudrais vous parler un peu de l'Association des consommateurs du Canada.
Nous sommes une organisation nationale bénévole à but non lucratif, qui a été fondée en 1947. Nous nous préparons à fêter notre 50e anniversaire l'été prochain, et nous espérons que vous serez nombreux à vous joindre à nous pour l'occasion. L'ACC est une des plus anciennes organisations de consommateurs du monde. Nous avons pour mandat de représenter les intérêts des consommateurs sur le marché, par la recherche, l'éducation et la défense des intérêts des consommateurs.
Nous avons des sections dans toutes les provinces et dans les deux territoires du Canada. Outre le bureau national d'Ottawa, où je travaille moi-même et qui compte un personnel de six employés, nous avons des bureaux en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et au Québec. Nous avons aussi une ligne 1-800 en Ontario, et nous espérons ouvrir un bureau en Ontario dans un avenir rapproché. Le personnel de tous ces bureaux, exception faite du bureau national, est composé de bénévoles.
Nous comptons environ 10 000 membres et donateurs au Canada. Nous publions une lettre de nouvelles périodique. Depuis 1993, notre bulletin est publié cinq fois l'an dans un magazine pour consommateurs aux États-Unis. Nous joignons ainsi quelque 200 000 Canadiens de plus.
Nous avons un réseau de consommateurs de quelque 500 personnes à qui nous envoyons des questionnaires pour leur demander leur avis sur des questions intéressant les consommateurs. Nous publions des questionnaires dans notre lettre de nouvelles et dans notre bulletin. Nous participons aussi de concert avec l'Institut national sur la qualité à un sondage annuel qui est fait auprès de 7 000 ménages canadiens sur des questions touchant les consommateurs.
Nos activités sont financées par des abonnements, des dons et des subventions au titre de projets en particulier. Cette année, nous avons cinq projets qui sont financés en partie par le bureau des affaires des consommateurs d'Industrie Canada. Notre programme national d'alphabétisation des consommateurs est financé par le secrétariat à l'alphabétisation de Développement des ressources humaines Canada.
Les activités de l'ACC se concentrent dans cinq grands domaines: la santé, l'alimentation, les services financiers, les communications - et j'entends par là le téléphone, le câble et les questions relatives à l'inforoute - et les questions concernant de manière générale le marché de la consommation.
La redevance qu'il est proposé d'imposer sur les supports d'enregistrement vierges dans le projet de loi C-32 est une question de consommation qui préoccupe un fort pourcentage de consommateurs canadiens, et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Dans notre mémoire, que nous avons soumis au comité en août, nous nous intéressions uniquement à la proposition visant à imposer cette redevance. C'est cet aspect du projet de loi qui a l'effet le plus important et le plus direct sur les consommateurs. Les propos que je tiendrai aujourd'hui porteront sur cette question.
Toutefois, avant, j'aimerais vous parler brièvement de l'importation parallèle et de l'accès à l'information juridique. La Canadian Booksellers Association a comparu devant vous pour discuter des dispositions du projet de loi C-32 concernant l'importation parallèle. L'Association des consommateurs du Canada (ACC) estime elle aussi que cette mesure est prématurée, étant donné les efforts qu'on déploie actuellement pour mettre au point des normes de service volontaires.
L'ACC participe à la mise au point de normes et d'autres mesures volontaires depuis des années. Notre expérience nous amène à conclure que si dans cet effort on peut compter sur la bonne volonté de toutes les parties prenantes, notamment les consommateurs et d'autres utilisateurs finals, on pourra vraisemblablement en tirer habituellement des avantages maximaux.
En outre, des normes et des mesures volontaires peuvent être facilement adaptées pour tenir compte de l'évolution des circonstances. Si on ne peut pas en arriver à un consensus pour accepter une norme volontaire ou si les mesures volontaires ne s'avèrent pas adéquates, on pourra alors toujours songer à des mesures législatives ou réglementaires.
Les libraires vous demandaient au fond de faire au moins l'essai du système volontaire, de ne pas l'entraver en imposant une relation particulière aux questions d'importation parallèle. Il sera toujours possible de revoir les choses si les résultats ne sont pas satisfaisants et adopter des normes législatives ou réglementaires.
Vous avez aussi entendu le témoignage de la Fédération des professions juridiques du Canada à propos de l'accès à l'information juridique. L'ACC partage les inquiétudes de la fédération au sujet de l'incidence qu'aurait sur les consommateurs, tant à titre d'utilisateurs de services juridiques que de contribuables, la décision d'exiger le versement de redevances pour copier des documents juridiques. À l'instar de la fédération, nous recommandons que le principe d'utilisation équitable s'entende aussi de l'utilisation des documents de référence juridiques.
Pour ce qui est de la question particulière des bibliothèques où l'on fait des photocopies au nom des usagers, nous estimons que la question n'est pas de savoir qui fait la copie mais à quel usage celle-ci est destinée. La bibliothèque agit à titre de mandataire au cours de cette transaction, et dans le droit applicable en matière de mandat, c'est la motivation du premier intéressé - le client - et non pas le rôle du mandataire - la bibliothèque - qui importe.
Pour revenir à la question du prélèvement qu'on propose pour les supports d'enregistrement vierges, j'aimerais qu'il soit bien clair que l'Association des consommateurs du Canada appuie les efforts que fait le gouvernement pour renforcer les industries culturelles canadiennes, ce qui est le premier objectif de ce projet de loi. Nous avons à maintes reprises prié instamment le gouvernement fédéral de soutenir directement les industries de création, de le faire de façon transparente, et de manière à ne pas restreindre les choix offerts aux consommateurs.
Nous souhaitons voir s'épanouir la culture canadienne, mais l'association s'oppose à ce prélèvement. Nous estimons que cette proposition est imparfaite. Nous y voyons six grandes difficultés, que nous décrivons dans notre mémoire de façon plus approfondie que je ne souhaiterais le faire maintenant.
L'hypothèse sur laquelle se fonde cette proposition visant à imposer un nouveau prélèvement, c'est que la grande majorité des bandes vierges sont achetées dans un but de contrefaçon. Il a été dit au comité que 39 des 44 millions de bandes vendues au Canada au cours d'une des dernières années avaient servi à un enregistrement à domicile de documents préenregistrés et protégés par un droit d'auteur, c'est-à-dire à des fins de contrefaçon.
Le simple bon sens nous dit que cette évaluation n'est fort probablement pas exacte. Comme on le dit à la page 4 de notre mémoire, les cassettes de format standard, comme cette cassette de 60 minutes, peuvent servir à un large éventail d'utilisations parfaitement légales. Nous en discutons en détail dans notre mémoire, mais pour résumer, je vous dirais qu'on s'en sert pour la collecte d'informations destinées aux médias, et qu'elles servent à des fins d'éducation - pour le téléenseignement, qui s'effectue en grande partie par l'expédition de bandes sonores de cours enregistrés destinées à des étudiants se trouvant dans des zones éloignées; elles servent dans les poursuites judiciaires, étant donné que les délibérations des tribunaux sont de plus en plus souvent enregistrées sur bandes plutôt que prises en sténographie; on s'en sert pour la recherche et la rédaction; à des fins de répétition; on fait des enregistrements professionnels; on s'en sert pour la communication personnelle ou pour envoyer des lettres sur bande magnétique.
Mais à part toutes ces utilisations, que nous décrivons dans le mémoire, les cassettes vierges servent aussi dans les stations radiophoniques afin de respecter les exigences du CRTC, et on s'en sert aussi au Parlement et dans les assemblées législatives pour enregistrer les délibérations des comités comme celui-ci et celles de la Chambre; on s'en sert également dans les services de contrôle de trafic aérien de même que dans les services policiers et d'autres services d'urgence.
Si l'on revient à cette proportion de 39 millions de cassettes qui serviraient à des fins illégales par rapport aux 44 millions de cassettes vendues, et que l'on tient compte de toutes ces utilisations permises, on commence à douter de la validité de cette hypothèse qui sous-tend entièrement la proposition d'imposition d'un prélèvement.
Il est vrai qu'une partie des enregistrements, par exemple, les délibérations de la Chambre des communes ou les poursuites judiciaires ou les enregistrements des services d'urgence, peuvent être fixés grâce à des magnétophones à bobines ou le sont de plus en plus au moyen d'enregistreurs audionumériques ou d'ordinateurs. Ces supports seraient aussi soumis à ce prélèvement. Il n'est pas ici question que de cassettes comme celle que je vous montre ici. Les chiffres ne riment toujours à rien.
La question est très préoccupante, étant donné que si l'on a tort de supposer que près de90 p. 100 des cassettes achetées servent à des fins illégales, la raison d'être de ce prélèvement devient douteuse.
Il pourrait être acceptable - et j'insiste bien sur le mot «pourrait» - d'assimiler l'utilisateur honnête qui ne se livre pas à la contrefaçon et aux «voleurs» si le taux de vol était effectivement de90 p. 100. En deçà de ce seuil, on ne saurait justifier l'imposition de sanctions contre des gens innocents.
Je dirais qu'on serait justifié d'agir ainsi si la contrefaçon frisait les 98 p. 100. On pourrait alors justifier une telle mesure, je pense, de façon universelle parce que les non-coupables seraient vraiment l'exception. En principe, s'en prendre à un innocent c'est aller à l'encontre du principe qu'un innocent ne peut être puni, mais, sur le plan pratique, la plupart des gens conviendraient sans doute que si le taux de vol atteignait les 98 p. 100, ces quelques personnes innocentes... ce serait le prix à payer pour prendre les coupables.
J'aimerais aussi souligner la question des mini-cassettes. Tous ceux qui s'en servent, ou tous ceux qui ont un répondeur téléphonique, se servent de ces petites cassettes. Elles seraient aussi assujetties à la taxe - tout au moins nous ne savons pas quelle serait la réglementation applicable ni s'il y aurait des exemptions. On a laissé entendre que les minicassettes pourraient être exemptées, parce que normalement on ne copie pas de disques compacts ni de pièces musicales sur ce genre de support. C'est peut-être une solution, mais cela ne change rien au fait que les utilisations légales des bandes magnétiques dépassent très largement les utilisations illégales.
Ce qui m'amène à notre objection suivante - qui est la première dont on traite dans le mémoire; je ne m'en tiens pas à l'ordre prévu dans mon exposé - soit que le prélèvement, puisqu'il s'applique à tous les utilisateurs de cassettes, quel que soit l'usage qu'ils font de celles-ci, est en fait une taxe. Étant donné la façon dont ce prélèvement est conçu, étant donné qu'on n'établit pas de distinction entre ceux qui copient à des fins illégales et ceux qui s'en tiennent à des utilisations permises, il ressemble beaucoup plus à une taxe, même si le percepteur n'est pas le ministère du Revenu national mais une autre agence quelconque. Il fonctionne tout à fait comme une taxe. Nous payons tous des taxes, que nous utilisions ou non tous les services offerts par le gouvernement.
Non seulement ce prélèvement fonctionne comme une taxe - et je dirais que c'est effectivement une taxe - mais il est invisible. Comme il est imposé au point d'importation ou de fabrication, le prélèvement est intégré au prix. La TPS et la taxe de vente provinciale doivent donc être acquittées non pas simplement sur le prix de la cassette, mais aussi sur le prélèvement qui est intégré dans ce prix. On aura donc à verser une taxe sur une autre taxe. C'est comme verser des intérêts sur les intérêts qu'on paie déjà quand on n'acquitte pas entièrement le solde de sa carte de crédit à la fin du mois.
Pour le consommateur moyen, cela peut représenter une hausse du coût des cassettes vierges pouvant atteindre les 60 p. 100. J'ai ici une cassette de 60 minutes - ce n'est pas la meilleure qualité. Les gens achètent souvent des cassettes de 90 ou de 120 minutes, mais on a ici une cassette standard de 60 minutes qui coûte environ 1$.
Les chiffres avancés pour le prélèvement tiennent compte de ce qui se passe dans d'autres régions du monde - c'est-à-dire que le prix se situe entre 35 et 40 c. la cassette. Il faut ajouter ce prix au coût de 1$. Il faut ajouter la TPS et la taxe de vente provinciale qu'il faut acquitter sur le prix de détail, et on en arrive à près de 1,60$. Cela, en supposant que le prélèvement soit ajouté sur le prix de détail. Or, en fait, il est ajouté beaucoup plus tôt, ce qui fait que la TPS et la taxe de vente provinciale sont aussi payées sur le prix de gros, et ensuite sur le prix de détail. La hausse est donc supérieure à60 p. 100. Elle est d'au moins 60 p. 100, par rapport au prix de vente au détail d'une cassette.
La ministre, quand elle a comparu, a dit que ce prélèvement devrait coûter quelque 12 millions de dollars par année aux consommateurs. C'est beaucoup d'argent étant donné qu'il n'est pas du tout certain qu'on bénéficiera effectivement des présumés avantages de ce prélèvement.
Je reviendrai à ces présumés avantages dans un instant à propos des cassettes. Vous avez aussi entendu le Conseil européen du secteur de l'enregistrement parler des conséquences qu'une telle hausse du prix de détail pourrait avoir, notamment le magasinage outre-frontière, la contrebande et le marché gris des cassettes vierges. Nous en parlons aussi dans notre mémoire et je ne vais donc pas insister sur ce point, sinon pour dire qu'une hausse de 60 p. 100 du prix de détail de quelque article que ce soit - et cela signifie probablement une hausse de 100 p. 100 du prix de gros - constitue une très forte incitation à chercher des moyens de s'approvisionner autrement à moindre coût. Or tous les autres moyens entraînent la suppression de tous les avantages qui pourraient découler du présent projet de loi. Ils les réduiront encore plus et rendront la présente proposition encore moins efficace.
Quel qu'en soit le taux, le prélèvement pourrait aussi nuire au secteur de l'enregistrement même. Comme je vous le disais, si le prélèvement fait augmenter le prix de détail de la cassette vierge d'au moins 60 p. 100, le prix de gros lui augmente d'environ 100 p. 100. Les studios d'enregistrement et les copieurs de bandes magnétiques achètent en gros les cassettes sur lesquelles ils enregistrent les artistes-interprètes. Leur produit devient alors l'un de ces documents sonores préenregistrés que, supposément, on enregistre illégalement chez soi sur des cassettes vierges.
Cependant, comme il n'existe pour la TPS aucun équivalent du crédit de taxe sur les intrants, le distributeur de l'enregistrement sonore, la personne qui enregistre l'artiste-interprète, versera le même prélèvement que quelqu'un qui commet un vol en copiant illégalement cet enregistrement. Il n'y a aucun crédit compensateur pour cette production.
Il se pourrait aussi que la hausse du prix des cassettes rende un premier enregistrement prohibitif pour un bon nombre de nouveaux artistes, et pourrait même forcer ces petits studios à abandonner les affaires. Comme l'objectif du présent projet de loi est de renforcer les industries culturelles canadiennes, une proposition qui met sur le pavé certains des acteurs essentiels de ces industries culturelles peut difficilement paraître sensée et ne peut certainement pas traduire l'intention du législateur.
Pour résumer, avant de répondre à vos questions, je dirai que nous nous opposons à ce prélèvement parce qu'il se présenterait sous forme de taxe invisible; il pénalise indifféremment l'honnête consommateur et les auteurs de contrefaçons; il pourrait gravement perturber le marché; et, ce qui est encore plus important, sous le couvert d'une mesure qui prétend venir en aide aux artistes canadiens, il établit des distinctions entre les groupes d'auteurs, d'artistes-interprètes et de producteurs en fonction de leur moyen d'expression.
C'est ce que j'avais oublié de mentionner tout à l'heure. Soit qu'en réservant le prélèvement aux bandes sonores, nous mettons en place un système qui établit toutes sortes de distinctions entre les artistes. Comme ce projet de loi est censé venir en aide aux artistes, c'est une raison de plus de penser que cette proposition n'est pas bien conçue.
Mesdames et messieurs, au nom de l'association, des consommateurs canadiens et des industries culturelles canadiennes, je vous demande instamment de ne pas adopter cette proposition. Merci pour votre attention.
Le président: Madame McCall, l'association est depuis toujours un important porte-parole des consommateurs, et je pense que vous avez soulevé une question très importante.
J'aimerais maintenant demander aux membres d'entamer la période des questions. Monsieur Leroux.
[Français]
M. Leroux: Je partage l'observation que vient de faire M. le président. Cependant, je voudrais faire quelques observations. Je ne suis pas tout à fait d'accord sur ce que vous soulevez dans la question.
Étant donné que le projet de loi vise l'équilibre entre l'utilisateur, les ayants droit et les interprètes et producteurs qui ont des droits voisins, je ne pense pas qu'en voulant reconnaître une juste part aux ayants droit dans la rémunération, on puisse facilement assimiler ça à une taxe déguisée au niveau de l'audiocassette vierge. Il est vrai que le manufacturier qui se fait demander une redevance sur les cassettes va sûrement chercher quelque part à refiler l'augmentation sur le marché.
Ce dont on cherche à se convaincre mutuellement, c'est de la juste part qui revient aux créateurs et aux interprètes. Je ne pense pas qu'on doive interpréter cela comme un complot en vue d'imposer une taxe déguisée aux consommateurs. Je vous demanderai plus tard si vous avez des chiffres et des études. Tout le monde sait que l'utilisation des cassettes est manifeste. Tout le monde enregistre de la musique, achète des cassettes, les passe à quelqu'un qui les enregistre, etc. Tous le monde est bien conscient que c'est une pratique courante. J'imagine que cela se fait aussi dans votre famille.
La question soulevée par rapport à ceci est le mécanisme pour aller chercher le respect. On viole le droit d'auteur. Il s'agit d'une transmission illégale. Comment aller chercher une redevance là-dessus en pensant qu'il s'agit d'une rémunération pour un créateur ou un interprète? On a mentionné ici un revenu annuel de 13 700$ ou de 13 900$ dans le monde des artistes, de la musique. Je ne pense pas qu'on a atteint, du côté des créateurs, une rémunération juste et équitable.
Dans cet esprit, j'aime mieux penser qu'il n'y a pas de complot en vue d'imposer une taxe déguisée. On cherche plutôt à aller chercher chez le manufacturier des sommes d'argent à redistribuer du côté des auteurs.
Vous contestez toute cette histoire de chiffres. Est-ce que vous ne doutez pas des chiffres avancés - un million de dollars - par rapport aux utilisateurs? Avez-vous des chiffres ou des études qui appuient votre affirmation ou, du moins, qui appuient votre rejet de l'affirmation des autres?
J'aimerais que vous me disiez concrètement ce que cela veut dire en terme de chiffres. Avez-vous des études ou des évaluations très précises sur la question des cassettes vierges, entre autres?
[Traduction]
Mme McCall: Non, nous n'avons pas de données au sujet des cassettes vierges. Pour ce qui est de la proportion de 39 millions sur 44 millions de cassettes, je ne sais pas quel témoin l'a avancée, mais ce chiffre a été repris par différentes personnes du groupe de travail.
J'ai travaillé avec les médias, des stations de radio, des journaux et dans le système judiciaire et j'ai pu constater la quantité de cassettes qu'on y utilise. Il n'est pas possible que ces cassettes ne représentent que de 5 à 10 p. 100 des cassettes vendues, et cela sans compter celles qu'on utilise dans les assemblées législatives et au Parlement fédéral et dans les comités et dans tous les travaux qui se font ici. Sur le simple plan de la logique, ces chiffres sont indéfendables. On pourrait s'adresser aux ministères provinciaux de la Justice pour savoir combien de cassettes vierges ils achètent chaque année pour les délibérations des tribunaux, et je pense qu'on pourrait ainsi clairement montrer qu'on ne peut pas se fier à cette proportion de 39 millions de cassettes servant à la contrefaçon par rapport à 44 millions de cassettes vendues.
Quant à votre autre question sur l'objectif du projet de loi et sur l'ajout des droits voisins, ce qui est très important pour les artistes, nous ne contestons pas l'idée que les industries culturelles canadiennes doivent être aidées ni qu'il peut être bon que le gouvernement fédéral prenne des mesures pour aider les artistes canadiens.
J'ai été présidente pendant quelques années du Calgary Folk Festival. Je connais beaucoup d'artistes canadiens et je sais qu'il est difficile de gagner sa vie comme artiste. Je conviens que la copie d'une oeuvre doive donner lieu à une rémunération, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de procéder. J'estime qu'un processus de consultation mixte visant à trouver une méthode appropriée pourrait être utile.
Personne ne dit qu'il ne faut pas rémunérer le travail des artistes mais, même pour ce qui est des droits voisins, vous avez entendu l'Union des artistes et l'ADISQ. Il y a des problèmes dans la façon dont ceci a été structuré. Ce qui semble vouloir dire qu'il serait nécessaire d'examiner tous ensemble comment l'on peut trouver plus d'argent pour les exécutants, les producteurs, les compositeurs et les acteurs et pourquoi l'on exclut les acteurs en concentrant le tir sur les cassettes audio à l'exclusion des cassettes vidéo.
Si l'idée est d'indemniser les artistes-interprètes et les producteurs et d'insister sur un secteur de l'industrie et non pas sur l'ensemble, ce n'est pas beaucoup mieux et il serait bon de réfléchir à une façon raisonnable...
[Français]
M. Leroux: Si ce n'était pas une redevance directement aux manufacturiers, comment verriez-vous ça? Quelle sorte de mécanisme verriez-vous, puisque que vous dites qu'il y en a peut-être d'autres? Lesquels verriez-vous?
[Traduction]
Mme McCall: Nous n'avons pas examiné ce que devrait être un bon système, mais il y a certains principes dont il faudrait certainement tenir compte. Si l'on parlait d'un genre de redevance sur les supports d'enregistrement, un des principes que nous défendrions est le fait que cette redevance se rapproche dans toute la mesure du possible du comportement que vous essayez de modifier. Ce n'est pas l'importateur ni le fabricant de la cassette vierge qui fait toutes ces copies illégales, c'est celui qui achète cette cassette de 60 minutes.
Vous avez tout à fait raison - tout le monde le fait et personne ne se sent coupable et certains disent que cela stimule l'achat de musique enregistrée, ce qui est un avantage. Je ne sais pas comment s'équilibrent les avantages et les inconvénients. Pendant des années l'ACC s'est opposée à toute taxe cachée dans le prix. Nous étions contre la taxe sur les ventes des fabricants et nous avons beaucoup insisté pour que la TPS soit une taxe visible. Même avec les changements récents, nous avons insisté pour que l'on indique la taxe sur le reçu. Un de nos principes est que ce ne soit donc pas caché.
[Français]
M. Leroux: Mais seriez-vous d'accord que, dans le cas actuel, on pourrait faire un effort d'esprit en disant qu'il y a une rémunération, une redevance dans le prix exigé par le manufacturier? On pourrait dire que ce n'est pas une taxe, mais bien un revenu à redistribuer à des gens qui s'en font un salaire. À mon avis, on fait une espèce d'ouverture d'esprit. On essaie de regarder tout cela. On peut dire que cela ne fait pas partie du processus d'application d'une taxe sur un produit, puisqu'il y a tout un processus de redistribution de l'argent et que cela constitue une rémunération pour les ayants droit.
Vous n'avez pas de solution ou de mécanisme à nous suggérer, mais nous avons un projet de loi avec un mandat de réouverture dans cinq ans, qu'on aimerait bien adopter dans les meilleures conditions possible, en essayant d'atteindre l'équilibre entre les utilisateurs et les ayants droit. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu pour vous de tenter l'expérience et de revoir ce mécanisme-là d'ici cinq ans à la lumière de cette expérience? Au lieu de retirer le projet de loi, n'y aurait-il pas lieu de faire un pas, compte tenu que cet argent servira à la rémunération des artistes?
On ne parle pas de n'importe quoi. Cela ne va pas dans les coffres de l'État, mais à des artistes.
[Traduction]
Mme McCall: Si la disposition est adoptée telle quelle, je crois qu'il faudra qu'il y ait un processus de consultation intelligent à propos des règlements parce que les questions de savoir qui va payer, combien, et s'il y aura des exceptions pour les minicassettes et les cassettes éducatives - tout cela sera traité dans les règlements. Il est très important, si la disposition est adoptée, que le processus de consultation porte sur la réglementation.
Nous pouvons tirer des leçons de l'expérience européenne. Nous ne sommes pas forcés de commettre les mêmes erreurs. Nous pouvons examiner diverses possibilités. Par exemple, en Belgique, la proposition à l'origine était cassette vidéo, cassette audio et disquettes informatiques. Cela portait sur tout ce quoi on peut copier et la redevance était assez basse.
C'est une façon d'équilibrer les choses. Cela touche beaucoup plus de monde, mais à un degré moindre, ce qui fait que c'est à la fois plus acceptable aux yeux du public. Cela rapporte aussi plus d'argent à la société de gestion qui perçoit cette redevance et la remet à l'artiste. C'est une méthode possible.
J'exprime là un point de vue personnel plutôt que celui d'un représentant de l'Association des consommateurs, mais il y a des tas de choses qui ne vont pas dans le secteur culturel et qui reviennent à exploiter les artistes. Beaucoup d'artistes pourraient recevoir plus d'argent si on ne les exploitait pas ou s'ils n'étaient pas dans une situation dans laquelle ils peuvent être exploités, par les fabricants de disques, les entreprises de production ou d'autres.
Il y a également des tas d'autres façons d'améliorer la situation de l'artiste au Canada. Une loi sur le statut de l'artiste est évidemment un bon point de départ. Ce n'est pas la seule solution. Il y en a qui aimeraient que l'on s'arrête là, mais il y a d'autres moyens.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Abbott: Cela n'étonnera personne que je sois entièrement d'accord avec vous à propos des cassettes vierges, en particulier, car, comme vous le signalez, il s'agit d'une taxe invisible imposée par les Libéraux. Ils s'attaquent à quelqu'un qui ne peut pas sortir, qui voudrait aller à l'église, qui voudrait aller écouter une conférence ou suivre un cours et lui mettent cette taxe sur l'enregistrement de ce qu'il aurait voulu aller écouter. Je ne vois vraiment pas comment cela pourrait marcher.
Toutefois, si nous partons du principe qu'ils vont probablement l'imposer, il faut encore savoir où sera perçue cette taxe. Autrement dit, je suis complètement d'accord avec vous. J'aimerais qu'elle soit éliminée.
Toutefois, partons de l'hypothèse que cette taxe est imposée. Si nous supposons que les 37c. seront considérées comme un coût pour les produits vendus - et ce sera le cas, parce que si un importateur reçoit une cassette au Canada pour 50c., et y ajoute 37c., cela donne 87c. - il faudra ensuite y ajouter le bénéfice de l'importateur, du grossiste et du détaillant. Après avoir accepté de payer 1,89$ pour une cassette de 1$, celle-ci sera encore frappée par la taxe de vente provinciale et la taxe sur les produits et services. Donc, plutôt qu'une cassette de 1$ plus TVP et TPS, on se retrouve avec une cassette de 1,89$ plus TVP et TPS.
Si on applique cette taxe de 37c., pensez-vous qu'il serait pratique de procéder autrement et d'envisager une taxe visible? Autrement dit, si l'on disait voici votre cassette de 1$, votre TVP, votre TPS et vos 37c., l'artiste aurait tout de même ses 37c. mais on n'y ajouterait pas d'autres taxes et majorations. Pensez-vous que ce serait une façon pratique de procéder?
Mme McCall: Je ne sais pas si ce serait une façon pratique de procéder. S'il faut déjà indiquer trois choses différentes à la caisse, cela risquerait de poser de graves problèmes de mise en application.
Le principe général c'est que la politique de l'ACC en ce qui concerne toutes les sortes de taxes de vente, de taxes à la valeur ajoutée ou autres est que cela doit s'appliquer au niveau du détail. Nous nous opposons aux taxes de vente parce que ce sont des taxes régressives mais la réalité étant qu'elles existent, nous estimons qu'elles doivent s'appliquer au niveau du détail et que l'assiette doit être aussi large que possible. Comme pour ce qui est de la TPS, nous dirions ainsi que les vidéocassettes, les audiocassettes, les disquettes informatiques, les cassettes numériques pour les ordinateurs, les modules de commande ZIP, les modules de commande CD-Rom, etc. - tout ce sur quoi on peut enregistrer devrait être touché et la redevance devrait être aussi minime que possible.
Lorsqu'on a discuté de la TPS, nous avions proposé qu'il n'y ait pas d'exemption. La recherche que nous avions effectuée alors avait indiqué que s'il n'y avait pas d'exemption, elle pourrait être limitée à 4 p. 100. En Belgique, je crois que ça coûte 8 ou 9c. pour 60 minutes. Ce serait un niveau beaucoup plus raisonnable. Si on visait les cassettes audio et les cassettes vidéo et touts les supports d'enregistrement informatiques, la redevance pourrait être de 2 ou 3c. et rapporter beaucoup d'argent à redistribuer aux artistes.
M. Abbott: Plutôt que d'être invisible au départ, toutefois... Je pense à la Colombie-Britannique, parce que je ne connais pas aussi bien la loi dans d'autres provinces. Par exemple, pour les pneus automobiles, on applique 5 ou 6$ par pneu retiré de la voiture. Autrement dit, si je paye 90$ pour un pneu plus le service, les taxes, etc., on indique que je paye aussi 6$ pour l'élimination de ce pneu. Bien que je sois convaincu que les détaillants préféreraient qu'il n'y ait pas une mention distincte pour ces 37c., dans l'intérêt des consommateurs... Si l'on applique cette taxe de 37c., j'estime qu'il serait bon qu'elle soit indiquée visiblement et qu'ainsi ne s'y appliquent pas la TVP et la TPS.
Mme McCall: L'ACC est certainement de cet avis. Je dirais qu'au détail, la somme pourrait être considérablement inférieure aux 37 ou 38c. avancés. Je ne pense pas que ce montant soit définitif. Ceux qui s'opposent à ce montant devraient avancer un autre montant.
M. Abbott: Merci.
Le président: Merci, monsieur Abbott.
Madame Phinney.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci.
J'aimerais préciser quelque chose à l'intention de M. Abbott et de tous ceux qui s'y perdent. C'est le gouvernement qui fixe une taxe, la perçoit et la verse dans ses coffres. Le gouvernement ne fixe pas les redevances. En l'occurrence, cela relèvera de la Commission. Les redevances ne seront pas perçues par le gouvernement ni versées au Trésor public, mais bien redistribuées à la communauté artistique. Il y a donc une grande différence entre...
M. Abbott: Ce n'est pas une taxe.
Mme Phinney: Ce n'est pas une taxe, ce sont des redevances au cas où vous ne l'auriez pas bien compris.
Une voix: Sciences politiques 101.
Mme Phinney: Merci d'être avec nous aujourd'hui. Je sais que la population respecte énormément le travail que vous faites et l'aide que vous donnez aux consommateurs. Faites-vous des études au sein de votre organisme?
Mme McCall: Oui, mais nous avons cinq employés et faisons appel à des bénévoles pour le reste du travail. Nous n'avons pas toujours étudié toutes les questions sur lesquelles nous aurions aimé nous prononcer publiquement.
Mme Phinney: Les chiffres cités ici, les 39 millions sur 44 millions de cassettes dont il a été question précédemment ressortent d'une étude effectuée par un groupe de travail de l'industrie de la musique, je pense.
Mme McCall: Je le pense. Je pense également que les représentants de la SOCAN ont participé au groupe de travail.
Mme Phinney: Pouvez-vous nous confirmer si vous avez effectué des études ou des...
Mme McCall: Nous n'avons pas nos propres chiffres. C'est simplement qu'en pratique, ce n'est pas raisonnable.
Mme Phinney: Toutefois, vous ne disposez d'aucun fait sur le nombre de cassettes vierges qui ne servent pas à reproduire des enregistrements sonores?
Mme McCall: Non.
Mme Phinney: Très bien. Vous parlez ici dans votre rapport des achats outre-frontières. Pouvez-vous nous fournir des données étoffées sur les achats outre-frontières anticipés ou sur les ventes au marché noir? Avez-vous des données sur cela?
Mme McCall: Non. Nous avons examiné l'information et la recherche effectuée par le Conseil européen du secteur de l'enregistrement sur ce qui s'est produit dans les pays de l'Union européenne avec la fluctuation du taux de redevances d'un pays à l'autre. Dans certains pays, il n'y a pas de redevances, alors que dans d'autres, le taux est très élevé ou moyen: les problèmes vécus sont assez évidents. Nous avons vu ce qui s'est produit dans le cas du tabac et de l'alcool. Si les taxes sont trop élevées ou perçues comme telles, il y a d'autres moyens de se procurer le produit à un prix inférieur, c'est la nature humaine.
Mme Phinney: Vous n'avez aucune statistique à ce sujet?
Mme McCall: Non, en effet.
Mme Phinney: Très bien. Dans votre mémoire, vous laissez entendre que le prix de vente au détail des cassettes vierges augmenterait d'environ 60 p. 100. C'est un autre chiffre que vous avez calculé, et c'est environ 60 p. 100.
Mme McCall: En effet.
Mme Phinney: Comment pouvez-vous savoir avec certitude l'incidence des redevances sur le prix au détail? Nous ne savons pas encore précisément le montant des redevances, ni si le prix sera majoré en cours de distribution ou simplement payé par les fabricants et les grossistes. Comment pouvez-vous en arriver à ce chiffre sans ces faits?
Mme McCall: Il y a deux aspects à la question. D'abord, dans la plupart des cas, les augmentations de coûts sont transmises aux consommateurs, car il y a une limite aux augmentations que le fabricant ou le grossiste peut absorber. Si le prix de gros d'une cassette de qualité moyenne, c'est 50c. et que vous y ajoutez 37c., c'est énorme, et il est fort peu probable que le fabricant ou l'importateur absorbe cette somme; peut-être en partie, mais il est impossible d'absorber une aussi forte augmentation.
Mme Phinney: Mais ce n'est pas définitivement 37c.
Mme McCall: Non, c'est justement une des difficultés lorsqu'on en parle maintenant. Personne ne sait ce que ce sera, ce que cela coûtera, comment se fera l'administration, qui en fera la perception, et finalement on demande aux gens de prendre des décisions en se fondant sur très peu de choses.
Mme Phinney: Tout ne sera peut-être pas négatif.
Mme McCall: Tout ne sera peut-être pas négatif, mais c'est justement pourquoi je dis que si vous adoptez la proposition telle que présentée, l'élaboration de la réglementation se fera dans le cadre de consultations en bonne et due forme afin d'assurer que le plus grand nombre de personnes possible en tireront tout le parti possible et que cela nuira au plus petit nombre possible de personnes.
Mme Phinney: Merci.
J'ai encore une brève question. Vous avez mentionné la Canadian Booksellers Association, qui prétend qu'en ce qui concerne l'importation parallèle les mesures sont peut-être un peu prématurées, puisque l'on se dirige vers des normes de service volontaires et qu'à votre avis on devrait leur donner plus de temps à cette fin. Combien de temps - cinq ans, dix ans, ou jusqu'à la troisième étape? Comment déterminer combien de temps accorder à l'association?
Mme McCall: Il n'y a pas vraiment de période moyenne pour élaborer des normes. Tous les participants considèrent que les travaux avancent et veulent continuer.
Je pense que c'est très positif. Tant qu'on ne saura pas quelles seront les normes sur lesquelles on s'entendra, c'est difficile à dire, mais il ne faudra probablement pas de cinq à dix ans, mais plutôt un an ou deux, peut-être encore moins.
Une autre possibilité, ce serait d'utiliser cette épée de Damoclès et ne pas adopter le projet de loi tant qu'il ne sera pas clair qu'il n'y aura aucune solution volontaire acceptable. Cela éviterait de devoir suivre toute la procédure législative. S'il n'est jamais nécessaire de promulguer la loi, tant mieux.
Mme Phinney: Merci.
Le président: Nous avons 15 minutes de retard ce matin, et donc j'accepte une brève question de M. O'Brien, de M. Arseneault et de M. Leroux seulement.
M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): Je passe, monsieur le président.
M. O'Brien: J'ai beaucoup aimé votre exposé, mais en grande partie il m'a semblé que vous nous faisiez part d'anecdotes ou d'opinions, ce qui est parfait.
Vous contestez la validité du nombre cité d'utilisations illégales de cassettes, mais sans statistiques à l'appui. Toutefois, si j'ai bien compris, vous avez ajouté que si l'utilisation frauduleuse était de 98 p. 100, il conviendrait peut-être que le gouvernement impose des redevances, puisque le nombre d'innocents serait très petit.
Ensuite, en réponse à une question de mon collègue, M. Leroux, vous avez répondu que tout le monde le fait, que personne ne se sent coupable. N'est-ce pas reconnaître qu'à un moment ou à un autre 100 p. 100 des consommateurs... Ce sont vos mots exactement, madame. Pouvez-vous nous expliquer ce qui me semble un peu illogique?
Mme McCall: Oui, d'une certaine façon, c'est un illogisme. Je suis persuadée que certains ne sont pas assez vieux pour utiliser l'équipement ou ne l'ont jamais fait. Je ne suis pas persuadée que chaque Canadien soit capable de reproduire des cassettes à domicile, mais cela ne tient pas compte de toutes les autres utilisations possibles des cassettes. Le fait que tous nous puissions brûler un feu rouge de temps à autre ne signifie pas que nous brûlons tous les feux rouges que nous voyons.
M. O'Brien: Peut-être, mais ce n'est peut-être pas un bon argument en faveur des feux rouges. N'est-ce pas là justement la question? C'est justement la question sur laquelle se penche le comité.
Mme McCall: C'est peut-être le cas.
M. O'Brien: Nous avons vu des preuves très claires sur les cassettes que les fabricants ciblent la reproduction de disques compacts, etc. Est-ce que ce même genre de ciblage existe dans d'autres cas? J'essaie simplement de voir s'il y a des preuves du contraire.
Mme McCall: Excusez-moi, je ne comprends pas ce que vous entendez par ciblage des fabricants.
M. O'Brien: Nous avons vu les cassettes que nous ont apportées les fabricants. Sur la cassette même, on vante la qualité de reproduction des disques compacts sur ces cassettes.
Mme McCall: Vraiment, je ne suis pas au courant.
M. O'Brien: Le bon sens me dit, madame, que si l'on cible ainsi le marché, alors 39 millions de cassettes sur 44 millions, c'est peut-être assez juste.
Voici donc ce que je veux savoir: avez-vous des preuves que les fabricants font de la publicité à des fins autres que ce qui constitue une reproduction illégale? Y a-t-il des preuves d'autres genres de publicité ciblée?
Mme McCall: Je crains très franchement de ne pas le savoir.
M. O'Brien: Merci beaucoup.
[Français]
Le président: Monsieur Leroux, une dernière question?
M. Leroux: Je voudrais juste faire une observation par rapport aux cassettes. Les représentants du monde de l'éducation sont venus revendiquer le droit à ces redevances-là, parce qu'ils pouvaient faire des cassettes pédagogiques.
À ce rythme, on n'en finirait pas de reconnaître qu'il n'y a plus de monde à la porte.
Je voulais juste faire cette observation-là.
[Traduction]
Mme McCall: C'est l'une des difficultés si l'on impose ces dispositions à tous les secteurs des médias sans considérer l'utilisation que l'on fait des cassettes et combien... Dire que l'on souhaite imposer des redevances sur toutes les cassettes vierges au profit des artistes canadiens, c'est une chose. Dire que c'est à cause de la fréquence de la reproduction illégale, c'est différent.
La justification repose sur le grand nombre de reproductions illégales. Le taux en est peut-être de 50 p. 100, ce qui représente un problème énorme qu'il faut régler. Toutefois, lorsque l'on songe au nombre de cassettes utilisées à la seule Chambre des communes et dans les tribunaux dans tout le pays, je ne peux accepter ce chiffre. Si c'est la raison pour laquelle on veut prélever des redevances sur les cassettes audio vierges, je pense ce n'est pas justifié. Cela n'explique pas pourquoi vous excluez les comédiens en excluant les vidéocassettes.
Je ne sais pas s'il y a lieu de prélever des redevances sur les enregistrements sonores vierges ou non. Pour l'Association des consommateurs du Canada, le projet de loi comporte un si grand nombre d'illogismes et d'éléments qui n'ont pas de sens qu'il faudrait, à notre avis, qu'on recommence à zéro.
Nous préférons que l'on raye cela du projet de loi. Il faudrait créer une structure de consultation, un groupe de travail, qui mette au point une bonne formule d'indemnisation, une formule appropriée au niveau approprié à l'intention des travailleurs de nos industries culturelles. Nous ne pensons pas que ce projet de loi soit cet outil. Nous reconnaissons qu'il y a un problème qu'il faut régler. Et nous pensons tout simplement que nous n'avons pas trouvé le moyen de le faire.
Je sais qu'il y a une différence entre les redevances et une taxe. Dans mon mémoire, je dis que cela ressemble plus à une taxe.
M. O'Brien: C'était pour M. Abbott. M. Abbott aime bien nous faire la leçon, mais de temps à autre nous aimons faire son éducation.
Mme McCall: Je vois.
Le président: Madame McCall, comme vous avez pu le constater, votre comparution a stimulé une discussion des plus intéressantes sur une question importante. Nous vous en remercions. Merci de votre présence.
Mme McCall: Merci beaucoup de m'avoir entendue. Si vous créez un groupe consultatif, nous aimerions beaucoup y participer.
Le président: Merci.
J'aimerais maintenant accueillir les représentants de la Société historique du Canada. Il s'agit de Jim Miller, le président, et de M. Don Wright, le secrétaire de langue anglaise.
Je dirais, monsieur Miller, que vous semblez posséder de nombreux amis. Ont communiqué avec nous de nombreux députés, tels que Georgette Sheridan, de la Saskatchewan, et John English, de l'Ontario, qui est historien lui-même, et de nombreux autres qui souhaitaient s'assurer que vous alliez comparaître ici aujourd'hui. Nous sommes très heureux de vous voir. Vous disposez d'une demi-heure, monsieur Miller.
M. J.R. Miller (président, Société historique du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'apprendre que les historiens ont des amis.
Nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous faire part des opinions de la Société historique du Canada, la Canadian Historical Association, sur le projet de loi C-32. Avant de vous présenter notre position sur cet important projet de loi, j'aimerais vous présenter l'autre représentant de la SHC qui m'accompagne. Il s'agit de Don Wright, notre secrétaire de langue anglaise.
M. Claude Beauregard, notre trésorier et la professeur Béatrice Craig, notre secrétaire de langue française, sont dans l'impossibilité d'être ici, tout comme Joanne Mineault-Dean. M. Beauregard est en route, je pense, vers le Zaïre pour le compte du ministère de la Défense nationale. La professeure Craig donne un cours à l'Université d'Ottawa.
La SHC, un organisme national, compte environ 1 700 membres dans toutes les régions et dans tous les secteurs de la vie canadienne. Outre un grand nombre d'universitaires, professeurs et étudiants, la société compte parmi ses membres des archivistes, des enseignants, des membres de sociétés historiques et généalogiques locales, des journalistes, des avocats et des citoyens qui s'intéressent à l'étude et à la diffusion de l'histoire.
Bien qu'on retrouve au sein de nos rangs un intérêt pour l'histoire de toutes les périodes et de toutes les régions, c'est l'histoire du Canada et de ses peuples qui intéresse au premier titre la grande majorité de nos membres.
Les membres de la société sont des créateurs et des utilisateurs des droits d'auteur. Naturellement, nos membres universitaires tout particulièrement, publient des livres, des articles, produisent des films ou des vidéos ou d'autres oeuvres protégées par des droits d'auteur et souvent vont ainsi chercher des revenus sous forme de redevances, de droits d'impression ou de reproduction provenant de CANCOPY ou de l'Union des écrivaines et écrivains québécois. D'ailleurs, la société elle-même a bénéficié de paiements de CANCOPY.
Toutefois, bon nombre de nos membres sont également des consommateurs de documents protégés par le droit d'auteur, que ce soit pour leur plaisir, comme aide à l'enseignement ou, plus fréquemment, pour des études ou des recherches privées. Plus particulièrement - et j'y reviendrai dans quelques instants - nous utilisons beaucoup les oeuvres non publiées déposées dans les archives. Très souvent, ce sont ces oeuvres qui constituent en grande partie la matière première à partir de laquelle nous façonnons nos produits historiques.
Puisque les membres de la société sont à la fois créateurs et consommateurs de documents protégés, nous comprenons comment le projet de loi C-32 améliore la situation et comment il pourrait créer de très graves problèmes pour les chercheurs historiens.
Nous reconnaissons et comprenons le fait que le projet de loi C-32 représente un net progrès pour nous qui utilisons des documents protégés en salle de classe, pour les membres archivistes qui doivent faire des copies de conservation de documents fragiles de leurs collections permanentes et pour les chercheurs qui souhaitent publier des documents protégés à des fins de recherche et d'examen privé.
De notre point de vue, l'avantage le plus important probablement du projet de loi C-32, ce sont les modifications apportées aux dispositions concernant la durée de la protection des oeuvres non publiées, ramenés de la perpétuité à une période de 50 ans à compter du décès du créateur de cette oeuvre.
Nous reconnaissons que ces aspects et d'autres du projet de loi C-32 représentent une réforme importante dont les historiens profiteront. Nous souhaitons que soit notée notre adhésion à ces aspects du projet de loi.
Toutefois, comme chercheurs historiens qui consultent notamment des collections archivistiques de documents non publiés et utilisent des documents protégés par le droit d'auteur, nous sommes également très conscients qu'il y a dans le projet de loi des lacunes qui nuiront gravement à la recherche archivistique, la rendront plus difficile et plus coûteuse et nuiront de façon générale aux travaux des chercheurs historiens.
En passant, nous remarquons en consultant la liste originale de témoins que le comité a décidé d'entendre que la société est le seul organisme constitué de chercheurs utilisant surtout des documents d'archives non publiés qui a la possibilité de faire des commentaires sur ces graves lacunes. C'est à ces aspects du projet de loi que je souhaite consacrer le reste de cet exposé.
Comme nous le soulignons dans notre mémoire, nos préoccupations au sujet du projet de loi C-32 portent essentiellement sur l'article 30.1, qui vise les bibliothèques, les archives et les musées, et l'article 7, qui traite des droits d'auteur sur les oeuvres posthumes. Jusqu'à un certain point, nous nous intéressons également à l'article 29, qui porte sur l'utilisation équitable, bien que cela constitue une moins grande priorité à notre avis. Nous allons maintenant aborder ces questions.
La société déplore que l'article 30 ne dise pas explicitement qu'il n'y a pas violation du droit d'auteur si un chercheur, ou un archiviste pour le compte d'un chercheur, fait une seule copie à des fins d'examen ou de recherche privée d'une oeuvre non publiée qui est toujours protégée par le droit d'auteur. Nous nous rendons compte qu'un service d'archives, un musée ou une bibliothèque peut, aux termes de cet article, faire une copie unique à inclure dans sa collection permanente à des fins de conservation. Nous nous rendons également compte que l'article 30.2 précise clairement que ne constitue pas une violation du droit d'auteur la reproduction d'un article de non-fiction à des fins de recherche ou d'étude privée. Nous constatons également que les établissements d'enseignement peuvent dans certaines circonstances faire des copies de documents protégés imprimés.
Toutefois, à notre avis, il faudrait à l'article 30.1 un énoncé clair disant qu'il n'y a pas violation du droit d'auteur si un chercheur ou un archiviste, pour le compte d'un chercheur, fait une copie unique à des fins de recherche ou d'étude privée d'un document protégé non publié qui fait partie d'une collection d'archives permanente. Pour des raisons que je vous expliquerai dans un instant, l'absence d'une telle disposition gêne beaucoup le genre de recherches archivistiques à la base de la plupart des recherches historiques.
Les difficultés provoquées par cette omission à l'article 30.1 sont aggravées par d'autres dispositions, surtout celles portant sur la période de transition - au paragraphe 7(3) - suivant l'entrée en vigueur du projet de loi C-32.
Brièvement, ces dispositions prolongent la durée du droit d'auteur pour l'oeuvre non publiée d'une personne qui meurt après l'entrée en vigueur de ce projet de loi pour une période de 50 ans après le décès du créateur. Dans le cas des auteurs décédés moins d'un siècle avant l'entrée en vigueur de cette loi, le droit d'auteur sur leur oeuvre non publiée existera pendant 50 ans après l'entrée en vigueur de la loi.
Cela signifie que les documents non publiés de personnages tels que les premiers ministres Laurier, Borden, Meighen, King et Bennett, tous morts depuis un certain temps, seront protégés par le droit d'auteur jusqu'en l'an 2047 au moins. Ces dispositions, surtout celles qui sont prévues pour la période de transition, nous semblent excessives. Il deviendra impossible pour un chercheur qui étudiera par exemple les relations entre Sir Wilfrid Laurier et le journaliste et politicien Henri Bourassa de photocopier une lettre complète ou un autre des documents ayant appartenu à Laurier.
Évidemment, il en va de même pour toute une gamme de documents non publiés versés dans des archives un peu partout au Canada, documents qui ont une grande importance historique et qui intéressent les chercheurs.
Pourquoi ces dispositions de l'article 30.1 et de l'article 7 inquiètent-elles la Société historique du Canada?
Dans le cas de l'article 7, surtout les dispositions de transition, les modifications proposées limiteront la photocopie à des fins de recherche pour une période plus longue qu'il ne serait nécessaire ou utile, nous semble-t-il. Une période plus brève, disons 30 ans, nous semblerait plus appropriée dans le cas des oeuvres posthumes non publiées. Si le comité permanent s'inquiète de ce qu'une période plus courte n'accordera pas une protection suffisante à la vie privée d'un créateur, il ne doit pas oublier la nécessité, dans la formulation de la loi, de faire une distinction entre le droit d'auteur et la vie privée.
Celui qui lègue des documents à des archives, ou l'exécuteur littéraire de la succession du créateur de ces documents, spécifie quelle partie de la collection est fermée ou interdite et la durée de cette exclusion ou restriction. Inutile donc de traiter de ce genre de questions dans la Loi sur le droit d'auteur, puisque les ententes conclues entre les donateurs, ou leur succession, et les archives règlent habituellement ces questions lorsque les documents sont cédés.
Nous exhortons le comité à modifier l'article 7, surtout en ce qui a trait aux dispositions de transition, de raccourcir la période de protection du droit d'auteur visant oeuvres posthumes et de réduire de façon importante la période de protection accordée aux oeuvres créées par des auteurs décédés moins d'un siècle avant l'entrée en vigueur de cette loi.
Si les chercheurs historiens et autres ont de la difficulté à accepter l'article 30.1 du projet de loi C-32, c'est évidemment parce que cet article va nuire à la recherche archivistique, puisqu'il accorde des droits d'auteur pour une longue période aux oeuvres posthumes. Dans son libellé actuel, le projet de loi ne permet pas de faire une copie unique à des fins de recherche ou d'étude privée d'un document non publié complet, protégé par le droit d'auteur, qui fait partie de la collection permanente d'un service d'archives.
Vu la façon dont les chercheurs font actuellement la majeure partie de leurs recherches archivistiques, c'est-à-dire en faisant une seule photocopie d'un long document pertinent à leurs recherches, l'article 30.1 forcera les chercheurs à prendre de nombreuses notes manuscrites, dactylographiées ou sur ordinateur pendant qu'ils travaillent dans les archives. Même cette méthode risque de voir des erreurs se glisser dans la transcription ou les résumés de documents. Plus graves toutefois sont les inconvénients et les dépenses qu'entraînera pour les chercheurs qui travaillent dans les services d'archives dans tout le Canada l'interdiction de faire une photocopie unique.
Comme l'a dit l'archiviste national, M. Jean-Pierre Wallot, lors de sa comparution le29 octobre, la plupart des chercheurs utilisent maintenant beaucoup la photocopie afin d'assurer l'exactitude de leurs travaux et de gagner du temps. Les chercheurs se procurent une seule copie de documents importants le plus rapidement possible, reportant l'analyse détaillée de ces documents à leur retour chez eux.
C'est particulièrement le cas des chercheurs qui doivent se déplacer sur de grandes distances pour se rendre au service d'archives qu'il leur faut consulter. Vu les coûts de transport et les frais de subsistance que leur imposent leurs déplacements, il est essentiel qu'ils utilisent de façon efficiente leur temps de recherche.
Les membres du comité doivent comprendre que c'est là un grave problème pour les chercheurs qui consultent dans les services d'archives, surtout dans les années 90. À titre d'exemple concret, pour une seule journée de comparution devant vous, il en coûte environ 700$ à la SHC pour ma comparution ici. Si j'étais en mesure de rester ici pendant une longue période pour faire des recherches aux Archives Deschâtelets des Pères Oblats ou aux Archives nationales du Canada, mes frais de subsistance seraient d'environ 100$ par jour.
Dans les années 90, le coût de la recherche loin de chez soi est un problème beaucoup plus grave que par les décennies passées. Les fonds d'aide aux recherches en histoire et dans d'autres domaines diminuent parce que les gouvernements, les institutions publiques, telles que les universités et les collèges, et les organismes sont confrontés à des problèmes financiers.
Les chercheurs dans les années 90 éprouvent beaucoup plus de difficultés à se procurer des fonds à l'appui de leurs recherches. C'est pourquoi il est particulièrement malheureux que ce projet de loi sur le droit d'auteur envisage d'ajouter aux coûts des recherches archivistiques en empêchant les chercheurs de faire une copie unique d'un document protégé non publié à des fins de recherche ou d'étude privée.
Le climat financier crée des difficultés pour tous les chercheurs, et tout particulièrement pour les étudiants chercheurs. Le même mouvement de compression budgétaire dont je parlais il y a un instant réduit également les fonds disponibles pour financer les étudiants aux études supérieures en histoire et dans d'autres disciplines, même les plus doués.
Par exemple, alors que le Conseil de recherches en sciences humaines a accordé 62 bourses doctorales en histoire en 1991, en 1994-1995, ce nombre était tombé à 54, pour passer à 48 en 1995-1996, et finalement à 39 en 1996-1997. Évidemment, cet organisme de financement n'est qu'un seul parmi les nombreux autres qui ont dû réduire leur appui financier à la recherche des étudiants aux études supérieures, même les plus doués.
Les membres du comité comprendront peut-être mieux les difficultés des étudiants si je leur donne comme exemple une expérience récente de mes étudiants. Ma dernière fonction universitaire avant de quitter Saskatoon a été d'écrire des lettres de recommandation pour deux de mes étudiants à la maîtrise qui avaient présenté une demande de financement à l'Université de la Saskatchewan pour venir à Ottawa, le printemps prochain, effectuer des recherches dans le cadre de la rédaction de leur thèse de maîtrise.
Une étudiante avait des dépenses de 500$ pour les déplacements, 750$ de frais de logement partagé, 245$ pour les repas - somme étonnamment basse - et 300$ de frais de photocopie de documents d'archives. Si en raison du projet de loi C-32 il devient impossible pour cette étudiante de photocopier des documents d'importance cruciale aux Archives nationales du Canada, elle sera contrainte de prolonger son séjour à un coût très élevé pour elle, ou encore elle sera obligée de réduire l'étendue de ses recherches.
Quand des étudiants ou d'autres chercheurs connaissent l'emplacement d'un ou deux documents précis dont ils ont besoin, ils ne se rendent pas jusqu'aux archives, mais demandent à ces dernières de leur faire une photocopie et de la leur envoyer. Cela leur sera aussi impossible si l'on interprète littéralement l'article 30.1 du projet de loi C-32.
La Société historique du Canada est d'avis que les restrictions imposées au droit de faire un nombre limité de photocopies de documents non publiés protégés par le droit d'auteur à des fins de recherche n'a aucune utilité publique, mais nuira plutôt à l'intérêt public.
Après tout, il s'agit ici de l'accès sans but lucratif à des documents dont les créateurs ou leurs exécuteurs ont décidé de les déposer dans une collection archivée sous réserve des conditions d'accès ou d'utilisation que les donateurs ont eux-mêmes définies.
À la lumière de ces conditions, la SHC prie le comité d'apporter au projet de loi C-32 un amendement qui aurait pour effet d'ajouter un nouvel article immédiatement après l'article 30.1, lequel dirait:
- Ne constitue pas une violation du droit d'auteur le fait pour une bibliothèque, un musée ou un
service d'archives, ou une personne agissant sous l'autorité de ceux-ci, de faire une copie
unique d'une oeuvre, ou de tout autre objet du droit d'auteur, publiée ou non, se trouvant dans
leur propre collection, à des fins d'étude privée ou de recherche.
Nous supposons que les obstacles à ces recherches que crée le projet de loi C-32 sont fortuits et accidentels. Par conséquent, la Société historique du Canada prie le Comité permanent du patrimoine canadien de recommander les changements modestes que nous avons proposés ici.
Merci de nous avoir écoutés. Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Miller.
Je demanderais aux députés d'être concis. Nous avons pris du retard, comme vous le savez. Monsieur Leroux.
[Français]
M. Leroux: D'abord, je veux vous remercier pour le plaidoyer que vous venez de faire. Mes collègues vont se joindre à moi pour dire que notre travail a pour but de faciliter celui des gens qui sont dans votre domaine, la recherche et le développement, ou encore qui font des études en histoire, etc. À mon avis, le comité comprend que toutes ces fonctions actuelles exercées par les historiens et les professeurs ne peuvent pas être entravées ou ralenties indûment par un projet de loi. Mes collègues visent à faire en sorte que certains secteurs de la société puissent avoir accès à des documents d'auteurs pour faire leur travail. Je pense qu'on se rejoint très bien là-dessus.
Monsieur Miller, vous sembliez surpris de constater que vous aviez des amis, mais il faut dire que beaucoup d'entre eux nous ont écrit. Par les temps qui courent, on reçoit beaucoup de courrier de vos amis dans la recherche de ces objectifs. Alors, nous sommes sensibles à l'analyse et aux observations que vous faites.
Qu'est-ce qui se passe par rapport à votre travail de recherche? Quel est le processus en cause dans le cas des documents accessibles qui sont publiés et ceux qui ne le sont pas, pour qu'on puisse saisir les enjeux du processus? Vous dites que cela fait problème pour les document non publiés.
[Traduction]
M. Miller: Je suis ravi d'entendre de nouveau parler de nos amis, monsieur Leroux. Je trouve cela très rassurant.
J'ai peut-être eu une réaction excessive. Je pensais traiter plutôt avec des administrateurs universitaires qu'avec des membres d'un comité parlementaire.
Comme le laisse entendre votre question, les historiens utilisent à la fois des ouvrages publiés et non publiés, et ce, en grande quantité. Nous fonctionnons essentiellement de la même façon dans les deux cas, je crois. Si le document que nous voulons utiliser n'est pas très long, nous le résumons ou nous le paraphrasons dans nos propres notes. Si le document est plus long, nous trouvons préférable pour des raisons d'efficacité et de fiabilité d'en faire une photocopie.
Dans le cas d'ouvrages publiés, bien sûr, quand nous travaillons dans des institutions publiques, nous devons être conscients des restrictions et des règlements qui s'appliquent, et nous le sommes. Quand nous voulons faire des copies, nous sommes conscients des règlements qui s'appliquent.
[Français]
M. Leroux: Dans la situation actuelle, sans le projet de loi, quels sont les problèmes que vous rencontrez dans l'exercice de vos fonctions?
[Traduction]
M. Miller: J'imagine que vous voulez parler de la loi et des règlements actuels.
À mon avis, les principales difficultés auxquelles se heurtent les chercheurs tiennent aux déplacements très coûteux. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que la Loi sur le droit d'auteur vienne aggraver ces difficultés à l'heure actuelle, mais ce serait le cas si le projet de loi était adopté. L'actuel régime du droit d'auteur n'est pas une importante source d'obstacles, mais c'est peut-être parce que, quel que soit le régime, les institutions ne le font pas souvent respecter à la lettre.
M. Leroux: D'accord.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Abbott: Merci.
Comme l'a dit M. Leroux, nous avons reçu beaucoup d'information des gens. J'aimerais être très précis. À votre avis, en votre qualité de représentant d'une société historique, diriez-vous exactement la même chose si vous parliez de généalogie?
Autrement dit, nous avons des gens qui ne sont peut-être pas... pas des non-professionnels, par contraste avec ceux dont c'est le vrai métier, mais des gens qui s'intéressent à leur arbre généalogique ou à celui de quelqu'un d'autre, et pour qui c'est un passe-temps. Vos commentaires s'appliqueraient-ils absolument aux gens de cette catégorie aussi? J'aimerais confirmer cela.
M. Miller: Notre organisation représente des enquêteurs tant professionnels qu'amateurs. C'est vrai, de nombreux généalogistes sont membres de la Société historique du Canada aussi. Je ne prétends pas parler avec confiance et exactitude au nom de tous les généalogistes, mais j'ai l'impression que oui, nos méthodes sont très semblables ainsi que les documents que nous utilisons.
Si je peux parler avec un certain degré de confiance, c'est que j'ai consulté de nombreux généalogistes au moyen du courrier électronique et de l'Internet, et nous avons débattu de ces questions, et quand nous avons affiché des avis à ce sujet sur une liste de discussion appelée «H-Canada», nous avons constaté que les généalogistes réagissent exactement comme le font les historiens et d'autres.
Pour autant que je sache, nos préoccupations et nos intérêts sont assez - sinon parfaitement - identiques.
M. Abbott: Nous avons réduit la liste, qui n'est pas exclusive, à certaines choses précises comme les concessions de terres et les registres fonciers; les registres paroissiaux, les originaux ou les microfiches; les dossiers de recensement; les documents de famille; les journaux personnels. Voilà ce qui semble les préoccuper surtout.
Je suis un peu curieux, et vous pourrez peut-être m'aider à comprendre ceci. Ce problème, particulièrement en ce qui concerne les oeuvres non publiées, existe-t-il maintenant sans être corrigé par le projet de loi C-32, ou est-ce que ce sont les dispositions du projet de loi C-32 qui créent le problème?
M. Miller: Je suis désolé d'avoir à vous répondre oui et non.
En ce qui concerne le droit d'auteur sur une oeuvre posthume non publiée, le projet de loi C-32 est une amélioration, comme je l'ai dit, puisqu'il définit une période précise de durée du droit d'auteur. À l'heure actuelle, le droit d'auteur existe à perpétuité. Ainsi, en ce sens-là, le projet de loi C-32 est une amélioration.
Cependant, c'est un recul en ce sens que le régime actuel du droit d'auteur ne semble pas être appliqué rigoureusement pour ce qui est des oeuvres non publiés conservées dans des établissements. Nous craignons qu'une fois la loi proclamée les institutions publiques ne veuillent davantage faire respecter la loi ou ne se préoccupent davantage de leurs responsabilités juridiques.
M. Abbott: Je veux m'assurer d'avoir bien compris; vos commentaires s'appliquent-ils uniquement aux oeuvres publiées ou aux oeuvres non publiées, ou aux deux?
M. Miller: Aux deux.
M. Abbott: Merci.
Le président: Madame Phinney.
Mme Phinney: Merci, monsieur le président.
Les oeuvres non publiées sont différentes des oeuvres publiées en ce sens que l'auteur choisit de ne jamais les publier, notamment les journaux personnels, les lettres et autres choses de ce genre. Étant donné qu'il y a des questions de protection de la vie privée aussi bien que de droit d'auteur qui touchent les oeuvres non publiées, ne croyez-vous pas qu'il est raisonnable que l'on impose pour ces oeuvres davantage de restrictions que pour la reproduction d'ouvrages publiés?
M. Miller: Nous croyons respectueusement que la réponse est non. Les documents conservés dans les archives, les musées et les bibliothèques s'y trouvent parce que les gens en ont fait don.
Autrement dit, les créateurs ou leurs descendants ou leurs exécuteurs ont choisi de déposer les documents aux archives. Quand ils y laissent une collection de documents, ils définissent les restrictions quant à l'accès et à la protection de la vie privée. Ils négocient ces conditions avec les archives. Les archivistes font respecter ces restrictions, le cas échéant.
Ainsi, les pratiques actuelles des archivistes sont suffisantes pour calmer les craintes des créateurs et de leurs exécuteurs en ce qui concerne la protection de la vie privée. Il n'est pas nécessaire d'utiliser la Loi sur le droit d'auteur pour protéger la vie privée.
Mme Phinney: Ainsi, une nouvelle loi ne permettrait pas de passer outre aux restrictions qu'une famille aurait pu imposer 10 ans plus tôt?
M. Miller: Je ne saurais répondre à cette question. Je ne sais pas quelles seraient les répercussions juridiques. Je crois que les dispositions du projet de loi C-32 sont contraires du moins à ce que souhaitaient de nombreuses personnes qui ont déjà déposé leurs documents dans de tels établissements. Cela créerait un régime bien différent de ce qu'ils ont souhaité.
Mme Phinney: Si les exceptions pour les oeuvres publiées prévues au projet de loi C-32 devaient s'appliquer aussi aux oeuvres non publiées, comme vous le demandez, qui s'occuperait d'effectuer le contrôle? Avez-vous une idée sur la façon d'effectuer ce contrôle?
M. Miller: Nous croyons comprendre que le chercheur aurait une obligation morale de se conformer à la loi. En outre, les archivistes exerceraient un contrôle parce qu'ils doivent faire le nécessaire pour que les photocopies puissent être faites ou permettre que leurs appareils soient utilisés à cette fin. Ils peuvent surveiller de très près la méthode de reproduction. Un archiviste serait en mesure de faire respecter ces règlements, et serait même tout à fait prêt à le faire.
Mme Phinney: Mais comment le ferait-il? Dénoncerait-il le coupable à quelqu'un d'autre, ou l'attaquerait-il pour lui arracher les documents reproduits et les déchirer?
M. Miller: Je crois que les archivistes et les historiens sont des gens beaucoup moins belliqueux que cela.
Mme Phinney: Je ne parle pas d'eux. Je parle de ceux qui feraient la reproduction.
M. Miller: Quand un chercheur travaille aux archives et souhaite avoir une copie d'un document, souvent il doit remplir un formulaire. Si le chercheur indiquait sur le formulaire qu'il veut cinq copies de tel ou tel document, l'archiviste lui dirait que c'est impossible. Que c'est illégal. Qu'ils acceptent de faire une copie à des fins d'étude privée et de recherche. En ce sens purement mécanique, le règlement serait appliqué.
Mme Phinney: Ainsi, les archivistes devraient se tenir là, aux côtés du chercheur, pour s'assurer...
M. Miller: Dans la plupart des cas, les archivistes prennent les documents et les envoient dans un autre service pour y faire faire la reproduction, de sorte que cela n'ajouterait pas à la charge de travail des archivistes.
Mme Phinney: Merci.
Le président: Merci, madame Phinney. Merci, monsieur Miller. Je crois que vous nous avez présenté vos arguments avec conviction et clarté, et nous vous remercions d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
M. Miller: Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs.
[Français]
Merci à tous.
[Traduction]
Le président: J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Sidney Margles, président de Standard Sound Systems Co. Ltd., et à M. Wallace West, vice-président de CHUM Satellite Services.
Avant de vous donner la parole, monsieur Margles, je dois vous rappeler ce que nous avions convenu, à savoir que nous avons très peu de temps, puisque nous vous avons ajouté au bout de la liste des témoins. Vous pouvez choisir de prendre les 15 minutes qui vous sont imparties pour faire votre exposé ou de laisser quelques minutes pour la période des questions. Libre à vous. Nous devrons nous interrompre vers 1 h 35 pour que les députés puissent se rendre à leur bureau et à la période des questions.
Vous avez la parole.
M. Sidney Margles (président, Standard Sound Systems Co. Ltd.): Merci, monsieur le président. Nous prenons bonne note de ce rappel. Nos commentaires seront relativement concis. Nous serons disposés à répondre à vos questions, puisque nous croyons que nos réponses pourront être utiles au comité.
[Français]
Je dois d'abord remercier le comité d'avoir accepté notre mémoire et de nous permettre de lui présenter de l'information additionnelle pour son étude.
Nous croyons que notre intervention pourra aider cette commission parlementaire à améliorer la Loi sur le droit d'auteur.
D'ici la fin de cet exposé, nous espérons que vous aurez une meilleure compréhension d'une industrie unique qui semble être ignorée par ceux qui ont élaboré le premier projet de loi C-32.
Même si nous parlerons tous deux au nom de nos entreprises respectives et de MUSAK CANADA, la plupart de nos remarques concernent tous les diffuseurs de musique d'ambiance au Canada. En effet, il y en a près une quarantaine. Les enjeux sont principalement les mêmes pour tous.
[Traduction]
M. Wallace M. West (vice-président, CHUM Satellite Services): Nous fournissons tout un service de musique d'ambiance à des commerces et à des établissements industriels. Nous diffusons et nous rediffusons des émissions par divers moyens de télécommunication, dont les satellites, les stations de radio sous-porteuses FM, les lignes téléphoniques, et même des bandes magnétiques et des logiciels. On pourrait presque parler de radio en circuit fermé.
Nous distribuons nos services sur abonnement. Nous desservons le marché nord-américain. La principale source de notre matériel sonore, ce sont les États-Unis. Nos collègues aux États-Unis et, pour autant que nous sachions, ceux qui offrent des services commerciaux comparables en Europe, sont totalement exemptés des droits voisins.
Nous cherchons à obtenir un statut semblable au Canada. Nous demandons à être exemptés de toute nouvelle redevance qu'il nous serait difficile, sinon impossible, de résorber ou de transmettre à nos abonnés.
Notre secteur est extrêmement fragile. Les représentants de l'Association canadienne des restaurateurs et des services alimentaires vous ont expliqué de façon on ne peut plus claire que pour les restaurants le prix est le critère essentiel. Ce n'est pas seulement les restaurants qui ont ce point de vue à notre égard; il est partagé par presque tous nos abonnés. D'après notre expérience, une hausse mensuelle d'un dollar provoque un tollé, et il nous arrive souvent de perdre un client à cause d'un montant aussi minime.
Nous sommes probablement le seul secteur où la transmission du produit représente autant que la moitié de nos recettes brutes et où presque un quart de ce que nous percevons est versé directement sous forme de taxes directes au gouvernement et de redevances à la SOCAN. Ce n'est certainement pas le moment de rajouter une autre redevance. Si elles n'avaient pas d'autres activités connexes dans le domaine des communications, il y a bien des entreprises de notre secteur qui ne pourraient pas continuer à fonctionner dans la conjoncture actuelle.
En septembre dernier, la Commission du droit d'auteur, après de longues audiences, semble avoir compris la situation économique précaire de notre secteur en rejetant entièrement la demande présentée par la SOCAN en vue d'augmenter considérablement les redevances.
À notre avis, la question des droits voisins pour le créateur et l'interprète d'oeuvres musicales ne peut pas se justifier. Une fois qu'une chanson a été enregistrée pour utilisation en public, pourquoi devrait-il y avoir une deuxième redevance quand il n'y a pas de valeur ajoutée?
Dans la plupart des cas la société de disques qui produit l'enregistrement prévoit ou bien un paiement initial pour l'artiste-interprète, ou bien une participation aux recettes qui découlent de la vente. Le producteur ne s'attend pas à recevoir des revenus de tiers, comme les utilisateurs de la musique. Nous aidons les sociétés de disques grâce à notre diffusion en public de leurs produits. Manifestement elles apprécient cette aide, car elles nous offrent les disques gratuitement ou à très peu de frais.
Si les droits voisins sont approuvés, qui va en profiter? Nous savons fort bien que les enregistrements d'artistes canadiens utilisés aux États-Unis, où la grande majorité de nos artistes cherchent à percer afin de vendre plus de disques, ne sont pas soumis à une loi concernant les droits voisins.
Il y a bien d'autres questions que nous voudrions aborder avec vous, si le temps le permettait, en vous parlant de notre expérience. Il s'agit entre autres des problèmes que posent l'application des dispositions actuelles de la Loi sur le droit d'auteur, le manque de compréhension de la part du public et le fait qu'il est peu disposé à respecter la loi, l'utilisation d'enregistrements privés dans les établissements commerciaux, la question des copies supplémentaires, la difficulté de l'application rétroactive de la loi et, de façon générale, les considérations théoriques par rapport à l'application pratique de la loi dans ce domaine, surtout en tenant compte de l'évolution très rapide des méthodes de transmission.
Mais puisque notre temps de parole est limité et que vous avez sûrement de nombreuses questions à nous poser, nous allons mettre fin à notre exposé.
M. Margles: Monsieur le président et mesdames et messieurs, nous estimons que nous devrions être entièrement exemptés des droits voisins qui seraient prévus dans la loi. Toutefois, si vous décidez dans votre sagesse que nous ne devrions pas avoir cette exemption, nous vous demandons respectueusement de nous accorder un statut spécial, semblable à notre statut actuel dans le cadre du tarif de la SOCAN et semblable à ce qui est proposé dans le projet de loi pour les petites stations de radiodiffusion.
Dans le tarif de la SOCAN, mieux connu sous le nom de «tarif 16», nous sommes décrits comme des fournisseurs de musique. Nous percevons au nom de la SOCAN un droit pour l'exécution en public, et la SOCAN nous donne un taux réduit spécial en tenant compte du travail que nous faisons pour identifier l'utilisateur, percevoir le droit et le verser.
Si on ne nous accorde pas une exemption totale pour ce qui est des droits voisins, nous demandons que le projet de loi soit modifié de façon à ce que le secteur de la musique d'ambiance, comme on nous appelle d'habitude, soit spécifiquement reconnu. Nous estimons que nous devrions avoir le même traitement que celui que le projet de loi C-32 accorde au système de transmission par ondes radioélectriques au paragraphe 68.1
Nous proposons en outre que la redevance imposée soit basée uniquement sur les recettes annuelles du service d'abonnement, c'est-à-dire un droit de licence annuel de 100$ pour la première tranche d'un million de dollars de revenu provenant du service d'abonnement, toute redevance supplémentaire étant déterminée par la Commission du droit d'auteur, avec mise en oeuvre graduelle, comme c'est prévu pour les stations de radio.
Encore une fois, je vous remercie.
[Français]
On vous remercie. Nous sommes prêts à répondre à vos questions dans les deux langues de notre pays.
Le président: Il nous reste dix minutes.
[Traduction]
Nous allons partager le temps qui reste entre les deux partis.
[Français]
Monsieur Leroux.
M. Leroux: Monsieur Margles, bienvenue pour une deuxième fois au comité; vous êtes choyé, vous.
M. Margles: Non, je visite Ottawa assez souvent. Cela ne me dérange pas.
M. Leroux: Je voudrais entrer tout de suite dans le sujet. Vous parlez d'exemptions par rapport aux États-Unis. Ils n'ont pas de droits voisins, mais vous dites que l'exemption est totale en ce qui concerne les droits connexes aux États-Unis. Comme ils n'en ont pas, à quel genre d'exemptions faites-vous allusion au juste?
M. Margles: Cette même industrie existe aux États-Unis; elle est plus grande, naturellement. Aux États-Unis, il n'y a aucun droit voisin. Il y avait même une audience publique du Sénat et des représentants du gouvernement des États-Unis, où l'exemption était accordée avec l'approbation et l'appui des compagnies du disque et des autres acteurs de l'industrie.
M. Leroux: Donc, dans l'industrie de la musique d'ambiance aux États-Unis, personne ne paie de redevances.
M. Margles: Non. Ils paient l'équivalent de ce que demande la SOCAN, c'est tout.
M. Leroux: D'accord, on s'entend. Donc, en ce qui concerne les droits d'auteur, c'est établi.
M. Margles: Oui.
M. Leroux: En ce qui concerne l'exemption pour les droits voisins, ça va, car ils n'en ont pas.
M. Margles: Non, mais il a été question du droit voisin aux États-Unis et cela a été été mis de côté. Cette industrie et l'industrie radiophonique...
M. Leroux: Dans le contexte du projet de loi, vous sentez très bien que les droits voisins sont un élément très important de la loi, demandé depuis longtemps. On voudrait bien entrer dans le cortège des 50 pays qui ont des droits voisins, etc. Vous êtes dans le contexte.
Vous avez fait allusion tantôt à la Commission du droit d'auteur par rapport à la SOCAN, par rapport aux tarifs. Dans le cadre de SOCAN, il se fait quand même de l'arbitrage. Il y a la Commission. La commission vient toujours établir les tarifs en fonction d'un principe, de la capacité de payer, etc. Est-ce que les outils actuels vous donnent une certaine sécurité quant à votre capacité de payer par rapport à des droits voisins?
M. Margles: Je vais vous expliquer. Jusqu'à l'année passée, on discutait avec la SOCAN de la question des droits et normalement, on arrivait à une entente acceptable pour les deux parties. Il y a quelques années, par exemple, la SOCAN a demandé une augmentation de tarif de 169 p. 100. On a dit que ce n'était pas acceptable. Nous avons présenté une offre. La SOCAN a décidé de comparaître devant la Commission du droit d'auteur. Pour nous, c'était coûteux et on n'avait pas d'avocat. Comme on vous l'a dit dans notre mémoire, SOCAN a identifié 42 compagnies, mais ce sont toutes de petites compagnies, sauf nous deux qui représentons la moitié de leur source de revenu de cette industrie. Mais nous sommes très contents, parce que nous nous sommes bien entendus. On a eu une décision qui dit clairement en sept ou huit pages les raisons pour lesquelles la proposition de la SOCAN a été rejetée. On espère négocier avec la SOCAN à l'avenir.
Si vous croyez que c'est la Commission qui doit décider d'un tarif pour notre industrie, on sera prêts à accepter sa décision.
M. Leroux: Non, pas nécessairement. Depuis le début des travaux, j'ai toujours affirmé qu'il devait y avoir une libre négociation entre les parties.
M. Margles: Monsieur Leroux, il y a un problème pour les petites entités. S'il n'y a pas de collectif, je ne sais pas avec qui on va négocier et qui va percevoir. Le montant pour la perception de ces droits va-t-il disparaître en dépenses pour un collectif ou si ce sera la SOCAN ou quelqu'un d'autre qui devra faire la perception?
M. Leroux: On peut faire des hypothèses, mais revenons au principe. On laissera les collectifs se répartir leurs perceptions et leurs mécanismes.
Je voudrais parler de chiffres. Quel est le chiffre d'affaires de votre industrie actuellement et quelle est la part de redevances que vous payez actuellement? Quelle est la proportion dans votre industrie?
M. Margles: Malheureusement, il n'y aucun chiffre pour décrire l'ampleur de l'industrie au Canada. Nous n'avons aucune association. On ne connaît même pas les 42 compagnies. J'en connais cinq au Québec. Il y en a peut-être deux autres dans l'Ouest du pays.
M. Leroux: Mais parlez de vous d'abord.
M. Margles: Étant donné que nous sommes une compagnie privée, je ne peux pas vous donner de chiffres détaillés. Je dois vous dire que le chiffre d'affaires de nos deux compagnies depuis 1990 a diminué; je peux vous dire qu'on paie environ 100 000$ à la SOCAN pour notre part au Québec et dans les provinces Atlantiques.
M. West peut dire combien sa compagnie paie à la SOCAN. C'est un renseignement public. Nous payons à peu près la moitié de ce que la SOCAN perçoit des...
M. Leroux: Oui, je comprends, mais comme je ne peux pas le mettre en relation avec le rendement de votre industrie,...
M. Margles: Le rendement?
M. Leroux: ...je ne peux pas savoir quelle est la proportion.
M. Margles: Si je vous disais que presque partout cette année, il n'y a pas eu de profits, est-ce que ce serait assez clair?
M. Leroux: Vous n'avez pas de chiffres pour les autres entreprises.
M. Margles: On le sait parce qu'il y a une collègue qui vient de faire faillite. On sait bien que la plupart sont des petits.
Peut-être pouvez-vous demander à la SOCAN si elle peut vous fournir les chiffres qu'elle a ou à la Commission du droit d'auteur si elle peut vous donner des renseignements sur les autres.
M. Leroux: Donc, on peut dire en conclusion qu'on ne connaît ni l'ampleur de votre entreprise ni le nombre d'entreprises. Faudrait-il que nous fassions nous-mêmes la recherche?
M. Margles: Comme je vous dis, la seule information que nous ayons, c'est que la SOCAN a dit à la Commission qu'il y avait 42 compagnies. On a demandé qui elles étaient, mais la SOCAN a refusé de nous le dire. Peut-être a-t-elle peur qu'on crée une association. Je ne sais pas.
La seule chose que je peux dire, c'est que nous travaillons dans ce métier depuis une cinquantaine d'années pour la compagnie de M. West. Pour nous, cela fait plus de 30 ans. Dernièrement, avec la nouvelle technologie, il y a une compagnie qui est née au Québec qui transmet la musique par ordinateur. Est-ce qu'elle va survivre? On ne le sait pas encore. Il y en a une qui a déclaré faillite il y a deux ans; elle est de retour depuis six mois. Il y a une nouvelle compagnie, DMX. On leur a parlé, mais ils ne sont pas ici. Ils ont décidé de ne pas se présenter.
Le président: Monsieur Bélanger.
[Traduction]
M. Bélanger: Je serai très rapide, puis je vais poser une dernière question. Vous parlez de la question de la rétroactivité dans votre mémoire. Vous demandez qu'aucun nouveau tarif ne soit appliqué rétroactivement. Y a-t-il des dispositions dans le projet de loi qui vous laissent entendre que l'on envisage la possibilité d'une application rétroactive?
M. Margles: Pas précisément, mais nous avons déjà eu certaines expériences... L'échec du système en général peut être attribué en partie à un manque de ressources, peut-être au niveau de la Commission du droit d'auteur, où les audiences ont lieu. Au cours de la dernière audience de la SOCAN, où on avait proposé des tarifs pour les deux années antérieures... La commission a la possibilité d'imposer ces tarifs de façon rétroactive, comme elle l'a fait dans le cas de la câblodistribution, par exemple.
M. Bélanger: Il n'y a rien dans le projet de loi.
M. Margles: Effectivement. Mais nous disons que le projet de loi devrait peut-être comporter une disposition qui précise que quand il y a des audiences il ne peut pas y avoir de rétroactivité.
M. Bélanger: Il faudrait peut-être en parler à la commission. De façon générale, à moins de l'autoriser précisément, il ne peut pas y avoir de rétroactivité.
Deuxièmement, vous dites que votre secteur favorise la vente de disques et que vous répondez à des questions concernant le titre d'une chanson ou le nom d'un artiste-interprète que vous diffusez. Combien de demandes de ce genre recevez-vous?
M. West: Cela varie d'une année à l'autre et d'une saison à l'autre.
M. Bélanger: S'agit-il d'une variation de 100 000 à 100?
M. West: Il ne s'agit certainement pas de 100 000. Au cours d'une période de six mois ou d'un an nous avons peut-être seulement une vingtaine de demandes, mais pour une autre période de six mois nous pouvons en recevoir jusqu'à plusieurs centaines.
M. Bélanger: Mais cela ne dépasse jamais 1 000 au cours de l'année?
M. West: Non.
M. Margles: Mais nous avons la liste des enregistrements joués lorsque les gens appellent, et nous...
M. Bélanger: Je comprends cela. J'ai une dernière question, et je ferai un peu la comparaison avec le secteur minier. Il y a beaucoup de personnes qui doivent payer des redevances pour l'exploitation du minerai car sans le minerai, il n'y aurait pas de mine. Alors, s'il n'y avait pas de musique, votre secteur pourrait-il exister?
M. Margles: S'il n'y avait pas de musique, notre secteur n'existerait pas comme tel. Mais il faut se poser la question: combien faut-il de redevances si on veut avoir une industrie viable?
M. Bélanger: On pourrait peut-être répondre qu'il devrait y avoir des redevances pour tous ceux qui ont contribué à la création de cette musique, qui vous permet d'exister.
M. Margles: Sauf votre respect, j'estime que c'est à la Commission du droit d'auteur de déterminer si l'industrie peut exister avec l'imposition de redevances supplémentaires, et là il pourrait y avoir confrontation avec la SOCAN. Je ne suis pas ici pour plaider cette cause.
M. Bélanger: Très bien, mais n'est-ce pas la responsabilité de la Commission du droit d'auteur de fixer le tarif?
M. Margles: Oui, et je pense que la Commission du droit d'auteur tiendrait compte du fait que nous avons signalé, c'est-à-dire l'absence de valeur ajoutée. Puisque le système existe depuis 50 ans et que les sociétés de disques nous aident à diffuser cette musique en public, pourquoi y apporter des changements maintenant?
M. Bélanger: J'ai une dernière question à poser, monsieur le président.
[Français]
Tous les présentateurs que nous avons reçus ont sans exception, je crois, loué le travail de la Commission. Est-ce que vous avez une raison particulière de craindre les décisions de la Commission?
M. Margles: Quelle commission? La vôtre?
M. Bélanger: Non, la Commission du droit d'auteur.
M. Margles: Mais pas du tout.
M. Bélanger: Merci, monsieur.
[Traduction]
Le président: Nous vous remercions d'être venus témoigner, monsieur Margles et monsieur West.
La séance est levée.