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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 21 novembre 1996

.1007

[Français]

Le président: Je déclare la séance ouverte pour l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

[Traduction]

Je déclare ouverte la séance ayant pour objet l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.

Je souhaite la bienvenue à la Writers' Union of Canada, qui est représentée aujourd'hui par Mme Margaret Atwood, présidente du Comité du droit d'auteur; Mme Penny Dickens, directrice générale; et Mme Marian Hebb, conseillère juridique.

Je tiens tout particulièrement à souligner la présence de Mme Margaret Atwood, l'une des personnalités les plus remarquables du Canada. Votre présence nous honore, madame.

Nous vous écoutons; vous avez la parole.

[Français]

Mme Margaret Atwood (présidente, Comité du droit d'auteur, Writers' Union of Canada; League of Canadian Poets): Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Bonjour, tout le monde. C'est un plaisir d'être des vôtres aujourd'hui. Le mémoire dont je vais faire état aujourd'hui concerne le droit d'auteur et est l'oeuvre conjointe de la Writers' Union of Canada et de la League of Canadian Poets.

Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui, et tout particulièrement d'avoir réaménagé votre horaire afin qu'il corresponde au mien.

Un pays n'a pas de littérature florissante sans une bonne loi sur le droit d'auteur. George Bernard Shaw a dit que les juges ne reconnaissaient pas autrefois au droit d'auteur la qualité de propriété intellectuelle, et que tout a changé le jour où ceux d'entre eux qui possédaient des canaris ont découvert qu'un oiseau ne chante pas s'il meurt de faim. On n'a le temps d'écrire que si l'on a de quoi vivre. Et l'on oublie trop souvent que la propriété intellectuelle est une propriété et qu'en jouir sans permission constitue un vol.

Ce n'est pas en écrivant qu'on paie aisément son loyer. Je suis l'une des rares qui ont le bonheur de vivre de leur plume. Statistique Canada nous apprend qu'en 1994 le revenu moyen d'un écrivain dans notre pays était d'un peu plus de 15 000 $. Ce qui veut dire qu'un grand nombre d'entre eux gagnent moins.

Le projet de loi C-32 est surtout une question d'argent, et il aura principalement pour effet de donner à la plupart des écrivains moins d'argent qu'ils n'en gagneraient autrement.

Ce n'est que depuis quelque temps que les écrivains touchent de l'argent de certains usages, par exemple la photocopie, pour laquelle ils ne recevaient rien auparavant parce qu'il n'existait pas de moyen pratique de percevoir les petites sommes qui étaient en jeu.

.1010

Il existe aujourd'hui des sociétés de gestion: CANCOPY au Canada anglais et l'Union des écrivaines et écrivains québécois. Même si les sommes qu'elles perçoivent pour les écrivains sont minimes, elles représentent beaucoup d'argent pour les bénéficiaires et renforcent le principe du droit de propriété. Quand quelqu'un met une pièce de 25c. dans une photocopieuse pour copier l'oeuvre d'un auteur, il n'est que juste que l'auteur, qui est le propriétaire de ce bien intellectuel, touche quelques sous.

Les sociétés de gestion facilitent l'administration des droits et perçoivent des sommes d'argent dans les cas où il est virtuellement impossible pour l'auteur de le faire lui-même ou elle-même. En 1988, l'ancien gouvernement a adopté une loi facilitant l'administration collective du droit d'auteur. Le projet de loi C-32 propose aujourd'hui des exceptions qui auront pour effet d'affaiblir considérablement cette mesure.

Je m'attarderai plus particulièrement à l'exception qui a pour effet d'étendre la notion d'utilisation équitable à la photocopie d'articles entiers dans les bibliothèques. Même si on ne donne qu'une interprétation étroite de cette notion pour ne permettre que la photocopie d'un article par une personne à la fois, cette disposition aura un effet cumulatif, et on pourra faire plusieurs photocopies d'un seul article sans rétribution pour l'auteur.

À notre avis, ce n'est ni juste ni raisonnable, qu'il s'agisse d'un article qui a été publié au cours des 12 derniers mois ou en 1986; qu'il s'agisse de poésie, de théâtre, de fiction ou de non-fiction; que le photocopieur soit un étudiant, un professeur, un bibliothécaire ou l'usager d'une bibliothèque.

Étant donné qu'il existe des sociétés de gestion, il n'est pas nécessaire d'ériger les exceptions en loi afin de permettre l'accès aux oeuvres des auteurs. Les auteurs veulent que les usagers aient aisément accès à leurs oeuvres. C'est pourquoi ils se joignent volontairement aux sociétés de gestion. Les exceptions érigées en loi contraindront les écrivains à subventionner directement les bibliothèques et les écoles, efforts qu'on n'exige pas des autres contribuables. C'est injuste.

La reproduction de la propriété intellectuelle sans permission est un vol, et je ne crois pas que mon gouvernement ait le droit de légaliser ce vol. En termes plus charitables, ces exceptions érigées en loi constituent une expropriation de la propriété intellectuelle sans compensation. Nous vous demandons d'éliminer les exceptions que compte le projet de loi C-32.

Nous nous préoccupons également de ces photocopieuses à maniement individuel qu'on trouve dans toutes les écoles et bibliothèques. À notre avis, il n'est pas juste ni raisonnable que ces établissements puissent ainsi se décharger de la supervision des photocopieuses qui se trouvent sous leur toit. Le projet de loi C-32 les décharge de la responsabilité qu'ils ont en matière de photocopie dans la mesure où ils mettent ces photocopieuses à la disposition des étudiants et du public. La photocopie généralisée de textes protégés par le droit d'auteur se poursuivra, et il n'existera aucun mécanisme d'octroi de permis pour les usagers qui ne seraient pas enclins à violer le droit d'auteur si on leur offrait une solution de rechange facile.

À notre avis, il ne saurait y avoir d'immunité comme celle qu'on propose, à moins que l'établissement n'ait une licence émise par une société de gestion qui autoriserait l'utilisation de photocopieuses à maniement individuel. Autrement, soyez sûrs que dans la plupart des cas les auteurs ne toucheront pas un sou pour de telles photocopies.

J'aimerais maintenant parler de la nouvelle technologie électronique dont les écrivains ont également salué l'avènement. Nous la craignons aussi, sachant qu'il a fallu près de 20 ans pour que les propriétaires de droits d'auteur se dotent des moyens voulus pour contrôler la photocopie et en profiter. Les moyens électroniques nous posent aujourd'hui un problème encore plus difficile. La plupart des exceptions que propose le projet de loi C-32 vont tout probablement s'appliquer aussi aux copies électroniques, même si tel n'est pas l'intention déclarée du gouvernement.

Le gouvernement a dit qu'il s'occupera des questions relatives à l'autoroute de l'information plus tard, à la phase trois de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Nous savons par expérience qu'entre-temps bon nombre d'usagers donneront l'interprétation la plus large qui soit des exceptions. Les écoles et les ministères de l'Éducation seront en mesure de transmettre des textes protégés par le droit d'auteur par l'Internet pour les étudiants du télé-enseignement et les candidats aux examens. Les bibliothèques vont transmettre des documents par voie électronique à leurs clients et aux autres bibliothèques, et ce, sans licence dans chaque cas.

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Les écrivains se préoccupent de la perte de contrôle sur leur propriété une fois qu'elle sera en format électronique, tout comme ils se préoccupent de la perte de revenus provenant des photocopies. Les bibliothèques fournissent des documents moyennant paiement. Les écrivains ne touchent pas un sou de cette activité.

J'aimerais encore une fois parler d'argent, mais aussi de l'industrie de l'édition canadienne et du dumping. Il m'arrive parfois de voir des éditions américaines de mes livres en vente illégalement au Canada. Chaque fois que cela se produit, mon éditeur canadien rate des ventes importantes, je perds des redevances et le gouvernement perd des impôts. L'auteur reçoit habituellement une redevance fort réduite pour les ventes des éditions américaines qui sont illégalement exportées au Canada, et parfois même aucune redevance, parce que les livres publiés aux États-Unis sont souvent largués au Canada à des prix dérisoires sur lesquels aucune redevance n'est payable.

Voilà pourquoi je tiens à souligner l'importance des articles sur l'importation parallèle du projet de loi C-32 pour les écrivains et leurs éditeurs au Canada, dispositions que nous soutenons. Sans le droit de distribution, nous croyons qu'il sera de plus en plus difficile pour les éditeurs canadiens de survivre. Certains ne survivront même pas. Chose certaine, les maisons d'édition du Canada publieront moins de livres d'auteurs canadiens.

De même, il deviendra plus avantageux pour les auteurs de best-sellers canadiens de trouver un seul éditeur pour alimenter tout le marché nord-américain. Il s'agira dans la plupart des cas d'un éditeur ayant pignon sur rue aux États-Unis. La perte de ces auteurs de best-sellers ne fera qu'affaiblir les éditeurs canadiens. Les jeunes auteurs canadiens trouveront qu'il est de plus en plus difficile d'être publié au Canada, et même plus difficile de publier ses premiers livres à l'extérieur du Canada. En conséquence, la littérature canadienne s'affaiblira.

Toutefois, même si nous sommes heureux de ce droit de distribution, une mise en garde s'impose. Le projet de loi C-32 accorde aux bibliothèques et aux gouvernements des exceptions au titre des restrictions à l'importation, des exceptions plus larges que celles qui existaient. Nous nous opposons à ces exceptions, à moins qu'on ne les amende de nouveau pour restreindre de telles importations à des exemplaires uniques avant la publication du livre au Canada.

Je vais maintenant parler encore d'argent, mais aussi de la prérogative qu'a l'auteur de décider s'il veut ou non être publié. Ce qu'un auteur lègue à sa famille, c'est son droit d'auteur ainsi que les oeuvres qu'il a écrites pendant sa vie. Souvent, c'est à peu près tout ce que laisse l'auteur à ses héritiers. En rétrécissant la période de protection pour les oeuvres inédites au moment de la mort de l'auteur, le projet de loi C-32 diminue la valeur de ce legs. Mais ce n'est pas tout.

En vertu de la loi actuelle sur le droit d'auteur, lorsque meurt l'auteur, ses oeuvres inédites demeurent protégées tant qu'elles demeurent inédites et pour 50 ans après leur publication. L'auteur s'en remet à son exécuteur testamentaire pour décider quoi et quand publier, responsabilité importante. Le projet de loi C-32 dit que le doit d'auteur et les documents inédits cessent d'être protégés 50 ans après la mort de l'auteur, au moment où s'éteint le droit d'auteur sur les oeuvres publiées de l'écrivain.

On verra donc sans doute des auteurs détruire des textes afin qu'ils ne soient jamais publiés au lieu de s'en remettre à la discrétion de leur exécuteur testamentaire dans des circonstances particulières, que ce soit cinq ans ou 75 ans après la mort de l'auteur. Le principe selon lequel l'auteur ou les héritiers de l'auteur doivent conserver le droit de décider s'il convient de publier des oeuvres inédites est fondamental.

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Les écrivains et autres auteurs, parmi eux les politiciens, écrivent des lettres et des journaux qui souvent ne sont pas destinés à la publication. Par exemple, Maud meurt et laisse derrière elle un journal contenant de franches observations sur des amis et des parents. Cinquante ans venant de s'écouler après la mort de Maud, on peut publier son journal sans crainte de poursuites pour diffamation, parce que les personnes dont elle fait état sont également décédées.

Ses héritiers pressentent un éditeur canadien, qui refuse de publier son journal. C'est trop risqué sans la protection du droit d'auteur. Un autre éditeur pourrait tout simplement reproduire le texte imprimé. Donc, les héritiers de Maud pressentent un éditeur britannique, qui sera plus enclin à publier le journal que ses concurrents canadiens, et ce, parce que le journal de Maud sera protégé pendant 20 ans et plus au Royaume-Uni.

À l'heure où la Communauté européenne allonge la période de protection du droit d'auteur jusqu'à 70 ans après la fin de l'année où l'auteur est décédé, pourquoi le gouvernement du Canada veut-il réduire notre protection pour les oeuvres inédites à moins de 70 ans après la mort? Les auteurs canadiens intelligents et leurs héritiers s'efforceront de publier d'abord au Royaume-Uni, ou simultanément là-bas, afin d'obtenir une période de protection plus longue, ou alors du moins ils chercheront un éditeur ailleurs dans le monde. Le Canada va perdre ces revenus.

À notre avis, le Canada doit aujourd'hui étendre la période de protection du droit d'auteur pour toutes les oeuvres publiées jusqu'à 70 ans après la mort de l'auteur. À tout le moins, le Canada ne devrait pas rétrécir la protection pour les oeuvres inédites à une période plus courte que celle qu'on prévoit dans les pays de l'Union européenne. Ce changement qui rétrécit la protection pour les oeuvres publiées après la mort de l'auteur aurait des effets sur notre commerce international ainsi que sur les auteurs eux-mêmes, et l'on n'a pas songé suffisamment aux conséquences de cette mesure. Il conviendrait de reporter tout changement à la phase trois de la révision de la Loi sur le droit d'auteur.

Enfin, nous tenons à faire valoir un argument dont ne fait pas état le texte que nous avons adressé à votre comité. Nous croyons aussi qu'il faut amender la disposition sur l'utilisation équitable afin de dire clairement que les «résumés de presse» concernent l'utilisation par les médias dans un journal ou dans une émission d'actualités, de telle sorte qu'on ne pourra pas dire qu'elle s'applique aux services de coupures de presse, qui ont une licence.

En conclusion, je tiens à rappeler que les écrivains sont de petits entrepreneurs et que notre droit d'auteur, c'est aussi souvent notre seul bien. Les exceptions au droit d'auteur constituent une expropriation de notre propriété contre notre volonté. Si le droit d'auteur était une voiture, cela constituerait un vol de voiture.

Même si la plupart d'entre nous touchent des revenus comparativement faibles, nous sommes les créateurs dont l'oeuvre nourrit une industrie de l'édition qui génère plusieurs millions de dollars. J'ai la certitude que vous serez d'accord avec moi pour dire que nous, les écrivains, jouons un rôle essentiel dans la société où nous vivons et travaillons.

Cependant, pour survivre, nous devons nous appuyer sur une bonne loi sur le droit d'auteur. Voilà pourquoi nous nous opposons aux exceptions. Si nous n'arrivons pas à vous persuader que ces exceptions sont inutiles, nous vous implorons à tout le moins de ne les appliquer qu'aux oeuvres qui ne sont pas accessibles aux termes d'une licence émise par une société de gestion.

Notre mémoire fait état de plusieurs autres observations détaillées sur le projet de loi C-32, dont certaines sont de nature technique. Si vous ne l'avez pas encore fait, nous espérons que vous prendrez le temps de lire notre mémoire au grand complet.

Avec le concours de la directrice générale de la Writers' Union, Penny Dickens, et de notre conseillère juridique, Marian Hebb, je suis maintenant disposée à répondre à vos questions.

Le président: Merci, madame Atwood.

[Français]

Monsieur Leroux.

M. Leroux (Richmond - Wolfe): Merci pour votre présentation, madame Atwood.Madame Hebb, on vous a vue à quelques reprises devant ce comité. Bonjour, madame Dickens.

Aujourd'hui, nous terminons des audiences qui nous auront permis d'entendre 65 différents groupes. À ce jour, nous avons reçu environ 190 mémoires.

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La question soulevée par la phase II du projet de loi sur le droit d'auteur est fondamentale. À qui est destiné ce projet de loi? Pour qui révise-t-on la loi?

En écoutant l'ensemble des témoins et en examinant toute l'histoire de la Loi sur le droit d'auteur depuis 1925-1926, on ne peut que constater que le projet de loi, tel qu'il est rédigé, fait en sorte que cette question est plus que jamais fondamentale.

Si on veut atteindre l'objectif que le projet de loi vise et propose, soit l'équilibre entre l'ayant droit et l'utilisateur, on se doit de regarder comment le législateur compose son projet de loi pour permettre cet équilibre en tenant compte des droits des uns et des autres.

On a l'impression, à entendre les témoignages, y compris le vôtre, parce que vous avez fait des suggestions d'amendements en ce qui a trait à l'ensemble des exceptions, que l'approche du projet de loi nous semble un peu dénaturer ce droit d'auteur, particulièrement en ce qui a trait aux exceptions.

On s'est interrogés dès le départ sur l'impact du projet de loi s'il était adopté tel qu'il est actuellement rédigé et, madame Atwood, j'aimerais échanger avec vous là-dessus.

Quel est l'impact du message que le projet de loi envoie à des secteurs aussi importants que l'éducation? On permet à un secteur important de notre société d'être un peu à l'abri d'une situation dans laquelle il faudrait parler avec des créateurs et des créatrices d'oeuvres. Ce secteur se dit: «Je n'ai pas à parler avec les collectifs de gestion parce que la loi prévoit que je suis une exception.»

On sait fort bien qu'il y a une éducation majeure à faire pour la reconnaissance des droits d'auteur. L'auteur a le droit d'être le propriétaire de son oeuvre. Il a aussi le droit de permettre ou de refuser que l'on utilise son oeuvre.

Cette exception nous apparaît fondamentalement négative. Elle lance un message qui permet aux gens de se déresponsabiliser de leur devoir de parler et de négocier avec des auteurs.

Également, tous les mécanismes qui ont été développés en si peu de temps, notamment les collectifs de gestion, de même que le rôle de la Commission du droit d'auteur sont amenuisés, de telle sorte que selon un bon nombre de groupes, les collectifs de gestion perdent en termes de force, de reconnaissance et de capacité à négocier.

L'ensemble des mémoires et le travail de beaucoup de collectifs de gestion et de représentants nous apparaissent comme un message important livré au gouvernement, à savoir qu'il faut des amendements sur le fond.

Le président: S'il vous plaît, le temps passe. Vous devez avoir des questions.

M. Leroux: Je comprends, mais j'aimerais d'abord établir la base de la discussion sur le fond, car ce projet de loi est fondamental. Je ne veux pas discuter seulement de la forme, mais aussi du fond. C'est pour cela que, lorsque Mme Atwood...

Le président: Monsieur Leroux, c'est fondamental pour les collègues aussi. Vous savez que nous avons peu de temps.

M. Leroux: Tout à fait.

Le président: Donc, posez vos questions, s'il vous plaît.

M. Leroux: Allez-vous ajouter le temps que vous m'avez pris, monsieur le président?

.1030

Vous travaillez à des propositions d'amendements. Êtes-vous d'accord que le projet de loi, dans sa forme actuelle, rend difficile l'avenir des ayants droit et des collectifs de gestion? Ils auront de la difficulté à se faire respecter, à négocier et à faire reconnaître leurs droits.

[Traduction]

Mme Penny Dickens (directrice générale, Writers' Union of Canada): Oui, nous sommes d'accord. Il faut équilibrer les choses dans le projet de loi, mais souvenez-vous qu'il y a d'un côté quelques milliers de créateurs et d'artistes, et de l'autre côté des millions d'usagers. Il faut donc faire peser la balance du côté des artistes; autrement, ils seront submergés.

[Français]

M. Leroux: Certains groupes qui ont témoigné devant nous ont aussi fait valoir que, dans le projet de loi, il semblait y avoir des problèmes de reconnaissance et d'accessibilité en ce qui a trait aux collectifs de gestion et aux auteurs. On sait que les collectifs de gestion ne sont pas établis partout.

On a entendu des groupes qui avaient, à notre avis, raison de s'inquiéter du fait qu'ils étaient dans des situations particulières.

Avez-vous considéré ces situations-là même si l'on sait qu'il y a déjà des exceptions dans des ententes négociées par des collectifs? Pensez-vous qu'il y a des groupes qui avaient raison de sensibiliser les ayants droit à ces exceptions?

[Traduction]

Mme Dickens: Vous dites que les sociétés de gestion n'ont pas encore rejoint certaines personnes, mais elles les rejoindront un jour. À notre avis, rien ne motive ces exceptions. Le mécanisme existe; qu'on le laisse fonctionner.

[Français]

Le président: Une dernière question, monsieur Leroux.

M. Leroux: Vous semblez dire que des exceptions ne pourraient s'appliquer que là où il n'y a pas de collectif de gestion. Est-ce bien le cas? Ai-je bien saisi vos propos?

[Traduction]

Mme Dickens: Nous préférons ne pas avoir d'exceptions, mais si c'est inévitable, nous croyons que les exceptions ne devraient pas s'appliquer s'il existe une société de gestion et si l'oeuvre est gérée par une société.

[Français]

Le président: Monsieur Abbott.

[Traduction]

M. Abbott (Kootenay-Est): Merci.

J'aimerais lire un passage d'un autre mémoire, qui fait valoir un point de vue légèrement contraire au vôtre, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez:

Mme Atwood: Il y a expropriation ou vol lorsqu'on paie. Vous pouvez obtenir un livre d'une bibliothèque ou acheter un livre dans une librairie sans la moindre difficulté. Nous disposons aujourd'hui de sociétés de gestion qui gèrent la photocopie. On ne limite pas l'accès à nos oeuvres, pas plus qu'on ne limite l'accès à la pâte dentifrice. Vous n'avez qu'à entrer dans une pharmacie, à prendre votre tube de dentifrice et à payer le 1,50 $ qu'il en coûte.

M. Abbott: Il y a deux éléments dans cette question de propriété intellectuelle. Il y a l'élément moral, à savoir que si l'on s'empare illégalement de votre propriété, c'est un vol. Mais il y a un autre côté à cette médaille, et c'est ce dont il est vraiment question ici, je crois, sauf tout le respect que je vous dois, et il s'agit de gros sous.

À votre avis, est-il bon et est-il juste d'avoir dans le projet de loi des sanctions criminelles qui viendront s'ajouter aux sanctions civiles? Autrement dit, parce qu'il s'agit de gros sous ici, ne devrions-nous pas nous en tenir simplement aux dommages civils?

.1035

Mme Atwood: N'est-ce pas ce dont il s'agit?

Mme Marian Hebb (conseillère juridique, Writers' Union of Canada): La Writers' Union croit qu'il doit y avoir des sanctions criminelles. On s'est demandé ici auparavant si elles étaient toujours justifiables ou non.

Dans certains cas, la voie civile convient parfaitement aux titulaires de droits, et convient peut-être encore davantage aux sociétés de gestion, qui sont mieux placées pour s'en prévaloir. Cependant, quand il s'agit de créateurs individuels, il arrive parfois qu'ils ne soient pas en mesure d'intenter une poursuite au civil, auquel cas il est important que l'État puisse leur venir en aide s'il le souhaite.

Je ne crois pas pour ma part et l'union ne croit pas non plus qu'il faudrait éliminer les sanctions criminelles de la Loi sur le droit d'auteur.

M. Abbott: D'accord.

Enfin, en ce qui concerne la question de l'héritage de l'auteur que vous avez soulevée - et je comprends votre point de vue - , il y a un problème qui se pose quand on passe du langage parlé ordinaire, et plus particulièrement de celui de la création littéraire, que vous maniez si bien, au langage juridique. En effet, il y a tout un monde qui sépare le langage juridique du langage de la rédaction ou de la création littéraire.

Est-il utopique de s'imaginer que nous puissions rédiger le projet de loi en des termes juridiques qui permettraient à ceux qui s'intéressent à la recherche - et je songe ici aux généalogistes et aux autres personnes qui se livrent à ce genre d'activité...? Devrions-nous pouvoir formuler le projet de loi de manière à distinguer entre les oeuvres de création qui sont réalisées par un auteur comme vous à des fins de divertissement ou d'information et les mots qui ne sont pas le résultat d'une action créatrice, mais qui ajouteraient simplement à la connaissance que nous avons de notre généalogie et de notre histoire?

Est-il vraiment raisonnable de penser que nous pourrions arriver à trouver des formulations juridiques qui nous permettraient de faire cette distinction? Pourrions-nous faire ce que vous nous demandez tout en permettant aux généalogistes d'avoir accès à l'information dont ils ont besoin?

Mme Atwood: Je ne vois pas vraiment où est le problème. Ce dont il est question ici, c'est le droit de faire des reproductions. Quand le généalogiste se rend dans une bibliothèque ou dans un service d'archives, il peut généralement fouiller et parcourir tous les documents qu'il veut, à moins que les documents n'aient été mis de côté par quelqu'un qui est décédé, de sorte qu'ils ne seraient pas accessibles au public pendant 80 ans ou 50 ans. Bien des gens donnent des indications en ce sens dans leur testament.

Ce dont il est question ici, c'est le droit, non pas de faire de la recherche, mais de publier. Il y a une différence.

M. Abbott: Que faites-vous de la reproduction? Je m'intéresse ici essentiellement au droit de faire des reproductions, car c'est là une inquiétude pour les généalogistes et ceux qui essaient de suivre la trace de leurs ancêtres et le reste.

Mme Atwood: Qu'est-ce qui les intéresserait - les certificats de naissance ou quoi?

M. Abbott: Les certificats de naissance, les titres de propriété, et peut-être même les journaux personnels dont vous avez parlé.

Mme Atwood: Je persiste à penser que les journaux personnels comme ceux dont nous parlons relèveraient de l'autorité de l'exécuteur littéraire - c'est tout particulièrement le cas des journaux personnels, il me semble.

Mme Hebb: Si vous me permettez d'ajouter un peu à cela, je vous dirais que j'ai lu, dans certains de vos procès-verbaux, les préoccupations exprimées par les archivistes, qui ont d'ailleurs fait allusion à Mme Atwood quand ils ont témoigné devant vous.

Naturellement, les écrivains sont à la fois utilisateurs et titulaires et partagent certaines de ces préoccupations, mais nous ne considérons pas qu'il y a un problème. Nous serions tout à fait disposés à appuyer les archivistes - et peut-être que cela pourrait faire partie de la phase trois de la réforme du droit d'auteur - au moyen d'une disposition qui permettrait à la Commission du droit d'auteur de trancher dans les cas où le titulaire du droit d'auteur est introuvable. Si l'auteur était décédé et qu'on n'arrivait pas à retrouver ses héritiers, on pourrait demander à la Commission du droit d'auteur d'accorder une licence, comme elle le fait maintenant pour les oeuvres publiées.

L'accès ne devrait pas faire problème, étant donné ce qu'a dit Mme Atwood au sujet de la recherche, et la publication ne devrait pas faire problème non plus, étant donné que nous avons la Commission du droit d'auteur.

Mme Atwood: En tant qu'auteur, je peux toutefois vous dire que si le délai était raccourci ma première impulsion serait de brûler mes papiers, de tout brûler immédiatement.

M. Abbott: Le problème, voyez-vous, c'est que le journal d'un auteur comme vous ne serait sans doute pas du tout perçu de la même façon que le journal de quelqu'un comme moi.

Mme Atwood: Je pense que le vôtre serait bien plus salé.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Allez-y, Jim.

M. Abbott: Je n'ai plus de questions.

Des voix: Oh, oh!

.1040

M. Peric (Cambridge): Merci, monsieur le président.

Madame Atwood, dans votre mémoire, tout comme dans vos remarques liminaires, vous dites que vous vous opposez à l'exception que prévoit le nouvel article 30.2 à l'égard des copies uniques. Vous dites que les auteurs perdraient ainsi des revenus. Pouvez-vous nous indiquer quel est le montant des revenus qui découlent à l'heure actuelle de la production d'une copie unique?

Mme Atwood: Ce n'est pas beaucoup, mais c'est un plus un plus un plus un plus un plus un plus un plus un. Si vous étiez enseignant, vous pourriez dire à chacun de vos étudiants d'aller faire une copie unique. Ce serait 30 copies. Multipliez cela par mille écoles. L'effet est cumulatif, pas celui d'une copie unique, mais celui de la copie unique qui fait partie d'une série.

M. Peric: Permettez-moi alors de reformuler ma question. Quels revenus votre association tirerait-elle de l'élimination de l'exception à l'égard des copies uniques?

Mme Atwood: Voler une voiture, ce n'est pas grand-chose non plus. C'est l'effet cumulatif qui est important.

M. Peric: Mais avez-vous des chiffres approximatifs?

Mme Atwood: Le phénomène est généralisé.

Mme Hebb: Il n'existe pas de chiffres approximatifs, parce qu'il y a longtemps qu'on fait appel à la photocopie, et cela entraîne une perte de revenus notamment pour les périodiques et les rédacteurs d'articles à la pige.

En fait, je crois qu'il y avait des chiffres dans le mémoire de CANCOPY. On a fait une enquête - je suis sûre que CANCOPY pourrait vous communiquer les résultats - sur la photocopie qui se fait dans les bibliothèques. Plusieurs enquêtes ont été effectuées. Le montant en cause est en fait très considérable. Je ne me souviens pas du chiffre qui vous a été donné l'autre jour.

M. Peric: Mais de quel ordre? S'agit-il de millions de dollars ou de centaines de milliers de dollars?

Mme Hebb: Le montant s'élevait à plusieurs centaines de milliers de dollars. Je crois que c'est le chiffre qu'on vous a donné l'autre jour. Je ne me souviens pas du chiffre exact, mais vous le trouverez dans le mémoire de CANCOPY.

Mme Atwood: Ceux qui sont le plus durement touchés sont les journalistes à la pige. Les gens ne se mettront pas à photocopier mes romans. C'est trop de travail. Ce sont donc les journalistes, ceux qui écrivent des articles dans des revues et des choses de ce genre, qui y perdent. Ce sont bien souvent des pigistes.

Mme Hebb: Un certain nombre de membres de la Writers' Union sont aussi du nombre, car parmi ceux qui écrivent des livres il y en a beaucoup qui écrivent aussi des articles.

Je tiens par ailleurs à vous faire remarquer que la loi interdit de faire cela à l'heure actuelle. L'actuelle Loi sur le droit d'auteur interdit de reproduire le texte intégral d'un article. Si donc il n'est plus interdit de reproduire le texte intégral d'un article, la perte de revenus qui s'élevait peut-être à 500 000 $ ou à 250 000 $ sera multipliée d'autant, et les auteurs perdront beaucoup plus.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Mettons que vous feriez une copie unique d'une oeuvre inédite dans le cadre de recherches ou d'études privées. Mettons que vous l'apporteriez chez vous pour la consulter. Accepteriez-vous qu'on fasse une exception dans le cas de la personne qui fait une copie unique d'une oeuvre inédite?

Si je pose la question, c'est que j'ai des copies de textes législatifs, du Royaume-Uni, par exemple, des États-Unis et de l'Australie, qui prévoient une exception en ce sens. Je me demande simplement si vous accepteriez que nous fassions la même chose.

Mme Hebb: Non, je n'accepterais pas cela, en raison du risque qui s'y rattache à mon avis. Je crois que la plupart des auteurs qui donnent des documents aux services d'archives prévoient des mesures à cet égard. La plupart d'entre eux permettraient que certains de leurs documents, mais peut-être pas tous, soient reproduits.

S'il n'y avait pas d'entente en ce sens à l'égard des documents versés aux archives... La plupart des ententes conclues pour le dépôt de documents dans un service d'archives prévoient une disposition en ce sens. C'est chose tout à fait courante.

Dans le cas de documents que le service d'archives aurait acquis de quelque autre façon et qui ne lui auraient pas été donnés directement par l'auteur, il suffirait de présenter à la Commission du droit d'auteur une demande, qui serait presque automatiquement acceptée. Il suffirait que l'archiviste présente à la Commission du droit d'auteur le formulaire prescrit.

Mme Phinney: Pensez-vous qu'il pourrait être problématique à l'échelle internationale pour ceux qui font de la recherche sur un sujet en particulier que les règles du Canada soient différentes de celles des autres pays?

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Mme Hebb: Non, pas du tout.

Je crois que vous constaterez que certaines des exceptions qui sont prévues dans d'autres pays sont assorties d'un grand nombre de conditions. Il existe certainement beaucoup de conditions qui régissent la possibilité que plus d'une personne fasse une copie. Je crois que les exceptions qui vous ont été présentées sont bien plus compliquées que ne vous l'ont dit ceux qui vous les ont présentées.

Je ne crois pas toutefois qu'il y ait de problème. Je crois que nous pouvons très facilement trouver une solution canadienne.

Mme Atwood: C'est quelque chose qui m'arrive très souvent. J'ai des documents inédits dans les archives. Si quelqu'un veut faire de la recherche à partir de ces documents, il se rend au service d'archives. On me téléphone pour me demander si la personne peut faire une photocopie. Je dis oui, bien sûr. Et si j'étais morte, mon exécuteur testamentaire dirait la même chose. Ou ce serait peut-être moi qui le dirais; je peux toujours revenir.

Mme Phinney: Il y a de plus en plus de personnes âgées qui retournent aux études et qui font des recherches. Ce sont des personnes en santé qui s'intéressent à ce genre de choses. Il se peut toutefois qu'elles ne veuillent pas rester assises pendant cinq, six ou sept heures. Il se peut qu'elles ne soient pas physiquement capables de rester assises pendant de longues heures dans un coin sombre de la bibliothèque pour compulser les documents qui les intéressent. Il serait plus commode pour elles d'emporter les documents chez elles pour pouvoir les examiner à...

Mme Atwood: Rien ne les empêche de le faire. Il existe des dispositions en ce sens.

Mme Hebb: Beaucoup d'auteurs précisent même dans les ententes qu'ils concluent avec les services d'archives où leurs documents sont déposés qu'il est possible d'en photocopier certains extraits. Quand une personne se met à reproduire le texte intégral d'un roman ou d'un manuscrit inédit, vous pouvez comprendre que l'auteur serait peut-être inquiet de ce que le document en question soit rendu public. Ce serait dangereux quand il s'agit de documents qui n'ont jamais été publiés.

Mme Phinney: À la page 2 de votre mémoire, vous demandez que la définition de «déficience perceptuelle» soit réexaminée. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Avez-vous une définition à nous proposer?

Mme Hebb: Je crois que nous ne savions pas trop qui devait être visé par cette définition, quelles seraient les déficiences qui seraient visées.

Selon toute vraisemblance, la définition ne s'applique qu'aux personnes ayant un handicap visuel. Nous craignons qu'elle ne soit étendue à celles qui auraient peut-être un handicap intellectuel. Les éditeurs publient des ouvrages qui sont tout particulièrement destinés, par exemple, à ceux qui ont un certain retard en lecture. Les livres de ce genre ne devraient pas être visés par l'exception. Je crois que la définition est rédigée de façon très large.

Mme Phinney: Voulez-vous que les personnes ayant une déficience auditive soient incluses?

Mme Hebb: Je ne sais pas quelle est l'exception qu'on propose pour ces personnes. Pour ce qui est du sous-titrage à la télévision, nous n'avons vraiment pas d'opinion à ce sujet. Je crois que si vous prévoyez une exception pour un groupe il serait peut-être juste à ce moment-là d'en prévoir une pour l'autre.

Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire de prévoir des exceptions pour qui que ce soit, car les licences prévoient déjà ces cas-là.

Mme Phinney: Merci.

Le président: Je permettrai à chaque parti de poser une dernière question.

[Français]

Monsieur Leroux.

M. Leroux: Il n'y a pas très longtemps, vous avez eu une réunion à Toronto au cours de laquelle certaines préoccupations ont été exprimées en ce qui a trait aux prêts interbibliothèques, au retrait, etc.

Pensez-vous qu'il y aura des amendements? Comment envisagez-vous l'avenir avec ce projet de loi?

[Traduction]

Mme Dickens: Nous proposons un certain nombre d'amendements au projet de loi. À mon avis, le projet de loi amène les auteurs à subventionner les établissements d'enseignement et les bibliothèques bien plus que ne le font les autres contribuables. Nous n'en voyons pas la nécessité quand le mécanisme existe déjà, quand il y a les sociétés de gestion et l'accès.

Le problème tenait autrefois à une question d'accessibilité. Cette question ayant été réglée par la création des sociétés de gestion, le problème tient maintenant à une question d'argent. Si les auteurs ne reçoivent pas d'argent pour l'utilisation qui est faite de leurs oeuvres, ils ne pourront pas écrire. C'est bien de cela qu'il s'agit ici. La Loi sur le droit d'auteur est censée aider les titulaires des droits d'auteur.

Mme Hebb: Je crois que si le projet de loi est adopté tel quel, ce sera catastrophique pour les auteurs canadiens.

Le président: Monsieur Abbott, vous avez la dernière question.

.1050

M. Abbott: Votre position selon laquelle il ne devrait pas y avoir d'exceptions dans la mesure où il existe une société de gestion comme CANCOPY me laisse perplexe. Si nous décidions de prévoir des exceptions qui ne s'appliqueraient donc qu'aux personnes ne faisant pas partie de CANCOPY, CANCOPY serait le premier groupe à dire que la liste de ses membres ou son répertoire n'est pas complet. J'ai simplement l'impression que nous ne ferions qu'ajouter à la confusion si nous retenions votre suggestion.

Mme Dickens: Nous estimons que les auteurs décident d'eux-mêmes de se joindre à CANCOPY pour être ainsi protégés. Si certains préfèrent se débrouiller seuls, sans la protection de CANCOPY, et que le projet de loi prévoit des exceptions, c'est quand même eux qui auront fait ce choix.

La grande majorité des auteurs choisissent toutefois de se joindre à CANCOPY. Ils le font de façon volontaire parce qu'ils veulent que leur droit d'auteur soit protégé et qu'ils veulent être payés pour l'utilisation qui est faite de leurs oeuvres. C'est pourquoi les sociétés de gestion... Il a fallu beaucoup de temps.

M. Abbott: Je m'inquiète tout simplement de ce que le projet de loi pourrait créer un régime à deux vitesses.

Mme Dickens: La solution serait alors d'éliminer les exceptions, et nous en serions ravis.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Merci, monsieur le président.

Si je comprends bien, l'évolution des dernières années a été favorable, en ce sens que les sociétés de gestion jouent maintenant le rôle pour lequel elles ont été conçues et qu'elles ont établi un mécanisme pour la perception des redevances, alors qu'auparavant il était pratiquement impossible de percevoir des redevances, d'après ce que vous avez dit.

Comment votre association réagirait-elle à l'idée que, pour simplifier les choses, on rende l'adhésion à une société de gestion obligatoire? Si nous décidions de ne pas prévoir d'exceptions, l'envers de la médaille serait peut-être qu'il faudrait que l'adhésion aux sociétés de gestion soit obligatoire. Je voulais simplement savoir comment vous réagiriez à cette possibilité.

Mme Atwood: Nous continuons à croire au libre arbitre. Nous sommes traditionnels. Je crois que les gens devraient être libres de décider s'ils veulent appartenir à telle ou telle association.

J'estime qu'ils doivent toutefois être renseignés, qu'il faut leur dire: voici ce qui arrivera si vous adhérez et voici ce qui arrivera si vous n'adhérez pas. C'est à vous de décider. Tout cela revient finalement à une question de choix. Nous disons essentiellement que ce devrait être à nous de décider si quelqu'un peut se servir de nos oeuvres sans nous verser de rémunération.

Dans les écoles, on m'écrit souvent pour me demander ceci ou cela. Je dis oui, bien sûr. Les auteurs sont très généreux. Ils partagent leur temps. Ils partagent plein de choses. Ils ne veulent tout simplement pas qu'une loi vienne leur dire qu'ils doivent faire cela.

Voilà ce que je dirais en ce qui concerne la possibilité de rendre obligatoire l'adhésion à quelque association que ce soit.

M. Bélanger: Merci, monsieur le président.

Mme Atwood: C'est toutefois là mon opinion personnelle.

Mme Hebb: Je pense qu'elle serait entérinée par la Writers' Union.

Mme Atwood: Tant mieux.

Mme Hebb: Je suis sûre qu'elle le serait.

M. Bélanger: Je ne suis pas sûr de partager votre vision des choses - et cela importe peu - mais l'idée que l'on puisse toujours décider librement de tout ne serait sans doute pas entériné par la plupart des contribuables.

Mme Atwood: Non, je ne pense pas que l'on puisse toujours décider librement de tout, mais je crois que certaines choses relèvent du libre arbitre et devraient continuer d'en relever.

M. Bélanger: D'accord.

Mme Hebb: N'oubliez pas que les auteurs veulent être lus; c'est pour cela qu'ils écrivent. L'idée que les auteurs empêcheraient les gens de les lire est absurde. Nous ne croyons pas qu'il est nécessaire de prévoir des mécanismes obligatoires.

M. Bélanger: Mais si vous ne voulez pas empêcher les gens... Vous nous avez parlé de trois cas où vous avez répondu oui à une demande qui vous avait été faite.

Mme Atwood: Oui, mais il y en a d'autres où j'ai dit non.

M. Bélanger: D'accord.

Le président: Madame Atwood, madame Hebb, madame Dickens, nous vous sommes très reconnaissants d'être venues devant nous aujourd'hui. Je crois que vous nous avez présenté votre position de façon très claire. Nous apprécions tout particulièrement que vous ayez pris le temps et la peine de venir nous rencontrer, madame Atwood. Merci encore.

Mme Atwood: Merci beaucoup de nous avoir écoutées.

.1054

.1102

Le président: Pourrions-nous reprendre la séance?

[Français]

Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du ministère du Patrimoine canadien et du ministère de l'Industrie qui ont travaillé au projet de loi C-32.

Avant de faire les présentations, je voudrais apporter une précision. Les officiels du ministère sont ici pour répondre à des questions d'ordre technique. Ils ne sont pas ici pour répondre à des questions de politiques. Ce n'est pas leur rôle.

[Traduction]

En fait, les fonctionnaires sont ici pour nous éclairer sur les éléments techniques du projet de loi et pour répondre aux questions que nous aurons à leur poser. Ils ne sont pas là pour se prononcer sur des questions de politique ou d'orientation générale. Je pense qu'il convient de bien le faire comprendre.

Nous accueillons M. Victor Rabinovitch, sous-ministre adjoint au développement culturel et au patrimoine; Mme Susan Katz, directrice des industries culturelles;

[Français]

M. René Bouchard, directeur, Droits d'auteur et planification économique; M. Jeff Richstone, avocat; M. David Tobin, sous-ministre adjoint intérimaire, Politique industrielle et scientifique; Mme Danielle Bouvet, directrice, Propriété intellectuelle, ministère de l'Industrie; et Mme Elisabeth Britt, avocate.

[Traduction]

Monsieur Rabinovitch, vous avez la parole.

M. Victor Rabinovitch (sous-ministre adjoint, Développement culturel et patrimoine, ministère du Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président. Permettez-moi, au nom de mes collègues, de vous dire comme nous sommes heureux d'être ici avec vous à cette dernière - si nous avons bien compris - séance d'audition de témoins. En guise d'introduction à notre témoignage et avant de répondre aux questions, je me demande si je pourrais vous faire un court exposé.

Le président: Oui, bien sûr.

M. Rabinovitch: Quand la ministre Copps a déposé le projet de loi C-32 au nom du gouvernement et quand elle est venue témoigner devant votre comité, elle a bien insisté sur le fait que le projet de loi avait pour objet d'assurer l'équilibre entre les droits des créateurs et les besoins des utilisateurs. Elle et d'autres ont qualifié le projet de loi de «démarche juste et équilibrée».

.1105

Votre comité a maintenant reçu plus de 170 mémoires et entendu plus de 60 témoins. Sur toutes les questions vous avez entendu des opinions bien senties qui ont été exprimées par les deux camps - et dans certains cas il y avait plus de deux camps. Les audiences ont montré à quel point il est difficile pour un gouvernement d'entreprendre de réformer ou de modifier la Loi sur le droit d'auteur. Deux éléments du projet de loi me suffiront pour illustrer mon propos, le premier étant les exceptions et l'autre, les droits des artistes-interprètes et des producteurs.

En ce qui a trait aux exceptions, le gouvernement, pour des raisons d'intérêt public, a opté pour le principe selon lequel certains établissements - notamment les établissements d'enseignement, les bibliothèques sans but lucratif, les services d'archives et les musées - devraient pouvoir utiliser des oeuvres protégées sans devoir demander d'autorisation ni verser de paiement, mais dans des circonstances très restreintes. Comme fonctionnaires, nous avons essayé de rédiger le projet de loi afin de circonscrire les exceptions, selon les instructions que nous avaient données nos deux ministres. L'objet était de permettre à ces établissements de jouer leur rôle d'institution publique. Certains témoins ont laissé entendre que l'inclusion de ces exceptions dans ce projet de loi conduirait à l'expropriation des droits des auteurs. Je veux bien faire comprendre au comité - et j'espère que cela vous aidera dans l'examen que vous ferez du projet de loi - que telle n'était pas l'intention du gouvernement, pas du tout.

En ce qui concerne les droits des artistes-interprètes et des producteurs sur les oeuvres musicales, le défi que nous devions relever, c'était d'équilibrer ces droits avec les besoins des radiodiffuseurs des services radio. Les droits accordés aux artistes-interprètes et aux producteurs par le projet de loi C-32 ont été conçus de manière à établir un cadre à l'intérieur duquel la Commission du droit d'auteur pourra tenir compte des facteurs pertinents touchant les radiodiffuseurs des services radio et l'industrie de la musique, de manière à ce que les droits puissent commencer à être appliqués de façon ordonnée. Bien entendu, le tarif en tant que tel sera fixé par la Commission du droit d'auteur.

Je crois que le comité a entendu des témoins lui dire que les droits accordés aux artistes-interprètes et aux producteurs ne produiront qu'un très modeste rendement pour l'industrie de la musique. Vous en avez entendu d'autres vous dire que les radiodiffuseurs des services radio ne devraient pas être obligés de payer plus au total pour les oeuvres musicales qu'ils utilisent qu'ils ne payent maintenant. Encore là, en rédigeant le projet de loi, nous avons tenté de trouver le juste équilibre entre les deux points de vue.

Les auteurs d'oeuvres musicales - les compositeurs et les paroliers - suivent avec beaucoup d'intérêt le débat qui se poursuit devant votre comité. Ils demandent notamment s'ils seront obligés de payer la note pour les droits des artistes-interprètes et des producteurs. Ces droits auront-ils pour effet de réduire leur revenu net?

Je veux bien insister sur le fait que l'intention de l'action gouvernementale était claire. Premièrement, en créant des droits pour les artistes-interprètes et pour les producteurs, le gouvernement voulait créer deux types de droits. Ces nouveaux droits sont distincts et indépendants de ceux des auteurs. Deuxièmement, l'intention n'était pas de faire en sorte que les tarifs actuels relatifs au droit d'auteur soient réduits en raison de l'attribution de nouveaux droits aux artistes-interprètes et aux producteurs.

Permettez-moi maintenant d'aborder un aspect pratique de l'orientation de l'action gouvernementale. Le débat sur le droit d'auteur porte souvent sur le fait qu'il arrive parfois que les droits des créateurs ne puissent tout simplement pas, dans la pratique, être appliqués de façon simple et directe. La reproduction pour usage privé d'oeuvres musicales illustre très bien le problème. Le projet de loi C-32 tente de corriger la situation actuelle où le droit d'auteur est violé à grande échelle, mais où il n'existe pas de moyen facile et pratique d'en assurer le respect. Nous ne pouvons pas et nous ne voudrions pas non plus assurer le respect du droit d'auteur en permettant, par exemple, l'intrusion généralisée dans le domicile privé des gens. Le régime qu'instaure le projet de loi C-32 en ce qui a trait à la copie pour usage privé tente de tenir compte de cette réalité en prévoyant le droit à rémunération des auteurs, des artistes-interprètes et des producteurs d'enregistrements sonores.

.1110

Avant de conclure, monsieur le président, je vous signale simplement que les créateurs attendent impatiemment que le gouvernement passe à l'action sur les questions de droit d'auteur liées à l'inforoute. En notre qualité de fonctionnaires, nous discutons souvent de cela entre nous, et nous sommes tout aussi impatients de pouvoir aller de l'avant et de conseiller le gouvernement de manière cohérente. Il est clair cependant que le Parlement doit d'abord concrétiser la phase deux de la réforme du droit d'auteur.

La liste des amendements proposés par les témoins est longue. Au bout du compte, c'est aux membres du comité qu'il appartiendra de décider de ce dont ils feront rapport au Parlement. Comme vous l'avez dit dans vos remarques préliminaires, monsieur le président, nous sommes ici aujourd'hui pour vous donner des conseils d'ordre technique et juridique, et j'espère que nous pourrons vous aider ainsi à avancer dans vos délibérations.

J'ai une dernière observation à faire qui est d'ordre plus personnel. Naturellement, aucun texte de loi ne peut être parfait, surtout pas quand il s'agit du droit d'auteur. Nous nous réjouissons tous à l'avance de ce que, cinq ans après son adoption par le Parlement, la loi sera de nouveau soumise à l'étude et beaucoup d'entre nous se remettront à la tâche.

Merci beaucoup.

Le président: Vous êtes prêts pour les questions?

[Français]

M. Leroux: Merci, monsieur Rabinovitch. Au début de la séance, je disais que j'avais l'impression d'assister au procès de O.J. Simpson tellement il y avait d'avocats aux délibérations du comité.

Vous avez rappelé, avec justesse, l'ensemble des mémoires. On me dit que nous en avons reçu environ 190. Nous avons aussi entendu 65 groupes. Plusieurs personnes autour de cette table ont été présentes tout au long de ces audiences. Tout le monde a suivi avec beaucoup d'attention l'évolution des présentations et les préoccupations qu'on est venu livrer ici.

L'objectif du projet de loi, vous l'avez rappelé, est d'assurer l'équilibre entre les ayants droit et les utilisateurs. Mais vous avez ajouté une dimension qui m'apparaît évidente, soit la préoccupation gouvernementale de protéger au moyen d'une loi un certain nombre d'organisations, de structures ou d'organismes, entre autres dans le domaine de l'éducation.

On sait qu'en ce qui a trait aux mécanismes que sont les collectifs de gestion et la Commission du droit d'auteur, il y a une évolution assez récente où on a tenté d'établir une pratique et d'accumuler une expertise.

Les groupes sont venus démontrer, à toutes fins pratiques, que la reconnaissance du droit d'auteur et les mécanismes de libre négociation sont mis en danger par ce projet de loi. Ils sont mis en danger par la préoccupation du gouvernement de dire à ces gens-là qu'il a du monde à protéger, des institutions à protéger. C'est comme si le projet de loi venait leur dire qu'on ne pouvait pas faire confiance aux collectifs de gestion, qu'on devait faciliter le travail de certaines institutions, entre autres dans le secteur de l'éducation.

Qu'est-ce qui vous fait croire que les collectifs de gestion et les représentants des ayants droit ne peuvent respecter la mission fondamentale des institutions que vous voulez protéger par les exceptions dans ce projet de loi?

.1115

[Traduction]

M. Rabinovitch: Monsieur le président, certaines des questions et certaines des observations feront davantage appel aux renseignements et aux précisions d'ordre technique que mes collègues pourront vous fournir.

[Français]

Les précisions et renseignements qu'ils fourniront aideront les membres du comité dans leurs délibérations après la comparution des témoins.

[Traduction]

Le député a néanmoins soulevé une question de principe fondamentale relativement à l'action gouvernementale. Il s'agit de savoir s'il est nécessaire de prévoir dans la loi canadienne sur le droit d'auteur des exceptions en tant que telles, si la notion même d'exception est valable.

Quand le gouvernement a décidé il y a quelques années de créer et de reconnaître des sociétés de gestion pour la négociation des droits, il était entendu que certaines institutions publiques et certaines activités publiques sans but lucratif bénéficieraient d'un régime d'exception. C'est quelque chose qui était entendu à l'époque. En rédigeant le projet de loi dont vous êtes saisis, nous avons tenté d'élaborer ce régime de façon tant pratique que réaliste. Nous n'avons pas voulu étendre la portée des exceptions au-delà de ce qui était prévu. Nous n'avons pas voulu affaiblir les sociétés de gestion dans leurs négociations ou leurs démarches auprès de la Commission du droit d'auteur. Nous avons simplement voulu maintenir l'équilibre qui avait été promis il y a de cela plusieurs années quand le régime a été créé. Voilà ce qui nous a guidés dans notre démarche.

[Français]

M. Leroux: Monsieur Rabinovitch, je suis très bien votre raisonnement. Toutefois, un groupe que vous venez d'évoquer, l'Institut national canadien pour les aveugles, est venu nous dire que les ententes qu'il a déjà conclues fonctionnent, qu'il n'a jamais eu de problèmes de négociation et qu'il est satisfait de la façon dont les choses se déroulent.

Cependant, vous venez de dire que, pour un certain nombre de groupes, dont celui-là, vous trouvez nécessaire d'inclure des exceptions dans le projet de loi. Ce n'est pas ce qu'on a entendu. Ce groupe est venu nous dire que les relations avec le collectif de droits d'auteur étaient bonnes, qu'avec la licence, il avait ce qu'il faut pour fonctionner et qu'il pouvait continuer à discuter.

Vous soulevez donc un cas qu'il ne m'apparaît pas nécessaire d'inclure dans le projet de loi. C'est cela que j'essaie de comprendre. Si le but des exceptions est d'atteindre un équilibre, on est vraiment allé au-delà. On pourrait penser que les collectifs de gestion sont capables de faire respecter eux-mêmes les droits d'auteur. Mais le projet de loi ne me donne pas l'impression qu'on reconnaît cela. Au contraire, il va à l'encontre de ce l'Institut national canadien pour les aveugles est venu nous dire, à savoir que cela allait bien.

Monsieur Rabinovitch, il y a là toute la nuance entre le politique et le technique. Je sais fort bien qu'avec ce projet de loi, on a poussé le crayon du côté de l'Industrie parce qu'en ce qui a trait au ministère du Patrimoine canadien, on cherche un équilibre.

.1120

Je ne soupçonne pas que les intérêts sont divergents. Tout le monde veut, il me semble, favoriser l'intérêt de l'usager, mais il faut voir ce qui arrivera avec ce projet de loi. Ce que vous venez de soulever ne correspond pas à cela.

[Traduction]

M. Rabinovitch: Monsieur le président, c'est de toute évidence une question de jugement qui finalement ne peut être réglée que par des élus.

Il faut savoir que beaucoup de groupes ont demandé ce genre d'exceptions. Des groupes qui représentent des personnes handicapées se sont présentés non seulement devant notre comité, mais aussi devant les médias et ont demandé avec beaucoup de force ces exceptions. Dans les négociations de droits qui se sont déroulées ces dernières années, on pensait que l'on parviendrait à un régime d'exceptions. Cela a certainement aidé à nuancer et à créer le contexte de ces discussions sur l'utilisation des droits et le paiement de ces droits jusqu'ici.

En fait, le gouvernement est justement en train de répondre à certaines de ces attentes. En outre, il essaie de répondre de façon positive et pratique, mais dans des limites bien définies, et non pas de façon générale, aux demandes qui ont été présentées par des groupes d'usagers qui s'attendent à bénéficier d'un régime d'exceptions pour des raisons d'intérêt public. J'insiste sur le fait que l'on entend bien que ces exceptions soient strictement définies, comprises et surtout pas simplement globales. C'est ce que l'on tente de faire.

[Français]

M. Leroux: Monsieur Rabinovitch, le comité a fait un travail que je qualifierais de sérieux. Mes collègues et l'ensemble du personnel ont fait, je pense, un travail de qualité.

Mises à part les questions qu'on pourrait vous adresser sur le plan technique - un bon nombre de spécialistes sont venus nous éclairer sur les différents articles du projet de loi - , peut-on s'attendre à ce que dans un avenir très rapproché, vous puissiez nous fournir vous-mêmes des indications quant aux amendements possibles? Avez-vous, oui ou non, un mandat ou le comité devra-t-il se débrouiller seul et présenter les amendements nécessaires? C'est cela que j'aimerais savoir.

M. Rabinovitch: Ce sont les membres du comité qui devront discuter de leurs besoins et du travail qu'ils ont à faire. Nous, les fonctionnaires du gouvernement, avons suivi de très près les discussions qui se sont déroulées ici et allons transmettre certaines informations à nos ministres qui, par la suite, nous donneront des directives en ce qui a trait aux grandes politiques. J'espère que cela se fera très bientôt.

Comment le comité procédera-t-il? C'est aux membres du comité de le décider, mais je vous assure que nous suivons de très près vos délibérations. Vous n'êtes pas un orphelin qu'on a mis de côté.

M. Leroux: Ce que vous venez de dire est important. Il faut se faire un échéancier et réagir. On ne peut rester dans le vide. Je ne me sens pas orphelin. Cependant, je sens que le comité peut vous demander d'accélérer les travaux si c'est possible. Votre réponse a été assez positive en ce sens que vous travaillez actuellement à demander des directives au gouvernement. C'est cela que je comprends.

M. Rabinovitch: Monsieur le président, je vous assure qu'on travaille comme vous, à peu près jour et nuit et souvent durant tout le week-end aussi. On prend cela très très au sérieux.

M. Leroux: On pourra revenir là-dessus plus tard. Merci.

.1125

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott, 15 minutes.

M. Abbott: Nous avons mis le doigt sur une question ici, à savoir que la ministre, aussi intelligente soit-elle, ne travaille pas dans le vide, non plus que son secrétaire parlementaire,M. Arseneault. Je suis sûr qu'ils prennent leurs ordres de vous; aussi, ce que vous nous dites aujourd'hui va nous donner... Vous tirez vos ordres de...

M. Arseneault (Restigouche - Chaleur): C'est l'inverse.

Une voix: Non, c'est elle qui donne les ordres.

M. Abbott: D'accord, j'ai dit le contraire.

M. Arseneault: Nous travaillons en fait en équipe.

M. Abbott: C'est un lapsus. En réalité...

M. Arseneault: En réalité, cela va dans les deux sens. Nous faisons équipe.

M. Abbott: En réalité, cela va dans les deux sens. Ils font équipe, et ainsi... Oh, écoutez.

Des voix: Oh, oh!

M. Abbott: Voici ce que je veux dire. Il est évident que le ministère possède beaucoup d'expérience, d'informations et d'idées sur la question. Il appartient donc au ministère, quoi qu'en disent les Libéraux de l'autre côté, de convaincre ses maîtres politiques d'aller dans son sens. Dans certains cas, ceux-ci s'y opposeront, etc., ce qui m'amène à ma question.

Pour ce qui est des droits éphémères, puisqu'ils n'ont pas été inclus dans ce projet de loi alors qu'ils sont au programme législatif depuis quarante ans - d'après l'une des parties intéressées - c'est que cela avait été promis pour la phase deux, lorsque la réforme du droit d'auteur a été annoncée sous un autre régime en 1988, par les Conservateurs. Durant les consultations qui ont mené au premier avant-projet de loi portant sur cette phase deux - celle à laquelle nous travaillons maintenant - les détenteurs de droits ont participé à des négociations en 1993 au sujet de la portée de l'exemption pour les enregistrements éphémères.

Pourriez-vous me dire si c'est le ministère du Patrimoine qui a recommandé aux politiques de laisser tomber cela, qui a dit qu'il n'en était pas question? Ou est-ce le pouvoir politique qui a déclaré qu'il n'en voulait pas et qu'il n'en était pas question?

M. Rabinovitch: Mes collègues me disent que c'est le genre de question qui me revient, monsieur le président.

Tout d'abord, monsieur le président, pour ce qui est des relations qui existent entre un fonctionnaire et un ministre, il ne serait pas convenable que nous disions que nous avons donné tel ou tel conseil que le ministre n'a pas retenu ou, au contraire, que nous n'avons jamais conseillé cela au ministre, mais que c'est ce qu'il a décidé de faire. Ce n'est pas ainsi que nous travaillons, et je suis convaincu que vous le savez bien.

La question d'une exception pour les enregistrements éphémères a évidemment été soulevée par un certain nombre de groupes qui ont comparu devant vous. Il est évident que ce qu'a déclaré un gouvernement antérieur, à ce sujet ou à tout autre sujet, n'engage que cet autre gouvernement. Qu'il s'agisse de droit éphémère ou d'une question de droit du travail ou de relations syndicales- patronales ou de relations internationales, les gouvernements gouvernent en fonction de leur mandat, et c'est ceux qui ont été élus qui gouvernent. Pour ce qui est du projet de loi C-32, il est évident que c'est le gouvernement du jour qui décide de ce qu'il doit y avoir dans le projet de loi, et c'est lui qui finalement décide ou non d'accepter les différentes suggestions découlant du processus parlementaire.

En notre qualité de fonctionnaires, nous avons écouté très attentivement les divers exposés. Nous les avons étudiés et nous continuerons de le faire ces prochains jours. Viendra un moment où nous recevrons les ordres de nos ministres respectifs, qui travaillent évidemment en équipe à ce dossier. Je ne pense pas pouvoir vous en dire beaucoup plus sur la proposition concernant les enregistrements éphémères.

M. Abbott: Si j'étais ministre et que votre ministère me conseillait à ce sujet, que me diriez-vous? Suggéreriez-vous que cela soit inclus?

Le président: Excusez-moi, mais je crois vraiment que ce genre de question... Les fonctionnaires discutent de ces choses avec les ministres, mais doivent suivre leurs ordres. Qu'ils aient ou non un autre point de vue, ce n'est pas eux qui prennent la décision. Je ne pense pas que l'on puisse leur demander de prendre une décision qui ne leur appartient pas.

.1130

M. Abbott: Permettez-moi alors de passer à un sujet totalement différent: la redevance sur les cassettes.

On se demande en effet où sera perçue cette redevance. J'ai dit que si c'était au point d'importation cela représenterait une augmentation phénoménale du prix de détail de la cassette au moment où elle est vendue. Si l'on décide finalement de garder la redevance sur les cassettes, le ministère envisagerait-il une réglementation stipulant que cette redevance s'appliquerait au point d'importation ou au point de vente au détail?

M. Rabinovitch: Je vais demander à Mme Katz de répondre.

Mme Susan Katz (directrice générale, Industries culturelles, ministère du Patrimoine canadien): D'après le régime qui a été proposé, la redevance s'appliquerait à l'importateur ou au fabricant. L'argument étant que cela simplifie énormément la gestion du régime de copie pour usage privé.

M. Abbott: Le ministère sait-il ce que cela va représenter pour le prix de détail du produit?

Mme Katz: La Commission du droit d'auteur déterminera le montant de cette redevance. Elle organisera des audiences et entendra des témoins qui viendront lui expliquer ce que les détenteurs de droits d'auteur perdent du fait des copies pour usage privé. Elle considérera d'autres facteurs également et prendra sa décision à partir de cela. Je ne pense pas que nous puissions dire aujourd'hui à combien s'élèvera cette redevance et ce que cela représentera donc pour le prix des supports d'enregistrement audio.

M. Abbott: Je comprends bien, mais le ministère sait-il que, quel que soit le montant de la redevance, que ce soit 20c. ou 1 $ - cela ne change rien - cela reviendra finalement entre les mains de ceux à qui c'est destiné, ces 12 millions de dollars dont on parle? Peu importe que cela soit perçu au point d'importation au Canada ou par le détaillant. Le ministère a-t-il tenu compte de cela?

Ce que j'ai dit, c'est que si nous utilisons le chiffre de 37c. - chiffre dont on a beaucoup entendu parler - et qu'on l'ajoute aux 50c. que coûte une cassette, cela porte le prix de la cassette à 87c. Elle ne sera pas vendue au détail à 99c. Avant que cela ne passe de l'importateur au grossiste puis au détaillant - ou par tout autre moyen qui l'amène au point de vente - le prix de la cassette sera passé de 50 à 99c. Si vous appliquez une redevance de 37c., ce sera considéré comme un coût de produits vendus à 50c., et cela donnera 87c. Avec les marges qui s'appliquent à 87c., cela signifiera que la cassette de 99c. coûtera maintenant 1,79 $.

Ne conviendrez-vous pas alors que cela risque d'inciter des gens à rechercher un marché gris de cassettes traversant la frontière illégalement?

Mme Katz: Le chiffre de 37c. que l'on a utilisé dans les discussions sur les copies pour usage privé représente en fait une moyenne des redevances qui s'appliquent à des pays qui ont conçu leur régime de façon similaire au régime proposé pour le Canada dans ce projet de loi. Ce chiffre de 37c. est peut-être difficile à utiliser pour nous, simplement parce que la Commission du droit d'auteur décidera du montant qui lui semblera approprié. Elle voudrait également considérer, en plus des dommages pour les détenteurs de droits, tout autre facteur qui pourrait influer sur l'efficacité du régime lui-même.

M. Abbott: Je suis désolé, mais il ne semble pas que nous nous comprenions. Je vois ce que vous voulez dire à propos des 37c., mais ce que je vous demande, c'est si le ministère a tenu compte...? Ne nous inquiétons pas de savoir si c'est 37c. ou 1 $ ou 2c. Cherchons à voir où cela va être perçu. Le ministère a-t-il tenu compte du fait que cela entrera dans le coût des marchandises vendues par l'importateur et que ce chiffre ainsi gonflé, ajouté aux 50c. de la cassette, et à toutes les autres marges, viendra s'ajouter à la redevance, quel qu'en soit le montant?

.1135

M. Rabinovitch: J'ai l'impression que vous parlez là de plusieurs choses. Il y a la question plus technique à laquelle Mme Katz a déjà fait allusion, à savoir que le montant de la redevance sera décidé par la Commission du droit d'auteur, qui examinera à ce sujet divers facteurs.

L'autre point, c'est la concurrence. La part du prix de revient que l'on fera supporter aux consommateurs dépendra de toute évidence des facteurs de concurrence. Je suis certain qu'il y a des détaillants qui seront en mesure d'absorber une partie de ce coût plus facilement que d'autres. Il y en a qui continueront à utiliser les cassettes pour attirer les consommateurs, dans l'espoir qu'ils leur achèteront d'autres produits dans leurs magasins. Le système de marché continuera à fonctionner. C'est un des avantages de notre système de vente au détail au Canada.

Mais il y a un troisième élément, qui, je crois, est très important. Je soupçonne que... et je n'étais malheureusement pas là tout au long de l'exposé des témoins qui nous ont précédés.

Le troisième élément, c'est que le paiement des droits d'auteur, en droit, fait partie des coûts d'une entreprise. Ce n'est pas juste, et le gouvernement essaie de créer un régime plus juste. Il n'est pas juste de supposer que les artistes, les producteurs et les créateurs ne doivent pas être récompensés de leur travail simplement parce que jusqu'à aujourd'hui ils n'ont pas été équitablement rémunérés.

On a donc conçu un régime pour les cassettes qui permette une certaine rémunération pour les artistes, les créateurs et les producteurs d'oeuvres qui à l'heure actuelle sont reproduites sans que cela coûte rien.

M. Abbott: Mais faut-il aller chercher cet argent, par exemple, auprès des églises qui enregistrent leurs sermons et leurs cérémonies du dimanche? Faut-il demander à ceux qui sont cloués à la maison, aux églises et aux établissements scolaires qui utilisent des cassettes à des fins tout à fait légitimes, qui n'essaient pas du tout de faire des copies illégales, d'assumer ce coût?

[Français]

M. Rabinovitch: M. Bouchard répondra à cette question.

M. René Bouchard (directeur, Droits d'auteur et planification économique, ministère du Patrimoine canadien): Je voudrais tout simplement ajouter un commentaire en ce qui a trait à la redevance et au point où cela doit être appliqué.

Vous avez parlé du point d'attache, qui serait au niveau de l'importation ou des manufacturiers plutôt qu'à celui des commerces au détail. Une des raisons de cela est d'assurer un meilleur contrôle du régime. Si c'était appliqué au point de détail, cela multiplierait le nombre de contrôles, parce qu'il y a beaucoup plus de détaillants qui vendent des cassettes que d'importateurs et de manufacturiers qui vendent des cassettes aux détaillants.

L'une des manières de s'assurer que le régime soit efficace et réponde aux objectifs qu'on s'est fixés est d'imposer la redevance au niveau de l'importation.

En ce qui a trait à la deuxième question, le ministère, au cours des dernières années, a effectué un certain nombre d'études qui ont démontré, sans l'ombre d'un doute, que la très grosse majorité, sinon presque l'entièreté des cassettes qui sont utilisées le sont à des fins de copie de produits musicaux.

Certains groupes de pression vous ont démontré que la clientèle cible des compagnies manufacturières de cassettes était les gens qui les utilisent pour copier des enregistrements musicaux.

.1140

[Traduction]

Le président: Nous reviendrons à vous plus tard, monsieur Abbott.

[Français]

Monsieur Bélanger.

[Traduction]

M. Bélanger: Monsieur Rabinovitch, vous voyez que nous apprenons au sein du comité: nous avons écrit votre nom sans erreur cette fois-ci.

Vous avez dit au début de votre déclaration liminaire qu'il était entendu que la prochaine phase consisterait à s'efforcer de parvenir à un équilibre entre les droits d'auteur et les besoins des utilisateurs. Vous n'avez pas indiqué sous quel régime cela a été entendu. Toutefois, en réponse à une autre question, vous avez dit qu'il y avait une distinction lorsque l'on vous a interrogé là-dessus, à propos des exceptions concernant les enregistrements éphémères ou les transpositions...

Avait-il été entendu à ce moment-là que l'on s'occuperait des exceptions concernant les enregistrements éphémères et les transpositions?

M. Rabinovitch: Je sais qu'on a discuté de la question. Je ne puis vous dire qu'on s'était engagé à quoi que ce soit. Je ne sais pas si l'on avait dit précisément que c'était ce que l'on ferait. Depuis que je m'occupe de ce dossier, et cela ne fait pas tellement longtemps - cela va faire deux ans, ce qui commence évidemment à compter - il est arrivé très fréquemment que l'on ait dit au sujet de tel ou tel élément du projet de loi: «Cela a été réglé il y a longtemps» et qu'ensuite une partie ou une autre soit venue dire: non, on n'a jamais convenu que cela avait été réglé...

Permettez-moi d'être très catégorique. Il y a certains points de ce projet de loi pour lesquels certains des groupes d'intérêts très efficaces qui exercent actuellement des pressions auraient déclaré qu'ils acceptaient certaines choses pour ensuite venir dire qu'il n'en était rien.

C'est donc un projet de loi complexe. Le sujet est complexe. Il y a eu à maintes occasions beaucoup de débats. On a tenté à de nombreuses reprises de parvenir à des compromis, des ententes. En définitive, ce qui compte réellement, c'est ce que propose le gouvernement et, finalement, ce que propose votre comité.

M. Bélanger: D'accord.

[Français]

Un des moments les plus savoureux des deux derniers mois...

[Traduction]

M. Rabinovitch: Monsieur le président, Mme Katz voudrait ajouter quelque chose à ce sujet.

Mme Katz: Je voudrais simplement apporter un ou deux éclaircissements quant aux enregistrements éphémères et aux transpositions.

La question des transpositions fut certainement quelque chose de nouveau. Ce n'est que très récemment que l'on nous a demandé de traiter cette question dans le projet de loi C-32, même après que le projet de loi eut été déposé. C'est un sujet à la fois très complexe et très difficile. À notre connaissance, aucun autre pays n'a d'exception pour les transpositions et pour la création de nouvelles reproductions permanentes par transposition.

C'est donc un sujet très compliqué dont on n'avait pas discuté avant le dépôt du projet de loi. Je voulais simplement faire la distinction entre les deux questions.

[Français]

M. Bélanger: Je disais que l'un des moments les plus savoureux des deux derniers mois, pour moi, a été lorsque les représentants de l'Association des producteurs et distributeurs du média d'éducation au Canada, ceux qui font le matériel didactique, ont comparu devant nous.

Ils représentent une industrie qui est composée en grande partie de sociétés comme CTV ou Radio-Canada, de diffuseurs essentiellement. Dans leur présentation, bien qu'ils aient reconnu le droit d'auteur, ils disaient que le fait d'avoir des exceptions minerait ce droit, que cela aurait pour effet d'exproprier ce droit. Ils ont eux-mêmes utilisé cette expression, je crois. Cependant, cela reste à vérifier.

.1145

Donc, les radiodiffuseurs disaient qu'il fallait protéger les droits d'auteur. Ils sont même allés jusqu'à suggérer, dans leur présentation, que le gouvernement crée une société collective à laquelle l'adhésion serait obligatoire pour tous les producteurs de ce genre de produit.

Je leur avais demandé s'ils avaient proposé cela au ministère de l'Industrie ou au ministère du Patrimoine canadien et ils m'ont dit: Oui, mais on ne nous a pas donné la raison pour laquelle on n'a pas retenu cette notion. Donc, je vous pose la question. Avez-vous pu débattre de cette notion et, si oui, pourquoi n'a-t-on pas retenu cette idée?

Mme Danielle Bouvet (directrice, Propriété intellectuelle, ministère de l'Industrie): Il m'est possible de confirmer que des représentations ont été faites auprès des deux ministères afin qu'ils examinent sérieusement l'idée d'imposer l'exercice collectif via une seule société de gestion pour la gestion des oeuvres audiovisuelles.

Pourquoi n'a-t-on pas retenu cette avenue-là? Je pense qu'il y a certainement deux raisons qui peuvent être invoquées ici.

Premièrement, imposer la création d'une seule société de gestion représentait, pour nous, un précédent que nous n'étions pas prêts à créer. De tout temps, en vertu de la Loi sur le droit d'auteur que l'on connaît et même dans les propositions qui sont devant vous, on a cru bon de laisser à l'appréciation des auteurs mêmes le soin de décider s'ils devaient créer une, deux ou trois sociétés de gestion pour les fins de la gestion de leur répertoire.

Pour nous, imposer l'exercice des droits via une seule société représentait un précédent qu'on considérait peut-être malencontreux. On considère que jusqu'à maintenant, l'exercice des droits via un collectif qui a été délaissé à l'appréciation des auteurs constitue une formule qui a ses bénéfices.

L'idée de créer une seule société de gestion pour gérer tout le répertoire nous aurait fait dévier des promesses faites quant à certaines exceptions. Si on crée une seule société de gestion pour l'administration des oeuvres audiovisuelles, cela veut dire qu'en tout état de cause, les écoles paient pour l'utilisation de ce matériel didactique. C'était en porte-à-faux avec les promesses faites par le gouvernement de créer, à certains égards, des exceptions franches pour l'utilisation du matériel didactique. Donc, pour ces deux raisons, le gouvernement n'a pas retenu cette proposition à l'époque.

[Traduction]

M. Bélanger: On a certainement entendu beaucoup d'arguments en faveur des sociétés de gestion; on a dit que c'est une situation qui a bien évolué ces quelques dernières années; que peut-être cela continuera; et qu'en apportant quelques exceptions supplémentaires au droit d'auteur dans le projet de loi C-32, le gouvernement risque d'entraver cette évolution.

Je ne pense pas qu'on ait soulevé la question que je veux vous poser. J'aimerais savoir si les rédacteurs du projet de loi ont jamais songé à proposer une mesure de temporisation pour certaines exceptions afin d'encourager les sociétés de gestion à continuer à essayer de négocier des ententes avec les utilisateurs.

A-t-on jamais songé à cela?

M. Rabinovitch: Nous avons discuté entre nous à plusieurs reprises de la possibilité de réexaminer la situation dans cinq ans. Nous pensons que c'est une bonne façon de réexaminer les dispositions du projet de loi, quelles qu'elles soient, après usage.

Je ne crois pas que ce soit une disposition de temporisation, puisqu'une telle disposition sous-entend que quelque chose prendra vraiment fin ou cessera de s'appliquer. Au contraire, un examen actif est quelque chose de progressif, un examen utile.

.1150

M. Bélanger: D'accord.

Existe-t-il des raisons valables et précises pour lesquelles vous n'avez pas inclus dans le projet de loi les mêmes droits d'auteur pour les photographes, c'est-à-dire leur vie plus 50 ans? S'il en existe, j'aimerais les connaître. Sinon, le comité voudra peut-être songer à un amendement en ce sens.

M. Jeff Richstone (conseiller juridique, Contentieux, Administration et systèmes, ministère du Patrimoine canadien): Le projet de loi prévoit des dispositions sur la propriété des oeuvres photographiques. Cela n'a pas changé. La planche appartient à son propriétaire. Cela n'a pas changé.

En ce qui concerne la durée, la Convention de Berne, nous offre cette option. Toutefois, au moment de l'examen et de la mise en oeuvre de l'ALENA et de l'accord ADPIC, le gouvernement a examiné ces dispositions et a constaté qu'elles n'étaient pas compatibles avec celles de la Convention de Berne. On en est donc resté là. Si le gouvernement avait rouvert la question pour examen, cela aurait également remis en question d'une façon beaucoup plus générale toute cette affaire, mais il a été jugé souhaitable de ne pas le faire.

Je ne sais pas si je...

M. Bélanger: Non.

M. Richstone: Excusez-moi.

M. Bélanger: Les photographes demandent pourquoi on les traite différemment. Ils affirment que nous accordons un droit d'auteur d'une certaine durée pour toutes les oeuvres, sauf, semble-t-il, les photographies, les photos, le photographe. Ils réclament d'être traités de la même façon. Je demande s'il y a des raisons...

M. Richstone: En ce qui concerne la durée.

M. Bélanger: ...pour lesquelles nous ne leur accordons pas une protection de la même durée.

M. David Tobin (sous-ministre adjoint intérimaire, Politique industrielle et scientifique, ministère de l'Industrie): Qui en est le propriétaire?

M. Bélanger: Oui, qui en est le propriétaire? Évidemment, une fois vendue, nous comprenons que la propriété du droit d'auteur est cédée. Toutefois, les photographes nous ont donné l'exemple de photographies publiées dans un livre où le droit d'auteur du livre dure plus longtemps que celui de la photo. Pourquoi? Y a-t-il une raison? S'il n'y en a pas, peut-être pourrait-on accorder la même durée aux photographes.

[Français]

Mme Bouvet: Je pense pouvoir offrir une raison. J'espère que ce sera satisfaisant.

Au moment où la loi a été adoptée, en 1924, on n'accordait pas à la photographie le statut qu'on lui accorde aujourd'hui. À l'époque, on ne considérait pas qu'il y avait autant d'originalité et de créativité dans la prise d'une photo. Depuis, cette profession a beaucoup évolué.

La raison qui prévalait à l'époque pour justifier une durée de protection limitée est moins bonne aujourd'hui qu'elle ne l'était alors, parce que tout le monde reconnaît que le photographe donne à l'oeuvre un caractère qui permet de la considérer au même titre que n'importe quelle autre oeuvre qui est protégée en vertu de la Loi sur le droit d'auteur.

Je vous dirai qu'il y a des discussions...

M. Bélanger: Si je comprends bien, on peut s'attendre à ce qu'il y ait une proposition d'amendement qui nous arrive de ce côté-là.

Merci, monsieur le président.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Monsieur Leroux, avez-vous d'autres questions?

M. Leroux: On a parlé plus tôt des droits d'auteur. La question fondamentale qu'on a soulevée est que, si licence il y a, il faut que les exceptions passent par les licences accordées. On ne retrouve pas dans le projet de loi cette reconnaissance de l'existence des collectifs. On ne reconnaît pas que des exceptions doivent être accordées dans le cadre de licences et non dans un projet de loi.

En ce qui a trait aux droits voisins, et là je m'adresse à Mme Bouvet ou à M. Tobin, j'aimerais des précisions, particulièrement en ce concerne la Commission du droit d'auteur et son encadrement dans les définitions.

.1155

Certains amendements techniques ont été déposés et on doit reconnaître qu'il y en a quelques-uns qui sont importants. Cela a fait l'objet de préoccupations majeures de la part de tous les groupes qui ont témoigné. Il est important de bien s'entendre en ce qui a trait aux travaux.

En ce qui a trait à la Commission du droit d'auteur, il y a des choses, par rapport à l'application de certains articles, qui m'amènent à me poser des questions. Je voudrais savoir ce que vous voulez dire lorsque vous dites que la Commission doit tenir compte du fait que les tarifs ne s'appliquent qu'à la partie de la programmation totale d'un utilisateur qui correspond aux prestations et enregistrements sonores. Certains utilisateurs, tout en tirant profit de la diffusion de la musique, favorisent la vente d'enregistrements sonores, et on peut tenir compte de tout autre facteur.

Je ne comprends pas. Je n'arrive pas à saisir l'enjeu de l'encadrement que vous donnez à la Commission.

Que veulent dire les mots: «doit tenir compte du marché nord-américain»? Je n'arrive pas à saisir la brique que vous leur mettez dans les mains ou la poche de sable que vous leur mettez sur le dos. Ils vont se noyer avec cela.

M. Bélanger: Ils vont se noyer avec une poche de sable.

M. Leroux: Je n'arrive pas à comprendre la portée de cela. Pourquoi faites-vous tout à coup de la Commission...

Mme Bouvet: Tout d'abord, monsieur Leroux, je me demande pourquoi vous m'adressez cette question.

M. Leroux: Je l'adresse à vous, à M. Tobin et à M. Rabinovitch. Il semble que tout le monde veut que vous y répondiez.

Mme Bouvet: Je me sentais un peu visée.

M. Leroux: Ce pourrait tout aussi bien être Mme Katz ou M. Bouchard, peu importe.

Mme Bouvet: Je parle dans un premier temps de l'économie générale de la loi qui fait en sorte qu'on a voulu donner de nouveaux critères à la Commission du droit d'auteur face aux nouveaux droits qu'on a mis en place.

C'est plus explicite que par le passé parce que, dans la loi actuelle, on ne retrouve des critères qu'à l'égard du régime de retransmission, où on demande à la Commission du droit d'auteur de tenir compte de certains éléments. Ces critères qui ont été mis en place dans la loi se sont avérés fort utiles. À la suite de l'établissement de ces critères, on a vu que la Commission du droit d'auteur, aux yeux du gouvernement, les avait pris en compte de façon adéquate.

Finalement, par rapport aux deux régimes créés, soit celui des droits voisins et celui de la copie privée, on a décidé de les encadrer parce qu'on considérait que cela reflétait une certaine réalité politique, soit d'assurer l'équilibre entre les radiodiffuseurs et les créateurs. On sait à quel point les débats ont été chaudement disputés. Vous avez été les derniers témoins oculaires de cette bataille ou de ce différend.

Ces critères, selon le gouvernement, étaient les principaux critères que la Commission du droit d'auteur devait considérer.

Quant à celui, plus spécifique, qui veut qu'on s'assure que l'usage qui est fait de l'oeuvre est reflété au niveau du tarif, il était tiré de décisions précédentes de la Commission du droit d'auteur. On sait que le tarif SOCAN, par exemple, reconnaît déjà que, pour les stations de radio qui diffusent moins de 20 p. 100 de contenu musical, il doit y avoir un abaissement du tarif à payer. Ce critère-là, entre autres, était le reflet de cette volonté de s'assurer que les paiements soient le reflet de l'usage réel des oeuvres musicales, entre autres.

M. Leroux: Mais tout cela vient du fait que vous aviez l'impression que la Commission n'était pas capable de le faire. Avec les outils qu'elle a maintenant, a-t-elle démontré qu'elle pouvait jouer ce rôle-là? Cela me semble vraiment encarcaner la Commission.

.1200

Lors de votre réflexion et de la rédaction du projet de loi, la Commission a-t-elle été impliquée? Je vous pose la question. J'avais oublié de la poser plus tôt. Ont-ils travaillé avec vous pour vous livrer leur expertise et leurs commentaires, ou si vous avez pris connaissance de leur point de vue uniquement à partir du mémoire qu'ils ont déposé ici?

Le président: Si je comprends bien, monsieur Leroux, on devra répondre à deux questions. Il y a la première...

M. Leroux: Oui, mais je voulais revenir au point de départ. Avez-vous pris connaissance des commentaires de la Commission uniquement lors du dépôt de son mémoire ou avez-avez travaillé avec elle?

[Traduction]

M. Tobin: En ce qui concerne la première partie de votre question, revenons à l'idée de critères. Comme l'a dit Mme Bouvet en parlant du concept des droits voisins, leur introduction était telle que les deux parties - que vous avez entendues témoigner ici devant vous à plusieurs reprises - s'inquiétaient de la nature et de la portée de ces droits. Le gouvernement a jugé préférable d'inclure dans le projet de loi un critère de portée générale que la commission devrait au moins considérer au cours de ses délibérations, tout en s'assurant évidemment que les délibérations étaient celles de la Commission du droit d'auteur, et non pas celles du gouvernement.

Je pense que parce qu'il s'agissait de nouveaux droits, accordés bien après la mise en place de toute cette idée de droit d'auteur, le gouvernement voulait tout simplement être en mesure de préciser les modalités des délibérations de la commission tout en soulignant, encore une fois, qu'il revenait à la commission de déterminer la rémunération pour les nouveaux droits.

En ce qui concerne les questions qui relèvent de la commission, les questions de politique sont évidemment du ressort du gouvernement, et non pas d'organismes comme celui-ci. Les discussions avec la commission portent généralement sur des questions techniques dans le cadre de la loi. Je ne sais pas si Victor ou mes collègues veulent ajouter quelque chose.

M. Rabinovitch: Je pense que la description était très claire, monsieur le président. Nos discussions avec la commission ne porteraient que sur des questions de compréhension, de fonctionnement, ou des questions techniques, car il ne s'agit pas de tenter de formuler conjointement la politique gouvernementale ni d'influencer de quelque façon que ce soit les délibérations de la commission.

[Français]

M. Leroux: Je voudrais revenir à la question des régimes. En ce qui a trait aux régimes de retransmission, à la SOCAN, etc., on voit que les associations de perception collective se retrouvent dans le régime de retransmission. Pourquoi n'ont-elles pas été orientées vers le régime SOCAN ou encore le régime d'arbitrage? Il me semble que le processus de retransmission est plus coûteux que celui de l'arbitrage. Pourquoi a-t-on mis cela sous ce régime?

Mme Bouvet: L'une des caractéristiques importantes du régime de retransmission est que s'ils ne se réunissent pas sous le chapeau d'une société de gestion, les auteurs ne peuvent exercer leurs droits. C'est une distinction importante par rapport au régime SOCAN, où il est toujours possible, pour un auteur, d'être payé en sa capacité individuelle et, de ce fait, de revendiquer ou négocier le montant qu'il voudra.

Quand on tombe sous le régime de la retransmission, non seulement faut-il être regroupé sous le chapeau d'une société de gestion, mais il n'est pas possible pour les ayants droit d'exercer leurs droits d'une autre façon. Ils doivent absolument se regrouper sous le chapeau d'une société de gestion et déposer un tarif s'ils veulent recevoir un paiement.

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott.

M. Abbott: Merci. Des témoins nous ont dit que, faute de les avoir consultés, il y a de nombreuses lacunes dans ce projet de loi, de nombreux éléments qu'on aurait dû ajouter et d'autres même qu'on aurait dû supprimer. Je dois avouer que j'ai été un peu surpris lorsque j'ai reçu un aussi grand nombre d'amendements de forme. Que dois-je conclure? Ne pouvait-on pas s'attendre à ce que le projet de loi soit déposé tel quel, c'est-à-dire sans qu'il soit nécessaire d'y apporter un grand nombre d'amendements?

.1205

M. Rabinovitch: Monsieur le président, le projet de loi est en cours d'élaboration et de discussion depuis environ huit ans. Nous y travaillons activement, y compris au niveau de la rédaction, depuis au moins deux ans. Les différents groupes ont donc eu maintes fois l'occasion d'exprimer, officieusement ou officiellement, leur opinion sur les modalités de la phase deux de la réforme du droit d'auteur. De fait, lorsque l'ancien gouvernement a lancé la phase un, il y a plus de huit ans, il a aussi annoncé qu'il y aurait une phase deux. Ainsi la population, le public intéressé, était au courant et a eu de nombreuses occasions d'exprimer son opinion.

Le projet de loi lui-même est compliqué et très technique. Vous et les membres de votre comité le savez, monsieur le président, aussi bien que quiconque au pays. Le genre de projets de loi compliqués que préparent nos ministères comportent souvent de nombreux amendements à l'étape de l'examen en comité. Nous disions justement hier que lors du dernier examen de la Loi sur la radiodiffusion il y a eu plus de 200 amendements proposés et adoptés en comité, je pense.

Nous sommes acculés au pied du mur. Le paradoxe est intéressant. D'une part, notre ministre, Mme Copps, a dit lors du dépôt de ce projet de loi qu'il y aurait une discussion ouverte et complète du projet de loi à l'étape de l'examen en comité afin de sonder le plus possible l'opinion publique et de se prévaloir, dans toute la mesure du possible, de l'expertise technique de groupes et de personnes dans tout le pays. Par ailleurs, si l'on regarde ce qui a été proposé et suggéré, si on prend cela très au sérieux, on risque d'être accusé de ne pas s'être bien préparé.

Comme je l'ai dit, c'est un paradoxe: ou bien on tient des séances de comité qui ne donnent lieu à aucune correction, ou bien les séances de comité servent à écouter attentivement et à saisir l'occasion d'apporter des améliorations, d'apprendre des autres, de remédier aux erreurs de rédaction. Il faut toutefois comprendre que dans cinq ans nous aurons trouvé d'autres erreurs.

J'ose espérer, messieurs, que j'ai réussi à vous expliquer l'opinion réelle des fonctionnaires. Nous pensons qu'il y a eu des consultations exhaustives et nous savons tout le travail qu'a demandé ce projet de loi. Nous connaissons ceux qui ont participé aux travaux à diverses étapes et nous sommes persuadés d'avoir appris beaucoup au cours des séances du comité.

M. Abbott: Nos opinions diffèrent peut-être sur ce qui constitue des amendements de forme et des amendements de fond, mais nous en resterons là pour l'instant.

Pensez-vous qu'on améliorerait le projet de loi en y incluant une disposition qui préciserait - qu'il s'agisse d'une société de gestion comme CANCOPY ou d'une commission du droit d'auteur - une rémunération uniforme? On nous a dit au cours des témoignages que CANCOPY avait fixé deux niveaux différents de rémunération pour la reproduction de la même chose exactement, selon qu'il s'agissait d'une fin lucrative ou non. Améliorerait-on le projet de loi en précisant qu'il ne doit y avoir qu'un niveau de rémunération?

[Français]

M. Bouchard: C'est probablement à chacune des parties de s'entendre sur le tarif qui doit être fixé.

Dans le cas de CANCOPY, l'approche qu'elle prend par rapport aux entreprises à but lucratif ou non lucratif demeure sa décision. À la limite, les gens avec qui elle fait affaire vont signer ces ententes-là. Ils peuvent toujours être en désaccord sur la proposition de CANCOPY, et on en vient alors à une négociation. S'il y a mésentente, cela peut être soumis à l'arbitrage, c'est-à-dire à la Commission du droit d'auteur.

.1210

[Traduction]

M. Abbott: Dans le contexte de la reproduction en milieu universitaire, il y a de plus en plus d'organismes privés, à but lucratif, qui travaillent maintenant de concert avec le secteur à but non lucratif. Cela donne un organisme privé, à but lucratif, qui fait des reproductions dans les locaux de l'université alors qu'un autre groupe fait exactement les mêmes reproductions, pour les mêmes étudiants, un peu plus loin dans la rue. Il ne semble pas acceptable qu'il y ait deux niveaux de rémunération.

Je vous repose donc la même question: n'améliorerait-on pas le projet de loi en y ajoutant une disposition qui prévoirait que, quelle que soit la rémunération, elle est d'application générale?

M. Rabinovitch: Tout d'abord, monsieur le président, nous allons certainement réfléchir encore à cet aspect. Comme je l'ai dit à de nombreuses reprises, nous finirons par faire part de notre avis à nos ministres, qui prendront la décision. Soyez donc assurés que nous réfléchirons à cet aspect.

Toutefois, dans l'immédiat, notre propre réaction, comme je viens d'en discuter avec mes collègues ici à gauche - Industrie Canada est toujours à la gauche de Patrimoine Canada - et à ma droite, c'est que nous ne souhaitons pas miner le concept de la négociation de la rémunération par les sociétés de gestion. En précisant qu'il doit y avoir une rémunération uniforme - c'est pure conjoncture pour l'instant - il faudrait que le gouvernement ou le Parlement, d'une façon générale, intervienne dans ce qui est censé être un processus de négociation, un processus commercial.

Par exemple, on peut supposer qu'exiger un prix uniforme pourrait faire grimper ceux des organismes à but non lucratif au lieu de faire baisser ceux des institutions à but lucratif.

M. Abbott: Très bien.

Enfin, il y a l'admissibilité aux droits voisins. Nous nous étions lancés dans une discussion des plus intéressantes à ce sujet, et je songe maintenant à notre séance de juin dernier, où j'avais posé comme hypothèse qu'un artiste américain de Denver pourrait venir à Calgary et ainsi se prévaloir des droits voisins que lui accorderait le Canada, tout comme d'ailleurs les autres pays parties à la Convention de Rome. J'avais soulevé cette question en juin, mais je ne pense pas vraiment qu'on ait réussi à tirer une conclusion.

Nous avons également entendu quelqu'un du secteur de l'enregistrement sonore nous dire au cours de son témoignage que les modalités n'étaient pas du tout assez claires pour déterminer qui serait admissible. Par exemple, un citoyen canadien qui habite peut-être à l'étranger ou qui fait des enregistrements à l'étranger pourrait-il être admissible en vertu de sa citoyenneté canadienne, etc.?

Donc, je repose ma question: dans le projet de loi, est-il précisé d'une façon suffisamment claire qui est admissible aux droits voisins, en supposant que ceux-ci figureront dans le projet de loi?

Mme Katz: En fait, si je comprends bien la question, monsieur le président, il s'agit de savoir quels sont les critères d'admissibilité. Pourquoi un enregistrement sonore est-il admissible au régime de droits d'exécution du Canada?

Au cours des témoignages, les avis étaient partagés quant à savoir si les critères étaient suffisamment clairs ou si les critères n'admettraient pas un simple arrangement contractuel - c'est-à-dire la signature d'un contrat au Canada - alors que son exécution aurait lieu à l'extérieur du Canada. On s'est alors demandé si une simple entente administrative ou contractuelle conclue à l'intérieur des frontières du Canada pouvait rendre un enregistrement admissible au régime canadien, nonobstant le fait que son exécution se produirait en fait ailleurs?

Je pense que nous voudrons examiner le libellé afin de nous assurer que le projet de loi reflète précisément nos intentions, à savoir que l'exécution doit se faire au Canada... non pas simplement la conclusion d'un contrat. Je sais qu'au cours des témoignages, on vous a dit que le libellé n'était peut-être pas suffisamment clair, et, à la réflexion, nous voudrons certainement nous assurer que les dispositions du projet de loi sont claires.

.1215

En réponse à votre deuxième question, le citoyen canadien à l'extérieur du Canada qui fait un enregistrement sonore à l'extérieur du Canada... non, cet enregistrement ne serait pas admissible.

M. Abbott: Qu'en est-il du citoyen américain qui fait l'enregistrement au Canada?

Mme Katz: S'il le fait au Canada, oui.

Le président: Monsieur O'Brien.

M. O'Brien (London - Middlesex): Merci, monsieur le président. Je voulais m'assurer que j'ai bien compris ce qu'a dit Mme Katz plus tôt.

Je pense que vous avez dit que la question des droits éphémères et du transfert entre formats, etc., n'est devenue un sujet de discussion que très récemment, n'est-ce pas?

Mme Katz: Monsieur le président, permettez-moi de préciser ce que j'ai dit plus tôt. Merci de votre question. La question des enregistrements éphémères et de l'opportunité d'inclure dans le projet de loi une exception à ce sujet est loin d'être nouvelle.

En fin de compte, le gouvernement a décidé de limiter les exceptions aux institutions publiques - des exceptions qui serviraient les intérêts publics plutôt que des intérêts privés ou commerciaux. Voilà comment on a déterminé quelles exceptions étaient appropriées et lesquelles ne l'étaient pas dans ce projet de loi.

En ce qui concerne les transferts entre supports, toutefois, cette question s'est posée très tard.

M. O'Brien: Merci de cette précision; je vous en remercie. Nous avons certainement entendu de nombreux arguments pour et contre sur toute cette question des droits éphémères et des transferts entre supports. Je sais que les députés de tous les partis, dans tout le Canada, ont reçu de nombreux commentaires à ce sujet.

Je n'hésite pas à dire qu'à titre personnel j'ai une certaine sympathie pour les gens des médias qui ont porté certaines de ces questions à mon attention. Précédemment, j'ai présenté l'idée aux témoins, ou tout au moins l'espoir d'un règlement. Il en est beaucoup question.

Nous en sommes à la toute dernière journée, monsieur le président, et j'aimerais donc savoir s'il est question d'un règlement qui interviendrait aujourd'hui, ou revient-il au comité de s'attaquer à ce problème parce qu'il n'y aura pas de règlement?

M. Rabinovitch: Monsieur le président, si je donnais les dernières nouvelles maintenant, mais que cela ne soit rendu public que dans une heure, il y aurait un laps de temps, et je voudrais certainement...

Des voix: Oh, oh!

M. O'Brien: Cela ne vous gênerait pas, n'est-ce pas?

M. Rabinovitch: Mme Katz me dit que je devrai chanter; si je chante, ce sera parfait. Cela vous conférerait des droits d'auditeurs, et non pas des droits d'exécutants.

Monsieur le président, nous avons également eu l'occasion d'entendre ce que les représentants des radiodiffuseurs avaient à dire à ce sujet et nous les avons rencontrés à plusieurs reprises. Nous avons aussi entendu les représentants des créateurs, qui ne sont pas aussi entichés que les représentants des radiodiffuseurs de l'idée d'une exemption globale pour les oeuvres éphémères.

Nous n'avons rien à annoncer pour l'instant. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que, comme fonctionnaires, nous sommes à l'écoute, nous examinons la question, mais de plusieurs points de vue. Évidemment, nous allons finir par chercher à obtenir des directives politiques à ce sujet. Je ne pense pas pouvoir vous en dire plus long.

Évidemment, nous connaissons les arguments en faveur de la nécessité d'admettre les différences d'heures, surtout dans un pays où il y a quatre fuseaux horaires et demi, et vu tout ce qu'on nous a dit, de façon très éloquente, au sujet des défilés du père Noël, etc.

Nous sommes également conscients des arguments tout aussi éloquents que nous ont présentés les créateurs, qui craignent que le fait d'introduire maintenant une nouvelle exception ne donne la fausse impression qu'on veut commencer à miner ce qui avait été prévu comme devant être une protection très réelle du droit des créateurs.

.1220

M. O'Brien: Merci.

J'aimerais consigner au procès-verbal... je ne sais pas si vous avez eu l'occasion - probablement pas - d'examiner tous les témoignages de tous les témoins. J'ai posé, je pense, cette question à M. Basskin parce qu'il disait que les créateurs n'avaient pas l'intention de s'en prendre aux radiodiffuseurs, etc. Bonne nouvelle. Toutefois, s'il en est ainsi, pourquoi ne peuvent-ils pas en arriver à un règlement? Si rien n'est fait, le comité devra sans doute trancher la question.

J'espérais - c'était peut-être naïf - qu'ils allaient en fait régler cette question avant que nous ne commencions l'étude article par article, mais si ce n'est pas le cas, ce n'est pas le cas.

J'ai une dernière question pour Mme Bouvet. Il s'agit encore une fois d'une précision - à moins que je n'aie mal entendu ce qu'on a dit.

Avez-vous dit que des gouvernements précédents se sont engagés à accorder des exceptions aux établissements d'enseignement pour qu'ils puissent remplir leur rôle? Ou ai-je mal entendu ce que vous avez dit précédemment?

Mme Bouvet: Depuis 1988, le gouvernement promet d'accorder des exceptions. Je me souviens que lors de l'adoption du projet de loi C-60 en 1988, la ministre des Communications de l'époque, Mme Flora MacDonald, avait déclaré au Sénat qu'au cours des mois à venir, on allait ajouter des exceptions à la Loi sur le droit d'auteur. Et depuis lors, le gouvernement a toujours agi en fonction de cela.

M. O'Brien: Je voudrais continuer sur le même sujet. S'agissait-il d'une affirmation générale? Les ministres ou les fonctionnaires ont-il donné des indications précises sur la nature de ces exceptions?

Mme Bouvet: À l'époque, la ministre a donné des exemples précis des exceptions qu'elle envisageait. Depuis lors, les discussions ont été nombreuses. Le gouvernement en a tenu compte pour affirmer qu'il allait intégrer à la phase deux des exceptions analogues à celles qu'on avait proposées à l'époque.

M. O'Brien: Parfait. Merci beaucoup.

M. Rabinovitch: Mes collègues me rappellent que le gouvernement actuel a également dit à diverses reprises, par l'intermédiaire de différents ministres, que le régime du droit d'auteur comportait des exceptions. C'est là-dessus que nous avons travaillé, puis le gouvernement a déposé des documents présentant son opinion sur le principe des exceptions destinées aux organismes publics à but non lucratif.

Je voudrais ajouter un dernier élément concernant la nécessité d'une exception éphémère. Le point de vue exprimé par M. Basskin au nom de ceux qu'il représente, de même que celui des sociétés de gestion du Québec, sont aussi convaincants que le point de vue des représentants des télédiffuseurs. Évidemment, lorsqu'on aborde le thème de l'exception éphémère, les mêmes questions de nécessité, d'équilibre, d'équité et de définition entrent en jeu.

La question n'est donc ni simple, ni éphémère.

M. O'Brien: Non, c'est juste.

Puisque c'est moi qui ai soulevé cette question, monsieur le président, je voudrais indiquer clairement que je suis d'accord. Les témoins invités par le comité ont été très convaincants. Mais je soulève cette question parce que leur conviction n'a pourtant pas permis de résoudre la question. C'est ce que j'espérais, mais ce ne fut malheureusement pas le cas.

Qu'on ait été convaincant ou non, il n'en revient pas moins aux représentants élus de faire la part des choses et de prendre une décision définitive. Et nous allons le faire, avec votre aide.

.1225

Le président: Vous êtes vous-même très convaincant.

Des voix: Oh, oh!

[Français]

Le président: Monsieur Leroux.

M. Leroux: J'aurais quelques questions quant aux droits voisins. Je vais revenir au plan de 1 250 000 $.

D'abord, quand on parle de la Commission, en ce qui a trait au droit d'auteur, on dit au paragraphe 68.1(4):

(4) Lorsqu'elle procède à l'homologation prévue au paragraphe 68(3), la Commission fixe un tarif préférentiel pour les petits systèmes de transmission par fil.

Pourquoi est-ce qu'on ne prévoit pas une telle chose pour les droits voisins aussi plutôt que de donner un grand cadre d'interprétation à la Commission?

Mme Bouvet: Pouvez-vous répéter votre question?

M. Leroux: Plus tôt, vous m'avez dit ce que le gouvernement, pour guider la Commission dans ses...

Mme Bouvet: Ce n'était pas assez précis?

M. Leroux: Il y a beaucoup de choses. En ce qui a trait aux droits d'auteur, ce que l'on dit à la Commission est assez simple. On dit que lorsqu'elle procède à l'homologation, tel que prévu au paragraphe (4), elle fixe des tarifs préférentiels pour les petits systèmes de transmission sans fil. Pourquoi pas pour les droits voisins aussi?

Au paragraphe 83(9), à la page 84, vous donnez le cadre suivant à la Commission:

(9) Pour l'exercice de l'attribution prévue à l'alinéa (8)a), la Commission doit s'assurer que les redevances sont justes et équitables compte tenu notamment du montant payable en vertu de lois comparables dans d'autres pays et de la nature de l'industrie nord-américaine de l'enregistrement sonore, ainsi que de tous les critères réglementaires.

Comment doit-on comprendre «de la nature de l'industrie nord-américaine»? Comment la Commission peut-elle interpréter la nature de cette industrie? Expliquez-moi cela.

[Traduction]

M. Tobin: De façon générale - et je demanderai ensuite à M. Bouchard ou à Mme Bouvet d'aborder les détails - je pense que si le projet de loi apporte plus de précisions concernant les petites stations de radio que, mettons, la retransmission - si bien compris la question du député... encore une fois, je reviens à ce que j'ai entendu ici. Compte tenu de la nature de la question qui nous occupe et du débat qui entoure l'apparition d'un nouveau droit, on a jugé utile de donner certaines précisions concernant le sort des petites stations de radio.

Tout le monde était d'accord pour leur accorder un traitement particulier. On a estimé que pour l'instant du moins, la loi devait préciser le régime auquel elles étaient soumises, alors que les autres droits s'appliquent depuis un certain temps, qu'ils ont fait l'objet, au cours des années, d'un certain nombre d'usages dont les gens du métier s'accommodent généralement bien.

Dans le cas des nouveaux droits, on a jugé qu'il fallait plus de précisions qu'en ce qui concerne les droits qui s'appliquent déjà depuis un certain temps.

[Français]

M. Leroux: Monsieur Tobin, étant donné qu'on prévoit une révision de la loi dans cinq ans, pourquoi n'a-t-on pas voulu faire l'expérience des outils qu'on a, tels qu'ils sont définis maintenant? Étant donné qu'on prévoit une révision dans cinq ans, pourquoi ne pas évaluer la loi maintenant? C'est plus facile d'améliorer un projet de loi que de retrancher certaines dispositions de la loi.

Il me semble que le législateur aurait pu permettre qu'on établisse les règles du jeux, comme on l'a fait avec les collectifs de droits d'auteur au cours des années.

[Traduction]

M. Tobin: Vous avez raison d'aborder ce sujet intéressant. Je suppose que tout dépend... Vous auriez pu opter pour la formule que vous proposez, quitte à voir les résultats qu'elle allait donner au bout d'un certain temps. Encore une fois, compte tenu de la nature du débat qui entoure les droits voisins et qui, comme on l'a dit, se poursuit depuis un certain temps, on a décidé de pêcher par excès de précision et de réviser le régime au bout de cinq ans. C'est une question de jugement.

[Français]

M. Leroux: Monsieur Tobin, pour le législateur, il est toujours difficile de retrancher certaines dispositions d'une loi, surtout quand on a dirigé les gens dans une certaine direction.

.1230

Il y a là quelque chose qui me semble aller à l'opposé des choses telles qu'elles doivent être dans un processus législatif.

Le président: Monsieur Bouchard, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Bouchard: Je pense que l'argument pourrait être pris à l'inverse aussi. Quand on donne un cadre à la Commission pour les cinq premières années, dans la mesure où il y a une révision au bout de la cinquième année, on voit si l'introduction s'est faite d'une façon ordonnée et, par la suite, des critères peuvent être retirés.

Donc, l'argument que vous soulevez en ce qui a trait à l'imposition de critères immédiats peut aussi être pris à l'envers.

M. Leroux: J'avais déjà posé une question sur le montant de base de 1 250 000 $ de revenus publicitaires, mais j'aimerais entendre à nouveau la réponse. À partir de quoi avez-vous fait le calcul? À partir de vos études? À partir de regroupements statistiques? Il ne s'agit pas d'obtenir des droits et d'abroger d'autres lois. On s'entend là-dessus.

Par ailleurs, je veux savoir où vous avez pris ce plancher de 1 250 000 $ de revenus publicitaire.

M. Bouchard: Devrait-on parler plutôt de 1 300 000 $ ou de 1 200 000 $? À un moment donné, un trait doit être mis sur le chiffre qui doit être retenu. Les données ont été tirées de Statistique Canada où on voit que les stations de radio qui ont tels revenus ont telle rentabilité, etc.

Les stations de radio avec des revenus de 1 250 000 $ ne sont quand même pas de grosses stations. Ce sont des stations qui sont habituellement dans de petites localités, dans de petits centres ou en banlieue de gros centres.

Il s'avère que cela touche à peu près les deux tiers des stations de radio, et cela faisait partie du cadre qui a été donné à la Commission en ce qui a trait aux droits voisins. Cela veut dire qu'on exclut du paiement environ 66 ou 65 p. 100 des stations.

Cela a été fait à partir des données de Statistique Canada qui nous donnent un portrait assez précis de la situation de l'industrie de la radio.

M. Leroux: Disons qu'il y a d'autres chiffres sur le marché, d'autres études, etc. N'auriez-vous pas préféré faire les études d'ici cinq ans et examiner les négociations sur le marché avant de décider de fixer ce montant de 1 250 000 $ compte tenu du fait que, selon les calculs qu'on a faits, 72 p. 100 des revenus de la radiotélévision sont exemptés?

On sait qu'il y a des mécanismes en place, on sait qu'il y a une commission et on sait que la Commission a pour principe d'étudier la situation du payeur et de se demander s'il est capable de payer et à partir de quels critères. Pourquoi n'a-t-on a pas laissé jouer cela plutôt que d'essayer de cerner à l'avance quelque choses de l'ordre de... Si on établit cela, on aura une balise.

Il me semble que ce milieu n'est pas sauvage. Il s'est réalisé des choses assez intéressantes en termes d'ententes.

M. Bouchard: Lorsque cela a été élaboré, on a tenu compte de la santé financière de l'industrie de la radio.

L'industrie de la radio a traversé une période assez dure au cours des dernières années. En reportant ce mécanisme de cinq ans, on aurait négligé de tenir compte de cet élément des difficultés financières de l'industrie de la radio au cours des dernières années.

M. Bélanger: L'objectif de l'exercice de ce matin est d'aller chercher des renseignements et de discuter, parce qu'on frôle de très près la discussion qu'on devrait aborder incessamment, lors de l'étude article par article.

M. Leroux: Je voudrais vérifier, monsieur Bélanger, cette approche d'exceptions par opposition à la reconnaissance d'une négociation qui, elle, établit des règles de jeu.

C'est cela surtout que je voulais vérifier auprès des gens. Ils me disent qu'ils procèdent par exceptions parce qu'ils veulent baliser les choses. Ils ont fait une étude à la place des vrais acteurs, qui ont leurs propres études et la capacité de se parler et de négocier.

C'est cela que j'essaie d'établir. On s'est dit que, comme gouvernement, on allait prendre la responsabilité d'établir des balises, parce que tout cela est nouveau pour les acteurs et qu'ils vont peut-être mal se parler. C'est ce que j'essayais de voir.

M. Bélanger: Ce devrait être clair.

M. Leroux: Les statistiques sont là. C'est à partir de statistiques que vous avez établi ce montant de 1 250 000 $. Cependant, vous saviez que cela excluait 72 p. 100 des revenus des radiodiffuseurs. Vous étiez conscients de cela.

M. Bouchard: Oui. Les données indiquent qu'une certaine portion des revenus des stations de radio sont...

M. Leroux: Soixante-six pour cent des radios et 72 p. 100 des revenus.

M. Bouchard: En ce qui a trait au 72 p. 100 des revenus, cela dépend du moment où vous le placez. On peut parler de la phase d'introduction ou de la cinquième année. Il faudrait que je vérifie le chiffre.

.1235

Ce n'était pas la portion des revenus qu'on exemptait, mais plutôt la proportion des stations de radio qui avaient des revenus assez bas. On a procédé de cette façon-là.

M. Leroux: Pourquoi alors ce montant de 1 250 000 $ s'applique-t-il aussi aux gros centres?

[Traduction]

M. Rabinovitch: Comme on l'a dit tout à l'heure, les fonctionnaires ne peuvent s'occuper de questions techniques que dans la mesure où elles n'empiètent sur les décisions politiques. N'oublions pas les raisons qui ont amené le législateur à inscrire dans le projet de loi un régime des droits voisins, ou un régime applicable aux artistes et aux producteurs.

Pour le Canada, ce sont des droits nouveaux et une formule nouvelle. Ils ont fait l'objet d'un large débat public, au cours duquel toutes les parties ont exprimé des émotions et des sentiments très forts.

En définitive, compte tenu de toutes ces divergences, les fonctionnaires n'ont eu qu'une alternative: ils pouvaient se résoudre à dire qu'ils n'avaient trouvé aucune solution, ou ils pouvaient dire aux autorités politiques qu'on pouvait trouver un compromis. Les compromis font toujours appel au jugement lorsqu'il faut trouver des chiffres appropriés. Fallait-il parler de 1 250 000 $, de 1 million de dollars ou de 750 000 $? C'était une question de jugement.

Mais en l'occurrence le jugement - et j'insiste là-dessus - se fondait sur une bonne connaissance des données statistiques. Ainsi, lorsque les décisions ont été prises, leurs auteurs en connaissaient les conséquences.

Encore une fois, seuls les élus peuvent prendre une telle décision.

[Français]

M. Leroux: Cela m'éclaire. Vous avez, avec vos amendements techniques, apporté certaines correction, entre autres en insérant les mots «artiste-interprète» là où ils n'étaient pas, c'est-à-dire dans les articles portant sur le nouveau régime de collectif de gestion. Vous l'avez corrigé. Pourquoi, dans le projet de loi, n'avez-vous pas défini l'artiste-interprète? Cela rejoindrait peut-être la question de M. Abbott: Est-il résident, est-il Canadien?

M. Richstone: Monsieur Leroux, on a choisi de définir la prestation de l'artiste-interprète au lieu de l'artiste-interprète lui-même. Comme vous le voyez, le projet de loi ou la loi protège l'oeuvre, l'objet des droits d'auteur. Donc, cela porte sur l'objet des droits d'auteur et non sur la personne qui le crée. Les législateurs ou les rédacteurs ne pouvaient décider de définir la personne ou la prestation. C'est le gouvernement qui a choisi de définir la prestation.

L'auteur, monsieur Leroux, n'est pas défini. Donc, on a décidé de définir la prestation au lieu de la personne.

Si on examine les suggestions faites par certains à ce comité, on voit qu'ils utilisent la définition d'«artiste-interprète» tirée de la Convention de Rome. Le comité pourra décider si la définition contenue dans la Convention de Rome devrait être plus précise que la définition contenue dans ce projet de loi. Il se peut fort bien que la définition de ce projet de loi soit plus claire et plus détaillée que celle de la Convention de Rome.

[Traduction]

Le président: Monsieur Abbott.

M. Abbott: Dans cette mesure législative, vous avez fixé un seuil aux poursuites criminelles; ce projet de loi propose des recours tant du côté du droit civil que du droit pénal. Êtes-vous certain que ce seuil ait été fixé au bon niveau, et pouvez-vous nous parler des éléments pris en considération dans la détermination de ce seuil?

Suis-je assez clair dans ma question? Je voudrais savoir selon quels critères on peut décider que des poursuites pénales peuvent être intentées.

.1240

M. Richstone: Monsieur Abbott, comme vous le savez, ce seuil est énoncé à l'article 42 et fait partie des dispositions de la phase un. À l'époque, cette modification a suscité un vif débat.

Actuellement, comme vous le savez, le choix entre la déclaration de culpabilité par procédure sommaire ou par voie de mise en accusation relève du pouvoir discrétionnaire de la poursuite. C'est généralement ce qui se passe. Je ne peux imaginer une infraction au Code criminel ou une infraction quelconque pour laquelle le procureur général du Canada ou d'une province ne pourrait... La procédure d'accusation relève toujours du pouvoir discrétionnaire de la poursuite. Il en va de même, dans le Code criminel, pour les infractions de vol.

Sur la question particulière des recours au pénal prévus dans la Loi sur le droit d'auteur, j'ai appris qu'actuellement, le ministère de la Justice et la GRC travaillent à l'élaboration de lignes directrices indiquant à la poursuite les facteurs à prendre en compte pour choisir entre la déclaration sommaire de culpabilité et la mise en accusation.

Dans le domaine du droit d'auteur, il est souvent difficile d'évaluer l'ampleur de l'infraction pouvant donner lieu à un recours au pénal. Il serait très difficile, voire impossible ou inopportun dans certains cas, de fixer un seuil arbitraire. Mais on va élaborer des lignes directrices, de façon que la poursuite sache comment procéder.

M. Abbott: Finalement, sur la question que j'ai soulevée en juin de l'année dernière, pourriez-vous indiquer au comité les dispositions du projet de loi qui protègent le Canada contre l'éventualité que les Américains n'accaparent une partie des revenus provenant des droits voisins?

Pouvez-vous nous expliquer en termes précis pourquoi nous ne risquons pas de voir disparaître 70 p. 100 des revenus des radiodiffuseurs, puisqu'ils diffusent en majorité des artistes américains? Y a-t-il dans ce projet de loi des dispositions particulières qui empêchent les Américains d'invoquer l'ALENA ou de saisir l'OMC pour intenter des poursuites contre nous?

[Français]

M. Bouchard: Je dirais que ce sont les critères de rattachement qui sont utilisés pour le régime de droits voisins. C'est la nationalité du producteur et, comme Susan le faisait remarquer plus tôt, c'est aussi le lieu où la fixation est faite. Si un artiste américain a fait faire la fixation de son produit d'enregistrement sonore au Canada, à ce moment-là, il se qualifie. Cela faisait partie de l'intention.

[Traduction]

M. Abbott: C'est l'intention du législateur, je le comprends bien, mais je crains que même la disposition que vous venez d'évoquer puisse être assujettie...

Nous avons vu ce qu'ont fait les Américains à propos du bois d'oeuvre et du blé dur, par exemple. Pourquoi en irait-il autrement des droits voisins? Quel que soit le régime mis en place au Canada, qu'est-ce qui empêche les Américains...?

Je comprends bien votre réponse par rapport à la définition. D'après ce que je comprends, votre commission nous a donné en juin l'assurance qu'il n'y avait pas lieu de craindre que les fonds ne soient accaparés par les artistes américains, puisqu'ils représentent 70 p. 100 de la programmation radio au Canada anglais.

J'aimerais savoir ce qui vous rend si confiant; y a-t-il dans ce projet de loi quelque chose qui nous permette de penser que les Américains n'obtiendront jamais gain de cause contre nous?

[Français]

M. Bouchard: En fait, l'ensemble du projet de loi répond à nos obligations internationales. Il est compatible avec nos obligations internationales, y compris l'Accord de libre-échange nord-américain. C'est pour cette raison que nous sommes confiants que, de la façon dont le projet de loi est structuré, de la façon dont le régime de droits voisins est structuré, il y aura un certain répertoire qui sera admissible et les oeuvres dont vous faites mention, c'est-à-dire les oeuvres américaines fixées aux États-Unis, ne se qualifieront pas dans le cadre de ce régime-là.

Par conséquent, les retombées économiques du régime seront prioritairement pour les Canadiens et les autres producteurs ou artistes-interprètes de pays qui reconnaissent le même type de régime dans leur pays.

[Traduction]

M. Abbott: J'essaie d'éviter la polémique à tout prix, mais mon problème, c'est que...

Le président: Vous essayez en pure perte.

Des voix: Oh, oh!

.1245

M. Abbott: Bien, merci.

Si le tarif des droits voisins s'applique à toutes les recettes de publicité des stations de radio et que 70 p. 100 des artistes qu'elles diffusent sont américains, j'ai du mal à croire que les Américains ne vont pas...

Pourquoi ne vous contentez-vous pas de prendre 30 p. 100? Voyez-vous ce que je veux dire? J'imagine mal qu'ils n'essaieront pas de s'en prendre à nous. Disons que je prévois qu'ils vont s'en prendre à nous.

Le président: Restons-en à la prévision de M. Abbott, en espérant qu'il se trompe.

M. Abbott: Je vous prédis également un gouvernement réformiste.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Là-dessus, on peut être certain qu'il se trompe.

Monsieur Rabinovitch.

M. Rabinovitch: Monsieur le président, je prends note de votre avis subtil.

De toute évidence, un pays souverain peut choisir, en toute souveraineté, d'entreprendre des poursuites en matière commerciale, auquel cas nous devrons prouver l'inanité de cette cause devant le tribunal saisi. Évidemment, je ne songe à aucun autre pays que le nôtre. Il serait très mal avisé d'entreprendre une telle action commerciale.

En rédigeant ce projet de loi, nous avons tenu très soigneusement compte de toutes nos obligations internationales, qu'elles soient bilatérales ou multilatérales. En élaborant le régime des droits voisins, nous avons veillé soigneusement à nous conformer à nos obligations découlant de la Convention de Rome, qui est en l'occurrence la convention internationale applicable.

Comme pourrait vous le dire votre propre avocat, je peux simplement vous assurer qu'à notre avis, tout ce que nous avons proposé est tout à fait conforme à nos obligations. Si des étrangers sont assez fous pour nous poursuivre, nous serons en mesure de nous défendre. Nous nous battrons jusqu'au bout pour défendre non seulement la souveraineté canadienne, mais également les droits des télédiffuseurs et des créateurs canadiens, et c'est là l'objet même du projet de loi.

Des voix: Bravo, bravo!

[Français]

M. Leroux: C'est la déclaration politique du sous-ministre?

Des voix: Ah, ah!

M. Leroux: Il est financé par le BIC.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Bélanger: J'aurais eu d'autres questions à poser, par exemple sur l'article 90 et quant à la question de savoir si on devrait permettre aux particuliers qui ont le droit d'acheter des livres, même s'il y a une entente d'exclusivité... Mais puisqu'on a déjà accordé mon temps de parole aux partis de l'opposition, je vais m'abstenir de poser des questions.

Par contre, il reste 10 minutes, je crois, et si le comité y consent, on devrait peut-être s'attarder sur les jours et les semaines qui vont suivre et voir comment on va procéder. Par exemple, quand prévoit-on commencer l'étude du projet de loi article par article?

Le président: Monsieur Bélanger, les membres du comité se sont mis d'accord pour qu'on tienne une séance d'une demi-heure, de 13 heures jusqu'à 13 h 30, pour que nous décidions de ces questions entre nous.

M. Bélanger: Les membres du comité se sont mis d'accord?

Le président: Les membres du comité se sont mis tout à fait d'accord là-dessus, oui.

M. Bélanger: Ah bon! Je ne suis plus membre du comité.

Des voix: Ah, ah!

M. Bélanger: J'ai perdu ma qualité de membre du comité.

Le président: Je m'excuse, je vais préciser.

On avait parlé d'une séance de travail, mais le greffier a trouvé cette demi-heure, parce qu'on devait finir à 13 h 30 de toute façon.

M. Bélanger: On parle d'une séance à huis clos à 13 h, mais je ne crois pas que nous devrions discuter à huis clos de la façon dont nous entendons procéder. Je ne vois pas pourquoi on devrait tenir ce genre de discussion à huis clos.

Le président: Je ne saisis pas ce que vous voulez dire.

.1250

M. Bélanger: Vous dites que les membres du comité se sont entendus pour qu'on siège à 13 heures à huis clos. Quant à moi, je me demande pourquoi on devrait discuter à huis clos de la façon dont nous entendons procéder à l'avenir. Je ne vois pas l'utilité de cela.

Le président: C'est une autre question. On décidera de cela à 13 heures. Jusqu'à ce moment-là, les membres du comité ont le droit de poser des questions. Si vous voulez poser des questions aux fonctionnaires du ministère, monsieur Bélanger, vous avez encore dix minutes. Soyez tout à fait à l'aise.

M. Bélanger: Je vais en poser une.

Je voulais vous remettre la politesse, monsieur Leroux, parce que vous m'aviez cédé votre temps à un moment donné.

La question porte sur l'article 90, qui a été central dans nos débats. Je pense que la plupart des groupes qui sont venus devant nous ont demandé qu'on le modifie, qu'on le retranche complètement ou qu'on en retranche une partie. Est-ce que, lors des délibérations, on pourrait s'attendre à des résultats qui pourraient modifier l'article 90?

M. Rabinovitch: J'aimerais vous répondre de façon générale. Je ne peux vous dire comment les ministres vont décider d'agir. Au début de la séance de ce matin, j'ai indiqué clairement qu'on ne chercherait pas à diminuer les redevances ni le principe des redevances. Cela est très important comme principe de départ au cas où il serait nécessaire d'agir de manière à changer le projet. Je ne peux cependant pas vous le dire pour l'instant.

M. Bélanger: Par exemple, les 11 mots anglais et les 12 mots français suggérés par la SOCAN pourraient-ils être examinés?

M. Rabinovitch: [Inaudible - Éditeur]

M. Bélanger: Faites attention! Faites bien attention! On pourrait s'aventurer sur un terrain glissant.

Pourrait-on espérer avoir une réaction des divers ministères à la proposition spécifique de la SOCAN?

[Traduction]

M. Rabinovitch: Je n'ai peut-être pas été assez clair en français. Il n'est pas juste de nous demander ainsi une réponse aussi précise. Nous informerons nos ministres respectifs en temps utile, et ils nous diront quoi faire.

M. Bélanger: D'accord.

[Français]

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Leroux, vous avez des questions?

M. Leroux: Je vais tenter d'être très clair en français, monsieur Rabinovitch. J'avais très bien compris votre réponse.

Je voudrais parler de l'article 20 et le comparer avec l'article 68. M. Abbott a soulevé la question des relations entre les pays signataires. Je voudrais faire observer qu'à l'article 22, vous dites que lorsque le ministre est d'avis qu'un pays autre qu'un pays partie à la Convention de Rome n'accorde pas de droits de rémunération semblables en ce qui concerne l'étendue ou la durée du droit prévu à l'article 19 pour l'exécution en public ou la communication au public d'un enregistrement sonore dont le producteur, lors de la première fixation, est citoyen canadien ou résident permanent au Canada au sens de la Loi sur l'immigration ou, s'il s'agit d'une personne morale, a son siège social au Canada, il peut, en publiant une déclaration dans la Gazette du Canada, limiter l'étendue et la durée de la protection qui sera accordée dans le cas des enregistrements sonores dont la première fixation est effectuée.

Donc, on se prépare à dire à certaines personnes que, si elles ne sont pas en accord avec nos conditions, on peut décider qu'on ne leur donnera pas nécessairement les mêmes droits.

À l'article 68, on fixe un plafond de 1 250 000 $, on exclut 72 p. 100 de revenus des radios et on va chercher des droits voisins sur la partie canadienne. D'autres pays pourraient-ils avoir la même attitude par rapport à nous, alors qu'on se limite en disant qu'avec le paiement de nos droits voisins, on va reconnaître que, s'il y a tant de restrictions au Canada dans la reconnaissance des droits voisins, on va appliquer, nous aussi, cette même mesure? D'après vous, cela a-t-il cet impact aussi? On travaille contre soi en faisant cela.

M. Bouchard: Il est assez difficile de répondre à cette question-là, parce qu'elle apparaît hypothétique. On ne sait pas quelle sera la valeur du régime de droits voisins. C'est la Commission qui va décider. Par conséquent, il est trop tôt pour voir quelle pourrait être la réaction d'autres pays face au régime qu'on applique ici au Canada.

.1255

M. Leroux: Mais, monsieur Bouchard, parlez du principe, de la rédaction du projet de loi, peu importe la valeur. Le projet de loi nous dit que, si on n'est pas satisfaits des conditions dans lesquelles cela s'applique, on peut, nous, réviser nos droits voisins versés selon nos conditions. Mais nous nous donnons à nous-mêmes des conditions très serrées. On dit que le plancher sera de 1 250 000 $ et on exclut 72 p. 100 des revenus. Donc, on se donne un cadre.

Comme législateurs, on pourrait dire que si on pense que certains pays ne sont pas satisfaisants, on révisera notre position. Ne se tire-t-on pas dans le pied en se faisant un carcan aussi gros? C'est fort possible.

M. Bouchard: Dans le projet de loi, on indique qu'une décision sera prise une fois qu'on aura jugé si, oui ou non, les régimes extérieurs apportent le même genre de bénéfices que le régime qu'on propose ici. Je présume qu'il y aura une décision à l'inverse aussi; c'est-à-dire qu'ils vont faire ce genre d'analyse-là.

M. Leroux: À ce moment-là, je vous inviterais à recommander au ministre d'abaisser le plafond au plus vite pour qu'on cesse d'être pénalisés, parce que cela peut jouer contre nous.

M. Rabinovitch: Il peut être intéressant de discuter de questions hypothétiques, mais le fait que le Canada, avec ce projet de loi, adhère à la Convention de Rome, va plaire aux autres partenaires de la Convention. Ces derniers vont considérer cela comme un pas en avant dans la création d'une grande communauté. Ils vont probablement espérer que certains autres pays, même des pays qui sont beaucoup plus grands que le Canada, décident eux-mêmes d'adhérer un jour à la Convention de Rome.

M. Leroux: Vous êtes d'accord, monsieur Rabinovitch, que cela ne change pas le fait qu'on établit des conditions pour nous et qu'on en projette pour les autres. Ce n'est pas simplement une question de spéculation. On insère nous-mêmes dans le projet de loi nos propres mécanismes de fonctionnement. Vous reconnaissez cela.

De toute façon, après s'être applaudis et serré la main en signant la Convention, on va tomber par la suite dans l'exercice. Cela veut dire que chacun va s'asseoir, lire nos projets et voir les conséquences qu'ils peuvent avoir.

M. Rabinovitch: Il est normal que chacun des pays qui adhèrent à une convention considère ce que les autres pays font. Cela fait partie de leur souveraineté. Nous espérons qu'ils vont bien comprendre les considérations du gouvernement canadien. Encore une fois, cela relève du jugement des membres du comité. C'est au comité de prendre les décisions.

Le président: On va terminer cette partie de nos travaux. Nous devons nous réunir dans quelques minutes pour étudier d'autres choses.

[Traduction]

Monsieur Rabinovitch, je voudrais vous remercier très sincèrement, vous et vos collègues, d'être venus répondre à toutes ces questions. Je sais qu'il est difficile de séparer les principes des détails techniques. On a souvent tendance à mélanger les deux, et je sais que cela vous complique beaucoup les choses, puisque ce n'est pas vous qui décidez.

Vous nous avez beaucoup aidé en vous efforçant de nous donner toute l'information que nous demandions. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres.

[Français]

Merci beaucoup.

[La séance se poursuit à huis clos]

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