[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 juin 1996
[Traduction]
Le président: Bonjour à tous. Je salue nos témoins de Pauktuutit, l'association des femmes inuit, et souhaite la bienvenue à Martha Flaherty, présidente; Martha Greig, vice-présidente; etMary Nashook, secrétaire-trésorière.
Avant de vous céder la parole, j'aimerais vous remercier d'être venues témoigner. Notre comité a décidé d'entreprendre un processus de sensibilisation. Nous sommes députés et de fiers politiciens. Nous venons des vastes régions qui constituent notre pays. Nous sommes affectés à des comités.
Chaque membre de notre comité, peu importe son allégeance politique, prend à coeur le travail que nous faisons ici. Il n'y est pas question de brique et de mortier, mais de la vie des gens, et tout le monde prend son rôle très au sérieux.
Nous avons décidé d'inviter les gens touchés par les décisions du Parlement à venir nous exprimer leurs préoccupations et leurs besoins afin d'en tenir compte dans nos délibérations. Beaucoup ont indiqué qu'ils sont déjà venus témoigner. Chaque fois, nous vous invitons à un comité différent et le compte rendu se retrouve sur les tablettes.
Notre comité fonctionne à partir d'un cartable. Vous aurez droit à un chapitre dans notre cartable. Il ne ramassera pas la poussière. C'est un document qui nous accompagne toujours. J'espère donc que, la prochaine fois que vous serez invitées, ce sera pour discuter de ce qui aura été accompli par suite de votre témoignage. Le temps que vous nous consacrez aujourd'hui n'est pas perdu. Nous prenons votre témoignage très au sérieux.
Nous avons une heure. Nous vous invitons à présenter un exposé de la longueur que vous voulez, mais si vous prenez tout le temps à votre disposition, il n'en restera plus pour des questions. Vous pouvez peut-être réserver quelques minutes aux questions. Nous essayons aussi d'accorder le même temps à chacun des membres.
Vous avez la parole.
Mme Martha Flaherty (présidente, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Merci de nous avoir invitées à vous rencontrer ce matin pour discuter de nos priorités et de nos préoccupations. Vous ne connaissez peut-être pas tous Pauktuutit, l'association des femmes inuit du Canada, ainsi que notre mandat. Nous aimerions commencer par vous décrire brièvement notre organisation.
Pauktuutit a été incorporée en 1984, pour représenter officiellement toutes les femmes inuit du Canada. Notre mandat consiste à faire connaître les besoins des femmes inuit, à encourager les femmes inuit à participer au développement social, culturel et économique, au niveau communautaire, régional et national.
Nos buts et objectifs sont énoncés dans notre rapport annuel, que nous avons remis à tous les membres du comité ce matin. Depuis douze ans, nous sommes très actives dans de nombreux domaines qui intéressent les femmes inuit, notamment la violence familiale, la santé, le développement économique et le logement ainsi que sur la scène politique.
Notre orientation nous est donnée tous les ans par les délégués qui participent à notre assemblée générale annuelle, où sont représentées les femmes inuit de toutes les régions. Il s'agit du nord du Québec, du Labrador et des Territoires du Nord-Ouest. Notre dernière assemblée générale annuelle a eu lieu en mars 1996 à Cambridge Bay, dans les Territoires du Nord-Ouest.
Au fait, j'ai oublié de présenter une de nos administratrices, Clara O'Gorman. Elle est aussi commissaire à notre Commission d'établissement du Nunavut.
À titre de renseignement, nous avons aussi apporté les résolutions adoptées par nos déléguées.
Parlons du Nunavut, un nouveau territoire qui sera créé conformément à l'accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Nous pensons que le Nunavut doit veiller sur la santé des personnes, des familles et des collectivités. À notre avis, des questions comme la violence familiale, la toxicomanie et l'alcoolisme, le suicide, le chômage et la pauvreté sont liés à l'autonomie gouvernementale. Pauktuutit est la seule organisation nationale qui met l'accent sur le rétablissement de la santé physique et mentale et le bien-être dans le processus menant à l'autonomie gouvernementale.
Contrairement à des organisations comme la Nunavut Tunngavik, la Société Makivik et le Conseil régional Inuvialuit, nous n'avons pas la possibilité de tirer des revenus ni des avantages financiers du règlement des revendications territoriales. Même si de nombreuses femmes inuit bénéficient de ces règlements, les organisations qui représentent les femmes inuit n'ont pas profité également des ressources obtenues par suite de ces revendications territoriales. Soit dit en passant, les femmes constituent la moitié de la population du Nunavut, si ce n'est davantage. Nous avons voté pour les revendications territoriales nous aussi.
Nous avons rencontré les politiciens et les fonctionnaires fédéraux pour les informer de notre mandat et leur dire qui nous représentons. Je veux répéter ce message ici aujourd'hui. Lorsque les politiciens et les décideurs souhaitent consulter les Inuit, il faut aussi consulter Pauktuutit afin d'être bien au courant de nos préoccupations et de nos priorités. J'espère ne pas avoir à le répéter de nouveau.
Je vous rappelle également qu'il nous faut des ressources suffisantes pour pouvoir continuer de fournir ces services au gouvernement. Nous n'avons pas le temps aujourd'hui de discuter en détail de nombreux aspects de notre travail. Nous avons choisi d'insister sur deux de nos grandes préoccupations, soit la représentation égale des femmes dans le gouvernement du Nunavut et les questions relatives à l'administration de la justice pour les femmes et les enfants inuit.
La quête de l'égalité pour les femmes inuit est au coeur de tout notre travail. Nous nous soucions tout particulièrement que les femmes inuit obtiennent une représentation égale au sein du nouvel organe législatif du Nunavut. Avec le Nunavut, nous avons une chance unique de créer une forme de gouvernement qui servira au mieux ses habitants et qui reflétera les besoins et les aspirations de la population. Nous pensons que nous devons poursuivre l'excellence et ne pas nous accommoder d'un modèle modifié venu du Sud qui ne répond pas aux besoins de tous les citoyens.
La Commission d'établissement du Nunavut a proposé une structure à circonscriptions binominales pour l'assemblée législative du Nunavut, qui garantirait qu'un nombre égal de représentants masculins et féminins seraient élus dans toutes les circonscriptions du Nunavut. Il est estimé qu'il faudra de 15 à 20 députés pour que l'assemblée fonctionne efficacement. Au lieu de redéfinir les limites des circonscriptions électorales pour créer le nombre voulu de circonscriptions, dans la structure proposée par la Commission, chaque électeur déposerait deux bulletins de vote, un pour un représentant et un pour une représentante.
Les circonscriptions binominales ne sont pas un phénomène nouveau au Canada. Au niveau provincial, neuf des dix provinces ont fait appel à ce mécanisme au cours des 50 dernières années. Un document de travail rédigé par la Commission et intitulé «Two-Member Constituency and Gender Equality: A Made-in-Nunavut Solution for an Effective and Representative Legislature» indique que l'assemblée législative de l'Île-du-Prince-Édouard a toujours été structurée en fonction de seize circonscriptions binominales, pour un total de 32 députés. Comme bien des régimes qui font appel aux circonscriptions binominales et plurinominales, celui de l'Île-du-Prince-Édouard tire ses origines de la notion de représentation des divers groupes dans la société ainsi que des individus.
Le document de travail indique aussi que les circonscriptions plurinominales sont la norme dans presque tous les pays d'Europe occidentale actuellement. Elles permettent de respecter le principe de l'égalité de la représentation et celui de la représentation communautaire.
Le document conclut que la population du Nunavut a une occasion rare et merveilleuse de créer une assemblée législative et un gouvernement qui seront adaptés, innovateurs et progressistes. L'assemblée législative du Nunavut pourrait être un modèle pour les peuples démocratiques du monde entier.
Même si les hommes et les femmes ont beaucoup d'objectifs en commun, comme nous l'avons déjà indiqué, nos priorités sont parfois bien différentes. Afin que les Inuit deviennent autonomes, il est essentiel que les individus, les familles et les collectivités soient en santé. S'il y a un nombre égal d'hommes et de femmes à l'assemblée législative, les questions qui préoccupent les femmes auront la même priorité que les autres questions gouvernementales, ce qui ne peut que profiter à tout le monde au Nunavut.
En travaillant ensemble, nous pouvons trouver des solutions. Les hommes devraient participer avec nous, parce que les questions sociales intéressent tout le monde. Nous devons trouver des solutions pour aujourd'hui, surtout pour nos jeunes, qui sont nos dirigeants de demain.
Des obstacles importants ont empêché une participation entière et égale des femmes au niveau politique. On croit encore généralement que les femmes sont surtout ou même exclusivement responsables de la maison et de la famille. Pour de nombreuses raisons, le régime et le processus politiques sont conçus par et pour les hommes, et ils peuvent être très aliénants pour les femmes. L'absence de services de garderie est aussi un obstacle majeur à la participation des femmes à la vie politique, surtout si le siège du gouvernement est éloigné. De plus, les femmes n'ont pas accès aux mêmes ressources pour entreprendre des campagnes électorales.
Les femmes inuit ont le droit de s'attendre que l'institution qui aura une influence si directe sur nos vies soit conçue avec notre participation, pour répondre à tous nos besoins. Je ne crois pas qu'en tant que femmes, nous devrions essayer de nous adapter à une institution qui aurait été conçue sans nous, qui ne nous aurait pas écoutées et qui n'aurait pas appuyé ni encouragé notre participation.
Dans l'assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, il n'y a actuellement que deux femmes députées sur 24. Je me demande ce qui nous arrive? Dans les douze circonscriptions qui représentent des collectivités inuit, une seule femme est députée. Ce n'est pas un niveau de participation acceptable.
Nous avons la preuve que les femmes inuit sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à terminer leurs études. Nous sommes très actives dans les domaines de la santé et de l'éducation. Ce que nous demandons, c'est une représentation égale garantie par la loi afin qu'en tant qu'Inuit nous puissions nous occuper des questions importantes pour nous et pour nos enfants. Le Canada a la chance de devenir un champion de l'égalité de la femme à l'échelle internationale. Un Nunavut fort et en santé apportera une grande contribution au Canada.
À une époque où il semble que des gens voudraient voir la fin du Canada, les Inuit ont clairement déclaré qu'ils croient en ce pays et que nous trouverons des solutions ensemble. Pour citer John Amagoalik, président de la Commission d'établissement du Nunavut:
- Au moment où d'autres tentent de démanteler le Canada, la population du Nunavut contribue à
le rebâtir et à le renforcer. Nous y parviendrons par un sentiment d'appartenance commun et par
la coopération, le soutien et le respect mutuel.
Mme Martha Greig (vice-présidente, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): Et je prie pour rester dans le Canada.
Mme Flaherty: Nous nous inquiétons l'absence de soutien du ministre des Affaires indiennes et du Nord à l'égard de l'égalité de la représentation au Nunavut.
Tout le conseil d'administration de Pauktuutit a rencontré le ministre Irwin à plusieurs reprises pour souligner la nécessité d'une représentation égale pour les femmes inuit au Nunavut, mais il n'est pas encore convaincu du bien-fondé de cette proposition.
Je peux vous assurer que les membres de Pauktuutit, qui représentent la moitié des Inuit du Canada, appuient pleinement l'égalité de la représentation au Nunavut. Je vous demande de nous écouter et de nous aider à faire en sorte que le gouvernement fédéral confirme et appuie le mode de gouvernement que nous souhaitons pour nous-mêmes au Nunavut.
Nous vous avons apporté des exemplaires du document de travail sur les circonscriptions binominales rédigé par la Commission d'établissement du Nunavut. Je n'entrerai pas dans les détails de la proposition pour le moment. Je crois que vous l'avez devant vous.
Les questions relatives au système judiciaire restent très importantes pour nous. Nous avons terminé récemment un projet triennal financé par la Sous-direction de la justice applicable aux Autochtones du ministère de la Justice. Ce projet, qui a pris fin le 31 mars 1996, portait sur de nombreux problèmes qui se présentent dans les diverses régions.
Les résultats de ce projet comprennent des mécanismes communautaires extrajudiciaires et une étude sur les actes criminels non signalés dans les collectivités du Labrador où il n'y a pas de services de police permanents. Nous présenterons bientôt les résultats de notre étude sur le Labrador au premier ministre de Terre-Neuve et du Labrador.
Même si le financement de ce projet a pris fin, nous continuons de recevoir un nombre important d'appels de femmes inuit au sujet de plusieurs questions relatives à la justice. Nous recevons des appels, jour et nuit, de toutes les régions.
Ces questions nécessitent une attention et des pressions continues, mais on nous a informées qu'il n'y a plus de financement pour continuer ce travail important. Le besoin est permanent, afin que les femmes inuit puissent se faire entendre sur des réformes proposées comme le contrôle des armes à feu, les mécanismes extrajudiciaires et le traitement des jeunes contrevenants.
Nous devons aussi pouvoir être les porte-parole des femmes inuit, comme dans le cas de l'étude sur le Labrador. Nous craignons fortement que, sans une représentation continue de Pauktuutit, les besoins des Inuit ne soient pas pris en considération ni ne trouvent pas écho dans les lois proposées.
Nous vous exhortons à transmettre nos points de vue à vos collègues de la Chambre.
Tout en nous préparant pour vous rencontrer aujourd'hui, nous avons participé à une consultation nationale sur les femmes et la justice. Voici les recommandations découlant de ces consultations qui seront présentées aujourd'hui aux membres du Cabinet:
1. Que les consultations sur les femmes autochtones et la justice continuent d'être financées et de se tenir annuellement sur la même base que les consultations nationales sur la violence faite aux femmes, la Sous-direction de la justice applicable aux Autochtones du ministère de la Justice fournissant le financement et l'aide administrative comme le ministère de la Justice l'a fait pour ces consultations;
2. Que la Sous-direction de la justice applicable aux Autochtones continue de fournir aux organisations autochtones nationales le même financement de base qui a été accordé depuis trois ans afin de permettre à la Native Women's Association of Canada ainsi qu'aux organisations des femmes métisses, de poursuivre les travaux relatifs à l'égalité judiciaire entrepris depuis trois ans et que du financement pluriannuel soit accordé à partir du 1er juillet 1996, tant que les programmes relatifs à la justice applicable aux Autochtones continueront; et
3. Que les critères du financement d'activités communautaires dans les collectivités inuit financées par la Sous-direction de la justice applicable aux Autochtones et d'autres secteurs du ministère de la Justice n'empêchent pas Pauktuutit d'y avoir accès.
Dans le cas des femmes inuit, c'est par le projet de Pauktuutit concernant la justice que les femmes ont pu entreprendre des recherches, étudier les réformes judiciaires proposées et imposées et lutter pour se faire entendre.
Les femmes inuit continueront de se servir de Pauktuutit pour exprimer leurs préoccupations d'une manière qui les rend moins vulnérables que si elles avaient osé s'exprimer dans leurs propres collectivités. Voilà pourquoi nous recevons tant d'appels ici à Ottawa. Les femmes considèrent Pauktuutit comme l'organisation qui peut représenter leurs intérêts sans qu'elles se sentent menacées.
Si vous définissez les critères de financement afin de permettre uniquement à des organismes communautaires ou régionaux d'y avoir accès, les femmes subiront une discrimination encore plus marquée et ne pourront pas s'exprimer. Pour les femmes inuit, Pauktuutit doit demeurer leur porte-parole communautaire.
Nous conclurons nos remarques par une brève description de nos priorités, telles que dégagées par nos membres.
Tout le monde est très conscient de la crise du logement qui existe dans nos collectivités. D'ailleurs, votre comité permanent a publié il y a quelques années un rapport qui contenait un certain nombre de recommandations détaillées sur le logement dans nos collectivités autochtones du Canada. La situation n'a pas changé. Elle se détériore, à cause des nouvelles réductions du financement accordé au logement social dans nos collectivités. Nous avons présenté récemment un rapport à la Société canadienne d'hypothèque et de logement décrivant des répercussions précises de la crise du logement sur les femmes et les enfants inuit qui vivent dans des milieux violents.
Il n'y a vraiment nulle part où aller pour échapper à un conjoint violent. Il y a très peu de refuges pour protéger les victimes de la violence familiale et très peu de ressources pour les aider. Les refuges ne sont toutefois qu'une solution de pis-aller qui ne règle pas les causes fondamentales de la violence faite aux femmes et aux enfants.
Nos membres nous ont encore une fois demandé de continuer à défendre ces dossiers. Les problèmes de la violence et du logement ont des conséquences directes sur les femmes et les enfants inuit, parfois des conséquences fatales.
Pauktuutit a le mandat de s'occuper des questions de santé pour tous les Inuit. Ces dernières années, nous nous sommes penchées sur des questions comme l'accouchement par des sages-femmes selon les méthodes traditionnelles et la nécessité pour les femmes de donner naissance à leurs enfants dans leur village, la menace croissance du VIH et du sida, et le taux de suicide le plus élevé au pays.
Nous espérons réaliser, de concert avec Santé Canada, un projet qui visera à donner aux jeunes dans les villages les connaissances et les compétences leur permettant d'intervenir auprès de leurs amis qui risquent de se suicider. De plus, nous avons un projet permanent de lutte contre la toxicomanie et l'alcoolisme, qui nous permet aussi de travailler avec les gens pour régler des problèmes comme le syndrome d'alcoolisme foetal et les effets de l'alcool sur le foetus. Nous sommes en train de mettre la dernière main au premier projet inuit visant à inciter les Inuit à cesser de fumer qui met l'accent sur la prévention.
Un développement communautaire durable qui offre des chances égales aux femmes est l'un des fondements de l'égalité et de la reprise en main de notre avenir. Nous entreprendrons sous peu des projets pilotes dans deux collectivités inuit afin d'aider les femmes inuit qui fabriquent des vêtements à tirer parti des débouchés existant dans ce domaine. Nous devons non seulement nous assurer que la mise en valeur des mines et des ressources naturelles chez nous n'a pas de répercussions négatives sur notre vie mais aussi qu'elle apporte une contribution positive à notre société.
Nous terminerons notre exposé sur cette note et serons ravies de répondre à vos questions. Merci.
Le président: Merci beaucoup pour un exposé bien préparé, très détaillé et instructif. Nous l'apprécions.
Nous avons cinq minutes par membre. Qui veut commencer? Monsieur Bachand.
M. Bachand (Saint-Jean): Je veux saluer les gens du Nord. J'y suis allé très souvent. Je suis allé très souvent à Iqaluit et à Kuujjuaq, et je pense que l'une des plus dures batailles que vous devez livrer est contre le prix des aliments.
Vous devrez être indulgentes avec moi parce que ma langue maternelle est le français. J'essaierai de faire de mon mieux. J'ai mon interprète personnelle à mes côtés, alors si je fais des erreurs, elle me corrigera immédiatement.
Je veux souligner également que j'ai accepté que la séance d'aujourd'hui se déroule en inuktitut et en anglais, même si les deux langues officielles du Canada sont le français et l'inuktitut.
Des voix: Oh, oh.
M. Bachand: Je pense que c'est un signal. Même si je suis souverainiste, c'est un signal de mon ouverture d'esprit. Je voulais seulement vous le souligner.
Pouvez-vous m'expliquer la différence entre ITC et vous? Il se passe quelque chose que j'aimerais comprendre. Je sais que c'est la même chose pour les femmes autochtones et qu'elles sont un élément de ce qui se passe chez les Premières Nations.
Nous avons entendu hier ou avant-hier les femmes métisses du Canada. Même s'il y a une organisation métisse au Canada, je sais qu'il y a aussi ITC au Canada. Mme Kuptana, une femme, dirige ITC.
Pouvez-vous m'expliquer pourquoi il doit y avoir un groupe féminin à côté d'ITC - où avancez-vous main dans la main ou est-ce une bataille contre ITC? Je ne sais pas. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre.
L'autre question porte sur l'égalité de la représentation. J'ai du mal à l'accepter. Même si j'ai oeuvré dans un syndicat durant vingt ans et que nous nous sommes interrogés sur la participation des femmes dans le syndicalisme, nous avons toujours eu tendance à favoriser l'ascension des femmes aux échelons supérieurs - parmi les dirigeants - des syndicats mais nous ne nous sommes jamais astreints à assurer une représentation égale. J'ai du mal à l'accepter, même si je respecte votre intention.
J'ajoute que cela pourrait fonctionner très bien. Il faudrait des femmes à tous les échelons de la vie politique et elles devraient être plus nombreuses que les hommes. Je pense que tout serait beaucoup plus facile et irait beaucoup mieux. Mais n'est-ce pas une concurrence contre la compétence?
Je sais que je vous dis peut-être des clichés, mais c'est ainsi que les gens pensent de nos jours, je crois. Je pense que si les femmes représentent 52 p. 100 de la population du Nunavut, cette réalité devrait se refléter dans le gouvernement du Nunavut. Pourquoi vous obliger à assurer une représentation précise ou une représentation égale? C'est ma question pour l'instant.
Le président: Avant que vous répondiez, j'aimerais vous dire que son intention est bonne. Nous connaissons très bien ce monsieur. Il ne laisse pas entendre que votre nombre est déraisonnable; ce n'est pas ce qu'il dit.
Mme Flaherty: Tout ce que je peux répondre c'est, bon sang, que vous êtes en retard.
[Le témoin poursuit dans sa langue autochtone.]
Le président: Dans le jeu politique qui se joue à Ottawa, lorsqu'il n'y a pas assez de temps pour répondre à une question, on revient à la charge dans la réponse à la question suivante.
Mme Greig: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Nous passons maintenant à M. Duncan.
Mme Flaherty: Et l'autre question?
Le président: Nous passons au prochain membre, M. Duncan.
M. Duncan (North Island - Powell River): Je ne sais pas trop par où commencer parce que vous avez abordé tant de sujets.
À propos des femmes à l'assemblée législative, le tableau dans votre document indique que le taux de participation féminine le plus élevé au Canada est atteint en Colombie-Britannique. Je dirais que l'opinion publique en Colombie-Britannique est probablement parmi les plus opposées à ce qu'on légifère sur cette question; la population préfère plutôt que cela se fasse par l'entremise du choix exprimé par les électeurs. Je dois supposer que les femmes du Nunavut ou des Territoires du Nord-Ouest votent pour les hommes. Ils doit y avoir d'autres raisons fondamentales.
Je voulais parler ensuite de la crise du logement. Vous avez un lien très important avec la SCHL. J'ai lu le rapport annuel de la SCHL et j'ai jeté un bon coup d'oeil sur le vôtre. Cela ne me permet pas vraiment de comprendre comment régler ce problème, parce que je ne pense pas que l'orientation actuelle réglera votre problème. Je me demande si on peut envisager le problème dans une nouvelle optique, s'il y a un moyen de dénouer l'impasse autrement qu'en demandant davantage, pour se buter à une compression des dépenses publiques.
Le président: Je vais vous demander de répondre en trois minutes environ, mais vous pourrez vous reprendre à la fin. Vous aurez amplement de temps à la fin.
Mme Mary Nashook (secrétaire-trésorière, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Très brièvement.
Mme Greig: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Monsieur Bertrand.
M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): J'aimerais souhaiter à nouveau la bienvenue à Martha et à son groupe. Je me souviens de vous l'an dernier. J'ajoute que je partage tout à fait son désir de maintenir le Canada uni.
Je suis d'accord avec les circonscriptions binominales pour toutes les raisons que vous avez données, mais je pense qu'il y en a une autre, tout aussi importante. C'est tout simplement l'immensité du nouveau territoire. Parce que ma circonscription est extrêmement grande, je sais que si un autre député pouvait aller dans diverses régions de ma circonscription, les électeurs seraient beaucoup mieux servis.
J'ai une brève question. Voudriez-vous aussi une représentation égale chez les ministres ou le souhaitez-vous seulement pour les députés?
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Clara, qui est aussi commissaire peut mieux répondre que moi.
Le président: Approchez-vous, je vous en prie.
Mme Clara O'Gorman (administratrice, Pauktuutit (Association des femmes inuit du Canada)): À l'heure actuelle, la commission étudie cette proposition et n'a pas encore pris de décision. Nous voulons d'abord entendre la population, pour savoir si c'est ce qu'elle veut. Nous entendons plus de commentaires positifs que négatifs pour le moment, mais nous ne sommes pas allés plus loin que 24 députés répartis également entre les hommes et les femmes. Nous en sommes là. Nous n'avons pas poussé la recherche plus loin, parce que nous voulons entendre la population.
M. Bertrand: C'était essentiellement ma deuxième question au sujet de la Commission d'établissement du Nunavut. Jusqu'à quel point ont-ils étudié cette question des circonscriptions binominales? En discutent-ils? En parlent-ils parce que vous avez soulevé la question?
Mme O'Gorman: Ils en parlent. C'est à l'étude actuellement. Nous avons envoyé une brochure dans tous les villages et nous commençons à recevoir les réactions actuellement. La plupart sont positives.
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Merci. Monsieur Murphy.
M. Murphy (Annapolis Valley - Hants): Merci pour cet exposé très bien structuré. Je pense que les sujets que vous avez abordés sont très clairs. C'est peut-être l'un des exposés les plus clairs que nous ayons entendus.
En ce qui concerne l'égalité de la représentation, je suis d'accord. Je comprends clairement votre point de vue. J'ai entendu des discussions sur cette question par le passé, et l'une des façons de procéder consiste à assurer l'égalité de la représentation pendant un certain temps, puis à laisser le champ libre à la compétence. C'est une autre façon d'envisager le problème. Cela satisfait parfois les deux camps. Je le dis en passant.
Vous présentez un certain nombre de problèmes dans votre collectivité. L'autre sujet que je voulais aborder, c'est comment vous vous y attaquez? Par quoi commencez-vous? Certains peuvent dire, par le logement. D'autres, par la violence. D'autres encore, la toxicomanie et l'alcoolisme. C'est sans fin.
Vous avez aussi parlé de développement économique. Je veux vous demander de m'aider à comprendre. Le développement économique s'accompagne inévitablement d'un grand nombre d'effets secondaires comme la fierté dans l'ensemble de la collectivité, en tant qu'individu ou dans les familles, par exemple. Puis, au niveau du développement communautaire, vous pouvez vous attaquer à certains problèmes concrets comme le logement. Je me demande si des liens ont été établis entre les deux et si vous en avez des exemples.
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
M. Murphy: Je comprends l'histoire, mais je vois aussi en face de moi des gens qui ont soif de pouvoir et je me demande comment vous allez obtenir une partie du pouvoir dont vous avez besoin pour faire ce que vous voulez faire. Vous parlez d'égalité de la représentation, mais comment allez-vous l'obtenir?
Le président: Vous pourriez peut-être répondre dans votre conclusion. Je vais vous donner une demi-minute, parce que nous devons passer à M. Finlay. Quand les réponses sont longues, il y a moins de temps pour les questions.
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Quel mal y a-t-il à vouloir l'égalité et la coopération?
Le président: Monsieur Finlay.
M. Finlay (Oxford): Je souhaite la bienvenue au groupe et je comprends toutes vos remarques.
J'ai eu la chance d'aller à Rankin Inlet et à Iqaluit avec le ministre pour entendre les comptes rendus de la Commission d'établissement du Nunavut et d'ITC. J'ai rencontré certaines d'entre vous, mais si je me souviens bien, votre groupe n'était pas représenté directement à la table. L'idée d'une représentation égale des hommes et des femmes dans chaque circonscription a cependant été évoquée et présentée.
Madame la présidente, je pense que vous avez indiqué dans votre déclaration que le ministre n'était pas nécessairement en faveur. Ai-je mal compris? Il me semble que le ministre a adopté une bonne attitude en ce qui concerne la capitale lorsqu'il a déclaré que la population décidera. Il a refusé de trancher. Cette suggestion de la Commission d'établissement du Nunavut est-elle menacée?
Je dois vous avouer que c'est une bonne idée, selon moi. Dans les affaires humaines, nous n'avons pas besoin de nous faire répéter que les postes de pouvoir... que la représentation doit se gagner, avoir été déléguée, qu'il faut lutter pour l'obtenir. Nous ne sommes pas encore parvenus à l'égalité, je ne le crois pas, à bien des endroits dans le monde. Ici, vous avez un tout nouveau pays, en réalité, et je pense que vous devriez l'essayer.
Est-ce menacé ou êtes-vous un peu négatives? Est-ce que j'interprète mal la situation? Il me semble que si c'est ce qui est proposé, le gouvernement l'acceptera.
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Merci.
Je pense qu'il conviendrait de laisser chaque membre faire un commentaire d'une minute à cause de tout ce qui a été dit.
Mais auparavant, j'en ferai un moi-même. Je serai d'accord avec tout ce que la collectivité inuit décidera. C'est ma position.
Je vous mets en garde contre les dangers de l'égalité de la représentation. Trouvez un moyen de briser l'égalité, parce qu'il y aura des questions pour lesquelles les hommes se rangeront d'un côté et les femmes de l'autre. Vous trouverez probablement une solution, mais je sais que le Sénat est parfois très près de l'égalité et qu'il est très difficile de régler les problèmes. Je fais seulement la remarque, mais j'appuierai ce que décidera la Commission.
Monsieur Bachand.
M. Bachand: Je vous ai entendu au sujet de la reconstruction du Canada et je respecte votre opinion. Même si je suis souverainiste, je sais que les gens penchent davantage vers le Canada et sa reconstruction que son démantèlement, comme vous avez dit.
J'aimerais entendre votre opinion sur le fait que vos représentants n'ont pas été invités à la prochaine réunion des premiers ministres, à la conférence constitutionnelle qui aura lieu le 20 et le21 juin. On dirait qu'ils veulent rebâtir le Canada, mais sans votre participation. J'aimerais entendre votre opinion à ce sujet.
Le président: Vous pouvez répondre dans votre conclusion.
Voulez-vous intervenir, monsieur Duncan?
M. Duncan: Non, je pense que mes commentaires feraient largement écho aux vôtres, monsieur le président. Je comprends la création du Nunavut et le fait que tout le monde souhaite que la Commission d'établissement du Nunavut et la population du Nunavut montrent la voie plutôt que le gouvernement fédéral domine la prise des décisions.
Le président: Quelqu'un d'autre de ce côté, pour une minute?
M. Finlay: Pour faire écho aux propos de M. Duncan. Je pense que la création, l'idée du Nunavut est très emballante et très importante non seulement pour l'avenir de notre pays mais probablement aussi pour toute la région de l'Arctique.
Le président: Avant de vous céder la parole pour le mot de la fin, je tiens à vous remercier une fois de plus. Vous nous avez démontré que notre décision d'inviter des groupes comme le vôtre était sage, parce que nous avons beaucoup appris et que vous avez piqué notre curiosité pour que nous voulions en savoir davantage. Le dialogue a commencé. Je veux vous remercier beaucoup pour votre contribution. Je vous cède maintenant la parole pour trois ou quatre minutes.
Mme Flaherty: Je veux parler toute la journée.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Si vous prenez plus de cinq minutes, vous vous retrouverez peut-être devant une table vide.
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Mme Greig: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Dieu merci, il y avait des Inuit et des Indiens. Il occupe ce poste. Il est à peu près temps qu'il apprenne à écouter et à faire équipe avec nous.
De plus, en ce qui concerne l'égalité, ne me citez pas là-dessus, mais c'est une espèce de blague. Nous sommes fatiguées d'être laissées pour compte, comme si nous n'avions pas de bouche pour parler. Nous sommes très capables. Parce que nous sommes des femmes, nous mettons des hommes au monde et nous avons aussi besoin d'eux pour nous reproduire. Je pense que c'est très logique de travailler main dans la main afin que les femmes ne soient plus laissées pour compte.
Le président: Vous vous adressez aux membres du comité. Je pense pouvoir parler au nom de chacun d'eux en affirmant que nous sommes devenus députés parce que nous n'aimions pas la façon dont les choses fonctionnent. Nous vous incitons donc à vous exprimer. Vous vous adressez à des gens qui font une différence. C'est notre vocation. Nous ne sommes pas à Ottawa parce que tout marche comme sur des roulettes. Le jour où tout marchera sur des roulettes au Canada, je pourrai me reposer. C'est tout. Je vous encourage à vous exprimer clairement et nous vous appuierons.
Monsieur Duncan.
M. Duncan: Je voulais seulement faire ressortir que tous les membres du comité sont des hommes. Quelle ironie du sort!
Mme Flaherty: Impossible de gagner. Nous allons prendre tout ce que nous pouvons.
Mme Nashook: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Nous devons mettre fin à la séance, parce que nous avons tous d'autres engagements.
Mme Flaherty: [Le témoin s'exprime dans sa langue autochtone.]
Le président: Merci beaucoup.
La séance est levée.