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RÉSUMÉ DES TÉMOIGNAGES

A. Rôle et qualité des produits pharmaceutiques pour la santé

Une panoplie de groupes du secteur de la santé et d'organisations de défense du consommateur ont souligné au Comité le rôle des médicaments et leur importance pour la qualité générale de notre système de santé. De nombreux témoins étaient d'avis qu'il importait de situer les médicaments dans ce contexte global pour insister sur le lien entre les médicaments et la qualité générale du système de santé. Le système canadien de santé est assimilé à une certaine identité et à certaines valeurs collectives. On a fait valoir qu'il a toujours suscité des appuis considérables parmi les Canadiens. Ces dernières années, toutefois, il a pris encore plus d'importance et est devenu un symbole, un trait caractéristique national.

En même temps, de nombreux témoins ont signalé au Comité leurs préoccupations quant à l'avenir du système de santé. Ils sont d'avis que les soins de santé au Canada ne sont plus aussi bons en raison des compressions dans le financement du secteur, des longues périodes d'attente qu'il faut tolérer pour consulter un médecin ou subir une intervention et du coût toujours grandissant des médicaments d'ordonnance et en vente libre. De nombreux témoins sont soucieux de la viabilité future du système et sont conscients du fait que l'accroissement des coûts, notamment pour les médicaments et les nouvelles technologies, peut miner la fierté qu'inspire le système.

C'est dans une telle perspective que le Comité a entendu de nombreux témoins faire valoir que la réforme pharmaceutique devrait reposer sur les valeurs mêmes qui sous-tendent notre système de santé. Équité, accessibilité, efficacité, transparence et responsabilité collective devraient constituer une assise solide et stable pour l'avenir de la politique pharmaceutique. Aux yeux de bien des témoins, le débat se résume comme suit : il faut trouver le juste équilibre entre le droit de l'industrie pharmaceutique de recouvrer ses coûts de recherche-développement et d'obtenir un rendement raisonnable sur ses investissements, et la nécessité pour la société dans son ensemble de pouvoir compter sur des médicaments accessibles et abordables tout en contenant le coût des soins de santé.

Pour élaborer une stratégie nationale (en consultant les gouvernements provinciaux), le gouvernement fédéral doit chercher à savoir comment concilier l'intérêt public et l'intérêt privé des sociétés commerciales. La notion d'intérêt public et le rôle que joue le gouvernement pour défendre l'intérêt public se trouvent au coeur même du régime d'assurance-maladie. Pour que tous les Canadiens aient également accès à des soins de santé de qualité, nos lois et nos politiques gouvernementales doivent s'articuler autour du principe de l'équité. Or, c'est lorsque notre santé même est en péril qu'intervient d'abord et avant tout la notion d'intérêt public.
Fédération nationale des syndicats d'infirmières et d'infirmiers

Le Comité a été informé que le système canadien de santé subit une transformation radicale et que la politique pharmaceutique doit concorder avec les objectifs positifs de la réforme de la santé. La politique adoptée à l'égard des médicaments est donc importante. Au moment où nous tentons de passer des soins en établissement aux soins communautaires, les médicaments d'ordonnance représenteront une ressource indispensable pour permettre aux malades de bénéficier d'une bonne qualité de vie à l'extérieur des établissements de soins de courte durée. Cet objectif ne peut toutefois être atteint que si les médicaments d'ordonnance sont accessibles, abordables et bien utilisés. La plupart des témoins se sont dits préoccupés de leur coût élevé.

Si les Canadiens ont pour priorité de maintenir notre système de santé, il est nécessaire de contrôler les prix des médicaments. En ce moment, ce sont les seuls coûts qui ne sont pas contrôlés... Pour montrer la part que représentent les médicaments brevetés dans l'ensemble des soins de santé, il suffit de dire que bien qu'ils comptent pour 62 p. 100 des ordonnances totales, ils représentent 86,7 p. 100 du coût total des médicaments au Canada (1995) [...] «Plus de la moitié de l'augmentation du coût des ordonnances est imputable au lancement de médicaments nouveaux, particulièrement les nouveaux médicaments brevetés (depuis 1987). Le prix des ordonnances liées à un nouveau médicament breveté augmente de 13,4 p. 100 par année depuis 1988, par rapport à 7,6 p. 100 en ce qui concerne le prix des médicaments d'ordonnance non brevetés.
Coalition canadienne de la santé

Le prix élevé des médicaments (particulièrement les médicaments nouveaux) est de plus en plus un problème pour les citoyens canadiens. Les soins hospitaliers et traitements classiques cèdent la place à de coûteuses pharmacothérapies dispensées au sein même de la collectivité. Les dépenses que celles-ci occasionnent font obstacle aux soins et constituent un fardeau pour les familles canadiennes. Les responsables des régimes provinciaux aussi bien que des programmes d'avantages sociaux dans le secteur privé ont vu augmenter sensiblement les dépenses qu'ils consacrent aux médicaments, et nombre d'entre eux ont réduit leur couverture à cet égard. Or, souvent, un grand nombre des chômeurs et des travailleurs temporaires et à contrat, que l'on trouve en nombres croissants dans l'économie d'aujourd'hui, n'ont pas les moyens de cotiser à un régime privé d'assurance-médicaments.
Association des consommateurs du Canada

Par ailleurs, le Comité a entendu des arguments selon lesquels les médicaments brevetés ont été qualifiés à tort de premiers responsables de l'augmentation des coûts des soins de santé :

Certains intéressés ont présenté l'accès général rapide aux médicaments brevetés comme un moyen simple de réduire les coûts des soins de santé. Bien que cela puisse sembler attrayant, ce n'est pas une solution aux défis auxquels fait face le système de santé au Canada.
Au Canada, les dépenses nationales totales au titre des soins de santé sont passées de 12,2 milliards de dollars en 1975 à plus de 72 milliards de dollars en 1994, dernière année pour laquelle des données sont disponibles. Cependant, les médicaments brevetés n'ont représenté que 2,5 p. 100 des dépenses totales, tandis que les médicaments de prescription non brevetés, y compris les produits génériques, ont représenté 3,7 p. 100 de ces dépenses. Par conséquent, dans l'ensemble, les médicaments de prescription, au prix départ de chez le fabricant, ne représentent que 6,2 p. 100 du total des dépenses de santé.
En raison des économies qu'elle permet de réaliser, l'utilisation des médicaments augmente au fur et à mesure que les fournisseurs de soins de santé cherchent à diminuer le recours à d'autres formes d'intervention plus coûteuses. En s'en remettant de plus en plus à l'évaluation pharmaco-économique des médicaments, les gouvernements provinciaux ont reconnu que les coûts des nouveaux médicaments peuvent être plus que compensés par des réductions ailleurs dans le système de santé.
Association canadienne de l'industrie du médicament

Il faut établir une distinction claire entre le prix et le coût des médicaments. Le prix des médicaments est le coût du produit pharmaceutique fourni par le fabricant et comprend la marge bénéficiaire du fabricant. Depuis 1987, l'augmentation moyenne du prix des médicaments brevetés a été inférieure au taux d'inflation. En 1995, le prix moyen des médicaments brevetés a diminué de 1,75 p. 100 tandis que l'indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 2,14 p. 100. La plupart des prix des médicaments sont stables ou, en fait, diminuent. [...] Il est très important de noter que la principale augmentation des coûts des médicaments à s'être produite au cours des dernières années n'est pas attribuable aux prix des médicaments, qui ont en fait baissé, mais surtout à l'utilisation accrue des médicaments. S'il est réellement nécessaire de réduire les coûts des médicaments, ce qui est loin d'être évident, ce ne sera certainement pas en réduisant les prix des médicaments qu'on y parviendra, et le seul moyen pratique d'atteindre ce but serait d'en réduire l'utilisation.
L'Institut Fraser

Plusieurs témoins ont aussi souligné au Comité que l'industrie pharmaceutique et ses produits sont uniques, que les médicaments ne devraient pas être considérés comme un bien de consommation parmi tant d'autres. Nombre de témoins ont affirmé que le fait de considérer les médicaments comme un simple produit est incongru et irrationnel, compte tenu du continuum des soins de santé. Pour nombre d'entre eux, les médicaments font partie des soins «médicalement nécessaires» au même titre que les services des médecins et les services hospitaliers.

Il est évident que les médicaments représentent aussi des biens marchands. Tout de même, à l'instar de tant d'autres composantes intégrales des soins de santé, ce ne sont pas seulement des biens marchands. La vie et la santé d'êtres humains dépendent de l'accessibilité de traitements médicamenteux. Un accès inégal aux médicaments représente une injustice et cause inutilement de la souffrance et de la douleur, sinon la mort elle-même. Fournir un médicament devrait donc être considéré comme un service public et, dans bien des cas, comme un service médicalement nécessaire. Il est inacceptable que de nombreux Canadiens n'aient pas accès aux médicaments dont ils ont besoin ou que leur accès aux médicaments soit limité pour des raisons financières. Dans l'état actuel des choses, le marché laisse pour compte bon nombre de gens, problème qui prend de l'ampleur compte tenu de l'évolution rapide de la prestation des soins de santé. Avec la chirurgie d'un jour, la réduction marquée de la durée de l'hospitalisation et la fermeture de lits d'hôpitaux, les médicaments qui étaient auparavant donnés en milieu hospitalier sont maintenant la responsabilité du malade lui-même. En même temps, le coût des ordonnances est à la hausse, au même moment où les gouvernements provinciaux réduisent la portée de l'assurance-médicaments.
Fédération nationale des syndicats d'infirmières et
d'infirmiers

Les médicaments font partie intégrante de notre système de santé. Ils font intervenir l'«intérêt public» dans le sens où ils profitent à tous les membres de notre société. Ils servent à améliorer la santé et la productivité de notre main-d'oeuvre, qu'elle soit rémunérée ou non, aussi bien que notre qualité de vie. Les contribuables, - les particuliers aussi bien que les entreprises, - et les gouvernements tirent parti d'une productivité accrue et, dans la mesure où les médicaments sont utilisés efficacement pour dispenser des soins de santé, de la réduction des taxes et impôts et des coûts des soins de santé.
Association des consommateurs du Canada

En outre, on a rappelé au Comité le fait que l'industrie pharmaceutique n'est pas comme les autres, car le choix d'un traitement médicamenteux relève souvent d'un professionnel de la santé, et non pas du consommateur, et que lorsqu'un médicament se révèle nécessaire, l'achat peut rarement être reporté. Pour cette raison, l'évolution du prix des médicaments peut intervenir très peu dans la demande des consommateurs. En outre, si les considérations financières empêchent un consommateur d'obtenir un médicament, cela peut empêcher que les bons soins médicaux soient dispensés. Comme un grand nombre de médicaments nouveaux ont remplacé les services médicaux assurés dans le cadre du régime d'assurance-maladie du Canada, a-t-on souligné, nombre des traitements comportant un aspect pharmaceutique posent des difficultés financières aux consommateurs. Plusieurs témoins ont fait valoir au Comité que ce fardeau financier se traduit par un accès inéquitable aux soins médicaux, qui va à l'encontre de l'une des valeurs les plus importantes auxquelles nous souscrivons dans le secteur de la santé. Plusieurs ont aussi affirmé que les Canadiens devraient tous avoir également droit à la santé et au bien-être, aussi bien qu'à des services de santé qui répondent à leurs besoins. Le système doit être équitable et renforcer notre sentiment que les chances sont égales pour tous.

Un accès inégal aux médicaments représente une injustice et cause inutilement de la souffrance et de la douleur, sinon la mort elle-même. Fournir un médicament devrait donc être considéré comme un service public et, dans bien des cas, comme un service médicalement nécessaire. Il est inacceptable que de nombreux Canadiens n'aient pas accès aux médicaments dont ils ont besoin ou que leur accès aux médicaments soit limité pour des raisons financières. Dans l'état actuel des choses, le marché laisse pour compte bon nombre de gens, problème qui prend de l'ampleur compte tenu de l'évolution rapide de la prestation des soins de santé. . . Nous, les membres du personnel infirmier, nous affirmons qu'il faut insister plus sur les besoins de nos patients et moins sur le fonctionnement d'un marché mondial.
Manitoba Nurses' Union

Selon l'Association pharmaceutique canadienne, environ 44 p. 100 des Canadiens et des Canadiennes bénéficient d'un régime public d'assurance-médicaments, alors que 44 p. 100 bénéficient d'un régime privé ou y souscrivent [. . .] et que 12 p. 100 n'ont pas d'assurance-médicaments et doivent payer eux-mêmes tous leurs médicaments de prescription. [. . .] En 1995, selon les résultats d'un sondage CROP (CROP-Conseil, 1995), 75 p. 100 des Canadiens et des Canadiennes dont le revenu annuel dépassait 60 000 $ avaient une assurance-médicaments privée. Ce pourcentage baissait à 68 p. 100 chez les personnes qui touchaient entre 40 000 $ et 60 000 $ par an, à 42 p. 100 chez celles qui avaient un revenu annuel entre 20 000 $ et 40 000 $, et à 7 p. 100 chez celles dont le revenu annuel était de moins de 20 000 $. C'est une des raisons pour lesquelles les dépenses pharmaceutiques directes par habitant sont en moyenne plus faibles dans les ménages à revenu élevé que dans ceux à revenu inférieur. L'écart est encore plus grand lorsque ces dépenses directes sont exprimées en pourcentage du revenu (Lexchin, 1996).
Forum national sur la santé

Pour réaliser l'objectif d'équité auquel il devrait aspirer, le gouvernement fédéral doit tenir compte des faits suivants :
Association pharmaceutique canadienne

De nombreux témoins ont également souligné au Comité que les gouvernements provinciaux et autres responsables des prestations pharmaceutiques ont décidé, devant l'escalade du coût des médicaments, de faire assumer une part des coûts au malade lui-même sous forme d'un partage des frais. Le Comité a appris que tous les régimes provinciaux d'assurance-médicaments au Canada appliquent maintenant une forme quelconque de partage des frais. Selon certains témoins, le partage des frais est préconisé par ceux qui croient que le fait d'augmenter le coût que le patient assume lui-même l'incitera à s'interroger sur la nécessité du médicament, ce qui permettra de réduire la consommation des médicaments dont l'efficacité est marginale. Toutefois, comme le Comité a pu l'entendre, ce raisonnement repose pour une très grande part sur une hypothèse erronée : les consommateurs seraient assez bien renseignés et auraient le discernement nécessaire pour peser le pour et le contre de divers traitements médicamenteux. En outre, même si les consommateurs possédaient les connaissances médicales nécessaires pour déterminer quels achats seraient «rentables», les mécanismes de partage des frais sont rarement conçus d'une manière qui améliore l'efficience. En fin de compte, ce sont les Canadiens eux-mêmes qui, de plus en plus, sont appelés à supporter le coût élevé des médicaments, ce qui occasionne souvent de graves difficultés financières.

Pour les pauvres et les personnes âgées, l'escalade du prix des médicaments cause des difficultés encore plus grandes : la plupart d'entre eux n'ont pas le bonheur de cotiser à une assurance-maladie complémentaire. . . En Saskatchewan, le régime provincial d'assurance-médicaments ne protège les pauvres qu'en partie. Les aînés de la Saskatchewan, même s'ils sont admissibles au supplément de revenu garanti, doivent tout de même assumer une franchise de 200 $ pour les médicaments, tous les six mois. Les jeunes vivant sous le seuil de la pauvreté doivent aussi payer une franchise. Par exemple, un parent seul ayant un enfant et vivant sous le seuil de la pauvreté serait contraint de payer une franchise de 260 $ tous les six mois. C'est beaucoup d'argent pour quelqu'un qui vit sous le seuil de la pauvreté.
Moose Jaw-Thunder Creek District Health Board

La croissance anarchique du coût des médicaments alourdit de plus en plus le fardeau financier des familles et des particuliers au sein des collectivités que servent les centres de santé communautaire. Par exemple, une famille ayant un faible revenu ne devrait pas être contrainte de choisir entre l'achat d'un médicament et l'achat d'aliments. De même, une personne âgée ayant un revenu très limité ne devrait pas être forcée de choisir de payer ses médicaments ou encore de payer son loyer à temps.
Le projet de loi C-91, qui fait que les médicaments ne seraient pas abordables et accessibles,
Centres de santé communautaire d'Ottawa-Carleton

Près de 70 000 membres de la SCFP ne comptent aucune assurance-médicaments ou encore bénéficient d'une couverture partielle. Où trouvent-ils l'argent pour acheter leurs médicaments d'ordonnance? Ils les paient de leur poche et doivent choisir soit de ne pas acheter les médicaments du tout, soit de renoncer à autre chose pour pouvoir se les payer. Cela peut sembler être un choix simple, mais ce n'est pas le cas : il faut songer au fait que ce à quoi ils renoncent contribue à l'état global de la santé.
À la table de négociation, nous nous trouvons devant des employeurs qui sont de moins en moins prêts à assumer les coûts élevés de l'assurance-médicaments. Ils transfèrent ces coûts à nos membres en exigeant des concessions qui font que les gens finissent par en payer plus pour leurs prestations sanitaires, notamment pour les médicaments. Les négociateurs proposent souvent des franchises plus élevées pour ce qui touche les régimes d'assurance-médicaments. Ces coûts alourdissent le fardeau du travailleur qui peine à joindre les deux bouts à notre époque où l'insécurité d'emploi et les gels de salaire sont à l'ordre du jour. Ces coûts font obstacle à l'amélioration des déterminants sociaux et économiques de la santé de millions de Canadiens.
Syndicat canadien de la fonction publique

Partout au Canada, les gouvernements continuent à restreindre l'accès aux médicaments nouveaux en les omettant des formulaires provinciaux ou en reportant leur inscription. De même, ils obligent les aînés à assumer une plus grande part des coûts s'ils veulent accéder aux médicaments nouveaux et déjà établis. Nous croyons qu'il s'agit là de politiques à courte vue, car les médicaments représentent souvent l'intervention médicale la plus «rentable». C'est un choix qui peut aider les aînés à conserver leur autonomie, à réduire ou à éliminer les hospitalisations et à améliorer et prolonger la vie.
Association canadienne des individus retraités

Le prix élevé des médicaments affecte les pauvres de deux façons. Les pauvres qui travaillent ont le plus souvent un «mauvais boulot» mal rémunéré sans avantages sociaux, comme un régime d'assurance-médicaments. Pour la plupart, ils paient eux-mêmes leurs médicaments. Les effets de cela sur les pauvres qui ne travaillent pas sont indirects. Parfois, ils reçoivent une aide financière des régimes provinciaux d'assurance-médicaments pour s'acheter des médicaments. Toutefois, à mesure que le prix des médicaments augmente, les provinces sont de plus en plus nombreuses à réduire sensiblement le nombre de médicaments couverts et à appliquer (sinon à augmenter) les frais d'ordonnance et les franchises pour les assistés sociaux. Les pauvres n'ont rien vu des avantages que les brevets sont censés apporter à tous les Canadiens. L'enjeu principal du projet de loi C-91, c'est l'accès à des soins de santé adéquats pour tous les Canadiens, et non seulement ceux qui en ont les moyens. Le prix élevé des médicaments met en péril la santé des Canadiens ayant un faible revenu. Le juste équilibre n'est pas atteint. Le projet de loi C-91 mène à la transgression de l'un des principes fondamentaux des soins de santé : l'accessibilité.
Organisation nationale anti-pauvreté

Même les faibles augmentations du prix des médicaments ont un impact significatif sur les personnes âgées dont les revenus sont limités, surtout celles ayant un faible revenu. Chaque dollar qu'elles consacrent à un achat sert à répondre à une exigence fondamentale. Par conséquent, elles sont obligées de renoncer à une autre nécessité, étant donné leurs ressources financières limitées, et de se priver de quelque chose de fondamental.
Manitoba Society of Seniors, Inc.

Pour les gens qui ont un faible revenu, le prix est ce qui motive avant tout la décision de faire exécuter ou de ne pas faire exécuter l'ordonnance d'un médecin. Lorsque les gens n'ont pas les moyens d'acheter les médicaments qu'il leur faut, ils sont contraints de faire des choix extrêmement difficiles :
Un autre thème récurrent concerne l'inaccessibilité des régimes d'assurance-médicaments pour les travailleurs des strates intermédiaire et inférieure de la société canadienne. Selon la documentation préparée par Industrie Canada et Santé Canada pour l'examen, 12 p. 100 de la population n'a pas d'assurance-médicaments. Selon d'autres sources, cette proportion est en fait plus élevée. En outre, les gens ayant un revenu important peuvent se payer des régimes privés d'assurance-médicaments, alors que les gens des couches inférieures ont accès au régime provincial d'assurance-médicaments. Les employeurs d'envergure offrent parfois un régime d'assurance-médicaments parmi les avantages sociaux dont bénéficient les employés à temps plein. Toutefois, les gens qui travaillent à temps partiel, les gens qui travaillent pour des entreprises de petite taille et les gens qui font des «petits boulots» n'ont habituellement pas accès à un régime d'assurance-médicaments.
Coalition de la santé d'Ottawa-Carleton

B. Procédés et pratiques en matière d'ordonnances

Plusieurs témoins ont fait valoir que même si le projet de loi C-91 ne traite pas de la promotion, de la prescription et de la consommation de médicaments, tout examen exhaustif des questions pharmaceutiques exigerait tout de même que ces aspects soient étudiés. Le Comité a été informé que les Canadiens font un usage excessif des médicaments et qu'ils les utilisent mal. Sur ce dernier plan, il s'agit par exemple de ne pas respecter la posologie, de prendre son médicament au mauvais moment, de ne pas le prendre pendant toute la durée prescrite, voire de ne pas le prendre du tout, ou encore de le combiner à une autre substance médicamenteuse ou autre. Cela s'explique par le fait que l'ordonnance est inadéquate ou encore par le fait que le malade lui-même n'observe pas la prescription. Parfois, c'est les deux. Dans le dernier cas, la situation peut être attribuable à un manque d'information, à une insouciance ou à l'inattention. Dans le cas des prescriptions inadéquates, il faut s'interroger sur la conduite des cliniciens et des entreprises pharmaceutiques et sur ce qui les incite à agir ainsi.

En tant que soignant de première ligne dans le système de santé, le personnel infirmier observe quotidiennement les résultats de la mauvaise utilisation des médicaments d'ordonnance et des médicaments en vente libre. Nous savons qu'il y a environ 200 000 personnes hospitalisées tous les ans parce qu'elles ont mal utilisé un produit pharmaceutique. Quatre mille personnes âgées meurent tous les ans de la mauvaise utilisation d'un médicament d'ordonnance.
En 1991, le Conseil consultatif national sur le troisième âge a révélé que 40 p. 100 environ des consultations dans les salles d'urgence des hôpitaux et 10 p. 100 de l'ensemble des hospitalisations dans le cas des aînés étaient liées directement à une mauvaise utilisation des médicaments. Par rapport aux jeunes, la fréquence de réactions défavorables de médicaments est trois fois plus élevée chez les aînés.
Les aînés, plus que tout autre groupe de la société, reçoivent des ordonnances. Même s'ils représentent environ 10 p. 100 de la population canadienne, ils consomment entre 20 et 30 p. 100 des médicaments prescrits tous les ans.
Fédération canadienne des syndicats d'infirmières et
d'infirmiers

Ne serait-ce pas merveilleux si les médicaments qu'ils prenaient leur donnaient une vie plus longue, une vie meilleure? En fait, nous nous trouvons devant un problème énorme : l'écart entre ce que nous savons d'un médicament et ce qui est mis en application en réalité. Le problème ne réside pas uniquement dans la surconsommation de médicaments. Il y a la sous-consommation et la mauvaise utilisation, et tout cela compte pour environ 12 p. 100 des hospitalisations. Ce sont des problèmes qui sont créés par les médicaments eux-mêmes, problèmes qui pourraient être évités dans la moitié des cas.
Examinons deux grands problèmes qui se posent. Premièrement, il y a les médicaments que les gens devraient consommer, mais qu'ils ne consomment pas en fait. Les médicaments dont l'efficacité est établie dans le cas des crises cardiaques pour la prévention des crises secondaires. Cela a été établi en 1951. En 1970, on savait que le médicament était viable. Il a fallu dix essais cliniques pour convaincre tout le monde qu'il fonctionnait. En 1980, les lignes directrices établies disaient que tous les gens ayant eu un infarctus du myocarde ou une crise cardiaque devaient s'en servir. En 1990, 21 p. 100 seulement des gens en question prenaient le médicament.
Robyn Tamblyn, Université McGill

Les ordonnances inadéquates sont très largement répandues. C'était un problème beaucoup plus grave que nous le pensions... jusqu'à 50 p. 100 des ordonnances d'antibiotiques ne sont pas adéquates. Nos résultats sont fondés sur des recherches poussées. Cela préoccupe le corps médical au plus haut point. Chez les aînés, par exemple, les femmes reçoivent très souvent une ordonnance inadéquate pour ces médicaments, ce qui finit par coûter beaucoup d'argent à l'économie canadienne, car elles finissent dans un établissement hospitalier, alors que cela aurait pu être évité. Lorsqu'elles tombent, elles se blessent à la hanche, alors que cela aurait aussi pu être évité et ainsi de suite. Par ordonnance inadéquate, il faut entendre les ordonnances prescrivant des médicaments qui ne sont pas nécessaires, mais aussi le fait de ne pas prescrire un médicament quand la personne en a besoin. . .
Robert Coambs, Health Promotion Research

Cela est bien connu, il arrive que les personnes âgées ne prennent pas leurs médicaments comme il faut. Cela compte même pour une proportion plutôt élevée des hospitalisations (et des coûts accrus que cela suppose). Si les médicaments sont mal utilisés, c'est souvent parce que les médecins eux-mêmes les prescrivent sans bien connaître la substance prescrite ou qu'ils n'assurent pas un suivi adéquat auprès du patient. De même, il arrive souvent que les personnes âgées n'ont pas les moyens de se payer l'ordonnance ou encore qu'elles ne prennent pas les médicaments adéquatement. Un organisme de contrôle doit avoir pour fonction attitrée d'examiner, du point de vue de la consommation et des coûts, l'usage que font certains groupes qui consomment beaucoup de médicaments, particulièrement les personnes âgées, et les personnes dont la maladie ou l'invalidité suppose des coûts élevés, par exemple les sidatiques. Il pourrait ainsi proposer des façons de s'assurer que les médicaments sont utilisés de manière judicieuse.
Coalition des personnes âgées du Québec

Premièrement, il importe de sensibiliser les médecins à ce problème. Or, il est possible de le faire de manière que cela «rapporte». Tout de même, étant donné l'ampleur de la mesure qui s'impose, c'est tout un défi à relever. Deuxièmement, les systèmes informatisés de contrôle des ordonnances peuvent être d'une grande utilité pour déceler les problèmes éventuels à cet égard. Toutefois, pour être efficaces, ces systèmes doivent s'accompagner de systèmes de rétroaction qui permettent de sensibiliser les médecins et les pharmaciens aux difficultés que cela pose et à les renseigner sur les solutions possibles. Troisièmement, il est essentiel de sensibiliser le malade lui-même au problème, pour qu'il soit bien conscient de la nécessité de révéler au médecin et au pharmacien tous les médicaments qu'il prend et qu'il sache demander plus de renseignements s'il a des doutes sur une ordonnance particulière.
Robert Coambs, Health Promotion Research

C. Systèmes d'information

Un certain nombre de témoins ont également déclaré au Comité que l'une des premières étapes de l'amélioration de l'accès aux produits pharmaceutiques consiste à donner une meilleure information afin de suivre et d'évaluer la consommation à l'échelle individuelle. Ce genre d'information faciliterait la prise de décisions aux échelles fédérale et provinciale. Un certain nombre de témoins ont également déclaré au Comité qu'une meilleure information était la clé d'une meilleure gestion et que le régime public ne saurait pleinement contrôler les coûts et la consommation si l'on n'établit pas au préalable un réseau d'information sur la santé fondé sur des données démographiques, qui permettrait l'analyse aux échelles régionale et provinciale. Un certain nombre de témoins ont parlé de la nécessité d'établir des systèmes d'évaluation des médicaments qui permettraient d'établir un lien entre les médecins, les pharmaciens, les organismes payeurs du gouvernement et le grand public. On pourrait mettre au point des outils d'information sur la gestion des maladies afin de répondre aux questions susceptibles d'être posées par ceux qui tireraient profit d'une information plus exhaustive que celle qui est actuellement accessible. Les consommateurs pourraient s'informer des effets secondaires d'un médicament en particulier. Pour leur part, les médecins pourraient s'informer sur les contre-indications et la synergie avec d'autres médicaments.

Les patients ne veulent pas tomber malades. Les médecins veulent guérir leurs patients. Alors pourquoi cette information, qui permettrait tant d'améliorer la santé des gens, ne se rend-elle pas jusque dans les cabinets? Et une partie du problème est le suivant : il y a au moins 24 000 médicaments dont la mise en marché est approuvée, sinon plus. Toute personne qui exerce la médecine à notre époque doit savoir qu'il y a 33 00 synergies médicamenteuses différentes, 65 000 contre-indications et environ 3 000 associations de médicaments qui provoquent une allergie et qui devraient être évitées.
Personne n'a les moyens de savoir cela. Le rythme d'augmentation des médicaments est exponentiel. Il est tout simplement impossible pour les gens de se tenir à jour. Si nous ne parvenons pas à combler l'écart entre ce que nous savons et ce que nous appliquons, alors le montant que vous consacrez aux médicaments n'aura pas d'importance puisque vous n'en réalisez pas les avantages pour la population.
Nous savons qu'il est très difficile pour les médecins - de même que pour les pharmaciens - de faire le suivi des médicaments que leurs patients prennent. Nous savons que plus on vieillit, plus on voit de médecins et plus on reçoit d'ordonnances de ces médecins. Il est possible dans chaque province du Canada de mettre cette information à la disposition des médecins qui exercent, puisque ces médecins pourront prendre la meilleure décision pour leurs patients et parvenir à savoir quels médicaments ils consomment.
Nous avons la possibilité de tirer profit de l'accès à cette information, par des moyens électroniques, de donner une orientation aux personnes qui pratiquent afin qu'elles puissent connaître les derniers et les meilleurs médicaments créés. Voici ce que vous devez savoir au sujet du problème, de ce médicament et de ce qu'il faut prescrire ensuite.
Pour tirer avantage de la nouvelle technologie de l'information et de l'accès aux bases de données sur la population, nous aurons le moyen de faire mettre cette information en pratique et, peut-être, de procurer les avantages de la pharmacothérapie à la population, particulièrement aux personnes âgées.
Robyn Tamblyn, Université McGill

La réforme commence par la mise en place de systèmes d'information exhaustifs sur les médicaments, axés sur la population. Il doit s'agir de bases de données exploitées par le secteur public, qui effectuent la saisie de toutes les informations sur les ordonnances, peu importe le payeur, tel qu'il en existe déjà en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. On peut s'en servir pour établir un lien entre les médecins, les pharmaciens, les patients et les organismes payeurs provinciaux, ainsi que pour appuyer l'amélioration de la prise de décisions cliniques.
Forum national sur la santé

Santé Canada doit trouver des façons d'encourager la mise sur pied de programmes d'information destinés aux médecins, aux pharmaciens et aux autres professionnels de la santé, ainsi qu'au grand public, et qui procureraient des informations comparatives sur les utilisations, les coûts, les avantages et les limites des médicaments sur le marché. Cela devrait comprendre l'évaluation de nouveaux médicaments, tant ceux qui sont offerts par des fabricants de médicaments brevetés et qui sont des modifications de médicaments brevetés antérieurs que ceux qui sont offerts par les fabricants de produits génériques.
Coalition des personnes âgées du Québec

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent mettre sur pied un programme exhaustif afin d'évaluer de façon permanente le rapport coût-avantages et l'efficacité des nouveaux médicaments au regard des produits moins chers qui sont mis sur le marché (médicaments génériques ou médicaments innovateurs non brevetés) afin d'offrir des informations grâce auxquelles les médecins et d'autres fournisseurs de soins de santé pourraient, de concert avec les ministères de la santé des provinces et les assureurs, prendre des décisions éclairées sur les ordonnances.
Coalition pour la recherche biomédicale et la santé

Au moment de l'achat d'un médicament d'ordonnance, les consommateurs doivent pouvoir être persuadés qu'un intermédiaire bien au fait de la question pourra agir en leur nom en les informant des risques et avantages associés au médicament. Enfin, les produits médicamenteux sont de plus en plus complexes et sont prescrits pour une gamme sans cesse plus grande d'affections médicales, de sorte que l'information est de plus en plus vitale.
Association des consommateurs du Canada

Des témoins ont expliqué au Comité qu'une meilleure information menait nécessairement à une meilleure prise de décisions, à une prise de décisions qui serait fondée sur des données. On a mentionné que certains centres travaillent activement à évaluer des traitements médicamenteux nouveaux et existants, en fonction des meilleures preuves dont on dispose en matière d'efficacité clinique, et qu'ils se servent de ces évaluations pour établir quels médicaments sont les mieux indiqués et les plus rentables et pour formuler des recommandations quant à leur utilisation optimale. Des données sur l'efficacité clinique de chaque médicament sont compilées en fonction de principes rigoureux. À partir de là, on établit des recommandations quant à l'utilisation pratique du médicament en question par rapport à d'autres traitements accessibles, et l'évaluation des nouveaux médicaments permet précisément de déterminer s'ils représentent un avantage thérapeutique réel par rapport à d'autres traitements semblables.

Le Comité s'est également fait décrire la façon dont le gouvernement de la Colombie-Britannique s'y est pris pour mettre en oeuvre un certain nombre d'initiatives visant à fournir des renseignements scientifiques objectifs au sujet des médicaments :

Premièrement, l'initiative thérapeutique réunit médecins et pharmaciens pour qu'ils évaluent les nouveaux médicaments et que les médecins disposent de renseignements objectifs sur leur efficacité clinique à partir des meilleures données scientifiques disponibles.
Deuxièmement, nous avons mis sur pied une initiative en pharmaco-économie visant à évaluer de façon objective le rapport coût-efficacité de différents traitements médicamenteux.
Troisièmement, nous avons appuyé un projet-pilote, le Programme d'utilisation de médicaments dans la communauté du North Shore, qui offre aux médecins une solution de rechange neutre à la commercialisation faite par l'industrie des médicaments pour améliorer la qualité des ordonnances prescrites.
Joy MacPhail, ministre de la Santé et
ministre responsable des personnes âgées,
Gouvernement de la Colombie-Britannique

D. Financement de la recherche

Divers témoins ont expliqué au Comité que l'une des conséquences imprévues de l'enchâssement dans le projet de loi C-91 d'un engagement de l'industrie pharmaceutique à accroître le financement de la recherche est que l'industrie pharmaceutique est maintenant devenue l'une des principales sources de financement de la recherche biomédicale au Canada. De nombreux témoins ont dit craindre que les priorités et activités de recherche de l'industrie ne soient en définitive orientées par la mise au point de produits rentables et l'établissement de contextes favorables pour la mise en marché.

Voulez-vous que l'argent affecté à la recherche pharmaceutique ne serve qu'à la mise au point de nouveaux médicaments brevetables, ce qui est la grande priorité de l'industrie pharmaceutique, ou voulez-vous également favoriser des questions comme l'amélioration de la conformité du patient aux traitements médicamenteux ou la recherche des raisons pour lesquelles les médecins ont des pratiques inappropriées au chapitre des ordonnances?
Coalition canadienne de la santé

Le Comité a aussi entendu des témoins selon lesquels la portée de la recherche biomédicale et, de façon plus générale, de la recherche en matière de santé, sera restreinte afin d'être axée sur les médicaments et les produits connexes. Des témoins ont allégué que la recherche visant à nous aider à mieux comprendre les déterminants de la santé ou à améliorer la gestion des services de santé est susceptible d'être délaissée.

Dans la situation actuelle, l'industrie pharmaceutique finance grosso modo 30 p. 100 de la recherche sur la santé effectuée dans notre pays, soit plus que ce que dépense le gouvernement fédéral, deux fois plus que ce que dépensent les universités et trois fois plus que ce que dépensent les provinces. Bien sûr, ces dépenses sur la recherche semblent être un très bon effet du projet de loi C-91, mais nous croyons que cela a pour conséquence de détourner le programme de recherche sur la santé et de l'axer, comme il l'est maintenant, bien davantage sur les produits et la création de préparations pharmaceutiques.
Tom Noseworthy, Forum national sur la santé

Des statistiques révèlent que l'industrie pharmaceutique est actuellement le principal bailleur de fonds de la recherche médicale au Canada, et nul doute qu'une grande partie de ce travail est important. Cependant, il faut considérer cette recherche dans un contexte plus général de santé de la population. Qu'en est-il de la recherche visant à améliorer notre compréhension des déterminants de la santé? Qu'en est-il de la recherche visant à élargir notre base de connaissances de la gestion des services de la santé? Avons-nous élaboré une stratégie selon laquelle les sociétés pharmaceutiques dirigent une trop grande proportion de la recherche au Canada? L'industrie financera-t-elle le type de recherche nécessaire pour améliorer le rapport coût-efficacité du système de soins de santé au Canada ou orientera-t-elle la recherche médicale au Canada de manière à satisfaire à ses propres priorités?
Eric Cline, ministre de la Santé, Gouvernement de la Saskatchewan

De plus, comme l'ont déclaré bien des témoins devant le Comité, l'engagement de l'industrie pharmaceutique envers la recherche fondamentale est faible comparativement à son engagement envers la recherche clinique.

Selon nous, l'industrie pharmaceutique innovatrice a satisfait à son engagement d'accroître les dépenses en recherche et en développement dans notre pays. Toutefois, les facultés de pharmacie aimeraient que l'industrie - et le gouvernement - appuient davantage la recherche fondamentale. En ce qui touche le soutien de la recherche fondamentale dans les facultés de pharmacie, l'engagement de l'industrie jusqu'à présent n'est pas satisfaisant aux yeux de la plupart des doyens des facultés de pharmacie.
Association des doyens de pharmacie du Canada

Il ressort clairement que l'augmentation des dépenses internes brutes en R&D de la part des sociétés pharmaceutiques a modifié le régime de subvention de la recherche en matière de santé au Canada : la ventilation des sommes consacrées à la recherche révèle qu'elles sont pour la plus grande part investies en recherche clinique et appliquée. Par contre, la recherche fondamentale demeure sous-financée, avec 22,2 p. 100 des dépenses actuelles en recherche et développement, même si ce type de recherche a toujours mené au recrutement de chercheurs de haut calibre qui établissent les fondations sur lesquelles la nouvelle recherche clinique et appliquée peut reposer. C'était le cas dans le passé, c'est le cas à l'heure actuelle et ce sera le cas dans l'avenir.
René Simard, Université de Montréal

La position favorable qu'occupait le Canada en recherche et en développement par rapport à ses partenaires du G-7 l'est de moins en moins. À l'approche du nouveau millénaire, il est capital de maintenir au Canada un contexte attrayant susceptible d'attirer, de partout dans le monde, des investissements de tous types en recherche et en développement, mais particulièrement dans les secteurs de la recherche biomédicale, clinique et en santé. Le financement des coûts directs de la recherche fondamentale est dans une impasse pour la première fois dans l'histoire du Canada, tandis que nos concurrents du G-7 augmentent leurs investissements dans ce secteur... En général, le bulletin de l'industrie pharmaceutique au chapitre de l'innovation est plutôt respectable.
Coalition pour la recherche biomédicale et en santé

Par ailleurs, la Comité a aussi entendu des témoignages sur l'importance de la recherche clinique actuellement effectuée par l'industrie pharmaceutique.

On reproche très souvent à la recherche clinique d'être peu utile à la communauté médicale au Canada. Cependant, les essais cliniques reposent sur les hypothèses émises par la recherche fondamentale. Si un essai clinique ne s'avère pas concluant, il faut reprendre la recherche fondamentale. Par conséquent, les essais cliniques jouent un rôle central dans le processus d'acquisition de nouvelles connaissances et constituent l'instrument au moyen duquel la technologie passe des laboratoires aux tables de chevet.
Association canadienne de l'industrie du médicament

En outre, le Comité a appris qu'il fallait faire preuve de circonspection dans l'interprétation des comparaisons en matière de recherche et de développement au niveau international étant donné les différences dans les méthodes statistiques et les parti-pris inhérents.

D'autre part, la définition utilisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est plus générale parce que le concept fondamental est l'innovation. Elle ne se limite donc pas aux sciences ou au génie et comprend la recherche en sciences sociales. [. . .] De toute évidence, la norme de l'OCDE est suffisamment vaste pour permettre l'inclusion d'un plus grand nombre de dépenses précises dans la définition de recherche et développement.
Si le Canada fonde son calcul des dépenses au titre de la R-D sur la définition utilisée dans d'autres pays industrialisés, on constate que les entreprises de l'ACIM ont investi 15,3 p. 100 des produits de vente annuels dans la R-D en 1995. Même si cette proposition n'égale pas celle des États-Unis, qui est de 19,4 p. 100, elle est comparable aux pourcentages mondiaux des dépenses de R-D par rapport aux ventes de produits pharmaceutiques, qui sont de 15 p. 100. [. . .] Malgré un certain nombre d'obstacles, le ratio R-D : ventes de l'industrie pharmaceutique novatrice se compare à celui des États-Unis et dépasse la moyenne mondiale. De plus, le pourcentage de recherche fondamentale par rapport à la recherche totale au Canada est comparable à celui des États-Unis.
Association canadienne de l'industrie du médicament

Divers témoins ont aussi exprimé devant le Comité leurs préoccupations au sujet de la faible importance de la recherche fondamentale extra-murale exécutée par des sociétés pharmaceutiques. Bien des témoins ont souligné qu'il est important de veiller à ce que les universités et les instituts de recherche publique soient adéquatement financés. Selon certains, la solide base universitaire du Canada est son meilleur actif pour attirer des investissements dans l'industrie pharmaceutique. Le renforcement de la recherche universitaire et des liens entre les universités et l'industrie améliorerait l'avantage concurrentiel du Canada.

Il y a cependant une bonne nouvelle : au total, le soutien accordé à la recherche fondamentale (intra-murale et extra-murale) a plus que quadruplé en seulement sept ans, passant de 30 millions de dollars en 1988 à plus de 132,2 millions de dollars en 1995. Toutefois, il est décevant de constater que la plus grande part de la recherche fondamentale et du développement s'effectue dans les laboratoires de l'industrie. Cela signifie que même si l'on s'attend à ce que les universités offrent de la formation et forment les chercheurs pour l'industrie, elles n'ont pas tiré d'avantages substantiels de l'investissement en recherche fondamentale de la part de l'industrie.
Nos centres universitaires de sciences de la santé, les hôpitaux d'enseignement affiliés et les instituts de recherche se trouvent au coeur même du système médico-hospitalier du Canada. Ils forment les spécialistes de la santé et donnent des soins de santé de qualité aux Canadiens grâce aux recherches de pointe qu'ils effectuent. Des investissements en recherche et développement dans le domaine pharmaceutique mènent non seulement à de véritables découvertes, mais aussi à la formation d'autres professionnels de la santé, à l'amélioration de la formation et à l'acquisition d'équipements supplémentaires. Ils représentent un avantage supplémentaire de la hausse des activités en recherche et développement, à condition que ces activités aient lieu DANS le système de santé, c'est-à-dire dans nos hôpitaux d'enseignement, nos universités et les instituts de recherche affiliés.
Coalition pour la recherche biomédicale et en santé

Même si les politiques visant à encourager les entreprises privées à accroître leurs activités de recherche et de développement au Canada sont souhaitables, il est aussi important de veiller à ce que les universités et les instituts de recherche publiques, comme le Conseil national de recherches et la Direction générale de la recherche d'Agriculture Canada reçoivent un financement adéquat... Cette perspective d'activités de recherche et de développement confiée à la fonction publique est particulièrement valable dans le domaine de la santé. Il ne faut pas passer sous silence la contribution des universités et des laboratoires de recherche financés par le public puisque c'est dans ces institutions qu'on a fait nombre de nouvelles découvertes.
John Dillon, Coalition canadienne de la santé

Comme nos universités représentent une énorme source de talent inexploité mis à la disposition des secteurs de recherche pharmaceutique et biotechnologique, on devrait permettre à cette «pépinière» de scientifiques de l'avenir d'être plus à même de participer à la recherche et au développement dans le domaine pharmaceutique. Une augmentation substantielle du soutien de la recherche extra-murale effectuée dans les universités, les hôpitaux et les instituts de recherche affiliés s'impose manifestement.
Comme nos universités, nos hôpitaux d'enseignement et les instituts de recherche affiliés sont des éléments fondamentaux de l'infrastructure sanitaire du Canada et qu'ils effectuent près du quart de la recherche et du développement au Canada, il est raisonnable de s'attendre à ce qu'au moins 25 p. 100 de la recherche et du développement fondamental en pharmacie s'effectue dans le secteur universitaire et hospitalier.
Coalition pour la recherche biomédicale et en santé

Il faudrait augmenter les sommes affectées à la recherche et au développement par l'entremise du CRM et du CRSNG. En raison de leur accès limité aux fonds de recherche, ces organismes doivent rejeter une proportion inacceptable des demandes qui leur sont présentées... Il serait bon d'envisager une augmentation substantielle des sommes affectées à la recherche et au développement en recherche fondamentale puisque nous disposons déjà des installations, que cela créerait de l'emploi et que les laboratoires des universités constituent un contexte idéal pour la formation d'une main-d'oeuvre ultraspécialisée, dont profiterait le Canada.
René Simard, Université de Montréal

Une question est préoccupante : la quantité de recherche fondamentale extra-murale effectuée à l'extérieur de l'industrie pharmaceutique dans les universités, les hôpitaux et les laboratoires d'autres entreprises appuyés par le secteur privé. La recherche fondamentale, telle que la définissent le CEPMB et Revenu Canada, est une recherche entreprise sans que l'on ait envisagé d'application pratique immédiate, tandis que la recherche appliquée est axée sur une certaine application pratique.
Coalition pour la recherche biomédicale et en santé

Selon un certain nombre de témoins, la seule façon d'atténuer l'effet d'un appui accru de l'industrie à la recherche est de ne plus confier l'administration et l'attribution des fonds affectés à la recherche à l'industrie, mais à des organismes subventionnaires publics.

Que le programme de recherche biomédicale soit établi par des organismes responsables devant la population. Chaque société devrait remettre une partie des recettes de ses ventes à des organismes subventionnaires publics afin que les fonds soient attribués aux chercheurs canadiens après examen par les pairs et selon les priorités du Canada.
Michael Rachlis

[Q]ue l'industrie pharmaceutique soit tenue de contribuer des sommes supplémentaires qu'elle s'est engagée à investir dans la recherche à l'époque de l'adoption du projet de loi à un fonds pour la recherche sur la santé défini en termes larges, indépendant de l'industrie, administré par les organismes nationaux chargés de subventionner la recherche et attribué selon le processus d'octroi normal, c'est-à-dire après examen par les pairs.
Forum national sur la santé

J'aimerais revenir sur une autre recommandation du Forum national - celle voulant qu'il faille retirer à l'industrie elle-même la responsabilité de l'administration et de l'attribution des fonds de recherche pour la confier plutôt aux organismes subventionnaires publics. J'aimerais également proposer que le Comité se penche sérieusement sur la recommandation visant à obliger l'industrie pharmaceutique à contribuer à un fonds national de recherche sur la santé. Doté de vastes assises, ce fonds devrait fonctionner indépendamment de l'industrie, et son adiministration devrait relever des organismes subventionnaires nationaux de recherche, qui veilleraient à assujettir l'octroi du financement au processus normal d'examen par des pairs, en tenant compte de facteurs d'équité régionale. Le Forum national a laissé entendre à juste titre qu'il s'agissait là d'un aboutissement raisonable, étant donné que les fonds supplémentaires «proviennent de la poche des contribuables canadiens», en raison des privilèges conférés par le projet de loi C-91.
Eric Cline, ministre de la Santé, gouvernement de la Saskatchewan

E. L'industrie pharmaceutique au Canada

Au Canada, les entreprises de produits pharmaceutiques sont représentées, pour la plupart, par l'Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM) et par l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (ACFPP). La première regroupe une soixantaine d'entreprises pharmaceutiques innovatrices tandis que l'ACFPP en regroupe treize autres qui ont réussi au cours des années 80 à percer le marché monopolistique des produits pharmaceutiques détenu jusque là par les fabricants de marque.

«Nos secteurs de fabrication des médicaments d'origine et des médicaments génériques sont vigoureux, et il s'y ajoute un tout jeune secteur biopharmaceutique en plein essor. Or, la politique en matière de brevets a des répercussions importantes sur leurs affaires à tous.»
John Manley, ministre de l'Industrie

Une autre association venue témoigner représente entre autres les intérêts de 67 compagnies de biotechnologie oeuvrant dans les domaines de l'agriculture et de la santé, soit environ le quart des entreprises de biotechnologie dénombrées au Canada. Des entreprises membres de l'ACIB (Association canadienne de l'industrie de la biotechnologie) sont aussi membres de l'ACIM ou de l'ACFPP. En général, la position de l'ACIB est très étroitement liée à celle des représentants des fabricants de marque.

Le Canada a le choix d'être un chef de file ou de se laisser mener par d'autres pays. Nous sommes vraiment persuadés que le renforcement de notre législation des brevets va refléter les priorités du Canada en matière de développement économique et de création d'emplois, des priorités essentielles pour qui veut être un meneur. C'est à nous de décider.
Association canadienne de l'industrie de la
biotechnologie

Les fabricants de médicaments d'origine membres de l'ACIM employaient près de 18 000 Canadiens et Canadiennes en 1995, et plus de 3 000 de ces personnes occupaient des postes de R-D de haute qualité. D'après IMS Canada, ces sociétés ont fourni plus de 60 p. 100 des médicaments délivrés sur ordonnance en 1996. Bien que ce soient là des données impressionnantes, ces sociétés sont loin d'être les seuls intervenants dans le secteur pharmaceutique au Canada.
L'industrie des produits génériques occupe elle aussi une grande place. Elle appartient surtout à des intérêts canadiens et elle a connu une croissance considérable dans le contexte du régime des licences obligatoires. Dans leur domaine, les deux principaux fabricants de médicaments génériques, à savoir Novopharm et Apotex, occupent aussi une place importance sur le marché international. Ils ont créé des emplois pour les Canadiens et aidé le régime des soins de santé en fournissant des médicaments génériques peu coûteux et de haute qualité. Il ne faut pas sous-estimer les avantages que cette industrie procure à la population du pays.
L'industrie des produits génériques demeure en plein essor aujourd'hui, quatre ans après l'adoption du projet de loi C-91. Les sociétés membres de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (ACFPP), qui représente la majorité de ces fabricants de médicaments génériques, employaient 3 630 Canadiens en 1995, c'est-à-dire deux fois plus qu'en 1990. D'après IMS, en 1996, les ventes de médicaments génériques se chiffraient à 973 millions de dollars, ce qui équivaut à une augmentation annuelle supérieure à 25 p.100 depuis 1993. Toujours en 1996, les fabricants de produits génériques fournissaient 40 p.100 des médicaments délivrés sur ordonnance au Canada, de sorte que le taux de pénétration des médicaments génériques dans ce pays comptait alors parmi les plus élevé du monde.
Il existe un autre secteur dans l'industrie pharmaceutique canadienne, à savoir un intervenant clef dont les intérêts étaient moins clairs quand le projet de loi C-91 a été adopté, car ce secteur en était alors à ses tout débuts. Il s'agit du secteur biopharmaceutique. Nous avons des données sur 64 entreprises participant directement à la mise au point de médicaments biopharmaceutiques. Ces PME novatrices appartiennent surtout à des intérêts canadiens, et elles comptent beaucoup sur la protection des brevets. L'an dernier, elles employaient près de 4 000 Canadiens et Canandiennes, dont près de 1 600 dans la R-D, domaine où le secteur a investi 251 millions en 1995.
John Manley, ministre de l'Industrie

L'importance de l'industrie pharmaceutique repose sur son fort contenu scientifique, sa technologie d'avant-garde, ses salaires élevés, les possibilités qu'elle offre d'accroître les exportations, ainsi que son apport à la santé et au bien-être des Canadiens. Le salaire annuel moyen est de 48 000 $ dans l'industrie, soit 30 p. 100 de plus que le salaire moyen dans le secteur de la fabrication. La R-D réalisée par les entreprises pharmaceutiques ou pour leur compte représente environ 10 p. 100 de toute la R-D industrielle au Canada, même si les expéditions et l'emploi dans l'industrie pharmaceutique ne représentent respectivement que 1 p. 100 et 1,2 p. 100 du total pour le secteur de la fabrication. Aux grands investissements dans la R-D interne viennent s'ajouter, à un niveau quelque peu inférieur, les dépenses qui servent à financer les travaux effectués par des chercheurs médicaux dans les universités et les hôpitaux.

Le Conseil de recherches médicales du Canada (CRMC) est l'organisme fédéral de financement d'un réseau de scientifiques voués à la recherche biomédicale et clinique au Canada. Le CRMC encourage et appuie la recherche fondamentale, la recherche appliquée et la recherche clinique en sciences de la santé
En 1995-1996, le CRMC a reçu du gouvernement fédéral un budget de 251 millions de dollars, dont la plus grande partie a servi à verser des subventions à des projets particuliers de recherche et à accorder des bourses pour appuyer les travaux de certains chercheurs. Dans le cadre de ses fonctions, le CRMC a formé des partenariats avec l'industrie, les gouvernements et les organismes sans but lucratif. Ces partenariats facilitent l'investissement dans les programmes de recherche et de formation, au moyen d'un processus d'examen par les pairs. Ainsi, un accord conclu entre le CRMC et l'Association canadienne de l'industrie du médicament engageait cette dernière à une contribution de 200 millions de dollars sur cinq ans. Les fabricants de produits génériques participent aussi à des projets conjoints avec le CRMC. Apotex, par exemple, a versé dans un fonds destiné au Toronto Cell Cycle la somme de 1 million de dollars la première année et de 50 000 dollars par an au cours des quatre années suivantes.
Au sein même de la fonction publique fédérale, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) constitue un partenaire actif de l'industrie en recherche biomédicale des sciences de la santé, y compris en biotechnologie. Les travaux de recherche menés en collaboration sont concentrés dans cinq instituts qui se consacrent chacun à des champs d'études particuliers des sciences médico-physiologiques et de la biotechnologie. De plus, la collaboration aux recherches en sciences de la vie du CNRC est liée aux six Réseaux de centres d'excellence en recherche médicale, ainsi qu'aux facultés de médecine et aux hôpitaux d'enseignement.
Le secteur privé canadien possède des organismes de recherche contractuelle (ORC) qui offrent des ensembles intégrés de tous les services dont les entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques ont besoin pour guider l'acheminement d'un nouveau médicament à travers les processus d'élaboration et de réglementation. Selon les besoins de leurs clients, ces ORC peuvent concevoir et réaliser certaines étapes, ou toutes, du processus d'élaboration et elles facilitent l'exécution des essais cliniques.
Industrie Canada, Direction générale des industries de la santé, L'industrie pharmaceutique, Partie I - Vue d'ensemble et perspective

L'industrie pharmaceutique canadienne se compose de deux éléments principaux : les filiales des entreprises multinationales fabriquant des médicaments de marque, et les entreprises, le plus souvent canadiennes, qui fabriquent des médicaments génériques.

Les deux secteurs tendent à converger, en ce sens que les fabricants de produits génériques s'engagent maintenant dans certaines activités de recherche innovatrice et que les deux groupes d'entreprises s'intéressent au développement du secteur biopharmaceutique. Les producteurs de médicaments brevetés et ceux de médicaments génériques n'en tiennent pas moins des discours divergents relativement aux mesures que l'État devrait prendre.

Les témoignages présentés au Comité dans le cadre de la révision des modifications apportées en 1993 à la Loi sur les brevets ont misé tantôt sur les arguments présentés par les fabricants de produits génériques et tantôt par les fabricants de produits de marque. En général, les ardents défenseurs de la santé soutiennent les positions de l'ACFPP en raison de leur habileté à générer des médicaments plus accessibles à la population parce que moins dispendieux que les médicaments brevetés nouvellement découverts. Par ailleurs, en raison des activités qui les lient, les milieux de recherche universitaires se portent en général en faveur des positions des fabricants de médicaments de marque, quoiqu'ils aient dénoté la possibilité de réaliser certaines améliorations, en particulier quant à l'ampleur des efforts de recherche fondamentale que mènent les entreprises pharmaceutiques.

Nous avons tendance, dans ce débat, à parler de la recherche-développement dans le domaine pharmaceutique comme s'il s'agissait d'abord et avant tout d'une question d'argent et d'emploi. Ce sont certainement des aspects importants, mais le but ultime de la recherche biomédicale c'est de trouver des moyens de guérir les maladies qui affligent l'humanité.
Hans Mäder, Novartis Pharmaceutical Canada Inc.

Certaines entreprises ont fait part de l'importance qu'ils accordent aux problèmes liés au système de santé et de certaines initiatives qu'elles ont mises de l'avant. C'est le cas par exemple de Astra Pharma, qui a fourni des exemples au Comité pour montrer comment elle a conduit des efforts pour aider à résoudre certains problèmes qui minent le système de santé canadien, comme l'escalade des coûts. Au début de 1995, elle a lancé « Défi santé, notre responsabilité », une initiative d'éducation en matière de santé qui s'est transformée en un programme multilatéral d'envergure nationale qui comprend de nombreux volets servant à promouvoir la santé et le mieux-être, par l'établissement de partenariats avec des organismes comme ParticipAction. Aussi, Astra a formé, avec deux autres sociétés pharmaceutiques, le Réseau canadien de distribution de produits pharmaceutiques, un réseau visant à réduire les coûts des commandes de médicaments d'ordonnance par les pharmacies d'hôpitaux. Le représentant de Astra a expliqué que par le biais de ce réseau, des sociétés innovatrices et génériques ont joint leurs efforts pour offrir aux pharmacies d'hôpitaux un concept « tout en un » de commande, de facturation et de livraison de produits, sans frais de service distincts. Dans son mémoire, Astra précise que la distribution consolidée rendue possible par ce réseau a permis aux hôpitaux de réaliser des économies allant jusqu'à 30 p. 100. Astra a indiqué que le prix de tous ses produits sont gelés depuis 1992 et qu'ils le sont encore en 1997, sans toutefois procurer des détails sur les avantages concurrentiels que cela est susceptibles de produire. Une autre initiative a consisté à donner, l'an dernier, des produits évalués à 1,4 million de dollars à des patients canadiens dans le cadre d'un programme d'aide pour fournir des médicaments d'urgence. Des entreprises ayant diverses caractéristiques ont identifié des barrières qui créent des embûches à leurs activités.

Mon activité consiste à fabriquer, par fermentation, des substances pharmaceutiques. Dans ce domaine, le seul moyen de survivre est de profiter des économies d'échelle et de vendre sur les marchés internationaux. C'est pour cela qu'il me fallait une usine aussi importante. Si l'usine est installée au Canada, je ne vais tout de même pas contempler passivement mes concurrents chinois, indiens ou, s'agissant de produits de biotechnologie, américains, et les laisser se tailler une position dominante sur le marché des médicaments génériques pour lesquels les brevets sont éteints partout sauf au Canada. Les brevets viennent généralement à extinction plus tard au Canada.
L'ACFPP prétend que, selon un avis juridique qu'elle a obtenu, le Canada pourrait édicter des mesures d'exemption en matière d'exportation, sans pour cela violer les accords conclus en matière de commerce international. Je vous demande d'envisager de telles mesures. La croissance et la survie même de mon entreprise, et d'autres entreprises fabriquant au Canada des composés chimiques fins, en dépend.
David J. Cox, Apotex Fermentation Inc.

Je demande de plus qu'on ne nous mette pas les bâtons dans les roues en ce qui a trait aux exportations et aux exportations. C'est important.
Nos ventes sont en forte croissance dans ce secteur, mais l'actuelle réglementation de C-91 nous nuit considérablement en nous empêchant d'exporter des produits protégés ici au Canada même s'ils ne le sont plus ou ne l'ont jamais été dans les pays de destination. [...] Nous voulons ne pas être restreints aux normes de brevets au Canada lorsque nous voulons développer, fabriquer et exporter un produit dans un pays où le brevet est expiré ou n'a jamais été enregistré. Il est important qu'on ne soit pas limités. Actuellement, au Canada, si le produit est breveté ici, nous ne pouvons développer et fabriquer. Nous devons former des partenariats avec d'autres pays pour développer ces produits et les exporter sur ces marchés.
Jean-Guy Goulet, Technilab Pharma Inc.

Si l'on autorisait les sociétés génériques à exporter sur ces marchés, cela reviendrait au fond à subventionner leurs activités sur ces marchés à très bas prix. Voilà pourquoi je dis qu'il faut tenir compte de l'objectif visé, des coûts et des avantages, pour savoir si ce serait une bonne chose ou non.
Paul Lucas, Glaxo Wellcome, Inc.

De nombreuses petites entreprises s'intéressent à la fabrication de produits sous contrat pour des sociétés étrangères et à l'expédition de ces produits vers leur pays d'origine. Dans de nombreux cas, ces sociétés n'ont souvent aucune intention de développer ces produits au Canada et, de ce fait, elles ne sont pas assujetties à un examen de la part de Santé Canada.
Au Canada, les brevets de biotechnologie sont souvent délivrés beaucoup plus tard qu'ailleurs, et nos petites entreprises ont donc moins de possibilités de développer et de fabriquer ces produits au Canada, ce qui nous handicape par rapport à nos concurrents des autres parties du monde. Nous aimerions également que le gouvernement mette au point une stratégie encourageant l'exportation de produits et permettant de les exporter dans des pays où les brevets ont expiré ou sont inexistants.
John Langstaff, Cangene Corporation

[L]es produits pharmaceutiques sont probablement la seule catégorie de produits pour lesquels le processus d'examen lié à la propriété intellectuelle est aussi long. [...] il n'est pas juste de perdre une aussi grande partie de la période de validitié d'un brevet sur son produit
Michael Winther, Efamol Research

Le Canada est considéré comme un pays exigeant au chapitre de la réglementation, autant que les États-Unis, où la FDA est particulièrement difficile. La DGPS, au Canada, est l'organisme qui exige le plus de recherche avant d'approuver la mise en marché d'un médicament - et cette recherche doit être de grande qualité. Cela prend du temps. En même temps, nous n'avons pas de mesure de rétablissement de la durée des brevets. Donc, quand on additionne ces deux facteurs, l'écart augmente, et le coût aussi. C'est notre gros problème. Avec ce que nous avons au Canada, nous ne pouvons pas faire concurrence aux Américains, qui ont un immense pays et une grosse économie. Mais au Canada, nous avons des chercheurs de première classe.
Hans J. Mäder, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc.

Je tiens à souligner que sans système coercitif adéquat et efficace pour les lois régissant les brevets, nous ne disposons pas des moyens nécessaires pour protéger nos brevets. Tout ce que nous avons est un système de droits de brevet sur papier. (...) En l'absence de règlement sur les avis de conformité, le Canada ne disposerait d'aucun moyen efficace pour faire respecter les droits de brevet, et notre industrie serait plongée dans une inquiétude profonde. Nous croyons en fait que la précarité actuelle du règlement devrait être rectifiée par l'incorporation des principes et des mécanismes fondamentaux du règlement dans la Loi sur les brevets.
André Marcheterre, Merck Frosst Canada Inc.

Pour réussir, les sociétés effectuent d'importants investissements dans la recherche-développement. Au Canada, l'industrie pharmaceutique n'est responsable que de 1 p. 100 des expéditions d'articles manufacturés, mais elle réalise 10 p.100 de toute la R-D industrielle. La commercialisation réussie d'un médicament peut être très lucrative, mais les chances de réussite sont minces et les dépenses à engager sont importantes. La plus grande partie de la recherche est effectuée à l'interne par des sociétés pharmaceutiques titulaires de brevets. Par ailleurs, la R-D menée par les sociétés de produits génériques a pris de l'ampleur. D'après l'ACFPP, en 1993, le secteur des médicaments génériques a dépensé 79 millions de dollars en R-D; deux ans plus tard, ce chiffre passait à 127 millions. Dans le secteur biopharmaceutique, des données sur 64 entreprises participant directement à la mise au point de médicaments biopharmaceutiques montrent que l'an dernier, ces PME novatrices employaient près de 4 000 Canadiens et Canadiennes, dont près de 1 600 dans la R-D, domaine où le secteur a investi 251 millions de dollars en 1995. Des témoins ont expliqué au Comité ce que la recherche signifie pour elles et pour les Canadiens.

En effet, ce qui distingue le plus l'industrie des médicaments brevetés de celle des génériques, c'est le degré de recherche et de développement effectué pour de nouveaux médicaments. Dans ce domaine, l'industrie encore jeune des biotechnologies, laquelle investit déjà deux fois plus sans une protection intellectuelle adéquate, et des sociétés telles que Biochem, Algene et Haemacure n'auraient certainement pas vu le jour.
De ces dépenses en recherche et développement, il découle également des retombées économiques indirectes évidentes et d'autres qui le sont moins tout en étant bien réelles. Tout effort de recherche et de développement exige une main-d'oeuvre hautement qualifiée, bénéficiant de salaires plus élevés que dans l'industrie des génériques, et les dépenses de consommation s'en trouvent naturellement plus élevées pour l'économie locale.
Bernard Paquet, Communauté urbaine de Montréal

Chaque année est précieuse pour un produit. Une durée d'exclusivité de sept ans et demi, plutôt que de 13, 14 ou 15, représente pour notre compagnie un manque à gagner important, alors que nous pourrions réinvestir une bonne partie des bénéfices dans la recherche-développement [...]. La loi C-91 a permis à Pfizer Canada de soutenir beaucoup plus efficacement la concurrence des diverses filiales de notre société mère pour obtenir une plus grande part des investissements en matière de recherche et de fabrication. On en trouve un premier exemple dans l'augmentation des dépenses de Pfizer Canada en recherche-développement.
En 1993, par exemple, année où le projet de loi C-91 a été adopté, ces dépenses se chiffraient à 6,9 millions de dollars au Canada. Cette année, elles seront sept fois supérieures à ce montant, soit de 41,3 millions de dollars. En 1996, nos dépenses en matière de recherche-développement correspondaient à 18 p. 100 de notre chiffre de ventes pour les médicaments d'ordonnance; elles étaient donc de beaucoup supérieures à la part de 10 p. 100 à laquelle nous nous étions engagés lors de l'adoption du projet de loi C-91. Ces dépenses de recherche ont été réparties entre de nombreux centres un peu partout au Canada. En fait, grâce aux programmes de recherche clinique parrainés par Pfizer, des chercheurs expérimentés et compétents peuvent demeurer au Canada, dans des centres plus ou moins peuplés, et continuer à servir la population canadienne tout en réalisant leurs aspirations personnelles: effectuer des recherches d'envergure internationale.
Karl Parker, Pfizer Canada

En tant que dirigeant de Novartis Pharma ici au Canada, je dois constamment vendre notre pays à mes supérieurs, en leur démontrant que c'est un meilleur endroit que d'autres pour investir et pour faire de la recherche-développement dans le domaine pharmaceutique. À cet égard, le Canada possède certains avantages sur la concurrence: un bassin de plus en plus nombreux de chercheurs hautement qualifiés dans le secteur biomédical; un réseau d'hôpitaux, d'universités et de centres de recherche prêts à collaborer avec l'industrie et possédant l'expérience nécessaire pour le faire; et enfin, une politique fiscale fédérale et provinciale qui appuie la R-D. La qualité de la recherche effectuée au Canada est telle que les produits qui en découlent font l'objet de demandes d'homologation à l'échelle internationale.
Hans J. Mäder, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc.

Plutôt que de fixer une durée déterminée pour l'ensemble des produits, il faudrait voir combien de temps il a fallu pour que chaque produit arrive sur le marché. Il existe dans de nombreux pays un mécanisme qui repose sur une formule selon laquelle on ajoute un nombre maximum d'années pour en arriver à un nombre maximum d'années d'exclusivité sur le marché. Cette formule est ensuite appliquée en fonction du temps qu'il a fallu pour que le produit franchisse toutes les étapes de la réglementation. Dans bien des cas, cela ne s'applique pas, mais dans d'autres, oui. [...] Ce que nous disons, c'est que les mesures de liaison fonctionnent déjà. Elles pourraient probablement être améliorées, et nous serions prêts à discuter des moyens d'y arriver. Certains autres pays disposent de mécanismes d'injonctions interlocutoires; c'est la solution qu'ils ont choisie. Cela ne fonctionne pas au Canada et nous croyons qu'il ne sera pas possible de changer les lois pour que cela fonctionne ici. Je n'ai donc pas de solution à vous proposer. Mais le mécanisme en place est celui qui fonctionne le mieux.
Gerard McDole, Astra Pharma Inc.

La réglementation prévue à l'article 55 est fondée sur une présomption de culpabilité à l'égard des médicaments génériques. En l'occurrence, c'est au défendeur et non au demandeur que la preuve incombe. Voilà un aspect de cette législation qui nous cause effectivement beaucoup de problèmes. On subit, en même temps, le contrecoup de ce passage du projet de loi C-22 au projet de loi C-91, avec les vestiges, si vous voulez, de tout un ensemble de brevets qui ne portent pas sur les produits mais sur les procédés, l'inventeur n'ayant aucun droit à l'égard du produit, mais seulement à l'égard du procédé de fabrication. Cela est sans doute inévitable étant donné la transition qui s'est opérée au Canada en 1987 et en 1993, mais ce qui n'est pas inévitable, par contre, ce sont les règlements découlant de l'article 55, qui nous obligent à aller en justice pour démontrer notre innocence. Cela me semble inadmissible.
David J. Cox, Apotex Fermentation Inc.

Il y a un vaste débat au sujet du financement de la recherche médicale - la recherche médicale à proprement parler, pas les essais cliniques ou autres. Nous savons que le Conseil de recherches médicales du Canada et les autres organismes qui dispensent des subventions reçoivent moins de crédits. Une des solutions est que la recherche soit financée par les multinationales ou par les entreprises locales au Canada. En fait, ni les multinationales installées au Canada ni les entreprises locales ne sont disposées à consacrer beaucoup d'argent à la recherche fondamentale.
John Langstaff, Cangene Corporation

Lors des modifications apportées à la Loi sur les brevets en 1993, l'ACIM a pris des engagements relatifs à la R-D, qui ont tous été remplis ou sont en voie d'être remplis. Plusieurs témoins ont manifesté leur volonté d'investir au Canada et ont proposé au Comité de renouveler certains engagements ou d'en déterminer de nouveaux assortis de conditions plus solides à l'égard entre autres de la recherche fondamentale. Dans l'éventualité d'un climat défavorable à l'investissement, certains témoins ont par ailleurs indiqué qu'il faudrait redouter un exode des activités de recherche et de fabrication vers des pays offrant des conditions plus avantageuses, en particulier en matière de propriété intellectuelle.

« L'industrie canadienne a la ferme volonté de multiplier encore plus ses activités au pays et d'investir ses profits au Canada. Nos investissements ont augmenté et ils auraient été encore plus considérables s'il n'y avait pas eu le projet de loi C-91. »
Joseph Kerba, Novopharm Québec

Nous prévoyons investir davantage dans la recherche-développement au Canada parce que c'est ici que nous sommes établis. Nous avons l'ambition de devenir la première compagnie biopharmaceutique au monde. Le Canada est pour nous une excellente base d'opérations, où on retrouve de bonnes universités, des hôpitaux de recherche, des centres de recherche gouvernementaux et des crédits d'impôt favorables à la R-D.
Francesco Bellini, BioChem Pharma

Ces éléments facilitant la recherche et l'interaction des ressources intellectuelles via toute une gamme de réseaux bien dynamiques constituent des éléments cruciaux qui stimulent un climat favorable à l'essor de l'industrie pharmaceutique au Canada.

L'industrie canadienne de biotechnologie, qui est en pleine expansion, est le résultat direct de recherches financées par le CRM. En 1994, il existait 121 compagnies de biotechnologie canadiennes. Aujourd'hui il y en a 224, ce qui créé des milliers d'emplois de haute technologie et permet la fabrication de produits canadiens distribués et exportés à l'étranger. Le Canada s'éveille aux nouvelles technologies. On ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas devenir une puissante et géante Silicon Valley de la biotechnologie. En protégeant la propriété intellectuelle découlant de nos inventions et de nos découvertes nous favoriserons la création d'emplois canadiens dans nos universités, dans nos centres de recherche et dans notre industrie canadienne.
Coalition pour la recherche biomédicale et en santé

Aujourd'hui, nos entreprises biopharmaceutiques jouent un rôle très important en fournissant la capacité de tirer au Canada même des produits commercialisables des découvertes scientifiques de nos universités et de nos facultés de médecine. Il en résulte une activité industrielle et économique et la création de nouveaux emplois à mesure que nous capitalisons sur les sommes faramineuses investies par les gouvernements dans la recherche universitaire qui a donc été financée surtout par les contribuables.
Graham Strachan, Allelix Biopharmaceuticals Inc.

Compte tenu des revenus prévus et de son engagement à continuer d'investir au moins 10 p. 100 de son chiffre d'affaires en recherche et développement, Novartis Pharma Canada prévoit, pour autant que les règles canadiennes en matière de protection par brevet soient favorables, investir quelque 200 millions de dollars en recherche et développement au cours des cinq prochaines années. Ces sommes seront consacrées à des programmes déjà en place, notamment dans le domaine de la transplantation, mais également dans de nouvelles sphères d'activité telles que la xénotransplantation. En outre, Novartis Pharma Canada entend porter à au moins 25 p. 100 la tranche de ses investissements en recherche et développement affectés à la recherche fondamentale, notamment par l'intermédiaire de son bureau de recherche fondamentale situé à Calgary, en Alberta. Nous venons d'ailleurs de reconduire pour une période de cinq ans notre engagement financier à l'égard de cet établissement d'envergure mondiale.
Hans J. Mäder, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc.

Nous avons acheté notre troisième immeuble l'an dernier; nous avons investi plus de 6 millions de dollars pour le rénover et y implanter une nouvelle usine. Nous avons augmenté notre effectif de 40 p. 100. Cette année, nous allons mettre deux autres usines en service.
Je souligne que cette expansion a été possible en grande partie grâce à nos investissements en recherche-développement au cours des trois dernières années, des investissements qui dépassent les 40 millions de dollars. L'an dernier seulement, nous avons consacré 16 millions de dollars à la R-D, et j'ai été fort étonné d'entendre M. Mäder, de Novartis, dire que sa compagnie dépense à peine un peu plus que nous à ce chapitre. Nous sommes une entreprise minuscule. Nous ne figurons même pas dans la liste des 500 grandes.
Nous comptons dépenser légèrement plus pour la R-D cette année. Je dirais qu'en termes de pourcentage des ventes, nous nous situons dans les deux pour cent d'entreprises qui dépensent le plus pour la R-D, non seulement dans le secteur pharmaceutique, mais en général.
Neil Tabatznik, Genpharm

F. Aspects du régime canadien de brevetage des médicaments

Les deux associations nationales qui représentent les entreprises pharmaceutiques du Canada ont défendu des points de vue opposés dans le cadre de la révision des amendements de 1993.

Position de l'ACIM

1. Plusieurs pays reconnaissent que les nouveaux médicaments doivent encourir une procédure d'approbation particulièrement laborieuse. Les États-Unis, la Communauté européenne et le Japon offrent une restauration de la durée de vie des brevets (pouvant aller jusqu'à cinq ans) pour compenser la diminution de la durée de vie initiale de ces brevets, due à la longueur des essais cliniques sur des humains et des procédures réglementaires d'approbation, notamment en ce qui a trait aux médicaments radicalement nouveaux dont l'approbation demande plus de temps. Le Canada se trouve maintenant désavantagé par rapport à ces pays.

2. Les règlements dits « de liaison », série de règles qui empêchent les entreprises génériques d'enfreindre les dispositions de la Loi sur les brevets, ne sont pas enchâssés dans la loi. Ils n'ont qu'un statut de règlement et peuvent être changés en tout temps par le gouvernement. Ces règlements ont bien fonctionné, autant pour le secteur générique que pour l'industrie innovatrice. Ils devraient faire partie intégrante de la Loi sur les brevets.

3. Au cours de la dernière décennie, le Canada a maintes fois révisé ses politiques de protection de la propriété intellectuelle. Les futures révisions parlementaires devraient avoir pour seul objectif de garantir que la loi canadienne sur les brevets demeurera concurrentielle sur le plan international.

Position de l'ACFPP

1. Supprimer le règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité).

2. Promouvoir les exportations en autorisant la fabrication et l'exportation des produits dans les pays où ces derniers ne sont pas protégés par un brevet.

3. Conserver les dispositions « Bolar » qui permettent à une société de génériques de faire de la R-D avant l'expiration du brevet pour obtenir l'autorisation réglementaire.

4. Corriger l'injustice de la disposition de rétroactivité du projet de loi C-91; toute licence obligatoire accordée après le 20 décembre 1991 et avant l'entrée en vigueur du projet de loi le 15 février 1993 devrait être immédiatement rétablie.

5. Raccourcir la période de monopole commercial par un retour aux licences obligatoires; une autre prolongation de la durée des brevets au Canada devrait être impensable.

6. Modifier le Règlement sur les aliments et drogues et la Loi sur les marques de commerce pour exiger que les médicaments génériques et leurs équivalents de marque se ressemblent (par leur format, leur forme, et leur couleur) et que les médicaments génériques portent un code ou un logo caractéristique de leur fabricant.

7. S'assurer que les brevets de toutes les demandes à l'égard de produits biopharmaceutiques qui n'ont pas encore été acceptées bénéficient d'au maximum 20 ans de protection à partir de la date de dépôt.

8. Ordonner à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada d'éviter de délivrer des brevets à portée étendue qui nuiraient au développement de notre secteur biotechnologique national en déterminant l'objet d'une invention et en limitant les revendications à cet objet seulement.

9. Modifier les pouvoirs du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés pour l'autoriser à délivrer des licences obligatoires quand le prix des produits de marque est excessif, pour surveiller les engagements précis pris par les sociétés de marque qui bénéficient de monopoles de brevets au Canada en ce qui concerne la R-D et autre développement industriel et pour en faire rapport.

Tout en appuyant la position de leurs associations respectives, les entreprises ont fait part au Comité de difficultés qu'elles n'éprouvent qu'au Canada.

Nous commençons seulement à sentir les effets de la loi C-91. Les produits qui étaient sur le marché quand la loi a été adoptée étaient - si l'on peut dire - des produits génériques anciens. C'est la nouvelle génération de produits génériques qui va être retardée et touchée par l'adoption de la loi C-91. Je reconnais que je ne suis pas peut-être très objectif puisque l'adoption de cette loi a été une bonne chose pour Genpharm, même si c'était injuste parce que cela n'a pas touché la génération des produits anciens, sur lesquels nous travaillions. C'est sur la nouvelle génération de produits génériques que les effets de cette loi vont se faire sentir : l'oméprazole, la lovastatine, la simvastatine, la pravastine - les nouveaux produits.
Si nous devons transférer des produits, cela ne nous dérange pas. Il est seulement dommage qu'au lieu de fabriquer des produits au Canada et de les exporter, nous devions exporter à la fois les produits et les emplois. Mais pour notre société mère, et pour l'ensemble de notre groupe, cela n'a pas d'importance.
Neil Tabatznik, Genpharm

Les brevetés ont bien fait comprendre qu'ils feront tout pour empêcher de tirer profit des investissements dans les produits génériques [...] tant que le règlement ne sera pas abrogé, Apotex et d'autres compagnies sont dans l'impossibilité d'investir davantage dans l'industrie canadienne. Forcément, il y aura beaucoup moins d'investissements dans le secteur des compagnies génériques, la production de produits chimiques va péricliter, le déficit commercial va continuer de se creuser et l'on assistera au maintien du monopole des prix bien après l'expiration de tous les brevets pertinents
Barry Sherman, Apotex Inc

Le gouvernement fédéral a jugé que les obligations commerciales internationales du Canada restreignaient son champ d'action pour ce qui est des politiques qu'il pouvait mettre de l'avant.

En tant que ministre de la Santé, je pense que nous devrions faire de notre mieux pour maintenir un niveau raisonnable de dépenses en médicaments, mais nous ne pouvons rompre nos engagements envers l'Organisation mondiale du commerce ou envers l'ALENA, quel que soit parfois notre désir de le faire. Il va falloir nous accommoder du régime qui est le nôtre, nous en accommoder et l'appliquer, mais le Comité aurait bien des moyens de faire des recommandations qui profiteraient à la fois à la santé publique et à la R-D de ce secteur.
David Dingwall, ministre de la Santé

Les fabricants de médicaments génériques trouvaient le système de licences obligatoires très avantageux.

Le système canadien de licences obligatoires qui a été éliminé par le projet de loi C-91 a aidé à atteindre cet objectif. Il constituait une méthode efficace permettant de contenir la hausse du coût des médicaments en permettant l'arrivée sur le marché de médicaments génériques bon marché après que les compagnies de médicaments de marque eussent bénéficié d'une période d'exclusivité raisonnable. En même temps, c'était un outil stratégique permettant de favoriser la croissance et l'essor du secteur pharmaceutique canadien. C'est grâce à ce mécanisme que le secteur des médicaments génériques a pu prospérer pour atteindre sa situation actuelle.
Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques

Les compagnies productrices de médicaments génériques et d'autres témoins, dont certains juristes, ont recommandé au Comité qu'on envisage d'invoquer les dispositions de l'ADPIC (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce concernant certains aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) ou de l'ALENA - concernant l'ordre public, par exemple - pour permettre un retour aux licences obligatoires. Ils se fondaient sur une interprétation libérale de l'expression ou de l'article pertinent dans nos traités internationaux. Le Comité a toutefois également entendu dire qu'en droit international, on avait tendance à interpréter les exceptions de façon restrictive.

Les paragraphes 55.2(1) et 55.2(2), qui visent la production anticipée, sont des exceptions destinées à faciliter la transition entre la période où un produit est protégé par un brevet et celle où il ne jouit plus de cette protection. Le Règlement établissant un avis de conformité remplace les procédures judiciaires habituelles par une procédure spéciale pour les cas de contrefaçons de brevets pharmaceutiques.

Voilà comment les choses fonctionnent. Pour être protégé par l'avis de conformité, un titulaire de brevet doit soumettre à Santé Canada une liste des brevets pertinents au produit d'origine, accompagnées de leur date d'expiration. Lorsqu'un fabricant de produits génériques demande un avis de conformité, il doit indiquer s'il accepte ou non cette liste. S'il est d'accord avec la liste, l'avis de conformité ne sera pas émis avant la date d'expiration du dernier brevet relatif aux produits figurant sur la liste. La demande du fabricant de médicaments génériques conteste la liste, il lui faut remettre au titulaire du brevet un avis d'allégation, lui révélant par là même l'existence de sa demande adressée à Santé Canada.
Le titulaire du brevet dispose alors de 45 jours pour engager une procédure judiciaire visant à empêcher le ministre de la Santé d'émettre un avis de conformité jusqu'à l'expiration des brevets figurant sur la liste. À ce stade, si le titulaire du brevet décide d'entamer une procédure judiciaire, le ministre de la Santé ne peut pas remetttre d'avis de conformité au fabricant de médicaments génériques avant accord entre les parties, décision de justice ou écoulement de 30 mois, le premier des trois prévalant. Je vous avais prévenu que les choses allaient se compliquer.
La procédure judiciaire se déroule parallèlement au processus d'approbation de Santé Canada. Le délai de 30 mois imposé à Santé Canada dès lors que le titulaire entame une action en justice, et que certains qualifient d'injonction automatique, est un élément controversé du Règlement. Si le fabricant de médicaments génériques gagne sa cause, il peut commercialiser son produit une fois que Santé Canada a émis un avis de conformité. Si c'est le titulaire du brevet qui l'emporte, le fabricant de médicaments génériques doit attendre l'expiration du brevet avant de recevoir un avis de conformité et de commercialiser son produit, comme le stipule le Règlement.
John Manley, ministre de l'Industrie

Le Comité est reconnaissant au conseiller juridique de l'ACIM et de l'ACFPP d'avoir participé à une table ronde élargie pour discuter avec ses membres de questions très techniques concernant les contrefaçons de brevets.

G. Les provinces

Le Comité a entendu les représentants des gouvernements de la Colombie-Britannique, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et de la Saskatchewan responsables des régimes de soins, incluant les programmes de médicaments, dans chacune de ces provinces. Les cinq provinces ont abordé la question du juste équilibre entre les considérations touchant la santé et les avantages économiques d'une industrie pharmaceutique vigoureuse, mais les solutions qu'elles ont proposées différaient.

Pour l'Ontario, l'équilibre actuel paraissait dans l'ensemble satisfaisant, quoique cette province ait indiqué qu'il fallait agir avec prudence avant d'approuver la prolongation d'un brevet ou une exception pour l'exportation. Le coût des médicaments préoccupait l'Ontario, qui a noté s'être engagée à travailler avec le gouvernement fédéral, les autres provinces et territoires, les consommateurs et l'industrie, en faveur de projets visant l'accessibilité des médicaments.

De leur côté, la Colombie-Britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Saskatchewan étaient insatisfaits de l'équilibre actuel. Le projet de loi C-91 a beaucoup fait augmenter le coût des médicaments, il n'a pas eu suffisamment de retombées industrielles et n'a pas assez aidé à la recherche. Ces quatre provinces souhaitaient que les entreprises de médicaments génériques viennent stimuler la concurrence, de manière à favoriser une baisse des prix. Elles ont appuyé les principales propositions de l'ACFPP. La C.-B. et la Saskatchewan ont indiqué que la hausse du coût des médicaments rendait impossible la rentabilisation d'un régime national d'assurance-médicaments. Elles ont également demandé s'il serait possible de restreindre aux seuls médicaments innovateurs la protection de 20 ans accordée par les brevets de produits pharmaceutiques et de réduire la durée des brevets pour les succédanés.

Des provinces ont fait valoir que la recherche n'était pas encore proportionnelle à leur population relative.

Le ministre fédéral de la Santé a présenté au Comité une note préparée pour la réunion à laquelle il a participé en avril 1996 avec les ministres provinciaux et territoriaux de la santé. Il y proposait que les provinces délèguent au CEPMB le pouvoir de réglementation des médicaments non brevetés. Certaines provinces étaient d'accord avec cette proposition, d'autres en désaccord. La C.-B. désirait que le Conseil détienne les pouvoirs sur les médicaments non brevetés dont le fournisseur a l'exclusivité.

H. Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés

Le CEPMB a suscité beaucoup d'intérêt lors des audiences. Même si la loi le limite dans sa capacité de garantir que les prix ne soient pas excessifs, de nombreux témoins ont suggéré qu'il joue un rôle plus vaste et qu'il assume davantage de responsabilités à rendre compte publiquement.

Je pense qu'il convient d'étendre le mandat du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. À l'heure actuelle, ce conseil examine uniquement les médicaments brevetés, mais plus de la moitié des médicaments prescrits au Canada sont des médicaments génériques ou à source unique, non brevetés. Le CEPMB devrait également réglementer le prix de ces médicaments-là.
À l'heure actuelle, le Conseil doit se contenter d'examiner le prix d'un nouveau médicament en regard du prix pratiqué dans sept autres pays, et ces pays-là ont tendance à avoir les prix les plus élevés du monde. C'est comme dire que notre système de santé doit coûter moins cher que le système américain. C'est loin d'être le meilleur critère. Le CEPMB devrait donc comparer le prix des nouveaux médicaments aux prix pratiqués dans tous les pays de l'OCDE, et non pas seulement à ce qui existe dans les sept pays où les prix sont les plus élevés.
À l'heure actuelle, le Conseil traite les médicaments de la catégorie 3, les succédanés, exactement comme ceux de la catégorie 2, ce qui fait monter les prix des médicaments des catégories thérapeutiques. Au lieu de cela, le CEPMB devrait réduire le prix de lancement des succédanés en tenant compte du nombre de médicaments des catégories thérapeutiques qui existent déjà.
À l'heure actuelle, le Conseil ne tient pas compte du revenu général tiré des investissements des compagnies qu'il réglemente.
D'autres organismes fédéraux de réglementation, comme le CRTC, tiennent compte de ces revenus. À mon avis, le Conseil devrait tenir compte du revenu des compagnies sur leurs investissements pour réglementer les prix. Depuis une trentaine d'années, c'est le secteur de l'industrie qui tire le plus de revenus de ses investissements.
Michael Rachlis

La plupart des témoins souhaitaient que le Conseil possède le pouvoir d'examiner le prix des médicaments génériques, en plus de celui des médicaments brevetés. De nombreux témoins n'ont pas été aussi impressionnés qu'on aurait pu le penser par la fiche du Conseil, qui a su maintenir les augmentations sous le taux d'inflation. Le coût des médicaments augmentait malgré les baisses de prix. Les critères appliqués par le Conseil pour régir les prix de lancement ne semblaient pas assez fermes, d'où des prix de lancement trop élevés. Des rapports publiés dans les journaux durant nos audiences ont sérieusement mis en doute le modèle statistique employé par le Conseil.


Table des matières

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