[Enregistrement électronique]
Le lundi 7 octobre 1996
[Traduction]
La présidente: C'est aujourd'hui lundi, nous sommes donc à Yellowknife.
Nous allons entendre aujourd'hui Bob Dowdall, président de Northern Addiction Services; Don Irwin, directeur exécutif; Dale Graham, directeur clinique et Carol Macek, avocate principale. Nous avons hâte de vous entendre. Je vois que vous avez préparé un mémoire. Je ne sais pas si vous souhaitez nous le présenter d'abord pour que nous vous posions ensuite des questions; je vous laisse le choix. Beaucoup d'intervenants procèdent de cette façon ou nous demandent de poser des questions immédiatement.
M. Bob Dowdall (président de Northern Addiction Services): J'ai pensé que nous pourrions commencer de cette façon, si c'est la façon habituelle de procéder.
La présidente: Très bien. Allez-y.
M. Dowdall: Bonjour, mesdames et messieurs. Je m'appelle Bob Dowdall et je me présente devant vous aujourd'hui à titre de président de Northern Addiction Services. Dans la vraie vie, je suis propriétaire d'une agence de placement ici à Yellowknife.
En tant que représentants de Northern Addiction Services, nous sommes heureux de comparaître devant vous ce matin, parce qu'il existe un lien direct entre la dépendance et les activités criminelles.
Je suis convaincu que vous savez qu'il est possible d'établir un lien entre une bonne partie des activités criminelles et le besoin immédiat qu'a une personne de satisfaire à d'autres besoins, comme celui de trouver de l'argent pour s'acheter une autre bouteille, une dose d'une substance donnée ou pour alimenter son besoin de jouer.
Avant de poursuivre, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui. Voici Don Irwin, notre directeur exécutif; Dale Graham, notre directeur clinique et Carol Macek, avocate principale de notre programme de toxicomanie à l'intention des jeunes.
Nous voulons vous fournir aujourd'hui un bref résumé des services qu'offre Northern Addiction Services, ainsi qu'un résumé des principes que nous appliquons au traitement des jeunes. Don Irwin va ensuite vous décrire le profil de notre client habituel, si cette expression a un sens. Nous avons demandé à Dale Graham, qui s'est récemment joint à nous après un séjour à Cape Dorset où il était directeur des services sociaux et donc, un bénéficiaire de nos services, de nous parler de la question des ressources dans une collectivité isolée parmi les 50 autres qui existent. Enfin, une des tâches qui relèvent de Carol est la coordination de la planification de l'accueil et de la sortie. Je crois qu'elle va vous dire que nos clients viennent non seulement des Territoires du Nord-Ouest mais également du Yukon. En outre, on vient de me dire que nous sommes à la veille de recevoir notre premier client de Davis Inlet. Cela démontre l'existence d'un besoin au niveau national pour les ressources que nous offrons.
Northern Addiction Services a été créée à Yellowknife en 1973. À l'époque, notre mission consistait à aider les résidents de Yellowknife qui avaient des problèmes d'alcoolisme. Nous avons été obligés d'élargir notre mission pour inclure les drogues alors que nous n'étions même pas tous encore d'accord sur la nature de notre mission. Nous avons dû depuis ajouter les produits inhalés et les solvants. Don va vous décrire de façon plus détaillée qu'aujourd'hui, la plupart de nos clients ont une dépendance à l'égard de plusieurs substances. On a également demandé à notre conseil d'administration d'envisager d'ajouter des programmes de lutte contre d'autres situations de dépendance comme le jeu, le tabac et les troubles alimentaires.
Bref, nous allons sans doute devenir un organisme qui s'occupe des problèmes de santé soulevés par la dépendance. La clientèle de notre centre de désintoxication vient de toutes les régions des Territoires du Nord-Ouest. Nous invitons les personnes qui cherchent à être admises dans nos programmes à se rendre au centre d'évaluation et de désintoxication du centre-ville de Yellowknife, où nous avons cinq lits pour les évaluations ou quatre ou cinq lits d'appoint que nous pouvons utiliser à des fins d'observation. À cette époque de l'année, nous travaillons presque toujours à pleine capacité et même au-delà.
L'immense majorité de nos 150 clients dont nous nous occupons en moyenne tous les mois viennent de l'Arctique de l'Ouest. Yellowknife est situé près d'un certain nombre de collectivités dénées, comme les collectivités Dettah, Ndilo, Lutselk'e et de Fort Rae. Nous traitons également un bon nombre d'Inuit. Ces deux groupes sont plus nombreux que les non-Autochtones qui viennent au centre.
Notre établissement vise principalement à offrir un lieu de récupération pour ceux qui ont consommé des produits chimiques. Nous fournissons un repas à nos clients habituels et leur demandons de quitter le centre tôt le matin pour que nous puissions nous occuper des personnes qui souhaitent s'attaquer à leur problème de toxicomanie. Nous avons également un centre de réadaptation qui permet d'assurer une certaine continuité à notre intervention. Les personnes qui souhaitent participer à un programme de traitement en résidence sont orientées vers notre établissement de 28 lits de Dettah Road ou envoyées dans un établissement plus près de leur collectivité d'origine.
Là encore, le nombre des Autochtones est très élevé. Je suis également surpris du fait que le nombre des Autochtones locaux, pour la plupart des Dénés, ne sont que légèrement plus nombreux que les Inuit. Nous n'avons pas réussi à attirer un nombre important de non-Autochtones dans notre établissement. La plupart de ces derniers vont se faire traiter dans le sud ou à l'étranger. Le gouvernement des T.N.-O. a récemment tenté de limiter le nombre de ceux qui vont dans le sud pour se faire traiter.
[Difficultés techniques]
M. Don Irwin (directeur exécutif de Northern Addiction Services): ... «Mon grand frère m'a vu et je me suis senti coupable. Il y a des jours où il ne me parlait presque plus.»
Elle avait trop bu, elle était somnolente, elle faisait l'école buissonnière et avait de mauvaises fréquentations, elle mentait aux membres de sa famille et elle chapardait au Northern - le magasin Northern, le principal point de rencontre dans la plupart de nos collectivités.
En 1992, elle prenait de la futée, deux onces. Elle n'en prenait pas très souvent, peut-être une fois tous les deux ou trois mois. Cela la rendait malade, elle avait des maux de tête, elle s'évanouissait et avait des problèmes de mémoire à l'école. Elle a commencé à ne plus aimer l'école. Cette même année, elle s'est mise à respirer de la peinture en aérosol, une demi-boite. Combien de fois? Elle a essayé une fois. La police l'a attrapée. Ils l'ont renvoyée chez elle avec ses frères. Les parents lui ont interdit de sortir pendant une semaine. Son frère prenait lui aussi ce genre de chose.
En 1993, elle est passée de deux à trois tasses à cinq à six tasses de bière faite à la maison. Elle en prenait de temps en temps. Cela la faisait se battre avec ses soeurs et ses frères. En 1993, elle prenait également du rhum, de l'alcool, quatre à cinq onces. Sa famille était très en colère contre elle. Elle a quitté l'école, elle perdait connaissance et vomissait. Elle a pris du parfum et du tylenol - trois à quatre onces de parfum et 49 pilules de tylenol. Elle a reconnu qu'elle avait tenté de se suicider. Elle a fait une surdose et a été conduite à l'hôpital.
En 1994, c'était le hasch; 10 à 12 doses deux fois par semaine. Cela lui donnait des maux de tête. Cela la rendait paresseuse, fatiguée, elle avait peu de mémoire, elle avait faim et elle n'allait pas à l'école. En 1994, elle utilisait également plus de trois joints de marijuana deux fois par semaine. Cela lui donnait aussi des maux de tête, elle s'est disputée avec son ex-ami, elle est tombée enceinte au moment où elle prenait ces produits. Elle en a pris aussi pendant sa grossesse. Elle avait faim, elle était malade. Elle avait de mauvaises fréquentations, elle se disputait avec son ex-ami, elle était maltraitée, elle ne mangeait pas et ne prenait pas soin d'elle. Elle disait qu'elle préférait utiliser des drogues que manger. Elle a été mise à la porte de la maison de sa soeur. Au moment où nous étions là, elle a pris des pilules de vitamine, une centaine à la fois. Je ne sais pas très bien pourquoi elle prenait ces vitamines.
En 1995, c'était la bière faite à la maison, elle est passée à six à huit onces toutes les semaines. Pendant cette période, il y avait de la violence dans la famille. Elle a dit que son frère l'avait frappée au visage. Elle se disputait avec lui. Il voulait appeler le gouvernement ou les services sociaux. Elle lui disait que cela ne lui faisait rien qu'ils prennent son fils.
En 1995, elle prenait encore 10 à 12 doses de hasch, trois fois par semaine. Sa consommation de hachis a donc augmenté. Elle respirait aussi du propane pour chalumeau. Elle disait aussi qu'elle se sentait seule, qu'elle s'ennuyait, qu'elle avait peur, faim, elle était en colère, elle avait de violents maux de tête, elle était fatiguée, elle avait du mal à appeler son bébé, elle se sentait coupable, elle ne s'entendait pas avec sa famille, elle trichait et couchait avec les garçons.
En 1995, elle est entrée dans notre établissement de traitement, Northern Addiction Services, et elle a clairement déclaré qu'elle se sentait heureuse. C'était la première fois qu'elle arrivait à voir ce qu'elle avait vécu.
Madame la présidente, je crois que c'est un cas tout à fait typique de ce que nous voyons dans notre établissement pour jeunes.
J'aimerais maintenant demander à Dale Graham de poursuivre. Dale a passé Beaucoup de temps à Cape Dorset, où il était directeur des services sociaux, et il va décrire les problèmes qu'il a dû affronter dans cette perspective. Je vous remercie.
M. Dale Graham (directeur clinique, Northern Addiction Services): Bonjour, madame la présidente et membres du comité.
J'aimerais vous montrer comment les services que fournit Northern Addiction Services à Yellowknife se font sentir dans une collectivité isolée de la rive sud de l'île de Baffin. J'étais le directeur des services sociaux dans une collectivité qui était passée au contrôle municipal. Je crois que c'était la deuxième collectivité à le faire dans les Territoires et il s'est écoulé une période assez longue entre les transferts de services communautaires.
On m'a fait venir pour m'occuper des programmes de soutien du revenu, de protection de la jeunesse, de la probation et des libérations conditionnelles, du traitement des toxicomanies, des services destinés aux personnes âgées, des services destinés aux personnes aux prises avec des difficultés physiques et de développement ainsi que de la surveillance et de l'entretien du cimetière.
La présidente: Que faisiez-vous pendant vos loisirs?
M. Graham: C'était un travail assez prenant.
La présidente: C'est pourquoi vous êtes ici.
M. Graham: C'est pourquoi je suis ici.
Je fournissais également un soutien de programme à deux comités permanents du conseil municipal: les services sociaux et la sensibilisation à l'alcoolisme.
Cape Dorset est une collectivité où la consommation de l'alcool est contrôlée, et il faut faire une demande pour pouvoir apporter, posséder ou utiliser de l'alcool dans un rayon de 25 kilomètres autour du bureau du hameau.
Nous avons eu recours aux Northern Addiction Services pour lutter contre un problème relativement chronique, celui de l'abus des solvants. Je dirais pour les membres du comité qui ne connaissent pas peut-être pas cela que j'avais l'impression que l'usage des solvants s'expliquait pour des raisons économiques. Lorsqu'on a de l'argent, on utilise une drogue douce ou de l'alcool. Lorsqu'on n'en a pas, l'intoxicant préféré est un solvant, facile à obtenir. Cela peut aller de l'essence aux produits ménagers de nettoyage, aux fixatifs, à des choses de ce genre.
À Cape Dorset, on contrôlait l'achat de tous ces produits, y compris la levure. Dès que l'on avait le moindre doute sur la raison pour laquelle quelqu'un achetait ces produits, on refusait de lui en vendre. C'était à cause de l'ampleur et de l'acuité des problèmes de toxicomanie.
Vous pouvez imaginer que mon travail m'a amené à acquérir une perspective assez inhabituelle et très particulière sur cette collectivité. Je crois qu'il n'y avait qu'une seule autre personne à Iqaluit, une femme, qui avait autant de responsabilités en matière d'accès à l'information dans la collectivité. Nous avons constaté qu'à mesure que nous obtenions des résultats dans le traitement de la toxicomanie, de l'alcoolisme et de l'usage des solvants, les activités criminelles diminuaient, dans un petit segment de notre population. Par exemple, Northern Addiction Services m'a appelé peu après mon arrivée à Cape Dorset parce que des gens des diverses régions des Territoires voulaient savoir comment nous allions offrir, par le truchement de la municipalité, des services qui avaient été offerts depuis toujours par Yellowknife. Bien sûr, nous disposions sur place de beaucoup de renseignements précis et à jour que n'avait pas toujours le personnel du gouvernement des T.N.-O. à cause des problèmes de communication.
Nous avons confié un certain nombre d'enfants à risque aux NAS en sachant qu'il s'agissait d'un établissement de soins intensifs. J'ai effectivement envoyé des enfants dans cet établissement, des jeunes qui, d'après moi, avaient subi des dommages organiques. Il n'était pas possible de traiter ces dommages mais j'espérais qu'on pourrait au moins les circonscrire. Nous avons pris cette décision parce qu'on nous avait donné une invitation permanente. Cela fait partie d'un groupe de pairs.
Je suis thérapeute de formation. Je possède une maîtrise en travail social. J'ai travaillé dans le sud de l'Ontario depuis que j'ai obtenu mon diplôme, au début des années 1980.
Je savais qu'il était déjà difficile de traiter les adolescents ayant des problèmes de comportement mais il est tout à fait inhabituel d'être invité à envoyer tout un groupe d'adolescents. Je n'avais jamais vu ça. La dynamique est beaucoup plus intense, comme vous pouvez l'imaginer. Tous les enfants qui ont suivi ce programme de six mois et qui sont revenus dans la collectivité sont demeurés sobres. Il y avait bien un garçon - mais avec cette exception - qui montrait des signes de dommages graves: problèmes de mémoire à court et à long terme, expression inappropriée d'émotions, graves crises de colère. Tous ces enfants étaient bien connus de la police et avaient les problèmes scolaires habituels: école buissonnière, absence de soutien, systèmes d'appui familial très limités, voire inexistants. Mais même ce garçon-là perturbait moins la collectivité, notamment parce qu'au lieu de faire du vandalisme ou d'essayer de voler pour se procurer ce dont il avait besoin, il a été capable de venir nous voir et de demander l'avis et l'opinion d'un adulte responsable.
En soi, cela ne paraît peut-être pas un grand progrès, mais pour nous, c'était un pas dans la bonne direction parce que nous n'avions plus à prendre contact tous les jours avec la GRC et avec l'école, alors que c'est ce qui se passait habituellement pour certains de ces enfants.
Nous avons également remarqué - et je ne pourrais pas affirmer catégoriquement qu'il y a là un lien de cause à effet - une réduction du nombre des suicides, à cause des activités que nous essayions de mettre au point pour les adolescents de la collectivité. Au cours des deux années où je suis resté à Cape Dorset, il y a eu un suicide dans un camp éloigné. Comme vous le savez sans doute, nous nous trouvons dans une région où le taux des comportements suicidaires et des suicides est inhabituellement élevé.
À Cape Dorset, dans la région de l'île de Baffin, la majorité des indicateurs de problèmes sociaux atteignent des niveaux tout à fait inhabituels. Je crois que les tribunaux n'ont peut-être pas suffisamment d'outils à leur disposition pour pouvoir s'attaquer à ces problèmes. Ils sont peut-être confrontés à un aspect d'un ensemble beaucoup plus vaste, beaucoup plus enraciné et beaucoup plus fondamental auquel un organisme comme Northern Addiction Services peut s'attaquer. Son programme de traitement axé sur les enfants et les jeunes permet de s'attaquer à ces problèmes et à ces questions. Nous avons non seulement demandé à chaque enfant de faire quelque chose pour lutter contre sa toxicomanie... Je dirais de façon presque catégorique que chaque enfant consommait deux ou trois substances différentes. Ce sont là le genre de questions que nous avons dû aborder.
Northern Addiction Services s'occupe des enfants qui peuvent avoir à l'heure actuelle des problèmes avec les tribunaux, mais qui certainement en ont eu, et qui montrent des signes qu'ils ont un avenir et des possibilités très limitées, qui ont été maltraités et qui ne savent pas comment utiliser les outils à leur disposition.
Avec tout cela, nous avons réussi à donner en six mois aux adolescents la capacité de demander de l'aide. Sur le plan des contacts personnels tout au moins, nous avons réussi à leur fournir un appui suffisant pour que l'adolescent lui-même soit capable de prendre des décisions plus efficaces.
Je vous remercie beaucoup.
La présidente: Merci.
Mme Carol Macek (avocate principale, Programme de lutte contre la toxicomanie des jeunes, Northern Addiction Services): Bonjour madame la présidente, mesdames et messieurs. Je m'appelle Carol Macek.
Je travaille depuis deux ans dans le Programme de traitement des jeunes de Northern Addiction Services. Pendant cette période, j'ai travaillé avec environ 70 jeunes venant de près de20 collectivités réparties dans tous les T.N.-O., y compris Yellowknife et, tout récemment, du Yukon.
La plupart des jeunes qui ont suivi ce programme de traitement offert par les NAS sont des jeunes contrevenants qui ont participé à des activités comme la consommation illégale d'alcool, la consommation de drogue, le vol, le vandalisme, l'agression sexuelle et la violence. La plupart de ces jeunes ont déjà été déclarés coupables plusieurs fois et ont finalement été envoyés en traitement avec avoir passé beaucoup de temps dans le système judiciaire. Il y a également d'autres jeunes qui n'ont pas été pris mais qui commettent des activités illégales et qui constituent un problème pour les collectivités.
Il semble exister une forte corrélation entre la toxicomanie et l'alcoolisme, d'une part, et les activités criminelles, d'autre part. La plupart du temps, les jeunes ont pris des drogues ou de l'alcool lorsqu'ils commettent des actes illégaux comme le vandalisme, les actes de violence, les agressions sexuelles et le vol. Ils ont besoin d'argent pour alimenter leur dépendance à l'égard de l'alcool et des drogues, ce qui les amène à voler de l'argent, de l'alcool et des objets, quelques puissent être les résultats à long terme pour eux.
La plupart des jeunes qui se trouvent dans le centre de traitement souffrent de problèmes affectifs comme la colère, la dépression, les tendances suicidaires, la solitude, la peur et le chagrin. La plupart viennent de foyers où ils sont maltraités ou dans lesquels existent des problèmes de toxicomanie ou d'alcoolisme. Ils ont souvent été mis à la porte des écoles ou ont carrément abandonné leurs études. La plupart sont désespérés et affirment que, lorsqu'ils prennent des drogues ou de l'alcool cela fait disparaître leurs problèmes pendant un certain temps. Pour un bon nombre de ces jeunes, ce besoin d'évasion justifie les activités criminelles.
En tant que centre de traitement, nous faisons face à de nombreux problèmes. Les jeunes viennent souvent de collectivités isolées. Les moyens de déplacement sont limités et coûteux. Les jeunes qu'on envoie se faire traiter ne bénéficient d'aucun appui de leur famille ou d'un orienteur. Les collectivités ne disposent pas souvent de personnel qualifié ou suffisant pour procéder aux évaluations ou aux rapports prédécisionnels ou pour identifier les questions de nature juridique. Nous n'avons pas accès aux données, ni aux rapports psychologiques dont nous aurions besoin pour orienter le traitement général des jeunes. Les jeunes ne sont pas toujours disposés à suivre un traitement; ils s'ennuient de leur famille et se rebellent.
Au cours du traitement, le personnel invite les jeunes à parler de leurs émotions, de leurs problèmes et de ce qu'ils ont fait. Les jeunes participent à des cercles de guérison, des cercles d'enseignement, des conférences, des séances de counselling individuelles ainsi qu'à des activités culturelles et de loisir. Le traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme passe nécessairement par le choix d'un modèle holistique qui permet seul de traiter les aspects affectifs, mentaux, spirituels et physiques de la personne.
Lorsque les jeunes ont suivi le traitement, ils doivent faire face à un autre grand défi. Ils retournent souvent dans leur famille et dans leur collectivité sans l'appui affectif et physique dont ils ont besoin pour continuer à s'abstenir de prendre des drogues. Dans la plupart des collectivités, il n'existe pas de conseiller en assistance postpénale, d'agent de probation ou de travailleur social qui ait reçu une formation leur permettant de répondre aux besoins des jeunes. L'alcoolisme et la toxicomanie sont fréquents dans les familles. Souvent, les pairs de ces jeunes consomment encore de l'alcool et des drogues.
Les jeunes vont reprendre leurs activités criminelles s'ils se remettent à prendre des drogues chimiques. Les jeunes sont prêts à faire n'importe quoi pour alimenter leur toxicomanie si celle-ci leur permet de mieux supporter leur vie qu'ils ne le peuvent en restant sobres. J'estime que la Loi sur les jeunes contrevenants servirait mieux les adolescents et les collectivités où ils vivent si l'on avait davantage recours aux services d'orientation et de traitement de la toxicomanie, en particulier, lorsqu'il s'agit de crimes violents ou reliés aux drogues et à l'alcool.
Nous avons besoin dans les collectivités de services d'orientation familiale, de thérapie familiale et de formation à l'emploi pour que les adolescents puissent bénéficier de l'appui et de l'assistance dont ils ont besoin pour respecter la loi et faire des choix positifs. Les adolescents qui n'ont pas accès aujourd'hui à un traitement deviendront des contrevenants adultes qui n'ont pas eu accès à un traitement.
En conclusion, les adolescents qui ont des démêlés avec la justice ont besoin de l'appui de leur famille, de la présence de modèles positifs, de services d'orientation intensifs externes, de centres de traitement de la toxicomanie en résidence et d'espoir.
Je vous remercie du temps que vous nous avez consacré.
M. Dowdall: Merci Carol, Don et Dale.
J'espère que nous avons réussi, en quelques minutes, à vous donner une idée de l'ampleur du problème dans le Nord. Si je me fie à l'intérêt manifesté à l'endroit de notre programme pour les jeunes, je crois pouvoir dire que ces problèmes ne sont pas circonscrits aux régions du Nord.
Quel est le rapport de tout cela avec la Loi sur les jeunes contrevenants? Quels sont les aspects que nous souhaiterions vous voir aborder dans le cadre de l'examen de cette loi?
Tout d'abord, nous estimons que la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'elle est aujourd'hui offre de nombreuses possibilités. Un des principes fondamentaux de cette loi est qu'il faut encourager le contrevenant à accepter la responsabilité de son comportement dans la mesure où il est capable de le faire. Nous pensons qu'il faut encourager les jeunes contrevenants à accepter la peine qui leur est imposée et qui peut mieux leur faire comprendre les conséquences de leurs actes. C'est un des principes fondamentaux que nous appliquons nous-mêmes à nos clients.
Si l'on veut modifier cette loi, il faudrait que les modifications soient suffisamment souples pour qu'elles tiennent compte des besoins des adolescents. Les peines imposées doivent refléter le fait que le jeune doit accepter la responsabilité de ses actes dans la mesure où il est capable de le faire.
Un des principes de l'organisation des Alcooliques Anonymes est que l'alcoolisme est une maladie. C'est pourquoi on n'abandonne jamais personne. Nous avons découvert qu'il faut de six à neuf mois pour qu'un jeune se débarrasse de l'acétone contenue dans les substances qu'il a absorbées. Au cours de cette période, il arrive fréquemment que ces jeunes aient des flash-back et d'autres crises. À titre de comparaison, notre corps évacue l'alcool en 72 heures. Il faut que nos juges connaissent certains faits pharmacologiques fondamentaux concernant les substances chimiques et leurs effets sur le corps humain. N'est-il pas préférable d'envoyer un jeune contrevenant dans un établissement où l'on comprend ce genre de comportement et où l'on sait comment réagir?
Nous n'avons pas abordé la question de la prévention. En tant que pays, on nous demande de faire davantage avec moins. Devrions-nous priver le système pour les adultes de certaines ressources et les affecter à nos jeunes?
Les modifications que l'on pourrait apporter à cette loi soulèvent un certain nombre de questions morales. Je regrette toutefois que notre conseil d'administration, que je représente ici aujourd'hui, n'ait pas eu le temps d'aborder ces questions. C'est pourquoi nos interventions reflètent principalement nos systèmes de valeurs personnelles.
En tant que comité, vous allez être amené à faire des choix très difficiles. Je vous souhaite bonne chance dans vos travaux.
Merci de votre attention. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
La présidente: Merci.
Monsieur St-Laurent.
[Français]
M. St-Laurent (Manicouagan): Vous avez fait une nomenclature qui est intéressante et intrigante à certains moments. Vous parlez entre autres des gens qui s'exodent vers le sud au lieu d'utiliser les services qu'ils auraient peut-être ici.
Mais tout d'abord, j'aimerais avoir des statistiques générales. Est-ce que vous avez comparé, par exemple, le taux de jeunes contrevenants en région ici comparativement à celui qu'on constate dans les villes, en Saskatchewan ou en Alberta? Avez-vous un taux comparatif?
Ensuite, avez-vous des statistiques comparatives concernant les gens qui ont besoin de soins aigus, par exemple la garde fermée, et concernant le degré de gravité des infractions? Je ne vous demande pas des détails, mais des statistiques générales si vous en avez.
[Traduction]
M. Dowdall: J'aimerais demander à Don de répondre à cela.
M. Irwin: Madame la présidente, je pense que la première question de M. St-Laurent au sujet de la comparaison des taux de criminalité devrait plutôt être posée aux représentants du système de la justice qui vont comparaître après nous.
Pour ce qui est de la deuxième question, qui porte sur la supervision, je demanderais à Carol de présenter des commentaires sur les difficultés que nous avons connues, puisqu'elle s'est occupée directement de cet aspect.
Mme Macek: Je peux apporter certains éléments de réponse à la première question. Avant de venir dans les Territoires du Nord-Ouest, je travaillais dans un centre de traitement de 30 lits en Saskatchewan. Comparé aux régions du Nord, le pourcentage de jeunes contrevenants était à peu près identique. La plupart des enfants que nous traitions en Saskatchewan avaient exercé à des activités illégales. Certains avaient été pris, d'autres pas, mais la plupart de ces enfants avaient commis des actes illégaux pour alimenter leur besoin de drogue et d'alcool. Je n'ai pas trouvé beaucoup de différence entre ici et la Saskatchewan.
Pour ce qui est des établissements de garde en milieu fermé, un bon nombre des jeunes qui arrivent ces jours-ci dans le centre de traitement ont besoin d'être surveillés très étroitement. La plupart de ces jeunes sont en période de sevrage de substances chimiques - les drogues et l'alcool. Ils sont souvent très en colère et ils veulent entrer chez eux. Ils s'enfuient, il faut les retrouver ou ils reviennent. Il faut les surveiller 24 heures par jour, de façon très intensive. Certains ont des tendances suicidaires et il faut donc les surveiller toutes les 15 minutes. La surveillance qu'exige le centre fait appel à des normes de sécurité très élevées.
[Français]
M. St-Laurent: Vous avez parlé du succès du programme de six mois que vous avez fait. D'une part, vous parlez de ce succès et, d'autre part, vous mentionnez qu'il faut une période de six à neuf mois pour faire disparaître de l'organisme de ces gens-là toute habitude à l'alcool et à la drogue. J'aimerais voir où vous vous situez dans cette comparaison-là. Aussi, quelles sont, selon vous, les raisons du succès? En faisant ce programme, vous entamez une meilleure communication. Est-ce la création d'activités dans le cadre du programme qui fait que l'individu est plus occupé et donc un peu plus actif positivement? Quelles sont les raisons du succès?
[Traduction]
M. Graham: Merci. C'est une question très intéressante. Je crois que nous avons connu du succès avec les clients qui sont passés par les NAS parce que ma formation et mon travail étaient essentiellement axés sur la santé mentale. Cela veut dire que nous commencions toujours par offrir des services d'orientation.
Lorsque les adolescents sont revenus à Cape Dorset, nous étions prêts parce que je savais bien ce qu'il fallait pour être en mesure d'offrir un système d'appui aux patients externes. Nous avons réussi à mettre en place certains éléments de ce système à Cape Dorset. En fait, il était très facile d'intégrer ces éléments au mode de vie traditionnel. Je me suis demandé si ce n'est pas là une différence entre le style urbain, où nous sommes habitués aux services de santé mentale, et la situation qui existe dans le Nord où bien souvent les gens ne savent pas très bien comment les services d'orientation, avec lesquels nous sommes tous familiers, fonctionnent. En fait, je crois que la façon dont vous avez formulé cette question fait très bien ressortir les raisons pour lesquelles le traitement a donné de bons résultats.
Imaginez que pendant une période de désintoxication qui peut durer neuf mois, vous créez pendant six mois des liens intimes et intenses avec un groupe d'adultes en qui vous pouvez avoir confiance. Ce genre d'environnement peut susciter un énorme sentiment de soulagement chez des personnes qui connaissent des problèmes affectifs et sociaux aussi graves.
Vous pouvez également vous imaginer que ces adolescents établissent des liens très étroits avec le personnel au cours de ces six mois. Un des principaux éléments qui favorise l'efficacité du traitement est l'établissement de rapports, et nous renforçons la capacité d'établir des relations. Nous n'avons peut-être pas suffisamment de temps pour travailler sur tous les problèmes de chaque adolescent mais nous avons suffisamment de temps pour leur montrer qu'il existe un processus - une façon d'établir un contact avec un autre être humain et de trouver des solutions à ses problèmes
Nous renvoyons dans la collectivité un adolescent qui est capable d'utiliser les systèmes de soutien dont il va avoir besoin. Vous avez montré que cela ne se fait pas en six mois mais, à la différence d'une accusation ou d'une peine, une fois les six mois écoulés, nous n'avons pas de restrictions. Nous pouvons poursuivre le rapport établi. En fait, il y a quelques semaines encore, lorsqu'une personne de Yellowknife revenait dans cette collectivité, nous avons constaté que les jeunes conservaient un mode de vie sain. Ils n'utilisaient pas de substances chimiques.
Les rapports qui s'établissent vont bien au-delà de ce que peut énoncer une politique. Nous ne sommes jamais plus loin qu'un coup de téléphone et nous savons que c'est de cette façon que nous continuons à communiquer avec les enfants dans le cadre de notre programme. Cela coûte de l'argent mais ils y ont accès.
Nous estimons que cela est un aspect essentiel de notre travail. Nous le faisons sans que nos systèmes reconnaissent vraiment que c'est une petite partie mais une partie essentielle d'un traitement efficace.
Merci.
[Français]
M. St-Laurent: Vous avez parlé de différentes hypothèses et de différentes réussites. Votre programme réussit bien, mais jamais je ne vous ai entendu parler de la participation ou de la complicité possible des parents dans le processus. Où les situez-vous dans le programme?
[Traduction]
M. Graham: La participation des parents est une question qui soulève des problèmes, pour plusieurs raisons. Nous encourageons cette participation mais Carol a mentionné que nous avions du mal à obtenir des renseignements auprès de la collectivité. Pour pouvoir mettre au point un programme de traitement efficace, nous avons besoin de connaître de façon relativement exacte et détaillée les antécédents de la personne que nous voulons traiter. Dans la plupart de nos collectivités, nous avons du personnel qui n'a pas reçu la formation qui lui permettrait de rassembler et de structurer de façon utile pour nous ces renseignements.
Dans certains cas, nous ne savons pas très bien si les familles savent exactement ce que nous faisons. Dans d'autres, les familles ont la possibilité d'intervenir et choisissent de ne pas le faire. Nous serions beaucoup plus efficaces si nous pouvions amener les familles à participer à notre action. Cela voudrait dire sans doute deux choses. Il faudrait, premièrement, intégrer la famille au programme de traitement. La deuxième consisterait à établir des liens entre notre programme et la collectivité, et travailler avec la famille. Cela serait possible grâce au personnel en place qui pourrait prendre en charge cette tâche dans ces cas-là.
Malheureusement, cela nous amène à aborder une question connexe, celle des besoins en formation qu'il conviendrait de combler pour permettre une telle approche. La participation de la famille est un élément essentiel au traitement des enfants. On peut peut-être nous considérer comme un très mauvais substitut de ce système naturel.
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente.
J'aimerais remercier les intervenants de ce matin pour le témoignage qu'ils nous ont fourni.
Je trouve que vous avez décrit une situation déprimante, d'autant plus que je constate que vous avez mentionné aux membres du comité que vous n'aviez pas pu vous attaquer à la cause de certains problèmes que connaissent les jeunes.
Ce sont les parents qui sont les premiers responsables de leurs enfants. Des témoins sont venus nous déclarer il y a deux semaines qu'ils aimeraient voir les tribunaux obliger les parents à participer à des programmes, à assumer leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants et à répondre aux besoins affectifs, spirituels et physiques de leurs enfants.
Que pensez-vous de cela? Recommandez-vous au comité d'examiner un projet de loi qui donnerait aux tribunaux les moyens d'assurer la participation des parents? À quoi sert-il d'envoyer un enfant suivre un programme dans un centre et de l'aider à se reprendre en main si on le remet ensuite à des parents irresponsables, parce qu'ils ne répondent pas aux besoins de cet enfant?
Il y a deux semaines, on nous a dit qu'il y avait des cas d'inceste et d'agression sexuelle qui n'étaient pas rapportés dans certaines régions de notre pays. Cela me paraît inacceptable. Si l'on recherche ceux qui sont responsables en premier lieu de la situation, il faut examiner quelle est l'origine des problèmes que connaît la famille. Pourquoi cet enfant-là ne reçoit-il pas l'appui affectif, physique et spirituel dont il a besoin - dont a besoin un être humain - pour ne pas aboutir devant les tribunaux du système pénal?
Je peux vous poser cette question et tout simplement attendre votre réponse. Pensez-vous qu'il soit possible de réussir sans la participation des parents? Si cela n'est pas possible sans les parents, seriez-vous prêts à envisager certains moyens qu'offrait l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, qui permettait aux tribunaux d'obliger les parents à s'occuper de leurs enfants si ces derniers commettaient des crimes, avaient des problèmes à l'école ou à l'extérieur de l'école, lorsqu'il était clair qu'ils avaient besoin d'une aide et d'une assistance que leurs parents ne leur offraient pas?
Seriez-vous favorable à ce que la loi donne aux tribunaux les moyens d'intervenir dans la relation existant entre les parents et leurs enfants?
M. Dowdall: Malheureusement, comme je l'ai mentionné dans le mémoire, nous n'avons pas eu la possibilité de préparer une position pour le compte des Northern Addiction Services. Je suis par contre tout à fait ouvert à l'idée de laisser notre équipe vous répondre selon le point de vue personnel de chacun.
Du point de vue des Northern Addiction Services, nous favorisons une approche holistique au traitement de la toxicomanie. Nous serions certainement très heureux de disposer de moyens qui nous permettraient d'amener la famille tout entière et la collectivité tout entière à participer à notre traitement de la toxicomanie. Mais sur le plan technique, j'aimerais que ce soit les membres de notre personnel qui vous répondent.
M. Graham: La participation des parents est nécessaire. À l'heure actuelle, ils ne s'engagent pas suffisamment à appuyer le traitement offert à leurs enfants. S'il est en votre pouvoir d'amener les parents à s'engager davantage envers nous, je vous demande de le faire.
Nous connaissons certains renseignements grâce au traitement et cela nous permet d'avoir une image très précise de ce qui se passe dans les collectivités et dans les familles. Pour les familles dont les parents ne sont guère disposés à collaborer avec nous, le seul fait que nous possédions ces renseignements - les rapports que nous établissons avec l'enfant - peuvent être gênants pour la famille, dans la mesure où s'il se passe quoi que ce soit dans la famille, nous le savons. D'une certaine façon, nous offrons une protection assez large aux enfants à cause des rapports que nous avons établis avec eux. Si on nous envoie aujourd'hui un enfant et que la famille sait que nous avons établi une bonne relation avec lui, il arrive souvent que le comportement préjudiciable à l'enfant puisse être modifié ou arrêté parce qu'il s'exerce une certaine surveillance.
Cela ne rentre peut-être pas tout à fait dans notre mission d'agir ainsi mais tout le monde est au courant: s'il y a certains aspects de la vie familiale qui nuisent à l'enfant, si quelqu'un bat cet enfant, si quelqu'un fait quelque chose qui nuit à l'enfant, nous allons probablement le savoir et c'est cette possibilité qui semble travailler à notre avantage.
Si vous ordonnez aux familles de participer ou leur dites qu'il faut qu'ils participent, vous ne faites que dire une évidence. Il me semble qu'il serait également nécessaire de leur indiquer clairement qu'il y aura des sanctions s'ils ne respectent pas ces ordres. Cela nous aiderait grandement parce que cela ne nuirait pas nécessairement au traitement que nous offrons, ni à nos rapports avec les familles. Ce serait aux tribunaux, aux avocats et au système pénal de trouver des solutions pour que tout cela ne nuise pas à notre relation avec nos clients.
M. Ramsay: Y a-t-il quelqu'un d'autre qui souhaite faire des commentaires à ce sujet?
Mme Macek: Oui. Je suis d'accord avec ce qu'a dit Dale Graham. Une des choses les plus triste que nous sommes parfois obligés de faire à la fin d'un traitement est de renvoyer chez eux des clients parce que nous savons qu'ils vont rentrer dans des familles qui font un usage abusif de drogue et d'alcool, dans des familles qui ne leur offrent aucun appui. Il serait effectivement bon que la famille participe davantage et s'il faut pour cela que les tribunaux prononcent une ordonnance ou mettent en place des services de probation, je pense que ce serait une bonne chose. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée que la famille doit guérir avec le toxicomane.
M. Ramsay: Monsieur Irwin, aimeriez-vous donner votre opinion personnelle?
M. Irwin: Monsieur Ramsay, cela est très triste à dire, mais d'après ce que j'ai appris de nos clients, ils m'ont tous raconté peu à peu leur histoire, la plupart d'entre eux ont été victimes d'agression sexuelle.
À mesure que le client évolue grâce au traitement, il arrive malheureusement que celui-ci commette des agressions, ce qui fait non seulement un perpétuel problème mais pour ce qui est des agressions contre leurs propres enfants, et cela devient un cercle vicieux.
Je suis sceptique au sujet de la participation des parents pour cette seule raison. Nous pouvons demander un certain nombre de choses aux parents mais si nous n'avons pas la capacité de les obliger à les faire, cela risque de ne pas servir à grand-chose. C'est pourquoi je suis assez sceptique au sujet de notre capacité à mobiliser les parents, si ce n'est qu'en essayant de les rencontrer individuellement et d'essayer de les aider à se débarrasser de leur passé et de vivre vraiment, pour ce qui est de l'avenir.
M. Ramsay: Vous arrive-t-il de renvoyer un enfant qui a été agressé sexuellement dans la famille où s'est produit cette agression? Comment réagissez-vous à ce genre de situation?
M. Irwin: Nous avons eu un cas de ce genre il n'y a pas très longtemps et nous avons déployé beaucoup d'efforts pour essayer de mettre au point un plan de rechange pour la jeune femme concernée. Son beau-père a quitté sa collectivité pour se rendre à Yellowknife à la recherche de sa belle-fille, je crois.
Que pouvons-nous faire? Nous avons tout d'abord l'obligation de faire savoir à la jeune femme concernée que son beau-père est à sa recherche. Deuxièmement, nous avons fait de notre mieux et continuons à le faire pour signaler aux divers organismes communautaires que cette personne se trouve dans la collectivité et pour essayer d'éviter que ces agressions ne se reproduisent.
M. Ramsay: Signalez-vous le cas à la GRC lorsqu'il est clair que quelqu'un a commis une infraction au Code criminel?
M. Irwin: Oui, nous le faisons.
M. Ramsay: L'avez-vous déjà fait?
M. Irwin: Oui.
Mme Torsney (Burlington): Pourquoi n'accuse-t-on pas les parents d'avoir commis une agression sexuelle? Où sont les autres partenaires?
M. Irwin: Si nous prenons ce cas, je crois que - et Dale vous y avez participé plus directement que moi - nous avons essayé d'encourager cette jeune fille à signaler le cas à la police et à porter une accusation contre ses parents. Je ne pense pas que l'on en soit encore arrivé là, est-ce bien cela?
Mme Macek: Il arrive souvent que l'on porte des accusations contre des parents ou que l'on fasse enquête à leur sujet. Bien souvent, il n'y a pas suffisamment de renseignements.
Lorsque l'agression sexuelle a été commise lorsque l'enfant était plus jeune, disons lorsqu'il avait 10 ou 12 ans, et qu'il a maintenant 15 ans, il en parle mais souvent le jeune a peur. Il fait une déclaration, mais souvent les détails sont très confus ou il n'y a pas suffisamment d'informations et il arrive très souvent qu'on n'ordonne même pas la tenue d'une enquête. Le jeune retourne dans sa famille, dans son foyer, à moins qu'il y ait des renseignements clairs et précis ou à moins qu'il y ait deux ou trois autres victimes et que les renseignements concordent. Dans ce genre de cas, il est possible d'obtenir une déclaration de culpabilité. Mais cela est très rare.
Mme Torsney: Nous avons remarqué que, dans certaines provinces et dans certaines régions du pays, on harmonisait mieux la Loi sur la protection de l'enfance et la Loi sur les jeunes contrevenants. D'après les descriptions de programmes que vous avez données, je crois que c'est ce que vous avez fait ici.
Bien évidement, lorsque vous parlez d'enfants de moins de 12 ans, il semble que vous réussissiez à les aider et que vous offrez des services d'assistance postpénale, postdécisionnelle ou que sais-je. Quels mécanismes utilisez-vous pour offrir ces services?
En Ontario d'où je viens, par exemple, cela relève de plusieurs ministères. Nous avons entendu des ministres, mais il n'y avait que le Solliciteur général et le Procureur général. Ils ne souhaitaient pas parler du volet éducation ou du volet services sociaux et communautaires.
Évidemment si les enfants demeurent en contact avec vous et ont accès à vos services en permanence... vous devez utiliser des fonds destinés aux services sociaux ou vous faites tout simplement des miracles. Quelle est la réalité?
M. Graham: J'imagine que notre président va aborder la question des finances mais je dirais que nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire davantage avec ce que nous avons.
Nous avons reçu une formation de travailleurs sociaux et notre rôle consiste à faire fonctionner le système. L'approche que nous avons adoptée est bien connue. Il s'agit de suivre la personne et c'est elle qui est notre client et non pas le système en général. Si cette personne va dans le système scolaire, le système correctionnel ou le système de santé mentale, il y a toujours quelqu'un qui la suit.
Nous arrivons souvent à supprimer les chevauchements inutiles. Il nous arrive de découvrir des chevauchements très coûteux et de trouver des façons qui permettraient de moins dépenser. Lorsque l'on a une mission, comme c'était peut-être mon cas lorsque je me trouvais dans la région de Baffin, où je pouvais agir dans plusieurs domaines différents, il est certes plus facile de contrôler la diffusion de l'information et de garantir une certaine sécurité mais je dois reconnaître que l'information se rend très vite là où elle est nécessaire. Tous ces éléments concordent avec ce que vous dites.
Il n'empêche que notre président a peut-être certains commentaires à faire au sujet des restrictions financières.
Mme Torsney: N'oubliez pas que le ministre a quitté la salle.
M. Dowdall: Je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous avons la situation bien en main. Nous étions justement en train de dire ce matin que nous avions un établissement de huit lits alors que nous pourrions facilement utiliser 30 lits dans notre établissement. Je pense que cet exemple est suffisamment éclairant. Nous voyons toujours notre travail de façon positive et je suis très très fier de notre personnel et de ce qu'il a fait - ils ont fait d'excellentes choses avec certains de ces enfants - mais il est vrai que nous ne faisons que toucher la surface.
Mme Torsney: Nous nous intéressons aux délinquants à risque élevé, pour mettre en place une sorte de surveillance postpénale, par le biais d'un projet de loi ou c'est du moins une mesure que nous envisageons de prendre. Je me demande si ce ne serait pas une bonne idée de transposer cela aux adolescents pour que, lorsque la peine est achevée ou que le traitement est terminé, il y ait quelqu'un qui soit chargé de surveiller le jeune ou que celui-ci soit obligé de se présenter de temps en temps à quelqu'un, qui pourrait vérifier si le jeune a les yeux vitreux ou consomme encore de l'alcool ou autre chose. Seriez-vous favorable à une initiative de ce genre?
M. Dowdall: Certainement. Je suis personnellement convaincu que le suivi du traitement est aussi important que le contact initial avec l'enfant.
Mme Torsney: Certaines personnes voudraient que l'on publie dans toutes nos collectivités l'identité des personnes inculpées aux termes de la LJC; les journaux locaux pourraient mentionner leur nom et peut-être montrer une photographie de ces jeunes. Seriez-vous favorable à cela?
M. Dowdall: Je voudrais examiner cette question davantage avant de formuler un commentaire sur ce point.
M. Graham: Il y aurait peut-être une autre façon de le faire. Vous risquez de constater qu'une telle mesure ne fait que masquer les problèmes - ce n'est pas que l'intention soit mauvaise mais elle risque d'avoir un effet pervers.
Mme Torsney: Je ne suis pas une de celles qui estiment qu'il faudrait publier l'identité de ces jeunes.
D'autres proposent d'élargir la portée de la Loi sur les jeunes contrevenants pour qu'elle s'applique aux très jeunes enfants - aux enfants de moins de 12 ans. Dans l'exemple que vous nous avez donné, Don, l'enfant avait neuf ans lorsqu'elle a commencé à utiliser des solvants. Serait-il préférable que le système pénal intervienne auprès de ces enfants au lieu des services sociaux? Êtes-vous capable de vous occuper d'enfants de moins de 12 ans?
M. Irwin: Oui, nous sommes en mesure de nous occuper des enfants de moins de 12 ans. J'ai une certaine expérience de cette question parce que je faisais partie du groupe qui a rédigé cette loi, il y a 20 ans et je sais combien il est difficile de tracer une ligne au sujet de l'âge. Il existe plusieurs raisons qui devraient nous amener à envisager sérieusement de ramener cet âge à peut-être10 ans - c'est une opinion très personnelle - compte tenu de l'âge et des étapes du développement par lesquelles passent la plupart des enfants.
Mme Torsney: Faudrait-il aussi abaisser l'âge de 17 ans?
M. Irwin: Il y a des enfants de sept ans...
Je parlais à notre président et je luis disais, tu sais, avec cette loi sur le tabac, nous avons créé toute une série de problèmes parce qu'il est maintenant illégal de fournir du tabac aux enfants et il y a des enfants de six à sept ans... Lorsqu'ils ont commencé à fumer et qu'ils suivent notre programme de traitement, les cigarettes sont devenues un de leur vie quotidienne pour eux. Nous n'avons pas le droit de leur donner des cigarettes mais nous les retrouverons en train de ramasser des mégots dans la rue.
On a voulu apporter une solution législative à un problème et on a, en fait, créé d'autres problèmes. Il faut penser aux conséquences que peut avoir ce genre de chose si nous continuons à utiliser le droit pour obliger les gens à se comporter d'une certaine façon.
Mme Torsney: J'aimerais que vous signaliez au ministre de la Santé les problèmes que vous avez rencontrés en matière d'accès aux cigarettes pour les enfants de moins de 18 ans. Je ne pense pas que quelqu'un ait soulevé l'argument que ces enfants pourraient consommer des choses plus dangereuses ou qu'ils pourraient ramasser des mégots ou qu'ils pourraient être déjà dépendants de la cigarette à l'âge de six ou sept ans. C'est là un aspect tout nouveau de ce problème.
L'autre chose que je tiens à comprendre, c'est l'idée de renforcer la responsabilité des parents. Bien sûr, il y a des dispositions pour les gens qui aident et encouragent la perpétration d'une infraction et si les parents n'assument pas leurs responsabilités, il existe d'autres façons d'intervenir.
Mais avec la Loi sur les jeunes contrevenants, un adolescent a commis une infraction. Êtes-vous partisan d'un système où les parents seraient également accusés aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants? Ou devrait-on plutôt les accuser en vertu du Code criminel?
Souhaitez-vous voir peut-être deux types de sanctions, l'un qui s'appliquerait aux parents prêts à collaborer et l'autre, à ceux qui ne le font pas? Là encore, s'il y a deux types de sanctions, j'imagine que celles qui viseraient les parents qui collaborent davantage serait sans doute moins sévère et plus efficace. D'une certaine façon, cela revient à punir davantage l'enfant dont les parents ne souhaitent pas collaborer avec le système.
Cela ne risque-t-il pas de nous amener sur un terrain plutôt marécageux?
M. Graham: Cela pourrait ressembler à cela mais peut-être aussi davantage à une partie d'échec. Si nous avions, par exemple, un système progressif - où la mesure la plus sévère serait le dépôt d'une accusation - qui nous permettait également d'évaluer les capacités de la famille sans être obligés de traiter toutes les familles comme si elles avaient les mêmes qualités, les mêmes caractéristiques et les mêmes points forts, cela nous fournirait le genre de renseignements dont nous avons besoin pour le traitement. Il existe peut-être des raisons pour lesquelles une famille a du mal à intégrer un enfant et il ne conviendrait pas, d'après moi, de porter des accusations dans tous les cas.
Cependant, si l'on réussissait à formuler des critères et à prévoir des incitations, comme une intervention très rapide et souple pour les familles prêtes à collaborer, je pense que cela pourrait fonctionner en théorie.
Mais certaines familles pourraient utiliser contre l'enfant les mesures que nous pourrions prendre à son égard. L'intervention du système risque d'aggraver le dysfonctionnement de la famille et si elle ne respecte pas une ordonnance judiciaire... si la sanction ou la peine vise uniquement l'enfant - l'enfant serait en détention, loin de sa famille - et je peux concevoir que cela puisse nuire à la relation existant entre les parents et l'enfant.
Par contre, si l'on établissait des critères qui permettent aux tribunaux d'aménager une période d'évaluation pour déterminer le niveau de participation de la famille, nous serions, je crois, parfaitement en mesure de le faire. Les tribunaux connaissent bien les outils d'évaluation et cela pourrait ajouter une dimension qui serait fort utile pour la prise de décision dans ce domaine.
Mme Torsney: Vous occupez-vous actuellement des évaluations prédécisionnelles?
M. Graham: Non.
Mme Torsney: Cela pourrait peut-être résoudre certains problèmes ou offrir certaines possibilités.
M. Dowdall: J'aime l'expression «offrir certaines possibilités».
Mme Torsney: Oui.
M. Dowdall: Il existe en fait d'autres façons comme les comités de la justice autochtone, que nous n'avons pas du tout abordé aujourd'hui. Il existe d'autres outils qui peuvent être efficaces.
La présidente: Merci, madame Torsney.
Je vais poser une question qui va peut-être susciter des réactions mais à Iqaluit, lorsque nous nous y trouvions et ici, je vois qu'il y a beaucoup de Blancs qui parlent de ces problèmes et je n'ai pas... Y a-t-il des gens qui pensent qu'il serait bon de traiter ces problèmes au sein des cultures où ils prennent naissance? Ce n'est pas à moi que - et je comprends les restrictions financières. Mais la culture autochtone ici, dans cette partie de l'Arctique, est très différente de la culture autochtone à Iqaluit.
Je me posais des questions sur l'intérêt qu'il y avait à déplacer des gens de Davis Inlet à Yellowknife ou d'Iqaluit ou de Pond Inlet, Grise Fjord ou d'une de ces collectivités dans la culture qui existe ici. Cela doit entraîner des bouleversements. Travaillez-vous avez les collectivités autochtones pour les aider et leur fournir les ressources dont elles ont besoin pour faciliter la guérison dans leurs propres collectivités? Comment expliquer que nous, les Blancs, qui avons causé tous les problèmes qui existent ici, pensons que nous avons les solutions?
M. Dowdall: N'est-ce pas dans la nature de notre culture, la culture blanche, de penser que nous pouvons tout arranger?
La présidente: Eh bien, nous les avons drôlement arrangés, n'est-ce pas? Nous avons créé le problème.
M. Dowdall: Pour répondre un peu plus directement à votre question, je dirais que oui nous travaillons avec la communauté autochtone. Plus de la moitié de mon conseil d'administration est composée d'Autochtones.
Je crois que les choses évoluent dans les Territoires du Nord-Ouest. Si nous remontons un peu dans le temps, on constate que cela ne fait qu'une trentaine d'années que nous, en tant que société blanche, avons commencé à penser qu'on pouvait instruire au-delà de la 12e année un Indien ou un Autochtone. Sur le plan de l'instruction, notre ancien système qui existait dans la communauté autochtone essaie de rattraper le retard accumulé depuis 20 ou 30 ans pour que des gens comme Dale, Don et Carol aient les capacités techniques de s'attaquer à ce genre de problèmes.
Pour répondre à votre question, je dirais que, oui, nous essayons de travailler plus directement avec les collectivités autochtones pour qu'elles puissent prendre ces choses en main. Oui, il n'est pas facile d'intégrer les différences culturelles qui existent dans les Territoires. Comme vous l'avez mentionné ce matin, il existe huit langues officielles dans les Territoires du Nord-Ouest et nous disposons de ressourcez très limitées pour agir dans ce cadre. J'espère que cela a été utile.
La présidente: Merci.
Je tiens à vous remercier d'être venu nous parler ce matin. Vous nous avez donné une autre perspective sur le nord et nous vous en sommes reconnaissants.
Nous allons faire une pause de quelques minutes pendant que notre témoin suivant prend place.
La présidente: La séance est ouverte.
Bienvenue, monsieur le ministre. Nous sommes heureux de vous avoir avec nous. J'ai déjà lu votre mémoire et j'approuve votre premier paragraphe. Maintenant que nous sommes ici, il serait très agréable de sortir de Yellowknife et d'Iqaluit. Nous avons beaucoup à apprendre et nous sommes heureux que vous soyez là pour nous faire découvrir certaines choses.
Je voudrais également ajouter qu'il me paraît intéressant de confier au même ministre la justice et les services sociaux. Ce n'est pas une mauvaise idée.
L'hon. Kelvin Ng (Ministre de la justice et ministre des services sociaux des Territoires du Nord-Ouest): Merci, madame la présidente et les membres du comité. Je vous souhaite la bienvenue à Yellowknife et je suis très heureux que vous ayez pu venir ici.
Comme vous l'avez remarqué, j'aurais été encore plus heureux si vous aviez eu l'occasion de vous rendre dans des collectivités à l'extérieur de Yellowknife et d'Iqaluit. Vous avez déjà constaté qu'il existe certaines différences entre les collectivités, même entre les deux que vous avez visitées aujourd'hui.
C'est pourquoi je vous invite à ne pas oublier, pendant que vous écoutez les témoins ce matin, que Yellowknife vous paraît peut-être être le vrai nord mais cette ville n'est vraiment pas représentative d'un bon nombre de nos petites collectivités. Je crois que l'on peut affirmer que Yellowknife ressemble davantage aux villes du sud qu'à la plupart des collectivités du nord.
Il me paraît important de mentionner un certain nombre de faits concernant le nord pour replacer la discussion dans son contexte.
La population des T.N.-O. est de loin la plus jeune du Canada. C'est ce qui explique toutes les questions qui touchent les jeunes revêtent ici une grande importance, en particulier, compte tenu du fait que ce sont les jeunes qui commettent la majorité des infractions.
Les Territoires du Nord-Ouest ont malheureusement le taux de criminalité violente le plus élevé au Canada. Ce taux a augmenté de façon dramatique au cours des années 1980 et s'est stabilisé depuis quelques années. Néanmoins, le taux des crimes violents est, à l'heure actuelle, cinq ou six fois supérieur à la moyenne nationale.
J'aimerais vous décrire rapidement les ressources et les établissements que nous utilisons dans les T.N.-O. pour les jeunes contrevenants.
Il existe toute une gamme d'établissements. Il y a les centres pour les jeunes contrevenants de Hay River et de Fort Smith dans l'Arctique de l'Ouest et celui d'Iqaluit au Nunavut. Je crois savoir que vous avez eu l'occasion de visiter ce centre-là. Ces trois centres sont des lieux de garde en milieu ouvert et en milieu fermé pour les jeunes et on y détient également les jeunes qui attendent leur procès ou leur peine. Ces centres sont tous de taille assez petite. Ils peuvent héberger au total 43 jeunes contrevenants.
Tous ces centres ont pour objectif de faciliter l'accès aux programmes pour les jeunes. En particulier, nous nous efforçons d'offrir aux jeunes détenus des activités culturellement pertinentes. En outre, nous avons des établissements de garde en milieu ouvert qui fonctionnent comme une famille d'accueil ou avec le personnel habituel. Je crois savoir que vous allez visiter plus tard aujourd'hui l'établissement de garde en milieu ouvert qui se trouve à Yellowknife.
Nous avons également mis en place un réseau de foyers d'accueil où des familles fournissent un ou deux lits à des jeunes contrevenants à qui un environnement familial convient.
Enfin, il y a les camps de nature où les jeunes contrevenants se rendent avec des personnes d'expérience qui leur expliquent les connaissances traditionnelles en matière de chasse, de trappage, de pêche et d'une façon plus générale, pour apprendre à vivre des produits de la nature. Nus essayons de placer les jeunes contrevenants dans des camps qui sont situés dans leur région d'origine.
Comme vous pouvez le constater, cette large gamme d'établissements nous offre une certaine souplesse lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins particuliers des jeunes contrevenants.
L'intervention auprès des jeunes contrevenants constitue pour nous un moyen d'interrompre un processus qui, sans cela, verrait ces jeunes traduits devant les tribunaux criminels pour adultes et finalement, incarcérés dans les prisons pour adultes. Nous pensons en outre, qu'il est important d'adapter notre intervention aux besoins individuels du jeune parce que cela augmente d'autant la probabilité que cela entraîne un changement positif dans sa vie.
Je sais que le gouvernement fédéral est à la recherche d'un mécanisme qui lui permettrait de réduire l'appui financier accordé au placement sous garde pour le redéployer sur les programmes de déjudiciarisation. Nous sommes favorables à la mise en place de mesures de rechange au placement sous garde mais nous estimons qu'il est important de reconnaître que les établissements pour jeunes contrevenants ont encore leur place.
La Loi sur les jeunes contrevenants autorise l'incarcération des jeunes contrevenants. Les juges utilisent ce type de décision lorsque, d'après eux, les circonstances s'y prêtent. Les programmes offerts par certains établissements sont parfois ceux qui conviennent le mieux à certains contrevenants. Nous avons l'intention de continuer à utiliser ce genre d'établissements, tant que cela sera nécessaire.
Cela m'amène à un autre sujet important. Le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est très favorable à la mise en oeuvre de mesures de rechange qui s'appliqueraient à tous les adolescents qui ont des démêlés avec la loi. Je crois que ces mesures de rechange bénéficient d'un large appui, tant de la part des personnes qui oeuvrent dans le domaine de la justice que de celle de la population.
Les gens d'ici voient dans le processus de justice pénale un mécanisme rigide, sévère, contradictoire et d'une façon générale, très mal adapté à l'objectif poursuivi, à savoir apporter une solution à des problèmes de comportement. Je suis heureux de voir que nos collectivités travaillent à mettre en place des mesures de rechange.
Dans la plupart des collectivités des T.N.-O., il existe des comités de justice composés de personnes respectées dans la collectivité et qui s'intéressent à ces questions. La plupart de ces comités ont été officiellement créés à titre de comités de justice pour la jeunesse aux termes de la Loi sur les jeunes contrevenants.
Ces comités de justice travaillent avec l'adolescent, avec sa famille, avec la victime et avec les personnes-ressources qui vivent dans la collectivité. Ils utilisent les ressources et les talents créateurs de la collectivité pour mettre au point un plan d'action adapté à l'adolescent concerné.
La plupart de nos comités de justice adoptent une approche réparatrice à la déjudiciarisation des jeunes contrevenants. Cette approche est en fait plus proche des valeurs et des pratiques autochtones que le système officiel de justice pénale, qui est particulièrement répressif.
Ces comités se sont bien souvent révélés beaucoup plus efficaces que le système officiel de justice pour ce qui est de régler les problèmes de comportement des jeunes. En outre, du point de vue du système de justice, ce mécanisme est certainement beaucoup moins coûteux. Dans de nombreuses collectivités, les comités de la justice ont décidé d'étendre aux adultes la déjudiciarisation. Cela s'explique en partie par les excellents résultats obtenus avec les jeunes. En outre, certains estiment que la distinction qu'opère le système de justice officiel entre les contrevenants «adultes» et les «jeunes» contrevenants est quelque peu arbitraire.
L'ampleur de la criminalité, en particulier de la criminalité violente, préoccupe beaucoup notre gouvernement. J'estime qu'il faut replacer ces forts taux de criminalité dans un contexte social plus large. Figurent dans ce contexte social des taux de suicide élevés, des problèmes graves et généralisés de toxicomanie, une perte de la culture et des connaissances traditionnelles, des possibilités d'emploi limitées et ainsi de suite. C'est à cause de ces réalités que notre gouvernement a fait du bien-être des collectivités une de ses grandes priorités.
Comme certains de vous le savent, j'assume également les responsabilités de ministre de la Santé et des Services sociaux pour notre gouvernement. À ce titre, je suis décidé à renforcer l'intégration des initiatives que prennent les divers ministères pour lutter contre l'ensemble des problèmes auxquels nous faisons face. Nous pensons que nous pourrons y parvenir en encourageant et en appuyant les collectivités à mettre sur pied des solutions communautaires et locales à ces problèmes.
Le ministère de la Justice a déployé 10 travailleurs judiciaires communautaires dans les territoires. Ils font fonction de facilitateurs en développement communautaire. Ces personnes bénéficient de la collaboration de la police, des poursuivants et des autres intervenants pour mettre en place des mesures de rechange communautaires. Nous estimons que cette approche au bien-être communautaire par le développement communautaire est fort prometteuse. Elle est certainement plus prometteuse qu'un ratissage plus large qui aurait pour effet d'augmenter le nombre des jeunes traduits devant les tribunaux judiciaires officiels.
En résumé, mesdames et messieurs, nous avons, je crois, la possibilité de faire les choses différemment ici. Nous sommes en train d'obtenir des résultats très encourageants grâce à ces possibilités. Il nous faut être ouvert à cette évolution et nous avons besoin d'une certaine souplesse pour être en mesure de renforcer et d'encourager cette action.
Merci, madame la présidente et les membres du comité. J'ai essayé de résumer le plus possible mes commentaires et je serai heureux de répondre à vos questions.
J'espère que vous allez aimer le reste de votre séjour à Yellowknife et dans les Territoires du Nord-Ouest.
La présidente: Merci, monsieur le ministre Ng.
Monsieur St-Laurent, vous avez 10 minutes.
[Français]
M. St-Laurent: Vous nous avez fait un énoncé très intéressant sur l'approche que vous préconisez. J'ai aimé votre approche, particulièrement en ce qui a trait aux mesures de rechange à l'incarcération auxquelles vous semblez consacrer énormément d'énergie. Il est très intéressant de voir que vous avez une conviction vraiment profonde à ce sujet.
J'ai posé une question tout à l'heure sur des statistiques qui nous aideraient à comparer le degré d'efficacité, si c'est possible, de ce qui se fait plus au sud par rapport à ce qui se fait chez vous. Il ne nous est pas souvent donné d'avoir des données statistiques sur une approche moins traditionnelle, et je pense que cela pourrait nous être utile.
[Traduction]
M. Ng: Madame la présidente, je n'ai pas ces chiffres avec moi mais je les communiquerai au comité. J'aimerais demander au député de préciser sa question au sujet de l'efficacité et ce qu'il entend par cela.
[Français]
M. St-Laurent: Oui, bien sûr. Je ne demande pas des données extrêmement précises. On pourrait voir cela de façon assez large, notamment en ce qui concerne le taux de récidive comparatif. Au niveau de l'emprisonnement adulte, le taux de récidive après l'emprisonnement traditionnel est évalué, selon Statistique Canada, à environ 30 p. 100.
Je ne suis cependant pas d'accord sur les bases à partir desquelles ces études sont réalisées, parce qu'on calcule le taux de récidive adulte après l'emprisonnement à partir d'une donnée selon laquelle un individu qui n'a pas récidivé dans les six mois qui suivent sa libération conditionnelle ne fait plus partie des statistiques de récidive. S'il commet un vol de banque sept mois après sa période d'incarcération, il sera considéré, selon Statistique Canada, comme un nouveau venu dans le système alors qu'il ne sera pas un nouveau venu selon le tribunal, naturellement.
Je ne suis donc pas vraiment d'accord sur ça. Selon mon expérience personnelle, et beaucoup de gens peuvent nous le confirmer, le vrai taux de récidive actuellement, au pays, est d'un peu plus de80 p. 100. Si quelqu'un est allé en prison une fois dans sa vie, il y retournera à un moment donné et sera donc un récidiviste. Je ne parle pas d'un écart de 20 ans, mais d'une période raisonnable.
Je trouve que votre approche quasi holistique est très intéressante. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur, une donnée approximative à ce niveau?
[Traduction]
M. Ng: Je n'ai pas de données précises avec moi mais d'après ce que je sais des personnes de ma circonscription qui sont passées dans le système, je crois que l'on peut dire que le taux de récidive et de retour dans nos centres correctionnels est assez élevé.
Je crois que, dans notre cas, le problème s'explique davantage par les raisons qui les ont amenés là au départ. Dans leurs propres collectivités, ces personnes font face à des taux de chômage élevés, aux pressions exercées par leurs pairs, à des problèmes sociaux, ils ont peut-être du mal à établir des relations interpersonnelles et cela les amène à récidiver. Cela est regrettable mais ils connaissent mieux l'environnement structuré que leur offrent nos établissements et ils s'y sentent plus à l'aise. Lorsqu'ils sont incarcérés dans ces établissements et qu'ils ont établi leur position parmi leurs pairs au sein du système correctionnel, ils ont tendance à y revenir dès que l'occasion se présente.
C'est un aspect important - et regrettable - de la situation actuelle. C'est pourquoi nous travaillons activement à mettre sur pied des mesures de rechange pour les jeunes contrevenants pour qu'ils ne se retrouvent dans un milieu de type institutionnel. C'est un programme assez récent pour nous. Nous n'avons pas encore pu consacrer aux programmes de mesures de rechange autant d'efforts que nous aurions voulu.
J'aimerais également vous mentionner que je n'occupe pas le poste de ministre de la Justice depuis très longtemps. J'occupe ce poste depuis environ six mois et il s'agit là d'une direction assez nouvelle, pas seulement pour moi, mais pour notre Cabinet. Nous allons tenter de faire davantage dans le domaine des mesures de rechange pour l'avenir immédiat et d'en faire encore davantage au cours des prochaines années.
[Français]
M. St-Laurent: Si le gouvernement du Canada devait changer la loi à cet égard, dans quel sens les changements devraient-ils aller, à votre avis? Je précise ma question. Est-ce que vous préféreriez que la loi ait des dents et encourage des incarcérations plus nombreuses? On parle là de mesures extrêmes et ce n'est naturellement pas mon opinion. Pour considérer l'autre versant de la chose, préféreriez-vous que la loi contienne des mesures davantage axées vers une approche un peu plus holistique? Dans quel sens aimeriez-vous que la loi soit orientée pour faciliter votre travail en tant que ministre?
[Traduction]
M. Ng: Dans les Territoires du Nord-Ouest, nous aurions tendance à privilégier la flexibilité pour pouvoir, nous l'espérons, mieux répondre aux problèmes que posent nos jeunes contrevenants. Je ne suis pas favorable à ce que l'on ajoute des peines corporelles ou d'autres mesures punitives. Cela risque tout au plus d'aggraver les problèmes que nous avons avec nos jeunes contrevenants.
[Français]
M. St-Laurent: J'ai terminé. Je vous remercie beaucoup.
La présidente: Merci, monsieur St-Laurent. Monsieur Ramsay.
[Traduction]
M. Ramsay: Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur le ministre Ng de nous avoir présenté cet exposé ce matin.
Étant donné que vous êtes ministre de la Justice, j'aimerais vous poser la question suivante. En 1984, lorsque nous sommes passés de la Loi sur les jeunes délinquants à la Loi sur les jeunes contrevenants, nous avons, ou plutôt le gouvernement fédéral, a dépénalisé tous les actes de violence commis par des jeunes de moins de 12 ans. Avec cette nouvelle loi, les autorités, vous y compris, ne peuvent prendre aucune mesure contre une personne qui a commis un acte violent, qu'il s'agisse d'un viol, d'un meurtre ou d'une tentative de meurtre, ou même d'une infraction contre les biens - introduction par effraction, vol, vandalisme et ainsi de suite - actes qui, dans certains cas, sont tout aussi traumatisants pour le propriétaire qu'une agression physique. Les pouvoirs que peuvent exercer les provinces à l'égard de ces enfants ne viennent pas du système de justice pénale; ils proviennent de leurs compétences en matière d'aide sociale.
Un témoin nous a déclaré, il y a deux semaines, qu'il faudrait peut-être faire passer l'âge limite de 12 à 14 ans. Que pensez-vous de la dépénalisation de ce qui serait autrement des infractions pénales, s'il n'y avait pas la limite placée par la Loi sur les jeunes contrevenants?
M. Ng: Madame la présidente, je vous livre mon opinion personnelle mais cette décision nous a probablement causé davantage de problèmes parce qu'il y a beaucoup de jeunes contrevenants qui savent qu'avec la nouvelle loi, on ne peut pas leur faire grand-chose. Je crois qu'il est possible d'affirmer que c'est une question délicate, tant pour le public que pour mes collègues du Cabinet. D'un côté, il y a les gens qui disent qu'il faut être plus sévère à l'endroit des jeunes contrevenants qui commettent des infractions violentes. De l'autre, il y a ceux qui affirment que c'est parce que ces jeunes contrevenants ont ces problèmes qu'ils se retrouvent dans des situations où ils commettent des actes de violence.
On pourrait certes examiner les mesures que l'on pourrait prendre à l'égard des jeunes contrevenants qui commettent des infractions particulièrement graves pour les amener à rendre compte de leurs actes. Mais là encore, les circonstances jouent un grand rôle.
M. Ramsay: Je vous remercie beaucoup pour cette réponse.
Bien entendu, avec l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants, il y avait toujours la possibilité d'ordonner un traitement mais le pouvoir de faire enquête à l'égard d'une infraction violente, d'une introduction pour infraction ou d'une infraction contre les biens découlait des compétences en matière de justice pénale. Certains suggèrent que nous devrions revenir à cette situation, au moins jusqu'à l'âge de 10 ans, pour que le système judiciaire puisse intervenir dans le cas d'actes violents tout en n'empêchant pas les autorités de répondre par un traitement aux besoins de l'adolescent. Cela se ferait de façon à protéger l'intérêt de la société ainsi que celui de l'adolescent.
J'aimerais également demander votre avis - et il me reste à peu près cinq minutes - au sujet de la communication de renseignements. Mes collègues d'en face qui ne sont pas favorables à l'idée de communiquer intégralement les renseignements concernant les récidivistes violents posent toujours la question sans donner les motifs sur lesquels repose cette proposition. Je vais donc vous poser la question en vous fournissant ces motifs. Cela est simple. Nous avons quatre enfants...
La présidente: Je vous signale qu'il vous reste cinq minutes.
M. Ramsay: Merci, et ce ne sera pas de trop.
Les motifs sont les suivants. Les parents - et je suis un parent - ont besoin de tous les renseignements qu'ils peuvent avoir pour protéger leurs enfants, notamment pour les empêcher de fréquenter des personnes qui font le trafic des drogues ou exercent des activités criminelles. S'il y a un récidiviste violent ou un trafiquant de drogues dans mon quartier, et que je ne le sais pas, je ne dispose pas des renseignements qui me permettraient de prendre certaines mesures pour protéger mes enfants.
Que pensez-vous de cela?
Lorsque je parle de communication des renseignements, je ne parle pas de publier l'identité d'un jeune qui a commis une première infraction ou une infraction mineure. Je parle de ces individus, de ces jeunes, qui inciteraient mes enfants à exercer des activités criminelles s'ils commençaient à les fréquenter ou qui du moins leur feraient courir un tel risque.
Que pensez-vous de cela, monsieur le ministre Ng?
M. Ng: Là encore, c'est une question délicate. Ce n'est pas un problème très grave dans les Territoires du Nord-Ouest parce que notre territoire et notre population ne sont pas très grands. En général, lorsque quelqu'un commet une infraction violente, tout le monde sait ce qui s'est passé et on apprend rapidement qui a fait le coup. De sorte que, pour ce qui est des individus qui risquent de commettre des infractions violentes, les gens de la collectivité savent en général qui ils sont.
Il est vrai que dans les municipalités plus importantes - et Yellowknife est peut-être la seule où cela pourrait s'appliquer - là encore je dirais selon la situation de l'individu et du genre d'infraction violente qui a été commise, ce serait quelque chose à envisager.
M. Ramsay: Merci.
La présidente: Merci, monsieur Ramsay.
Monsieur Maloney.
M. Maloney (Erie): Monsieur Ng, vous avez mentionné que l'établissement à 12 ans de la limite d'âge vous avait parfois causé des problèmes. Êtes-vous favorable à un abaissement de la limite d'âge et dans ce cas, où la placeriez-vous? Pensez-vous que nous devrions pouvoir dans certains cas aller en dessous de 12 ans ou que cela devrait être toujours possible? Que pensez-vous de cela?
M. Ng: Là encore, je dirais que cela dépend des circonstances mais il faudrait décrire avec précision les types d'infractions très graves - avant de pouvoir prendre cela en considération.
M. Maloney: Et la capacité de discerner le bien du mal et celle de retenir les services d'un avocat? Sont-ce là des questions qui vous préoccupent?
M. Ng: Là encore, je dirais que cela dépend de l'individu, de son âge, pour déterminer si cette personne savait ce qu'elle faisait ou non.
M. Maloney: Pensez-vous que votre gouvernement va tenter d'intégrer de plus en plus étroitement le système de justice pour les jeunes avec ceux de la santé mentale, de l'aide sociale et de la protection de l'enfance? Vous, vous portez les deux titres. Pensez-vous que cette initiative va s'étendre?
M. Ng: Si j'ai été chargé de ces deux ministères au sein de notre gouvernement, c'est effectivement pour essayer d'introduire davantage de coordination et de cohérence dans la façon dont nous nous occupons de la protection de l'enfance et des jeunes dans l'ensemble des territoires.
Nous allons même plus loin et essayons de transférer une bonne partie de ces responsabilités au niveau communautaire pour que les membres des collectivités - et non pas simplement notre propre personnel qui travaille avec les dirigeants et les organismes communautaires - essaient de renforcer eux aussi cette coordination et cette cohérence.
M. Maloney: Les camps de nature sont-ils un type de peine qui peut être imposé aux jeunes? Les jeunes à risque sont-ils envoyés dans les camps de nature?
M. Ng: Oui, c'est le cas.
M. Maloney: S'agit-il de peine ou est-ce qu'un enfant ayant besoin de protection peut également y être envoyé? Est-ce l'un ou l'autre ou les deux?
M. Ng: À l'heure actuelle, il s'agit d'une peine.
Est-ce bien cela?
Désolé, il faudrait que je vérifie avec mes assistants.
La présidente: [Inaudible]... dans le sud-ouest de l'Ontario, je note. Il y a plusieurs d'entre nous qui viennent du sud-ouest de l'Ontario.
M. Ng: De toute façon, nous espérons mettre sur pied certaines initiatives d'intervention précoce en même temps que d'autres programmes que nous finançons actuellement.
M. Maloney: Pour ce qui est des adultes, le gouvernement fédéral a examiné la possibilité de faire déclarer certains contrevenants des délinquants à long terme. Cela permettrait de surveiller ces délinquants une fois qu'ils ont purgé leur peine de prison ou achevé leur période de libération conditionnelle. Pensez-vous qu'un tel mécanisme pourrait s'appliquer au système de la justice pour les jeunes?
M. Ng: Là encore, étant donné la taille de nos collectivités, je dirais que cela se produit déjà, mais pas de façon structurée. Je ne pense pas que cela causerait beaucoup de problème. La seule préoccupation que j'aurais est le manque de ressources car il faudrait confier des tâches supplémentaires aux membres de la collectivité et à notre personnel. Il semble en effet qu'un tel mécanisme entraînerait un accroissement des responsabilités en matière de surveillance.
M. Maloney: Il y a une autre idée dont on parle beaucoup au sujet des jeunes contrevenants, c'est celle de la responsabilité des parents. Est-ce une idée qui pourrait s'appliquer dans ce ici? Si c'est le cas, pensez-vous que cela pourrait donner des résultats?
M. Ng: Oui. Je pense que c'est une chose qui nous paraît importante et nous essayons de renforcer cette composante dans les programmes qui existent actuellement. Il est évident que les parents doivent accepter une bonne part de responsabilité pour les actions de leurs enfants. Il s'agit de trouver le moyen, dans le cadre des programmes existants, de sensibiliser davantage les parents à leurs responsabilités. C'est là la principale question pour nous.
M. Maloney: Comment pensez-vous que cela pourrait fonctionner? Obligeriez-vous les parents à suivre des services de counselling, dans le cas où le milieu familial est défaillant?
M. Ng: Oui, je crois qu'il faudrait que les parents assument les actes de leurs enfants et essaient de participer à l'élaboration d'une solution. C'est ce que l'on pourrait tenter de faire au cours des premières interventions lorsqu'ils commencent à manifester certains problèmes. Nous aimerions qu'ils participent aux séances de counselling et à la mise en oeuvre des recommandations visant à corriger certains problèmes, ce qui, nous l'espérons, pourrait réduire les problèmes à l'avenir dans ce domaine.
M. Maloney: Merci.
Je n'ai pas d'autres questions, madame la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Maloney.
Madame Torsney, il nous reste encore quatre minutes environ.
Mme Torsney: Une des choses que nous ont dit les parents que nous avons rencontrés au centre qui s'occupait d'enfants de moins de 12 ans ayant de graves problèmes affectifs et de comportement était qu'ils étaient tout à fait prêts à assumer cette responsabilité mais qu'ils n'avaient pas les aptitudes nécessaires pour s'occuper de leurs enfants.
J'imagine que, dans certaines familles dont vous parlez, il n'est pas vraiment nécessaire d'adopter des dispositions dans le cadre de la Loi sur les jeunes contrevenants ou du Code criminel. Ce dont vous avez besoin, c'est d'un mécanisme d'intervention communautaire. Vous avez également besoin d'un mécanisme d'aide qui ne se contente pas d'imposer aux parents, par voie législative, une responsabilité qu'ils sont d'ailleurs tout à fait prêts à assumer mais qui leur offre également l'occasion de faire quelque chose d'utile une fois assumée cette responsabilité.
Vous faites certains commentaires, à la page 3, sur cette question et sur les gens qui soutiennent qu'ils sont à la recherche d'un mécanisme qui leur permettrait de réduire leur appui financier au placement sous garde pour l'affecter à la déjudiciarisation. Cela s'explique, semble-t-il, parce que, dans certaines provinces et territoires, chaque fois que nous proposons une approche plus répressive ou plus juridique, les gouvernements attendent. Ils ne se servent pas des fonds consacrés aux services sociaux et ils ne s'occupent pas d'intervention précoce. Ils attendent qu'il y ait une victime. Ils attendent que l'enfant ait commis une infraction et ils décident alors de placer l'enfant sous garde. Cela ne répond pas au problème et victimise davantage nos collectivités.
De sorte que, de la même façon, certaines personnes soutiendraient que si vous imposez, par voie législative, une responsabilité aux parents ou si vous modifiez le Code criminel ou une autre loi, cela susciterait plutôt une intervention répressive qu'une intervention axée sur l'aide communautaire. Quelle serait votre réaction ici, où il semble exister davantage de possibilités d'intégrer l'action de vos deux ministères, au lieu de disperser cette responsabilité entre plusieurs services?
M. Ng: Je crois que vous avez raison. Cela consisterait à travailler avec les parents pour développer leurs aptitudes dans ce domaine. Comme je l'ai indiqué plus haut, je crois qu'en aménageant la participation des parents et de la collectivité locale - ce sont les organismes communautaires qui connaissent le mieux les clients, si on peut les appeler ainsi - nous pourrions leur donner la possibilité de travailler en collaboration étroite avec nous.
Je crois que vous avez également parlé d'essayer de faire participer les gens avant que le problème ne soit trop grave. Vous avez parlé d'intervention précoce dans les cas où l'on pense qu'il risque d'y avoir des problèmes. C'est une chose à laquelle nous nous intéressons beaucoup. Il ne s'agit pas d'intervenir uniquement un peu avant l'âge où ils commencent à commettre des infractions ou d'examiner la possibilité qu'ils en commettent. Nous essayons de supprimer certains obstacles qui se posent à eux, avant même qu'ils ne fréquentent l'école. Il s'agit par une intervention précoce d'aider les enfants à acquérir des techniques de gestion de la colère et peut-être à les aider à surmonter un manque d'aptitude scolaire qui s'explique par leur éducation ou peut-être par d'autres problèmes comme le syndrome alcoolique foetal ou l'EAF. Cela devrait se faire avant qu'ils ne commencent à fréquenter l'école et avant que d'autres problèmes plus graves n'apparaissent.
Mme Torsney: L'autre question qui a été soulevée ce matin et que vous avez peut-être entendue découle du fait qu'il y a beaucoup d'enfants qui sont agressés physiquement ou sexuellement dans leur famille, et il semble difficile d'appliquer les dispositions actuelles et de porter des accusations contre les parents à cause des problèmes de témoignage ou de problèmes de preuve. Travaillez-vous sur ce sujet? Avez-vous entendu le témoignage du groupe qui vous a précédé? Je ne suis pas sûre que vous vous trouviez déjà dans la salle.
M. Ng: Je suis désolé, je n'étais pas là. Je suis entré dans la salle vers la fin de leur exposé.
Mme Torsney: Ils disaient qu'ils renvoyaient dans leur famille des enfants qui utilisaient des solvants en sachant que ces enfants seraient maltraités. Dans certains cas, la police faisait enquête mais ne pouvait porter des accusations. Ils ont parlé d'enfants qui avaient été agressés physiquement ou sexuellement chez eux mais sans que personne ne puisse faire quoi que ce soit pour eux. La loi ne leur offrait aucun secours et on a renvoyé ces enfants dans des familles où il existait ce genre de problème.
Nous pourrions peut-être vous remettre une copie de ce témoignage. C'est un problème qui fait manifestement appel à vos deux catégories de responsabilités. Ces enfants vont continuer à souffrir de ces problèmes. Il s'agit là de problèmes sociaux qui se combinent aux problèmes juridiques que pose la preuve et ce genre de chose. Si les parents continuent à commettre des crimes sur leurs enfants, il faudrait trouver le moyen de faire quelque chose.
M. Ng: Je crois être tout à fait d'accord avec vous là-dessus. Il suffit probablement de trouver le mécanisme juridique approprié.
Mme Torsney: Merci.
La présidente: Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup d'être venu. Nous avons invité tous les procureurs généraux parce que nous savons que nos recommandations auront des répercussions importantes, non seulement sur votre budget mais également sur vos collectivités et sur votre territoire. Nous vous remercions beaucoup. Cela a été très utile. J'espère que vous êtes d'accord avec moi. Merci de nous avoir souhaité la bienvenue dans les Territoires du Nord-Ouest.
M. Ng: Merci beaucoup.
La présidente: Nous sommes de retour. Nous avons deux témoins qui vont partager leur temps. Eileen Fitzpatrick représente la Société John Howard des Territoires du Nord-Ouest et Jennifer Bowen souhaite nous communiquer, à titre personnel, certaines expériences qu'elle a vécues qui pourraient nous être utiles.
Eileen, je crois que vous allez passer en premier.
Mme Eileen Fitzpatrick (directrice exécutive, Société John Howard): Oui. J'aimerais tout d'abord parler de l'avis qui m'a été donné de cette audience et du délai. Je ne suis rentré à Yellowknife qu'hier. Je n'ai pas préparé d'exposé mais c'est un sujet qui est très important. La prochaine fois que vous faites quelque chose comme celle-ci, j'aimerais beaucoup que vous me donniez davantage de temps.
J'ai entendu d'excellentes choses ici aujourd'hui. J'ai entendu d'excellentes choses de la part du ministre. Je viens d'assister à une réunion du Conseil de la prévention du crime à Ottawa. Nous avons parlé de l'éducation des tout-petits, de la nécessité de détecter les enfants en danger, les enfants de trois à cinq ans qui commencent à cet âge-là à développer leurs attitudes sociales, leurs techniques de gestion de la colère et leur estime de soi. Ils ont parlé de signaler ces enfants, de les placer dans des programmes préscolaires de bonne qualité, de travailler avec les familles, de leur apprendre comment s'occuper de leurs enfants, de faire toutes ces bonnes choses.
Ce qui se passe à l'heure actuelle c'est que tout le monde parle de l'incarcération après coup. Nos enfants sont notre avenir. Il n'y a pas que les parents qui aient des responsabilités envers les enfants, la collectivité en a aussi. La collectivité doit assumer ces responsabilités lorsque les parents ne peuvent le faire.
Dans le nord, nous avons beaucoup de chance parce que le gouvernement tient compte de ces éléments. À l'heure actuelle, la Société John Howard administre un programme de justice communautaire. Nous avons 38 bénévoles qui font partie du comité de justice et qui écoutent les jeunes et les adultes qui ont été déjudiciarisés. Ces derniers s'assoient à côté des victimes. Le contrevenant voit la victime et s'aperçoit que la victime de son introduction par infraction ou d'une autre infraction a un visage.
Nous avons constaté que cette approche donne de très bons résultats. Nous pourrions bien sûr enfermer tous ces gens et en faire de meilleurs criminels. On les envoie dans notre système correctionnel et les programmes de qualité dont ces gens auraient besoin pour réussir à l'extérieur n'existent pas. Au moins lorsque le contrevenant participe à un programme de déjudiciarisation mis sur pied par la collectivité, il constate que celle-ci assume ses responsabilités. Cela modifie complètement son attitude.
Je crois qu'il faut tenir compte de l'aspect que je mentionne. Vous pouvez modifier la Loi sur les jeunes contrevenants tant que vous voudrez mais cela ne réglera pas le vrai problème. Vous voulez légiférer sur tout. Ne savons-nous pas encore que cela n'est pas possible? Vous pouvez essayer mais cela ne donnera rien. Ce qu'il faut c'est travailler avec la collectivité, laisser la collectivité régler ses propres problèmes.
Nous avons des personnes qui ont le syndrome de l'alcoolisme foetal et souffrent des effets de l'alcoolisme foetal. Il y a des détenus qui ont le syndrome d'alcoolisme foetal. Nous avons des détenus qui ont abusé des solvants et qui ont des lésions cérébrales. Nous sommes en train de mettre en prison nos malades. Qu'est-ce que cela veut dire?
Nous avons besoin de réseaux d'appui. Nous devons suivre les jeunes contrevenants une fois qu'ils sont libérés. Il faut qu'ils sachent qu'ils peuvent avoir de l'appui, une fois libérés. Nous n'avons pas besoin de gens qui vont s'enfoncer dans leur fauteuil et les pointer du doigt ou de médias qui disent à leurs lecteurs «un autre jeune contrevenant est pris». Il nous faut offrir des choses positives à ces jeunes.
À Yellowknife, il y a des enfants qui dorment dans des cages d'escalier par 35 degrés. Nous n'avons même pas de centre de dépannage pour ces jeunes. Ces jeunes ne peuvent rentrer chez eux parce que leurs parents boivent ou parce qu'on le leur interdit. Cela en dit long sur notre collectivité quand il y a des enfants qui dorment dans les cages d'escalier par moins 35. Il nous faut faire quelque chose. La collectivité a une responsabilité à assumer.
Il y a aussi l'éducation du public. Nous ne voyons que les côtés négatifs de notre jeunesse. Il y a aussi beaucoup de choses positives chez nos jeunes. Il y a beaucoup d'enfants qui ont commis une erreur et ont eu des problèmes mais qui se sont repris en main. Mais on se méfie encore d'eux. Il faudrait que nos écoles accueillent mieux ces enfants. C'est comme cela que l'on fait changer les choses.
C'est à peu près tout ce que j'ai à dire.
La présidente: Merci, Eileen.
Avez-vous des questions pour Mme Fitzpatrick, monsieur St-Laurent?
[Français]
M. St-Laurent: Oui, absolument, mais je pensais que les deux personnes feraient un exposé. Ce n'est pas le cas, madame la présidente?
[Traduction]
La présidente: Oui c'est ce qu'elles vont faire mais ces deux exposés n'ont pas grand rapport entre eux et je voulais profiter de Mme Fitzpatrick d'abord. Excusez-moi, je me suis mal exprimé.
[Français]
M. St-Laurent: Quel est, selon vous, l'âge minimum? Dans votre présentation, vous dites qu'il serait bon que la collectivité puisse se substituer en partie au système judiciaire. Je pense que la communauté ne peut pas faire face à un délit trop grave, que le système judiciaire serait seul habilité à traiter. Quel est donc, selon vous, l'âge minimum auquel un jeune contrevenant serait autorisé à comparaître devant un tribunal? Actuellement, c'est 12 ans ou quelque chose comme cela.
[Traduction]
Mme Fitzpatrick: L'âge minimum est de 12 ans. Oui, il y a des cas où le système judiciaire doit intervenir lorsque la collectivité n'est pas en mesure de s'occuper d'un client. À l'heure actuelle, je n'ai rien contre le fait que cet âge soit fixé à 12 ans mais j'aimerais que les tribunaux soient davantage sensibilisés à ces personnes, à leurs antécédents, à leur culture, et aux raisons qui expliquent pourquoi ils se retrouvent devant les tribunaux pénaux. J'aimerais que les tribunaux et le système de justice connaissent mieux les clients dont ils s'occupent et les problèmes de ces derniers.
[Français]
M. St-Laurent: Dans vos recherches et votre travail, vous avez sûrement dû analyser d'autres approches, comme l'approche holistique que vous préconisez, qui serait basée sur un règlement du délit par la communauté. Quelles sont vos données? Personnellement, j'ai besoin d'avoir des données statistiques. Qu'est-ce que vous pouvez me donner ce matin?
[Traduction]
Mme Fitzpatrick: Je ne suis pas en mesure de le faire mais je vous remettrai un document dans lequel je vous fournirai des données statistiques.
Nous avons des programmes de travaux compensatoires et de services communautaires. Je me trompe peut-être sur les chiffres mais je crois que l'année dernière la valeur des services que nos clients ont fournis à cette collectivité étaient supérieurs à 15 000 $. Ils ont remboursé ce montant en heures de travail. Non c'est beaucoup plus que ça. Je n'arrive pas à m'en souvenir mais je vous donnerai ces chiffres.
Nos programmes - services communautaires et travaux compensatoires - consistent principalement à amener les contrevenants à rendre à la collectivité ce qu'ils leur ont pris. Nous faisons travailler ces gens pour des organismes à but non lucratif x nombre d'heures, selon ce qu'exige leur amende ou leur service communautaire. Je peux vous fournir ces chiffres parce que nous avons fait une analyse coûts-avantages de ce programme pour le gouvernement.
C'est la même chose pour notre programme de déjudiciarisation. Il comporte un élément de service communautaire. Nous n'y avons pas recours très souvent mais lorsque la victime participe à la déjudiciarisation et qu'elle souhaiterait que le contrevenant fasse des travaux pour elle, cela se fait.
Pour ce qui est des statistiques, j'irai les chercher et je vous les remettrai.
[Français]
M. St-Laurent: Je ne suis pas un fou des statistiques, mais je dois reconnaître que j'aime bien consulter les données statistiques. C'est surtout au niveau de la récidive que cela m'intéresse. Je suis pratiquement certain que l'approche que vous préconisez donne de bien meilleurs résultats, mais il faut avoir en main quelques données concernant le taux de réussite pour pouvoir convaincre les gens du bien-fondé de cette approche.
Je suis convaincu qu'au niveau de la récidive, cette approche ne peut pas être pire que le système que nous avons à l'heure actuelle. Mais à travers tout ça, il est tout de même bien entendu que notre but principal est de protéger la population, les honnêtes gens comme on dit.
Comment voyez-vous le rôle des parents dans votre intervention? Si on veut faire une espèce de programme à partir de la prise en charge du jeune contrevenant, à quel moment doit-on intégrer les parents dans le suivi? J'imagine bien que vous ne le faites pas au début du processus, mais à quel moment pouvez-vous laisser l'enfant entre les mains des parents, si ceux-ci sont consentants? Est-ce que vous pourriez nous donner un programme sommaire?
[Traduction]
Mme Fitzpatrick: Personnellement, je préfère que les parents du jeune contrevenant participent dès le premier jour où celui-ci a été pris. La plupart des clients qui viennent dans mon bureau ont des parents qui soit ne savent pas ce que ça veut dire qu'élever des enfants soit ont des problèmes de fonctionnement tellement graves qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe, ils ne comprennent pas la procédure ni quoi que ce soit d'autre. J'aimerais que l'on mette sur pied un mécanisme qui permette de détecter les jeunes contrevenants, de détecter les parents, de procéder à une sorte d'évaluation, d'offrir des services de counselling au jeune contrevenant, à la famille et aux frères et soeurs et de commencer à travailler avec toute la famille.
Je me rends devant un tribunal pour jeunes contrevenants le lundi après-midi et il n'y a pas plus de 5 p. 100 des enfants qui soient accompagnés par leurs parents. La majorité des enfants arrivent seuls. Je sais que si j'avais eu des problèmes avec la loi quand j'étais jeune, mon père et ma mère m'auraient accompagné au tribunal. Mais tout cela a bien changé.
Dans le cas des Autochtones, tout cela est si nouveau pour eux. Ce n'est pas leur façon de faire les choses. Ce processus les intimide beaucoup alors ils l'évitent.
Nous avons organisé un atelier d'alphabétisation il y a quelques années avec des intervenants de première ligne du système de justice. On oublie que l'anglais est une seconde langue ici; c'est une des huit langues autochtones qui est leur première langue. Je ne suis pas avocate et lorsque je me trouve au tribunal, je me demande parfois ce que se disent les avocats et les juges. Je peux m'imaginer ce que cela doit être pour un Autochtone qui entre dans cette salle, s'assoit et entend le juge et l'avocat parler en jargon juridique dans une langue qui n'est pas la sienne. Il y a de l'intimidation c'est indéniable. C'est aussi une façon anti-autochtone de faire les choses.
Il y a aussi les familles dysfonctionnelles qui sont incapables d'exercer quelque contrôle que ce soit sur leurs enfants, ou sur ce qui se passe. On ne va pas les écouter parce qu'elles n'ont pas suffisamment d'instruction ou qu'elles ont déjà eu de mauvaises expériences avec la GRC ou avec les tribunaux et elles ne viennent pas. Les enfants sont donc laissés à eux-mêmes.
C'est pourquoi j'aimerais beaucoup que l'on détecte dès l'âge de trois à cinq ans les enfants à risque et qu'on commence dès cet âge à travailler avec eux.
La présidente: Merci, M. St-Laurent.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: J'aimerais remercier les témoins d'être venus aujourd'hui et d'aider le comité grâce à leurs témoignages.
La province de Québec a adopté une loi sur la protection de la jeunesse. En vertu de cette loi, ils peuvent... il existe des ressources pour ce que vous proposez, c'est-à-dire le signalement et la prévention des problèmes des enfants qui ont l'âge dont vous avez parlé, de trois à cinq ans. Si nous ne choisissons pas cette direction et si nous ne consacrons pas à ce genre de programme une partie des 10 milliards de dollars qui se trouvent dans le système, et si nous n'encourageons pas les familles qui sont, en fin de compte, les premiers responsables de leurs enfants, si nous ne les aidons pas à leur porter secours, comme nous l'a dit le professeur Carrigan d'Halifax - je crois que c'est bien lui qui l'a dit - nous nous dirigeons vers un échec fracassant.
La seule donnée statistique que nous ayons entendue ici ce matin - et c'est une donnée fiable - est que le taux de criminalité violente dans le nord est de cinq à six fois supérieur à la moyenne nationale. Si la criminalité des jeunes découle d'un manque d'appui de la part des familles et...
Mme Fitzpatrick: Et de la collectivité.
M. Ramsay: D'accord. Nous pourrions parler de la collectivité mais la première responsabilité est celle de la famille, des parents. Cela veut-il dire qu'il y a cinq fois plus d'échecs dans les familles et les collectivités d'ici, qu'il y a cinq fois plus de familles et de collectivités dysfonctionnelles qui n'ont pas ce qu'il faut pour fournir à ces enfants l'appui affectif, spirituel et physique dont ils ont besoin? Est-ce bien là ce qu'indiquent les statistiques?
Mme Fitzpatrick: Je crois que vous comparez les statistiques de l'ensemble du Canada à celles du nord.
Lorsque vous prenez le cas des Autochtones - et je ne peux pas parler en leur nom - ils ont leur propre spiritualité, leur propre unité familiale et tout le reste. Je regarde les Inuit. Il y a 25 ans, c'était un peuple nomade traditionnel - et il y a encore des collectivités qui vivent de façon très traditionnelle. Tout d'un coup, les Blancs leur ont lancé à la tête toutes ces idées. Cela ne veut pas dire que toutes les idées des Blancs sont mauvaises mais on leur a imposé une culture complètement nouvelle qui étaient présentées comme étant la bonne façon de faire les choses.
Nous assistons à l'heure actuelle, d'après moi, à une réappropriation de leur culture par les collectivités qui possédaient des traditions très spirituelles et qui sont passées dans le monde de la pensée des Blancs et de leur façon de faire les choses. Ils s'aperçoivent que leur culture n'était pas si mauvaise que ça et qu'il n'y avait pas vraiment de raison de l'abandonner.
Cela s'explique parce qu'on a imposé la culture des Blancs aux Autochtones de façon brutale et je crois que ces statistiques sont peut-être exactes. Mais je pense que ces peuples vont finalement se réapproprier leur culture et cela va donner des collectivités beaucoup plus saines.
M. Ramsay: Le ministre de la Justice a témoigné ici il y a quelques instants. Son rôle consiste, bien entendu, à protéger la vie et les biens des citoyens qui se trouvent dans son territoire. Dans son exposé, il n'a pas dit que le taux de criminalité était cinq à six fois la moyenne nationale, il a parlé du taux de criminalité violente qui constitue un problème très grave pour lui. Comment peut-il arriver à protéger la vie et les biens des citoyens qui relèvent de lui?
Mme Fitzpatrick: Il pourrait peut-être y arriver en consacrant davantage de ressources aux collectivités pour que celles-ci aient les moyens d'aider les gens.
M. Ramsay: Pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?
Mme Fitzpatrick: Prenons le cas d'un détenu qui purge sa peine dans un centre correctionnel et qui rentre dans sa collectivité après avoir été en prison pendant deux ans moins un jour. Cette personne a peut-être une quatrième année, il n'a pas appris grand-chose d'utilisable en prison et il a peut-être suivi quelques programmes ou peut-être même qu'il a fait beaucoup d'efforts pour participer à des programmes. Il revient dans sa collectivité; il revient dans une famille qui n'a pas changé depuis qu'il l'a quittée. Il revient donc dans une famille où il y a de l'alcoolisme et de la toxicomanie. Il a peut-être essayé de changer mais il revient là où il était auparavant. Et il y revient sans aucun appui.
M. Ramsay: Que peut-on faire?
Mme Fitzpatrick: Il faut lui donner accès à un réseau de soutien à l'intérieur de la collectivité pour que cette personne ait un appui lorsqu'elle revient, et pour qu'elle ne reprenne pas ses anciennes habitudes.
M. Ramsay: Pourriez-vous fournir au comité un exemple de ce à quoi vous faites référence?
Mme Fitzpatrick: Ce pourrait être un programme d'alphabétisation, un programme de santé mentale, le traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, ou peut-être un travail. On pourrait peut-être aller voir quelqu'un de la collectivité et essayer d'apprendre ce qui s'y passe: y a-t-il du travail? Seriez-vous prêt à engager un tel?
Il faut avoir une bonne raison pour ne pas retourner en prison. Il faut que ces gens-là trouvent en eux-mêmes la force de ne pas retourner en prison.
Lorsque je vois nos jeunes aujourd'hui je dirais qu'il n'y a pas d'espoir, il n'y a pas d'avenir, que leur reste-t-il? Vivre au jour le jour. Pourquoi pas? Ils peuvent aller à l'université, faire toutes ces choses, mais lorsqu'ils sortent de l'école, qui peut leur garantir un emploi? Qui peut leur garantir qu'ils vont obtenir la qualité de vie qu'on leur a appris à désirer, dans certains cas? Nous avons donc une génération d'enfants qui quittent l'école sans aucun espoir, et spécialement, dans le nord.
M. Ramsay: Nous avons constaté, ce que les statistiques confirment, que les enfants qui exercent des activités criminelles ne représentent qu'un très faible pourcentage de l'ensemble des enfants. Dans la plupart des cas, les parents et les collectivités font de l'excellent travail. Ce pourcentage est peut-être plus élevé ici; nous n'avons pas... je sais que M. St-Laurent a demandé des statistiques qui portent peut-être sur cela. Le fait demeure que l'immense majorité des enfants canadiens sont de bons enfants qui n'ont pas de démêlés avec la loi.
Il faut nous occuper d'une petite minorité, pas seulement de la petite minorité des jeunes qui ont des démêlés avec la loi mais su faible pourcentage de cette minorité que constituent les contrevenants violents et chroniques.
Je vais vous poser une question. L'éducation et la réinsertion sociale sont des éléments très importants, en particulier dans cette région. Devrait-on libérer dans la collectivité un adolescent qui suit un traitement parce qu'il a commis une infraction avec violence avant qu'il soit tout à fait réadapté?
Mme Fitzpatrick: Comment définissez-vous la réadaptation?
M. Ramsay: C'est la question que je vous pose.
Mme Fitzpatrick: Cela n'est pas possible.
M. Ramsay: Le ministre de la Justice d'ici et le système judiciaire... N'y a-t-il pas d'autres possibilités que de détenir ces jeunes, selon ce qu'ont décidé les tribunaux pour ensuite, même s'il n'y a pas d'éléments indiquant qu'ils sont réadaptés, les libérer dans la société pour qu'ils commettent une autre infraction violente? N'y a-t-il pas d'autre solution?
Mme Fitzpatrick: Pour ce qui est de l'absence d'éléments indiquant qu'ils sont réadaptés, vous pouvez faire suivre un programme de traitement à quelqu'un mais vous ne pouvez jamais affirmer ensuite que cette personne est guérie définitivement. Cela est impossible.
C'est comme pour les alcooliques. Un alcoolique est toujours un alcoolique. Il s'agit de savoir s'il va se remettre à boire ou s'il a bénéficié de l'appui et des services nécessaires pour faire des choix sains - tout comme la personne qui a commis une infraction.
M. Ramsay: Je n'ai pas d'autre question.
La présidente: Merci monsieur Ramsay.
Monsieur Gallaway. N'oubliez pas que nous avons un autre témoin.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Très bien.
D'après ce que j'ai compris, vous ne souhaitez pas que l'on essaie d'apporter de légères modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants.
Mme Fitzpatrick: Non.
M. Gallaway: J'aurais donc quelques questions à vous poser.
Nous avons entendu toutes sortes d'opinions au cours de nos audiences, et l'une d'entre elles concerne la réadaptation - vous avez posé la question, qu'est-ce que la réadaptation? Je n'appellerais pas cela la réadaptation; je parlerais plutôt d'un changement de comportement.
Pensez-vous ou croyez-vous qu'un jeune contrevenant, tel qu'il est défini actuellement par la loi, peut se réadapter ou changer de façon permanente son comportement ou acquérir une certaine stabilité à l'intérieur d'un établissement éloigné de la collectivité d'origine de cette personne?
Mme Fitzpatrick: Oui.
M. Gallaway: Autrement dit, si l'on enferme ces personnes et qu'on les met derrière les barreaux - parce que cela s'est vu - vont-ils subir un changement qui va se prolonger après leur libération?
Mme Fitzpatrick: Cela dépend des programmes.
J'ai visité un bon nombre d'établissements pour jeunes contrevenants et j'ai émis des doutes sur l'efficacité des programmes qu'ils offraient. Il nous faut des programmes de qualité. De plus, tout le monde vous dira qu'il est difficile de traiter quelqu'un qui se trouve derrière les barreaux. Cela n'incite pas le client à avoir l'ouverture d'esprit nécessaire, alors que dans un établissement de traitement en milieu fermé, il serait peut-être plus facile de traiter cette personne.
M. Gallaway: Comme vous le savez peut-être, nous sommes allés à Iqaluit il y a une dizaine de jours. Un des aspects qui m'a frappé est qu'on place des adolescents dans un établissement pendant un an ou deux, ou pour la durée de leur peine, et qu'à l'âge de 15 ans on les renvoie dans leur collectivité et dans un foyer qui est à l'origine de leurs problèmes.
Comment pouvons-nous espérer voir cette personne changer de comportement de façon permanente si on la replace dans la situation d'où il a fallu la retirer quelque temps auparavant?
Mme Fitzpatrick: Comme je l'ai à M. Ramsay, il faut travailler avec la famille. Il ne sert à rien d'offrir des services de counselling et un traitement à cet enfant si on le renvoie dans la même famille dysfonctionnelle deux ans plus tard.
M. Gallaway: Vous avez mentionné le fait qu'il est très rare que les parents accompagnent leur enfant devant le tribunal. Seriez-vous favorable à un amendement qui donnerait le pouvoir d'obliger les parents ou le gardien à comparaître devant le tribunal?
Mme Fitzpatrick: Non.
M. Gallaway: Pourriez-vous m'expliquer pourquoi pas?
Mme Fitzpatrick: Comme je l'ai dit, le système de justice s'est tellement éloigné des gens dont il s'occupe qu'il est devenu inaccessible.
Je suis intimidée par le système. Je suis instruite. Cela fait longtemps que je fréquente le système. Mais il y a des gens pour qui entrer dans un palais de justice... Les parents de mes clients ont souvent eu des rapports négatifs avec la GRC et avec les tribunaux. Ils ont emmené papa, ils ont emmené les trois fils. Cela dure depuis longtemps. Ils n'ont pas confiance dans le système, ni dans la GRC.
La GRC vient de s'engager sur la voie de la police communautaire, ce qui est excellent. C'est ce que devrait faire le système judiciaire. Il faut que ce système soit beaucoup plus accueillant pour ces gens. Il serait ridicule d'obliger à comparaître devant le tribunal des parents qui ne sont pas en mesure de comprendre ce qui se passe ou qui sont tellement intimidés qu'ils préfèrent ne pas venir; cela n'aide personne.
La présidente: Merci, messieurs et merci, madame Fitzpatrick.
Madame Bowen, avez-vous un exposé à présenter? Je crois que ce serait préférable parce que nous voulons tout connaître de vous.
Mme Jennifer Bowen (témoigne à titre personnel): Je n'ai appris qu'hier soir que je comparaissais aujourd'hui et je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer.
Je suis venue vous parler de ce que j'ai vécu au cours d'un voyage en canot auquel j'ai participé cet été, avec ma bande, les Dénés de Weledah Yellowknife. Ils ont commencé au printemps à préparer un voyage au lac MacKay, vers les terres désertiques. Ils ont invité des jeunes de 18 à 24 ans à participer à ce voyage.
La collectivité a estimé qu'un voyage traditionnel avec portages vers ces terres désertiques était la meilleure façon de démarrer le programme de services communautaires, en donnant aux participants la possibilité de mieux connaître leurs pairs et les coordinateurs du programme.
Le groupe est parti du pont de la rivière Yellowknife pour la première fois en 51 ans avec l'encouragement des collectivités Detah et Weledah. Le 7 août, 10 jeunes Weledah et trois coordonnateurs se sont engagés sur une des routes traditionnelles des Dénés de Yellowknife que nos ancêtres empruntaient pour se rendre des camps de pèche situés autour de l'embouchure de la Weledah aux terrains de chasse des terres désertiques. Grâce au financement de Youth Service Canada, les anciens ont acheté six canots et emprunté deux canots lourds pour le transport des provisions.
Le premier jour du voyage, le groupe avait une attitude positive et débordait d'énergie. Notre premier portage était un chemin bien marqué aussi large qu'une route, ce qui nous a mis en confiance pour le reste du voyage. Le deuxième portage était une côte d'un mille de long. Quand j'ai terminé mon premier parcours de l'autre côté de la colline, j'étais sûr que tout le monde commencerait à se plaindre et perdrait courage parce que c'était le premier jour mais les membres du groupe ont tout à coup commencé à s'encourager les uns les autres pendant qu'ils escaladaient la colline, parce qu'ils savaient ce qu'il fallait faire et qu'il fallait travailler ensemble pour y parvenir. Cela a déclenché l'établissement d'un lien très fort entre les membres du groupe.
Au cours du voyage, les gens ont commencé à partager leurs expériences autour du feu et à parler des histoires qu'on leur racontait dans leur famille. Deux de nos coordonnateurs étaient des guides d'expérience et ils nous ont communiqué toutes leurs connaissances traditionnelles, des choses comme la façon de lire l'eau et le vent, ils nous montraient les plantes médicinales et les choses que nos ancêtres utilisaient au lieu des produits que nous achetons aujourd'hui dans les magasins. La plupart de ces histoires étaient nouvelles pour les participants et ils en parlent aujourd'hui à leurs amis.
Je n'ai pas été élevée sur la terre et je n'avais encore jamais eu l'occasion d'apprendre les connaissances traditionnelles. Je ne savais pas très bien comment se passerait ce voyage et si nous réussirions à le finir à temps mais j'ai constaté que j'étais très à l'aise de voyager ainsi avec les membres de ma collectivité qui nous ont guidés à travers cette région. Le peu que j'ai appris au cours de ce voyage m'a donné une idée de ce que mes ancêtres faisaient tous les ans. Nous garderons toujours l'empreinte des efforts que nous avons tous faits pour terminer ce voyage.
Depuis mon retour, les gens me demandent souvent comment c'était et ce que j'ai vu. J'ai été très surprise de constater que j'avais du mal à trouver les mots pour décrire tout ce que j'avais éprouvé, senti et vu. C'est une expérience que tous les jeunes des Premières nations devraient vivre. Cela leur ferait mieux comprendre qui était leurs ancêtres et comment ils vivaient. Cela ne peut pas s'apprendre dans un livre. Le nord du Canada est une des dernières régions où les Premières nations peuvent activement participer à leur mode de vie traditionnel.
La présidente: Merci, Jennifer.
Monsieur St-Laurent.
[Français]
M. St-Laurent: Pouvez-vous me dire quelle expérience vous avez vécue et pour quelle raison vous étiez dans ce processus? Faites-vous partie des jeunes contrevenants?
[Traduction]
Mme Bowen: On m'a demandé de participer au projet parce que j'étais un membre de la collectivité - un membre visé par un traité. On m'a également invité à enregistrer ce voyage sur vidéo parce que je suis cinéaste. Les gens voulaient que je réalise un court vidéo pour pouvoir montrer à tous ce que nous essayons de faire. Huit des jeunes qui ont participé au voyage avaient été des contrevenants. Ils ne représentaient pas la crème de la collectivité et lorsque nous sommes partis, il y avait beaucoup de gens qui pensaient que nous n'y arriverions pas. Après deux jours, les gens des autres collectivités disaient à nos anciens que nous n'y arriverions jamais, qu'il faudrait envoyer un avion nous chercher; que ces jeunes n'étaient pas assez forts, qu'ils n'avaient pas la confiance ou les aptitudes nécessaires et qu'il n'y avait pas d'anciens avec eux.
Nous n'avons eu aucun appui de la part des autres collectivités. Il n'y a que notre propre collectivité qui ait appuyé notre projet. Nous avons appris tout cela, bien sûr, qu'à notre retour deux semaines plus tard. Cela prouve qu'avec l'appui de la collectivité et que si l'on agit ensemble en tant que collectivité, l'organisation d'un voyage comme celui-ci a donné à ces gars-là des souvenirs incroyables qu'ils garderont toute leur vie. Cela leur a donné confiance, ils savent ce qu'ils peuvent faire et ils peuvent partager avec la collectivité maintenant qu'ils savent comment faire, comment continuer.
[Français]
M. St-Laurent: Aujourd'hui, est-ce que ces jeunes sont encore en détention en milieu fermé ou s'ils sont en milieu ouvert? Est-ce que certains d'entre eux ont récidivé?
[Traduction]
Mme Bowen: Ils font encore partie du programme. Ils ont participé aux recherches qui ont été lancées dans la région de Fort Rae pour retrouver des gens qui s'étaient noyés. En ce moment, le groupe se trouve à Wool Bay pour restaurer des sites où leurs ancêtres ont été inhumés, le long des rives et jusqu'à Snowdrift; ils sont en train de rétablir leurs rapports avec la terre et de comprendre leur territoire et tout ce qu'il comprend.
Ils n'avaient pas commis d'infractions récentes avant de participer à ce programme mais ils en avaient commis auparavant. Aucun d'entre eux n'a repris ce mode vie. Le programme se termine en janvier et il y en a plusieurs qui espèrent travailler comme guide et créer leur propre entreprise en enseignant ce qu'ils ont appris grâce à ce programme.
[Français]
M. St-Laurent: Que vous sachiez, il n'y a pas eu de récidive?
[Traduction]
Mme Bowen: Non. Ils participent toujours au programme et n'ont pas eu l'occasion de le faire, je crois.
[Français]
M. St-Laurent: Je ne sais pas si c'est prévu dans votre programme, mais je voudrais savoir si les parents y ont eu une place. Cela aurait pu être une expérience. Si cela n'a pas été fait, est-ce que vous envisagez d'intégrer les parents au programme, sauf si cela ne fait pas partie de la culture? Je ne veux pas dire que les parents font partie du problème, mais je pense qu'ils font certainement partie de la solution.
[Traduction]
Mme Bowen: Ce sont les anciens de la collectivité, qui leur ont transmis leurs connaissances et leurs aptitudes traditionnelles. Ils ont rencontré les jeunes et ils ont parlé des choses auxquelles il fallait s'attendre en voyage, les choses à respecter, ils leur ont aussi parlé des dangers qu'ils pourraient rencontrer.
Pour ce qui est des parents, il y en a beaucoup qui sont venus les voir partir avec toute la collectivité et il y avait beaucoup de membres de la collectivité qui sont venus assister à leur départ. Mais, faire ce genre de voyage en famille - avec toute la famille comme dans l'ancien temps - peut-être une dizaine de familles pourraient se rendre en canot d'écorce de bouleau dans ces terres désertiques. Beaucoup de parents ont de jeunes enfants qui ne pourraient faire ce genre de voyage, mais un des buts de l'expérience était d'acquérir une certaine indépendance.
[Français]
M. St-Laurent: Quel est l'âge minimum des participants à votre programme?
[Traduction]
Mme Bowen: Le plus jeune avait 18 ans.
[Français]
M. St-Laurent: Est-ce que, chez vous, on considère que 10 ou 12 ans est encore un trop jeune âge pour être capable de réfléchir? À quel âge considère-t-on qu'un enfant sait raisonner?
[Traduction]
Mme Bowen: Non, je ne pense pas que cela soit trop jeune. Je crois qu'il faudrait leur proposer un voyage un peu moins difficile. On leur offrirait un voyage un peu plus court, pas un grand voyage comme celui que nous avons fait. Ils ont un camp culturel à Wool Bay entre Detah et Snowdrift, ce sont les anciens et les jeunes des collectivités de Weledah et de Detah, ils offrent des enseignements traditionnels et ils forment les jeunes aux techniques traditionnelles à Wool Bay pendant l'été. Ils ont un camp d'été. Je crois qu'ils veulent aussi créer un camp d'hiver pour que les jeunes puissent faire quelque chose l'hiver.
M. St-Laurent: Merci.
La présidente: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je tiens à remercier Jennifer d'être venue nous raconter cette histoire.
Les huit jeunes qui participaient, étaient-ils volontaires?
Mme Bowen: Oui, ils ont reçu 200 $ par semaine pour participer.
M. Ramsay: Ils ont donc été payés pour participer à ce voyage.
Mme Bowen: Oui, 200 $ par semaine.
M. Ramsay: On entend parler des camps de type militaire où on envoie les jeunes contrevenants pour qu'ils participent à des programmes difficiles, pas très différents de ceux dont vous parlez, des programmes conçus pour leur faire acquérir des aptitudes et renforcer leur confiance en eux.
Que pensez-vous que le programme que vous avez décrit au comité aujourd'hui...? Pourrait-on l'adapter...? Que se passerait-il, d'après vous, si la participation n'était pas volontaire? Si cela était une mesure de rechange pour eux? Ils auraient le choix entre aller dans un lieu de garde fermé ou suivre un de ces programmes qui leur permettrait d'apprendre des connaissances pour survivre et d'autres choses. Pensez-vous que cela pourrait fonctionner? Pensez-vous que cela serait bon pour eux?
Mme Bowen: Oui, je le pense. Parce que c'est un voyage que nous avons fait, pas une excursion. Nous faisions des journées de 12 heures et même plus. Il nous est arrivé de voyager toute la nuit parce que nous avons eu un problème. Pour nous, c'était quelque chose qu'il fallait faire. Nous ne pouvions pas nous arrêter et penser que nous allions nous ennuyer et ne rien faire.
Il fallait faire les choses et tous les membres du groupe avaient quelque chose à faire. On ne nous demandait pas de les faire. On s'attendait à ce que nous le fassions. Cela fait tout simplement partie d'un mode de vie communautaire et la plupart de ces jeunes le savaient. Ils l'avaient appris dans leurs collectivités. Pour simplement participer à ce genre de chose, parce que maintenant ils n'ont plus l'occasion d'aller sur ces terres.
Il y a pas mal de parents qui ont parfois des problèmes d'alcoolisme qui ne vont pas dans ces territoires aussi régulièrement qu'avant, de sorte qu'avoir l'occasion de s'y rendre avec des guides d'expérience et des gens d'expérience qui peuvent leur enseigner et leur donner l'occasion de vivre le mode de vie qui est le leur...
M. Ramsay: Et les expériences très positives qu'ils ont vécues leur ont permis de tisser des liens très forts qui vont renforcer le caractère des membres de l'expédition.
Cela se produit dans les collectivités non autochtones avec les troupes de scouts et de guides. Ils font exactement ce genre de chose à tous les âges, et comme vous l'avez signalé tout à l'heure, pour les plus jeunes les activités ne sont pas aussi rigoureuses mais elles le deviennent peu à peu à mesure qu'ils prennent de l'expérience et qu'ils sont capables de faire des voyages plus longs. Ce genre de chose existe et lorsque vous parlez aux adultes qui ont vécu cela quand ils étaient enfants, ils vous avouent en avoir gardé des souvenirs très positifs qu'ils conserveront toute leur vie.
Comment sont financés ces programmes? Vous avez dit que les participants étaient payés 200 $ par semaine.
Mme Bowen: La Weledah's Dene Cultural Society a reçu une subvention de Youth Service Canada pour mettre sur pied un programme de services communautaires. Cela n'est que provisoire. Je ne sais pas s'ils pourront refaire une demande l'année prochaine ou si les fonds seront envoyés à d'autres collectivités. C'est de là que proviennent les fonds qu'ils ont utilisé pour ce projet.
M. Ramsay: Je voulais vous demander ceci. Supposons qu'on ait mis sur pied un tel programme et organisé un voyage et que ce jeune contrevenant dise qu'il ne veut pas y aller; mais vous lui dites de monter dans le canot et qu'il va...
Mme Bowen: Ils n'ont pas vraiment le choix. On ne peut pas vraiment les abandonner mais ils savent qu'ils n'ont pas d'autre choix que de poursuivre le voyage, parce que la nourriture s'en va, le moyen de transport s'en va et tout le reste s'en va. Ils n'ont pas le choix.
M. Ramsay: Je pense parfois que nous leur donnons trop de choix et ces choix ne sont pas toujours dans l'intérêt de l'adolescent à long terme. C'est ce que je voulais signaler. Devrions-nous offrir ce genre de programme à titre de choix ou leur dire simplement que c'est la sanction qui leur a été imposée? Le tribunal devrait-il pouvoir leur imposer ce voyage ou ce programme de camp de type militaire ou toute autre mesure du genre? Qu'en pensez-vous?
Mme Bowen: La plupart d'entre eux choisiraient probablement le voyage au lieu de l'incarcération, parce qu'ils ne seraient pas enfermés. Ils ne se retrouveraient pas dans un environnement clos; ils seraient dans un environnement ouvert, avec des grands espaces et la nature. Cela fait du bien de se retrouver dans la nature, seul ou avec un groupe de gens. C'est un milieu qui favorise la guérison, la nature fait cela.
M. Ramsay: Bien entendu, c'est ce que nous souhaitons. C'est ce que nous voudrions qu'en retirent ces jeunes gens. Merci Jennifer.
Mme Torsney: Merci, madame Bowen. Le programme auquel vous avez participé était destiné aux jeunes de 18 à 24 ans qui avaient parfois été pris à faire certaines choses, d'autres non, mais qui étaient d'une certaine façon à risque. Manifestement, c'est un programme très exigeant mais qui vient combler, pour la plupart de ces adolescents, le manque de liens qu'ils ont avec leurs racines et ces choses. Vous avez mentionné qu'il en a été de même pour vous.
Pensez-vous qu'il soit possible de mettre sur pied ce genre de programme, ou peut-être un programme un peu moins rigoureux, pour tous les jeunes? Cela pourrait faire partie des programmes scolaires, de sorte qu'à un certain point on fait ce genre de sortie dans la nature en fonction de la capacité des jeunes avant qu'ils ne commencent à respirer des solvants, à chaparder, et à faire toutes ces choses que les jeunes gens font. Cela leur permettrait de retrouver leurs racines.
Mme Bowen: Oh, oui. Je crois que tous les enfants devraient pouvoir aller à un camp d'été. J'allais au camp Antler. C'était ce que nous faisions. Cela nous empêchait de nous ennuyer. Cela nous empêchait de perdre notre temps avec toutes ces autres choses. Il y a beaucoup d'enfants qui commencent parce qu'ils s'ennuient et parce qu'ils n'ont rien à faire.
Lorsque vous participez à des activités traditionnelles, dans la nature, cela vous fait bouger. Votre esprit travaille. Votre corps travaille. Il y a tellement de choses intéressantes que l'esprit se fixe sur la tâche à exécuter.
Mme Torsney: Nous devrions donc recommander tout au moins à votre ministre de la Justice, qui est également le Procureur général et le ministre des Services sociaux et communautaires, qu'il s'entende avec le ministre de l'Éducation pour mettre sur pied ce genre de chose. Cela donnerait aux différentes nations l'occasion de concevoir des programmes culturellement pertinents dans toutes les régions des Territoires du Nord-Ouest.
La deuxième question que j'aimerais vous poser concerne le rôle de la télévision dans la création d'attentes irréalistes chez les jeunes. Il y a beaucoup de chaînes de télévision ici, je crois qu'il y en a même plus que dans ma collectivité. Comment cela influence-t-il les jeunes que vous connaissez? Cette influence est-elle positive ou négative? Comment cette influence est-elle atténuée ou modifiée par les autres choses qui se passent dans votre collectivité? En tant que cinéaste, je crois que vous avez certaines responsabilités dans ce domaine.
Mme Bowen: Je crois qu'ils devraient supprimer toutes les chaînes qui viennent de Détroit. Il y a beaucoup de violence sur ces chaînes.
Cela influence beaucoup les jeunes. Simplement en se promenant dans Yellowknife, on peut voir l'effet de la télévision sur les jeunes, non pas seulement ceux des Premières nations. Ils se construisent une identité en grande partie avec ce qu'ils voient et ce qu'ils perçoivent à la télévision. Ils essaient de former leur propre identité avec les films et les programmes de télévision qu'ils regardent. La télévision est la seule source à laquelle ils aient accès pour se forger une identité.
Je sais que lorsque j'ai grandi dans cette ville, c'était là ma source de modèles. C'était les choses que je voulais. C'était les choses que je voulais faire. Je ne retrouvais pas en fait ces choses ici mais c'était un accès qui me permettait de me trouver une identité.
Je n'ai pas eu l'occasion de découvrir d'autres façons de me bâtir une identité. Lorsque j'ai participé à ce voyage - j'ai 24 ans - cela m'a permis de découvrir beaucoup de choses. Cela m'a fait mieux sentir ce que je pouvais faire en tant qu'individu et en tant cinéaste pour me faire aller plus loin. Je n'ai pas eu cette possibilité là quand j'étais plus jeune.
D'une certaine façon, j'aurais aimé avoir ce genre de possibilité. Je n'aurais pas fait certaines choses que j'ai faites quand j'ai grandi ici.
Il est intéressant de noter que les jeunes d'aujourd'hui sont principalement influencés par nos voisins du sud et qu'ils n'arrivent pas à se bâtir une forte identité ailleurs que dans les sports.
Mme Torsney: Je crois que ce ne sont pas simplement nos voisins du sud; ce sont principalement les Américains des villes. Degrassi Junior High était un excellent programme mais il n'existe plus. Il y a très peu de contenu canadien dans ce que je reçois dans ma chambre d'hôtel.
Une des choses qui touche beaucoup les jeunes dans le sud - et je suis sûr que c'est la même chose ici - c'est la question de l'avenir et des choix. Un des sujets qui a été abordé - je ne pense pas qu'il l'ait été avec vous - est-ce celui de la publication de l'identité des jeunes contrevenants.
M. Ramsay m'a accusé de poser mes questions hors contexte mais je vais vous dire ce qui est arrivé lorsque nous avons demandé à des jeunes contrevenants d'un centre situé à Elora ce qu'ils pensaient de la publication des noms des contrevenants. Un de ces jeunes vendait de la drogue. Il a commencé par dire que si nous publions son nom, il serait très content parce qu'il serait célèbre. Il aurait réussi auprès de ses amis. Deuxièmement, en tant que vendeur de drogue, cela lui fournirait des clients.
Un autre adolescent nous a dit que si nous voulions ainsi protéger nos enfants pour que ce jeune ne lui vende pas de drogue, il était trop tard. Cela faisait trois ans qu'il faisait cela et n'avait pas été attrapé. Maintenant qu'il a été attrapé, nous voulons que nos jeunes le fréquentent parce qu'il ne vend plus de drogue et qu'il ne reprendra pas ce genre de vie.
En repensant à ce que vous avez vécu en tant que jeune d'ici, cela vous aurait-il aidé ou nui si vous aviez pensé que votre nom pourrait être publié dans le journal? Cela aurait-il modifié votre attitude? Vous n'avez pas besoin d'expliquer en détail ce que vous faisiez ou ne faisiez pas. Je suis toujours surprise de constater qu'il y a tant de gens de grande valeur qui ont fait dans leur vie des choses qui leur aurait mérité un casier judiciaire.
Mme Bowen: Mon nom a paru dans le journal.
Mme Torsney: Ah oui.
Mme Bowen: Cela ne m'a pas beaucoup touché. S'il avait été mentionné à la radio... je crois que les gens suivent davantage la radio. Ils donnaient le nom des gens qui avaient des MTS et des choses comme ça, à la radio. Lorsque vous arriviez à la clinique... cela remonte à pas mal de temps; ils ne le font plus maintenant. Cela aurait été quelque chose, je crois mais pour le journal, j'ai peut-être découpé l'article pour le placer dans mon album de photos ou quelque chose du genre comme une sorte de nouveauté.
Cela permet à la collectivité de savoir ce que vous faites. Je ne peux pas vous dire vraiment comment j'aurai réagi.
Mme Torsney: Nous allons poursuivre nos audiences et si vous souhaitez formuler d'autres commentaires sur ces sujets, je crois qu'il serait intéressant d'en prendre connaissance lorsque vous aurez eu le temps d'y réfléchir davantage.
M. Maloney: Vous avez tiré un film de cette expérience. Qu'est-il arrivé à ce film?
Mme Bowen: En fait, nous avons terminé le voyage à la fin du mois d'août. Nous sommes restés une semaine de plus pour la chasse au caribou. Je vais y retourner. Je viens de commencer à travailler auprès de la Native Communications Society, qui me fournit l'équipement pour éditer et distribuer notre film vidéo.
J'ai l'intention de remettre ce vidéo à tous les membres de la collectivité qui ont participé au voyage. Je vais, je l'espère, pouvoir l'envoyer dans des festivals de films et aux personnes qui s'intéressent aux congrès de jeunes. Je vais essayer d'utiliser diverses façons de le distribuer pour que les gens le voient.
La présidente: Est-ce que Youth Service Canada a participé au financement de ce film?
Mme Bowen: Non, c'est quelque chose que j'ai fait seule. Je n'ai reçu en fait aucune subvention pour faire ce film. Je l'ai fait sur une base purement bénévole.
La présidente: Allez-vous en remettre une copie, disons, à votre députée?
Mme Bowen: Je le pourrais. Bien sûr.
La présidente: Je crois que M. Maloney veut en fait vous dire que nous aimerions beaucoup le regarder. Si vous pouviez arranger cela ou si nous pouvions demander à quelqu'un de communiquer avec vous, c'est peut-être comme ça qu'il faudrait procéder.
Mme Bowen: Oui, nous espérons le diffuser sur TVNC et sur d'autres chaînes du Sud.
M. Maloney: Cela a été une expérience positive pour vous et les membres du groupe qui ont participé. Je me demande si l'on peut étendre ce programme? Pourrait-il constituer la première étape d'un programme plus vaste? Quel genre de prolongement va-t-il avoir? Quelles sont les initiatives qui sont prises pour faire face à cette possibilité ou à cette éventualité?
Mme Bowen: Voilà ce qui s'est produit. Lorsque nous sommes revenus, nous avons été accueillis par les membres de la collectivité. Ils étaient très émus de voir que nous avions réussi.
Nous n'avions pas beaucoup le temps et l'hiver approchait. Sur les terres désertiques, l'hiver était déjà là. Nos ancêtres venaient par le lac MacKay - nous avons fait 40 portages - et ils continuaient jusqu'à Reliance avant de redescendre. Je ne sais pas combien de portages... il voudrait terminer ce voyage. Nous n'en avons fait que la moitié, la route se rend à Reliance et à Snowdrift et revient jusqu'au Grand Lac des Esclaves. Ils veulent poursuivre ce voyage, demander aux mêmes participants de le faire et même peut-être, élargir le groupe. Notre voyage a suscité beaucoup d'intérêt dans la collectivité parce que nous avons achevé ce voyage et cet intérêt ne peut que croître, puisque les gens vont voir qu'il est possible de faire ces choses et que l'on peut former un groupe pour faire ce genre de chose. Cela se fera.
En tant que membre du groupe qui participe encore au programme... cet été, ils vont faire le même voyage en motoneige. La piste que nous avons suivie n'était même pas une piste il y avait parfois des broussailles et il fallait espérer qu'il y aurait de l'eau de l'autre côté... Ils passeraient facilement sur les broussailles. Ils veulent retourner et refaire la piste, pour l'améliorer plus que nous avons pu le faire à cause des contraintes de temps. Ils veulent la marquer et peut-être construire des cabanes le long de la route traditionnelle pour pouvoir y amener des touristes et des jeunes. Cela deviendrait leur piste.
M. Maloney: Quelle est cette collectivité? S'agit-il de votre bande ou d'un groupe organisé? Quels sont les gens qui veulent faire cela?
Mme Bowen: La subvention est remise à la Weledah Dene Cultural Society, la société des anciens. Les anciens coordonnent la mise sur pied des programmes qu'ils ont choisi. C'est quelque chose qu'ils appuient et ils motivent les jeunes à le faire. Les jeunes trouvent qu'ils sont capables de le faire et ils trouvent cela suffisamment important pour réaliser ce projet.
Lorsque les gars sont rentrés, ils n'arrêtaient pas de se vanter; ils étaient si fiers. Tout le monde a su qu'ils avaient fait ce voyage. Ils étaient si fiers de le faire. C'est la première fois en 51 ans que des membres de la collectivité font ce voyage en empruntant cette piste.
M. Maloney: Vous dites qu'ils se sont fixé des objectifs grâce à ce programme. Certains souhaitent devenir des guides ou d'autres... Est-ce réaliste? Cela va-t-il se faire?
Mme Bowen: S'il est réaliste pour eux d'espérer devenir des guides? Je crois que oui. Il y avait deux guides de grande expérience avec nous et l'un d'entre eux nous a raconté comment il était devenu guide sur le Grand Lac des Esclaves et sur le Grand Lac de l'Ours. C'est simplement une question de communication et de savoir qui embauche et qui s'en occupe. Ils pourront aller trouver un employeur et lui dire ce qu'ils ont fait, comment ils l'ont fait, ce qu'ils ont appris, ce qu'ils peuvent faire et ils pourront transmettre leur expérience et se faire embaucher grâce à ce qu'ils viennent d'apprendre. Ils continuent à apprendre à l'heure actuelle, parce qu'ils sont encore là-bas.
M. Maloney: Merci, madame la présidente.
La présidente: Jennifer, merci beaucoup. Cela a été fort intéressant et je sais que le programme de services à la jeunesse a été très actif; il a financé diverses activités pour les adolescents dans nos collectivités. En tant que comité de la justice, nous n'avons pas souvent la possibilité de voir ce que fait cet organisme.
Votre députée, Ethel Blondin-Andrews, est également ministre pour la jeunesse. C'est un programme de son ministère et il me semble qu'elle a établi des liens importants à l'échelon local et que cela dépasse le simple emploi pour les jeunes. Voilà qui est excellent.
Merci beaucoup. J'espère que nous aurons la chance de voir votre film. Je vais demander à Ethel de l'acheter pour nous pour que vous n'ayez pas à nous en faire cadeau.
M. Maloney: Au sujet de la confidentialité, de la communication des noms, vous avez mentionné que votre nom avait été publié dans le journal et que cela ne vous avait pas fait grand-chose - vous aviez découpé l'article - mais que si cela avait été mentionné à la radio, il en aurait été différemment. Quelle aurait été la différence?
Mme Bowen: Cela aurait rejoint beaucoup plus de gens.
M. Maloney: Comment cela vous aurait-il touché?
Mme Bowen: Cela aurait été embarrassant. Les gens auraient moins hésité à m'en parler. Je pense que la radio rejoint une audience beaucoup plus large que ne le fait le journal, qui a une diffusion locale.
M. Maloney: Le fait d'être embarrassée vous aurait-il dissuadée d'exercer certaines activités ou cela aurait-il pu vous nuire, vous stigmatiser ou vous étiqueter?
Mme Bowen: En tant qu'adolescente, l'identité est un aspect très important et lorsqu'on est humilié à cet âge cela... Vous pouvez réagir en continuant ce que vous faisiez ou prendre le temps de réfléchir. J'ai vu une possibilité d'apprendre quelque chose, j'ai changé d'attitude et fait les choses différemment.
M. Maloney: Merci.
La présidente: Nous allons lever la séance jusqu'à 13 heures. Je rappelle à mes collègues que nous avons des témoins, une table ronde, cet après-midi et qu'à 14 h 45, nous allons visiter un établissement.
La séance est levée.