OPINION DISSIDENTE DES DÉPUTÉS DU BLOC QUÉBÉCOIS
MEMBRES DU COMITÉ DES TRANSPORTS
SUR LA STRATÉGIE MARITIME NATIONALE
INTRODUCTION
Nous, les députés de l'Opposition officielle membres du Comité permanent des Transports, sans rejeter l'ensemble des recommandations contenues dans ce rapport, sommes en désaccord avec bon nombre d'entre elles. Nous déplorons le manque de flexibilité de la majorité libérale au sein du Comité, qui n'a pas exprimé un désir réel d'arriver à un compromis avec l'Opposition officielle, et nous considérons que cette attitude est inquiétante compte tenu de l'importance du transport maritime pour l'économie du Québec et du Canada. Cette attitude nous semble être de mauvais augure quant à une plus grande implication des communautés locales dans l'administration de leurs infrastructures maritimes. Nous croyons que la flexibilité, la concertation et l'implication des gens du milieu sont la clé du succès pour nous doter d'un système maritime moderne et efficace. Nous devons éviter à tout prix que notre système maritime soit déconnecté des réalités des communautés qu'il dessert.
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont particulièrement en désaccord avec les points suivants du rapport du Comité:
- 1) Le nouveau cadre proposé pour l'administration du réseau portuaire ne va pas assez loin pour
impliquer les administrations locales et le milieu maritime. Le gouvernement fédéral conserve
son emprise sur tous les aspects de l'administration du réseau portuaire et effectue une vaste
opération de délestage des coûts en transférant uniquement les infrastructures non rentables
aux instances locales, provinciales ou au secteur privé.
2) La recommandation sur les relations patronales-syndicales dans le réseau portuaire est, de l'avis des députés du Bloc québécois membres du Comité, basée sur une exagération des problèmes n'existant que dans quelques ports. De qualifier les relations patronales-syndicales de problématiques au Port de Montréal en raison de la récente grève est, selon nous, une grossière erreur. En fait, depuis 1975, il n'y a eu que 27 jours perdus au port de Montréal en raison de grêve ou lock-out sur un total de 7 057 jours travaillés. Nous estimons que de remettre en question un système de négociation patronale-syndicale qui a fait ses preuves depuis 20 ans n'est pas approprié alors que le problème n'existe que dans certains ports du réseau, principalement à Vancouver.
3) Les recommandations ayant trait au pilotage dans son ensemble présentent un danger pour la sécurité du public et augmentent sensiblement les risques pour l'environnement. Les membres libéraux du Comité démontrent bien ici leurs visées centralisatrices en cherchant à concentrer à Ottawa un service qui est certainement plus sécuritaire et plus efficace à partir d'une structure décentralisée.
4) Sans être opposés à une certaine forme de recouvrement des coûts pour les services de la Garde côtière, les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment que de procéder à un recouvrement à la pièce est inefficace, coûteux et injuste (certains utilisateurs ne paieront pas leur juste part des services utilisés car ils n'auront pas été identifiés comme "utilisateurs"). Dans ces conditions, ils préfèrent grandement la solution alternative avancée dans le rapport du Comité au paragraphe 1.121 et qui suggère un prélèvement national sur la circulation maritime.
1) Le réseau portuaire:
Recommandation 1: Responsabilité du fédéral pour le réseau portuaire
Les députés du Bloc québécois membres du Comité ne s'objectent pas en principe à cette recommandation. Tant et aussi longtemps que le Québec demeure dans la fédération canadienne, le gouvernement fédéral détient une compétence constitutionnelle exclusive en matière de transport maritime. Toutefois, il aurait été souhaitable que le Comité accepte d'inclure dans cette recommandation que, tout en exerçant sa responsabilité dans le secteur des ports, le gouvernement doit chercher à impliquer au maximum les intérêts locaux et le milieu maritime dans l'administration de leurs infrastructures portuaires. Les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment que seule une implication maximale des milieux locaux et maritimes pourra nous donner un réseau portuaire efficace, moderne, compétitif et peu coûteux.
L'énoncé contenu au paragraphe 1.26 du rapport du Comité nous donne une indication claire de la compréhension réelle de la majorité libérale au sein du Comité qui voit l'implication des intérêts locaux et du milieu maritime comme l'occasion rêvée pour le gouvernement fédéral de se départir de toutes les installations portuaires déficitaires et de conserver celles qui sont rentables. L'implication des intérêts locaux et des intervenants du secteur maritime n'est pour la majorité qu'une occasion pour le gouvernement fédéral de pelleter ses factures à d'autres. Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont plutôt d'avis que les installations portuaires rentables devraient, elles aussi, être prises en main par les intérêts locaux et les intervenants du secteur maritime.
Recommandation 3: Structure du nouveau système national des ports commerciaux
Les députés du Bloc québécois membres du Comité ne considèrent pas que cette nouvelle structure proposée par la recommandation 3 donne toute la souplesse nécessaire aux administrations portuaires pour qu'elles puissent concurrencer avantageusement les ports étrangers (certainement pas pour nos principaux ports d'entrée comme Halifax, Québec, Montréal, Vancouver, etc...). En effet, on remplace la Société canadienne des ports par un secrétariat ou bureau portuaire à Transports Canada qui, même si son mandat sera moins contraignant pour les administrations portuaires qu'auparavant, celui-ci devra quand même revoir et approuver les budgets, plans d'affaires, rapports de vérifications des administrations portuaires et approuver leurs investissements extraordinaires.
Une formule de commercialisation similaire à celle mise en place dans le secteur des aéroports aurait été préférable aux recommandations du Comité. La prise en charge des ports par des organismes locaux à but non lucratif aurait permis de donner toute la flexibilité de gestion aux administrations portuaires, tout en maximisant l'implication du milieu. Il faut remarquer que les témoins les moins enthousiastes pour cette formule étaient les sociétés portuaires locales (SPL) dont les dirigeants et les employés désirent demeurer des employés de l'État fédéral et considèrent avec crainte leur transfert au secteur privé. Les raisons avancées par les SPL pour conserver leur statut gouvernemental sont peu convaincantes: conserver le drapeau canadien sur la carte d'affaire pour favoriser les relations avec les clients étrangers et conserver la garantie gouvernementale qui leur permet d'emprunter à moindre coût. Or, selon la structure proposée par le Comité, les administrations portuaires ne bénéficieraient même plus de cette garantie gouvernementale.
Dans tous les cas, les députés du Bloc québécois membres du Comité croient que le choix de prendre en main ou non leurs installations portuaires devrait revenir en premier lieu aux intérêts locaux et maritimes concernés. Ils sont les mieux placés pour évaluer leurs capacités et leurs intérêts en ce domaine.
Recommandation 4: Dividendes à payer par les ports
Pour les députés du Bloc québécois membres du Comité, il importe que les surplus réalisés par un port demeurent dans ce port pour financer l'amélioration des infrastructures portuaires et assurer sa compétitivité future. Ils déplorent que ce principe n'ait pas été inclu dans la recommandation. Dans l'éventualité où les ports auraient été transférés à des administrations locales sans but lucratif, cette question ne se poserait pas, puisqu'elles paieraient un loyer au gouvernement. Dans le cas des aéroports, les revenus des aéroports du réseau national servent à financer les infrastructures axées sur la sécurité des aéroports régionaux. Toutefois, la relation entre aéroports nationaux et régionaux est beaucoup plus marquée que celle que l'on retrouve dans le cas des ports (nationaux et autres). Les revenus tirés des ports devraient plutôt servir à assurer une partie du recouvrement des coûts des services de la Garde côtière. En aucun cas, les revenus tirés du réseau portuaire ne devraient servir à réduire le déficit fédéral. Le gouvernement ne doit pas utiliser sa responsabilité dans le secteur maritime comme un moyen de générer des revenus, mais bien pour offrir le meilleur service possible aux Canadiens et générer le maximum de retombées économiques pour le Québec et le Canada.
Recommandation 6A: Taxes foncières des installations portuaires
Les ports doivent être considérés comme des citoyens corporatifs des municipalités où ils sont installés. Comme tous bons citoyens corporatifs, les ports (comme tous les organismes du gouvernement fédéral d'ailleurs) devraient payer leurs taxes municipales. Ce n'est pas aux municipalités de consentir à une diminution de leurs revenus de taxation seulement pour que les ports génèrent de plus gros profits à être récupérés dans le fonds consolidé du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral se décharge déjà trop de ses factures sur le dos des provinces sans que celles-ci soient encore mises à contribution pour réduire le déficit fédéral. Si la majorité au Comité est si inquiète du financement des infrastructures portuaires et de la compétitivité future des ports, elle aurait dû accepter les modifications proposées à la recommandation 4 par les députés du Bloc québécois membres du Comité. Cette recommandation est une source de conflit potentiel entre les municipalités et les administrations portuaires. Évidemment, si les ports étaient administrés par des groupes locaux à but non lucratif, il serait beaucoup plus facile pour les municipalités de consentir à des réductions de taxes puisqu'elles seraient assurées que l'argent demeurerait dans la communauté et servirait à son développement.
Recommandation 6B: Révision de la méthode d'évaluation pour les taxes municipales
Les commentaires relatifs à la recommandation 6A s'appliquent encore ici. Toutefois, les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment que la taxation municipale est de compétence provinciale exclusive et donc que le fédéral n'a rien à voir dans une éventuelle révision des méthodes d'évaluation et de taxation visant les infrastructures portuaires.
Recommandation 7: Nomination des membres des conseils d'administration
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont particulièrement déçus de cette recommandation. Le discours continuel de Transports Canada est qu'il faut impliquer davantage les milieux locaux et les utilisateurs. Pourtant, les députés libéraux membres du Comité n'ont pas jugé bon de proposer qu'une majorité des membres des conseils portuaires soient nommés par les intervenants locaux. À défaut de la prise en charge des ports par des instances locales à but non-lucratif, qui s'avère la meilleure solution, la nomination d'une majorité de membres issus du milieu local sur les conseils portuaires aurait favorisé une implication maximale de la part des intervenants locaux et maritimes. Cette recommandation démontre bien que le Parti libéral du Canada n'a pas la décentralisation à coeur et ne considère pas importantes la concertation et l'implication du milieu comme facteurs de succès de nos ports. Les libéraux préfèrent s'ancrer dans la façon traditionnelle du gouvernement fédéral de faire les choses: Ottawa commande et les provinces subissent.
Recommandation 9: Mandat au secrétariat des ports pour catégoriser
Il semble évident, à la suite des nombreux témoignages en ce sens, qu'il faut rationaliser le réseau portuaire canadien qui compte trop d'installations. Avant de couper de façon aveugle, il faut, bien entendu, catégoriser l'activité de chaque port. Il semble toutefois important, lorsque la fermeture d'un port est envisagée, que le gouvernement examine les modes de transports alternatifs et la possibilité d'acheminer les marchandises d'une région à d'autres installations portuaires. Une analyse détaillée de l'impact de la fermeture d'un port pour la région qu'il dessert devrait être réalisée afin de disposer du maximum d'information nécessaire. Cette information permettrait de faciliter la transition et de diminuer l'impact économique négatif sur la région visée. Les députés du Bloc québécois membres du Comité auraient souhaité que la recommandation réfère au support que le gouvernement doit apporter pour limiter l'impact économique négatif que la fermeture d'un port peut représenter pour une région.
Recommandation 10: Période de transition et soutien aux ports non commerciaux susceptibles de le devenir
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont en accord avec cette recommandation, mais déplorent qu'il ne soit pas question des mesures à prendre pour limiter les impacts économiques négatifs pour les communautés dont les installations portuaires seront fermées.
Recommandation 12: Responsabilité du fédéral quant aux installations portuaires en cas de fermeture
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont en accord avec cette recommandation. Ils auraient toutefois souhaité que soit ajouté à cette recommandation qu'il incombe au gouvernement fédéral de décontaminer les terrains dans le cas où les sols seraient contaminés.
Recommandation 13: Dépôt d'un projet de loi sur le réseau portuaire et renvoi au Comité
Évidemment, les députés du Bloc québécois membres du Comité invitent le ministre à déposer un projet de loi dans les plus brefs délais pour corriger la structure pitoyable de notre réseau portuaire. Afin de faciliter et accélérer son adoption, ils invitent le ministre à rechercher un large consensus avec l'Opposition et à ne pas procéder unilatéralement comme c'est si souvent son habitude, d'autant plus qu'il s'agit d'un dossier d'importance pour tous les Québécois et Canadiens. Puisque le rapport du Comité échoue dans sa tentative de faire consensus avec les partis d'opposition, nous invitons le ministre à lire attentivement l'opinion dissidente des députés du Bloc québécois membres du Comité et à agir dans la lignée de leurs recommandations.
2) Les relations patronales-syndicales:
Les députés du Bloc québécois membres du Comité considèrent que les députés libéraux membres du Comité montrent dans cette section leur vrai visage anti-travailleur et leur parti pris pour les positions patronales. Ils estiment que des commentaires comme ceux que l'on retrouve au paragraphe 1.54 - "La négociation collective ne semble pas porter fruit -les problèmes restent toujours à régler à cause des lois de retour au travail. Des pratiques désuètes et rigides en matière de travail accroissent les coûts et font qu'il est plus difficile d'améliorer la compétitivité et de s'adapter au changement. Les salaires sont élevés, et la rémunération excessive des heures supplémentaires semble être la norme plutôt que l'exception." - sont déplacés, empreints d'un sentiment évident anti-travailleur qui est inacceptable dans un rapport de Comité. Après avoir frappé sur les chômeurs et les plus démunis de la société, les libéraux se sont attaqués aux travailleurs du rail et maintenant c'est au tour des employés du secteur maritime.
C'est inquiétant: les députés libéraux membres du Comité sont prêts à remettre en question tout un système de négociation patronale-syndicale qui en 20 ans n'a compté que 27 jours de grêve ou lock-out sur un total de plus de 7 000 jours de travail au port de Montréal. Prendre comme prétexte les deux récents conflits de travail aux ports de Montréal et de Vancouver pour qualifier les relations patronales-syndicales de mauvaises dans l'ensemble du réseau des ports du Canada est, de l'avis des députés du Bloc québécois membres du Comité, une erreur grossière que commet le Comité et un détournement flagrant de la réalité.
À la lecture du rapport du Comité, force est de constater que l'attitude anti-travailleur exprimée par le ministre lors du conflit du rail a déteint sur les députés libéraux membres du Comité. C'est regrettable. Par ailleurs, les commentaires contenus dans le paragraphe 1.56 du rapport du Comité à l'effet de dissoudre l'Association des employeurs maritimes est, de l'avis des députés du Bloc québécois membres du Comité, une invitation au retour à des grèves fréquentes dans le secteur portuaire, comme on l'a connu dans les années 60.
Dans ces conditions, et en raison de la fausse argumentation teintée de préjugés anti-travailleur présentée par le Comité pour la recommandation 14, les députés du Bloc québécois membres du Comité s'opposent fortement à cette recommandation qui met en péril un système de négociation patronale-syndicale qui, quoique imparfait, a fait ses preuves depuis 25 ans.
Les députés du Bloc québécois membres du Comité reconnaissent toutefois que des problèmes endémiques dans les relations de travail existent dans certains ports du réseau. Ils exhortent le gouvernement à régler, de façon juste et équitable, les problèmes existant dans ces ports (notamment celui de Vancouver) et à faire tout ce qui est en son pouvoir pour y rétablir un climat sain dans les relations patronales-syndicales.
3) Le pilotage:
D'après les témoignages entendus par le Comité, et selon l'exposé qui est fait de la situation dans le rapport majoritaire, les députés du Bloc québécois ont relevé trois principaux problèmes relatifs au système de pilotage. Premièrement, les armateurs canadiens, dont les navires circulent régulièrement sur la Voie maritime du St-Laurent, se considèrent lésés par le système actuel et désirent être dispensés de pilotage obligatoire. Deuxièmement, les administrations du pilotage sont incapables d'être autosuffisantes financièrement en raison du lourd processus administratif du gouvernement en ce qui concerne l'approbation des augmentations de tarif. Et troisièmement, les armateurs étrangers et canadiens souhaitent un processus d'arbitrage des propositions finales semblable à celui établi par l'Administration de pilotage des Laurentides, afin d'éviter les conflits de travail dans ce secteur névralgique.
Il est fort possible de répondre à ces préoccupations dans le cadre actuel de la Loi sur le pilotage de 1972. Les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment que le rapport majoritaire du Comité prend comme prétexte les problèmes mineurs du système de pilotage pour le centraliser à Ottawa dans une vaste bureaucratie. Par ailleurs, les députés du Bloc québécois membres du comité condamnent les jugements de valeur et les préjugés qui sont portés tout au long de cette section du texte du rapport à l'endroit des professionnels de la navigation que sont les pilotes. La majorité du Comité va même jusqu'à prêter des intentions douteuses aux administrations de pilotage qui sont pourtant des sociétés d'État du gouvernement fédéral.
Recommandation 15: Abrogation de la Loi sur le pilotage
Les députés du Bloc québécois membres du Comité s'opposent formellement à une éventuelle abrogation de la Loi sur le pilotage au profit de la création d'un organisme central comme le secrétariat des ports à qui on cherche déjà à trouver une vocation. Outre les visées centralisatrices manifestées par la majorité du Comité, plusieurs raisons poussent les députés du Bloc québécois membres du Comité à s'opposer à cette recommandation. En premier lieu, plusieurs considérations relatives à la sécurité de la navigation doivent être étudiées. Les bureaucrates d'une administration de pilotage centralisée à Ottawa n'auront pas une connaissance suffisante du terrain pour déterminer les modalités de pilotage particulières à chaque région et mettre en place un système de pilotage sécuritaire. L'abrogation de la Loi sur le pilotage remettrait en question l'obligation pour les pilotes naviguant sur le St-Laurent d'être en mesure de communiquer en français. Rappelons que l'enquête Desjardins avait recommandé qu'il soit obligatoire pour les pilotes naviguant sur le St-Laurent de pouvoir communiquer en français en raison du nombre important de bateaux de plaisance et autres types d'embarcation dont les capitaines sont unilingues français. L'abrogation de la Loi sur le pilotage est présentée par le Comité comme un moyen de relâcher les critères stricts de sécurité qui ont cours actuellement pour le pilotage sur le St-Laurent.
Rappelons que le régime actuel de pilotage a été mis en place dans les années 70 par le gouvernement libéral de l'époque, à la suite des recommandations de la Commission royale d'enquête présidée par le juge Bernier, enquête qui avait duré près de 10 ans. De plus, la taille des navires remontant le St-Laurent a sensiblement augmenté. Alors que les plus gros navires à remonter le St-Laurent au début des années 70 avaient un port en lourd de 30 000 tonnes, aujourd'hui, ces navires sont considérés de taille moyenne.
Par ailleurs, l'abrogation de la Loi sur le pilotage, loin de régler les lourds processus administratifs qui minent actuellement la capacité des administrations de pilotage à s'autofinancer, augmenterait ce problème en ajoutant à la lourdeur administrative qu'une grande bureaucratie fédérale peut générer. Il est quand même étonnant que la majorité au Comité n'ait pas choisi de suivre les recommandations des principaux utilisateurs des services de pilotage, soit les armateurs étrangers, qui assument la presque totalité des droits de pilotage dans l'Ouest et plus de 80% des droits dans l'Est. Ceux-ci demandaient des modifications mineures à la Loi sur le pilotage et non une remise en question globale du système.
Le Comité accuse les pilotes de profiter de leur situation de monopole pour exiger des droits excessifs. Rappelons que l'augmentation des tarifs de pilotage depuis 20 ans a été inférieure à l'augmentation du coût de la vie. De plus, aucune grève n'a eu lieu dans le Bas St-Laurent depuis 1971.
Recommandation 16: Commercialisation des services de pilotage
Dans les faits, les principales associations de pilotes au Canada sont déjà commercialisées. Pour ce qui est de la concurrence entre pilotes, les députés du Bloc québécois membres du Comité sont d'avis que cette concurrence se ferait au détriment de la sécurité de la navigation. Certains pilotes seraient prêts à prendre plus de risques pour arracher la clientèle de leurs concurrents. En matière de sécurité, les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment qu'il ne peut y avoir de compromis avec des intérêts purement pécuniers.
Par ailleurs, si on se fie au paragraphe 1.77 du rapport, le Canada deviendrait le premier pays à ne pas exiger des navires battant pavillons étrangers qu'ils aient recours au pilotage obligatoire. Cette proposition est décriée non seulement par les pilotes, mais par plusieurs armateurs canadiens et les députés du Bloc québécois membres du Comité la considèrent téméraire. Les pilotes sont des professionnels de la navigation qui ont l'expérience nécessaire pour naviguer dans des eaux difficiles avec des équipages composés de marins d'origines diverses au sein desquels existent de sérieuses barrières linguistiques, dans des conditions de vie parfois minimales. Leur présence est donc essentielle pour acheminer les navires battant pavillon étranger à bon port. Même les armateurs étrangers souhaitent conserver le système de pilotage actuel.
Il serait certainement possible, dans le cadre de la Loi sur le pilotage, d'accommoder les armateurs canadiens. La loi permet déjà la possibilité de décerner des certificats de pilotage restreints qui, sans être des brevets de pilote à part entière, permettent à un capitaine d'être relevé du pilotage obligatoire. Évidemment, l'administration de pilotage des Laurentides oblige les candidats à avoir une connaissance suffisante du français, élément essentiel de la sécurité de la navigation sur le St-Laurent. Il y aurait lieu, pour le gouvernement, d'examiner en détail tout le processus d'octroi de ces certificats, d'en relever les problèmes et de suggérer les correctifs appropriés tout en ayant comme principal souci la protection de la sécurité de la navigation. Les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment qu'il est possible d'arriver à un compromis acceptable entre les pilotes et les armateurs canadiens sur cette question à l'intérieur du cadre actuel de la Loi sans qu'il soit nécessaire de l'abroger complètement.
Recommandation 17: Examen des zones à pilotage obligatoire
Les députés du Bloc québécois membres du Comité ne sont pas favorables à cette recommandation. Ils estiment que toute la question des zones à pilotage obligatoire et de l'examen du pilotage obligatoire a déjà fait l'objet de nombreuses enquêtes. La tendance mondiale en ce domaine va généralement dans le sens d'un élargissement des zones de pilotage obligatoire. Depuis la catastrophe de l'Exxon Valdès, l'Alaska a élargi ses zones de pilotage obligatoire. Les Américains ont payé cher pour comprendre l'importance vitale du pilotage dans la sécurité maritime. Les députés du Bloc québécois désirent éviter à tout prix qu'une catastrophe semblable se produise au Québec et au Canada.
4) La voie maritime du St-Laurent:
Recommandation 20: Mécanisme d'arbitrage pour les relations patronales-syndicales
Les députés du Bloc québécois membres du Comité s'opposent à cette recommandation en déplorant que la majorité libérale s'attaque encore une fois à un droit fondamental de notre société, soit le droit de négocier librement ses conditions de travail. La majorité au Comité reconnaît, dans le paragraphe 1.92, que les relations de travail à la Voie maritime du St-Laurent sont stables depuis quelque temps (il faudrait lire plutôt "depuis longtemps"). Ainsi, les députés du Bloc québécois membres du Comité s'expliquent mal la volonté acharnée du Parti libéral de limiter le droit des travailleurs de négocier leurs conventions collectives librement. Les députés du Bloc québécois ont toujours considéré le droit à la négociation comme un droit fondamental du citoyen et n'acceptent pas facilement que le gouvernement cherche à limiter ce droit des travailleurs. Par ailleurs, le ton franchement anti-travailleur de ce rapport n'est pas de nature à rassurer les employés de la Voie maritime du St-Laurent à l'effet qu'on leur imposera un processus d'arbitrage juste et équitable. La feuille de route du gouvernement à cet effet est assez lamentable, surtout lorsqu'on se rappelle de son attitude récente vis-à-vis les travailleurs du rail.
Recommandation 21: Commercialisation de la Voie maritime du St-Laurent et élaboration d'une proposition pour créer un organisme bi-national de gestion
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont d'accord avec la commercialisation de la Voie maritime du St-Laurent. Ils croient qu'un organisme à but non lucratif composé des instances locales, des intervenants du secteur maritime et des expéditeurs est un moyen idéal pour maximiser l'efficacité de la Voie.
La création éventuelle d'un éventuel organisme bi national de gestion de la Voie maritime du St-Laurent soulève certains commentaires et exigences de la part des députés du Bloc québécois membres du Comité. En effet, la Voie maritime du St-Laurent est située en grande majorité en territoire québécois et canadien. Ce sont les Canadiens qui en grande partie ont assumé, avec leurs impôts, les coûts de construction de la Voie. Il s'agit d'une de leurs grandes réalisations à laquelle ils sont attachée et qui bénéficie à l'ensemble de l'économie de l'Amérique du Nord. Toutefois, notre partenaire américain tire des retombées économiques de la Voie dans une proportion similaire aux retombées canadiennes, mais assume des coûts d'opération de la Voie dans une proportion moindre que les retombées qu'il en tire. Les Québécois et les Canadiens seraient probablement enclins à accepter la mise en place d'un organisme bi national de gestion de la Voie maritime du St-Laurent, à condition d'être compensés, dans une proportion équivalente aux retombées économiques générées pour chacun des pays, pour les coûts de construction et d'entretien de la Voie maritime du St-Laurent.
Les députés du Bloc québécois membres du Comité considèrent que le Comité a manqué d'inspiration en ce qui concerne les recommandations relatives à la Voie maritime du St-Laurent. Ils auraient souhaité y ajouter deux recommandations supplémentaires.
Premièrement, une recommandation devrait être faite au ministre d'entamer des négociations avec les États-Unis pour faciliter l'acheminement des navires dans la Voie maritime du St-Laurent. Une reconnaissance mutuelle des organismes de contrôle de chacun des pays sur la Voie pourrait être envisagée dans le but d'éviter la double procédure administrative d'acheminement des navires. Il n'est pas absolument nécessaire que la Voie maritime soit sous l'administration bi nationale pour commencer à réduire les formalités administratives.
Deuxièment, les députés du Bloc québécois sont d'avis que Transports Canada devrait resserrer ses critères quant à la possibilité pour des navires battant pavillons étrangers de faire du cabotage en eaux canadiennes. Étant donné que le Canada et les États-Unis partagent le même plan d'eau que sont les Grands Lacs, ils considèrent que le ministre devrait entamer des négociations avec les États-Unis pour explorer la possibilité de permettre aux navires des deux nationalités de faire du cabotage librement. Les Grands Lacs pourraient être déclarés zone de libre circulation maritime entre le Canada et les États-Unis. Le Canada a probablement plus à gagner d'une libéralisation du cabotage dans les Grands Lacs. Il faudrait toutefois faire remarquer aux Américains qu'ils paient une faible fraction des coûts d'exploitation de la Voie maritime du St-Laurent alors qu'ils en retirent des bénéfices considérables.
Recommandation 22: Soutien gouvernemental pour la construction de navires adaptés à la Voie maritime du St-Laurent
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont heureux de constater que la majorité des députés ont accepté leur proposition pour cette importante recommandation. Ils souhaitent ardemment que le ministre retienne cette recommandation vitale pour l'avenir de la Voie maritime du St-Laurent et pour les chantiers maritimes du Québec et du Canada.
5) La garde côtière canadienne:
Les députés du Bloc québécois membres du Comité reconnaissent le rôle essentiel de la Garde côtière dans notre système maritime. La Garde côtière assure des services d'intérêt national qui bénéficient non seulement à la navigation maritime, mais à la population entière (recherche et sauvetage et déglaçage). Les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment qu'il sera pratiquement impossible d'identifier tous les utilisateurs directs des services de la Garde côtière d'une façon juste et équitable. Ils se questionnent de plus, sur le coût qu'entraînerait un recouvrement à la pièce, ce qui est d'ailleurs soulevé au paragraphe 1.121 du rapport de la majorité.
Les députés du Bloc québécois membres du Comité ne sont pas opposés à un certain recouvrement des coûts pour les services dispensés par la Garde côtière. Ils estiment toutefois que la solution la plus efficace et la plus équitable pour le recouvrement des coûts de la Garde côtière est présentée au paragraphe 1.121 du rapport de la majorité. Au même titre que la majorité au Comité, ils considèrent que non seulement la navigation commerciale doit contribuer à un certain recouvrement des coûts des services de la Garde côtière, mais que la pêche et la plaisance doivent aussi faire leur part. En ce qui concerne la navigation commerciale, les députés du Bloc québécois membres du Comité considèrent comme intéressante la proposition de la majorité relative à un prélèvement sur la circulation maritime. Par ailleurs, l'activité économique des ports est en partie tributaire des services de la Garde côtière. À cet effet, les députés du Bloc québécois membres du Comité considèrent que les revenus tirés par le gouvernement des dividendes ou loyers payés par le réseau portuaire devraient être alloués au recouvrement des coûts de la Garde côtière en réduction du fardeau qui sera imposé à la navigation commerciale.
Recommandation 24: Fusion de la flotte de la Garde côtière avec celle de Pêches et Océans
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont en accord avec cette recommandation et souhaitent ardemment que des gains de productivité pour les deux flottes soient réalisés. Ils estiment toutefois que le Comité aurait pu aller plus loin dans cette recommandation et recommander que le gouvernement étudie l'opportunité d'inclure dans cette fusion la flotte d'Environnement Canada et même celle de la Défense nationale comme le recommandait le Comité permanent de la Défense nationale en 1990. De plus, ils sont d'avis, comme le Vérificateur général le suggérait, que le gouvernement doit étudier toutes les possibilités de réaliser des gains de productivité dans ses équipements.
Recommandations 25 et 27: Réduction du nombre d'aides à la navigation et rationalisation des services à la navigation maritime
Les députés du Bloc québécois membres du Comité s'inquiètent de la rapidité avec laquelle on propose d'appliquer cette recommandation. Il faut bien comprendre que seule une minorité de bâtiments naviguant sur le St-Laurent est dotée de ce nouvel équipement. Il est vrai que les armateurs canadiens procèdent avec rapidité en ce domaine; toutefois, une bonne partie du trafic est composée de navires étrangers. Il est évident que les membres du Comité ne veulent pas fermer nos portes à l'arrivée de ces navires étrangers qui ne seraient pas équipés de cette technologie et qu'en conséquence l'enlèvement des aides à la navigation doit se faire graduellement. De plus, cette technologie est relativement nouvelle dans le domaine maritime et on devrait s'assurer qu'elle fonctionne parfaitement avant de retirer un grand nombre d'aides à la navigation.
Ceci étant dit, les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment que la Garde côtière pourrait commencer à imposer des tarifs aux navires qui ne sont pas dotés de cet équipement et qui entraînent des coûts pour le maintien des aides à la navigation autrement inutiles.
Recommandation 26: Dragage
Le dragage doit être considéré comme les routes. Par analogie, les routes municipales sont entretenues par les municipalités alors que les routes provinciales et autoroutes reliant les municipalités sont entretenues par les provinces. Ainsi donc, les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment que le dragage des ports devrait être la responsabilité des administrations portuaires alors que le dragage des chenaux devrait être celle de la Garde côtière et être considéré comme un service public essentiel (au même titre que les routes) et ne pas faire l'objet de recouvrement spécifiques de coûts.
Recommandation 28: Recouvrement de coûts pour le déglaçage
Les députés du Bloc québécois membres du Comité considèrent que le déglaçage est un service essentiel d'intérêt public et ne devrait pas faire l'objet de recouvrement de coûts. Le déglaçage est essentiel pour bon nombre de communautés le long du St-Laurent et dans les Maritimes pour éviter la formation d'embâcles qui provoquent des inondations. À cet effet, le déglaçage protège la vie et les biens des populations le long des berges. Par ailleurs, le déglaçage permet la navigation sur le St-Laurent en hiver, ce qui génère des retombées économiques pour l'ensemble du Canada. Comment savoir si les navires utilisant le port de Montréal en hiver utiliseraient un autre port canadien si le St-Laurent devait fermer l'hiver? Peut-être utiliseraient-ils des ports américains à la place, ce qui ferait perdre des emplois et des revenus pour le Québec et le Canada.
Recommandation 29: Tenir compte de la classification des navires pour l'imposition de tarifs compensatoires aux navires mal équipés pour naviguer dans les glaces
Les députés du Bloc québécois membres du Comité estiment qu'effectivement, les navires mal équipés pour la navigation dans les glaces devraient se voir imposer une pénalité équivalente aux coûts supplémentaires que doit encourir la Garde côtière pour les desservir.
Recommandation 31: Consultation pour la mise en place du programme national de recouvrement des coûts des services de la Garde côtière
Les députés du Bloc québécois membres du Comité accueillent positivement la volonté de la majorité libérale de procéder à une vaste consultation avec le milieu intéressé dans la mise en place du programme national de recouvrement de coûts. Ils s'interrogent toutefois sur la représentativité régionale de la Commission consultative maritime sur laquelle ne siègent que deux Québécois. Si le gouvernement désire être vraiment équitable dans son processus de consultation, il doit procéder à cette consultation avec un organisme qui représente équitablement les intérêts de toutes les régions maritimes du Canada.
Recommandation 33: Système national d'immatriculation des embarcations de plaisance
Les députés du Bloc québécois membres du Comité sont d'accord avec la mise en place d'un système d'immatriculation moderne des embarcations de plaisance et sur lequel l'administration se fonderait pour le recouvrement total des coûts. De plus, ils considèrent que le système d'immatriculation des embarcations de plaisance est aussi le véhicule idéal par lequel le gouvernement pourrait faire supporter une partie équitable du recouvrement des coûts pour les services de la Garde côtière qui sont utilisés par la navigation de plaisance.
Ottawa, le 3 mai 1995
Michel Guimond, député de Beauport-Momorency-Orléans
Paul Mercier, député de Blainville - Deux-Montagnes