[Enregistrement électronique]
Le mercredi 25 septembre 1996
[Traduction]
La présidente: Je déclare la séance ouverte.
J'ai la permission de John Loney de commencer. Il est un peu en retard. S'il a des questions sur ce que nous aurons fait, nous nous arrêterons pour une pause. Nous essaierons de tout lui raconter. Je pense qu'il nous rattrapera, car il a beaucoup plus d'expérience que la plupart d'entre nous.
Ray, vous avez dix minutes pour faire votre exposé et ensuite nous vous interrogerons. Ne pensez pas devoir vous presser, car s'il y a quelque chose que nous n'avons pas compris, nous pourrons vous interroger à loisir puisqu'il n'y a pas de temps limite pour les questions.
M. Raymond Bonin (Nickel Belt): J'ai dix minutes pour faire mon exposé?
La présidente: Oui, mais il n'est pas nécessaire de prendre tout ce temps.
M. Bonin: Non. Je sais comment cela se passe. Plus je ferai vite, plus vous pourrez rentrer chez vous rapidement. N'est-ce pas?
La présidente: Non, non.
M. Bonin: Merci beaucoup de me donner la possibilité de vous présenter le projet de loi C-266, Loi modifiant la Loi sur la concurrence.
Afin d'évaluer ce projet de loi dans un contexte approprié, il faut répondre aux questions suivantes.
Tout d'abord, une personne devrait-elle avoir le droit de dénoncer une infraction à une loi du Parlement ou de refuser d'accomplir un acte qui constituerait une infraction à une loi du Parlement sans crainte d'être renvoyée par son employeur?
Oui, chaque personne devrait bénéficier d'une telle protection. Le principe est reconnu dans plusieurs lois gouvernementales: la Loi sur la Fonction publique de l'Ontario, la Loi sur la protection de l'environnement de l'Ontario, celle de la Nouvelle-Écosse, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et la Loi sur l'environnement du Yukon.
Le Congrès des États-Unis va plus loin et offre cette protection dans diverses industries du secteur privé. L'État du New Jersey a sa loi, le «Conscientious Employee Protection Act», aux termes de laquelle un employé ne perd aucun privilège pour avoir dénoncé une violation à une loi ou avoir refusé de contrevenir à une loi de l'État fédéral, d'un État, ou locale.
Deuxièmement, un Canadien en possession de renseignements sur une infraction à une loi du Parlement, devrait-il avoir le droit de dénoncer de manière anonyme cette infraction? Le gouvernement devrait-il avoir la possibilité, en loi, de garantir la confidentialité de la plainte et d'initier une enquête à partir d'une plainte anonyme? Oui. L'échec au crime est fondé sur ces deux principes. La Loi sur la concurrence contient plusieurs dispositions créant des infractions aux termes du Code criminel.
Troisièmement, le Bureau de la concurrence devrait-il avoir accès à de nouveaux outils d'enquête afin de mieux identifier les individus et corporations qui se permettent des pratiques anti-concurrentielles? Oui. Les pratiques qui entravent la concurrence ont des effets néfastes sur le consommateur. Les Canadiens doivent avoir l'assurance que tout ce qui est possible est fait pour assurer la libre concurrence.
George Addy, l'ancien directeur du Bureau de la concurrence, a déclaré au moins de juin 1995 que la Loi sur la concurrence était adéquate. Le problème consiste à réunir les preuves d'actes illégaux. Qui a cette preuve? Les employés ont cette preuve, mais il n'existe aucun mécanisme qui leur permette de faire connaître l'information sans crainte de représailles.
George Addy a ajouté que l'on pouvait améliorer la Loi sur la concurrence, premièrement, en protégeant la confidentialité des témoins et des plaignants; deuxièmement, en créant un code volontaire dans le secteur privé pour permettre aux employés de faire des dénonciations. Le projet de loi C-266 ajoute à la loi les recommandations de M. Addy, car l'autoréglementation par l'industrie des questions de concurrence est un non-sens.
Le projet de loi C-266 inclut notamment l'idée que les Canadiens peuvent dénoncer, de manière anonyme, les infractions à la Loi sur la concurrence et que ce fait demeurera confidentiel; il rend illégal les mesures disciplinaires à l'égard de l'employé ou son congédiement par l'employeur pour refus de participer à une infraction à la Loi sur la concurrence ou pour en avoir fait rapport; il permet à l'employé qui a fait l'objet de mesures disciplinaires de s'adresser au tribunal compétent pour demander une indemnisation ou sa réintégration.
Avant de passer aux questions, j'aimerais mentionner que le député d'Ottawa-Centre,Mac Harb, a déclaré publiquement que ce qu'il nous faut, c'est une loi de protection du dénonciateur. Le ministre de l'Industrie dont relèverait l'application de cette loi a appuyé ces propos. En fait, ce dont il est question ici, c'est d'un projet de loi de protection du dénonciateur. L'inspiration en est venue des compagnies pétrolières. Il existe une perception au Canada, à juste titre ou pas, que les Canadiens se font avoir et comme législateurs, nous devons éliminer cette crainte.
Madame la présidente, je suis à votre disposition pour les questions.
La présidente: Merci beaucoup.
Les membres du comité ont-ils des questions?
[Français]
M. Langlois (Bellechasse): C'est clair, monsieur Bonin. C'était en cas de dénonciation abusive, mais votre paragraphe 64.1(3) le prévoit clairement. Cela aurait pu être utilisé comme un moyen de chantage, mais si la commission en arrive à la conclusion qu'une personne a fait une dénonciation à des fins malicieuses, le droit à l'anonymat disparaît et des recours civils peuvent être entrepris. Cela répond à ma question. Merci.
[Traduction]
La présidente: C'était facile, n'est-ce pas. Nous avons terminé.
M. Bonin: C'est le résultat qui me permettra de dire si c'était facile ou pas.
La présidente: Il ne faut pas vous fonder sur le nombre de questions qu'on vous a posées. Parfois, nous sommes tous d'accord et donc nous ne posons pas de questions. Parfois, nous pensons que c'est ridicule et nous ne posons pas de questions. Donc cela ne donne aucun indice.
M. Bonin: Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Nous entendrons maintenant M. Strahl.
M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est): Merci.
Je suis indécis en ce qui concerne le projet de loi C-236 que vous avez sous les yeux. C'est un beau petit projet de loi bien court. Il n'est pas difficile à lire. Essentiellement, il porte sur l'importation de déchets radioactifs et sur la question de savoir si nous devons ou non agir, comme gouvernement, pour interdire l'arrivée ici de tels déchets, avant qu'on cherche à nous en expédier comme probablement les Américains, qui pourraient souhaiter entreposer leurs déchets radioactifs dans notre pays.
Si je suis un peu indécis à ce sujet, madame la présidente, c'est qu'en mars dernier, lorsque j'ai déposé ce projet de loi, le gouvernement n'avait pas de projet de loi semblable bien que les gouvernements qui se succèdent promettent ce genre de mesures, probablement depuis vingt ans. Peu de temps après, Mme McLellan a présenté un projet de loi qui vise l'ensemble de l'industrie nucléaire, un projet de loi très complet qui couvre tout, de la Commission de contrôle nucléaire jusqu'à la composition du conseil d'administration de l'EACL, etc. Toutefois, son projet de loi n'inclut pas l'interdiction d'importer les déchets radioactifs.
Donc, si je suis un peu indécis, et peut-être le comité pourrait-il me conseiller, c'est que ce projet de loi s'inscrit dans la même optique que le projet de loi de la ministre. Le projet de loi ne vise pas la même chose, mais le chevauchement est insurmontable. Son projet de loi porte sur les déchets radioactifs, mais le mien a précédé le sien et je ne sais pas au juste quoi faire.
Je vais vous expliquer pourquoi je voulais aller de l'avant et vous pourrez peut-être ensuite me conseiller sur ce que je devrais faire, car sinon, la Chambre sera saisie de deux projets de loi qui portent sur des questions semblables. Je ne sais pas ce qui se passe dans un tel cas.
Je pense que d'une façon générale, les Canadiens ne veulent pas de déchets radioactifs dans leur cour. De ce point de vue, le projet de loi se justifie. Comme vous le savez, il a fallu huit ans et probablement 20 millions de dollars pour que le groupe de travail chargé du choix d'un site arrive à trouver une ville qui accepterait même des déchets à faible taux de radioactivité. Je pense donc que la population appuie majoritairement ce projet de loi.
J'aimerais mentionner, afin de rassurer l'industrie nucléaire, que je ne parle pas de la destruction du plutonium des ogives nucléaires. En d'autres termes, vu les arrangements actuels, tout ce que nous pourrions faire d'utile et je pense que nous pouvons faire quelque chose au Canada pour détruire les produits radioactifs des ogives nucléaires - se ferait après le traitement du plutonium aux États-Unis et son exportation vers le Canada sous forme de combustible et non pas de déchets. Donc rien ne nous empêche dans ce projet de loi de traiter le plutonium. Mais en ce qui concerne les déchets, je pense que les Canadiens sont unanimes.
À mon avis, nous avons besoin d'un tel projet de loi, car plusieurs groupes ont manifesté le désir exprès d'importer...
M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): M. Strahl a demandé notre avis. Si je comprends bien notre ordre de renvoi, si les dispositions d'un projet de loi d'initiative privée chevauche une initiative gouvernementale, nous ne pouvons en faire l'objet d'un vote.
La présidente: M. Strahl a précisé très clairement que son projet de loi va au-delà du projet de loi ministériel et donc j'aimerais lui permettre de terminer son exposé.
M. Strahl: Si le projet de loi vient à point nommé et est nécessaire, car sinon ce ne serait peut-être qu'un argument philosophique, c'est que deux groupes exercent activement des pressions sur le gouvernement pour obtenir le privilège d'importer des déchets radioactifs au Canada.
Le Conseil tribal de Meadow Lake dans le nord de la Saskatchewan a fait savoir en février de l'an dernier qu'il serait disposé à accepter pour entreposage des déchets radioactifs sur sa réserve dans le Bouclier canadien. L'avantage, ou la beauté de la chose, est dû au fait que comme il s'agit d'une réserve, le Conseil tribal exerce un contrôle quasi total sur ces terres et leur sous-sol. Dans le cadre de son plan de développement économique, la bande a pensé accepter, moyennant paiement, d'entreposer des déchets radioactifs sur son territoire. Évidemment, c'est son propre territoire, mais c'est également en territoire canadien. En d'autres termes, c'est une initiative du Conseil tribal de Meadow Lake qui ferait venir des déchets radioactifs pour les entreposer. Je ne pense pas que les Canadiens soient favorables à cette idée, et pourtant, le Conseil tribal de Meadow Lake le propose et encourage une telle mesure.
Ensuite il y a le groupe de travail de Pinawa lui-même qui est chargé de se prononcer sur l'avenir du site Pinawa au Manitoba. Je m'y suis rendu à quelques reprises, j'ai parlé aux habitants qui s'y trouvent, je suis descendu dans la mine, ou dans ce trou dans le sol. Je suis tout à fait favorable à l'idée d'y enfouir des déchets canadiens. Toutefois, pour gagner de l'argent, les membres du groupe de travail proposent d'entreposer au site de Pinawa des déchets radioactifs, et je ne m'y oppose pas. On a fait un travail très poussé et je reconnais qu'il y a des raisons logiques d'utiliser le site à cette fin. Toutefois, les propositions du groupe de travail vont plus loin que l'enfouissement des déchets canadiens provenant de réacteurs nucléaires canadiens. Il propose qu'on transporte de tels déchets, de partout au monde, par un navire ou par d'autres moyens, jusqu'à la Baie d'Hudson, pour les enfouir à Pinawa.
Nous devons prendre en charge nos propres déchets qui sont notre problème. Toutefois, je pense que les Canadiens feraient valoir - et je suis certainement de ce nombre - qu'il ne s'agit pas ici de déchets canadiens. On propose, plutôt, que nous devenions un dépotoir de déchets radioactifs provenant de partout au monde.
Encore une fois donc il y a ces deux tentatives en vue de faire venir des déchets radioactifs du monde entier pour les entreposer ici, dans nos propres sites d'enfouissement. Parce que personne ne s'y est opposé, personne n'a dit non, on continue de considérer que cette option est viable.
On dit que les seuls Américains ont suffisamment de déchets de haute activité, pas de faible activité, mais bien de haute activité, pour remplir 86 terrains de football sur une profondeur d'un mètre. Il faut placer ces déchets dans des tubes gros comme cela, et les enfouir dans le sol à une profondeur de 500 à 700 mètres. C'est énorme. Je pense que les Américains cherchent un endroit pour l'enfouissement qui ne soit pas politiquement dangereux chez eux et donc ils regardent vers le Canada.
Si jamais cela commençait, à cause de l'ALENA et de nombreux autres accords, nous ne pourrons plus y mettre fin. Si vous acceptez les déchets d'un seul pays, vous allez devoir les accepter de partout au monde. C'est ce qui est convenu aux termes du GATT et de l'ALENA. En provenance des États-Unis seulement, il y a 77 000 tonnes de ces déchets à entreposer.
Je me répète, mais comme je l'ai dit au début, le projet de loi de la ministre inclut les déchets radioactifs et accepte cette option. Dans son projet de loi il est dit...
La présidente: Excusez-moi, puis-je vous interrompre? Vous connaissez mieux le projet de loi que moi. Précise-t-il expressément que nous accepterions des déchets des Américains?
M. Strahl: Non, on dit à la discrétion de... Je veux m'en tenir aux faits. Le projet de loi prévoit que la Commission canadienne de sécurité nucléaire, un nouvel organisme, pourra posséder, transférer, importer, exporter, utiliser ou abandonner des produits nucléaires. En d'autres termes, la Commission pourra à sa discrétion, accorder un permis d'importation de déchets radioactifs.
Ce projet de loi porte donc sur un sujet semblable. Il présente simplement l'autre point de vue.
Comme vous Jack, je ne vois pas comment on va régler le problème.
La présidente: Vous venez de nous donner de très bonnes raisons de ne pas faire de ce projet de loi un projet de loi pouvant faire l'objet d'un vote. Pour atteindre votre objectif, vous n'avez qu'à voter contre le projet de loi d'Anne McLellan. Voulez-vous vous concentrer sur une question en particulier et appuyer le reste du projet de loi? Il faut vous décider tout de suite. Comme je l'ai dit, vous me donnez plus d'information que l'information que l'information dont j'ai besoin où que je souhaite. Selon vous, son projet de loi va à l'encontre du vôtre.
M. Strahl: Oui.
La présidente: Vous cessez donc de demander qu'il fasse l'objet d'un vote.
M. Strahl: Je crois que je dois sans doute le faire. Je voulais qu'on me conseille. Il semblerait que mon projet de loi vise l'objectif tout à fait inverse de celui de la ministre. Comme vous le faites valoir, dois-je trouver cela tout simplement dommage ou devrais-je simplement considérer que la teneur de mon projet de loi n'a rien à voir avec la teneur du projet de loi de la ministre? Voilà pourquoi je veux...
La présidente: Permettez-moi de vous interrompre encore une fois. J'aimerais poser une question à M. Lee.
Nous sommes très chanceux de compter parmi nos membres un député qui était président du comité lorsque le projet de loi a été choisi pour faire l'objet d'un vote. La ministre Copps a annoncé son intention de présenter un projet de loi sur ce sujet en 1995. Le comité a apparemment décidé que ce projet de loi ferait l'objet d'un vote puisque la ministre n'a pas présenté son projet de loi. Vous souvenez-vous bien de ce qui s'est passé?
M. Lee (Scarborough - Rouge River): Oui.
La présidente: Anne McLellan a-t-elle déposé son projet de loi ou a-t-elle simplement annoncé qu'elle comptait le faire? Je ne vous pose pas la question à vous, Derek, mais à celui qui est là en train de nous donner des raisons pour lesquelles il ne faut pas que nous recommandions que son projet de loi fasse l'objet d'un vote. Les 10 dernières minutes, Chuck, ont été fort instructives.
M. Strahl: J'essaie de réfléchir. J'ai vu le projet de loi, mais il n'a pas été...
La présidente: Il n'a pas encore été déposé à la Chambre?
M. Strahl: Les leaders à la Chambre ne considèrent pas qu'il fait partie du programme des travaux futurs...
La présidente: si vous croyez vraiment au bien-fondé de votre projet de loi, je crois que vous devriez mieux le défendre. La ministre ne déposera peut-être jamais ce projet de loi. Elle a simplement dit qu'elle comptait le faire, mais le gouvernement accordera peut-être la priorité à d'autres projets de loi.
M. Strahl: Oui.
La présidente: Vouliez-vous dire quelque chose, monsieur Lee?
M. Lee: Quant à savoir si le gouvernement a déjà présenté un projet de loi sur le même sujet, j'aimerais vous donner en exemple le projet de loi sur les espèces menacées. Bien qu'un ministre ait annoncé que le gouvernement comptait présenter un projet de loi sur cette question, il ne l'avait pas fait lorsqu'un député a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Je vous signale que le gouvernement n'a toujours pas présenté un projet de loi sur les espèces menacées.
La présidente: Je vous remercie. Savez-vous si Mme McLellan...? Quelqu'un le sait-il? Je ne pense pas qu'un projet de loi ait été déposé. S'il l'avait été, je le saurais. Monsieur Langlois, savez-vous ce qu'il en est?
M. Strahl: On promet ce projet de loi depuis 20 ans. La raison...
La présidente: Chuck, pourquoi ne pas tout reprendre à zéro. Quittez un moment la salle et revenez ensuite défendre votre projet de loi en faisant comme si vous n'aviez jamais entendu parler d'un autre projet de loi.
M. Strahl: Très bien. Je m'en remets à vous. Je crois que c'est un bon projet de loi qui recueillera l'appui d'un grand nombre de personnes. Comme vous l'avez fait remarquer, j'étais aussi convaincu que la ministre finirait par présenter ce projet de loi. Peut-être qu'elle ne le fera jamais. Comme ça semble le cas, j'aimerais que mon projet de loi fasse l'objet d'un vote. Par ailleurs, je ne voudrais pas faire perdre son temps à la Chambre. Je ne veux sincèrement pas...
La présidente: Je le sais, et c'est tout à votre honneur.
M. Strahl: Je m'en remets donc à vous.
La présidente: Non, ne partez pas. Nous aurons peut-être des questions. Vous ne vous en tirerez pas à si bon compte.
M. Strahl: D'accord.
La présidente: Monsieur Langlois, avez-vous des questions? Non. Monsieur Loney?
M. Loney (Edmonton-Nord): Non, pas avant d'avoir vu le projet de loi proposé par la ministre.
La présidente: Il se pourrait que nous attendions durant 25 ans.
M. Frazer: J'allais demander à Chuck s'il avait vu le projet de loi proposé de la ministre et s'il pensait pouvoir proposer des amendements qui correspondraient à ce qu'il souhaite obtenir. Mais, évidemment, si vous n'avez pas vu le projet de loi, vous ne le savez pas.
M. Strahl: Justement. Ce serait certainement facile, mais je n'ai pas été en mesure de le faire puisque le projet n'a pas été déposé devant la Chambre.
M. Frazer: D'accord.
M. Strahl: Si j'ai présenté la mesure, c'était au départ pour obliger le gouvernement à aborder cette question avant qu'elle ne devienne explosive. Le terme est peut-être mal choisi lorsque nous parlons de radioactivité. Avant qu'elle ne devienne...
La présidente: Merci.
Si les gens du parti Réformiste choisissent M. Strahl pour faire un exposé en leur nom, ils auraient intérêt à bien y penser, étant donné qu'il m'a pratiquement convaincu...
M. Strahl: Je vous remercie de vos bonnes paroles et de votre neutralité.
La présidente: Le suivant est M. Lee.
M. Derek Lee (Scarborough - Rouge River): Merci.
Chers collègues, la question dont traite mon projet de loi n'a pas, à ma connaissance, fait l'objet d'une motion ou d'un projet de loi devant la présente législature, ni au cours des 129 dernières années. J'ai fait des recherches attentives et je crois avoir raison de l'affirmer.
En prenant connaissance de la motion, vous constaterez qu'elle confirme à nouveau le droit et le pouvoir du Parlement de convoquer des personnes et d'exiger le dépôt de documents. Il s'agit, concrètement, du pouvoir d'exiger que des personnes comparaissent et répondent à des questions et d'exiger qu'elles produisent des documents. D'après mon expérience comme député, c'est la possibilité d'exercer ou non ce droit qui a constitué l'obstacle le plus important à mon travail en comité. À la Chambre, le problème est moindre, étant donné que nous ne demandons pas normalement à des gens de comparaître. Tant d'ignorance et de refus obstiné en la matière, aussi bien parmi le public qu'au sein de l'exécutif, me met mal à l'aise comme parlementaire.
Le contexte, que je vous décris dans la feuille que je vous ai fournie, en est un où les droits et le pouvoir du Parlement en la matière ont été décrits et cités de diverses façons dans Maingot, Beauchesne, Erskine May. Également, la Cour suprême n'a pas cessé, comme il se doit, de confirmer l'existence de l'ensemble des privilèges parlementaires pertinents comme faisant partie du droit canadien. Il manque cependant une définition claire des pouvoirs du Parlement en la matière. Au Parlement, on continue de se fier au «droit de convoquer des personnes et d'exiger le dépôt de documents», selon l'expression exacte, je crois. Bien des gens ne savent pas ce que cela veut dire. L'expression définit essentiellement le pouvoir d'exiger que certaines personnes soient présentes, que des réponses soient fournies à certaines questions et que des documents soient déposés.
Parmi les nombreux exemples de cas que l'on pourrait citer, il y en a un qui m'a concerné directement en 1991. Je siégeais au Comité de la justice à l'époque et nous avons demandé que soit déposé un document, dans sa version intégrale. Les ministériels ont refusé. Après quelques semaines, nous avons exigé le dépôt du document. Les ministériels ont refusé.
Étant dans l'opposition, je me suis alors levé en Chambre pour soutenir que mes privilèges avaient été violés. Ma plainte ayant été acceptée comme telle, elle a été renvoyée au Comité des privilèges et élections. Dans son rapport à la Chambre, le comité reconnaissait le bien-fondé de ma position. Vous vous souviendrez qu'à l'époque, c'est le gouvernement conservateur qui était au pouvoir et le Comité de la justice aussi bien que le Comité des privilèges et élections ont confirmé le pouvoir du Parlement que j'invoquais. Cependant, lorsque la question a été soumise à nouveau à la Chambre, un nouveau solliciteur général avait été nommé. Il a essentiellement accédé à ma demande par voie de consentement de la Chambre mais il n'a pas voulu confirmer la position prise par les membres du Comité des privilèges et élections dans leur rapport.
À l'époque, il y avait consensus parmi les membres du comité, autant chez les ministériels que parmi mes collègues, et nous sommes donc allés de l'avant et avons obtenu les documents. Nous n'avons toutefois pas réussi à établir un précédent parce que le gouvernement a bientôt tout oublié. Peu de temps après le début de la présente législature, le solliciteur général a plaidé l'ignorance. Deuxièmement, la Chambre n'a jamais adopté le rapport original du comité des privilèges et élections.
Il en résulte qu'il y a des ministres, des députés, des rois et des reines et de simples citoyens qui ne sont absolument pas au courant de cela. En conséquence, ni au Parlement ni au comité, nous n'obtenons la réponse que nous devrions obtenir quand le comité donne un ordre. Ce n'est pas un député qui en fait la demande; ce doit être le comité.
J'estime qu'il faut remédier à cela. L'existence de cette situation sape la confiance du public envers le Parlement. Nous sommes plus qu'un simple club oratoire ou qu'un applaudimètre pour le gouvernement.
Le Sénat de l'Australie a jugé nécessaire de le faire en 1975. La Chambre des communes britannique a jugé nécessaire de le faire en 1947. J'ai une tonne de documents et de citations d'une foule de gens intéressants qui confirment tout cela. Le problème est de concrétiser cela à la Chambre des communes du Canada.
Pendant 129 ans, nous avons pataugé sans jamais l'énoncer clairement. Nous supposons simplement que toutes ces autorités de la Chambre britannique...et nous avons laissé les auteurs, les commentateurs et d'autres encore patauger pendant 129 ans. Je crois que le temps est venu de mettre fin à cette situation. Je trouve que la Chambre doit le confirmer et que c'est par une motion qu'il faut s'y prendre.
J'ai fait de mon mieux pour rédiger une motion qui conviendrait. J'ai travaillé de concert avec notre juriste parlementaire, Diane Davidson, et j'ai également travaillé avec d'autres personnes. Le résultat est le libellé que vous avez sous les yeux.
Si cette motion est adoptée, elle créera un jalon, un point de repère auquel pourront se reporter tous les députés qui nous suivront. Ce sera gravé dans le marbre. La Chambre l'aura confirmé et ce sera précisé une fois pour toute à l'intention de tous les scribes parlementaires, tous les Beauchesne, tous les présidents de la Chambre et tous les députés qui nous succéderont dans cette enceinte.
Je fais remarquer que c'est absolument non partisan. C'est un geste pour le Parlement. Quelqu'un doit bien s'occuper du Parlement et je ne pense pas que ce soit la tâche de l'exécutif. Il incombe aux députés de le faire.
Je signale également que les pouvoirs énoncés dans la motion ne sont pas nouveaux. Ils existent déjà. Il faudrait une pléthore d'avocats pour déterrer tous les précédents, fouiller 300 ans d'histoire et expliquer tout cela. Toutefois, il n'existe aucun énoncé moderne précisant tout cela à l'intention du Parlement canadien. C'est précisément dans ce but que je présente cette motion.
La présidente: J'ai le sentiment de vivre un moment historique. Merci.
M. Lee: Nous verrons bien.
La présidente: Monsieur Langlois.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Lee, j'ai un peu vécu la même situation que vous, pendant moins longtemps cependant, comme membre du sous-comité sur la sécurité nationale. En tant que parlementaires, on est en droit de s'attendre à la coopération des témoins qui viennent devant nous. Plusieurs témoins me sont apparus comme étant carrément hostiles et, malgré les demandes répétées, ont refusé de répondre ou ont été évasifs dans leurs réponses aux questions qui leur étaient posées.
Vous avez parlé de l'expérience de 1991 dans l'affaire Gingras, au sujet de laquelle vous avez fait rapport à la Chambre et au Comité permanent des privilèges et élections. Votre expérience en tant que président du sous-comité sur la sécurité nationale confirme-t-elle l'impression qui se dégageait déjà en 1991?
[Traduction]
M. Lee: Rien n'a changé. On donne aux fonctionnaires du gouvernement qui comparaissent devant nos comités des renseignements vagues sur l'étendue de leurs responsabilités.
Je signale qu'un autre comité de la Chambre, nommément le Comité mixte permanent de l'examen des textes réglementaires, a demandé au sous-procureur général de confirmer que le Parlement possède ces pouvoirs et ces droits. Le sous-procureur général l'a confirmé. Ses propos différaient de la teneur de la note de service ministérielle qui circulait alors, laquelle avait été rédigée à l'intention des fonctionnaires qui comparaissent devant les comités. Je l'ai lue et je l'ai trouvée très mal à propos parce qu'on n'y précisait pas les pouvoirs du Parlement à cet égard.
Le ministère de la Justice s'est alors lancé dans la rédaction d'une nouvelle note. Il y a trois ou quatre mois, nous leur avons demandé si nous pouvions prendre connaissance de cette note, et le ministre de la Justice a dit non. En un sens, c'était stupide de notre part de nous imaginer que l'exécutif s'occuperait d'énoncer et d'exposer clairement les pouvoirs du Parlement à cet égard. Pourquoi ces gens-là le feraient-ils? Ils ne travaillent pas pour le Parlement et la plupart d'entre eux ne connaissent pas le droit parlementaire.
Le problème se pose donc toujours au comité mixte permanent. Nous cherchons à prendre connaissance de la note du Bureau du Conseil privé qui est censée expliquer quelles sont les obligations des fonctionnaires lorsqu'ils répondent aux questions des membres du comité. Que je sache, cette note n'est toujours pas imprimée. Le ministre de la Justice ne veut pas la publier. C'est l'un ou l'autre.
Donc, rien n'a changé et, à mon avis, rien ne changera tant que le Parlement n'aura pas clairement précisé la loi. Aucune autre institution au Canada n'est capable d'énoncer clairement la loi. Le Parlement est l'unique institution capable de le faire. Les tribunaux ne se mêlent pas du processus parlementaire. C'est un principe constitutionnel qui a encore été confirmé par la Cour suprême du Canada il y a trois ans. Les juges ne se mêlent pas de ce qui se passe au Parlement et personne ne peut donc préciser les choses à notre place.
Le Parlement ne demanderait jamais au gouvernement d'adopter une loi d'application générale pour apporter des précisions là-dessus. Ce n'est pas la bonne manière de procéder. C'est le Parlement qui doit s'affirmer et reconfirmer tout cela; c'est-à-dire, non pas le préciser, mais simplement l'énoncer, ce qui aurait dû être fait il y a 129 ans.
Au début de chaque nouvelle législature, le président de la Chambre s'adresse à la Couronne pour demander de reconfirmer les pouvoirs et privilèges du Parlement et il utilise cinq ou six mots qui renferment le pouvoir énoncé dans ma motion. Celle-ci renferme par ailleurs bien d'autres choses, mais nous en sommes au point où tout le droit parlementaire est contenu et réitéré dans cinq ou six mots qui sont prononcés tous les quatre ans, ce qui fait que personne n'en sait rien. Les gens n'y comprennent rien.
La présidente: Monsieur Langlois? Monsieur Frazer?
M. Frazer: Monsieur Lee, j'ai connu moi aussi la situation que vous avez vécue au comité. C'est arrivé au Comité permanent de la défense nationale et des affaires des anciens combattants, alors que nous interrogions les représentants du Centre de la sécurité des télécommunications, lesquels nous donnaient des réponses évasives. Ils ne répondaient qu'à moitié et même, dans certains cas, refusaient carrément de répondre.
Ma question découle de mes antécédents à titre de militaire possédant une cote de sécurité. Jusqu'où irait les pouvoirs que vous réclamez? Cela forcerait-il les gens à révéler au comité des choses qui pourraient être considérées confidentielles parce qu'elles touchent au fonctionnement du gouvernement ou à la sécurité de la nation?
M. Lee: C'est une excellente question à laquelle je ne peux pas répondre en une seule phrase. Je dois établir le contexte. Il y a évidemment des questions qui font l'objet d'enquêtes au comité parlementaire et qui ne devraient pas être rendues publiques, pour des raisons de simple bon sens: des secrets commerciaux, des renseignements personnels, des questions mettant en jeu le secret d'État ou la sécurité nationale. Il est bien évident que les séances des comités parlementaires ne peuvent pas devenir un prétexte pour déballer publiquement une foule de choses qui normalement ne seraient pas rendues publiques.
Ce que je dis, c'est que le Parlement a les pleins pouvoirs pour obtenir cette information. Si le Parlement ne peut pas l'obtenir, alors nous n'avons plus aucune raison d'être; nous ne pouvons plus faire notre travail.
Nous devons donc affirmer le principe que nous y avons droit, mais je m'attends à ce que le comité fasse preuve de bon sens et siège à huis clos dès qu'il est question d'affaires secrètes, de sécurité nationale, de secrets d'État ou de toute question qui entrerait en conflit avec d'autres lois.
Dans un cas, le comité dont je faisais partie a simplement tenu une séance que nous avons appelée «en bras de chemise». Ce n'était même pas à huis clos, c'était simplement une réunion des membres du comité qui écoutaient et prenaient des notes. Ces notes sont gardées secrètes pour la simple raison que les renseignements qu'on nous donnait et qui concernaient la sécurité ne devaient pas être rendus publics.
C'est au comité d'en décider. Je fais remarquer que si la loi dit clairement que le comité possède les pleins pouvoirs d'ordonner la production de documents, la comparution en personne et la réponse aux questions, il doit s'adresser à la Chambre des communes elle-même pour obtenir toute mesure d'exécution. À cet égard, on peut normalement s'attendre à ce que divers critères de politique et de simple bon sens entrent en jeu.
Si je n'avais pas été en mesure de m'appuyer sur les principes, comment aurais-je pu obtenir les documents non expurgés de Corrections Canada en 1991. Il m'a fallu les menacer d'outrage à un ministre avant d'obtenir qu'ils les crachent.
Ce que je dis aujourd'hui, c'est que nous devons revenir sur la question et affirmer le principe afin qu'il ne fasse plus jamais l'objet de débats, qu'il ne soit plus jamais mis en doute. À ce moment-là, le comité sera en mesure de prendre les arrangements voulus, de faire preuve de bon sens dans toutes les éventualités.
M. Frazer: Je suis entièrement d'accord avec ce que vous venez de dire, mais il me semble que cela soulève la question de la nécessité de faire assermenter les membres des comités qui seraient mis au courant de ce genre de renseignement, afin qu'ils s'engagent à conserver le secret. Autrement, les renseignements pourraient circuler et l'on ne pourrait pas accuser le membre du comité qui en a fait la divulgation de ne pas avoir respecté l'entente qui avait été conclue.
M. Lee: Qu'à Dieu ne plaise qu'un député ne soit jamais mis au courant de renseignements qu'un fonctionnaire connaît! Comment pourrions-nous permettre qu'une telle chose arrive?
M. Frazer: Non, ce n'est pas ce que je veux dire. Ne convenez-vous pas que...
M. Lee: Je fais du sarcasme.
Non, je ne suis pas d'accord. Il y a certaines catégories de renseignements qui, dans notre système de gouvernement, sont habituellement communiqués sous serment, qu'il s'agisse du serment du Conseil privé, ou du serment du secret. Si l'on s'aventure sur ce terrain, jusqu'à maintenant, nos comités n'ont jamais donné leur assentiment à cela, ils ont toujours répugné à admettre que le Parlement n'a pas le droit fondamental de connaître ces renseignements. Toutefois, dernièrement, d'après les conversations que j'ai eues avec des collègues, je crois que la plupart de nos collègues accepteraient que l'on fasse preuve de simple bon sens pour ce qui est de prêter serment ou d'avoir une cote de sécurité, en fonction des besoins.
Les seuls comités qui me viennent à l'esprit et où cela pourrait s'appliquer sont les comités qui s'occupent des affaires étrangères, de la défense nationale et de la sécurité nationale. Ce sont des microcosmes qui exigent des micro-procédures.
Si nous n'établissons pas le principe, alors toutes les autres questions ne se posent plus; on n'aura jamais de discussion ni de compromis, puisque les renseignements ne nous seront tout simplement plus communiqués, ou bien les témoins ne se montreront pas.
Je pose la question: que ferions-nous si un témoin refusait de se présenter?
M. Frazer: Il faudrait alors l'assigner à comparaître.
M. Lee: Nous n'avons pas ce pouvoir, monsieur. Tout ce que nous avons, c'est ce que je présente en l'occurrence.
M. Frazer: Mais c'est dans la loi.
M. Lee: Ce que j'ai exposé, c'est la loi. Que voulez-vous dire «c'est dans la loi»? C'est ceci, la loi.
M. Frazer: C'est bien ce que je dis: c'est la loi.
M. Lee: C'est le droit parlementaire.
M. Frazer: On l'assignerait donc à comparaître. C'est aussi simple que cela. Cela pourrait même se savoir dans la rue, à la radio, dans les journaux...
La présidente: Ce qu'il faut faire, messieurs, et vous le savez très bien, Derek, c'est non pas de nous lancer dans un débat sur les mérites du projet de loi, mais seulement de décider si, à notre avis, ce projet de loi devrait ou non faire l'objet d'un vote.
Y a-t-il d'autres questions ou précisions?
[Français]
M. Langlois: J'ai simplement un commentaire. Je crois que vous avez un appel téléphonique à faire à 16 h.
[Traduction]
La présidente: Ce n'est pas mon dada, alors allez-y. Je vais poursuivre. C'est seulement un avocat de Toronto.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Lee, c'est un commentaire qui n'exige pas nécessairement de réponse. J'ai beaucoup de difficulté à accepter la dernière affirmation que vous avez faite en réponse à une question de M. Frazer, à savoir que les parlementaires qui siégeraient à un comité pourraient être assujettis à un serment additionnel.
Selon moi, le serment que nous prêtons tous en tant que parlementaires, en vertu de l'article 128 de la Constitution, et qui nous donne le droit de siéger ici, nous lie au secret de façon totale lorsque nous siégeons à huis clos. Quand bien même nous en prêterions cinq ou dix autres qui nous restreindraient au plus grand secret, c'est le premier serment qui compte. Si on brise celui-là, on brise toute la chaîne de confiance et on se rend coupable d'outrage au Parlement et passible des sanctions qui s'appliquent. Je ne vois pas ce que l'accumulation de serments nous donnerait de plus.
C'est peut-être un autre débat, mais il me semble que le serment que j'ai prêté quand j'ai été assermenté comme député, comme tous nos collègues ici, est celui qui me lie et m'astreint aux règles. Les règles pour siéger à huis clos sont extrêmement strictes et, si nous devions les violer, on encourrait des mesures qui pourraient aller jusqu'à l'expulsion du Parlement.
[Traduction]
M. Lee: En fait, monsieur Langlois, depuis huit ans, je suis justement d'accord avec la position que vous prenez, à savoir qu'aucun serment additionnel n'est nécessaire. Toutefois, pour les fins de la discussion, j'ai accepté le fait que certains de nos collègues accepteraient de prêter un serment distinct si on le leur demandait, afin de faciliter la communication des renseignements. Mais il se trouve qu'en principe, je suis d'accord avec la position que vous venez d'énoncer.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Merci, Derek.
Nous entendrons maintenant madame Terrana.
Mme Anna Terrana (Vancouver-Est): Merci de me recevoir. Le projet de loi C-307 vise à modifier la Loi électorale du Canada. Le but est de faire en sorte que le jour des élections, tous les bureaux de scrutin ferment en même temps, quelles que soient les différences d'heure d'un bout à l'autre du pays.
Ce projet de loi vise à atténuer le sentiment d'aliénation des provinces de l'Ouest qui ont l'impression de ne pas participer le jour des élections puisque, dès 16 h 30, on connaît le résultat des élections dans les provinces de l'Atlantique et, à 17 h 30, on connaît les résultats au Québec et en Ontario. Les provinces de l'Ouest représentent une partie très importante du territoire canadien, mais la population est de beaucoup inférieure à celle de l'est du Canada, qui compte les deux tiers de la population du pays.
Cela m'a toujours troublée à titre de citoyenne. Je me suis souvent demandé pourquoi on n'avait pas rectifié la situation dans le passé, mais personne ne l'avait fait. Je suis maintenant en mesure de faire quelque chose.
La loi contient certaines dispositions à ce sujet. Il y a notamment le paragraphe 79(3), qui stipule que les élections ont lieu le lundi à moins que ce soit une fête nationale, auquel cas les élections ont lieu le mardi. Le paragraphe 105(5) précise que les bureaux de scrutin sont ouverts pendant11 heures, soit de 9 heures à 20 heures. L'article 324 prévoit une exception pour les circonscriptions où il y a deux fuseaux horaires ou plus. Dans ce cas, c'est le directeur du scrutin qui décide. L'article 160 précise que les bulletins de vote doivent être comptés immédiatement après la fermeture du bureau de scrutin et il n'est pas possible de retarder le compte.
Selon l'article 328, quiconque publie les résultats d'une élection dans une région avant la fin du scrutin dans la région commet une infraction. Je dois dire que cela est impossible à appliquer. J'ai entendu dire qu'on avait déjà imposé une interruption de la retransmission des résultats, mais cela n'a pas donné de résultat. En 1993, je me suis rendue à un bureau de scrutin où l'on m'a dit que notre parti avait gagné dans les provinces de l'Atlantique et que nous étions en train de gagner tous les sièges en Ontario. Cela décourage donc bien des gens de voter, mais ce qui est plus grave encore, c'est qu'on a l'impression de ne pas participer aux élections et que son vote ne compte pas.
Deux projets de loi ont été présentés avant celui-ci. En 1982, il y a eu le projet de loi C-113 qui proposait des heures de vote étalées. Ce projet de loi n'avait reçu que la première lecture. En 1988, on a présenté le projet de loi C-79 pour abolir l'interdiction de publier à l'avance les résultats d'élection avant la fermeture des bureaux de scrutin, ce qui va aussi à l'encontre du principe que je viens de vous expliquer. Cette mesure ne s'est même pas rendue jusqu'à la deuxième lecture. Bien entendu, c'est une chose dont on discute depuis des années. C'est probablement à cause de la faible population des provinces de l'Ouest que l'opinion de celle-ci n'a jamais eu gain de cause.
En 1989, la Commission Lortie a été créée. En 1991, elle a présenté un rapport recommandant des heures étalées sur dix heures pour le vote. Nous avions beaucoup discuté d'étaler les heures, mais cela ne fonctionnerait pas non plus parce que nous connaîtrions quand même les résultats d'avance. Le problème vient du fait que le Canada est un grand pays où il y a beaucoup de fuseaux horaires.
On a cependant fait un sondage en 1990, le seul à ma connaissance. On a constaté que 70 p. 100 des répondants jugeaient qu'il y avait un problème; au moins 41 p. 100 jugeaient que le problème était grave; 50 p. 100 étaient fortement en faveur d'un changement; 29 p. 100 étaient d'accord; et11 p. 100 s'y opposaient.
Je suis donc venu demander votre appui pour que le projet de loi puisse faire l'objet d'un vote. Il n'y a pas une grande marge de manoeuvre mais il doit y en avoir une petite. Ce que je propose maintenant serait trop tard pour... On veut maintenant aller jusqu'à 11 h 30 à Terre-Neuve, mais cela peut certainement changer. Le seul changement possible serait... Les bureaux de scrutin pourraient fermer à 18 heures en Colombie-Britannique, ce qui fait quand même 21 heures en Ontario et au Québec, 22 heures dans les provinces de l'Atlantique et 22 h 30 à Terre-Neuve.
Mes collègues à qui j'en ai parlé appuient le projet de loi. Il y a bon nombre de mes collègues des provinces de l'Atlantique... Le comotionnaire de la mesure représente l'Île-du-Prince-Édouard. Les Ontariens à qui j'en ai parlé semblent d'accord. Les membres du parti sont d'accord pour faire quelque chose, parce qu'on en a souvent discuté, mais que rien n'a été fait jusqu'ici.
C'est donc à vous de décider. J'espère que vous serez d'accord pour que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote, surtout comme on en a déjà discuté. Nous devons envisager le changement parce que les élections ne se produisent que tous les quatre ans. Cela pourrait incommoder un peu les habitants de certaines autres provinces, mais après tout, cela n'arrive que tous les quatre ans. Pour le bien du Canada, je pense que nous devrions être prêts à accepter des changements.
Merci.
La présidente: Merci, madame Terrana. En termes simples, ce que vous voulez, c'est que les bureaux de scrutin ouvrent et ferment simultanément dans toutes les régions et que l'on adapte les heures d'ouverture et de fermeture en conséquence selon les fuseaux horaires.
Mme Terrana: Actuellement, l'heure d'ouverture est la même et on ne tient pas compte de l'heure réelle dans les autres provinces. Ce que je propose, c'est que les bureaux de scrutin dans l'Ouest ouvrent à 8 heures, ce qui fait 11 heures au Québec et en Ontario. Il serait midi dans les provinces de l'Atlantique et 12 h 30 à Terre-Neuve.
La présidente: Mais le vote pourrait durer très tard le soir dans certaines provinces.
Mme Terrana: C'est exact. On en vient donc rapidement à conclure que le nombre d'heures d'ouverture devrait être réduit à 10. Supposons que les bureaux de scrutin ferment plus tôt que19 heures en Colombie-Britannique. Je propose dans le projet de loi que les bureaux ferment à19 heures en Colombie-Britannique et à 23 h 30 à Terre-Neuve. Ce pourrait être une heure plus tôt. Nous ne pourrions pas faire beaucoup mieux, sinon, les habitants de la Colombie-Britannique ne pourraient pas voter après leur travail. Si les bureaux fermaient à 18 heures en Colombie-Britannique, cela ferait environ 22 h 30 à Terre-Neuve. C'est un peu tard, mais...
La présidente: Madame Terrana, ce n'est pas à nous de modifier votre projet de loi. Vous pourrez le faire s'il est débattu à la Chambre. Est-ce que ce ne serait pas plus simple de garder les mêmes heures, mais de sceller les boîtes de scrutin et d'interdire qu'elles soient ouvertes avant une heure donnée?
Mme Terrana: La Commission Lortie disait dans son rapport que l'on ne pouvait pas garder les gens à attendre trop longtemps et que ce ne serait pas utile de le faire. La commission avait même proposé qu'on dépouille les bulletins de scrutin sur deux jours pour ne pas obliger les gens à attendre et que l'on compte une partie des bulletins une journée, une autre le lendemain et que l'on fasse ensuite le total.
La présidente: Nous pourrions tous attendre dans l'angoisse pour voir si nous avons gagné ou non. Charmant.
Mme Terrana: C'est une autre possibilité, certainement. Ce serait une autre possibilité. J'y avais aussi songé. Nous ne sommes pas obligés de nous en tenir aux recommandations du rapport, mais cela peut nous donner matière à réflexion.
La présidente: Merci.
Y a-t-il d'autres questions?
[Français]
M. Langlois: Le directeur général des élections, M. Kingsley, devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, a fait part de ses commentaires là-dessus. C'est aussi pour lui une préoccupation. Je la trouve très légitime. Avec les moyens de communication qu'on a - on n'a qu'à penser à Internet ou à la radio américaine - , on ne peut pas empêcher la diffusion d'une information que la population d'une partie du Canada connaît déjà. Cela ne servira à rien si on a décidé de faire autrement dans l'Est.
Il y aurait peut-être lieu de partager et vos réflexions et celles d'Élections Canada. M. Kingsley avait un projet prévoyant qu'une très faible partie du vote serait dévoilée, probablement dans la partie terre-neuvienne qui touchait cette circonscription. C'est en ce sens que je désirais intervenir. Pour moi aussi, c'est une préoccupation. Il n'y a pas de raisons autres que le réveil et le fait qu'on commence à recevoir les résultats très tard.
Évidemment, cela arrive une fois tous les quatre ans ou tous les cinq ans. Vous cernez certainement un problème dans l'exercice de la démocratie canadienne. Lorsqu'un citoyen de Comox - Alberni vote, il ne devrait pas être au courant de la façon dont le citoyen du Labrador a voté.
Mme Terrana: Lors des élections en Colombie-Britannique, j'étais à Ottawa et je suis restée devant l'écran pendant de longues heures. J'étais au téléphone à 2 heures du matin à parler à ceux que je connaissais. Oui, c'est un problème. Ma solution serait de changer les fuseaux horaires du Canada, mais cela ne fonctionne pas.
[Traduction]
La présidente: C'est un autre projet de loi d'initiative parlementaire.
Des voix: Oh, oh!
[Français]
Mme Terrana: Probablement de M. Langlois.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, madame Terrana.
Mme Terrana: Merci beaucoup.
La présidente: Bienvenue, monsieur Ménard.
[Français]
M. Réal Ménard (député d'Hochelaga - Maisonneuve): Bonjour à tous. Je vais être assez bref considérant que le libellé de ma motion est assez clair.
C'est en ma qualité de porte-parole de l'Opposition officielle pour les relations de travail que je souhaite engager un débat à la Chambre concernant le droit de la GRC de se syndiquer, donc de négocier ses conditions de travail. Je veux informer mes collègues de la Chambre et les membres de ce comité que la GRC est actuellement, au Canada, le seul corps de police à ne pas avoir accès à la négociation de ses conditions de travail.
La motion telle qu'elle est libellée, respectant en cela le voeu des porte-parole syndicaux de la GRC, ne fait pas allusion à un droit d'exercer un recours à la grève. La GRC souhaite ultimement pouvoir négocier ses conditions de travail et mettre fin à l'arbitraire qui caractérise la situation actuelle, où un commissaire nommé par le gouvernement est à la fois juge et partie dans l'administration et les décisions qui concernent les relations de travail. Elle veut faire en sorte qu'on ait le droit de négocier et, en cas de difficulté, d'exercer un arbitrage obligatoire.
C'est le sens général de la motion. Elle est assez respectueuse de ce qui s'est fait à la demande du ministre du Travail, le député de Saint-Léonard, M. Gagliano, qui avait mandaté trois professeurs de relations de travail pour se pencher sur la révision du Code du travail dans sa partie I. Les commissaires en sont venus à la conclusion qu'il était effectivement aberrant qu'un seul corps policier au Canada n'ait pas accès à la négociation de ses conditions de travail et ils ont suggéré que cette négociation puisse se faire sous l'auspice de la partie I du Code du travail.
C'est l'essentiel de ma motion. Le reste est une question de détails, qui sont importants mais qu'il n'y a pas lieu de porter à votre connaissance ici. Je crois qu'il est important que le Parlement canadien puisse se pencher sur cette question.
[Traduction]
La présidente: Les membres du comité ont-ils des questions à poser? Monsieur Frazer.
M. Frazer: Je n'ai pas très bien compris, monsieur Ménard. Vous dites que vous n'aimez pas la procédure d'arbitrage actuelle puisque l'arbitre est à la fois juge et jury, mais vous parlez de passer à l'arbitrage obligatoire plutôt que d'opter pour la grève. Pouvez-vous nous expliquer la différence?
[Français]
M. Ménard: Actuellement, il n'y a pas de mécanisme d'arbitrage. Il y a le commissaire de la GRC qui rend des décisions ayant trait aux conditions de travail. Il est à la fois juge et partie. Il est l'administrateur et celui qui doit analyser les contentieux et rendre des décisions.
Donc, on propose un mécanisme d'arbitrage, comme on en retrouve dans plusieurs municipalités canadiennes. On reconnaît que, compte tenu de la spécificité de la GRC et du mandat qui est le sien, il n'est pas utile d'avoir un processus similaire à celui qu'on trouve, par exemple, dans la Loi sur la Fonction publique du Canada et qui peut se terminer par un vote. On reconnaît qu'il y a un arbitre qui rendra des décisions exécutoires, mais ce sera un processus extérieur à la GRC et cet arbitre ne sera pas le commissaire. Je crois que c'est la distinction qu'il faut saisir.
Il y a quand même quelque chose de paradoxal dans le fait que le commissaire, qui est un gestionnaire, doit rendre à la fois des décisions dans l'administration des effectifs de la GRC et des décisions exécutoires ayant trait aux contentieux spécifiques en matière de relations de travail, alors qu'il n'y a pas eu de négociation et qu'il n'y a pas nécessairement de possibilité de mécanisme d'appel.
La discrimination réside dans le fait qu'on reconnaît à des corps policiers d'autres provinces, y compris la Sûreté du Québec et la police des ports, le droit d'avoir accès à des négociations collectives, alors qu'on ne reconnaît pas ce droit à la GRC, qui est dans une situation unique et singulière.
J'attire votre attention sur le fait que les membres de la GRC ne revendiquent pas le droit ultime de recourir à la grève.
[Traduction]
M. Frazer: Avez-vous une idée de qui choisirait l'arbitre et comment il le ferait pour que ce soit acceptable au solliciteur général, au commissaire et aux syndiqués?
[Français]
M. Ménard: Au moment où ils se sont présentés devant différentes instances, on a compris que ce devait être un mécanisme de consultation paritaire, où à la fois l'employeur et les porte-parole des travailleurs de la GRC devaient être présents et s'entendre, comme cela se fait dans le monde municipal ou encore lorsqu'il y a des comités consultatifs, alors qu'on peut, de part et d'autre, de façon paritaire, être consulté et s'entendre sur une façon de faire et sur un arbitre qui sera ultimement nommé.
[Traduction]
M. Frazer: Mais vous avez parlé d'arbitrage obligatoire dans votre exposé. Cela veut dire que l'arbitre choisi aurait le pouvoir de dire: «Voici le règlement, un point c'est tout.» Comment choisirait-on cet arbitre?
[Français]
M. Ménard: Il faut surtout retenir le fait que l'arbitrage devrait être obligatoire et exécutoire, que la décision qui sera rendue va trouver force d'application, qu'on n'exclut pas de consulter à la fois les représentants des travailleurs et ceux de l'employeur pour choisir un arbitre. Cela se fait à d'autres niveaux.
Par ailleurs, ils ne souhaitent pas instituer un mécanisme où il y aurait conciliation, médiation et, 30 ou 60 jours plus tard, un recours à la grève. Ce serait un peu plus diligent sur le plan du processus. Il faut sortir de la logique qui veut que le commissaire nommé par le gouvernement soit à la fois juge et partie et rende des décisions exécutoires. Je crois que c'est cela qui est le principal irritant. De plus, ces gens ne sont couverts ni par le Code du travail ni par la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Donc, il y a un genre de vide juridique, qui a été reconnu dans le Rapport Sims.
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Langlois?
[Français]
M. Langlois: Monsieur Ménard, ultimement, quand on aura consulté les groupes paritaires, les employés et la direction de la GRC, qui aura le pouvoir de nommer l'arbitre?
M. Ménard: Le pouvoir ultime?
M. Langlois: Oui.
M. Ménard: Je pense que ce sera fait sur recommandation du solliciteur général. Je crois qu'on pourrait prévoir un mécanisme quelconque. Du moins, c'est ce que je comprends de leur intervention devant différentes instances. Ils souhaitent que cela se fasse de façon consensuelle. Cependant, on reconnaît que cela pourrait se faire par décret ou dans un projet de loi, sur recommandation des deux parties.
Sur un plan un peu plus normatif ou juridique, il est évident que c'est une responsabilité qui va échoir au solliciteur général.
M. Langlois: Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Ménard.
[La séance se poursuit à huis clos]