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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 24 avril 1995

.1000

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Nous entreprenons ce matin nos audiences sur le projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. Nous recevons M. Allan Rock, ministre de la Justice et procureur général du Canada, en compagnie de certains hauts fonctionnaires.

Monsieur Rock, ayez l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent. Si vous comptez faire une déclaration liminaire, ce que vous ferez j'imagine, nous allons d'abord vous entendre puis passer aux questions, comme il est d'usage. Nous avons prévu que la séance durera jusqu'à midi.

Monsieur Rock.

L'honorable Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Merci, monsieur le président.

Comme toujours, c'est un honneur pour moi de comparaître devant le comité, mais c'est d'autant plus le cas aujourd'hui puisque je suis le premier à témoigner au sujet du projet de loi C-68.

.1005

[Français]

Monsieur le président, en ce qui concerne l'horaire du Comité, j'ai noté que vous serez très occupés et que vous allez travailler fort pour entendre tous les témoins et examiner toutes ces questions.

[Traduction]

Comme toujours, vous ne ménagerez pas votre peine. Sachez dès maintenant que la collaboration du ministère de la Justice vous est acquise. J'ai le plaisir d'être accompagné ce matin par un certain nombre de collaborateurs qui ont travaillé à l'élaboration de cette loi: M. Jim Hayes, du groupe de travail sur le contrôle des armes à feu; M. Richard Mosely, avocat-conseil principal et sous-ministre adjoint et Iret Weiser, avocat-conseil principal du groupe de travail sur le contrôle des armes à feu.

Monsieur le président, je vous rappelle que les fonctionnaires du ministère de la Justice sont à la disposition du comité pour la durée de ses travaux. Si nous pouvons être de quelque assistance que ce soit pour obtenir pour vous de l'information, au ministère ou ailleurs, nous serons ravis de le faire.

Le projet de loi C-68 est très volumineux et sous certains rapports, très complexe. Il porte sur un grand éventail de questions. Je sais que d'ici à la fin de vos travaux vous en aurez examiné chaque article. Aujourd'hui, toutefois, en guise d'introduction, j'aimerais rappeler le contexte dans lequel se situe cette initiative législative et peut-être l'angle sous lequel elle devrait être abordée. Je rappellerai aussi brièvement ce qui fait l'importance de ce projet de loi pour notre gouvernement et pourquoi nous lui attachons une priorité si élevée.

Le Canadien à qui l'on demande ce qui différencie son pays des autres répond souvent en énumérant certaines caractéristiques peu nombreuses mais très importantes.

Figure d'abord un attachement profond aux vertus civiques. Si d'autres pays sont le produit d'une révolution ou d'un soulèvement et si les patriotes d'autres contrées ont pu réclamer la liberté ou la mort, le Canada, lui, est le produit de la conciliation pacifique, un pays qui s'est donné pour premier objectif «la paix, l'ordre et le bon gouvernement». Le Canadien est pacifiste. Ce trait n'est pas seulement un legs du passé ni son atout le plus important aujourd'hui, ce doit aussi être ce que nous laisserons en héritage à nos enfants.

Le projet de loi C-68 contribue pour beaucoup à protéger cet héritage. Il trace le cadre permettant de prendre des mesures propres à garantir la sécurité de nos domiciles et de nos lieux publics.

J'insiste sur le fait que cette loi est aussi le produit de la consultation. Le ministère de la Justice ne s'est pas contenté de publier un document de travail et de solliciter des réactions. Le gouvernement ne s'est pas contenté, non plus, de commander des sondages. Et je n'ai pas demandé à des fonctionnaires ou prié le comité - comme je l'ai fait pour le projet de loi C-37 concernant les jeunes contrevenants ainsi que pour la deuxième phase de ces travaux - de sonder l'opinion des Canadiens.

Non, j'ai plutôt moi-même parcouru le pays pour en discuter avec les Canadiens. Entre mai et novembre de l'an dernier, je me suis consacré presque exclusivement à ce dossier. Je me suis rendu dans toutes les provinces et dans les deux territoires. J'ai pris la parole à l'occasion d'assemblées dans les Maritimes, à Ottawa et dans l'Ouest. J'ai assisté à des rencontres publiques à Sydney, en Nouvelle-Écosse, et dans ma propre circonscription d'Etobicoke ainsi qu'à Yellowknife. J'ai rencontré des groupes intéressés par la question des armes à feu à Saskatoon, à Charlottetown et dans le West Island de Montréal. De fait, j'ai rencontré plus de 150 groupes nationaux et régionaux, de propriétaires, de collectionneurs ou d'usagers d'armes à feu. J'ai aussi rencontré des représentants des autorités policières, des professionnels de la santé, des enseignants et des groupes de femmes.

Monsieur le président, je n'ai pas fait ces voyages en touriste. J'ai écouté et j'ai appris. Ce sont les échanges que j'ai eus avec tous ces Canadiens qui ont façonné les principes reflétés dans le projet de loi C-68. À bien des égards, ces principes ne sont plus les mêmes que lorsque j'ai commencé.

.1010

J'ai appris l'importance des armes à feu pour les exploitants agricoles et les éleveurs de bétail et j'ai appris quel était l'impact économique de la chasse au fusil dans ce pays. Les armes employées dans ces contextes font partie de la tradition canadienne au même titre que bien d'autres pratiques. J'ai rencontré des collectionneurs et des tireurs sportifs passionnés par l'activité qui occupe leurs loisirs.

[Français]

Cette démarche m'a convaincu de la nécessité absolue de régler ce problème d'une manière raisonnable et posée. La bonne façon d'aborder le contrôle des armes à feu au Canada est de régler efficacement la question de l'utilisation criminelle de ces armes tout en respectant l'utilisation légitime, qui est les intérêts des propriétaires qui se conforment à la loi. La bonne méthode est celle qui réduit les dangers de crime tout en ne portant pas atteinte aux intérêts des chasseurs ou des tireurs à la cible et en ne limitant pas les fermiers qui veulent protéger leur bétail contre les animaux sauvages.

Le projet de loi poursuit trois objectifs principaux à cet effet. Le premier est de dissuader au moyen de la création de nouvelles infractions et de nouvelles peines très sévères pour l'utilisation criminelle d'armes à feu. Le deuxième est de mieux contrôler les armes à feu que possèdent les particuliers. Le troisième vise à réduire l'entrée illégale d'armes à feu au Canada. Pour cela, il faut des contrôles plus serrés aux frontières et des peines plus sévères pour la contrebande et le trafic d'armes.

[Traduction]

Le comité connaît déjà les peines pour les infractions criminelles: la peine d'emprisonnement minimum obligatoire inscrite au Code criminel dans le cas de 10 crimes graves commis au moyen d'une arme à feu, notamment le vol à main armée; le projet d'imposer une peine d'emprisonnement pour la possession d'une arme à feu volée ou obtenue par la contrebande; le fait que le ministère public aura le droit de saisir et de vendre tous les biens utilisés dans une entreprise de contrebande et de considérer tous les produits de la vente comme des revenus tirés d'activités criminelles. Le comité connaît aussi le système d'enregistrement qui viendra appuyer les initiatives prises dans le domaine du droit pénal étant donné que les criminels n'enregistreront pas leurs armes à feu et ainsi, se désigneront eux-mêmes comme des hors-la-loi; l'enregistrement permettra aux policiers chargés d'appliquer le droit pénal de retrouver le propriétaire des armes à feu ayant servi à la perpétration de crimes puisque les criminels n'achètent pas leurs armes à feu d'un marchand local après avoir obtenu une autorisation d'acquisition d'armes à feu, mais plutôt sur un marché clandestin alimenté par la contrebande et le vol, autant d'activités qu'on peut combattre grâce à l'enregistrement.

Nous devons améliorer l'efficacité de la surveillance aux frontières. Nos contrôles ne sont qu'une parodie si nous ne parvenons pas à réprimer l'entrée illégale d'armes au Canada. Nous pouvons faire mieux et nous le devons. J'ai travaillé en collaboration avec mes collègues, le ministre du Revenu national et le solliciteur général, en ce sens.

Le comité apprendra qu'au cours de la période allant de 1988 à 1993, nous avons importé au Canada des armes à feu, des munitions et des pièces d'armes à feu pour une valeur totale de 1,8 milliard de dollars. Chaque année, en moyenne, 375 000 armes à feu non militaires sont importées au Canada. Des centaines de milliers d'armes à feu transitent par le Canada, et cette pratique a connu une croissance de 300 p. 100 au cours des six dernières années. Certaines armes disparaissent toujours à la faveur de ces livraisons d'armes à feu importées. Il faut exercer un meilleur contrôle. À l'heure actuelle, en général, les caisses d'armes à feu sont traitées de la même façon que les caisses de beurre, de pommes ou de pièces d'automobile.

En vertu du projet de loi C-68, il deviendrait obligatoire d'obtenir une autorisation avant l'arrivée de toute livraison commerciale d'armes à feu. Ces armes seraient toutes enregistrées au point d'entrée au Canada. En plus de son impact sur toute une gamme de peines prévues dans le projet de loi C-68, le système d'enregistrement nous permettra de suivre les armes à feu depuis leur point d'entrée jusqu'à leur point de vente et jusqu'aux propriétaires respectueux des lois.

[Français]

Nous devons reconnaître les limites des possibilités de contrôle dans la pratique. Nous partageons une frontière avec un pays où l'on peut facilement se procurer des armes à feu de toutes sortes. Il y a plus de 100 millions de passages à la frontière chaque année.

.1015

À moins de fouiller complètement une automobile, nous n'avons aucune chance d'éliminer toutes les importations illégales, mais nous pouvons et nous devons faire mieux. Nous ne sommes peut-être pas capables de rendre la frontière entièrement étanche, mais nous pouvons réduire la fuite à un minimum.

[Traduction]

L'enregistrement de toutes les armes à feu est la structure qui nous permettra d'atteindre les objectifs ci-dessus.

On peut se demander à quoi servira l'enregistrement étant donné que les criminels n'enregistreront pas leurs armes. Comment cette pratique améliorera-t-elle la sécurité dans les collectivités? Pourquoi ciblons-nous le propriétaire d'armes à feu respectueux des lois au lieu du criminel? Ces interrogations ne tiennent pas compte du fait que l'enregistrement fait partie intégrante d'une stratégie globale. Certains prétendent qu'on pourrait partager la stratégie en deux et traiter séparément l'enregistrement des armes. Ils oublient que nous ne pourrons atteindre nos objectifs à l'égard des criminels et de la surveillance aux frontières qu'à condition de mettre en oeuvre un système d'enregistrement puisque celui-ci nous permettra d'atteindre tous les autres objectifs. Il nous procurera les informations nécessaires à cette fin et nous permettra de suivre les armes à feu depuis leur arrivée à la frontière jusqu'à leur point de vente.

Monsieur le président, il y a quelques semaines, les policiers ont arrêté à Toronto une personne qui importait légalement les armes à feu au Canada, mais les vendait ensuite de façon tout à fait illégale. Cette situation n'est pas rare. Grâce à l'enregistrement des armes à feu et à la possibilité de suivre les armes depuis leur entrée jusqu'aux marchés, les policiers seront mieux en mesure de repérer et de faire cesser cette pratique insidieuse.

L'enregistrement indiquera aux autorités si quelqu'un est légalement propriétaire d'armes à feu. Cela me fait penser à l'enquête sur le décès de Jonathon Yeo qui avait été impliqué dans le meurtre de Nina de Villiers, cette jeune femme tragiquement assassinée. On avait vu une arme à feu dans l'automobile de Jonathon Yeo à la frontière, mais rien ne permettait de déterminer s'il était légitimement en possession de cette arme. Après avoir entendu des témoignages pendant près de six mois, après un examen détaillé des systèmes de sécurité et de justice pénale, le jury a recommandé à l'unanimité durant l'enquête l'enregistrement universel des armes à feu.

L'enregistrement procurera aux policiers des informations sur ceux qui accumulent des armes à feu. Si quelqu'un fait le stockage d'armes à feu en vue de créer sa propre milice, les autorités ne devraient-elles pas être au courant?

Grâce à l'enregistrement, les policiers sauront ce qui se trouve derrière la porte lorsqu'ils arriveront, par exemple, quelque part en banlieue pour intervenir dans un conflit familial qui a dégénéré en incident violent. En outre, les policiers pourront faire respecter les ordonnances d'interdiction. Les tribunaux de ce pays émettent quelque 13 000 ordonnances chaque année pour interdire la possession d'armes à feu à certaines personnes, parce qu'elles ont démontré leur tendance à la violence ou parce qu'il serait imprudent de les autoriser à posséder des armes à feu. Les policiers ne peuvent faire respecter ces ordonnances, à moins de savoir que les personnes en cause ont des armes en leur possession. L'enregistrement leur donnerait les informations requises.

L'enregistrement n'est pas un but en soi, il n'est qu'un outil servant à atteindre les objectifs visés. L'enregistrement de toutes les armes à feu n'est certes pas le souci principal d'un citadin qui ne connaît pas grand chose des besoins des Canadiens. De même, ce n'est pas le dada d'un député représentant une circonscription urbaine. Ce n'est pas une solution aux problèmes de Toronto, Montréal et Vancouver, au détriment des agriculteurs et des chasseurs.

De nombreux organismes appuient cette proposition.

Prenons, par exemple, l'Association canadienne des policiers qui représente 35 000 agents de première ligne. Ces policiers ont participé à un congrès ici, à Ottawa, il y a trois semaines et à cette occasion, ont débattu amplement de la question. Je leur ai fait part de ma position. Ils ont ensuite discuté de tous les points en détail, avant d'appuyer le projet de loi C-68, y compris l'enregistrement universel des armes à feu, en ajoutant quelques conditions que nous pourrons sûrement remplir, à mon avis, concernant surtout les budgets des corps policiers.

Il y a à peine deux semaines, ici, à Ottawa, l'Association canadienne des chefs de police a confirmé son vigoureux appui à l'égard du projet de loi C-68 et de l'enregistrement de toutes les armes à feu. Le groupe CAVEAT - les Canadiens contre la violence partout - recommandant sa révocation - qui parle au nom des victimes du système de justice pénale, appuie fermement l'enregistrement de toutes les armes à feu.

Je déclare que ceux qui s'opposent à cette mesure, ceux qui votent contre ce projet de loi parce qu'il propose l'enregistrement des armes, votent contre des mesures que tous les policiers nous demandent de mettre en oeuvre.

.1020

Et pour répondre à ceux qui prétendent que cela reflète des préoccupations de nature plutôt urbaine que rurale, permettez-moi de vous rappeler que selon les données connues, le taux de décès par arme à feu est bien plus élevé dans les régions rurales que dans les centres urbains. De fait, en préparant la présentation d'aujourd'hui, j'ai vu des statistiques absolument effarantes. Moins du quart de la population canadienne habite des régions rurales, pourtant, près de la moitié des homicides dont les victimes sont des parents ou des conjoints et qui sont commis au moyen d'armes à feu se produisent dans les régions rurales.

Nous ne nous attaquons donc pas à un problème urbain, monsieur le président, mais plutôt à un problème de sécurité qui concerne toutes les collectivités du pays, qu'il s'agisse des collectivités autochtones des Territoires du Nord-Ouest, où le taux des décès causés par une arme à feu est quatre fois plus élevé que la moyenne nationale, qu'il s'agisse du centre-ville de Vancouver ou encore d'une région rurale du nord de la Saskatchewan.

On me demande souvent quel sera le coût de la mise en place de ce système d'enregistrement. J'ai préparé pour le comité un résumé, un Cadre financier que j'aimerais vous remettre maintenant. Je prie les membres de bien vouloir examiner ce résumé qui décrit les principales composantes des coûts liés à la création de ce système.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais présenter au comité les principaux éléments de ce résumé.

Le président: Allez-vous d'abord nous remettre le texte?

M. Rock: Oui, le greffier le distribue à l'instant même, monsieur le président.

Le président: Très bien.

M. Ramsay (Crowfoot): Monsieur le président, pour information, ce document a-t-il été mis à la disposition des membres du comité avant ce matin?

Le président: Non.

M. Ramsay: On vient donc tout juste de nous le transmettre?

Le président: Oui, je le reçois moi-même à l'instant. Le ministre le fait distribuer.

M. Ramsay: Pour être en mesure de suivre l'exposé, pouvons-nous attendre de l'avoir en main?

Le président: Excusez-moi, je croyais que vous l'aviez déjà.

M. Rock: Le greffier fait à l'instant la distribution du document, monsieur le président.

Le président: C'est exact. C'est pourquoi je posais moi-même la question.

Afin de bien suivre vos explications, nous devons avoir le document en main. Est-ce que tous les membres l'ont maintenant reçu?

Monsieur le ministre, le greffier remet ce Cadre financier à tous les membres du comité, mais il y a des députés qui n'en font pas partie. Le document sera-t-il transmis à tous les députés?

M. Rock: Oui, monsieur le président.

Le président: Bien. Est-ce que tous les membres du comité ont devant eux le Cadre financier du projet de loi C-68?

Bien. Alors, vous pouvez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Rock: Merci, monsieur le président.

La première et la deuxième pages présentent les hypothèses de ce résumé. Par exemple, nous avons évalué à 3 millions le nombre actuel de propriétaires d'armes à feu qui devront obtenir un permis. Nous savons qu'à l'heure actuelle, 1 million d'autorisations d'acquisition d'armes à feu ont été délivrées et qu'il existe au Canada 2 millions de propriétaires d'armes à feu qui ne possèdent pas d'autorisation d'acquisition. Au cours des cinq prochaines années, environ 1 million de propriétaires d'armes à feu demanderont des permis et des privilèges d'acquisition en nombre équivalant à ceux des AAAF maintenant émises pour les mêmes raisons. Au cours des cinq prochaines années, environ 2 millions de propriétaires d'armes à feu ne possédant pas d'autorisation d'acquisition demanderont des permis sans privilège d'acquisition, à un rythme décrit en détail à la page 1 du document.

Quant aux certificats d'enregistrement, nous estimons qu'il y a actuellement environ 7 millions d'armes à feu qui sont pré-enregistrées, dont 1,2 million d'armes à autorisation restreinte, surtout des armes de poing, et 5,8 millions d'armes non restreintes, soit des armes longues. Trois millions de propriétaires d'armes à feu enregistreront les armes qu'ils possèdent déjà à compter de 1998, soit 20 p. 100 d'entre eux chaque année au cours du délai de cinq ans accordé pour se mettre en règle.

.1025

À la troisième page, nous décrivons l'échéancier. Le comité constatera que le Parlement pourrait terminer son examen du projet de loi C-68 en 1995. Si le projet est adopté et la loi promulguée, le processus d'attribution des permis pourrait commencer en 1996. D'ici la fin de l'an 2000, l'enregistrement des propriétaires d'armes à feu par le truchement des permis sera terminé. L'enregistrement des armes à feu elles-mêmes commencera en 1998 et sera terminé avant la fin de l'an 2002.

À la page 4 du document, nous donnons les coûts actuels. Autrement dit, simplement pour exploiter le système actuel des autorisations d'acquisition d'armes à feu et le système d'enregistrement des armes à feu à autorisation restreinte, il en coûterait quelques 60 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, soit environ 12 millions de dollars par année. Voilà ce que nous dépenserons si nous ne faisons rien. Ces sommes sont déjà engagées et correspondent notamment à des dépenses de la GRC aux fins de l'enregistrement des armes de poing et autres.

Au cours des cinq prochaines années, les recettes provenant de l'émission et du renouvellement des AAAF s'élèveraient à 38 millions de dollars approximativement. Comme cela a été le cas auparavant, le résultat net serait un déficit de 27 millions de dollars au cours des cinq prochaines années, soit un déficit net de 5,4 millions de dollars par année. Voilà ce que coûte le régime actuel de contrôle des armes à feu au Canada.

La page 5 du résumé explique quel sera le coût additionnel de la mise en place d'un système d'enregistrement au cours des cinq prochaines années. Vous constaterez qu'il s'élève à 85 millions de dollars et couvre divers éléments, dont l'élaboration et l'implantation du système qui coûteront environ 48,8 millions de dollars. Cette somme sera consacrée à la conception, à l'élaboration et au fonctionnement d'un service de gestion de programmes, à une analyse de rentabilité et à la transformation des processus en place, afin que le système d'enregistrement des armes à feu et d'attribution de permis aux propriétaires soit doté du matériel et du logiciel requis. Il faudra améliorer le système des autorisations d'acquisition d'armes à feu et le système d'enregistrement des armes à feu à autorisation restreinte et les intégrer au nouveau système canadien d'enregistrement des armes à feu. Il faudra effectuer l'entrée initiale des données relatives à 2 millions de permis d'armes à feu et enregistrer les armes elles-mêmes à compter de 1998.

Il faudra aussi remettre aux provinces une somme de 17,9 millions de dollars environ au cours des cinq prochaines années pour compenser les dépenses supplémentaires qu'elles devront engager à cause du nouveau système. La GRC dépensera certains montants pour connecter le système d'enregistrement au CIPC, afin que les policiers aient accès aux informations en tout temps, même dans leur automobile. Le système d'enregistrement des armes à feu à la frontière coûtera 14,2 millions de dollars au service des douanes.

Tel sera le coût du système d'enregistrement. Le projet de loi C-68 entraînera aussi d'autres frais généraux, lesquels sont décrits au bas de la page 5. Il s'agit notamment de la sensibilisation de la population...

Je voudrais m'arrêter ici pour un moment.

L'un des éléments fondamentaux de ce projet de loi est le fait qu'il institue des peines plus sévères et dissuasives pour les crimes commis avec des armes à feu. Les mesures visant à refréner la criminalité ne donnent de bons résultats que si les conséquences du crime sont bien connues. Je crois que les peines dissuasives proposées dans le projet de loi C-68 ne seront efficaces que si nous faisons de véritables efforts pour informer les gens des conséquences qu'ils devront subir s'ils prennent une arme à feu dans l'intention de commettre un crime.

La sensibilisation de la population signifie aussi qu'il faut bien faire comprendre aux propriétaires d'armes à feu quelles sont leurs obligations en ce qui a trait à l'entreposage de leurs armes en toute sécurité. À la suite d'une enquête sur les décès par arme à feu menée cette année au Québec, la coroner Anne-Marie David a conclu que les exigences concernant l'entreposage ne sont pas suffisamment bien comprises et respectées. Il faudra donc mieux faire passer ce message. Grâce à l'enregistrement, nous pourrons le faire beaucoup plus efficacement en nous adressant directement aux propriétaires d'armes à feu. Cet investissement produira des dividendes.

Dans le contexte de la formation des policiers et autres parties intéressées pour les informer sur la nouvelle loi, l'élaboration de la politique et autres questions de fond, il faudra réviser les cours sur le maniement des armes de poing et des armes longues en tout sécurité, revoir les normes des clubs de tir et les règles s'appliquant aux collectionneurs, prendre en compte les inquiétudes formulées par les collectivités autochtones, élaborer des règlements et faire des recherches et des évaluations afin que l'initiative de contrôle des armes à feu produise des résultats probants et que ceux-ci soient bien mesurés.

.1030

Voilà les dépenses. Elles totalisent, en comptant les coûts d'enregistrement et autres, 118 millions de dollars pour les cinq prochaines années, au cours desquelles nous prévoyons accumuler des recettes de 116 millions de dollars. Le déficit net, qui se chiffre à plus de cinq millions de dollars par année dans le cadre du système existant, baissera à moins de 500 000$ par année au cours des cinq prochaines années, selon cette formule.

En ce qui a trait aux recettes, j'attire l'attention du comité sur la page 6 de ce résumé, où nous donnons le coût prévu pour les permis, et sur la page 7, où nous donnons le coût des certificats d'enregistrement. En ce qui a trait à la délivrance des permis, le comité notera que nos calculs se fondent sur l'hypothèse que la délivrance des permis aux propriétaires débutera en janvier 1996. Les frais oscilleront entre zéro et 10$ par propriétaire pendant la première année et augmenteront ensuite progressivement chaque année pour atteindre le montant total de 60$ au cours de la cinquième année. Les propriétaires seront donc incités à se conformer tôt à la loi. Cela concerne les gens qui enregistrent leurs armes sans aucune intention d'en acquérir, uniquement pour s'inscrire comme propriétaires afin de pouvoir obtenir un permis.

Les frais de renouvellement des permis, tous les cinq ans, seront de 60$. Dans le cas des propriétaires qui se servent d'armes à feu pour assurer leur subsistance, aucun frais ne sera exigé.

Si je parle de frais oscillant entre zéro et 10$, c'est parce que le Cabinet ne s'est pas encore prononcé sur la question de savoir si les frais que nous imposerons seront de zéro ou de 10$. Je dois en discuter avec mes collègues du Conseil du Trésor et des Finances avant d'être en mesure de faire une recommandation au Cabinet. Telle est cependant la fourchette des frais que les propriétaires d'armes à feu devront payer pour obtenir un permis au cours de la première année d'implantation de ce système.

À la page 7, nous présentons les frais que nous proposons d'imposer pour l'enregistrement des armes à feu elles-mêmes, à partir de janvier 1998. Là encore, ils pourraient être de zéro ou de 10$ pour les dix premières armes à feu, et augmenter progressivement sur une période de cinq ans pour atteindre un maximum de 18$ pour les dix premières armes à feu d'ici l'an 2002.

Dans le cas de l'enregistrement d'une arme à feu nouvellement acquise chez un marchand, nous prévoyons des frais de 15$ par arme à feu à autorisation non restreinte - c'est-à-dire les armes d'épaule - et des frais de 60$ par arme à feu à autorisation restreinte à partir de janvier prochain; ces frais seront ramenés à 30$ en janvier 1998 lorsque le nouveau logiciel sera disponible et que l'on pourra procéder à l'enregistrement de toutes les armes à feu.

Je m'attarde un instant sur ce point pour dire qu'à l'heure actuelle, d'après la meilleure évaluation qu'on puisse faire, il en coûte environ 82$ par arme pour enregistrer une arme de poing. Or, pour le moment, le propriétaire n'a aucun frais à payer pour cet enregistrement.

La mise en application du programme entraîne donc un énorme déficit, et les forces policières de tout le pays engagent des coûts qui ne sont pas récupérés. Une des vives préoccupations dont les services de police - tant les chefs que les agents - m'ont fait part, c'est qu'un programme de contrôle des armes à feu ne devrait pas grever ainsi leur budget. Ils ont besoin des agents de police dans les voitures de patrouille et dans les rues.

À partir de janvier prochain, nous imposerons pour la première fois des frais de 60$ à ceux qui enregistrent des armes de poing. C'est quand même 22$ de moins que le coût réel. Ces frais baisseront à 30$ en janvier 1998, quand les nouveaux systèmes seront en place et que nous bénéficierons des économies dues à la nouvelle technologie de l'information qui fera partie de ce système d'enregistrement.

À la page 8, nous avons exposé fait une comparaison entre les coûts liés à la délivrance de permis et ceux de l'enregistrement. Certains se demanderont s'il est équitable d'exiger des frais de renouvellement de permis de 60$ tous les cinq ans; nous les invitons à voir ce qu'il en coûte pour faire immatriculer une automobile à Ottawa ou pour obtenir un permis de conduire, soit 50$ pour cinq ans en Ontario; il faut, par ailleurs, payer 57$ pour faire immatriculer un bateau au Canada, et le même prix pour faire immatriculer une voiture à Saskatoon. À Calgary, pour faire immatriculer son chien, cela coûte 36,50$ par année.

.1035

Je voulais simplement faire remarquer que ces frais, qui servent à récupérer les coûts, ne sont pas déraisonnables. Ils permettent de mettre en place un système qui a d'importants objectifs sociaux sans imposer de charges excessives aux propriétaires d'armes à feu. Qu'on ne dise pas que le coût constitue un argument contre l'établissement d'un système qui peut se révéler si bénéfique pour notre société.

Il en coûtera, sur une période de cinq ans, 85 millions de dollars pour établir un système d'enregistrement. Cela en vaut-il la peine?

[Français]

Mais, peut-on vraiment parler en termes d'argent lorsqu'il s'agit de la sécurité du public, de ne pas avoir besoin de garder une arme à feu près de son lit pour mieux dormir ou de pouvoir marcher en toute sécurité dans les rues? Quelles sont les répercussions sur la qualité de nos vies individuelles? Comment cela influence-t-il le désir de faire affaires dans un endroit comme le Canada?

Pour poser la question différemment, qu'en est-il du coût de ne pas agir ainsi, de laisser la violence s'accroître et les armes à feu proliférer? Lorsque nous tenons compte de tous les aspects de l'équation, je pense que nous devons convenir que l'enregistrement universel constitue un très bon investissement pour tous les Canadiens.

[Traduction]

Je voudrais maintenant signaler certains points à propos desquels je sollicite l'aide du comité, en ce qui a trait particulièrement aux changements qui pourraient être nécessaires pour améliorer le projet de loi C-68.

Le premier porte sur les armes à feu considérées comme des souvenirs de famille et des biens d'héritage.

Tout d'abord, la question des souvenirs de famille et des biens d'héritage ne se pose qu'à l'égard des armes à feu prohibées. Elle ne se pose pas dans le cas des armes à feu à autorisation restreinte ou non. Ces dernières peuvent être transmises de génération en génération, si la personne qui en hérite obtient un permis et devient propriétaire ou collectionneur enregistré, selon le cas.

Dans le cas d'une arme à feu prohibée, si la succession doit la vendre latéralement à un acheteur de la même catégorie et si la transmission aux descendants n'est pas permise, la question est de savoir comment respecter l'attachement sentimental ou affectif qu'une famille pourrait avoir à l'égard d'un souvenir de famille ou d'un bien d'héritage. Comment permettre à cette famille de le transmettre à la génération suivante sans autoriser ainsi des abus éventuels, sans que de grandes collections d'armes à feu prohibées restent en circulation, sans que des gens abusent d'une telle disposition pour conserver une mitraillette entièrement automatique qui n'a pas sa place au Canada?

Je serais très reconnaissant aux membres du comité de bien écouter les exposés des témoins et de faire leur propre évaluation de la question. Je souhaite vivement trouver une solution et je serai très heureux d'avoir l'avis du comité.

Comme point de départ de cette analyse, les membres du comité pourraient tenir compte du fait que lorsqu'on parle de la valeur sentimentale de souvenirs de famille ou de biens d'héritage, on parle habituellement d'une arme à feu unique ou d'une paire d'armes ou peut-être d'un petit nombre d'armes, mais généralement pas d'une grande collection.

Deuxièmement, quand on parle de respecter la valeur sentimentale des souvenirs de famille et d'en autoriser la transmission, on parle habituellement de transmission à la génération suivante de la famille, non de la vente sur le marché en général.

Troisièmement, le comité voudra peut-être considérer le fait que les souvenirs de famille ou les biens d'héritage devraient rappeler un événement militaire ou historique important.

Le comité prendra certainement en considération le fait qu'il existe des armes à feu qui sont fondamentalement très dangereuses - comme la mitraillette automatique dont j'ai parlé - et qui, nonobstant leur valeur sentimentale, ne devraient peut-être pas rester en circulation.

Lorsqu'ils feront cette analyse, j'invite les membres du comité à garder à l'esprit notre objectif global, qui est de promouvoir la sécurité publique et, en fin de compte, de retirer à long terme de la circulation ces armes à feu prohibées, tout en respectant à court terme les intérêts des propriétaires actuels et leurs investissements financiers.

.1040

Un autre élément à l'égard duquel je fais particulièrement appel à l'aide du comité, c'est la question de savoir quelle devrait être la sanction dans le cas d'une personne qui est trouvée pour la première fois en possession d'une arme à feu non enregistrée et qui risquerait d'avoir une condamnation au criminel et un casier judiciaire.

Certains soutiennent qu'il serait injuste que cette personne, en tant que délinquant primaire qui a peut-être oublié de faire enregistrer son arme à feu ou a omis de le faire par inadvertance, risque d'encourir une sanction pénale. Je ferai remarquer, tout d'abord, que la personne en question n'aura pas nécessairement un casier judiciaire en vertu de l'article 91 de la Partie III du Code criminel, tel qu'il figure dans le projet de loi C-68. En effet, une telle infraction peut donner lieu à une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, avec possibilité d'absolution, de sorte qu'elle n'aurait pas forcément un casier judiciaire.

Par ailleurs, certains soutiennent qu'on ne devrait pas faire peser le Code criminel de tout son poids, même si la question du casier judiciaire ne se pose pas.

Je ferai tout d'abord remarquer au comité qu'il ne semble pas y avoir de consensus sur ce point, bien que des préoccupations aient été exprimées de part et d'autre.

Quand elle a appuyé l'enregistrement de toutes les armes à feu il y a trois semaines, l'Association canadienne des policiers a demandé qu'avant de mettre le système en application, on trouve un moyen de veiller à ce que les personnes qui se retrouvent dans la situation que j'ai décrite ne risquent pas d'avoir un casier judiciaire ou de faire l'objet d'une condamnation au criminel. L'Association canadienne des chefs de police adopte, pour sa part, un point de vue opposé et soutient que ceux qui ne respectent pas l'obligation d'enregistrer leurs armes à feu devraient faire l'objet de sanctions pénales.

J'invite le comité à examiner les options. Je tiens à dire aujourd'hui que je suis prêt à les étudier avec le comité en faisant preuve de toute la souplesse possible et en cherchant à résoudre le problème. Il faut cependant adopter certains principes directeurs pour nous aider dans notre travail.

Tout d'abord, soulignons que nous parlons en l'occurrence uniquement d'armes d'épaule. L'Association canadienne des policiers a dit clairement qu'elle ne se préoccupait que de ceux qui, si ce n'était du projet de loi C-68, ne s'exposeraient pas à des sanctions pénales pour le non-respect d'une obligation. Comme il est déjà question dans le Code criminel du non-enregistrement d'armes à feu à autorisation restreinte, y compris les armes de poing, il est clair que nous ne nous intéressons donc ici qu'aux armes d'épaule que le projet de loi C-68 veut intégrer dans le processus d'enregistrement.

Deuxièmement, comme l'a souligné l'Association canadienne des policiers, il est clair que nous nous intéressons à ceux qui ont omis ou oublié par inadvertance de faire enregistrer leurs armes à feu, qui n'ont pas trouvé le moyen de les faire enregistrer ou qui ne se sont pas conformés à cette obligation pour une raison ou une autre. Nous ne parlons certainement pas de ceux qui défient volontairement la loi, car nous vivons encore dans un pays où nous ne pouvons pas choisir les lois et règlements auxquels nous pouvons obéir. À mesure qu'approche le 30 avril, beaucoup d'entre nous voudraient qu'il en soit autrement, mais le fait est que nous n'avons pas le choix.

Je vous suggérerais donc de prendre comme ligne directrice de votre étude que nous nous intéressons aux gens qui, par inadvertance ou par oubli, se trouvent pour la première fois en possession d'une arme à feu non enregistrée.

J'inviterais ensuite les membres du comité, au cours de cette étude, à examiner les scénarios auxquels ils pourraient songer sous l'angle de la criminalité, c'est-à-dire à déterminer si quelqu'un que l'on arrête en possession d'une arme à feu non enregistrée et qui serait en route pour commettre un vol à main armée ne pourrait pas invoquer ce motif pour sa défense. Quel que soit le scénario que l'on imagine, on ne veut sûrement pas rendre la vie plus facile à cette personne-là. Je vous invite donc à examiner sous cet angle les scénarios que vous pourriez envisager.

Enfin, arrangeons-nous pour ne pas avoir au Canada un système d'enregistrement qui soit, à toutes fins pratiques, facultatif. Ce n'est pas pour cela que nous avons lancé le processus laborieux que nécessite ce projet de loi. Ce n'est pas pour cela que nous avons accepté de faire face à l'anxiété et à la controverse qu'a suscitées ce grand pas en avant. Un système facultatif ne nous permettra pas d'atteindre nos objectifs.

N'oublions pas que lorsque l'Association canadienne des policiers nous a demandé de trouver des solutions de rechange au condamnation au criminel de ceux qui n'enregistrent pas leurs armes longues, elle a proposé la confiscation de ces armes en guise de pénalité. C'est ce que voulait l'Association des policiers canadiens qui représente 35 000 policiers de première ligne au Canada. Elle ne veut pas d'une loi sans sanction. Elle veut une loi musclée. J'ai demandé au Comité de travailler dans ce sens-là.

Je ne dis pas que la confiscation est la solution. Je me sers de cet exemple pour expliquer que l'Association des policiers canadien veut que l'on donne du muscle à cette mesure pour qu'elle soit efficace.

.1045

Je ferai remarquer pour terminer que, dans les semaines à venir, le comité entendra sur le sujet des témoignages émanant de diverses sources ayant toutes des points de vue très différents. À mesure que les membres du comité écouteront ces témoignages, ils verront qu'il existe un très large éventail d'opinions et constateront par eux-mêmes à quel point les mêmes questions sont perçues différemment selon le point de vue de chacun.

Il s'agit là d'un périple fascinant et très révélateur; je le sais, pour l'avoir effectué moi-même. Mais tout au long de ce périple et dans le contexte de tout ce qu'ils entendront, j'invite les membres du comité à se rappeler qu'au Canada, nous avons toujours reconnu les intérêts légitimes des propriétaires d'armes à feu, mais aussi le droit de chacun de nous de vivre en sécurité dans sa communauté.

Dès 1877, la possession d'une arme de poing sans justification raisonnable pouvait vous valoir la prison au Canada.

Nous avons un système national de permis de port d'armes légères depuis 1892 au Canada. L'enregistrement des armes de poing est une caractéristique de la vie canadienne depuis le début des années trente.

Ce que je veux faire valoir, c'est que lorsque nous nous réjouissons d'avoir une société relativement paisible et respectueuse des lois, nous devrions nous rappeler à quoi nous le devons. Nous ne jouissons pas de ces bienfaits parce que nous serions, en quelque sorte, plus vertueux que les autres, mais grâce à une infrastructure de politiques que l'on a commencé à instaurer il y a plus d'un siècle et que l'on a consciencieusement améliorée depuis. Nous ne pouvons pas nous permettre d'être négligents. Ces bienfaits ne sont ni innés ni impérissables; il nous incombe de les préserver, ou nous les perdrons.

Le défi du contrôle des armes à feu n'attendra pas que nous le relevions quand le temps nous le permettra. Si on laisse les choses suivre leur cours, le problème deviendra de plus en plus grand et complexe. Le nombre et la diversité des armes à feu en circulation se multiplieront. L'utilisation criminelle d'armes à feu pour la perpétration de crimes avec violence augmentera. Les incidents où l'on aura fait usage d'armes à feu auront tendance à devenir habituels plutôt qu'extraordinaires.

En présentant la mesure à l'étude, le gouvernement a refondu les systèmes pour soutenir une loi opportune dans la ligne de notre tradition de contrôle, mais qui reflète également les valeurs actuelles de la société. Nous tenons maintenant une conjoncture favorable pour faire ce qui doit être fait pour préserver le mode de vie que nous souhaitons, pour nous-mêmes et pour nos enfants. Laissons-nous guider par cet objectif.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant passer aux questions, selon les règles du comité: pour la première série, le Bloc Québécois disposera de dix minutes, et il sera suivi du Parti réformiste et du Parti libéral qui en auront autant; nous aurons ensuite des séries de cinq minutes en alternant entre les représentants du gouvernement et ceux de l'Opposition.

Je rappelle au comité que nous entendrons d'abord les membres du comité et ensuite ceux et celles qui ne sont pas membres uniquement lorsque nous aurons épuisé la liste des membres qui veulent intervenir, à moins qu'il n'y ait consentement unanime pour procéder autrement.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Merci, monsieur le président.

En commençant, je fais un rappel au Règlement. Je constate qu'il y a une surreprésentation du Parti réformiste ce matin et je voulais savoir si on appliquait toujours les mêmes règles. Vous venez de répondre à ma question. J'imagine que cette représentation est due à l'intérêt qu'il porte à ce projet de loi.

Je voulais vous dire bonjour, monsieur le ministre. J'ai une petite remarque à vous faire au sujet de votre cahier Cadre financier du projet de loi C-68. À la page 8, on trouve les coûts comparatifs de la délivrance de permis et de l'enregistrement. Vous y mentionnez évidemment le coût dans des villes comme Ottawa, Saskatoon, Calgary et Vancouver. Le Québec n'y est pas. Est-ce parce que les statistiques du Québec ne se rendent pas à Ottawa? Je pense que ça aurait certainement été intéressant d'avoir les statistiques du Québec puisqu'il représente un quart de la population du Canada.

Ceci étant dit, je voudrais d'abord vous poser une question au sujet de votre rencontre avec vos homologues provinciaux à Victoria en janvier dernier. Vous aviez discuté d'une application territoriale du projet de loi C-68, que nous étudions présentement.

.1050

Vous êtes certainement au courant du fait que, dans certaines régions du pays, les gens disent se distinguer par leur mode de vie et qu'ils sont très touchés par les retombées touristiques de la chasse. J'aimerais savoir si vous trouvez qu'une législation coast to coast n'est peut-être pas la bonne solution. Si l'Alberta, le Yukon et la Saskatchewan voulaient une application différente de la Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes, seriez-vous prêt à amender le projet de loi C-68 pour tenir compte du caractère distinct de ces régions?

M. Rock: Je vous remercie de poser cette question. Premièrement, en ce qui concerne les statistiques, il est vrai que nous avons inclus seulement les villes qui étaient nommées. Il faut noter, par contre, que plusieurs autres centres au Canada n'ont pas été nommés. Les villes citées l'étaient seulement à titre d'exemples.

[Traduction]

Nous voulions simplement relever, illustrer certaines dépenses. Nous aurions pu, sans aucun doute, trouver des exemples utiles dans de nombreuses autres régions du pays. Bien entendu, nous aurions pu prendre des exemples au Québec, et nous serons heureux d'examiner ces cas-là, mais je vous garantis que nous avons choisi au hasard. En toute franchise, cette idée nous est venue à la dernière minute.

Avant que les bureaux ne ferment, vendredi, nous avons appelé dans tout le pays, mais surtout dans l'Ouest, car les bureaux dans cette région ferment plus tard dans la journée et il y avait quelqu'un pour répondre à nos questions.

[Français]

En ce qui a trait à la deuxième question, elle concerne une application différente de la loi entre les régions du Canada, c'est-à-dire la possibilité d'avoir un régime différent pour l'Alberta ou n'importe quelle autre province ou territoire.

[Traduction]

Je crois que la sécurité de la population est un sujet de préoccupation et un objectif dans tout le Canada, peu importe où les gens vivent. Je ne pense pas qu'on puisse subdiviser le pays en fonction de caractéristiques qui n'ont rien à voir avec la réalisation de cet objectif. Pour moi, il s'agit d'être sensible aux conditions locales.

Je crois que la solution consiste à préparer et à promulguer une loi qui continue d'autoriser l'utilisation à des fins légitimes, qui respecte les traditions communautaires ainsi que les droits issus de traités, mais qui, en même temps, établit un régime universel au Canada afin d'assurer la sécurité.

Monsieur le président, parmi les documents que le ministère de la Justice va laisser au comité pour étude, il y a les chiffres de Statistique Canada sur les accidents, les décès et les suicides attribuables aux armes à feu. J'ai hâte que le comité examine l'information contenue dans ces statistiques.

Permettez-moi de vous donner un exemple. De 1989 à 1992, le nombre de décès par arme à feu au Canada dans son ensemble, s'établissait à 4,9 par 100 000 habitants, alors que le taux dans les Territoires du Nord-Ouest était de 21,2 par 100 000 habitants. Il est vrai que les Territoires du Nord-Ouest, ce n'est pas du tout la même chose que le centre-ville de Montréal, d'Halifax ou de Vancouver. Comme je l'ai appris au cours de ma visite, il y a dans les Territoires du Nord-Ouest d'importantes traditions autochtones qu'on doit respecter.

J'ai rencontré les représentants de l'Alberta Tribal Chiefs Association. Lorsque j'étais au Yukon, j'ai rencontré les membres du Conseil des Indiens du Yukon. Dans les Territoires du Nord-Ouest, j'ai été en mesure de m'entretenir avec le ministre Kakfwi, le leader du gouvernement, Nellie Cournoyea, le chef de la Nation dénée et les représentants de la bande dénée des Yellowknife. J'ai constaté moi-même les différences qui existent ainsi que les traditions qu'il faut respecter.

Lorsque le taux de décès par arme à feu dans les Territoires du Nord-Ouest est plus de quatre fois supérieur à la moyenne nationale, quelque chose ne tourne pas rond.

Il est question de la vie de gens. Selon moi, avec le projet de loi C-68 qui instaure un système complet pour identifier les armes à feu, on s'assure que les gens savent ce qu'ils font avant de pouvoir en acquérir et on permet à la police de retirer ces armes aux gens qui ont une propension à la violence et se sont vu interdire par un tribunal de posséder une arme. Ainsi, on sauvera des vies. C'est ce dont il est question.

.1055

Je sais pertinemment que lorsque nous mettrons en oeuvre le projet de loi, nous devrons respecter les droits issus de traités que la Constitution a reconnu aux Autochtones, notamment ceux des Territoires du Nord-Ouest, mais je crois que nous pouvons y parvenir tout en réalisant ces objectifs.

Le ministre de la Justice, Stephen Kakfwi, va s'adresser à vous ce soir et je vous invite à obtenir son point de vue, ainsi que son engagement à participer au processus élaboré de consultations que nous mettons en place pour la mise en oeuvre du projet de loi C-68 dans les Territoires du Nord-Ouest. Cela devrait comprendre l'établissement de groupes régionaux chargés de rencontrer les dirigeants de la collectivité, pour voir comment on peut procéder à cette mise en oeuvre de façon efficace sur un territoire où il y a huit langues officielles - ce qui ne comprend pas l'anglais - et où on retrouve des collectivités très éloignées les unes des autres qui sont parfois peu peuplées et où les gens partagent leurs armes à feu pour la chasse.

Je crois que nous pouvons y parvenir. Je lui ai demandé sa collaboration à cette fin.

Je dis donc à Mme Venne, en réponse à sa question, que dans tout le Canada, les gens souhaitent qu'on réagisse avec vigueur face aux crimes commis à l'aide d'armes à feu. Cela ne s'applique pas simplement à certains districts ou régions et pour cette raison, je ne crois pas qu'il faille diviser le pays et morceler la notion de sécurité selon les régions.

[Français]

Mme Venne: Ma deuxième question porte sur les perquisitions. L'article 99 du projet de loi permet aux policiers de pénétrer sans mandat dans les locaux où peuvent se trouver des armes à feu. Ils pourraient y effectuer des inspections si, à leur avis, il s'y trouvait des armes à feu, des armes prohibées ou des armes à autorisation restreinte.

Par contre, l'article 101 du même projet de loi stipule que, dans le cas d'un local d'habitation, le policier doit recevoir l'autorisation de l'occupant pour inspecter ou être muni d'un mandat. Il y a le paragraphe 107(2) du Code criminel, tel qu'il serait modifié maintenant, qui édicte qu'une perquisition sans mandat ne peut être effectuée dans une maison.

Comment peut-on expliquer que les députés de votre propre caucus, monsieur le ministre - qui sont ici d'ailleurs et qui se reconnaissent certainement, par exemple, M. Lee - , disent et soutiennent que le projet de loi est une porte ouverte à l'ingérence policière; en d'autres mots, que, dorénavant, les policiers vont pouvoir pénétrer et perquisitionner chez les gens et ce, sans mandat? J'aimerais savoir ce que vous en dites parce que c'est présentement très répandu comme rumeur.

[Traduction]

M. Rock: Monsieur le président, c'est en effet une rumeur très répandue. C'est un point important et je pense qu'il est essentiel d'examiner les faits à ce sujet.

Une des choses qui se produit lorsqu'un point est controversé dans le cadre d'un débat public, c'est que les gens ont l'occasion d'encourager les craintes que fait naître la proposition ou même l'opposition en prétendant qu'elle a un effet qu'elle n'a pas en définitive. Dans le cas présent, je lis ou j'entends de temps à autre que nous proposons des perquisitions sans mandat. Il s'agirait de permettre à une police qui échapperait à tout contrôle de faire irruption dans une paisible résidence à 3 heures du matin au grand dam des libertés civiles.

Ce sont des inepties.

Ce que nous proposons dans ce projet de loi, c'est un régime d'inspection qui complète les mesures de contrôle des armes à feu. Lorsqu'un gouvernement à n'importe quel niveau propose un régime de réglementation, il est courant qu'il prévoit des inspections pour déterminer si la réglementation est efficace. Je pourrais vous donner toute une série d'exemples.

Je pourrais prendre, disons, au niveau fédéral, la Loi sur l'inspection de l'électricité et du gaz. Cela ne semble pas être une loi très intéressante, mais elle offre une analogie qui mérite qu'on s'y attarde.

C'est la loi qui régit l'installation, l'utilisation et la lecture des compteurs électriques et des compteurs à gaz. En vertu du paragraphe 26(3) de cette loi, le ministre peut désigner des inspecteurs et aux termes du paragraphe 26(6) un inspecteur peut visiter une maison d'habitation à des heures convenables afin d'exercer les fonctions qui lui sont conférées en vertu de la loi. L'inspecteur peut pénétrer chez les gens à cette fin, mais il ne peut inspecter la maison d'habitation que s'il a le consentement de l'occupant ou un mandat. Ensuite, le paragraphe 26(8) précise les conditions pour obtenir un mandat. Le paragraphe 26(9) limite le recours à la force et l'alinéa 33i) prévoit que toute personne qui nuit à un inspecteur ou le gêne dans l'exercice des fonctions qui lui sont conférées en vertu de la loi commet, selon le cas, une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et encourt une amende maximale de 1 000$ ou un acte criminel et encourt une amende maximale de 5 000$.

.1100

Pourquoi est-ce que je parle d'inspection de l'électricité et du gaz? Parce que c'est un exemple, et il y en a bien d'autres, de lois dans lesquelles, une fois un système de contrôle établi, il faut prévoir un régime d'inspection pour s'assurer que toutes les conditions sont respectées.

Je vais transmettre au comité une liste d'autres lois fédérales...

Le président: C'est comme les bateaux de pêche espagnols.

M. Rock: En effet. Si nous ignorons ce qu'on transporte sur les chalutiers, comment pouvons-nous savoir qu'ils respectent les nouvelles règles.

Je vais laisser au comité une liste de lois fédérales et provinciales qui constituent d'excellents exemples. Permettez-moi aussi de signaler que, selon le régime d'inspection prévu dans le projet de loi C-68, conformément à ce qui se fait aux termes d'autres lois, on exige que l'inspection des maisons d'habitation se fasse seulement à des heures raisonnables, qu'on n'ait pas recours à la force, c'est évident, et qu'on obtienne auparavant le consentement du propriétaire. Je ne peux comprendre comment on peut parler alors de mandat de perquisition.

La Cour suprême du Canada fait depuis longtemps la distinction, sur les plans constitutionnel et pratique, entre les régimes prévoyant des perquisitions et des saisies relatives à des actes criminels, qui exigent un mandat et, d'autre part, les pouvoirs d'inspection, qui sont tout à fait différents, qui sont d'ordre réglementaire.

Je me reporte à l'affaire Canada Inc. c. Québec (Procureur général) de 1994, dans le volume 2 du troisième cahier du Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada, où l'on trouve à la page 339, la plus récente confirmation de cette distinction. La cour a déclaré que l'attente en matière de respect de la vie privée était relativement faible en ce qui concerne les perquisitions administratives qui n'ont pas pour objet de trouver les preuves nécessaires à la poursuite de gens qui ont commis des actes criminels, mais bien de s'assurer qu'on se plie aux règlements.

Qu'exige cette loi? Le consentement du propriétaire avant de pouvoir entrer dans la maison d'habitation. Faute de consentement, il faut alors obtenir un mandat et, pour ce faire, établir trois choses, c'est-à-dire montrer, tout d'abord, qu'on a des motifs raisonnables de croire qu'une arme à feu se trouve dans la maison, ensuite, qu'il est raisonnable de penser qu'une inspection de cette arme à feu s'impose pour appliquer la loi et, enfin, que le propriétaire n'a pas donné son consentement. Ce n'est que dans ces circonstances...

Soit dit en passant, le pouvoir d'accorder ce mandat est discrétionnaire et l'obtention de ce document est donc loin d'être automatique.

En toute déférence, je tiens à dire qu'on exagère beaucoup, à tout le moins, et qu'on évalue mal la proposition lorsqu'on se base sur l'expérience avec d'autres régimes et lorsqu'on ignore les limites prévues dans l'analyse de la Cour suprême du Canada, pour affirmer de façon très large que nous permettons maintenant des perquisitions sans mandat et foulons ainsi aux pieds les droits constitutionnels des gens.

Ainsi, pour répondre à Mme Venne, monsieur le président, je voudrais préciser que nous respectons les principes constitutionnels et juridiques. Nous prévoyons simplement un régime grâce auquel nous pouvons nous assurer du respect des dispositions pertinentes.

Le président: Je me demande si, dans les semaines à venir, le ministre pourrait nous fournir certains renseignements sur la question soulevée par Mme Venne. Elle a parlé de la possibilité de différences régionales dans l'application de la loi. Aux États-Unis, il y a des lois différentes sur le contrôle des armes à feu d'un État à l'autre. Pourriez-vous obtenir des informations de votre homologue américain sur l'efficacité ou le manque d'efficacité d'un système où il y a différentes lois dans divers États ou diverses provinces, sans contrôles aux frontières? Ces renseignements pourraient nous être utiles.

M. Rock: Je serais heureux de le faire, monsieur le président. Permettez-moi simplement de faire remarquer que, contrairement à ce qui se passe aux États-Unis, au Canada, le droit pénal est de compétence fédérale et que les dispositions en question s'appliquent donc au niveau national.

Je voudrais également préciser que nous avons déjà certains de ces renseignements - en particulier en provenance de l'Australie, par exemple - et que nous serons heureux de vous les transmettre. En Australie, ce n'est pas un pouvoir fédéral.

.1105

Encore la semaine dernière, je me suis entretenu avec le procureur général de l'Australie précisément à ce sujet et à propos de l'expérience australienne en matière de contrôle des armes à feu. Il s'est plaint alors du fait qu'en Australie, on ne pouvait légiférer au niveau fédéral dans tous les États et Territoires de façon uniforme. À l'heure actuelle, seul cinq des huits États et Territoires ont un système d'enregistrement obligatoire des armes à feu. Il y a cinq ans, un comité national a recommandé la mise en place d'un tel système pour tout le pays, mais on attend encore que cela se fasse, et le procureur général m'a dit qu'il m'enviait car nous avons la possibilité de légiférer en la matière dans tout le pays de façon uniforme.

Le président: Allez-vous nous fournir des documents ou nous transmettre d'autres renseignements sur ce point?

M. Rock: En fait, je pense que nous avons établi un rapport provisoire sur la réglementation et l'utilisation des armes à feu à l'étranger. Nous serons heureux de vous le transmettre.

Le président: Bien.

La parole est à M. Ramsay pour dix minutes.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre exposé. Je suis d'accord avec beaucoup de choses que vous avez dites.

Je voudrais d'abord signaler que vous avez parlé de certaines des régions qui appuyaient ce projet de loi, mais bien entendu, vous avez omis de dire que trois provinces - l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan - s'opposent à certaines de ces dispositions et vous ont fait part, si je ne m'abuse, de leurs objections, surtout en ce qui a trait à l'enregistrement universel. Je crois comprendre aussi que les gouvernements des deux territoires ont exprimé certaines réserves et les représentants de l'un deux nous en parleront aujourd'hui.

Je voudrais attirer votre attention sur le paragraphe 81(1) qui établit le Registre canadien des armes à feu. On précise que le directeur de l'enregistrement des armes à feu va «constituer et tenir un registre où seront notés les permis, les certificats d'enregistrement ou autorisations qu'il délivre ou révoque; les demandes de permis, de certificat d'enregistrement ou d'autorisation qu'il refuse; les cessions d'armes à feu qui lui sont notifiées en vertu des articles 25 ou 26; les exportations et les importations d'armes à feu qui lui sont notifiées en vertu des articles 41 ou 49; les pertes, vols ou destructions d'armes à feu, de même que les armes à feu trouvées, dont il est informé en application de l'article 86; ainsi que les renseignements réglementaires». Je suppose que cela se fera en vertu d'un décret.

Ainsi, voilà tout ce que ce système d'enregistrement est censé faire.

Maintenant si on passe à l'article 5 du projet de loi, on s'aperçoit qu'on va créer des postes de contrôleurs provinciaux des armes à feu en vertu de cette loi. Avant qu'une seule arme à feu puisse être enregistrée, tous les propriétaires canadiens - ce qui représente de 3 à 6 millions de personnes, selon la source des statistiques - devront obtenir un permis. Or, avant qu'un permis ne soit octroyé, le contrôleur des armes à feu devra déterminer si, au cours des cinq années précédentes, chacun de ces propriétaires a été déclaré coupable ou absous en application de l'article 736 du Code criminel d'une infraction commise avec usage, tentative ou menace de violence contre autrui, d'une infraction à la présente loi ou à la partie III du Code criminel, d'une infraction à l'article 264 du Code criminel, à savoir harcèlement criminel, ou encore d'une infraction aux paragraphes 39(1) ou (2) ou 48(1) ou (2) de la Loi sur les aliments et drogues ou aux paragraphes 4(1) ou (2) ou 5(1) de la Loi sur les stupéfiants.

Par la suite, il doit vérifier si la personne souhaitant obtenir un permis, a été internée ou non, a été traitée, notamment dans un hôpital, un institut pour malades mentaux ou une clinique psychiatrique, pour une maladie mentale caractérisée par la menace, la tentative ou l'usage de violence contre elle-même ou autrui.

.1110

Une fois cela fait, il va falloir qu'il vérifie dans le voisinage si, au cours des cinq dernières années, le comportement de cette personne atteste la menace, la tentative ou l'usage de violence contre elle-même ou autrui.

Cela ne fait pas partie de la question que je veux vous poser, mais il est très ironique de constater que, si le projet de loi C-41 est adopté, en vertu des mesures de rechange, les contrôleurs des armes à feu n'auront pas accès aux dossiers de cette nature car on ne gardera aucun de ces dossiers en vertu du nouveau système des mesures de rechange. Les infractions pour lesquelles on pourrait utiliser les mesures de rechange ne sont pas précisées dans le projet de loi C-41, et par conséquent, même si les contrôleurs des armes à feu sont tenus, de par la loi, d'effectuer une longue vérification, à cause du projet de loi C-41, ils n'auront pas accès à certains renseignements pertinents, des renseignements qui sont directement liés à leurs tâches et à leurs obligations pour délivrer un permis.

Tout ceci doit être fait avant qu'un seul des carabines ou des fusils de chasse détenus par 6 à 20 millions de propriétaires d'armes soit enregistré.

J'ai appris de la police de Toronto et d'autres sources dans le pays qu'en 1994, le coût de traitement d'une seule demande d'autorisation d'acquisition d'armes à feu s'élevait à plus de 100$. Dans le cas de la police de Toronto, on m'a parlé de 185,11$ et une autre source a indiqué un minimum de 150$.

Par conséquent, si les permis coûtent presque aussi cher que ce que coûtent actuellement les autorisations d'acquisition d'armes à feu - et ils peuvent coûter encore plus - et si l'on prend le chiffre minimum de trois millions de propriétaires d'armes à feu et que l'on multiplie par 100$, on arrive à un coût de 300 millions de dollars pour simplement émettre les permis, sans parler d'enregistrer une seule arme à feu.

Monsieur le ministre, compte tenu de cette information, maintenez-vous que le registre des armes à feu canadiennes ne va coûter que 85 millions de dollars?

M. Rock: Je maintiens que les chiffres que j'ai présentés au comité représentent notre meilleure estimation, calculée d'après des hypothèses raisonnables et de façon responsable et reflétant tous les coûts de l'établissement du système d'enregistrement.

Cela correspond à l'établissement du système d'enregistrement.

J'aimerais maintenant répondre à ce qu'a dit M. Ramsay. Premièrement, j'aimerais réagir à la botte qu'il m'a portée au début lorsqu'il a dit que certaines provinces de l'Ouest pourraient être contre le projet de loi C-68, soit l'Alberta, le Manitoba et la Saskatchewan. M. Ramsay a suggéré qu'elles s'étaient publiquement déclarées contre l'enregistrement.

Je me souviens très bien que mon collègue de l'Alberta, Brian Evans, que j'ai rencontré en janvier lorsque je me trouvais là-bas, a exprimé de réelles préoccupations au sujet de l'enregistrement dont il ne voyait pas l'utilité. Mais je pense qu'il parle beaucoup moins de cela depuis que des sondages qu'il a lui-même demandés indiquent que deux tiers des Albertains sont en faveur de l'enregistrement. Il peut maintenir son opposition, mais je pense que cela devient de moins en moins justifiable étant donné les résultats d'un sondage qu'il a lui-même demandé pour savoir ce que pensaient les Albertains de cette importante étape vers une plus grande sécurité dans la collectivité.

En ce qui concerne le Manitoba, le procureur général, Rosemary Vodrey, est également la ministre responsable de la question des femmes. La dernière fois que j'étais à Winnipeg pour parler de ce sujet, j'ai posé la question suivante, à laquelle je n'ai pas encore reçu de réponse: «Quelle est la position du procureur général du Manitoba, énoncée clairement, sur la question de l'enregistrement des armes à feu, et si elle y est opposée, comment concilie-t-elle cela avec sa responsabilité de ministre chargée des questions propres aux femmes lorsque, de façon très réelle, tout cela est lié à la sécurité et à la vie des femmes?»

Dans notre pays, une femme est tuée par arme à feu tous les six jours, le plus souvent par quelqu'un qu'elle connaît, le plus souvent chez elle et presque toujours avec un fusil ou un fusil de chasse autorisé.

La police nous dit que l'enregistrement de toutes les armes à feu permettra de sauver certaines de ces vies en leur permettant de confisquer les armes à feu détenues par des gens à qui on a interdit d'en posséder. Cela se produit souvent dans les cas de violence familiale.

Rosemary Vodrey s'oppose-t-elle à cette mesure? J'aimerais avoir une réponse claire.

Je ne suis donc pas si sûr que l'on s'oppose publiquement à l'enregistrement au Manitoba. Si c'est le cas, que les responsables le disent et qu'ils justifient leur position devant les électeurs de cette province.

En ce qui concerne la Saskatchewan, mon collègue et homologue, Bob Mitchell, a dit clairement qu'il s'opposait à l'enregistrement. C'est un fait. Mais je regarde le nombre et le taux des décès par arme à feu au Canada et je constate que la moyenne nationale est de 4,9 et que pour la Saskatchewan, elle est de 6,1 et je me demande si cela ne veut pas dire quelque chose à propos de la sécurité.

.1115

Si on utilise un système d'enregistrement qui ne va rien coûter, ou coûter 10$ à un moment donné au cours des huit prochaines années, et si la police fournit les outils et l'information nécessaires pour assurer la sécurité des collectivités, comment alors justifier l'opposition? Est-ce parce que les gens disent que nous allons entrer dans les maisons avec un mandat de perquisition à 3 heures du matin. Comme je l'ai dit, cela n'a aucun sens.

Il faut s'en tenir aux faits. Je crois que lorsque nous discuterons à partir des faits, on pourra convaincre les gens.

À ce sujet, j'aimerais dire une dernière chose avant de passer à la question de M. Ramsay. Je pense qu'il est terriblement important de limiter notre analyse aux faits. J'étais à Sault-Ste-Marie le 8 décembre dernier pour parler à un groupe de propriétaires d'armes à feu qui étaient extrêmement mécontents. Il y avait environ 1 200 personnes et il m'était très difficile de me faire entendre car tout le monde exprimait son mécontentement haut et fort.

Mais lorsque j'ai eu fini, alors que j'allais quitter l'estrade, j'ai été surpris de voir sortir de la foule un visage familier; il s'agissait de mon ami, M. Ramsay, accompagné d'un collègue du Parti réformiste. Il m'a remis un document et m'a dit de l'emporter et de le déposer au Parlement. Il s'agissait d'une pétition. Il me l'a donnée personnellement.

Lorsque je l'ai lue, voici ce que le texte disait:

Il y avait 5 000 noms sur cette pétition qui m'a été remise par M. Ramsay et il y avait 1 200 personnes très mécontentes dans le parc de stationnement qui me criaient dessus ce soir-là. Mais savez-vous, j'aurais volontiers signé cette pétition, car ce n'est pas la bonne façon de procéder.

Cela ne correspond pas non plus à la proposition que nous déposons devant la Chambre avec le projet de loi C-68. Cela n'a rien à voir avec le projet de loi C-68 et je dois vous dire que mon travail n'est pas facilité lorsque je me rends quelque part pour parler de ce projet de loi à la population et que des députés s'associent à des pétitions qui rapportent incorrectement la substance et l'esprit du projet de loi C-68.

Je propose donc que nous nous en tenions aux faits. C'est toujours un plaisir de parler de ces questions avec M. Ramsay. Je connais ses sentiments sur le sujet et je suis toujours heureux de lui être confronté. Mais basons-nous sur les faits et ne laissons pas ces distorsions nous éloigner d'un débat digne de nous.

Puis-je maintenant répondre brièvement à la question?

Le président: Brièvement. M. Ramsay a déjà pris sept des dix minutes pour poser la question. Mais nous avons pour politique de vous permettre de répondre de façon à avoir une autre série de questions.

M. Rock: Par souci de brièveté, je vais avoir l'impertinence de dire qu'il y avait essentiellement trois points dans la présentation de M. Ramsay. Le premier est qu'il s'agit d'un système d'une grande complexité et d'une large envergure. Le second est que l'on aura des difficultés à partager l'information, ce qui affaiblit le régime. Le troisième est que le coût d'un système aussi complexe et complet doit dépasser les montants que j'ai cités dans ma présentation devant le comité.

Je vais répondre point par point. Premièrement, en ce qui concerne la complexité, à la fin de ce mois-ci, dix millions de foyers au Canada et plusieurs millions de contribuables vont envoyer à un ministère des millions de formules complexes, indiquant le revenu et les dépenses de millions de Canadiens. En l'espace de deux ou trois mois, ce ministère va digérer cette information, dans certains cas la valider, dans de nombreux autres cas, la recalculer. Dans tous les cas, il va entrer ces données dans un ordinateur, puis il enverra des remboursements ou des avis de cotisation pour chacune de toutes ces formules.

C'est une tâche incroyable qu'on a dû mal à imaginer. On pourrait penser que cela est ruineux. Mais en fait, cela se produit tous les ans.

.1120

Ne nous laissons pas effrayer. Ne nous laissons pas effrayer par les éléments qui constituent ce projet en prétendant qu'ils sont trop complexes à gérer. Ils ne le sont pas. Nous avons déjà un système de AAAS qui va nous servir de base.

Deuxièment, la diffusion de l'information. Je peux assurer à M. Ramsay qu'en vertu des dispositions de l'article 88 du projet de loi sur les armes à feu, et par d'autres moyens, toute l'information sera transmise à ceux qui en ont besoin pour assurer la sécurité des collectivités. S'il a des suggestions à faire pour améliorer le projet de loi, je serais heureux de les entendre.

Le troisième point a trait au coût. Il y a un professeur de l'Université Simon Fraser qui prétend que le système d'enregistrement coûtera de centaines de millions de dollars à créer. Il part de 82$, c'est-à-dire le coût moyen pour enregistrer une arme de poing aujourd'hui, et il multiplie cette somme par le nombre total d'armes à feu - selon lui, 5 ou 6 millions, aux fins de son calcul - et il en arrive à un coût de 500 à 600 millions de dollars pour l'enregistrement. Cela ne tient évidemment pas compte du tout de la réalité, c'est-à-dire que lorsque nous délivrons un permis, lorsque nous faisons un premier enregistrement, nous ne procédons pas à la vérification complète qui est faite pour l'enregistrement d'une arme de poing aujourd'hui. Nous nous contentons de faire un dépistage pour voir si les gens qui vont obtenir leur permis ne sont pas fichés au CIPC, ne figurent pas sur la liste des personnes à qui une ordonnance d'interdiction a été délivrée et n'ont pas commis d'actes de violence au cours des dernières années. Cela peut être fait rapidement et sans qu'il en coûte très cher. Ne mélangeons pas les pommes et les oranges.

On peut établir le système pour 85 millions de dollars. Les frais de renouvellement de permis tous les cinq ans financent le fonctionnement permanent du système avec les frais demandés pour les nouvelles transactions et transferts. Le système est pratiquement rentable grâce à ses revenus, ce qui est nettement mieux que ce que nous faisons actuellement.

M. Ramsay: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

Le ministre, comme c'est le cas très souvent, a tort. Il a dit que je lui avais remis la copie d'une liste de signatures ou une pétition. Je n'ai jamais remis au ministre de la Justice une pétition de ce genre. J'aimerais que cela figure au compte rendu.

M. Rock: Monsieur le président, il était avec John Duncan de son...

M. Ramsay: Je n'ai pas remis de pétition au ministre de la Justice.

Le président: Je suppose que c'est une question à débattre, une question qui porte sur des faits.

M. Ramsay: Pour être bien clair, il a dit que je lui avais remis une pétition, ce qui n'est pas du tout le cas. Je veux que cela soit clair.

M. Rock: Si j'ai tort, j'ai tort. C'était peut-être un collègue de M. Ramsay. Était-ceM. Breitkreuz?

M. Breitkreuz: Désolé, ce n'était pas moi. Je n'étais même pas à Sault Sainte-Marie.

Le président: Peut-être pourrions-nous résoudre cette question ailleurs.

Je tiens à rappeler au comité que le membre qui est appelé à poser une question peut utiliser son temps comme il le souhaite. Étant donné que nous sommes en comité plénier, je vous demanderais d'être aussi brefs que possible par souci d'équité à l'égard de vos collègues.

Je permets toujours au ministre ou au témoin de finir de répondre à une question, même s'il dépasse le temps qui lui est imparti. Si nous voulons que chacun intervienne ce matin, soyons aussi précis et directs que possible.

Pendant 10 minutes, Mme Phinney.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Bienvenue, monsieur le ministre. Nous sommes heureux de votre présence.

Comme la plupart des autres membres, j'ai rencontré des personnes qui s'inquiètent de ce projet de loi. Vous avez raison. Il est étonnant de voir la quantité d'informations erronées qui circulent et combien de gens appuieront le projet de loi une fois que tout cela sera éclairci.

Cela dit, après avoir étudié le projet de loi article par article et après avoir passé presque 24 heures avec un groupe de six ou sept personnes à étudier toute cette question, il reste un certain nombre de problèmes techniques et administratifs, par exemple, les définitions et autres, que nous pouvons faire préciser au sein du comité. C'est notre travail.

Je pense qu'il y a plusieurs éléments à propos desquels le public a besoin d'être rassuré. Le premier concerne le pouvoir du ministre. À la page 50, l'article 112 stipule que les règlements pris en application de l'article 110 n'ont pas besoin d'être déposés devant les Chambres du Parlement si le ministre estime que ceux-ci n'apportent pas de modification notable à des règlements existants. Le paragraphe 112(3) stipule que si le ministre estime qu'il est urgent...

.1125

Je me demande qui décide qu'il n'y a pas de modifications notables ou que c'est urgent. Donnez-nous un exemple d'un cas où vous auriez, selon vous, à modifier cet article de la loi - et il régit une bonne partie du projet de loi - sans avoir à passer devant le Parlement, ou un cas où vous ne pourriez pas le faire. Vous pourriez vouloir intercepter une arme à la frontière et vous ne pouvez pas la garder deux ou trois jours avant que le Cabinet se réunisse pour prendre une décision.

Quelles sont les mesures de sauvegarde pour qu'un autre ministre - je ne parle pas de vous-même - n'abuse pas de ce système? Va-t-on ajouter une disposition prévoyant que le ministre pourrait avoir à s'adresser d'abord au premier ministre pour demander une autorisation? On estime généralement que c'est un pouvoir dont on pourrait abuser.

M. Rock: Je pense que cet article a fait l'objet d'une discussion lorsque le projet de loi a été rédigé. J'ai soulevé la même question, en particulier dans le contexte actuel. Je craignais que ce pouvoir discrétionnaire permettant au ministre d'éviter l'examen parlementaire pour quelque chose qui est considéré subjectivement comme négligeable ou sans importance pourrait attirer exactement ce genre d'attention.

On m'a dit, au cours de l'analyse, que certaines choses pourraient se produire, dans le cadre de l'administration de la loi ou de l'établissement des règlements, des détails, des changements qui peuvent parfois faciliter la vie des propriétaires ou des utilisateurs d'armes à feu, qui sont relativement sans importance, qui ne touchent pas le cadre global des règlements mais auxquels il faudrait consacrer beaucoup de temps et d'argent pour passer par le processus parlementaire.

Je n'y suis pas très favorable. En fait, ma réaction initiale a été la même que la vôtre.

Des fonctionnaires comparaîtront devant le comité. Ils pourront vous donner d'autres détails, mais ce n'est pas quelque chose que j'estime important. Si nous voulons que toutes ces questions soient examinées par le Parlement, je n'ai pas d'objection particulière.

Mme Phinney: Peut-être pourrons-nous demander une autre fois à des experts de nous donner des exemples de cas où cela pourrait être utilisé.

M. Rock: Ils vont revenir.

Mme Phinney: Ma deuxième question concerne la sécurité, qui est un sujet dont on entend beaucoup parler. Un certain nombre de gens vont entrer ces informations dans un ordinateur. Ils y auront accès. J'ai parlé à un certain nombre de responsables de clubs qui sont très satisfaits du fait que vous allez les faire participer à ces activités, mais ils ne tiennent pas à avoir trop d'informations. Ils ne veulent pas savoir que tel membre de leur club possède 53 armes à feu ni connaître les détails. C'est surtout parce que quelqu'un, peut-être le secrétaire du club, par exemple, va avoir cette information. Qu'en fait-il? Doit-il la ramener à la maison tous les soirs? Sa maison pourrait-elle être cambriolée etc.?

Lorsqu'un agent de police va obtenir cette information, va-t-elle apparaître sur son ordinateur? Doit-il téléphoner quelque part pour l'obtenir? Doit-il communiquer avec Ottawa? Combien de documents existent sur lesquels figurent des renseignements sur tel ou tel propriétaire? J'ai pris l'exemple d'un agent de police, mais sans vouloir laisser entendre qu'il pourrait faire quelque chose de mal. Supposons qu'il va jouer au golf le lendemain. Il vient d'une petite ville et il dit à l'ami avec qui il joue au golf: savais-tu qu'un tel a tel et tel type d'arme à feu dans sa maison?

Quelle est l'obligation de rendre compte à l'égard du public? Quelle sanction...? On ne voit rien dans ce texte qui prévoit des sanctions ou des peines pour ceux qui transmettent des renseignements qui se trouvent dans cet ordinateur. Si quelqu'un est blessé parce que quelqu'un a découvert qu'il y avait certains types d'armes à feu dans une maison, cela pourrait entraîner des blessures graves et même un décès, simplement parce que cette information a été divulguée. Quelles seraient les sanctions prévues pour la ou les personnes qui vont avoir accès à ce genre de renseignements?

M. Rock: Premièrement, il n'a jamais été question que les clubs de tir aient accès à ce genre d'information.

Mme Phinney: Non. Je ne voulais pas parler de ce type d'information, mais si le club s'occupe de délivrer des permis ou des renouvellements, si le club s'en charge ou si vous leur demandez de vous aider à envoyer ou à prendre des formules de renouvellement ou autre...

M. Rock: Cela ne sera jamais le cas, car les clubs de tir ou leurs secrétaires n'auront pas de renseignements détaillés sur le genre d'armes à feu que possèdent les membres. Cela ne fait pas partie du projet.

.1130

Ce qui est prévu, c'est qu'en tant que propriétaire, j'identifierais mes armes à feu aux fins de l'enregistrement. Cette information sera confidentielle.

Je reconnais que la protection de cette information doit être absolue.

Je vous fais également remarquer que le CIPC et les AAAF, le système d'enregistrement des armes de poing qui est déjà en place, n'a jamais fait l'objet d'une effraction. La seule fois où des problèmes sont survenus - et il s'agit d'un facteur humain, qu'il n'est jamais possible de contrôler à 100 p. 100 - il s'agissait d'agents de police ou autres personnes qui ont fait l'objet de mesures disciplinaires ou ont été inculpées parce qu'il était allégué qu'elles allaient mal utiliser les renseignements figurant dans le CIPC ou dans les AAAF.

Par exemple, aucun pirate informatique n'est entré dans le système informatique du CIPC ni dans le système informatique qui sert à l'enregistrement des armes de poing.

Premièrement, j'aimerais dire que l'information relative à l'enregistrement qui se trouve dans le CIPC est organisée de telle façon que les armes à feu sont toutes inscrites à l'aide d'un numéro de permis et non en utilisant un nom et une adresse. Même si vous avez accès à l'écran, vous verrez un numéro de permis, le mien par exemple, mais vous ne le sauriez pas, puis vous verriez le numéro d'identification de l'arme à feu. Pour aller au-delà et savoir qui je suis, vous devez avoir un droit d'accès. Les agents de police auront cet accès car ils voudront savoir, au cas où ils devraient se rendre chez moi lors d'un incident, si j'ai enregistré des armes à feu et de quel type. Seule la police pourra avoir accès à ce genre de détail.

J'aimerais dire également que les ordinateurs seront munis de ce qu'on appelle des cloisons pare-feu. Si vous pensez, par exemple, à votre guichet bancaire automatique ou au système des cartes de crédit, en général, vous pouvez accéder à votre propre compte mais pas à celui de quelqu'un d'autre. Vous pouvez obtenir des renseignements uniquement sur vous-même et vous pouvez également ajouter des renseignements. Vous ne pouvez pas faire de recherches latérales pour obtenir des renseignements sur quelqu'un d'autre. C'est la façon dont le système sera conçu.

Je crois comprendre que demain, le comité va entendre le témoignage du sous-commissaire de la GRC. Le sous-commissaire Bergman sera en mesure de vous donner plus de détails sur le système du CIPC et sa sécurité car la GRC va en être propriétaire.

Je peux assurer à Mme Phinney que la sécurité de l'information sera un aspect essentiel. Le système sera conçu en fonction de la sécurité et les armes à feu seront inscrites sous un numéro de permis et non sous un nom.

Mme Phinney: Vous n'avez toujours pas répondu à ma question sur l'agent de police qui obtient de l'information parce qu'il doit se rendre chez quelqu'un. Il constate que ces gens vivent dans une région rurale et que M. Tremblay possède 23 armes à feu. Ce sont peut-être des armes historiques ou des objets de grande valeur que l'on pourrait vouloir voler. Quelle assurance a-t-on que ce policier sera pénalisé s'il dit à son ami, la semaine suivante, lors d'une partie de golf, que leur ami, M. Tremblay, ou Un tel possède x armes dans sa maison? La semaine suivante, les armes sont volées parce que l'agent de police a divulgué cette information. Cela lui est resté en mémoire une fois qu'il est allé dans cette maison pour un problème quelconque.

M. Rock: Je suppose que cela pourrait se produire en ce moment. Je n'ai pas besoin de faire enregistrer mes 23 armes à feu pour que des agents de police les voient chez moi, s'ils viennent pour une raison quelconque.

Pour le moment, les règlements disciplinaires qui régissent les agents de police et leur conduite ainsi que les articles pertinents de la Loi sur la protection des renseignements personnels protègent ces personnes. Nous n'avons pas inclus de dispositions particulières dans le projet de loi C-68 pour couvrir de ce genre de situation.

Mme Phinney: Bien des gens s'en inquiètent.

[Français]

Le président: Madame Venne, vous avez cinq minutes.

Mme Venne: Monsieur le ministre, il y a un document de travail préparé par votre ministère sur l'article 85 en particulier et l'imposition des peines minimales en général qui conclut que, dans l'ensemble, le public ignore quelles infractions comportent une peine minimale obligatoire.

De plus, le même document conclut également que, comme moyen de dissuasion, les peines minimales obligatoires ont probablement très peu d'impact sur le taux de commission de l'infraction substantielle. Pire encore, il semblerait que les jurés soient moins enclins à rendre un verdict de culpabilité s'ils savent que l'infraction dont est accusé le prévenu comporte une peine obligatoire. Malgré ces conclusions, vous décidez quand même de hausser la peine minimale obligatoire de un à quatre ans pour quiconque utilise une arme lors de la perpétration d'une infraction criminelle.

.1135

J'aimerais donc savoir quelles recherches ou quelles statistiques permettent de justifier votre position. Vous comprenez bien qu'en sous-question, je vais vous faire part du coût pour les provinces de l'application de cette nouvelle peine minimale qui sera consécutive à toute autre peine imposée par le juge, ce qui va faire en sorte qu'il va y avoir une surpopulation dans nos prisons.

M. Rock: Premièrement, comme matière de principe, vous avez devant vous maintenant le projet de loi C-41 complété. Le principe de ce projet de loi, c'est que l'emprisonnement sera réservé pour les crimes avec violence. Pour les autres crimes, l'emprisonnement sera rare et un dernier recours. C'est très important, à mon avis, qu'on réserve cette peine d'emprisonnement seulement pour les crimes violents.

[Traduction]

C'est le même principe que l'on trouve dans le projet de loi C-37, et j'espère qu'une fois qu'il sera appliqué à long terme, nous pourrons régler le problème de la surpopulation, du moins dans une certaine mesure, par le biais du projet de loi.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 85 et la façon dont il aborde ces propositions, je dois dire clairement qu'il y a une énorme différence entre la façon dont le droit criminel traitait les armes à feu avant le projet de loi C-68 dans les cas de crimes et la façon dont le projet de loi se propose de le faire dorénavant.

Selon l'ancien régime, l'article 85 était le seul outil que l'on pouvait utiliser dans le système de justice pénale et si j'étais accusé de vol qualifié, je devais comparaître devant le tribunal pour répondre de cette accusation. Si le vol qualifié était perpétré avec une arme à feu, plutôt qu'avec un bâton ou un couteau, j'étais alors accusé d'une infraction séparée en vertu de l'article 85. Si j'étais reconnu coupable de vol qualifié, l'article 85 s'appliquait. Dans ce cas, il y avait une peine minimum obligatoire d'un an en prison.

L'étude du ministère de la Justice sur l'article 85 réalisée l'an dernier a établi que dans environ deux tiers des cas, ces accusations n'ont abouti à rien. Elles n'ont pas abouti à une déclaration de culpabilité, en grande partie du fait qu'elles ont été réglées hors cour ou abandonnées. Il y avait une deuxième accusation distincte qui pouvait être utilisée aux fins de ce règlement hors cour.

Dans le projet de loi C-68, nous avons adopté une méthode très différente. Nous avons intégré la peine aggravée à l'infraction substantielle. Si vous êtes reconnu coupable de vol qualifié avec une arme à feu, la peine sera de quatre ans minimum. Il n'y a pas de deuxième accusation séparée. Cela fait partie de la sanction pour le vol qualifié parce que vous l'avez perpétré avec une arme à feu.

[Français]

Mme Venne: Excusez-moi, je ne veux pas vous interrompre. On est sur le peu d'effet dissuasif de la peine minimale obligatoire. C'est là-dessus que j'aimerais bien que vous commentiez.

[Traduction]

M. Rock: J'y viens tout de suite.

Je vais vous donner l'exemple de la recherche effectuée à partir de l'expérience acquise, essentiellement aux États-Unis, sur l'effet dissuasif de ces peines. Je cite Vischer qui a conclu en 1987, que certains crimes seraient réduits de 5 à 10 p. 100 simplement en imposant ce genre de peines dissuasives, des peines minimales obligatoires.

Je vous renvoie à McPheters qui a constaté en 1984, que les peines plus sévères pour les vols qualifiés avec armes à feu entraînaient effectivement une réduction de ce type particulier de crime.

En 1992, McDowall a passé en revue quelques études sur les peines de prison obligatoires pour les infractions avec armes à feu et a constaté que les homicides avec armes à feu avaient été réduits.

Il existe une recherche qui montre que les peines dissuasives peuvent avoir un effet, en fonction de la sensibilisation. C'est un aspect sur lequel j'ai insisté lorsque j'ai montré au comité les chiffres sur l'information du public. Une partie de notre tâche, lorsque le projet de loi C-68 sera promulgué, consistera à faire savoir aux gens que s'ils choisissent d'utiliser une arme à feu pour un crime de ce genre, les conséquences seront immédiates, importantes et certaines. Ce doit être une partie importante de la stratégie.

Je pense que pour certains crimes, comme un vol qualifié prémédité où la personne décide de prendre une arme à feu, on peut constater que si cette personne sait qu'il y a une pénalité certaine associée à ce crime, cela fera une différence.

.1140

Je reconnais, en effet, que ce n'est pas vrai de tous les crimes.

Ma dernière remarque concerne les coûts. Chose curieuse, loin d'augmenter les coûts des services correctionnels pour les provinces, cette approche contribue en fait à les réduire. Les contrevenants détenus dans le système provincial pendant une période de deux ans moins un jour ou moins se retrouveront à la charge du système fédéral. Oui, il y a un coût additionnel, mais pour l'essentiel, c'est le gouvernement fédéral qui devra l'assumer.

[Français]

Mme Venne: C'est toujours le même citoyen.

[Traduction]

Le président: L'heure.

Madame Torsney, vous avez cinq minutes.

Mme Torsney (Burlington): Permettez-moi de vous dire, pour commencer, monsieur le ministre, qu'ayant assisté à au moins une des réunions organisées par le Parti réformiste dans le pays, il est maintenant très clair pour moi que ce projet de loi ne saurait venir en temps plus opportun.

Au Canada, un pourcentage croissant de la population déclare «j'ai besoin d'une arme pour assurer ma protection». À Kamloops on nous a dit, à MM. Ramsay, Thompson et moi, que de nombreux citoyens respectueux des lois conservent des .45 au chevet de leur lit parce qu'ils estiment en avoir besoin pour se protéger contre les cambrioleurs.

Ces personnes joueront un rôle important dans l'éducation du public que nous devrons entreprendre dans tout le pays pour nous assurer que ces mêmes propriétaires d'armes sont informés de l'importance de certaines des dispositions du projet de loi C-68.

Qu'avez-vous fait pour associer les groupes de propriétaires d'armes à feu à la diffusion de cette information et à ce processus d'éducation?

M. Rock: Nous avons fait de notre mieux. Nous avons parfois été déçus par certains groupes qui ont préféré refuser toute coopération avant l'adoption du projet de loi parce qu'ils ne veulent pas que l'on pense qu'ils abandonnent ou réduisent leur opposition à celui-ci. Je crois que la collaboration avec tous les propriétaires d'armes à feu va être essentielle si nous voulons donner le maximum d'efficacité au système proposé.

Par exemple, une fois que les choses se seront calmées, j'ai l'intention de faire appel à la participation et à la collaboration actives des fédérations de la protection de la faune, des chasseurs et des pêcheurs et des associations de propriétaires d'armes de poing, au processus de collecte de l'information nécessaire pour les demandes de permis et l'enregistrement des armes à feu. J'ai l'intention d'associer ces fédérations et associations à l'amélioration du système, à sa conception, et à la diffusion de l'information à l'intention de leurs membres.

J'allais vous en donner un exemple.

À cause des mythes qui se sont formés autour du processus d'enregistrement, tels que celui que représente la pétition de Sault-Ste-Marie, j'ai écrit à 12 ou 15 associations de protection de la faune et de chasseurs dans laquelle je leur disais, «Voudriez-vous avoir l'obligeance de faire parvenir à vos membres une copie de cette brochure publiée par nous». C'est la brochure concernant les questions et les réponses relatives à l'enregistrement. Il s'agit uniquement des données essentielles - quelle sera la période de mise en oeuvre progressive des nouvelles dispositions; l'enregistrement coûtera-t-il 100$ par arme; à quoi servira-t-il? J'ai ajouté, «je sais que vous y êtes opposé - je vous ai déjà entendu - et je souhaiterais que vous envoyiez au moins ces renseignements de base à vos membres pour que nous puissions les porter à leur connaissance».

Je dois dire que j'ai été déçu par leurs réactions. Rares ont été les groupes qui m'ont dit qu'ils étaient prêts à diffuser la brochure. Je leur avais pourtant dit que je la leur fournirai et tout ce qu'ils auraient à faire était de l'inclure dans leur prochain envoi. Je voudrais bien qu'ils m'écoutent, car je tiens à ce que ces faits soient connus. Je suis résolu à collaborer avec les groupes de propriétaires d'armes à feu, comme je l'ai fait jusqu'à présent, pour bien montrer que nous tiendrons compte des besoins des propriétaires légitimes lors de l'application des principes importants contenus dans cette loi.

Mme Torsney: J'ai également noté avec intérêt, monsieur le ministre, que les membres des partis d'Opposition - à l'exclusion, je dois le dire, du Bloc québécois - ont décidé de ne pas diffuser l'information fournie par le gouvernement. J'imagine que lorsque vous ne disposez pas de données sur les faits, il est plus facile d'attirer beaucoup de monde à une réunion des partisans du Parti réformiste pour leur vendre des cartes de membres et attirer ces groupes d'intérêt particulier.

La question des armes militaires et paramilitaires a également été soulevée à Kamloops. J'ai trouvé intéressant qu'un compte rapide des mains levées a montré que 150 personnes environ, soit un tiers du public, auraient aimé acheté un pistolet mitrailleur UZI à un moment ou à un autre. Je ne sais pas s'ils avaient l'intention de s'en servir pour la pêche, mais apparemment, c'était une arme qui les intéressait.

Le projet de loi C-68 interdit pratiquement la possession de toute arme militaire ou paramilitaire au Canada? Pourquoi était-ce si important?

.1145

M. Rock: Pour diverses raisons. Premièrement la réglementation des armes à feu au Canada a toujours reposé sur le principe que nous autorisons l'acquisition et l'utilisation d'armes à feu pour des raisons légitimes. La chasse et l'élevage en font indiscutablement partie et ont une très grande importance économique. Les groupes de tireurs sur cible aiment leur sport et les succès de certains de leurs membres nous valent une renommée internationale. Les collectionneurs tirent beaucoup de plaisir de leurs activités et consacrent parfois des sommes d'argent considérables à leurs collections.

Mais lorsqu'il s'agit d'armes militaires, d'armes conçues pour la guerre, il est permis de se demander quel peut être leur usage légitime. Prenez, par exemple, le AK-47; à quoi cette arme pourrait-elle bien servir au Canada? Pourquoi voudrait-on en posséder une? J'ignore la réponse à cette question. C'est une des armes que nous avons interdites.

Prenez aussi le HK 94, le Heckler & Koch. Je ne vois pas très bien le rapport avec la chasse, ni bien entendu, avec la pêche. Mais nous en avons interdit la possession car nous estimons qu'à cause de sa puissance de destruction, c'est l'exemple même d'une arme militaire qui n'a pas sa place dans notre pays.

Nous sommes allés un peu plus loin en ce qui concerne l'arbalète à poignée-pistolet. Nous avons dit que cette arme n'avait pas non plus sa place au Canada. C'est une arme silencieuse, que l'on peut utiliser d'une main, et elle n'a rien à faire ici.

À un certain point, il faut se demander s'il s'agit d'une arme à feu légitime destinée à des usages acceptés par notre pays. Bien souvent, la réponse est négative.

Permettez-moi d'ajouter que l'AK-47 figure également sur la liste des armes interdites par la loi américaine. Même les Américains l'ont interdite.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Comme le temps passe, monsieur le Ministre, je vais vous poser quelques questions sur les points qui me préoccupent dans la partie III de ce projet de loi.

Je voudrais commencer par le point soulevé au sujet de la désinformation. Je participais à une émission-débat l'autre jour, à laquelle un de vos collègues du Cabinet a déclaré que le minimum de quatre ans venait s'ajouter à la peine imposée pour le crime original. Ce n'était pas la première fois que j'entendais dire cela. Apparemment, les Canadiens le croient et l'acceptent aussi.

Selon mon interprétation, et les explications que vous avez données plus tôt, il s'agit d'une peine combinée et non d'une peine additionnelle. Cela m'inquiète, et je vais vous expliquer pourquoi.

Actuellement, la moyenne de la peine pour un homicide involontaire, si j'en juge d'après un certain nombre d'incidents dans ma collectivité, est de quatre ans, que vous utilisiez une arme à feu ou non. La durée moyenne de la peine pour vol à main armée est de cinq à six ans. Habituellement, les tribunaux utilisent la durée minimum, à moins qu'il y ait des circonstances aggravantes qui justifient une peine plus sévère.

Ce que je crains, c'est que ce minimum de quatre ans n'ait absolument aucun effet de dissuasion. Dans certains cas, il représente en fait une réduction de la peine, et cela m'inquiète.

Le second point qui me préoccupe, c'est que j'ai moi aussi fait une étude sur les raisons pour lesquelles tant d'inculpations pour usage d'armes à feu font l'objet de négociations de plaidoyer ou sont purement et simplement abandonnées. Les procureurs de la Couronne à qui j'ai parlé m'ont dit que c'est parce qu'il ne leur était pas possible de faire valoir leur position devant les tribunaux. Ils sont en effet obligés de prouver que l'inculpé a été pris sur le fait, l'arme à la main, ou que les tests balistiques montrent que l'arme utilisée était bien celle qui était en possession de cette personne.

Votre façon de traiter le problème dans ce projet de loi, selon qu'il s'agit d'une arme à feu véritable ou d'une simple réplique, ne va certainement pas résoudre la question. Vous considérez qu'il y a là deux chefs d'inculpation distincts. Il incombe toujours à la Couronne de prouver qu'il s'agit d'une arme à feu ou d'une réplique. Je crains que cela se soldera par une négociation de plaidoyer ou l'abandon pur et simple de l'affaire, parce qu'elle ne pourra pas être portée devant les tribunaux.

Je souhaiterais avoir votre réaction sur ces deux points.

M. Rock: Certainement, monsieur le président.

En ce qui concerne le premier point, je serais très heureux de communiquer au Comité le résultat des recherches que nous avons effectuées sur toute la gamme des peines actuellement imposées pour infraction avec des armes à feu.

.1150

Nous avons constaté, par exemple, que d'après les renseignements que nous avons trouvés dans les sommaires des condamnations... examen que nous avons terminé en novembre dernier... concernant ces dix infractions graves avec possession d'armes à feu, que les tribunaux condamnent à des peines de moins de quatre ans de détention et que les peines globales les moins longues comprenaient, par exemple, une condamnation avec sursis pour homicide involontaire avec une arme à feu, 90 jours de prison pour décharge d'une arme à feu provoquant des blessures et une année de prison pour vol à main armée. Voilà quelques exemples de cas que nous avons trouvés dans ce sommaire.

Deuxièmement, les données fournies par Service correctionnel Canada l'automne dernier ont également confirmé le fait que les peines de moins de quatre ans sont fort fréquentes pour le genre d'infractions dont nous parlons, lorsqu'elles ont été commises avec une arme à feu. Dans un échantillon de voleurs détenus dans le système de gestion des détenus fédéral et provincial, nous avons plus particulièrement étudié 111 cas de détenus condamnés pour vol ainsi qu'en vertu de l'article 85, ce qui signifie qu'ils avaient utilisé une arme à feu. La peine globale moyenne était de 4,7 années, mais dans 59 p. 100 des cas, la peine globale était inférieure à quatre ans.

Donc, près de 6 sur 10 des coupables de vols à main armée avaient été condamnés à des peines de moins de quatre ans de prison. Les autres avaient été condamnés à des peines suffisamment longues pour que la moyenne globale dépasse quatre ans. Des 132 condamnés pour vol mais sans application de l'article 85, en dépit du fait que leur casier judiciaire contenait la preuve qu'ils avaient utilisé une arme à feu, 43 p. 100 servaient une peine globale de moins de quatre ans.

En réponse à la première partie de votre question, je dirais donc qu'il est clairement prouvé que le minimum de quatre ans - n'oubliez pas qu'il s'agit d'un minimum et non d'un maximum; les quatre années ne sont qu'un point de départ - constituera un motif de dissuasion beaucoup plus fort à l'usage d'armes à feu. À ce propos, nous avons déjà calculé que l'application de cette mesure nous coûtera fort cher.

Je parlerai très brièvement du deuxième point, qui concerne l'article 85 visant la difficulté de la preuve. Une des raisons pour lesquelles l'article 85 n'a jamais donné de bons résultats c'est que la Couronne était toujours obligée de prouver que l'inculpé avait utilisé une arme à feu pour commettre l'infraction. Si donc une caméra vidéo vous filmait, une main dans la poche, entrain de commettre un vol au dépanneur du coin, ce n'était pas suffisant; il fallait que la Couronne prouve que vous aviez une arme dans la poche. J'ajouterais même, monsieur le président, que si la caméra vous filmait en train de braquer un objet noir sur l'employé pour l'obliger à vous donner l'argent, ce n'était pas non plus suffisant; il fallait que vous prouviez qu'il s'agissait bel et bien d'une arme à feu.

Nous avons donc fait deux choses pour régler cela, car je reconnais qu'il était difficile de fournir une preuve dans ces conditions. Premièrement, nous avons intégré la condamnation obligatoire pour ces dix infractions aux sections de fond. Donc, maintenant, si vous commettez un vol à main armée, c'est un minimum obligatoire de quatre ans de prison. Deuxièmement, bien que nous ayons conservé l'article 85 pour d'autres infractions, nous avons ajouté d'autres restrictions afin de dégager la Couronne de l'obligation de prouver qu'il s'agissait d'une arme à feu réelle dans chaque cas. Si j'entre quelque part en braquant un objet noir comme si c'était une arme de poing, c'est suffisant pour être passible des dispositions de l'article 85.

Aussi avons-nous tenté de régler le problème de la preuve qu'a souligné Madame Meredith.

Mme Barnes (London-Ouest): Au cours de l'année, on nous a sans cesse dit que le projet de loi allait gêner les chasseurs et les tireurs à la cible, mais ne ferait pas grand-chose pour combattre la criminalité. Ce sont là des sentiments que je ne partage pas. Un genre de crime que les opposants à ce projet de loi semblent toutefois bien se garder d'aborder est la violence au foyer, qui est si répandue dans notre pays. Certains mêmes en font l'objet de farces.

Que fait cette loi pour aider le gouvernement à combattre la violence faite aux femmes et aux enfants, surtout à la maison? Je voudrais que vous vous penchiez sur les ordonnances d'interdiction au cours de vos débats dans ce domaine.

M. Rock: Je suis convaincu que ce projet de loi et ses composantes vise également la violence et la sécurité à la maison. Lorsque nous pensons aux actes de violence par les armes à feu, nous voyons un film: un étranger chez le dépanneur qui sort de sa poche une arme de poing et tire, c'est-à-dire un acte de violence au hasard. C'est ce que les gens pensent, en règle générale, lorsqu'il s'agit d'armes à feu et de crimes. Mais le fait est que le plus grand danger en ce qui a trait aux homicides par armes à feu c'est qu'ils sont généralement commis par des gens que l'on connaît, et non par des étrangers, et la plupart du temps ces homicides et actes de violence sont perpétrés à domicile.

.1155

J'ai dit tout à l'heure que les statistiques montrent que tous les six jours en moyenne, une femme est tuée par une arme à feu au Canada et que c'est presque toujours par quelqu'un qu'elle connaissait, chez elle. Dans la vaste majorité des cas, c'est une carabine ou un fusil de chasse appartenant légitimement à son utilisateur. En fait, les statistiques sont très inquiétantes. Lorsque des femmes sont tuées au cours de querelles de ménage, les armes à feu sont deux fois plus fréquemment utilisées que les autres; 85 p. 100 des armes à feu utilisées pour cela sont des carabines et des fusils de chasse, et 82 p. 100 d'entre elles étaient la propriété légitime du meurtrier.

Si vous considérez les chiffres, 75 p. 100 des femmes victimes d'un homicide en 1993 ont été tuées dans un domicile privé. Il y a trois fois plus de chance qu'une maison où des armes à feu sont conservées soient le site d'un homicide que celles où il n'y a pas d'armes à feu. Il y a 12 fois plus de chance que les querelles entre conjoints se terminent par la mort de l'un d'entre eux dans les domiciles où il y a une arme à feu.

Certains disent que l'on devrait interdire les couteaux parce qu'ils sont également utilisés. Les études effectuées montrent que les blessures par armes à feu entraînent au moins trois fois plus souvent la mort que les coups de couteau, et les médecins le confirment. Autrement dit, le couteau cause surtout des blessures, et les armes à feu tuent plus souvent qu'elles ne blessent. J'estime donc que tout cela a beaucoup à faire avec la sécurité au foyer.

Je me souviens, lorsque j'étais à Whitehorse, qu'un agent de police m'avait dit qu'une ordonnance avait été prise pour interdire à un individu d'avoir des armes à feu à cause des actes de violence familiale dont il s'était rendu coupable. Les agents de police s'était donc présentées chez lui et lui avait demandé de remettre ses armes à feu. Il leur avait donné une carabine. Les agents lui avait alors demandé s'il n'en avait pas d'autres et il avait répondu par la négative. La femme qui se tenait derrière lui n'avait rien dit, mais avait secoué la tête. Sachant qu'elle n'était pas d'accord, les policiers étaient repartis pour revenir le lendemain en prétendant avoir obtenu des informations d'autres sources et ils avaient reposé la même question. L'individu en question leur avait alors remis deux autres armes à feu. Lorsque les policiers étaient revenus une seconde fois avec un mandat de perquisition, ils avaient découverts une quatrième arme à feu.

Je considère que des vies humaines ne devraient pas être menacées dans de telles situations. La police ne devrait pas être obligée de faire tout cela, monsieur le président. Lorsque les armes à feu seront enregistrées, elle saura où les trouver et pourra véritablement appliquer ces ordonnances. Je crois que c'est un facteur très important de la sécurité et une des raisons pour lesquelles cela a tant d'importance pour le Canada.

Mme Barnes: En ce qui concerne les ordonnances d'interdiction, je voulais vous interroger au sujet de la définition de «proche» et vous demander quel était le but visé par la loi en ce qui concerne les ordonnances d'interdiction en vertu du paragraphe 111(1), selon lequel les armes des proches d'une personne pourraient également faire l'objet d'une ordonnance d'interdiction. Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

M. Rock: Le principe est le suivant: s'il m'est interdit de détenir des armes à feu parce qu'un tribunal a décidé que cela n'était pas dans l'intérêt du public, la sécurité du public risquerait de ne pas être assurée comme le veut le tribunal si je vis avec une personne qui a des armes à feu auxquelles j'ai librement accès. Ce que l'on envisage c'est qu'une telle ordonnance imposerait également à l'autre personne l'obligation de conserver ses armes à feu dans un autre endroit. Il ne s'agit pas de saisir celles-ci. Il ne s'agit pas de les lui enlever. Ce que l'on veut, c'est qu'elle conserve ses armes ailleurs si elle cohabite avec quelqu'un qui ne devrait pas avoir accès à des armes à feu selon la décision du tribunal. Nous avons pensé que c'était là un élément important pour la sécurité du public.

Mme Barnes: Et que dois-je faire pour obtenir une de ces ordonnances d'interdiction?

M. Rock: Cela implique un processus judiciaire.

Mme Barnes: Merci. J'ai, moi aussi, entendu bien des informations trompeuses à propos de cet article.

[Français]

Mme Venne: Plusieurs gouvernements territoriaux et provinciaux, de même que des associations, s'inquiètent beaucoup des répercussions de la législation sur le tourisme en général et sur la chasse en particulier. Il y en a même qui affirment que les coûts pour un permis de chasse temporaire - on sait que, dorénavant, lorsque les Américains en particulier viendront chasser chez nous, ils devront s'acheter un permis temporaire - vont décourager les Américains à venir dépenser leurs dollars américains chez nous.

.1200

Est-ce que votre ministère - évidemment, c'est en collaboration avec le ministère du Revenu - a choisi une formule pour le coût de ces permis? Est-ce que ça va être par groupes d'âge puisqu'il y en a aussi qui viennent faire du tir à la cible, ou est-ce que ça va être par armes? Quel va être le coût pour ces touristes qui vont venir chasser chez nous ou tirer à la cible?

[Traduction]

M. Rock: C'est un point qui a été soigneusement étudié lors de la préparation du projet de loi C-68. Par exemple, lorsque je me trouvais au Yukon j'ai rencontré des associations de pourvoyeurs, des guides de pleine nature, et des propriétaires de camps de chasse qui gagnent leur vie non seulement grâce aux visiteurs venus d'autres régions du Canada, mais aussi grâce aux touristes américains. Il est clairement apparu, dès le début, c'est qu'il fallait que nous concevions un système qui, entre autres, ne créerait pas d'obstacles excessifs aux personnes qui viennent chasser au Canada et y dépenser leur argent, permettant ainsi à des Canadiens de gagner leur vie. Je crois que nous y sommes parvenus.

Le processus que nous envisageons est le suivant: lorsque quelqu'un vient au Canada pour chasser, des États-Unis par exemple, pour simplifier les choses, cette personne devra obtenir d'avance un enregistrement et un permis temporaire de 60 jours, par exemple. Ces documents seront, pour lui, l'équivalent du permis et de l'enregistrement d'un propriétaire au Canada, et ils expireraient après son départ.

Nous nous sommes engagés vis-à-vis des pourvoyeurs et des autres à les aider à informer d'avance des exigences les chasseurs qui veulent venir au Canada - fréquemment dans le cadre de voyages organisés; ils obtiendront donc cette information, ils sauront qu'ils doivent présenter une demande d'avance, que le permis leur sera également délivré d'avance, si bien qu'ils pourront entrer au Canada sans avoir de formulaire à remplir. L'autre solution est d'arriver à la frontière, de faire une déclaration au douanier, ce qui permet alors d'obtenir un permis et un certificat d'enregistrement temporaires.

Je crois qu'il est possible de faire cela sans porter préjudice aux intérêts économiques dont je reconnais l'importance. Je me réjouis à l'idée de collaborer et, pour cela, avec la Yukon Outfitters Association, par exemple.

[Français]

Mme Venne: Combien cela va-t-il coûter, monsieur le ministre?

[Traduction]

M. Roch: Nous avons toute une gamme de coûts intérieurs. Je ne peux pas vous assurer qu'ils sont définitifs. Disons simplement que, d'une façon générale, des droits seront établis dans le cadre d'une réglementation qui sera approuvée par le Parlement. Rien ne se passera en secret ni sans la participation du Parlement.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Monsieur le ministre, bien souvent, lorsqu'on examine un document tel que le projet de loi C-68, il est bon d'utiliser un exemple pour voir l'effet que cette loi pourrait avoir sur tel ou tel AAAF.

L'an dernier, je vivais à Ottawa, et un des occupants de l'immeuble d'appartements où je rédisais est allé se promener sur la rue Elgin et a été abattu d'un coup de carabine. Cette personne s'appelait Nicholas Battersby. Un groupe d'adolescents avaient volé un fusil - d'après ce que je sais - chez son propriétaire, une personne fort respectueuse des lois; ils avaient ensuite acheté des munitions à Canadian Tire et avaient utilisé l'arme pour abattre un innocent qui se promenait dans la rue. Il est heureux pour moi, je suppose, que je ne me promène pas à pied, car j'aurais tout aussi bien pu être la victime.

Je me demande quel sera l'effet du projet de loi C-68 et si l'on peut espérer qu'à défaut d'empêcher cela, il permettra d'éviter que de telles situations se renouvellent. Quel sera l'effet du projet de loi C-68 dans une situation telle que l'affaire Battersby ou la question de AAAF se pose?

M. Roch: Je me souviens fort bien des tragiques événements auxquels vous faites allusion. Je crois que l'affaire est toujours devant les tribunaux et je ne pense donc pas qu'il soit convenable que j'en parle.

Mais essayons de trouver une réponse plus générale à votre question, monsieur Bodnar; par exemple, le vol d'armes à feu appartenant à des personnes respectueuses de la loi.

En moyenne, de 3 000 à 3 500 armes à feu sont volées chaque année au Canada. Par définition, comme elles ont été volées, elles sont toujours aux mains de criminels. On les retrouve sur le marché parallèle où elles sont vendues pour commettre des crimes et elles finissent par être utilisées contre la police ou, dans d'autres cas, contre des innocents.

.1205

Il y a lieu de croire que l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu renforcera le sens des responsabilités chez leurs propriétaires; il est donc plus probable qu'ils respecteront les exigences en ce qui concerne leur entreposage sécuritaire et que cela réduira le nombre des vols d'armes à feu.

En voici un exemple: à Houston, au Texas, on a adopté une ordonnance qui oblige les gens, sous peine de poursuite civile, d'entreposer leurs armes à feu de manière sécuritaire. Le numéro de mars et avril 1994 de l'Academic Emergency Medicine, une revue médicale contenait une étude effectuée par des médecins qui avaient examiné le nombre des blessures et des morts d'enfants liées à l'utilisation d'armes à feu avant et après l'adoption de cette ordonnance.

Autrement dit, les gens se sentaient responsables. Ils ont donc commencé à mettre leurs armes à feu en sécurité et le nombre des blessures et des morts a diminué de moitié. Des membres de la police m'ont également dit que l'enregistrement encouragera l'observation des mesures d'entreposage sécuritaire.

Si quelqu'un pénètre dans une habitation par effraction - monsieur Bodnar, vous le savez mieux que moi, vous qui avez une longe expérience des affaires criminelles - si l'occasion veut qu'un criminel voie un fusil de chasse appuyé contre un placard ou trouve une arme de poing dans le tiroir de la table de chevet, il le prendra parce qu'il peut en retirer de l'argent ou l'utiliser à des fins criminelles. Si ces armes sont placées en sécurité comme l'exige la loi, il en ira tout autrement.

Monsieur le président, le coroner David a noté qu'il y avait un manque d'éducation du public dans ce domaine, ce à quoi nous allons nous efforcer de remédier dans le cadre de ces initiatives.

J'ajouterai qu'en vertu du projet de loi C-68 il sera impossible à toute personne de moins de 18 ans d'acheter des munitions. Le projet de loi C-68 propose que les munitions et leur contrôle soient désormais couverts par le Code criminel et non pas la Loi sur les explosifs, qu'un âge limite de 18 ans soit imposé, et qu'on soit obligé de présenter les documents d'identification personnelle appropriés lorsque le système sera mis en place, une attestation d'enregistrement ou un permis d'armes à feu pour pouvoir acheter des munitions.

Si cela avait été le cas, les choses auraient pu être tout autres.

M. Thompson (Wild Rose): Je voudrais préciser, puisqu'on a déjà dit que j'étais de Kelowna, que je tiens à faire la même déclaration ici que je l'ai fait à Kelowna. Comme je suis à Ottawa et que ma femme est seule chez nous, si un criminel rentrait dans ma maison, je préférerais de beaucoup que ce soit lui qui soit blessé plutôt que ma femme, et je n'ai aucune intention de m'excuser d'une telle pensée. En règle générale, nous avons le devoir et l'obligation de protéger ceux que nous aimons, et d'en faire autant dans nos lois et dans notre gouvernement. Malheureusement, ce n'est pas le résultat que donnera ce projet de loi, comme l'ont vigoureusement fait remarquer bon nombre de personnes.

Vos sondages ne correspondent pas du tout aux miens à Wild Rose. Quatre-vingt-deux pour cent de la population est opposée à ce projet de loi. J'ai fait distribuer ce document dans le public et je lui ai laissé le soin d'en tirer des conclusions; tout cela m'a coûté fort cher et a sérieusement entamé mon budget, mais je veux que tout le monde le lise.

Je voudrais revenir à une de vos remarques, lorsque vous avez dit qu'il ne fallait pas avoir peur de ce projet de loi. Dans ma circonscription, un certain nombre de personnes ont attentivement étudié ce document et vous ont écrit, je le sais, car j'ai des copies de ces lettres - si vous ne les avez pas reçues, je me ferai un plaisir de vous les remettre personnellement - et qui ont très peur de ce projet de loi. Ce sont des personnes qui ont vécu le même genre de situation dans d'autres régions du monde et qui s'inquiètent fort des menaces que cela représente pour leur liberté et des graves conséquences que cela entraînera. Ils ont déjà vécu cette situation.

Certains d'entre eux déclarent que le projet de loi C-68 leur fait très peur car il y a 30, 40 ou 50 ans, ils ont lu des documents analogues. Ce sont de grosses communautés qui ont immigré dans notre pays, qui se sont installées sur cette terre et qui y vivent très heureuses, mais qui soudainement prennent peur.

.1210

J'aimerais savoir ce que vous avez à répondre à ces personnes. Je crois qu'elles ont besoin de savoir.

M. Rock: Avec plaisir. Je dirais tout d'abord que j'ai rencontré des Canadiens qui ont eu ce genre d'expérience, qui viennent de pays dans lesquels la saisie ou la confiscation des armes à feu était soit le prélude, soit la manifestation de la prise du pouvoir par un dictateur.

Je réponds que c'est une situation tout à fait différente. On ne peut pas, on ne doit pas l'assimiler à ce qui se passe au Canada, où le gouvernement d'un pays libre et démocratique se dote tout simplement de moyens raisonnables de contrôle sur une chose qui peut être extrêmement dangereuse si elle est mal utilisée et mal entreposée. Je comprends les mauvais souvenirs que l'on a pu garder d'une autre époque et d'un autre lieu, mais j'affirme que ces mauvais souvenirs n'ont rien à voir avec la situation actuelle.

Nous n'avons pas affaire ici à un régime totalitaire qui s'empare du pouvoir de façon non démocratique par toute une série de procédés. À Calgary, les habitants sont tenus d'enregistrer les chats. Nous sommes ici dans une société où l'enregistrement des biens ainsi que la réglementation des entreprises sont la règle et non pas l'exception.

M. Thompson: Pourquoi par décret?

M. Rock: Le projet de loi C-68 tel que vous l'avez devant vous introduit un régime qui applique tout simplement aux armes à feu un mécanisme d'enregistrement que l'on retrouve pour toutes sortes d'autres biens. Le premier ministre l'a signalé, les véhicules automobiles en sont un excellent exemple.

J'irais encore plus loin, si vous me le permettez, en disant que sur le plan de la protection personnelle, nous avons tous les mêmes réflexes que M. Thompson a évoqués, soit de protéger notre famille, nos enfants. Nous avons tous cet instinct, qui est bien naturel. Toutefois, monsieur le président, le principe qui consiste à acquérir des armes à feu pour se protéger ne peut finalement que porter préjudice à nos enfants et à nos familles.

Une voix: Nous n'aurions pas à le faire si...

Le président: Veuillez ne pas interrompre le témoin lorsque des questions sont posées. Je ne veux pas que le témoin interrompe celui qui pose des question et la réciproque est vraie aussi.

Veuillez terminer votre réponse, monsieur Rock.

M. Rock: Je terminerai en disant simplement ceci. Les études faites aux États-Unis démontrent que lorsqu'il y a une arme à feu dans une maison pour en assurer la protection, les risques sont largement multipliés dans cette maison, qui court bien plus de danger que d'autres où il n'y en a pas, que cette arme soit utilisée contre quelqu'un de la maison, soit accidentellement, soit au cours d'une dispute. Le chiffre de 43 me vient à l'esprit, il me faudra revoir l'étude avant de l'affirmer. Il y a 43 fois plus de risque qu'il y ait une victime dans une maison qui abrite une arme à feu à des fins de protection que dans une maison qui n'en a pas. Je vous confirmerai ce chiffre.

La semaine dernière, je me rendais en voiture à une réunion qui avait lieu à Waterloo. J'étais invité là-bas par le Conseil de prévention du crime. La CBC a passé une nouvelle au sujet d'une mère qui, aux États-Unis, avait laissé à son aîné de 14 ans le soin de s'occuper de ses frères et soeurs et lui avait donné une arme à feu afin de protéger tout le monde. Accidentellement, l'un des enfants, âgé de 7 ans, a été tué.

C'est avec tristesse que l'on a entendu l'année dernière raconter l'histoire de cet homme qui a sorti son revolver de .357 pour se protéger lorsqu'il a cru entendre un bruit dans la placard. Sa fille en est sortie et il l'a tuée par accident.

Nous ne voulons pas de ce genre de chose dans notre pays. Nous ne voulons pas d'armes à feu utilisées à titre de protection. Ce n'est pas ce genre de pays qui est le nôtre. Nous ne voulons pas suivre d'autres pays dans cette voie, notamment les États-Unis.

Évidemment, je reconnais bien volontiers que dans cette optique nous sommes tenus d'avoir un système de justice pénale qui nous protège sans que vous ayons à nous armer et je reconnais que c'est une responsabilité qui m'incombe ainsi qu'à l'ensemble du gouvernement. Toutefois, on n'a certainement pas besoin au Canada d'armes à feu utilisées à titre de protection.

M. Nault (Kenora - Rainy River): J'ai deux questions à poser au ministre dans le peu de temps qui nous reste. L'une a trait au rapport du Vérificateur général et au fait qu'on y allègue que le ministère de la Justice n'a pas encore procédé pour l'instant à une évaluation rigoureuse du programme de contrôle des armes à feu qui est en place à l'heure actuelle.

Je vais citer rapidement au Comité la réponse qu'a apportée le ministère lorsque le vérificateur général lui a posé des questions à ce propos. Cette réponse a été la suivante: «Le projet de contrôle actuel des armes à feu n'a fait qu'un usage restreint de l'évaluation de 1983. On s'est davantage fié aux statistiques disponibles depuis les années soixante-dix en matière d'homicides, de suicides, de décès accidentels et de vols à main armée. Quoi qu'il en soit, le projet de loi de réglementation a été dicté par d'évidentes considérations liées à l'intérêt public au sujet desquelles il fallait agir en dépit de l'absence de données précises».

.1215

Ma question, monsieur le Ministre, est tout simplement la suivante. Ne pensez-vous pas qu'il serait sage d'introduire dans la loi, au point où nous en sommes, un certain mécanisme permettant de savoir si en réalité les critères que vous vous faites fixés pour cette législation en particulier, ceux qui s'appliquent aux propriétaires légitimes d'armes à feu, sont bien efficaces, utiles et susceptibles d'être appliqués à un coût abordable? Il est évident que l'efficacité et l'utilité de l'opération ne peuvent être prouvées tant que nous n'aurons pas fait notre propre évaluation, ainsi que l'a indiqué le Vérificateur général.

M. Rock: Je suis d'accord. C'est pourquoi nous avons prévu un budget de 1,6 million de dollars au cours des cinq prochaines années pour faire des recherches et procéder à des évaluations sur ce point en particulier.

Je vous ferai remarquer aussi que nous avons effectivement procédé à une analyse du système jusqu'alors en vigueur. Ainsi, on a mentionné l'étude faite au sujet de l'article 85 qui retrace le nombre d'accusations pénales portées en vertu de cet article en ce qui a trait à l'utilisation d'armes à feu pour commettre des crimes. Par ailleurs, une étude exhaustive a été faite l'année dernière par Terence Wade pour le compte du ministère de la Justice en ce qui a trait aux enregistrements des armes à feu, au système des AAAF, en identifiant toute une série de lacunes dont nous avons tiré des leçons. Enfin, nous avons bien entendu poursuivi nos recherches au sein du ministère au sujet de l'incidence des crimes commis avec des armes à feu et des sanctions correspondantes.

M. Nault fait une remarque importante, soit qu'il nous faut continuellement évaluer les conséquences de ces lois. C'est exactement ce que nous avons l'intention de faire grâce aux crédits qui ont été prévus à cette fin dans notre budget: contrôler la situation sur le plan de l'enregistrement et de l'octroi des permis, déterminer quelles sont les améliorations possibles et fournir cette information au Parlement et au public à mesure qu'elle sera recueillie. J'en prends donc note.

M. Nault: J'ai une dernière question à poser au ministre. Elle a trait à la décriminalisation de l'enregistrement.

Je sais que l'on a beaucoup débattu de cette question. Disons que j'ai tendance à comparer l'enregistrement des armes à feu à la situation dans laquelle nous nous trouvons face aux limites de vitesse sur les grandes routes. En fait, ces limitations sont là pour des raisons de sécurité, et je pense que nous sommes tous d'accord ici pour dire que le contrôle des armes à feu, lorsqu'il s'adresse aux propriétaires d'armes à feu légitimes, est là pour des raisons de sécurité davantage que pour arrêter les criminels. Je dois vous avouer bien franchement qu'il ne serait pas très logique de vouloir soutenir que l'enregistrement des armes à feu doit nous permettre d'arrêter toute une série de criminels, parce que nous n'avons pas les statistiques pour le prouver. Nous pouvons par contre soutenir avec assez de raisons - et certains députés l'ont déjà fait dans cette salle ce matin - que les renseignements donnés par l'enregistrement peuvent nous permettre de lutter contre la violence domestique et autres choses de ce genre.

J'aimerais savoir pour quelle raison, s'il s'agit d'une mesure de sécurité semblable à celle qui impose des limitations de vitesse et qui fait que lorsque les gens dépassent la vitesse permise nous leur donnons une contravention - nous ne criminalisons pas leur conduite et ils ne se retrouvent pas avec un casier judiciaire - pour quelle raison nous ne pourrions pas décriminaliser l'enregistrement des armes à feu puisqu'il s'agit en réalité d'une mesure de sécurité. L'information recueillie dans le cadre de ce système est en fait utile à la police pour rechercher les criminels. Mais, dans la pratique, nous n'avons pas besoin de criminaliser des gens qui sont de simples citoyens respectueux des lois, qui vaquent à leurs occupations quotidiennes et à qui, comme tout le monde, il arrive d'oublier.

M. Rock: Monsieur le président, je ne veux pas faire perdre son temps au Comité, en me répétant, mais laissez-moi lui dire que j'ai déjà indiqué, je pense très clairement, que j'avais besoin de son aide sur ce point précis. Je me fie à la sagesse du Comité et je voudrais qu'il me fasse part de son point de vue au sujet de la sanction à imposer aux contrevenants qui commettent une première infraction en oubliant d'enregistrer une arme d'épaule.

L'argument de M. Nault au sujet de la criminalisation de personnes innocentes a quelque poids, mais j'ai déjà signalé qu'il y a des gens, dont j'estime l'opinion, qui pensent différemment. L'Association canadienne des chefs de police estime qu'il ne faut rien changer et que l'infraction doit rester dans le Code criminel.

Voyez la proportion de gens qui nous disent aujourd'hui que le monde peut s'écrouler et qu'ils n'enregistreront pas leurs armes à feu, vous comprendrez qu'il nous faut aussi pouvoir faire face à ce genre de comportement.

Nous ne voulons pas d'un système d'enregistrement facultatif. Il ne sert à rien de passer par toutes les affres de l'enregistrement et d'en subir tous les frais si l'on n'en retire pas les renseignements qui doivent nous permettre d'épargner des vies, et nous n'obtiendrons pas ces renseignement si nous n'obligeons pas à faire respecter la loi.

Je demande au Comité de m'aider sur ce point. Si vous le voulez, je pourrais revenir à un autre moment et discuter avec vous des modèles que vous proposez éventuellement. Je sais qu'il y a bien des gens autour de cette table qui ont des questions à poser auxquelles il nous a peut-être été difficile de répondre aujourd'hui parce que c'est un sujet très controversé. Si vous voulez, monsieur le président, que je revienne à un autre moment pour en parler, je le ferai avec plaisir.

Sur cette question en particulier, la sanction pénale en cas de non-enregistrement, j'aimerais que le Comité me fasse des propositions dans le cadre que j'ai fixé, en tenant compte de notre principal objectif, qui est de faire respecter la loi et de garantir la sécurité du public.

.1220

Le président: Sur ce, nous allons lever la séance.

Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos fonctionnaires. Nous allons certainement vous demander...

M. Ramsay: J'invoque le Règlement, j'aimerais déposer une motion pour que notre greffier invite notre ministre et ses fonctionnaires à revenir avant le 19 mai, date à laquelle nous sommes censés mettre fin à nos délibérations. Je suis sûr qu'il y a d'autres députés autour de cette table, outre moi-même, qui aimeraient étudier d'autres aspects de ce projet de loi en compagnie du ministre et de ses fonctionnaires.

Monsieur le président, je dépose cette motion.

Le président: Conformément à notre règlement, votre motion est considérée comme ayant été déposée et nous pourrons l'examiner dans les 48 heures.

Laissez-moi vous dire qu'il est de tradition que le ministre revienne devant le Comité avant que nous procédions à l'étude article par article, ceci afin de répondre à toutes les questions ayant pu se poser lors des audiences. Toutefois, nous pouvons aussi organiser d'autres séances de rencontres. Nous examinerons votre motion dans 48 heures.

M. Ramsay: Je vous remercie.

Le président: La séance est levée jusqu'à 15h30.

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