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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 25 avril 1995

.1530

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous allons poursuivre l'examen du projet de loi C-68, loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

Nous recevons cet après-midi des hauts représentants de la Gendarmerie royale du Canada, laquelle joue un rôle très important à l'égard de ce projet de loi. Elle sera non seulement responsable du système d'enregistrement, mais elle possède également l'un des meilleurs laboratoires judiciaires du Canada, en vue de la détection des crimes. Elle est responsable de l'application de la loi dans huit des dix provinces et dans les deux territoires. Nous aurons sans doute beaucoup de questions à poser, et nous allons donc commencer sans tarder.

Monsieur le sous-commissaire, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire. Nous serons heureux de l'entendre, et nous passerons ensuite à la période des questions habituelle. Vous voudrez peut-être également présenter les personnes qui vous accompagnent.

Le sous-commissaire R.A. Bergman (Service national de police, Gendarmerie royale du Canada): Je vous remercie, monsieur le président.

Je suis accompagné aujourd'hui du commissaire adjoint John L'Abbé, directeur des services d'information et d'identification; de l'inspecteur Mike Buisson, responsable des registres spéciaux et de l'enregistrement et de l'administration des armes à feu; du surintendant George Kaine, directeur suppléant des services fédéraux, pour le volet opérationnel; enfin, de M. Murray Smith, agent scientifique en chef pour les armes à feu dans les laboratoires de la GRC.

[Français]

Ça me fait plaisir de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-68 et des rôles et responsabilités de la GRC.

[Traduction]

Comme vous le savez, le projet de loi C-68 dénote une attitude plus ferme à l'égard des infractions en matière d'armes à feu. Il apporte également un certain nombre de changements administratifs, en particulier concernant la délivrance des permis et l'enregistrement des armes à feu. Je peux vous affirmer que la GRC appuie à fond cette initiative du gouvernement fédéral, étant donné qu'elle est conforme à notre priorité stratégique, qui consiste à assurer la sécurité des foyers et des collectivités.

Nous croyons que le projet de loi favorisera une plus grande responsabilité concernant la détention et l'utilisation d'armes à feu au Canada. En plus des responsabilités accrues en matière de répression des infractions concernant la possession et la contrebande d'armes à feu, responsabilités que partageront tous les services de police au Canada, la GRC devra également tenir quotidiennement le registre canadien des armes à feu.

[Français]

Je pense que les permis connexes prendront plusieurs années, mais nous croyons que le système permettra, en bout de ligne, aux organismes de police, d'identifier et de retracer avec plus de précision les armes volées, perdues, introduites en fraude ou utilisées au cours d'actes criminels.

[Traduction]

En outre, et pour la première fois, les policiers à l'échelle du pays auront accès en direct et en temps opportun aux renseignements sur les propriétaires d'armes à feu, avant leur arrivée sur les lieux d'une infraction ou d'une plainte. Ce genre de renseignements est essentiel à la sécurité des policiers, en particulier dans les cas de querelles de ménage où le risque d'utilisation d'une arme à feu est plus élevé.

J'aimerais souligner qu'au moment où les ressources policières sont très limitées et soumises aux mêmes restrictions financières que toutes les organisations publiques, les policiers peuvent difficilement faire leur travail en supposant qu'ils seront accueillis par une arme à feu chaque fois qu'ils interviendront à la suite d'une plainte de violence familiale. La sécurité des policiers dépend donc de la disponibilité de renseignements exacts, afin de pouvoir adapter leur intervention s'ils risquent d'être confrontés à des armes à feu.

J'aimerais maintenant parler des répercussions du projet de loi C-68 sur l'enregistrement des armes à feu.

La GRC est chargée de l'enregistrement des armes à feu à autorisation restreinte depuis 1934. Le gouvernement fédéral finance ce service, pour lequel le requérant ne paie rien.

.1535

En conformité avec les exigences de l'actuel Code criminel, nous devons traiter plus de 30 formulaires relatifs à la manipulation des armes à feu. Pour simplifier ce processus, la GRC et ses partenaires fédéraux, provinciaux et municipaux ont entrepris une réforme du système d'enregistrement des armes à autorisation restreinte, au moyen de nouvelles technologies. Cette réforme prévoit l'élaboration d'un nouveau système automatisé d'entrée en direct pour l'enregistrement des armes à autorisation restreinte.

La GRC, de concert avec le ministère de la Justice, entreprendra au cours des prochains mois l'installation de systèmes pilotes d'entrée en direct au détachement de Lower Sackville, en Nouvelle-Écosse, et au service de police de Calgary. Un prototype est actuellement à l'essai à la direction générale des services policiers d'Ottawa-Carleton.

Le système d'entrée en direct devrait permettre d'offir aux utilisateurs des services plus rentables, précis et opportuns. On compte à l'heure actuelle parmi nos utilisateurs, des propriétaires d'armes à feu, des services de police, des contrôleurs provinciaux des armes à feu ainsi que des entreprises dans le domaine des armes. Une fois le projet pilote terminé, nous comptons proposer le système d'entrée en direct à tous les contrôleurs, partout au pays.

Nous reconnaissons que la mise en oeuvre d'un système d'enregistrement de toutes les armes à feu au Canada causera des difficultés à la communauté policière pendant les premières années. C'est pourquoi nous collaborons étroitement avec le ministère de la Justice, par l'intermédiaire du groupe de travail sur le contrôle des armes à feu, afin de concevoir un système informatisé qui réduira les exigences quotidiennes en matière de ressources humaines, mais qui prévoira toujours la vérification des fichiers judiciaires et des antécédents des requérants.

À cette fin, on a proposé un système de délivrance par la poste de permis et d'enregistrement des armes à autorisation non-restreinte. Ce système s'adresserait aux citoyens qui détiennent actuellement des carabines et des fusils de chasse, qui veulent faire enregistrer leurs armes et qui n'ont pas l'intention d'acquérir d'autres armes à feu dans un proche avenir. Les citoyens désireux d'obtenir un permis autorisant l'acquisition d'armes, devront adresser leurs demandes à un préposé aux armes à feu, comme c'est le cas actuellement pour les autorisations d'acquisition d'arme à feu.

Dans le but de fournir un maximum de renseignements aux propriétaires d'armes à feu et de simplifier le système, le groupe de travail sur le contrôle des armes à feu envisage d'offrir une ligne téléphonique 1-800 d'aide et de conseils, des trousses d'information détaillées ains que les services d'un bureau provisoire. Je tiens à assurer les membres du Comité que la GRC continuera de travailler étroitement avec le ministère de la Justice et avec tous les autres organismes concernés en vue d'élaborer un système d'enregistrement d'armes à feu qui soit rentable et efficient et qui serve bien le public canadien.

Moi-même ou mes collègues nous ferons un plaisir de répondre aux questions que voudront poser les membres du Comité. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant entamer la période de questions.

Lorsque nous avons, par l'intermédiaire du greffier, invité la GRC à venir comparaître relativement au projet de loi, nous espérions pouvoir poser des questions portant non seulement sur le nouveau système d'enregistrement mais également sur l'actuel système ainsi que sur l'utilisation de renseignements sur les armes à feu dans le travail de détection et de laboratoire judiciaire que vous faites dans le but de trouver les auteurs de crimes, et sur les difficultés, s'il y en a, à faire appliquer l'enregistrement des armes à feu. Je suppose que cela ne vous ennuiera pas, que vous êtes venus accompagnés de personnes...

S.-comm. Bergman: Bien sûr, monsieur le président.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Venne, vous avez 10 minutes.

Mme Venne (Saint-Hubert): Monsieur le président, je vais partager mon temps avec mes deux collègues à ma gauche. Bonjour messieurs.

J'aurais une question sur le certificat d'acquisition d'armes à feu actuel, que je suis censée posséder, même pour emprunter une arme à feu. Je vous donne un exemple. Dites-moi si je me trompe.

Je vais à la chasse à l'orignal avec mon époux. C'est moi qui ai l'arme à feu. Nous sommes tous les deux dans une cache. Je décide de quitter la cache et je lui laisse mon arme au cas où passerait un orignal pendant que je retourne au camp. Or, mon époux n'a pas de certificat d'acquisition d'armes à feu et je viens de lui prêter mon arme. Voilà donc une chose que je ne suis pas censée faire, n'est-ce pas?

.1540

[Traduction]

Le président: Au fait, puisqu'un grand nombre de personnes vous ont accompagné, monsieur le sous-commissaire, je vous demanderais de confier le soin de répondre à chacune des questions à la personne la mieux en mesure de le faire.

S.-comm. Bergman: Puisque c'est l'inspecteur Buisson qui est responsable du système d'enregistrement, je lui demanderai de répondre à la question qui vient d'être posée.

[Français]

L'inspecteur M. Buisson (officier responsable des registres spéciaux): Cela tombe sous la définition de «supervision immédiate». Pour autant qu'une personne soit sous supervision immédiate, on peut lui prêter l'arme à feu.

Mme Venne: Vous mettez ça sous «supervision immédiate», le fait que je lui laisser mon arme à feu et que je retourne au camp qui est situé à un kilomètre de là?

Insp. Buisson: Non, on parle de supervision immédiate, madame.

Mme Venne: Il faut qu'il soit à côté.

Insp. Buisson: Oui.

Mme Venne: Je viens de dire que je lui laisse mon arme à feu, que je ne suis pas là, que je retourne au camp. Donc, je n'ai pas le droit de faire cela s'il n'a pas de certificat d'acquisition d'armes à feu en sa possession. Est-ce exact?

Insp. Buisson: C'est exact.

Mme Venne: Tout cela pour vous dire que c'est très inefficace, ce système-là. Quand on va à la chasse, il est bien évident que si son mari vient avec soi, il n'a pas l'intention de participer, mais s'il survient une occasion comme celle-là, je ne commence pas à lui demander de produire son certificat d'autorisation!

Je vous ai donné cet exemple-là, mais il me vient en fait du ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest. Il me disait que c'était très fréquent chez les Indiens d'agir de cette façon-là. Ils laissaient la femme avec l'arme à feu au cas où un ours passerait, etc. Ce sont des choses dont nous n'avons pas l'habitude, mais cela se passe fréquemment dans ce coin-là.

Tout cela pour dire qu'actuellement, ce système-là n'est pas efficace. Il est impensable que tout le monde ait ce fameux certificat d'acquisition d'armes à feu en sa possession juste au cas où quelqu'un on lui prêterait une arme à feu.

Croyez-vous que le nouveau système exigeant l'enregistrement des personnes et des armes à feu va être plus efficace ou plus pratique?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Madame Venne, le nouveau système va bien sûr exiger l'obtention d'un permis. Bien sûr, l'une des conditions pour obtenir un permis sera de suivre un cours de formation de maniement d'arme, et je pense que c'est là quelque chose de très positif... Cela existe d'ailleurs déjà dans le cadre du système d'autorisation d'acquisitions d'armes à feu (CAAF). Toute personne utilisant une arme devra détenir un permis. J'imagine que les dispositions relativement à l'obtention d'un certificat d'acquisition d'arme à feu, telles qu'elles existent à l'heure actuelle relativement aux critères de «supervision immédiate», s'appliqueraient. Mais il est certain que vous ne pourriez pas remettre une arme à une personne ne possédant pas de permis sans demeurer présent pour la surveiller.

[Français]

Mme Venne: Mais présentement, cela n'est pas mis en pratique de toute façon. Quand je prête mon arme à quelqu'un et qu'il n'a pas son certificat d'acquisition d'armes à feu, il ne l'aura pas plus après. C'est ce que je veux dire. Or, vous dites que cela va être aussi efficace que le système actuel. Et moi je dis que le système actuel ne l'est pas tellement.

Vous me parlez aussi des cours de maniement d'armes. J'ai cru comprendre dans le projet de loi - je ne me souviens pas de l'article - que les personnes qui ont déjà suivi des cours ne seront pas obligées d'en suivre de nouveau. Je pense au Québec évidemment, parce que chez nous, tous ceux qui ont leur certificat de chasseur ont déjà suivi un cours. J'ai suivi mon cours et tous ceux qui ont leur certificat ont suivi ce cours. Voulez-vous dire qu'on va être obligés d'en suivre un autre ou si le cours déjà suivi est suffisant pour obtenir un nouveau permis?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Dans le cas du Québec et, je pense, du Manitoba, il me semble que l'actuel cours satisfera aux exigences du niveau système. J'ignore encore si les cours offerts dans les autres provinces répondent aux exigences. Cependant, je suis certain que cette décision a été annoncée en ce qui concerne le Québec et le Manitoba.

[Français]

Mme Venne: C'est la province qui l'administre. C'est donc la province qui va décider si ses cours sont applicables, s'ils sont bons, ou si les gens ont besoin d'en suivre d'autres ou pas. C'est la province qui va décider. C'est ce que vous voulez dire?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Ça sera réglé entre la province et le ministère de la Justice.

[Français]

Mme Venne: La province ne décidera pas seule si ses cours sont valables ou pas?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Le financement des cours provient du gouvernement fédéral, du ministère de la Justice, et c'est pourquoi je pense que les pouvoirs fédéraux continueront d'avoir leur mot à dire sur ce genre de décision.

[Français]

Mme Venne: Ce n'est pas très clair, mais enfin!

.1545

Je demanderai peut-être des clarifications au ministère de la Justice du Québec, parce que, selon moi, c'est le ministère de la Justice du Québec qui va décider si oui ou non les cours sont valables.

Enfin, j'aurai des éclaircissements ailleurs. Merci.

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Si vous voulez, nous donnerons suite de notre côté et nous pourrions vous obtenir des renseignements plus précis.

[Français]

Insp. Buisson: On vient de m'aviser que tous les cours qui ont été donnés et approuvés par les procureurs généraux des provinces respectives entre 1993 et 1995 seront approuvés en vertu du nouveau système. Par contre, tous les cours donnés après l'annonce du 14 février 1995 seront requis selon le nouveau système. Donc, les cours antérieurs, en 1993 et 1995, qui étaient approuvés par les provinces seront reconnus en vertu du nouveau système.

Mme Venne: Les cours antérieurs à 1993 et 1995 seront-ils reconnus?

Insp. Buisson: Ceux entre 1993 et 1995.

Mme Venne: Entre 1993 et 1995. Depuis 1993, les cours sont reconnus. Si c'est avant 1993, est-ce qu'il faut suivre un cours à nouveau?

Insp. Buisson: Je ne suis pas certain de la réponse là-dessus. Il faut que je vérifie.

Mme Venne: Non.

Insp. Buisson: Ce n'est pas tout à fait dans notre...

Mme Venne: D'accord. C'est pour cela que je disais que c'est la province qui décide.

Insp. Buisson: C'est de ressort provincial, oui.

Mme Venne: Bon. Voilà. Merci.

Insp. Buisson: C'est de ressort provincial, pour le moment.

M. Langlois (Bellechasse): Merci, monsieur le président.

Le président: Il reste encore trois minutes.

M. Langlois: Merci. Je voulais vous demander si le projet de loi C-17 vous apparaît maintenant inefficace parce qu'il est incomplet ou inefficace parce qu'il n'est pas appliqué dans sa globalité au Canada?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Je peux peut-être répondre à votre question en disant que le système AAAF est entré en vigueur il y a plusieurs années.

C'était une amélioration, mais je pense que la plupart des policiers ont trouvé le système quelque peu inefficace en ce qui concerne les permis. Cela permettait aux gens d'acheter une arme, mais une fois l'arme achetée, le propriétaire de l'arme n'était pas vraiment tenu de porter sur lui le certificat. En fait, une personne pouvait très bien ne pas garder le certificat, et la tenue des dossiers était telle que les policiers avaient de la difficulté à les consulter. C'est pourquoi nous pensons que le système de délivrance de permis sera plus efficace.

[Français]

M. Langlois: Ça va.

Le président: Avez vous complété vos questions?

M. de Savoye (Portneuf): Combien de temps reste-t-il, monsieur le président?

Le président: Moins qu'une minute.

M. de Savoye: Alors, on reprendra au second tour.

[Traduction]

M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie de votre exposé. J'ai, par l'intermédiaire du solliciteur général, demandé des renseignements aux laboratoires judiciaires de la GRC. Étiez-vous au courant?

S.-comm. Bergman: Oui, monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Ces renseignements ont-ils été transmis par votre bureau au solliciteur général?

S.-comm. Bergman: Ils ont été tout récemment transmis au solliciteur général et, si j'ai bien compris, on allait vous les donner aujourd'hui.

Il y a eu problème avec, notamment, les renseignements de laboratoire. C'était en fait assez simple. Sur la base du système actuel, les renseignements sur le système d'enregistrement des armes à feu ont été difficiles à obtenir et à compiler. On y travaille donc toujours.

M. Ramsay: Quand avez-vous reçu cette demande de renseignements du solliciteur général?

S.-comm. Bergman: Je n'ai pas ici la date exacte. C'était sans doute il y a environ un mois.

M. Ramsay: Merci.

Serait-il possible de créer un système d'enregistrement qui permette d'identifier une arme sur les 6 à 20 millions de carabines et de fusils de chasse qui se trouveraient au Canada?

S.-comm. Bergman: Certainement. Ce serait théoriquement possible, si chaque arme portait suffisamment de renseignements d'identification.

M. Ramsay: Si j'ai bien compris, dans les renseignements que je devrais avoir aujourd'hui mais que je n'ai pas encore, dans votre collection standard... Pourriez-vous décrire au comité la collection standard de vos laboratoires judiciaires? Combien de laboratoires avez-vous? Combien de collections standards s'y trouve-il et quel serait le nombre total de carabines et de fusils de chasse que ces collections standards renfermeraient?

S.-comm. Bergman: Le Canada compte six laboratoires judiciaires. Chacun d'eux comporte une section d'analyse des armes à feu. Chaque section possède une collection standard d'armes, regroupant des carabines et des fusils de chasse, que l'on utilise pour faire des comparaisons avec les balles, les cartouches et les chargeurs qui sont impliqués dans des crimes.

.1550

M. Ramsay: Est-ce que chaque arme est unique?

S.-comm. Bergman: Si elles ont un numéro de série et sont pleinement identifiées, elles sont uniques. C'est le cas de la grande majorité. Cette collection comporte une vingtaine de milliers d'armes à feu. Du côté des carabines, de 10 à 15 p. 100 n'ont pas de numéro de série.

M. Ramsay: Peut-on enregistrer une arme à feu sans numéro de série?

S.-comm. Bergman: Oui, on peut. Il y a bien sûr la description de l'arme, avec le nom du fabricant et le modèle, l'adresse du propriétaire et les dimensions d'ensemble de l'arme. Ce sont tous des facteurs qui peuvent être utilisés pour faire enregistrer l'arme. Mais évidemment, le numéro de série complet permet d'identifier plus facilement l'arme.

M. Ramsay: Je parle des éléments d'identification dont vous avez besoin.

S.-comm. Bergman: Oui.

M. Ramsay: Quels sont-ils?

S.-comm. Bergman: Le numéro de série en est un, ainsi que le fabricant et le modèle, la longueur du canon, le calibre, la capacité - ce sont tous des éléments descriptifs de l'arme à feu.

M. Ramsay: Bien. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir un numéro de série sur une arme à feu pour la faire enregistrer dans un système capable de l'identifier positivement parmi 6 à 20 millions d'autres armes à feu du pays?

S.-comm. Bergman: Pour avoir une identification absolue, il vaut mieux avoir le numéro de série.

M. Ramsay: Est-ce possible de le faire? C'est la question que je vous pose.

S.-comm. Bergman: C'est une bonne question. Si vous avez le nom de la personne dans le dossier...

M. Ramsay: Non, je parle de l'identification de l'arme à feu elle-même et non de son propriétaire. Une fois le système en place, pourrez-vous identifier une arme à feu uniquement au moyen de ses caractéristiques, en tapant dans l'ordinateur les caractéristiques de cette arme?

S.-comm. Bergman: Je pense que sans le numéro de série, il ne sera pas possible de dire s'il n'y a pas un double quelque part dans le monde.

M. Ramsay: C'est à cela que je veux en venir. Donc, combien d'armes à feu y a-t-il dans votre collection standard qui sont dénuées de numéro de série?

S.-comm. Bergman: Je vais demander à M. Smith de répondre.

M. M. Smith (agent scientifique en chef, Armes à feu, Gendarmerie royale du Canada): Je suppose que vous voulez parler des armes à canon long.

M. Ramsay: Les fusils et les carabines.

M. Smith: Le nombre de fusils et de carabines qui ne portent pas de numéro de série d'origine du fabricant varie selon le laboratoire dont vous parlez. Il varie entre 10 et 20 p. 100.

M. Ramsay: Donc, de 10 à 20 p. 100 de votre collection normale n'ont pas de numéro de série.

M. Smith: C'est juste. Cependant, il faut préciser que les collections d'armes à feu de nos laboratoires judiciaires sont constituées pour des raisons différentes de celles qu'ont la plupart des collectionneurs. Habituellement, nous n'avons qu'un exemplaire de chaque arme à feu. Donc, nos collections ne sont pas représentatives de la popularité relative ou du nombre d'armes à feu d'un type donné aux mains du public.

Si dans nos collections nous avons de 10 à 20 p. 100 d'armes à canon long sans numéro de série, on ne peut pas en déduire nécessairement le nombre de fusils et de carabines sans numéro aux mains de particuliers au Canada. Ce chiffre est inconnu.

M. Ramsay: D'après vos connaissances et votre expérience, pouvez-vous donner une estimation au Comité du nombre de fusils et de carabines qui n'ont pas de numéro de série, au Canada?

M. Smith: Je ne peux estimer ce chiffre.

M. Ramsay: Sauf que 15 à 20 p. 100 des armes de votre collection standard ne portent pas de numéro de série.

M. Smith: C'est juste.

M. Ramsay: Vous savez que les carabines .22 de Cooey n'ont jamais été fabriquées avec un numéro de série?

M. Smith: Certaines portent un numéro de série, d'autres non. Tout dépend de la date de fabrication.

M. Ramsay: Avant 1968, avaient-elles des numéros de série?

M. Smith: Habituellement non.

M. Ramsay: Je crois savoir également que dans la collection standard, un certain pourcentage n'est pas identifiable.

M. Smith: Oui, un très petit pourcentage, mais il y en a quand même.

M. Ramsay: Est-ce que ce système d'enregistrement est censé être un système d'identification qui vous permette d'identifier une arme particulière, la distinguer de toutes les autres du Canada? Le système a-t-il été conçu à cet effet?

M. Smith: Pour autant que je sache, l'un des buts du système d'enregistrement des armes à feu est de faire précisément cela, c'est-à-dire identifier précisément les armes à feu comprises dans la base de données. Cependant, seul le temps nous dira si c'est possible en pratique.

.1555

M. Ramsay: Ne pouvez-vous dire au comité si vous serez en mesure d'établir ou non... Il me semble que si vous avez des armes à feu sans numéro de série... Je crois savoir également qu'il y a des armes de poing et des fusils ou carabines qui portent le même numéro de série. Est-ce vrai?

M. Smith: Je suppose que vous parlez de la répétition d'un même numéro de série sur des armes de fabricants et de modèles différents.

M. Ramsay: Oui, avec le même numéro de série.

M. Smith: Oui, il est possible que, par exemple, un fusil Remington porte le même numéro de série qu'un fusil Winchester, mais lorsque l'on tient compte de toutes les caractéristiques de l'arme, le fait qu'un fusil Winchester porte un certain numéro et un fusil Remington porte le même permet quand même de distinguer les deux armes. Le fabricant, le modèle et toutes ces autres caractéristiques forment une combinaison unique. Mais il reste néanmoins un petit pourcentage d'armes à feu dont on ne peut établir ni le fabricant ni le modèle.

M. Ramsay: Si je vous ai bien compris, vous dites que le système ne pourra pas identifier de façon catégorique une arme à feu donnée parmi l'ensemble des armes à feu du Canada.

M. Smith: Encore une fois, cela dépend de l'arme.

M. Ramsay: Ce n'est pas comme le système d'identification des empreintes digitales, n'est-ce pas? Il ne sera pas aussi précis.

M. Smith: Les armes à feu ne sont pas comme des empreintes digitales, non; c'est une sorte différente de...

M. Ramsay: Ce ne sera donc pas aussi précis?

M. Smith: La très vaste majorité des armes à feu ont une combinaison unique constituée par le nom du fabricant, le modèle, le numéro de série et d'autres caractéristiques spécifiées à l'enregistrement. Mais il restera une certaine quantité - dont le nombre exact est inconnu mais sans doute inférieur à 1 p. 100 - où nous ne posséderons ni le nom du fabricant ni le modèle ni le numéro de série. On pourra n'avoir que deux des trois caractéristiques, ou une des trois. Dans de tels cas, il est possible qu'il y ait une double entrée dans le registre.

M. Ramsay: Monsieur le président, je suis désolé d'interrompre, mais nous disposons ici d'un temps limité et j'ai déjà demandé ces renseignements avant les audiences du comité, sans pouvoir les obtenir. Ces renseignements m'auraient permis de formuler mes questions, et je dois maintenant les demander avant de pouvoir formuler mes questions. Je fais objection à cela; je pense que ce n'est pas juste. Par conséquent, à la fin de cette réunion, je vais déposer une motion demandant que ces témoins reviennent après que j'aurai obtenu ces renseignements, afin que je puisse leur poser des questions allant droit au but.

Monsieur le président, je ne peux formuler mes questions sans posséder ces renseignements, c'est pourquoi j'ai adressé cette lettre au solliciteur général il y a plus d'un mois. Si l'on veut se montrer équitable envers les membres, nous ne savions pas que le débat allait être interrompu et que nous allions procéder à l'étude en comité aussi rapidement que nous l'avons fait. J'ai appelé le bureau du solliciteur général aujourd'hui. Il a reçu les informations et il me les transmettra d'ici jeudi... Il y a eu une erreur de transmission de la correspondance, etc.

Excusez-moi si j'ai paru interrompre les réponses. Me reste-t-il du temps?

Le président: Non, il ne vous reste plus de temps. Je précise que tout membre a le droit de proposer à tout moment de reconvoquer les témoins, y compris le ministre. C'est laissé à l'initiative de chaque membre. Cependant, il me semblait que vos questions étaient la suite logique de certains des renseignements que nous avons obtenus hier de la National Firearms Association, ou du moins de ses allégations.

J'espère que nous allons suivre cela plus avant car la National Firearms Association a déclaré hier que dans bon nombre d'armes, les fabricants reprennent la même série de numéros sur un même modèle après un certain temps. Je ne sais pas si c'est vrai ou non.

Elle a dit également que l'emploi de plastique, aujourd'hui, pour certaines pièces d'armes à feu fait qu'il est difficile d'y appliquer des numéros de série, ou du moins qu'ils soient durablement lisibles. Le témoin de l'association a indiqué également qu'il possédait lui-même des armes dont il ne peut déterminer le fabricant ou le modèle parce qu'elles viennent d'Europe, etc. etc.

Nous sommes donc nombreux à nous demander dans quelle mesure tout cela est vrai. Est-ce seulement un pour cent? Est-ce un pourcentage plus important? Est-il envisageable d'imposer l'inscription d'un numéro de série sur les armes qui en sont dépourvues.

.1600

Ce sont toutes des questions auxquelles nous aimerions connaître les réponses afin de déterminer si l'on peut avoir un système d'enregistrement efficace. Évidemment, vous administrez, comme vous dites, le système d'enregistrement des armes de poing depuis 1934, et vous avez donc quelqu'expérience. Nous aimerions savoir si ces allégations sont vraies à leur égard également.

Je présume que les membres du Comité poseront des questions à ce sujet. Le premier intervenant du Parti libéral sera Mme Cohen, pour dix minutes.

Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Je vous remercie d'être venu. Ma première question sera de nature un peu personnelle, et j'espère qu'elle contient un message et apportera une réponse qui pourra satisfaire les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi, des gens comme moi qui possèdent des armes.

Je suis propriétaire d'un fusil et d'une carabine, qui sont entreposés en conformité avec toutes les règles de sécurité actuelles mais ne sont pas enregistrées, car je les possède depuis l'âge de 18 ans, c'est-à-dire depuis avant la dernière modification.

Je regardais la version anglaise, à la page 6, de votre mémoire. Pouvez-vous me renseigner? Vous y parlez de ce que vous envisagez. Que devrait faire Shaughnessy Cohen pour enregistrer sa carabine et son fusil et respecter la loi lorsque ce nouveau système que vous envisagez sera en place, en supposant pour le moment que je ne veuille pas acquérir de nouvelles armes?

S.-comm. Bergman: Dans votre cas particulier, vous vous rendriez simplement à votre bureau de poste local ou à un bureau du gouvernement pour retirer le formulaire de demande, et vous y inscririez votre nom et votre adresse et quelques autres renseignements. Ces renseignements comprendraient le type d'arme que vous possédez, mais non, à ce stade, le numéro de série.

Ce formulaire serait acheminé à un burean central où il serait traité par une équipe dont certains membres auront une bonne connaissance des armes à feu. Ils vérifieraient vos antécédents, ainsi que les renseignements figurant sur la demande. Ils feraient peut-être aussi une vérification auprès du CIPC et si tout semble collé - s'il n'y a pas de contradiction dans les renseignements - vous recevriez par courrier un permis pour ce type d'arme à feu. Plus tard, dans deux ans, je crois, suivra le processus d'enregistrement lui-même, avec numéro de série et description des armes.

Mme Cohen: Donc, je n'ai rien d'autre à faire que de me procurer un formulaire et de l'envoyer. Si les vérifications ne relèvent rien d'anormal, je peux posséder mes armes à feu et avoir mon permis.

S.-comm. Bergman: Oui, c'est exact.

Mme Cohen: Fin de la discussion?

S.-comm. Bergman: Oui, madame.

Mme Cohen: L'une des choses dont on me parle beaucoup et dont j'ai quelques connaissances en tant qu'ancien procureur et qu'ancienne avocate pénaliste, sont les violations à la sécurité qui pourraient survenir, par exemple la possibilité que des gens ayant accès à des terminaux aient accés à des renseignements sur les personnes qui acquièrent des armes à feu. Je suis un peu au courant de situations comme celle-ci car, en tant qu'avocate, j'ai toujours su qu'il était possible, par exemple, de savoir qui conduisait une voiture donnée sur les lieux d'un incident, ou qu'il était possible de contacter un agent de police ami, particulièrement dans le bon vieux temps, et accéder ainsi à des renseignements sur les gens auxquels vous n'aviez pas réellement droits.

Des gens qui brandissent ce spectre - je les appelle les théoriciens de la conspiration - nous disent qu'il y a eu près de 150 violations de sécurité du système CIPC l'année dernière, dont on dit qu'il est un des mieux protégés au Canada. Pourriez-vous nous dire quelles sortes de violations se sont produites, et comment cela se compare avec d'autres systèmes informatiques protégés? Quel sera le degré de sécurité du nouveau système?

S.-comm. Bergman: Le nouveau régistre lui-même ne sera pas intégré au CIPC. Il y aura une cloison étanche entre le système CIPC et le nouveau système d'enregistrement, et seuls les agents de police et les registraires y auront accès.

.1605

Le CIPC lui-même est un réseau comptant environ 10 000 terminaux répartis à travers le Canada, et nous effectuons aux alentours de 110 millions de transactions par an sur ce réseau. Il est donc très achalandé.

Oui, il y a des violations de sécurité, mais jusqu'à présent, après 22 ou 23 années de fonctionnement, elles ont toujours été dues à des infractions humaines - autrement dit, un policier qui avait un accès autorisé au CIPC a divulgué des renseignements à quelqu'un qui n'y avait pas droit.

Bon nombre de ces plaintes que vous mentionnez ont fait l'objet d'une enquête et se sont avérées non-fondées. Dans le cas où une plainte est fondée, nous intentons des poursuites pour abus de confiance et des sanctions disciplinaires sont prises.

Mme Cohen: Quelles sanctions imposeriez-vous à un agent de la GRC sous vos ordres qui commettrait un tel abus de confiance? Supposons qu'il ait consulté le fichier et découvert que dans la maison de Shaughnessy Cohen il y a une carabine et un fusil, et il communique le renseignement à son beau-frère - c'est toujours l'exemple que donnent les théoriciens de la conspiration - et son beau-frère vient me cambrioler et voler mes deux armes. Quelle sorte de sanctions appliqueriez-vous à cet agent, s'il se faisait prendre?

S.-comm. Bergman: Cet agent, à mon sens, aurait agi de façon contraire à l'intégrité, ce qui est la même chose que le vol. Je demanderais son renvoi de la GRC et des poursuites en vertu du Code criminel.

Mme Cohen: Voyons donc un peu les chiffres. Il y a 110 millions de demandes de renseignements sur le CIPC par an?

S.-comm. Bergman: Oui.

Mme Cohen: Combien de violations de sécurité l'année dernière?

S.-comm. Bergman: Je ne connais pas le chiffre exact, madame, mais si vous dites 100 - il se pourrait qu'il y ait eu 100 violations ou 100 allégations. Dans la grande majorité des cas, les allégations sont non-fondées; en d'autres termes, elles n'ont pas eu lieu. Vous vous souviendrez qu'il y a deux ou trois mois, il y a eu une plainte à Delta, en Colombie-Britannique, où un agent de police a effectivement divulgué des renseignements. Il est actuellement en instance de procès en cour criminelle.

Mme Cohen: Pouvez-vous juste consacrer deux minutes à nous parler de la relation qui existe, selon vous, entre le registre des armes à feu et le problème de contrebande aux frontières - selon l'optique de la GRC.

S.-comm. Bergman: Je pense que les dispositions visant à renforcer le Code criminel auront en soi un effet dissuasif, mais actuellement, et en tout cas pour ce qui est des armes longues, nous n'avons absolument aucune idée du nombre d'armes de ce genre au Canada ni de la manière dont elles y sont arrivées. Nous ne savons pas où chercher les armes longues.

S'il existait un système qui nous donne des renseignements de base depuis le passage à la frontière jusqu'au grossiste et au propriétaire, en passant par le détaillant, et les transferts entre individus, nous pourrions du moins commencer à chercher comment une arme est entrée dans le pays ou comment elle a été volée, ou peut-être perdue, ou peut-être détournée à partir d'un système légal d'importation. Nous n'avons absolument aucun moyen actuellement de rechercher ce genre de renseignements. Il n'y a rien pour nous mettre sur la piste.

D'ailleurs, M. Ramsay a dit aujourd'hui qu'il y avait entre six et 25 millions d'armes à canon long au Canada. Nous ne savons tout simplement pas. Tout système qui nous renseignera sur l'existence d'armes importées au Canada et sur les personnes à qui elles sont transmises, nous donnera un point de départ pour la lutte contre la contrebande. Je pense donc que cette loi sera utile aux services de police dans leurs enquêtes sur la contrebande à destination du Canada.

Le président: Avant de donner la parole à M. Langlois, j'aimerais poser moi-même une question supplémentaire. On nous a dit hier que des pirates informatiques pourraient avoir accès au système. Par exemple, si j'ai 35 armes à feu enregistrées à mon nom, ils pourraient l'apprendre et trouver mon adresse. Je pourrais donc devenir la cible d'éléments criminels ou terroristes qui s'en prendraient particulièrement à ceux dont le système indique qu'ils possèdent un grand nombre d'armes à feu, légalement.

Dans quelle mesure existe-t-il un risque que des pirates informatiques aient accès au système? Je ne parle pas de manquements de votre propre personnel, mais de pirates de l'extérieur.

.1610

S.-comm. Bergman: Depuis l'entrée en vigueur du système CIPC au début des années 1970, nous n'avons jamais eu de cas confirmé d'effraction électronique du système. Cela ne signifie pas que c'est impossible, car rien n'est impossible.

Le président: Mais vous n'en avez jamais eu?

S.-comm. Bergman: Pas jusqu'à présent.

Le président: D'accord, c'était ma question.

[Français]

M. de Savoye: La question que mon collègue du Parti réformiste posait tantôt visait à établir, si j'ai bien compris, s'il est possible de mettre en oeuvre un système d'enregistrement des armes à feu qui soit fiable.

Pour ma part, je m'intéresse davantage à la question suivante. Quel bienfait un système d'enregistrement fiable des armes à feu permettra-t-il et quels seraient les effets pervers à éviter?

J'ai compris, il y a quelques instants, que l'absence d'un fichier d'enregistrement des armes à feu faisait en sorte qu'il ne vous était pas impossible d'étudier les problèmes de vol, de contrebande, ou de la criminalité en général reliée aux armes à feu.

Par ailleurs, je dirais qu'il y a deux grandes prémisses qui sont souvent présentées par divers groupes concernant l'enregistrement. L'une d'elles veut qu'il permette la réduction des accidents et des crimes et l'autre veut qu'il permette la résolution de crimes.

Du côté des chasseurs, des agriculteurs et des autochtones, ceux-ci s'inquiètent d'être pris à parti sans que cela n'aide vraiment la sécurité publique. Leur argument clé est que les malfaiteurs n'enregistreront pas leurs armes. D'autre part, d'autres groupes dans la population considèrent que l'enregistrement des armes va permettre une réduction de l'usage d'une arme à feu dans les cas de violence familiale ou dans les cas de folie, comme ce malheureux et horrible événement à l'École polytechnique de Montréal.

Vous êtes des gens de terrain. Vous êtes des gens concrets; vous ne faites pas de théorie avec ces questions. Quels faits ou quels chiffres, si vous en avez, pouvez-vous fournir à ce comité pour nous éclairer dans notre appréciation des divers arguments que les groupes utilisent pour influer sur notre jugement?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Il s'agit essentiellement d'introduire quelques degrés de responsabilité et de prise de compte dans la propriété d'armes à feu à canon long dans ce pays, ce qui n'existe pas à l'heure actuelle. Je ne dis pas que la plupart des propriétaires d'armes à feu sont irresponsables. Je dis que cela introduirait simplement dans le droit et dans la société une plus forte responsabilité, un plus grand sentiment de responsabilité chez les propriétaires d'armes à feu.

Cela permettrait certainement aussi aux agents de police qui répondent couramment à des plaintes d'avoir accès direct aux renseignements, pour savoir s'ils sont appelés dans une maison où il y a une arme à feu. Je vous rappele à ce sujet un incident survenu à Edmonton il y a deux ou trois mois, pendant que je m'y trouvais.

La police d'Edmonton a maintenant un système qui fait que les anciens certificats d'acquisition d'armes à feu sont consignés dans la base de données informatiques à bord voitures de patrouille. Dans ce cas particulier, un appel au secours avait été reçu en provenance d'une maison et une voiture de patrouille a été dépêchée sur les lieux. Il y avait possibilité d'une situation de violence et de présence d'armes à feu. Les agents n'étaient pas sûrs. Ils ont vérifié sur leur ordinateur dans la voiture de patrouille. L'ordinateur disait clairement que les habitants de cette maison possédaient des armes à feu - des armes à canon long - et qu'il y avait déjà eu des plaintes.

Lorsque les deux agents se sont approchés de la maison, la porte était partiellement ouverte. Ils se sont postés de part et d'autre et ont ouvert la porte avec leur bâton et une personne à tiré deux coups de fusil à travers la porte.

D'aucuns diraient sans doute que les agents de police devraient répondre à chaque appel avec la même prudence. J'ai dit dans mes remarques préliminaires que ce n'était pas toujours possible. Nos ressources sont très limitées. Beaucoup de services de police, y compris la GRC, n'ont qu'un agent abord des voitures de patrouille. Il est difficile de demander un renfort au milieu de la nuit. Les systèmes d'information sont vitaux pour les services de police. Cela pourrait grandement faciliter la vie des services de police.

.1615

Cela imposerait également une certaine obligation aux propriétaires qui perdent une arme de le signaler, par exemple. Actuellement, des armes peuvent être volées ou perdues sans que nous le sachions. Plusieurs milliers d'armes longues sont volées chaque année dans ce pays. Nous enregistrons généralement les numéros de série d'environ 3 000 armes volées chaque année. Mais beaucoup de vols ne nous sont pas signalés et ces armes peuvent tomber dans les mains de criminels.

M. de Savoye: Puis-je vous interrompre là-dessus? Pourriez-vous donner des chiffres plus précis?

S.-comm. Bergman: À l'heure actuelle, les chiffres sont d'environ 3 000 armes par an inscrites au système CIPC comme armes volées. Les numéros de série sont indiqués. Nous n'avons aucune façon de savoir si cela représente ou non la majorité des armes perdues. En d'autres termes, des armes pourraient couramment être perdues dans le pays, tomber aux mains de criminels et nous n'avons aucun moyen de le savoir car il n'y a pas d'obligation pour le propriétaire de déclarer la perte d'une arme.

M. de Savoye: Sur ces 3 000, à votre connaissance, combien ont servi à commettre un crime?

S.-comm. Bergman: Puis-je demander à mon collègue de répondre?

Le commissaire adjoint John A.J. L'Abbé (directeur, Services d'information et d'identification, Gendarmerie royale du Canada): Quelle était la question?

S.-comm. Bergman: Sur les armes inscrites au système CIPC signalées comme perdues ou volées, combien ont servi à commettre un crime?

Comm. adj. L'Abbé: Je n'ai pas de chiffre en tête, mais je peux vous dire, à titre d'information, que le nombre total d'armes actuellement indiquées comme perdues, volées ou manquantes par le Centre d'information de la police canadienne se monte à 21 187 carabines, 12 925 fusils, 1 450 autres, et armes à autorisation restreinte, 30 364 - soit un total de 65 926.

M. de Savoye: Et cela sur une période de...

Comm. adj. L'Abbé: Ce sont les armes toujours inscrites au système CIPC, c'est-à-dire depuis les débuts du CIPC en 1974.

M. de Savoye: Avez-vous les chiffres pour l'année dernière?

Comm. adj. L'Abbé: Nous allons certainement essayer de les obtenir pour vous.

Le président: Je vais peut-être passer à un autre intervenant, mais si vous avez les réponses aux questions de M. de Savoye, j'aimerais les voir figurer au procès-verbal.

Monsieur Bodnar.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Nous avons entendu hier un représentant des Territoires du Nord-Ouest, où vous assurez les services de police. Il dit qu'il est impossible de faire respecter les lois actuelles, que les lois ignorent la réalité et que le projet de loi C-68 serait quasiment impossible - je paraphrase ses propos - à appliquer dans le Nord en raison des difficultés de l'enregistrement, des difficultés au point de vue culturel, les difficultés tenant au mode de vie, qui fait que les armes sont transmises d'un membre de la famille à un autre et que les armes ne sont pas entreposées en sûreté mais conservées chargées dans une maison, à cause des prédateurs.

Cela a-t-il été un problème pour vous dans les territoires? Pensez-vous que le projet de loi C-68, dans sa forme actuelle, puisse être appliqué dans les territoires?

S.-comm. Bergman: Je vais faire appel à ma propre expérience pour vous répondre. Je commandais les Forces de la GRC au Manitoba jusqu'à il y a un an. Nous avons encore 17 ou 18 détachements très isolés dans le nord du Manitoba.

Le président: À Churchill.

S.-comm. Bergman: Il y a Churchill, Shamattawa et Puckinewagan. Je connaissais très bien les chefs et les membres des conseils.

Dans un bon nombre de ces localités, la population nous a demandé, de sa propre initiative, de mettre sur pied un système permettant l'entreposage des fusils et carabines dans un dépôt central, généralement les bureaux de bande. Ils s'inquiétaient de l'utilisation des armes à feu, le soir, et des actes de violence. Ils ont donc pris sur eux-mêmes de restreindre la liberté d'usage des armes à feu dans leur localité.

J'ai cru comprendre que le ministre a donné l'assurance d'une certaine flexibilité dans l'application de la loi pour tenir compte des différences culturelles. Personnellement, je crois que c'est possible. Je pense que beaucoup de collectivités éprouveront peut-être des difficultés au début, mais qu'au bout du compte, elles constateront qu'il en résulte un système où chacun est plus responsable.

.1620

M. Bodnar: J'aime bien la proposition d'un dépôt central pour l'entreposage volontaire. En fait, j'aimerais que cela se fasse dans chaque ville, parce que les gens comme moi n'aiment pas qu'on les force à entreposer leurs armes dans leur propre maison. J'aimerais mieux les entreposer en les confiant à vous ou a une autre organisation; je paierais des droits d'entreposage et elles seraient conservées là jusqu'à ce que j'en aie besoin pour une raison ou pour une autre.

En ce qui concerne la sécurité, nous savons qu'elle n'est pas toujours respectée à la CIPC, et encore n'entendons-nous pas parler de tous les incidents. À ma connaissance, en ce qui concerne les manquements à la sécurité et si l'on veut avoir des renseignements sur la CIPC, on ne peut pas compter sur le système, mais sur les gens que l'on connaît dans la police pour pouvoir se renseigner.

Certaines agences de recouvrement dans notre pays et certains détectives privés, qui sont peut-être en fait d'anciens agents de police, ont accès à ces informations s'ils savent à qui s'adresser dans la police et ils peuvent utiliser ces informations lorsqu'ils font enquête sur des gens, à titre officiel ou à titre privé.

S.-comm. Bergman: S'ils sont prêts à être impliqués dans un manquement à la sécurité et s'il y a quelqu'un, un agent de police ou un autre membre d'une organisation, qui a officiellement accès aux dossiers de la CIPC et est prêt à commettre un abus de confiance en enfreignant le Code criminel, cela peut arriver. Mais ça n'est certainement pas quelque chose d'habituel, à mon avis.

M. Bodnar: Y a-t-il moyen de mettre au point un système pour les armes à feu qui soit à l'épreuve de ce genre de problème?

S.-comm. Bergman: Je ne connais aucun système où la sécurité ne dépend pas en fin de compte de la confiance qu'on peut faire à quelqu'un. Je ne connais aucun système d'ordinateur ou d'information qui soit absolument parfait et protégé contre les faiblesses humaines. Je pense donc qu'il faut faire confiance aux gens et, s'ils ne sont pas honnêtes, il faut alors les poursuivre.

Le président: Avant de donner la parole au Parti réformiste, je poserai une question supplémentaire faisant suite à celles de M. Bodnar.

Hier soir, un des représentants des Territoires du Nord-Ouest a raconté l'histoire du village isolé d'où il vient où quelqu'un a soudain constaté qu'un ous polaire était en train d'emmener son vieux père. L'ours était entré dans le village, comme cela arrive souvent là-bas au printemps, et il traînait son père. Quand il a vu cela, le fils a couru jusqu'au porche de sa petite maison, il a saisi le fusil qui étit là, toujours chargé, et il a alors tué l'ours polaire et sauvé son père.

Il a souligné que c'était quelque chose de normal. En d'autres termes, les gens ne suivent pas les règles relatives à l'entreposage sécuritaire. Ils ne le font jamais, parce qu'autrement, dans des cas comme celui-ci, ils ne pourraient pas se défendre contre les ours polaires ou autres. Il nous a raconté des histoires de loups qui viennent tuer leurs chiens quand ils sont à la chasse ou même en pleine ville. Il a dit que les loups sont énormes dans cette région.

Ce qu'il nous disait donc en fait est que, vu les conditions dans lesquelles ils vivent, ils ne peuvent pas respecter les dispositions relatives à l'entreposage sécuritaire. Il a dit qu'ils ne le pouvaient pas non plus à cause des problèmes linguistiques. Bien souvent, dans ces villages éloignés, les gens ne comprennent pas l'anglais ou le français pour remplir les formulaires qui doivent l'être en triple exemplaire. Ils ne peuvent pas se faire faire de photographie de passeport pour placer sur ces formulaires, etc.

Maintenant, je suis heureux d'apprendre que, dans le nord du Manitoba, vous avez pu obtenir les résultats indiqués, mais d'après ce que j'ai entendu hier soir, dans certains de ces villages isolés du nord... Et j'ai été ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et je me suis rendu dans beaucoup de ces villages. Les villages sont très isolés, petits et les gens pratiquent la chasse pour subvenir à leurs besoins et non pas pour le sport.

J'aimerais avoir un avis parce que la GRC est l'organisme qui est responsable du maintien de l'ordre dans ces territoires. Ce qu'on nous a dit hier soir était-il exagéré? Les membres de la GRC ferment-ils les yeux sur ce genre de choses? Quelle est vraiment la situation là-bas?

.1625

S.-comm. Bergman: Monsieur le président, je pense que dans certaines régions des Territoires du Nord-Ouest, de même que sans doute dans certaines régions septentrionales des provinces, cela peut très bien être vrai. Je m'attendrais à ce que les membres de notre organisation soient très sensibles à ce genre de situation. À mon avis, si un système d'enregistrement était adopté par le Parlement, on s'attendra à ce que les membres de la GRC aident ces gens-là à enregistrer leurs armes. En d'autres termes, nous avons des interprètes, nous avons des gens qui peuvent aider les gens dans les petits village de l'ensemble du Canada à enregistrer leurs armes.

En ce qui concerne leur entreposage et leur utilisation, je pense qu'il faudrait tenir compte du danger auquel sont exposés les villages et chacun de leurs habitants et penser aux problèmes de la sécurité publique à proprement parler. Je pense donc que nos membres devraient faire preuve d'une certaine souplesse, dans la mesure où cela reste réaliste. En fait, c'est ce que nous faisons dans les services de police chaque jour dans tout le pays.

Voilà donc ce que je peux vous répondre.

M. Thompson (Wild Rose): Bienvenue, messieurs.

À Wild Rose, circonscription rurale, le détachement de la GRC dans ma ville s'occupe d'une zone d'environ 3 000 à 4 000 kilomètres carrés. Lorsque j'étais maire et que je siégeais à la Commission de la police, il y avait, selon les années, entre sept et peut-être dix officiers puis on retombait à cinq. Cela dépendait toujours de l'évolution de la criminalité. Si celle-ci était faible, on diminuait apparemment le nombre de policiers alors que si elle augmentait, leur nombre en faisait autant.

Nous avons alors appris une chose - tous les policiers et les membres de la Commission en conviendront: si des policiers sont disponibles, c'est eux qui constituent le meilleur moyen de lutte contre la criminalité. Êtes-vous d'accord avec cela?

S.-comm. Bergman: Pas toujours, monsieur. En fait, il fut un temps où les activités des forces de police étaient exclusivement basées sur le nombre d'officiers disponibles. Si la criminalité ou le nombre de plaintes déposées augmentaient, le responsable du détachement demandait plus de personnel. Bien sûr dans certains cas, le niveau d'un poste pouvait être relevé. En fait, si la taille du détachement augmentait, son responsable pouvait même avoir une promotion.

Je pense que nous avons maintenant un comportement plus moderne selon lequel le travail effectué par la police est censé régler les problèmes et faire baisser les statistiques plutôt que simplement entraîner une augmentation du nombre... Les détachements ne devraient pas augmenter sans cesse.

M. Thompson: Oui, je veux néanmois dire que s'il y a plus de policiers qui peuvent desservir une région, c'est une meilleure façon de lutter contre la criminalité que s'il y en a moins. C'est une question de bon sens, n'est-ce pas?

S.-comm. Bergman: Cela dépend de la façon dont ils font leur travail. S'ils règlent les problèmes, les statistiques ne devraient pas toujours augmenter. S'ils répondent aux appels mais ne règlent pas les problèmes, les statistiques vont augmenter. Je pense que certains détachements ont une manière d'assurer le maintien de l'ordre qui règle les problèmes, les statistiques diminuent alors et la taille du détachement peut diminuer également. Je ne pense donc pas que le fait d'ajouter plus de policiers dans un détachement soit toujours la meilleure façon de diminuer la criminalité.

M. Thompson: Le manque de personnel n'est toutefois certainement pas un élément favorable?

S.-comm. Bergman: Non, monsieur.

M. Thompson: D'accord. C'est ce que je voulais dire. S'il est évident qu'il serait bon d'avoir plus de personnel, ce serait l'un de vos objectifs.

Dans la situation actuelle, nous savons qu'il y a des compressions de dépense et qu'il y a moins de personnel disponible; comment peut-on alors justifier l'utilisation de ressources pour s'embarquer dans un vaste programme d'enregistrement de cette nature? Vous avez dit il y a un instant que vous devriez fournir du personnel pour s'occuper de tout cela. Peut-on justifier cela sur la base des résultats que l'enregistrement permettra, selon vous, d'atteindre?

S.-comm. Bergman: Dans les petites localités comme celles du nord dont je parlais, je pense que ce serait automatique. Nos officiers le feront automatiquement. Dans les zones plus peuplées, cela causera certainement des problèmes. C'est mon opinion personnelle, mais je pense que, quand les officiers de police de l'ensemble du Canada auront pesé le pour et le contre de l'enregistrement - la sécurité pour le public et pour eux-mêmes - ils seront pour la plupart prêts à s'adapter à la nouvelle loi. Nous nous adaptons aux nouvelles lois depuis 122 ans et je pense que nous pouvons continuer à le faire.

M. Thompson: C'est ce que je fais depuis quatre mois environ. J'ai accompagné des officiers de police dans leur patrouille. J'ai surtout parlé aux gens de la GRC parce que ce sont pratiquement les seuls que nous avons dans notre circonscription. Il n'y a, à ma connaissance, pas de policiers privés. Parmi les petits soldats, en quelque sorte, je n'en ai pas encore rencontré un seul qui soit en faveur de ce projet de loi. J'ai parlé à plusieurs de ceux qui sont à Wild Rose, et tous sont violemment contre celui-ci.

.1630

Avez-vous parlé avec les simples soldats, en quelque sorte? Ont-ils eu leur mot à dire? Avez-vous le même genre d'impression que moi?

S.-comm. Bergman: J'ai personnellement parlé avec des officiers de police dans tout le pays. Ayant été commandant des forces de police au Manitoba pendant plusieurs années, je connaissais de façon générale l'attitude des policiers.

Ceux qui étaient sous mes ordres à l'époque me disaient qu'ils trouvaient inquiétant de se retrouver de temps à autre face à des armes à feu. En fait, lorsque j'étais au Manitoba, il y a eu plusieurs cas où des membres de la GRC ont dû tirer sur des compatriotes. L'utilisation d'armes à feu lors de problèmes familiaux ou dans les réserves était un sujet d'inquiètude. La plupart des membres de la GRC travaillant au Manitoba à l'époque auraient aimé avoir accès à des informations à ce sujet avec le terminal installé dans leur voiture de police.

M. Thompson: Je vais vous citer quelques chiffres pour savoir ce que vous en pensez, tous les cinq. Si l'on prenait 85 millions de dollars - c'est le chiffre magique dont il est généralement question - et si on le divisait en cinq ans, cela ferait 17 millions par an. Si on compte 100 000 dollars par policier, vous pourriez augmenter vos effectifs de 175 personnes pendant cinq ans. C'est de l'arithmétique simple. C'est normal. Faites l'addition, c'est juste.

Tous les officiers me disent que, compte tenu du fait que vous pourriez avoir ces 85 millions pour renforcer les effectifs de la police, ils préféreraient de loin cette solution à un système d'enregistrement. Qu'en pensez-vous? Si vous aviez le choix, préféreriez-vous engager 170 hommes ou voudriez-vous plutôt...

Une voix: Et des femmes.

M. Thompson: D'accord, je le dirais à ma façon. Si vous deviez engager 170 hommes de plus, quel poids accorderiez-vous à cela?

S.-comm. Bergman: Je pense que j'examinerais les retombées potentielles à long terme du projet de loi en les comparant aux avantages éventuels à court terme découlant d'une augmentation des effectifs.

Je pense que, à long terme, il sera nettement plus avantageux pour les policiers de tout le Canada et pour la société dans son ensemble d'appliquer ce projet de loi. Je dirais donc simplement que je choisirais le projet de loi.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): J'ai simplement une question pour le moment. Nous avons parlé précédemment du nombre d'armes à canon long dépouvues de numéro de série. Est-ce que, de concert avec le ministère de la Justice ou un autre groupe de gens, vous travaillez à la mise au point d'un ou de plusieurs autres système d'identification? Pourriez-vous nous expliquer en quoi ils consistent? Je pense au fait que 20 p. cent des armes à canon long ne portent pas de numéros de série. Qu'allez-vous faire à ce sujet?

S.-comm. Bergman: Il y a certainement des discussions en cours avec le groupe de travail sur le contrôle des armes à feu en ce qui concerne la possibilité de régler la question de l'absence de numéros de série sur les armes à feu. On pourrait peut-être envisager la même solution que celle que l'on utilise actuellement pour les armes de poing, c'est-à-dire qu'on pourrait marquer des numéros de série uniques sur les armes.

Je ne peux pas dire exactement combien d'employés il faudrait. Bien entendu, la police elle-même ne pourrait pas s'en occuper, il faudrait alors que cela soit fait par des armuriers, par des experts ou par les préposés aux armes à feu dans les différentes provinces. Je pense que les requérants devraient payer quelque chose. Je ne peux pas assurer que ce serait réaliste, mais ce serait une solution au problème des armes à canon long correspondant à celle que l'on applique actuellement pour les armes de poing au Canada.

Mme Phinney: Qui s'en occupe pour les armes de poing?

S.-comm. Bergman: Ce sont les directeurs de l'enregistrement des armes à feu. Les armuriers le font aussi, je crois. Inspecteur Buisson, pouvez-vous répondre à cela?

Insp. Buisson: Oui. À l'heure actuelle, les contrôleurs des armes à feu de chaque province attribuent un numéro de série aux armes à feu. Les contrôleurs des provinces et des territoires ont chacun reçu un certain nombre de numéros de série, qui peuvent être utilisés sur les armes qui doivent être enregistrées et qui n'ont pas de numéro.

Nous allons essayer d'aider de notre mieux à trouver un endroit où placer le numéro de série sans nuire à l'aspect de l'arme et sans en diminuer la valeur. À ma connaissance, certaines de ces armes valent très cher.

.1635

Il existe actuellement un système dans le cadre duquel les numéros de série sont confiés aux contrôleurs des armes à feu qui nous aident pour l'enregistrement des armes à autorisation restreinte.

M. Phinney: Y a-t-il un groupe de travail de gens qui cherchent à trouver une solution à cela d'ici un ou deux ans, afin que toutes les armes à canon long puissent être enregistrées?

S.-comm. Bergman: L'inspecteur Buisson travaille de concert avec le groupe de travail sur le contrôle des armes à feu où on est en train d'examiner cette question. Les dispositions définitives n'ont pas encore été arrêtées, mais c'est là l'une des solutions envisagées et nous espérons certainement que nous aurons une solution avant la mise en place du système.

[Français]

Insp. Buisson: Monsieur le président, M. de Savoye a demandé le nombre d'armes à feu qui avaient été rapportées volées l'année dernière. Du 1er janvier au 31 décembre 1994, il y a en a eu un total de 5 130. Si vous voulez une ventilation, je peux vous en donner une: armes à feu restreintes, 2 427; carabines, 1 708; fusils 891 et autres, 104. Total: 5 130.

M. de Savoye: Merci.

Le président: Monsieur de Savoye, vous avez encore cinq minutes.

[Traduction]

M. de Savoye: Je suis heureux d'avoir ces chiffres. Je me rends bien compte que vous ne les avez pas tous sous la main; toutefois, il est important pour le Comité de disposer de tous les éléments pertinents afin de pouvoir évaluer les répercussions du projet de loi C-68 en ce qui concerne la prévention de la criminalité. Si vous avez d'autres chiffres dont vous pensez qu'ils peuvent nous être utiles, je suis sûr que le greffier sera heureux de les recevoir et de les mettre à la disposition de tous les membres du Comité.

Dans le préambule à ma première question, je m'interrogeais au sujet des effets négatifs éventuels du projet de loi C-68. Je craignais tout particulièrement que d'honnêtes citoyens se voient obligés de se soumettre à une mesure après tout administrative et qu'ils risquent d'être accusés d'avoir commis un crime s'ils ne le font pas. Je crains, qu'en inventant un nouveau crime, nous n'inventions également de nouveaux criminels, comme s'il n'y en avait déjà pas assez pour le moment. Pouvez-vous nous donner votre avis là-dessus, s'il vous plaît?

S.-comm. Bergman: Je comprends certainement cette préoccupation. À ma connaissance, le ministre de la Justice a accepté une certaine souplesse à cet égard; il est près à ne pas invoquer de sanctions criminelles dans les cas d'une arme à canon long qui n'a pas été utilisée pour perpétrer un crime et dans le cas où une personne omet de bonne foi d'enregistrer son arme à feu, à la différence du cas de désobéissance civile ou d'autres situations particulières. Voilà, je crois, ce que le ministre a dit publiquement. Je n'en ai pas discuté avec le groupe de travail sur le contrôle des armes à feu.

Le président: Hier, devant le Comité - et malheureusement, vous n'étiez pas ici hier, M. de Savoye - il a demandé au Comité de mettre au point un système qui ne criminaliserait pas les gens qui auraient omis pour la première fois d'enregistrer une arme. Il nous a lancé ce défi en disant qu'il comprenait la nature du problème que M. de Savoye vient de soulever et qu'il serait prêt à recevoir nos recommandations à ce sujet ainsi qu'un projet d'amendement. Nous chercherons donc à trouver différentes façons de procéder.

Je sais que, parfois, quand la police vous atrappe et que vous n'avez pas votre permis de conduire ou votre enregistrement, elle vous donne un délai de 48 heures pour les présenter; vous êtes passible d'une forte amende si vous ne les présentez pas dans les délais, mais elle ne vous est pas imposée immédiatement. Il y a probablement différentes façons de régler ce problème.

M. de Savoye: Vous savez que, même si je n'étais pas là hier, j'étais au courant de ce qui se passait au Comité et c'est justement pour cette raison que je n'attendais pas de votre part des commentaires sur les déclarations de notre ministre de la Justice mais plutôt votre point de vue en tant qu'expert en la matière. Que pensez-vous possible de faire? Que conseilleriez-vous au Comité d'examiner? J'attends vos conseils éclairés.

.1640

S.-comm. Bergman: En tant que policier, je pense qu'il y aura toujours des cas où il sera utile pour la police d'utiliser la procédure criminelle. Les policiers se retrouveront parfois devant des gens possédant des armes non enregistrées et ils auront peut-être besoin de s'appuyer sur le Code criminel pour pouvoir procéder à une arrestation. Cela peut certainement présenter certains avantages du point de vue de la sécurité publique.

Dans d'autres cas, on pourra envisager une certaine latitude, qui dépendra de la connaissance que l'officier de police a d'une localité ou d'une zone rurale où il connaît en général très bien les habitants. J'espère que, dans un tel cas, le polier pourra parler avec les personnes concernées et leur donner certains conseils en ce qui concerne l'enregistrement de l'arme.

M. de Savoye: Avez-vous des lignes directrices permettant de savoir quand il faut agir d'une façon ou de l'autre?

S.-comm. Bergman: Je pense qu'il est très difficile d'établir des lignes directrices strictes dans ce domaine. C'est généralement une question de jugement, comme c'est si souvent le cas dans le travail de maintien de l'ordre. Le policier doit évaluer la situation en fonction de sa connaissance du milieu local. Je ne pourrais pas imposer le respct de règles et règlements catégoriques.

Comme vous le savez, je pense que la plupart des corps policiers concentrent actuellement leurs efforts sur des services de police communautaires. Il essaient d'encourager leurs officiers à travailler en étroite collaboration avec la population locale pour comprendre les citoyens et savoir quelque chose de toutes les familles du secteur qu'ils desservent. Je pense donc que chacun d'eux devrait pouvoir prendre ce genre de décision correctement mais il y aura toujours des circonstances où il sera très utile de pouvoir arrêter quelqu'un possédant une arme à feu non enregistrée.

Je pense donc que c'est une question de jugement. Je ne vois vraiment pas de problèmes en ce qui concerne les conditions proposées hier au comité par le ministre.

M. de Savoye: Je vous remercie pour votre déclaration.

M. St. Denis (Algoma): Merci, messieurs, d'être ici aujourd'hui.

Je dirais, en guise de bref préambule, que je représente une circonscription rurale du nord de l'Ontario; vous pouvez donc imaginer que nombre de mes électeurs s'intéressent énormément à cette question. Le message que j'ai essayé de transmettre à mes collègues, avec un certain succès, je crois, est que nous devons manifester un certain respect à l'endroit des propriétaires d'armes à feu respectueux de la légalité. J'espère que les Canadiens et Canadiennes des villes et des régions rurales peuvent comprendre que, si nous faisons un bon travail, nous n'aurons pas à revenir sur ce problème du contrôle des armes à feu avant longtemps, peut-être même plus jamais.

Je voudrais vous poser quelques brèves questions et revenir à la sécurité du système d'information.

J'ai lu pas mal au sujet du système d'enregistrement actuel des armes à feu, le système des armes à autorisation restreinte. J'en ai conclu que ce système est quelque peu vieillot et qu'un pirate ne pourrait même pas y avoir accès parce qu'il est comme une forteresse; il est séparé du reste. Il y a un abîme qui sépare Internet de ce système d'information.

Ma préoccupation touche cependant le nouveau système qui devra recueillir les informations fournies par les propriétaires d'armes à feu à autorisation restreinte les propriétaires d'armes à canon long. Ce nouveau système sera en fait ultramoderne, nous dit-on, et c'est justement pour ça que les pirates pourront peut-être y entrer. L'expérience acquise ne sevira à rien pour l'avenir.

Je crois qu'il est important d'assurer à ceux de nos électeurs qui possèdent des armes à feu qu'un nouveau système moderne offrira le même degré de sécurité que celui que vous avez pu garantir avec l'ancien système vieillot. Vous pourriez peut-être nous préciser si le nouveau système peut offrir autant de garantie de sécurité que vous avez pu le faire jusqu'à présent, fautes professionnelles éventuelles mises à part, mais simplement des questions techniques d'accès.

S.-comm. Bergman: Je pourrais peut-être demander à M. L'Abbé de vous répondre.

Comm. adj. L'Abbé: En premier lieu, vous avez tout à fait raison de dire que l'ancien système n'était pas le meilleur du monde et qu'il ressemble à une forteresse. Pour régler les problèmes au cours des deux dernières années, nous avons créé un nouveau système d'enregistrement des armes à autorisation retreinte qui prendra la forme d'une base de données relationnelle.

C'est un système très sûr mais c'est un peu comme les renseignements contenus dans le permis de conduire du conducteur de véhicule qui sont transmis à la CIPC pour que les officiers de police puissent y avoir accès. Le nouveau système d'enregistrement des armes à autorisation restreinte sera plus efficace mais il ne sera pas relié à des gens comme les négociants. Les pirates ne pourrons donc pas pénétrer dans le système.

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Nous examinons avec le groupe de travail sur le contrôle des armes à feu la meilleure façon possible d'utiliser au mieux les ressources disponibles pour ce nouveau système. Mais, ce qui est très important - je le répète - c'est que le Centre d'information de la police canadienne ne sera pas à la disposition de tout le monde. Là encore, nous allons maintenir ce système. Le nouveau système du CIPC, qui sera révisé - car comme l'a dit notre sous-commissaire, ce système a en fait 23 ans - comportera l'un des éléments les plus critiques pour aider les agents de police dans leur tâche.

Il s'agit d'un système d'indexation. Ainsi les services de police partout au Canada entreront le nom, la date de naissance et certaines données biographiques très simples des gens auxquels ils ont affaire.

Admettons que je sois quelque part préposé aux armes à feu et que j'utilise le nouveau système que nous allons tous constituer pour consulter l'index. Si mon nom John L'Abbé fait l'objet d'une enquête de police quelque part suite à un acte de violence - violence familiale ou autre chose - on pourra en fait s'adresser à ce service particulier et demander ce qu'il en est avant même d'émettre un permis.

Tout cela pour dire que le nouveau système que l'on va constituer - il ne l'est pas encore, si bien que je ne peux pas vous dire à quoi il ressemblera, mais je vais insister pour qu'il n'ait pas un lien direct avec le système du CIPC afin d'éviter tout acte de piraterie. On construira une véritable cloison pare-feu.

Je vous donnerai simplement quelques autres renseignements sur ce système du CIPC. Vous vous demandez comment nous pourrons savoir que des gens accèdent illégalement à ce système et ce que l'on ferait à ce sujet.

Nous avons une méthode de vérification très efficace pour le CIPC par laquelle nos agents sur le terrain se rendent aux divers services de police et tirent au hasard des dossiers pour voir si les renseignements sont entrés correctement et comment on s'y prend. Nous assumons donc cette responsabilité et nous la prenons très au sérieux. C'est la façon dont nous assurons la sécurité du système de données du CIPC. Nous ne laissons pas les choses au hasard. Nous avons des mesures de contrôle très strictes dont est responsable le comité consultatif du CIPC. C'est très utile; très strict.

M. St. Denis: Donc, mes électeurs ou ceux de tout autre député n'ont pas à s'inquiéter que l'on transmette sur les ondes entre les voitures et les services de police qu'au 123, rue Madison, il y a tel type d'armes à feu, et que quelqu'un équipé d'une radio à balayage de fréquence puisse capter cela. Ils n'ont pas à s'en inquiéter?

S.-comm. Bergman: Vous ajoutez là un autre élément à notre conversation. Comme vous le savez, nous avons partout au Canada des système de communication dans toutes les provinces, dont certains sont beaucoup plus modernes que d'autres. Si ces informations passent par les ondes et ne sont pas chiffrées, elles peuvent être captées par des radios à balayage de fréquences. En fait, nous avons des problèmes dans tout le pays à l'heure actuelle avec ces radios qui captent les communications policières.

Pratiquement toutes les provinces sont en train de passer à un système de communications numériques qui nous permettront d'utiliser des canaux discrets et ainsi d'éviter que ces informations ne soient captées par les radios à balayage, ou permettront d'envoyer les informations par fréquences radio à l'ordinateur d'un véhicule de la police sans que ces informations puissent être captées.

M. St. Denis: Vous essayez donc de trouver des solutions à ce problème?

S.-comm. Bergman: Oui, monsieur.

M. St. Denis: Bien.

Me permettez-vous de poser encore une ou deux questions?

Le président: Non.

M. St. Denis: J'aurais pourtant encore beaucoup de questions à poser.

Le président: Je le sais bien mais je vous redonnerai peut-être la parole plus tard si nous avons le temps. Il faut maintenant passer à M. Ramsay.

M. Ramsay: Je constate que vous avez adopté le système d'envoi d'informations par la poste pour l'enregistrement des carabines et des fusils. J'ai visité quatre de vos laboratoires judiciaires et j'ai parlé là à vos spécialistes, à ceux qui vont régulièrement en cour. Je les ai interrogés sur ce système d'envoi d'information par la poste et sur le genre de système d'enregistrement que cela allait créer. Ils ont dit que ce serait la pagaille.

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J'ai également parlé à un sous-officier responsable d'un détachement de la GRC dans ma circonscription et l'ai interrogé sur ce système: pourquoi ne pas simplement prendre une fiche et inscrire la marque, le modèle et le numéro de série comme le suggère le ministre de la Justice? Il m'a répondu que l'on ne peut enregistrer ce que l'on n'inspecte pas. Je lui ai demandé de s'expliquer. Il m'a dit que même ceux qui savent identifier une arme à feu commettent des erreurs. On transfert un renseignement faux sur une arme de poing. C'est ce qui a créé un problème avec le système d'enregistrement des armes de poing. C'est évidemment ce dont a parlé Terence Wade. Il a dit que 30 p. 100 des informations que contient ce système ne sont pas utilisables.

Je dois donc vous poser cette question. Si l'on doit utiliser ce genre de système dans lequel les propriétaires d'armes à feu sont censés inscrire eux-mêmes la marque, le modèle et le numéro de série ainsi que les autres caractéristiques permettant d'identifier leur arme à feu, vos propres gens me disent qu'on ne peut pas toujours faire la différence entre un numéro de série et un numéro de modèle et que l'on risque de ne pas inscrire les numéros de série exacts. Je repense donc à ce que m'a dit le sous-officier, à savoir que l'on ne peut pas enregistrer ce que l'on n'inspecte pas.

Vous allez trouver tous ces renseignements sur ces fiches mais ce ne sera pas valide. Est-ce que ce sera fiable? C'est là la question. Je suis désolé, mais je ne peux pas croire que ce genre de système puisse produire un système d'enregistrement qui soit un outil utile et crédible pour les responsables de l'application de la loi.

Le président: C'est une question qui a bien pris quatre minutes, et qui est très bonne.

S.-comm. Bergman: Je vais passer à cette question, mais je commencerai par dire que ce chiffre de 30 p. 100 n'est pas tout à fait exact en ce sens que je crois que l'étude indiquait que 25 p. 100 ou 30 p. 100 des formulaires envoyés contenaient une erreur quelconque. L'erreur en question pouvait être une erreur de code postal; ce pouvait être n'importe quoi. La grande majorité de ces erreurs sont décelées par le système de vérification avant d'être introduites dans l'ordinateur. On renvoie donc les formulaires qui sont corrigés avant d'être introduits dans la banque de données. Donc 30 p. 100 ne signifie pas 30 p. 100 d'erreurs dans le système actuel d'enregistrement des armes à autorisation restreinte.

M. Ramsay: Quel est le taux d'erreur?

Insp. Buisson: Sur le nombre de formulaires remplis par les directeurs locaux de l'enregistrement et envoyés au système d'enregistrement des armes à feu, 22 p. 100 contiennent des erreurs qui obligent à ce qu'on les renvoie à leurs expéditeurs. Ceci explique une partie du retard dont se plaignent quelquefois les propriétaires d'armes à feu. Donc 22 p. 100 des formulaires qui nous sont envoyés contiennent quelque erreur à propos soit du demandeur lui-même soit de l'arme à feu. D'autre part 27 p. 100 des formulaires contiennent des erreurs extrêmement minimes et sans conséquence que l'on peut corriger par téléphone ou par télécopieur avec le directeur local de l'enregistrement ou les propriétaires d'armes à feu eux-mêmes.

Nous essayons d'être aussi précis que possible. Ces renseignements ne sont pas versés au système d'enregistrement des armes à autorisation restreinte sans avoir été vérifiés avec précision. Si nous n'avons pas les renseignements nécessaires, nous n'entrons pas ces informations dans le système.

M. Ramsay: Faites-vous cela avec un système de fiches?

Le président: M. Ramsay a soulevé une question très importante quant à l'efficacité du système d'envoi de fiches par la poste et c'était là l'essentiel de sa question. Peut-être pourriez-vous répondre à cette question. Il dit que les agents de la GRC dans les laboratoires judiciaires lui disent que ça ne peut pas marcher.

S.-comm. Bergman: Monsieur le président, je pense que beaucoup des gens auxquels parlent les députés n'ont probablement pas lu le projet de loi ni toutes les informations qui l'accompagnent. Il n'y avait pas grand-chose de disponible jusqu'à très récemment.

C'est une question qui me préoccupait moi-même. Il y deux façons de procéder. Il y a le système postal et le système qui consiste à demander aux propriétaires d'arme à feu d'apporter toutes leurs armes au bureau de police. On peut également imaginer une formule intermédiaire par laquelle une équipe spécialisée se rendrait sur place examiner les armes en question.

Je ne serais pas très rassuré, et je pense que la plupart des services de police ne seraient pas très rassurés de voir les propriétaires d'armes à feu apporter au poste de police 6,7 millions ou 8 millions d'armes. Je ne suis pas certain que ce serait sans danger. Je crois qu'il y aurait des accidents pendant les prochaines années si les gens arrivaient au poste de police en transportant des armes.

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La seule autre option est de créer une petite étude spécialisée qui serait prête à venir aider les gens dans les provinces, peut-être comme un emploi d'été, ou d'avoir ce système postal assorti de plusieurs vérifications. Autrement dit, le système sera informatisé et lorsque les formulaires arrivent, on pourra comparer, grâce à une base de données, les données ainsi fournies et celles que l'on a obtenues des fabricants, avec les numéros de modèles, certains types de numéros de production, si bien que le système lui-même pourra reconnaître que tel ou tel numéro de série ne correspond pas au numéro de modèle ou à la marque. Il y a des systèmes de contrôle possibles.

Nous estimons que si le système est bien conçu, et qu'il est précis, la grande majorité de ces erreurs pourront être décelées à la première, deuxième ou troisième vérification. Il y aura des agents dans ces bureaux qui examineront les problèmes et pourront donner des conseils. Il y aura dans tout le pays des CD-ROM avec images vidéo de quelque 30 000 armes indiquant où se trouve le numéro de série, le numéro de production s'il en existe un, qui décriront toute l'arme à feu et indiqueront où trouver les numéros.

Évidemment, je ne sais pas s'il peut exister une solution parfaite. C'est soit un système postal, soit l'inspection de chaque arme, soit une forme de groupes spécialisés itinérants. Je ne pense pas que la question est entièrement réglée bien que je crois que le ministère de la Justice examine de très près la possibilité de contrôles permanents du le système informatique installé dans les bureaux de service.

C'est à peu près tout ce que je puis dire là-dessus, monsieur le président.

M. Wappel (Scarborough-Ouest): Je m'intéresse au fonctionnement de ce système d'enregistrement. Tout d'abord, est-ce qu'il y a toujours eu sur les armes à feu un numéro de série et une identification du modèle?

S.-comm. Bergman: Non, monsieur.

M. Wappel: Quand cela a-t-il commencé?

S.-comm. Bergman: Puis-je demander à M. Smith de répondre?

M. Smith: Tout dépend du choix du fabricant au moment où il fabrique cette arme à feu. La grande majorité des armes à feu dont on ne connaît ni la marque ni le modèle sont des armes très anciennes mais il est toujours possible qu'aujourd'hui quelqu'un fabrique des armes sans aucune identification, mais c'est très peu probable.

M. Wappel: Donnez-moi le nom d'une arme à feu sur laquelle on ne peut trouver de marque ou de modèle ni de numéro de série. Est-ce qu'un Luger allemand de la Seconde Guerre mondiale entrerait dans cette catégorie?

M. Smith: Le Luger est un bon exemple. Il s'agit d'une arme de poing fabriquée en temps de guerre alors que l'on n'indiquait ni la marque ni le modèle sur les armes; en fait, des indications codées étaient inscrites sur l'arme dans le but express de déguiser les niveaux de production pour que personne ne sache combien on en avait fabriquées. C'est une des exigences de temps de guerre que l'on a connues alors et cela pourrait se reproduire.

M. Wappel: Comment peut-on identifier une telle arme à feu alors avec un système d'envoi d'information par la poste?

M. Smith: Dans le cas des Luger, les numéros de code eux-mêmes dans bien des cas peuvent être associés à un fabricant particulier et c'est par ce fabricant que nous décririons l'arme à feu. Dans les cas où le numéro de code n'a jamais été déchiffré et où les registres ont été perdus durant la guerre, le numéro de code lui-même est le seul numéro permettant d'identifier l'arme à feu. Il remplace de ce fait le modèle ou la marque.

M. Wappel: Je vais à la poste et je prends un formulaire. Supposons un instant que je le remplisse de façon parfaite, y compris le code postal. Je l'envois. Puis-je alors demander comment ces renseignements sont entrés dans ce nouveau fichier d'armes à feu? Utilise-t-on mon nom?

S.-comm. Bergman: Oui, on utiliserait votre nom.

M. Wappel: Le nom se trouverait-il dans le même fichier que tous les autres éléments d'identification?

S.-comm. Bergman: Le fichier inclurait votre nom et votre adresse et probablement votre code postal ainsi que la description de l'arme à feu... marque, modèle, numéro de série, calibre.

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M. Wappel: Est-ce que tout cela se trouverait dans la même base de données?

S.-comm. Bergman: Ce serait dans le registre canadien des armes à feu.

M. Wappel: J'avais l'impression, mais je n'étais pas là et je peux me tromper, que notre ministre de la Justice avait dit que le nom des propriétaires d'armes à feu ne seraient pas entrés dans la même base de données mais qu'il y aurait des numéros de renvoi. Qu'en est-il?

S.-comm. Bergman: Je ne puis vous répondre de façon précise mais je crois que ce serait dans la même base de données et qu'évidemment le nom ne pourrait être obtenu que par le CIPC. Le simple citoyen, même un marchand, ne pourrait pas obtenir votre nom à partir de ce système à moins qu'il détienne une carte et un numéro d'identification personnel.

Si vous transfériez une arme à feu d'une personne à une autre...

M. Wappel: Disons que j'ai procédé à cet enregistrement et que tout se trouve dans le registre des armes à feu. La police reçoit un appel à propos de violence familiale à mon adresse. Comment obtient-elle les renseignements qui se trouvent dans le registre des armes à feu en se rendant vers chez moi?

S.-comm. Bergman: Grâce à votre adresse. On tape votre adresse à l'ordinateur. Cela va au CIPC.

M. Wappel: Où, dans un véhicule?

S.-comm. Bergman: Ça peut être dans un véhicule ou dans un bureau par l'intermédiaire du terminal du CIPC. Cela passe ensuite par le CIPC pour arriver au registre des armes à feu. C'est d'ailleurs déjà ce que nous faisons pour les armes à autorisation restreinte.

M. Wappel: Combien de temps cela peut-il prendre?

Insp. Buisson: Quelques secondes, cinq ou six.

M. Wappel: Comment ce renseignement est-il communiqué, sur les ondes?

S.-comm. Bergman: Non, c'est communiqué partout au pays par fil.

M. Wappel: Comment cela arrive-t-il aux véhicules?

S.-comm. Bergman: Cela est finalement transmis électroniquement aux véhicules. À l'heure actuelle, c'est renvoyé aux véhicules par ondes, dans la plupart des véhicules de la GRC.

M. Wappel: Vous avez parlé des ondes et de ce que vous faisiez à ce sujet.

S.-comm. Bergman: En fin de compte, évidemment, ces systèmes de communication seront numériques et les informations seront chiffrées. Cela va venir.

[Français]

Le président: Maintenant, monsieur de Savoye.

M. de Savoye: Tantôt, nous avons terminé sur votre énoncé à l'effet qu'il y avait lieu, de la part du policier impliqué, de faire preuve de discernement. Vous pensiez que ce serait probablement une façon de faire.

J'aimerais vous demander de nous parler de votre expérience sur le terrain en nous donnant des exemples. Je n'ai pas l'expertise que vous avez, je ne fais pas votre métier. Dans quelles circonstances serait-il souhaitable de poursuivre au criminel quelqu'un qui n'aurait pas enregistré son arme? Quelle serait la proportion parmi les gens qui n'enregistrent pas leurs armes? Est-ce que votre expérience dans ce domaine peut nous éclairer?

[Traduction]

S.-comm. Bergman: Ce serait pure spéculation d'avancer un pourcentage au sujet du nombre de personnes qui décidera de ne pas enregistrer les armes à feu qu'elles possèdent. Je ne puis vraiment le faire. J'ai toutefois l'impression que la grande majorité des citoyens se pliera à cet exercice et fera enregistrer ses armes.

Quant aux types de personnes que je ne serais pas porté à trainer au criminel, un bon exemple serait un vieux couple vivant à la campagne, ayant de la difficulté à lire, n'écoutant pas souvent la radio, ou quelque chose de ce genre. Ils pourraient ne pas comprendre qu'ils doivent enregistrer leurs armes. Dans ce cas paraticulier il semblerait naturel qu'un agent de police prenne la peine de leur expliquer la loi.

Il y a certainement beaucoup d'autres exemples mais c'est dans ce genre de situation, où il n'y a aucunement l'intention de mal faire, que le fait de ne pas faire enregistrer ses armes me semble tout à fait exusable. Contrairement à quelqu'un qui déclare qu'il est tout à fait contre cette loi et qu'il n'est pas question qu'il fasse enregistrer ses armes.

M. de Savoye: Dans ce dernier cas, vous estimez alors qu'on devrait lui intenter un procès?

S.-comm. Bergman: Dans ce cas particulier, il est évident qu'il ne va pas se conformer à la loi et j'estime qu'il faudrait alors appliquer le Code criminel.

M. de Savoye: Puisque votre métier est de faire appliquer la loi, vous connaissez les criminels beaucoup mieux que moi. Vous en rencontrez probablement beaucoup plus que moi. Je ne rencontre que des gens comme vous et dans des endroits comme celui-ci.

.1705

À votre avis, lorsque quelqu'un conduit une voiture sans permis de conduire, évidemment, il ne respecte pas la loi. Il commet une infraction mais ce n'est pas une infraction criminelle. Si la même personne refuse de faire enregistrer une arme à feu, elle est à votre avis plus dangereuse pour la société que si elle conduit une voiture sans permis de conduire? Si oui, pourquoi?

S.-comm. Bergman: Prenons l'exemple de quelqu'un dont le permis de conduire est arrivé à expiration et qui n'a pas pris la peine de le faire renouveler. Certains agents de police l'inculperait immédiatement. D'autres, peut-être dans une petite localité, ou parce qu'ils connaissent les gens, pourraient leur dire d'aller faire renouveler leur permis. Je ne vise certainement pas ici déclarer que tous les agents de police dans ce cas l'inculperaient. C'est un peu laissé à leur jugement et c'est à eux de décider.

M. de Savoye: En cas d'inculpation, est-ce au criminel?

S.-comm. Bergman: C'est provincial, si bien que la personne ne se retrouverait pas par exemple avec un casier judiciaire.

M. de Savoye: Ma question est donc de savoir pourquoi cette même personne représente une plus grande menace pour la société quand elle ne fait pas enregistrer son arme à feu; pourquoi cet acte est-il jugé criminel?

S.-comm. Bergman: Je dis qu'il y a là une intention. C'est donc essentiellement une question d'intention. Si quelqu'un a l'intention d'enfreindre la loi et le fait donc intentionnellement j'estime que l'agent de police doit l'inculper. Si c'est fait par accident et s'il est évident que la personne n'avait pas l'intention et que cette faute n'a pas causé de problème ni blessé quelqu'un, je dirais que l'agent de police pourrait penser que la meilleure façon de régler le problème est de demander à l'intéressé d'aller faire immédiatement enregistrer son arme à feu ou renouveler sa licence.

M. de Savoye: C'est l'intention qui fait que cette personne devient une menace pour la société.

S.-comm. Bergman: Si c'est intentionnel, c'est parce que cette personne n'a aucunement l'intention de respecter la loi. Autrement dit, elle va continuer à contrevenir à la loi, ce qui signifie qu'il va finir par falloir faire appliquer la loi. Si par contre l'individu n'a pas l'intention d'enfreindre la loi et qu'on lui rappelle les termes de cette loi, je pense qu'il finira par la respecter.

M. de Savoye: J'aimerais poursuivre un peu là-dessus. Vous avez dit que c'est à la discrétion et au discernement de l'agent que l'on engage ou non une poursuite. Évidemment, les agents sont des hommes et des femmes qui ont leurs qualités et quelquefois des défauts et, dans certaines circonstances, ils peuvent, surtout s'ils connaissent les gens, en avoir qu'ils aiment bien et d'autres qu'ils n'apprécient pas. Je ne veux pas dire que cela se produira mais pourraient-ils être tentés de se montrer un peu plus stricts avec ceux qu'ils n'apprécient pas qu'avec ceux qu'ils aiment bien? Dans ce cas, qu'arrive-t-il?

S.-comm. Bergman: Je suppose que vous pourriez probablement dire que cela se fait déjà partout au pays. Les agents de police se font des amis et prennent des décisions et s'ils traitent les gens de façon inéquitable, ils ont tort. C'est aussi simple que cela. Ils ne s'acquittent pas de leur tâche. S'ils n'accordent pas le même traitement et ne font pas preuve d'autant de compréhension vis-à-vis de tous, c'est mal. Mais cela dépend des agents de police en question.

M. de Savoye: L'erreur est humaine.

S.-comm. Bergman: En effet.

M. de Savoye: Essentiellement, vous me dites là que nous pouvons compter sur les agents de police pour faire preuve d'un certain discernement. Par contre, ne serait-il pas préférable de mettre directement dans la loi quelles sont les exceptions aux inculpations criminelles?

S.-comm. Bergman: Si on pouvait les définir avec précision. Il va falloir que je réfléchisse à cela parce que je crois qu'à l'heure actuelle j'aurais du mal à décrire exactement toutes les situations que nous allons rencontrer. Nous payons les agents de la paix pour faire preuve de discernement.

.1710

Mme Barnes (London-Ouest): Bienvenue. Je vous remercie d'être venu aujourd'hui. On vous respecte à titre d'agent de police de notre gouvernement, d'un océan à l'autre au Canada, et je voulais vous demander si, à votre avis, il y a quelque raison que ce soit de ne pas faire appliquer cette législation sur les armes à feu dans une province ou un territoire quelconque, si toutefois elle devait être adoptée.

S.-comm. Bergman: Non, je crois qu'elle devrait être appliquée partout au pays.

Mme Barnes: Merci. Je vais maintenant passer à un autre sujet, celui des armes antiques et des souvenirs de famille; c'est une autre question et le ministre a demandé à ce comité d'approfondir lui-même pour tenter de tirer certaines conclusions.

Essentiellement, les antiquités ne feraient plus partie des catégories d'armes autorisées en vertu de la Loi sur les armes à feu qui est proposée, et il resterait, dans la catégorie des armes à feu prohibées ce que les gens appellent communément des sourvenirs de famille. Si les choses restaient telles qu'elles sont actuellement, les héritiers auraient la possibilité de vendre ces armes à un acheteur habilité. La question à laquelle nous devons réfléchir c'est la possibilité que les propriétaires veuilles léguer ces armes aux membres de leur famille à titre de relique ou de souvenir. J'ai un certain nombre de questions à vous poser à ce propos.

Je ne sais pas quoi en penser. D'un côté, je peux voir en quoi la chose se justifie mais par ailleurs, on me dit que l'arme avec laquelle Tudd Baylis a été tué était un trophée de la Seconde Guerre mondiale volé à une veuve pour qui c'était un souvenir de famille de grande valeur.

Tout d'abord, savez-vous combien il y a d'armes de ce type au Canada à l'heure actuelle?

Insp. Buisson: Je n'ai pas de données statistiques sur les antiquités et les souvenirs de famille car pour la plupart, ces armes n'ont pas été identifiées comme telles dans le système d'enregistrement avant le début des années 1980, date à laquelle nous avons commencé à informatiser le système Cardex dont nous nous servions à l'époque. Bien des raisons pour lesquelles les armes à autorisation restreinte... et je parle seulement des armes à autorisation restreinte; je ne parle pas des armes d'épaule, car nous n'avons aucune idée de leur nombre. Pour ce qui est des armes à autorisation restreinte, nous ne pouvons pas vous donner ce renseignement car dans le système en place à l'époque, on n'indiquait pas la raison pour laquelle une arme à feu était enregistrée. Cela ne faisait pas partie des exigences du système légal en place il y a 60 ans.

Dans le nouveau système que l'on est en train d'élaborer - le système d'enregistrement des armes à autorisation restreinte - il faudra donner la raison pour laquelle une arme à feu est enregistrée ou inscrite.

Mme Barnes: Pensez-vous que certaines armes à feu sont tout simplement dangereuses en soi et que, quelle que soit la valeur qu'on y attache, elles devraient être prohibées?

Comm. adj. L'Abbé: Oui et je vais vous dire pourquoi. J'ai été instructeur de tir pendant quatre ans avant de monter en grade à la GRC et le travail de policier n'a pas de secret pour moi. Il existe des armes à feu qui ne sont vraiment que cela. Ce que je veux dire par là qu'elles n'ont d'autres fonctions que de tuer. Il y a des armes à feu automatiques et semi-automatiques qui ont été utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale et que certains diront vouloir garder comme souvenir de famille. Eh bien, certaines de ces armes fonctionnent encore très bien. Il y en a qui ne sont pas enregistrées parce qu'elles sont sans doute quelque part au fond d'une malle. Si on les volait, elles pourraient encore servir.

Ayant été instructeur de tir et étant moi-même tireur de compétition... Ces armes n'ont aucune valeur pour un tireur sur cible. Elles peuvent avoir une certaine valeur lorsqu'on en fait collection, mais c'est à peu près tout. Ce sont des armes capables de tirer un grand nombre de projectiles par seconde et elles deviennent ainsi extrêmement dangereuses.

Pour répondre à votre question, oui, on devrait prohiber certaines de ces armes et les enlever du marché ou encore les neutraliser de façon à ce que l'on ne puisse jamais s'en servir contre quelqu'un.

Mme Barnes: Si on les neutralisait ou si on les désactivait, elles ne seraient plus visées par la Loi sur les armes à feu ni le Code criminel et nous n'aurions plus de problème. Exact?

Comm. adj. L'Abbé: Il faudrait que je demande à mon collègue qui est expert en la matière, mais une fois neutralisée, on ne pourrait jamais plus s'en servir comme arme à feu. Autrement dit, elle ne pourrait plus jamais remplir leur fonction première, c'est-à-dire lancer des projectiles.

M. Smith: Faire désactiver une arme est une possilité dans les circonstances que vous évoquez, c'est-à-dire lorsque quelqu'un souhaite transmettre à ses héritiers un souvenir de famille qui appartient actuellement à la catégorie des arme à autorisation restreinte faisant l'objet de droits acquis. Certains propriétaires trouveraient cette solution acceptable, d'autres non.

.1715

Mme Barnes: Quelle définition pourrions-nous apporter si nous envisagions cette possibilité? La notion de famille s'étendrait à qui?

Est-ce que ce genre de souvenir de famille devient plus dangereux en soi lorsqu'il passe entre les mains de la troisième génération, ou même de la deuxième? À mon avis, la plupart des armes sont des instruments plutôt dangereux lorsqu'on les entretient comme il faut. Dans le cas d'un souvenir de famille, c'est quelque chose dont on ne se servira sans doute pas et qui ne sera probablement pas aussi bien entretenu qu'une antiquité ou une mécanique bien huilée.

M. Smith: L'âge d'une arme à feu n'a pas grand-chose à voir avec la façon dont elle fonctionne sur une période de 100 ans. Il y a de nombreux tireurs au Canada qui utilisent des armes à feu vieilles de plus de 100 ans qui fonctionnent exactement de la même manière aujourd'hui que dans le temps.

Les armes à feu qui ont été fabriquées plus récemment, par exemple celles de la Deuxième Guerre mondiale dont parlait mon collègue, sont les produits d'une industrie métallurgique et de procédés de fabrication beaucoup plus modernes. Il n'y a aucune raison de penser qu'elles ne fonctionneraient pas parfaitement dans cent ans, pourvu qu'elles aient été entreposées dans des conditions relativement bonnes et que l'on n'en ait pas fait un mauvais usage.

Le président: Monsieur Ramsay ou monsieur Thompson.

M. Harper (Calgary-Ouest): Monsieur le président.

Le président: Excusez-moi, mais vous n'êtes pas membre du comité.

M. Harper: J'en faisais partie ce matin.

Le président: C'était le cas ce matin, mais pas cet après-midi.

M. Harper: On ne m'a pas inscrit... d'accord.

Le président: D'après notre Règlement, s'il y a consentement unanime, vous pouvez poser des questions à la fin de la séance, mais il y a trois membres du comité qui sont encore sur ma liste.

M. Thompson: Je veux juste poser une brève question. Un grand nombre des messages que je reçois de pêcheurs et de chasseurs qui sont probablement les gens qui utilisent le plus de fusils de chasse indiquent, selon toute apparence, qu'ils sont tout à fait contre cette législation. Leur avez-vous parlé et qu'ont-ils à dire?

S.-comm. Bergman: Je ne leur ai pas du tout parlé. Je n'ai reçu aucun commentaire de ce groupe.

M. Thompson: En ce qui concerne la contrebande, vous avez dû saisir toutes sortes d'armes de poing, armes d'assaut, armes d'épaule et fusils de chasse. Est-ce qu'il y a en fait parmi les armes de contrebande un grand nombre d'armes d'épaule, de carabines et de fusils de chasse, ou est-ce plutôt des armes de poing?

Insp. Buisson: Il est très difficile de déterminer le type d'armes et le nombre.

M. Thompson: Quelles sont les armes que l'on retrouve en plus grand nombre?

Insp. Buisson: Les contrebandiers s'intéressent surtout aux armes de poing car on peut passer la frontière sans problème avec la plupart des fusils de chasse. C'est surtout une question d'argent par opposition à la possibilité de faire entrer en douce une arme qui sera utilisée pour commettre un acte criminel, ce qui est le cas des armes à autorisation restreinte.

Je présume que ce qui intéresse les contrebandiers ce sont les armes que l'on peut facilement dissimuler, pas nécessairement celles que l'on utilise pour le tir sur cible, mais celles qu'il est facile de faire passer en douce, par exemple, celles de la catégorie des armes à autorisation restreinte et les armes de poing.

M. Ramsay: Le système d'enregistrement des armes de poing fonctionne depuis 60 ans. Combien de fois ce système a-t-il permis de retracer le propriétaire d'une arme de poing utilisée pour commettre un homicide ou un vol qualifié?

Insp. Buisson: Je n'ai pas de chiffres exacts, mais c'est vrai que nous retraçons les propriétaires de certaine armes de poing. Lorsque le gendarme Baylis a été tué à Toronto, nous avons découvert que l'arme à feu utilisée avait été volée. L'arme en question était enregistrée dans notre système et nous avons pu retracer son propriétaire et donner le renseignement à la police de la région métropolitaine de Toronto.

M. Ramsay: Même si vous n'avez pas ce renseignement aujourd'hui, pourriez-vous indiquer au comité combien de fois un système d'enregistrement des armes de poing a permis de retracer le propriétaire d'une arme de poing utilisée pour commetttre un homicide, un vol qualifié ou tout autre acte criminel?

Insp. Buisson: J'ai noté, monsieur.

S.-comm. Bergman: Nous vous fournirons le renseignement, monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Merci.

Le président: Lorsque vous nous enverrez cette information, assurez-vous de la transmettre par l'intermédiaire du greffier afin qu'elle ne soit distribuée à tous.

S.-comm. Bergman: Nous y veillerons.

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M. Ramsay: Le ministre a signalé l'utilité de cette information dans le cas de plaintes relatives à des actes de violence familiale. Cela donnerait à la police un moyen de déterminer s'il existe une arme à feu dans le foyer en question.

Est-il fréquent que les policiers sur le terrain vérifient si les propriétaires de la résidence où ils doivent se rendre suite à une plainte relative à un acte de violence familiale possèdent une arme de poing enregistrée?

S.-comm. Bergman: Peut-être devriez-vous citer des statistiques là-dessus.

Insp. Buisson: Si l'on prend seulement le mois de mars, il y a eu 7 918 demandes transmises par le biais du CIPC afin de vérifier si certaines personnes possédaient des armes à feu enregistrées dans notre système, et 9 081 demandes concernant les armes à feu en général, c'est-à-dire un total d'environ 17 000 demandes transmises au CIPC.

M. Ramsay: Parmi toutes ces demandes, combien y avait-il du type que j'ai mentionné? Je veux dire qu'il y avait eu une plainte suite à un incident de violence familiale et les policiers essayaient de déterminer par le biais du CIPC s'il existait dans le foyer en question une arme de poing enregistrée.

Insp. Buisson: Malheureusement, monsieur, ces données ne sont pas disponibles. Le CIPC permet d'obtenir des renseignements mais la raison pour laquelle une demande est transmise n'est pas nécessairement enregistrée dans le système dans tous les cas.

M. Ramsay: Vous n'avez pas cette information?

Insp. Buisson: Non, je n'ai pas cette information. Mais pour ce qui est de retracer les propriétaires, oui, je l'ai. Ce que je pourrais sans doute vous fournir, monsieur, ce sont des renseignements sur les recherches qui ont abouti, parce que cela est fait manuellement. Les demandes d'ordre général ne donnent pas lieu à ces recherches.

Le président: Vous avez la réponse à cette question.

Il nous reste dix minutes avant que le cloche ne sonne pour nous avertir d'aller voter. Il reste trois membres du comité qui n'ont pas posé de questions. J'aimerais partager le temps qu'il nous reste entre eux.

Je donne tout d'abord la parole à M. MacLellan, puis ce sera le tour de Mme Torsney et enfin, mon tour.

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Monsieur le président, j'ai une seule question.

Comme vous le savez, messieurs, les collectionneurs peuvent vendre les armes à feu prohibées qu'ils possèdent à quelqu'un d'autre ayant des armes à feu de la même catégorie. Il y a une question que je me pose et je veux juste avoir certaines informations à ce propos.

Un grand nombre de collectionneurs sont également négociants, et ils le sont devenus non parce qu'ils voulaient ouvrir une boutique mais parce qu'ils participent fréquemment à des salons d'armes à feu. Il était beaucoup plus facile d'obtenir un permis de transport d'arme à titre de négociant, alors qu'à titre de collectionneur, il fallait en demander un à chaque fois. Cela dit, je pense que maintenant, à titre de négociant, ils ne peuvent plus vendre ces armes à feu prohibées à quelqu'un d'autre qui appartient à la même catégorie. Est-ce que cela pose un problème?

Insp. Buisson: Il est exact qu'en vertu des dispositions législatives proposées, les négociants ne peuvent pas vendre d'armes à feu à moins que celles-ci ne soient enregistrées en leur nom personnel, et non sous celui de leur entreprise. Cela veut dire que si une personne a des droits acquis qui s'appliquent à des armes à autorisation restreinte, elle peut les vendre à condition que ces droits lui soient acquis personnellement et que ce soit elle, et non son entreprise, qui possède les armes en question. S'il s'agit d'armes qui sont tout simplement inscrites, il n'est pas nécessaire, dans le cadre des mesures législatives proposées, d'obtenir un permis de transport. Toutefois, en ce qui concerne la SAEAF, nous procédons comme nous l'avons fait jusqu'ici. Nous continuons à traiter ces transactions en attendant que la loi soit approuvée et mise en vigueur.

M. MacLellan: Quand vous parlez de transactions, vous voulez dire le transfert d'armes à feu vendues par un collectionneur à un autre qui en possède de la même catégorie?

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Insp. Buisson: Oui monsieur, c'est exact, car il n'y a rien dans la loi en vigueur actuellement qui nous empêche de faire...

M. MacLellan: Non, bien sûr. À mon avis, il ne serait pas juste de procéder autrement. Mais il y a quand même une distinction, car il y a deux types de négociants. Il y a le collectionneur qui est aussi négociant parce qu'il participe à des salons d'armes à feu et il y a la personne qui a tout simplement un commerce. Je pense qu'il y a là une différence subtile.

S.-comm. Bergman: Dans ce cas, ne pourrait-on pas partir du principe qu'avant l'adoption de la loi, une personne qui se retrouve dans cette situation a la possibilité de racheter les armes enregistrées au nom de son entreprise?

M. MacLellan: Si, c'est tout à fait possible.

S.-comm. Bergman: Si c'est ce qui se passe actuellement, c'est que c'est possible.

M. MacLellan: Oui, à mon avis, sur le plan personnel, il n'y a pas de problème, mais certaines des personnes concernées peuvent fort bien s'être constituées en société. Je ne sais pas. C'est un bon renseignement. C'est très utile. Merci.

Mme Torsney (Burlington): Une des choses qui me préoccupent vraiment, c'est tout ce qui touche à la contrebande. Il me semble que le système d'enregistrement va un peu améliorer les choses parce que cela va vous donner les moyens de mettre les gens en garde à vue en attendant que vous ayez déterminé si, oui ou non, ils sont autorisés à avoir des armes à feu en leur possession.

Il est certain que nous devons collaborer avec les Américains pour contrôler la circulation transfrontalière des armes à feu. Voyez par exemple l'article qui est paru le 21 janvier dans le Toronto Star et qui portait sur les ventes par correspondance, et les gens qui expédient des armes à feu du Canada. Comment allons-nous régler ce problème? Y a-t-il des pourparlers à ce sujet entre vous et vos homologues américains? L'ALÉNA nous assure-t-il le soutien des Mexicains pour lutter contre ces réseaux de contrebande nord-américains?

S.-comm. Bergman: Nous sommes régulièrement en relation avec le Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms. De fait, un des employés de cet organisme a été détaché et travaille actuellement dans les bureaux de notre administration centrale, ici à Ottawa. Il y a beaucoup de collaboration d'un côté de la frontière à l'autre, particulièrement pour ce qui est d'échanger les informations. Nous espérons... de fait, nous envisageons remanier le système CIPC afin d'assurer qu'il est compatible avec le système MCIC américain, qui nous permet d'échanger régulièrement des informations, y compris des renseignements sur les armes à feu.

Au fur et à mesure que nous modernisons nos systèmes, que ce soient le CIPC ou le NCIC, et lorsque le système d'enregistrement des armes à feu sera utilisé à la frontière et que nous pourrons centraliser ces informations, je pense que nous aurons la possibilité de transmettre des renseignements de façon plus efficace à l'échelle nationale et de part et d'autre de la frontière. Les Américains sont tout à fait disposés à collaborer, mais le système qui permet par exemple d'obtenir des informations sur les armes à feu auprès du BATF américain est très lent. Ce système n'est pas informatisé et les recherches prennent parfois jusqu'à six semaines.

Mme Torsney: Il n'y a donc rien dans l'ALÉNA à ce propos et il n'y a pas non plus de groupe de travail canado-américain qui s'en occupe?

Insp. Buisson: L'on examine actuellement la possibilité de passer des accords qui faciliteraient la lutte contre la contrebande ou le trafic d'armes à feu. À partir du moment où c'est d'un côté de la frontière à l'autre, c'est de la contrebande. Ce sont des possibilités qui sont à l'étude, mais il y a des signes encourageants et les Américains à qui nous avons parlé jusqu'ici ont très bien accueilli nos initiatives.

Le président: Un point pour conclure cette audience: hier, M. Rock nous a transmis ce document intitulé «Cadre financier du projet de loi C-68», où l'on essaie de chiffrer l'instauration de ces nouveaux systèmes d'enregistrement et de permis, et où l'on trouve une évaluation de ce qu'il en coûterait pour combiner l'ancien système d'enregistrement et le nouveau, ou pour le remplacer. Je veux simplement savoir si l'évaluation de ces coûts a été faite suite à d'étroites consultations entre le ministre et vous, étant donné que c'est vous qui allez être chargé d'appliquer le système d'enregistrement.

S.-comm. Bergman: Oui, nous avons été consultés, monsieur le président. Une partie de ces coûts, évaluée à l'heure actuelle à environ 4,1 millions de dollars, peuvent être imputés au système d'imagerie des armes à feu dont j'ai parlé, au soutien financier du personnel de notre laboratoire médico-légal qui participera au projet et à l'établissement d'un interface entre réseaux. Mais la grande majorité des fonds est réservée à l'élaboration du système informatique qui devront au bout du compte s'intégrer au macro ordinateur situé dans le bâtiment de l'administration centrale.

Il y a donc un groupe chargé des applications qui rassemble des représentants des deux organismes. Nous sommes au courant du budget et nous pensons qu'en collaborant étroitement, nous pourrons fournir un système dont le coût correspondra aux fonds qui ont été alloués.

Le président: Par ailleurs, pour ce qui est des prévisions concernant les revenus, je voulais savoir si vous avez collaboré avec le bureau du ministre à l'élaboration du document.

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S.-comm. Bergman: Oui monsieur.

Le président: Mon autre question est la suivante: on se préoccupe beaucoup de la constitution de réserve d'armes. Les armes de poing et autres armes à autorisation restreinte sont enregistrées depuis 1934. J'aimerais savoir ce que fait actuellement la police lorsqu'elle se rend compte qu'un individu fait l'acquisition d'un nombre impressionnant d'armes à autorisation restreinte? Y a-t-il un moment où la police décide d'enquêter d'un peu plus près pour voir s'il ne s'agit pas d'une personne un peu déséquilibrée ou d'un terroriste ou d'un criminel en puissance? Autrement dit, si les choses commencent à paraître bizarre et si quelqu'un achète 50, 60 ou 100 armes, est-ce que cela met la puce à l'oreille à la police? Va-t-on voir les choses d'un peu plus près?

Hier, le ministre a déclaré que l'enregistrement des fusils de chasse permettrait de déceler l'existence d'une quantité anormale d'armes et de détecter la présence de factions para-militaires ou d'individus qui sont simplement un peu déséquilibrés et qui pourraient utiliser les armes à des fins funestes.

S.-comm. Bergman: Monsieur le président, il est certain que cela nous met la puce à l'oreille. De fait, il y a moins de deux mois, nous sommes intervenus à Kingston où résidait quelqu'un qui importait des pièces entrant dans la composition d'armes à autorisation restreinte, qui les assemblait et qui les vendait. Nous contrôlons donc de très près l'accumulation d'armes. Les informations que nous recueillons sont transmises au service chargé de faire appliquer la loi et nous assurons un suivi. Cela fait partie de la routine.

Le président: Si toutes les armes étaient enregistrées, cela faciliterait encore plus les choses?

S.-comm. Bergman: Oui monsieur.

Mme Phinney: Monsieur le président, j'aimerais simplement...

Le président: La cloche sonne.

Mme Phinney: Oui, je sais. Nous avons encore quinze minutes.

Quelqu'un d'autre a suggéré que nous fassions revenir ces messieurs - et y a-t-il aussi des dames? À la fin des quatre semaines d'audience car nous aurons encore bien d'autres question, et étant donné qu'ils sont chargés de faire appliquer la loi, nous pourrions avoir plus de...

Le président: Il y a une réunion du comité de direction jeudi. M. Ramsay sera là. Nous allons précisément parler de cela et nous ferons ensuite rapport au comité plénier. Il y a beaucoup d'autres témoins que nous devons aussi entendre.

Mme Phinney: Oui, mais j'ai pensé que c'était eux les spécialistes et que peut-être ils pourraient ...

Le président: Nous nous réunirons à nouveau demain. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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