[Enregistrement électronique]
Le mercredi 3 mai 1995
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Nous allons poursuivre l'examen du projet de loi C-68, loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.
Cet après-midi, nous accueillons l'Association canadienne des chefs de police, représentée par le chef Brian Ford, par Vince Westwick, conseiller principal ainsi que par M. P. Sangollo. Nous accueillons également l'Association canadienne des policiers représentée par Neal Jessop, président et par Scott Newark, directeur exécutif.
Nous procéderons de la façon habituelle. Je vais demander aux représentants des deux associations de police de commencer en faisant leur exposé à tour de rôle, dans l'ordre indiqué dans l'avis, les chefs de police d'abord, suivis par l'Association canadienne des policiers. Ensuite, nous passerons à la traditionnelle séance des questions.
[Français]
Le chef Brian Ford (Service régional de la police d'Ottawa-Carleton, Association canadienne des chefs de police): Monsieur le président, distingués membres du Comité permanent de la justice et des questions juridiques, permettez-moi de vous présenter les membres de notre délégation. Je suis accompagné de Pierre Sangollo, directeur adjoint du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et membre de l'Association canadienne des chefs de police, et de Me Vincent Westwick, conseiller juridique de la police régionale d'Ottawa-Carleton et conseiller au comité des modifications aux lois de l'Association canadienne des chefs de police. Moi-même, Brian Ford, je suis directeur du service régional de police d'Ottawa-Carleton et président du comité des modifications aux lois de l'Association canadienne des chefs de police.
C'est avec plaisir que l'Association canadienne des chefs de police se présente aujourd'hui devant ce comité pour vous soumettre sa position et ses recommandations sur le projet de loi C-68.
Quoique controversé, nous croyons que c'est un projet de loi important, même fondamental pour que les Canadiennes et Canadiens se sentent en sécurité. En effet, s'il y a une préoccupation qui va au-delà du désaccord partisan et du débat académique, c'est le désir d'habiter un pays où la vie se poursuit en sécurité, sans crainte quotidienne d'éléments criminels. Ce projet de loi vient en aide à la réalisation d'un tel objectif. Si vous me le permettez, j'aimerais élaborer en anglais.
[Traduction]
L'ACCP est en faveur de ce projet de loi et de son adoption rapide. Le projet de loi C-68 est une mesure législative fort importante qui permettra d'améliorer l'application de la loi, de réduire le nombre de blessés et de tués par armes à feu et de mieux sensibiliser la population à l'usage des armes à feu. Les policiers ont besoin d'une telle mesure.
Le registre national bénéficiera à la société en général et permettra d'améliorer la sécurité des agents. Dois-je vous rappeler qu'au cours des six dernières semaines, nou avons connu deux incidents ici, à Ottawa. Au cours du premier, deux agents ont essuyé des coups de feu lors du braquage manqué d'une banque et, dans le second cas, des policiers ont été accueillis par des coups de feu à leur arrivée sur la scène d'une tentative de vol.
Je me propose de commencer par vous parler un peu des résultats préliminaires d'une étude conduite en 1994 auprès de 10 services de police au Canada. Ces résultats confirment ce que les chefs de police maintiennent depuis toujours, à savoir que le vol et la mauvaise utilisation d'armes à feu légalement acquises constitue un problème de taille.
Dans 10 localités, la police a récupéré 8 879 armes à feu. Cinquante et un pour cent d'entre elles ont servi à commettre des crimes spécifiques 24,6 p. 100 ont été «trouvées» et 24,8 p. 100 ont été récupérées dans d'autres circonstances, comme à la suite de suicides ou d'accidents. Les armes d'épaule représentent 47 p. 100 des armes à feu utilisées pour commettre des crimes et 21 p. 100 des armes «récupérées» étaient des armes à autorisation restreinte. Les armes prohibées ne représentent qu'un faible pourcentage (4 p. 100) des armes utilisées pour commettre un crime. En plus des armes à feu véritables, on a récupéré un grand nombre de répliques d'armes (28 p. 100) ayant également servi à commettre des crimes.
Ce matin encore, le service de police de la ville de Calgary, qui ne rentrait pas dans l'étude effectuée par la ministère de la Justice, m'a fait part de données qui confirment ces résultats.
En 1989, 129 carabines et fusils de chasse ont été volés, contre 31 armes de poing seulement. En 1993, ces chiffres avaient considérablement augmenté puisqu'ils passaient à 214 pour les carabines et les fusils de chasse et à 137 pour les armes de poing. En 1994, le nombre de vols commis contre des commerces de la ville à l'aide de carabines et de fusils de chasse a presque doublé par rapport à l'année précédente, pour passer de 35 en 1993 à 58 cette année-là. Dans la même veine, en 1993, il y a eu cinq attaques à main armée, conduite par des individus porteurs de carabines ou de fusils de chasse, contre des établissements financiers, et ce nombre est passé à 15 en 1994.
Il y a certes des différences d'une communauté à une autre, et même si toutes les données n'ont pas encore été dépouillées, la position de l'Association canadienne des chefs de police relativement à cette mesure législative se trouve confrontée par ce que nous estimons être des faits criants.
Il faut resserrer les restrictions et accroître la responsabilité des propriétaires légitimes d'armes à feu pour bien protéger nos communautés. Il faut mettre sur pied un système d'enregistrement efficace et assurer le respect des règles. Il faut adopter des mesures pour enrayer la contrebande et le commerce illégal d'armes à feu. Il faut imposer des peines plus sévères pour décourager la mauvaise utilisation des armes à feu.
Le projet de loi constitue une mesure préventive. Dans le milieu de la police, nous estimons qu'une véritable prévention s'impose. Mais, comme nous le précisons dans notre mémoire, comme chaque fois qu'il est question de mesures préventives, il est difficile d'évaluer le succès réel de l'entreprise. C'est donc le temps qui déterminera si cette mesure a donné de bons résultats: où serons-nous dans 20 ans d'ici; voulons-nous qu'il y ait 50 000 armes de plus chaque année?
Rares sont les mesures législatives qui, au cours des dernières années, auront suscité autant de controverse que le projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Nous avons longuement débattu de la question, notamment au sein de notre corporation professionnelle, et ce comité a été le témoin de tout un débat et de toute une controverse publique essentiellement axée sur les aspects à propos desquels les Canadiens sont en désaccord.
Mais à l'heure où vous débatterez de ce projet de loi, nous vous invitons à vous arrêter surtout aux points sur lesquels il y a entente. Nous vous invitons à recommander au gouvernement de proposer l'adoption de ce projet de loi sans y apporter de modification, sans en modifier l'approche et sans lui en retirer ni la structure ni le mordant. Les chefs de police de toutes les villes au Canada réclament et ont besoin de cette mesure législative.
[Français]
Maintenant, M. Sangollo, directeur adjoint du SPCUM, a quelques autres commentaires à faire.
M. Pierre Sangollo (directeur adjoint, Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et membre de l'Association canadienne des chefs de police): Merci, monsieur Ford.
Monsieur le président et distingués membres du Comité, je suis directeur adjoint au Service de police de la Communauté urbaine de Montréal. Je suis parmi vous aujourd'hui à titre de représentant du vice-président de l'Association canadienne des chefs de police et du directeur du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, M. Jacques Duchesneau, et de tout le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal.
Les 4 600 policiers et policières que je représente aujourd'hui désirent exprimer, sans équivoque, leur engagement relativement à ce projet de loi sur le contrôle des armes à feu.
Permettez-moi de vous présenter tout d'abord un bref aperçu de l'Association canadienne des chefs de police. L'Association canadienne des chefs de police existe depuis 1905. Elle compte aujourd'hui environ 800 membres qui sont soit directeurs, directeurs adjoints ou cadres supérieurs des services de police.
De plus, l'ACCP regroupe, à titre de membres associés, les représentants de la sécurité gouvernementale, de la prévention du crime, du milieu universitaire et même juridique.
Nos membres oeuvrent à travers tout le Canada au sein de la Gendarmerie royale du Canada, dans les services de police provinciaux, telles la Police provinciale de l'Ontario et la Sûreté du Québec, mais aussi municipaux. En somme, l'ACCP représente plus de 90 p. 100 de la profession policière.
L'ACCP a mis sur pied 15 comités opérationnels. À titre d'exemple, il y a le comité d'amendements aux lois, dont M. Ford est le président, le comité national sur l'abus des drogues et le comité national sur le crime organisé auxquels je siège moi-même.
L'ACCP s'est donnée comme principaux objectifs l'amélioration de l'efficacité policière et, de façon fondamentale, l'amélioration de la sécurité des Canadiens et des Canadiennes.
Aujourd'hui, le projet de loi dont nous débattons revêt une importance capitale pour toute notre association et les membres qu'elle représente.
Monsieur le président, distingués députés, nous sommes maintenant disposés à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président: M. Ford, cela met-il un terme à l'exposé de l'Association canadienne des chefs de police?
Le chef Ford: Oui. Normalement, M. Westwick aurait traité des divers aspects techniques du projet de loi, mais comme les membres du Comité ont reçu une copie de notre mémoire, nous avons pensé qu'il serait mieux de passer tout de suite aux questions pour gagner du temps.
Le président: Je vous remercie. C'est très certainement ce que nous allons faire.
Monsieur Jessop, vous avez à présent la parole, à moins que vous ne préfériez la laisser à M. Newark.
M. Neal Jessop (président, Association canadienne des policiers): Bonjour, monsieur le président. Merci beaucoup de votre invitation.
Je ne vais pas passer trop de temps à vous dire qui nous sommes et ce que nous faisons. La plupart d'entre vous le savent déjà, puisque nous avons déjà comparu devant vous.
Nous représentons 35 000 officiers de police des quatre coins du Canada et, depuis trois ans, nous intervenons très activement dans le domaine législatif.
Vous avez notre mémoire et je ne vais donc pas le lire. Par contre, je vous invite à passer tout de suite à l'onglet A, qui résume en quelque sorte notre position en une page. J'ajouterai une seule chose, qui constituera le point 9.
L'ACP est favorable à l'interdiction des armes d'assaut, prévue dans le projet de loi C-68, mais elle estime que les dispositions actuellement envisagées relativement à l'application de la loi sont insuffisantes et qu'elles devront faire l'objet de certaines modifications au stade même de l'étude en comité. À ce propos, et à une seule exception près, c'est moi-même ou M. Newark qui répondrons à vos questions.
Nous sommes, en principe, d'accord avec les dispositions restrictives prévues dans le projet de loi C-68 relativement à l'acquisition et la cession de munitions.
Nous reconnaissons toute la valeur que l'enregistrement de toutes les armes à feu représente sur le plan des informations disponibles auxquelles les agents de police auront accès et nous sommes favorables à la mise en oeuvre d'un système total d'enregistrement des armes à feu, mais nous ne pouvons accorder notre appui à ce qui est proposé dans le projet de loi C-68, à moins que le gouvernement fédéral ne garantisse que les coûts de mise en oeuvre ou d'administration de ce système ne seront pas prélevés sur les budgets qui servent actuellement à l'exploitation de la police.
Je tiens à vous dire que nous sommes particulièrement fermes sur ce point. Nous en avons parlé au ministre, nous lui avons fait valoir notre point de vue avec détermination et nous pensons qu'il a convenu qu'il était très important que ce système n'empêche pas les policiers de patrouiller les rues.
Malgré tous les avantages qu'il présente, et ils sont nombreux, ce système ne justifie pas que l'on retire aux policiers la charge de patrouiller nos rues. J'insiste là-dessus encore une fois: nous ne voulons pas reléguer les officiers de police à des travaux de bureau. L'ACP est foncièrement opposée à la criminalisation éventuelle de la possession d'armes par les actuels propriétaires légitimes, pour le simple fait qu'ils ne se conformeraient pas au projet de loi C-68 à l'avenir. Les premières infractions devraient être visées par la Loi régissant les armes à feu et non par le Code criminel. Si c'est deux modifications sont effectuées, l'ACP avalisera le système d'enregistrement proposé dans le projet de loi C-68.
Comme vous le savez, lors de notre dernière rencontre en mars, cette question a donné lieu à beaucoup de controverses. Nous nous sommes penchés sur la constitutionnalité de cette proposition, et M. Newark et moi-même croyons que c'est faisable.
Nous sommes d'accord avec les dispositions relatives à une peine obligatoire minimale pour les infractions où il y a eu utilisation d'arme à feu, mais nous jugeons que les actuelles dispositions d'application contenues dans le projet de loi sont insuffisantes. Nous vous recommanderons certains amendements particuliers.
Par exemple, au paragraphe 85(2) du projet de loi, il est question de l'utilisation d'armes à feu et d'imitations de ces armes. Or, dans les dispositions relatives à la peine minimale obligatoire, il n'est question que d'armes à feu et pas d'imitations d'arme à feu. Je sais, d'expérience, qu'à moins que nous ne mettions la main sur l'arme à feu en question, il est très très difficile de prouver ce point particulier. Certes, on peut avoir trouvé une balle, un projectile quelconque, mais il demeure tout particulièrement difficile, voire impossible de parvenir à obtenir une condamnation à partir de la simple description d'une arme.
Nous vous invitons donc à examiner cet aspect de la question. J'ai entendu dire que cela avait été fait exprès, pour ne pas qu'on prenne sérieusement la question de la détermination obligatoire de la peine. Nous ne le croyons pas, mais nous estimons cependant qu'il s'agit là d'un sérieux point faible de la loi.
Nous sommes favorables à l'instauration d'infractions pour possession et pour trafic d'armes à feu volées ou passées en contrebande, infractions assorties de peines obligatoires minimales, mais nous estimons que là aussi les dispositions d'application sont insuffisantes et nous nous proposons de poursuivre la chose avec vous.
Nous donnons notre appui aux restrictions et interdictions relatives à la possession d'armes de poing de petit calibre ainsi qu'au durcissement des pénalités imposées aux personnes trouvées en possession illégale d'armes de poing, tel qu'énoncé dans le projet de loi C-68, mais nous estimons que les dispositions d'application sont insuffisantes et nous allons suivre la question des amendements avec vous et avec le ministre.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à créer un service national de police des frontières dont les policiers auraient le titre d'agents de la paix, afin de réduire le nombre d'armes à feu qui pénètrent en contrebande au Canada.
Tous ceux avec qui nous avons eu l'occasion de nous entretenir antérieurement savent parfaitement qu'il sera très difficile de faire respecter les dispositions contenues dans ce projet de loi sauf s'il est possible de bloquer l'entrée des armes le long de la plus longue frontière non défendue du monde. Cette mesure législative serait chimèrique s'il n'y avait pas l'espoir de pouvoir bientôt intercepter les criminels et les armes à feu qui franchissent la frontière.
Sans une telle disposition, ce projet de loi ne signifie pas grand-chose. Nous en avons parlé au ministre. Certes, le problème est très simple. Il est très difficile d'être à la fois percepteur et agent chargé d'accueillir les Canadiens revenant au pays, avec le sourire, tout en faisant respecter aux frontières les dispositions de cette loi ou de toute autre loi fédérale à caractère criminel d'ailleurs.
Comme vous le savez, comme la plupart d'entre vous le savent, je connais intimement ce genre de problème. À ce sujet, le syndicat des douaniers nous a, en grande partie, apporté son appui et nous sommes particulièrement désireux de promouvoir un tel changement.
Vous serez sans doute intéressés de savoir qu'à l'exception des chefs de police - avec qui nous nous entendons sur la quasi totalité des points - , nous gardons nos distances par rapport aux autres groupes d'intérêt et aux lobbyistes relativement à la question du contrôle des armes à feu. Bien sûr plusieurs groupes nous ont approchés à ce sujet. Il y en a quelques uns avec qui nous ne tenons absolument pas être associés. Il y en a dont les membres portent de drôles de tenues et prétendent être des soldats de week-end, battant la campagne en portant une arme, et nous n'avons aucun intérêt à être associés à ce genre d'individus.
Voilà, je pense que nous sommes prêts à répondre à vos questions, si vous en avez.
Le président: Monsieur Jessop, vous avez dit que vous vouliez ajouter un point 9 à la liste de l'annexe A. Était-ce après le point 8, où vous parlez de la création d'un service national de police des frontières?
M. Jessop: Effectivement, c'est après le point 8. Je ne pense pas en avoir oublié.
Le président: Mais les points 1 à 8 sont ici, et je croyais que vous vouliez en ajouter un neuvième.
M. Jessop: Le point 9 est celui où nous signalons notre indépendance par rapport aux lobbyistes et autres groupes d'intérêt.
Le président: Parfait. Nous allons commencer notre série de questions par Mme Venne.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Tout d'abord, j'aimerais poser ma question à l'Association canadienne des policiers.
J'aimerais parler de la revue que vous avez qui s'appelle L'Express et qui, à certains égards, est commanditée entre autres par Beretta et par Glock. Ces commanditaires sont évidemment, pour le bénéfice de ceux qui ne connaissent pas ces compagnies, des fabricants d'armes. Dans votre revue, on montre spécialement des armes de poing.
J'aimerais savoir comment vous vous sentez face à vos commanditaires et comment vous pouvez, d'une façon objective, concilier ces commanditaires et votre position sur le contrôle des armes à feu?
M. Scott Newark (directeur exécutif, Association canadienne des policiers): Je suis le rédacteur de la revue.
Mme Venne: Oui, ça tombe bien.
[Traduction]
M. Newark: Quand je vous ai entendue parler des chefs de police, j'espérais que vous alliez leur adresser la question.
Mme Venne: Non, non.
M. Newark: Nous sommes en train de préparer le prochain numéro. Pendant que je le parcourais, je n'ai pas pu m'empêcher de penser, en voyant les publicités qu'il contient, que notre revue a subi un changement radical au cours des 12 derniers mois, tant sur le ton que sur le contenu. Nous avons accepté ces publicités à l'époque où la chose était tout à fait logique, quand nous n'exposions pas vraiment dans la revue le point de vue philosophique que nous exprimons à présent. De toute évidence, il y a à présent un contraste.
Cela étant dit, d'après ce que je crois comprendre de la loi, et c'est du moins notre position, il n'est pas question de bannir toutes les armes à feu. Il n'est pas question de rendre illégal la possession pure et simple de tous les types d'armes à feu. Les annonceurs dans notre revue font la promotion d'un produit - et je dois vous avouer, Mme Venne, que je ne l'ai pas regardé d'assez près pour prendre connaissance de tous les détails - qui ne sera pas automatiquement mis hors la loi.
N'oubliez pas non plus que les gens de notre profession utilisent des armes à feu et que les annonceurs ont intérêt, je suppose, à faire circuler ce genre d'information sur leur produit auprès d'un auditoire qui sait effectivement ce que ces armes sont et qui les utilise beaucoup plus que le grand public.
[Français]
Mme Venne: Je sais très bien que vous utilisez des armes à feu, mais je ne crois pas que les armes de poing qu'on annonce dans cette revue soient pour l'usage personnel des policiers. C'était dans ce sens-là. C'est dans une revue...
[Traduction]
M. Newark: Si.
[Français]
Mme Venne: Oui. Ce que je veux vous dire, c'est que ce ne sont pas les policiers - à moins que vous puissiez me dire le contraire - qui vont choisir la sorte d'arme qu'ils vont utiliser. N'est-ce pas plutôt une direction, un comité d'administration ou un conseil d'administration qui décide des sortes d'armes? C'est ce que j'aimerais savoir.
[Traduction]
M. Newark: En fait, je crois savoir que dans les discussions sur l'à-propos des matériels à utiliser, y compris les armes à feu, on tient compte très sérieusement de l'avis des gens qui vont les utiliser, et cela est vrai aussi pour les munitions. Cette province est actuellement secouée par un débat portant sur le genre de munition que les policiers devraient utiliser, et ceux qui se servent d'armes veulent être certains - vous avez tout à fait raison - que ceux qui décideront du type d'arme à acheter tiennent compte de leur point de vue.
[Français]
Mme Venne: Vous dites, dans vos principes généraux, qu'on ne devrait pas criminaliser celui qui n'enregistre pas son arme. Ensuite, vous dites que vous croyez à l'importance de l'enregistrement des armes à feu. Ne trouvez-vous pas qu'il y a là un non-sens? Si on ne criminalise pas l'infraction, qu'est-ce qui va arriver? Quel moyen de pression aura-t-on? Voulez-vous simplement dire que ce n'est pas à la première infraction, mais plutôt à la deuxième, c'est-à-dire lors d'une récidive, qu'on pourrait criminaliser? J'aimerais que vous me donniez une explication.
[Traduction]
M. Newark: Tout à fait, et je vais essayer d'être le plus précis possible. Nos membres, partout au pays, et en fait tous les gens qui nous ont donné leur opinion, nous ont dit craindre que l'on passe à un système où, d'un seul coup, tout ce qui avait été jusqu'ici légal allait devenir illégal, même si la pratique en était largement répandue jusque-là. Et pourtant, c'est également une diposition réglementaire qui avait régi cette pratique dans le passé.
Nombre d'entre nous sommes inquiets à l'idée que, par le simple coût d'un changement législatif, on risque de criminaliser un segment important de la population qui, jusque-là, avait été respectueuse de la loi. Nous recommandons que la question du non respect soit simplement visée par des dispositions réglementaires, c'est-à-dire que la personne qui ne se sera pas pliée aux dispositions de la loi après une période raisonnable de mise en oeuvre serait reconnue coupable d'infraction en vertu de la Loi sur les armes à feu laquelle, même si elle est justifiable en tant que législation fédérale, ne déterminerait pas forcément qu'un crime a été commis.
Nous envisageons plutôt d'en faire, par exemple, un cas de confiscation. Ainsi, la police pourrait saisir les armes. La loi contiendrait des dispositions permettant la confiscation. Une infraction à ces dispositions devrait avoir une simple incidence statutaire sur la capacité éventuelle de la personne d'obtenir un autre permis ou de pouvoir faire enregistrer d'autres armes. La sanction devrait être assortie d'une amende, comme dans le cas des infractions normales au code de la route provincial. Il y aurait donc une amende et éventuellement une peine d'emprisonnement. Quoiqu'il en soit, cette partie de la société ne serait, en aucun cas, criminalisée.
Il y a d'autres façons de parvenir au même résultat. Ainsi, les documents d'accompagnement du projet de loi d'initiative parlementaire de M. DeVillers contiennent des renseignements en ce sens. On en revient essentiellement à la même chose, mais d'une autre façon. Nous vous recommandons en fait d'analyser les différentes solutions possibles pour parvenir à ce résultat. Ce que je crois, comme le chef Ford l'a dit plus tôt, c'est que nous devrions vraiment nous demander où nous voulons être dans 20 ans d'ici. Sur ce plan, il y a du chemin à faire, mais nous ne partons pas vraiment de zéro. Jusqu'ici, une importante partie de la population canadienne a eu légalement accès à des armes à feu.
Je ne pense pas que le fait de traiter de la chose dans des dispositions de nature réglementaire, non criminelle, soit synonyme d'inefficacité. Nous pensons au contraire que vous pourriez vous doter d'instruments incroyablement efficaces et qu'il n'est pas nécessaire de transformer tous ces gens en criminels.
[Français]
Mme Venne: Je vais passer à l'Association canadienne des chefs de police. Vous dites ne pas croire qu'une recherche exhaustive sur les cinq dernières années est suffisante. Je parle d'une recherche sur une personne qui demande actuellement un certificat d'acquisition d'arme à feu qui, prochainement, sera remplacé par un certificat de possession d'arme. Bref, vous dites qu'une recherche des cinq dernières années sur cette personne-là ne serait pas suffisante. À la page 11, vous allez jusqu'à suggérer un amendement à cet effet.
J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous proposez cet amendement, lequel ferait en sorte qu'on puisse remonter à plus de cinq ans. J'aimerais également que vous nous disiez ce qu'il adviendrait d'un individu ayant commis une infraction, mais qui, ayant obtenu son pardon, récidiverait. À ce moment-là, est-ce qu'on devrait à nouveau remonter jusqu'avant l'obtention de son pardon?
[Traduction]
M. Vince Westwick (conseiller principal, Association canadienne des chefs de police): Il est heureux que je ne sois pas rédacteur de lois et que je peux me contenter de les critiquer.
Nous souhaiterions que les décisionnaires chargés d'accorder les permis disposent de plus de lattitude possible. Nous ne suggérons pas que la moindre petite infraction commise antérieurement à une période de cinq ans devrait suffire à rejeter une demande. Mais plutôt qu'il ne faudrait pas que le personne chargée de prendre une décision soit empêchée de remonter au-delà de cinq ans, dans certaines circonstances pertinentes à la décision d'accorder ou non le permis.
En termes de latitude, l'exemple que vous avez donné est parfait. Ainsi, si une personne avait commis une infraction remontant à plus de cinq ans et que, comme vous le suggériez, elle était pardonnée, alors la décision devrait être laissée à la discrétion de la personne chargée d'accorder le permis.
Nous voulons surtout éviter le genre de situation où une infraction grave aurait été commise, par exemple, six ou huit ans auparavant et où la personne chargée de prendre la décision aurait été empêchée de déterminer s'il y avait motif à refus. Nous voulons donc simplement que la personne chargée d'accorder des permis ait plus de latitude.
[Français]
Mme Venne: Est-ce qu'il me reste encore du temps?
Le président: Non, c'est terminé.
[Traduction]
M. Ramsay (Crowfoot): Merci, messieurs, de vos exposés.
Je vais poser ma question au chef Ford. J'ai cru comprendre que l'Association canadienne des chefs de police n'a pas d'autonomie financière par rapport au gouvernement fédéral. Est-ce vrai?
Le chef Ford: Très franchement, je ne suis pas en mesure de vous répondre, parce que ce n'est pas moi le directeur exécutif. Personnellement, je sais que je paie une cotisation, comme tout le monde, et que l'Association touche diverses subventions gouvernementales, notamment des gouvernements fédéral et provinciaux. Par contre, je ne serais pas en mesure de vous dire le pourcentage que ces subventions représentent par rapport aux recettes globales de l'association.
M. Ramsay: Alors, pouvez-vous dire au comité pourquoi vous avez besoin que le gouvernement fédéral vous finance?
Le chef Ford: Honnêtement, je ne peux vous dire pourquoi. Je pense que vous feriez mieux d'adresser cette question au directeur exécutif de l'ACCP. Je ne siège pas au conseil d'administration de l'Association et donc je n'ai pas accès à ce genre de renseignements. Je suis simplement président du comité d'amendement des lois et je ne participe nullement à l'administration ou à la collecte de fonds.
M. Ramsay: Donc, vous ne pouvez me répondre?
Le chef Ford: Non, je ne connais pas la ventilation de nos recettes. Je n'en ai aucune idée.
M. Ramsay: Dans votre exposé vous nous avez déclaré, si j'ai bien note de vos remarques, que vous demandez l'adoption de ce projet de loi sans amendement.
Le chef Ford: C'est cela.
M. Ramsay: Mais alors, vous différez quelque peu de la position de l'autre groupe ici présent, l'Association canadienne des policiers. Pouvez-vous dire au comité qui votre association représente?
Le chef Ford: Comme l'a souligné M. Sangollo, l'Association canadienne des chefs de police représente tous les chefs de police du Canada qui sont chargés de l'administration des services de police. Elle représente aussi la police provinciale de l'Ontario, la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du Canada. Je représente aussi les membres de mon service de police, de même que tous les autres chefs de police.
M. Ramsay: Mais si vous représentez vos services de police, en tant que chef, comment se fait-il que vous ne soyez pas entièrement d'accord avec l'Association canadienne des policiers, dont les membres sont vos sulbalternes? A quoi attribuez-vous ce qui semble être un désaccord entre votre organisation et l'Association canadienne des policiers? Ne représentez-vous pas tous deux les policiers du Canada?
M. Westwick: Dans une certaine mesure, l'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police ont des positions très proches à ce sujet. La position adoptée par les uns et par les autres face à cette mesure législative ainsi que les grands principes énoncés se recoupent tout à fait. La différence de point de vue dans l'analyse article par article du projet de loi est sans doute due au fait que celle-ci aura été réalisée par des avocats différents. Je ne pense pas qu'on puisse parler là de grandes différences de point de vue.
Monsieur Newark voudra peut-être vous répondre, c'est que d'après ce que je crois comprendre de leur position, et du moins d'après ce que je sais de la position de l'ACCP, nos deux organisations ne diffèrent pas énormément à propos de ce projet de loi.
M. Ramsay: Mais, si vous représentez vos policiers, alors pourquoi faut-il deux organisations?
M. Westwick: Je ne pense pas être en mesure de vous répondre. Les associations représentent les intérêts particuliers des policiers. Elles s'occupent en fait des problèmes de main d'oeuvre ou des sujets de préoccupations plus particuliers à la base plutôt qu'à la gestion. Cela est tout à fait conforme avec ce qui se passe dans le secteur privé.
M. Sangollo: L'Association canadienne des chefs de police représente les intérêts du public. Nous nous préoccupons surtout de défendre les intérêts du public. Quant à l'Association canadienne des policiers, elle est intéressée à défendre les intérêts des policiers, des gens syndiqués. Cela ne revient pas à dire que nous ne représentons pas les policiers. Dans l'ensemble, les associations ont la même vocation: protéger la sécurité du public. Mais il y a toujours eu une différence entre les syndiqués et les chefs de police.
M. Newark: Trois personnes viennent de nous dire pourquoi l'Association canadienne des policiers pouvait ou non avoir une position à cet égard. On a vraiment fait le tour de la question. Il n'y a rien de surprenant dans ce que nous avons entendu, puisqu'un groupe est axé sur la gestion et que l'autre est axé sur les fonctions, si bien qu'on pourrait dire qu'il y a tendance syndicaliste. Nous avons des points de vue différents. D'ailleurs, je suis certain qu'au sein même de votre caucus vous avez aussi des points de vue différents sur certains dossiers.
Le président: C'est exact.
M. Newark: Je voulais simplement faire ressortir - et je tiens à préciser que je suis totalement d'accord avec ce qui a été dit jusqu'ici - , que nous abordons la question du point de vue de la sécurité et de l'intérêt du public, d'une part, et de celui de l'expérience ou du vécu que nous confère normalement notre travail, d'autre part. Certes, les différences apparaissent au niveau du détail. D'ailleurs, je crois que M. Westwick a fort bien exprimé la chose quand il parlait d'ententes dans les grandes lignes.
M. Ramsay: Je comprends.
Soit dit en passant, lorsqu'il y a désaccord dans notre caucus, les gens ne sont pas punis comme c'est le cas chez ceux d'en face.
Le président: [Inaudible - Éditeur].
M. Ramsay: Bon, eh bien c'est le président qui vient d'ouvrir la porte sur cette question.
Chef Ford, vous avez déclaré que ce projet de loi devrait être adopté sans modification. Or, nous avons rencontré une délégation du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, ayant à sa tête le ministre de la Justice, qui est venu réclamer, avec des raisons fort logiques, des exemptions. Les gens de la Fédération canadienne de l'Agriculture, eux aussi, ont réclamé des exemptions. Des guides et des pourvoyeurs nous ont dit qu'ils risqueraient de devoir cesser leurs activités si ce projet de loi était adopté et s'ils devaient perdre 20 p. 100 de leur clientèle, comme certains le craignent. Nous avons aussi accueilli des représentants d'organismes muséologiques qui nous ont dit la même chose. Ils voulaient une exemption. Même chose pour les collectionneurs. Hier encore, nous avons accueilli deux fabricants d'armes à feu qui nous ont déclaré que si ce projet de loi devait être adopté, ils seraient éventuellement contraints de cesser leurs opérations et de déménager ailleurs, ce qui se solderait sans doute pour la perte de 100 ou 120 emplois.
Compte tenu de tout cela, êtes-vous encore disposés à réclamer que ce projet de loi soit adopté sans qu'on y apporte d'amendements?
Le chef Ford: Oui.
M. Ramsay: Donc, vous ne vous souciez pas des conséquences économiques de la mise en oeuvre de ce projet de loi, à en croire ce que les autres témoins nous ont dit? Cela ne vous fait rien qu'une entreprise ferme et déménage dans un autre pays? Tout cela vous va parfaitement?
Le chef Ford: Le mieux que je puisse faire, c'est de vous dire que je suis venu ici, aujourd'hui, pour vous soumettre, au nom de l'Association canadienne des chefs de police, un document faisant part d'opinions, qui a été préparé en consultation avec les gens qui m'accompagnent, ainsi qu'avec les membres de mon comité d'amendements des lois et du Bureau de l'ACCP. Donc, je vous dis encore oui.
M. Ramsay: Même si vous n'avez jamais consulté ces gens? Même si dans vos consultations vous n'avez jamais tenu compte des conséquences économiques pouvant entraîner la perte d'emplois et la fermeture d'entreprises? Est-ce là ce que vous déclarez au Comité?
Le chef Ford: J'ajouterai que nous n'avons pas adopté cette position sans avoir préalablement consulté toute une diversité de groupes communautaires partout au Canada.
M. Ramsay: Avez-vous consulté l'un des six groupes que je viens de vous mentionner?
Le chef Ford: Pas que je me souvienne.
M. Ramsay: Je vais poser cette question à M. Newark ou à M. Jessop. Réclamez-vous l'adoption du projet de loi C-68 sans amendements?
M. Newark: Non.
M. Ramsay: Donc, les deux groupes diffèrent de points de vue.
M. Newark: Eh bien comme tout le monde, je crois, l'a bien compris dans cette salle, c'est effectivement le cas. C'est pour cela que, dès le début, monsieur Ramsay, nous avons essayé de souligner notre désaccord sur le principe et certains de ses aspects comme l'enregistrement, les armes de poing de petit calibre, les munitions et les armes d'assaut, car nous jugions que c'était important.
Je pense que M. Westwick a sans doute mis le doigt sur le problème. En ce qui concerne certains des détails dont je parle - cela peut être à propos du projet de loi C-41 quand nous parlions d'autre chose - , il semble que je sois toujours celui qui prétend qu'il est possible de faire mieux, peu importe la question à l'étude. Ici, je m'intéresse plus particulièrement à certains des articles relatifs à l'application de la loi et j'estime que si ce projet de loi est adopté tel quel, nous reviendrons ici dans un an pour soutenir qu'on pourrait mieux s'y prendre autrement, qu'il y aurait une meilleure façon de parvenir à l'objectif fixé. Comme il s'agit du premier tour du Comité, nous avons décidé d'agir tout de suite.
Nous sommes d'accord avec les grands principes dont il est ici question - et je crois que c'est ce dont il est question ici - , du moins nos deux groupes s'entendent sur ces principes.
M. Jessop: Monsieur le président, je tiens à préciser - et sachez que nous avons tenu pas mal de consultations avec les gens du ministère de la Justice - , que nous n'avons aucune idée du nombre total de règlements qui découlera de ce projet de loi. Une étude poussée s'impose à ce sujet. Nous en avons parlé un peu plus tôt, au sujet des peuples autochtones.
Il se peut que les gens de la Baie d'Hudson réclament une exemption pour pouvoir chasser. Je ne suis pas certain que l'on doive accorder la même exemption aux gens d'Akwesasne, pour éviter le mariage armes à feu et contrebande. Nous reconnaissons cela et je crois que les chefs le reconnaissent également. Un débat beaucoup plus poussé s'impose ici, surtout en ce qui a trait aux règlements, et nous avons hâte d'y prendre part.
Le président: Avant de passer à M. Bodnar, et comme l'Association des policiers a réclamé une modification visant à criminaliser une première infraction en cas de non-respect des dispositions relatives à l'enregistrement des armes... Le ministre de la Justice, quand il a comparu devant ce Comité nous a dit qu'il reconnaissait l'existence d'un problème à cet égard et a invité le Comité à explorer d'autres moyens pour sanctionner les personnes qui n'enregistrent pas leurs armes et dont ce'est la première infraction. Donc, le Comité a pour mission de trouver un meilleur moyen pour s'attaquer à ce problème.
Et s'il y avait d'autres questions, quand nous inviterons les associations de police, les associations de gens des musées ou encore les pourvoyeurs, nous nous attendons à ce que tous parlent au nom de leurs membres et non au nom du grand public. C'est à nous, à ce Comité, qu'il revient, après que nous vous aurons tous entendus, de décider du genre d'amendements à apporter éventuellement au projet de loi. Nous ne nous attendions pas à ce que les pourvoyeurs parlent au nom des policiers, ou les policiers au nom des musées, et ainsi de suite. De toute évidence, vous êtes limités aux mandats qui vous ont été confiés. Les députés peuvent toujours vous poser des questions, à ce propos, s'ils le désirent, mais je ne m'attends pas à ce que vos associations aient consulté toutes les autres, et je ne m'attends pas non plus à ce que d'autres groupements vous aient contactés.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci de vous être rendus à notre invitation. Comme mon temps est limité, je vous demanderai de me fournir des réponses les plus brèves possibles pour que je puisse explorer le plus grand nombre de sujets possibles. Cela étant, j'essayerai de ne pas m'adresser à M. Newark.
Il y a un aspect qui me préoccupe, c'est celui des sanctions et des condamnations obligatoires. J'aimerais que l'on modifie éventuellement les dispositions relatives à la condamnation obligatoire pour que les personnes normalement condamnées pour un autre crime - imaginons un homicide involontaire commis avec une arme à feu, quel que soit le terme normal utilisé dans la province et décrété par les tribunaux, eh bien, le coupable devrait faire quatre années de plus de prison pour avoir utilisé une arme. Seriez-vous d'accord avec ce genre de changements, monsieur Westwick?
M. Westwick: Excusez-moi... vous parlez de quatre ans de plus?
M. Bodnar: Oui, de quatre ans en plus de sa condamnation normale pour homicide, pour avoir utilisé une arme.
M. Westwick: Le problème, c'est que si vous voulez que les tribunaux aillent effectivement dans ce sens, nous croyons que la peine doit être obligatoire et qu'il faut préciser si elle sera de trois ans et demi ou de quatre ans.
M. Bodnar: C'est ce que je dis, qu'il faut la rendre obligatoire.
M. Westwick: Oui, cela ne nous cause pas de problèmes.
M. Bodnar: Comme de nombreuses armes à feu sont volées dans des résidences privées et qu'elles sont ensuite utilisées à des fins criminelles, ne pensez-vous pas que l'on pourrait également adopter une disposition - et cela viserait également de nombreux autres volets du droit criminel - , rendant obligatoire l'imposition d'une peine d'emprisonnement pour tous les vols par effraction commis dans des résidences privées, la durée de la peine devant être décidée par le tribunal, peut importe qu'elle soit d'un jour ou de dix ans?
M. Westwick: J'aurais de la difficulté à appuyer une disposition au libellé aussi flou que cela. Si vous voulez parler des vols par effraction avec utilisation d'armes à feu, alors c'est très certainement un aspect dont le Comité peut parler. Par contre, s'il est question d'imposer une condamnation obligatoire pour tous les vols par effraction, alors ce n'est pas...
M. Bodnar: Les vols par effraction dans des habitations.
M. Westwick: Oui, j'ai compris votre question, vous parlez de vols par effraction dans des habitations. Peut-être que M. Sangollo a un mot à dire à ce sujet.
M. Sangollo: Une étude récente que nous avons effectuée a montré que les jeunes étaient responsables de 63 p. 100 des vols d'arme à feu commis par effraction dans des habitations. En tant que policier, et pas en tant qu'avocat, j'estime que lorsque quelqu'un est arrêté pour un vol par effraction, et que ce vol porte sur une arme à feu, c'est une chose. Par contre, si la personne commet un vol par effraction, vole une arme à feu et va ensuite commettre un vol à main armée, alors c'est autre chose. C'est dans ce dernier cas, que la peine de quatre ans d'emprisonnement s'applique.
M. Newark: Monsieur Bodnar, pour en revenir à votre dernière remarque au sujet des vols par effraction, sachez qu'il existe déjà une peine minimale pour les vols commis dans des résidences. Pour l'instant, c'est l'emprisonnement à vie.
M. Bodnar: C'est le maximum.
M. Newark: Effectivement, mais c'est une des infractions... Dans le projet de loi C-41 de votre gouvernement, il est prévu de retirer l'article par lequel cette peine n'aurait plus simplement été considérée comme une amende. Si vous vous souvenez, lors de notre rencontre au Comité permanent de la justice à propos du projet de loi C-41, nous nous sommes violemment opposés à l'adoption de l'amendement prévu dans ce projet de loi parce que vous retiriez précisément par là ce que nous estimons comme étant absolument nécessaire.
Ce que vous avez commencé par dire au sujet de deux peines consécutives, ne faisait que reprendre notre recommandation, autrement dit que vous augmentez la peine prévue à l'article 85 et que vous en faites une peine consécutive à celle qui est déjà prévue ici. Deuxièmement, je pense que, contrairement à ce que nous recommandions, il manque une chose dans ce projet de loi: on devrait trouver au début de cette partie du Code criminel un énoncé de principes rappelant aux tribunaux à quel point les Canadiennes et les Canadiens prennent au sérieux les crimes commis avec des armes à feu et leur indiquant la peine à imposer.
M. Bodnar: Merci. S'agissant des dispositions relatives aux inspections - et c'est sans doute l'aspect qui me préoccupe le plus - , j'éprouve quelques réserves vis-à-vis de ce qui est prévu au sujet de pénétrer dans des bâtiments et surtout de pénétrer dans des habitations. Même si un mandat de perquisition est exigé, celui-ci n'a pas à contenir beaucoup de précisions sur la résidence à visiter. Alors je me demande, et je m'adresse d'abord aux chefs de police, si vous verriez un inconvénient à ce que l'on supprime les dispositions relatives aux inspections dans la loi sur les armes à feu, dispositions qui ne feraient que renforcer les dispositions existantes contenues dans le Code criminel à propos des perquisitions et saisies.
M. Westwick: Nous ne serions pas d'accord. Je pense qu'il est normal, à priori, que les gens soient inquiets des dispositions relatives aux inspections. Je le comprends mais j'estime que plusieurs mesures de protection sont contenues dans ces mêmes dispositions. D'aucuns craignent que les policiers n'abusent de telles dispositions, qu'ils les appliquent indirectement pour faire ce qu'ils ne peuvent faire directement.
Mais j'estime que les tribunaux au Canada, notamment la Cour suprême, n'ont jamais hésité un seul instant à réprimander les policiers, de la façon la plus grave qu'il soit, c'est-à-dire en suspendant les accusations portées dans de telles convictions. Comme nos tribunaux n'hésitent absolument pas à faire cela dans le cas de mandats de perquisition normaux, je n'imagine pas un seul instant que les protections de l'article 8, jointes à celles incluses dans l'article proposé, puissent protéger contre les abus.
M. Bodnar: Mais, monsieur Westwick, prenons l'exemple de l'agent de la paix qui veut entrer dans un lieu qu'il croit être utilisé dans le cadre du trafic de narcotiques. De toute évidence, il ne disposera pas de suffisamment de preuves pour obtenir un mandat de perquisition dans ce cas. Mais voilà qu'il est convaincu que la personne est armée. Il a de bonnes raisons de croire - et il n'est pas ici simplement question de probabilité, parce que ce n'est pas nécessaire - que cette personne ne le laissera pas entrer sur les lieux, si bien qu'il obtient un mandat de perquisition et qu'il perquisitionne. Il pénètre dans ce lieu et, soudain, il se rend compte que les règles sont différentes dès qu'il entre... et il pénètre par la porte de derrière parce qu'il ne peut le faire par la porte de devant.
M. Westwick: Je comprends votre inquiétude. Nous avons déjà eu cette discussion sur d'autres points, vous et moi.
M. Bodnar: Oui, c'est vrai.
M. Westwick: Je ne pense pas qu'il faudrait avoir recours au droit criminel pour contrôler la police. Je ne sais pas aussi bien ce qui se passe dans les autres provinces, mais je puis affirmer que la La Loi sur les services policiers de l'Ontario contient toutes sortes de dispositions sur l'imputabilité policière et que le Code criminel contient lui aussi des dispositions de ce genre, tout comme la Charte.
Je dois me contenter de répéter ce que mon expérience des divisions de première instance des cours pénales provinciales m'a appris: il n'y a pas une journée où ces cours invoquent sans hésiter les pouvoirs dont elles sont investies pour veiller à ce que la police respecte la loi, en affichant sa bonne foi. Quand elles soupçonnent que la police n'agit pas de bonne foi, elles réagissent très rapidement.
M. Bodnar: Très bien. Il me reste deux minutes. Par conséquent, j'aimerais parler très brièvement d'un autre sujet, celui de la décriminalisation. Peut-être cela ouvrira-t-il la porte à M. Newark.
L'Association serait-elle satisfaite si, la première fois qu'un policier trouverait une arme à feu non enregistrée, la loi ne prévoyait pas qu'une accusation soit portée, mais simplement que l'arme soit saisie, que le prévenu soit averti et qu'on lui donne une certaine période - par exemple six mois - pour se conformer à la loi, après quoi l'arme lui serait rendue? De cette façon, il n'y aurait aucune infraction la première fois, mais il y aurait une infraction criminelle si l'intéressé ne... eh bien, il n'y aurait pas de problème d'observation de la loi la deuxième fois.
M. Newark: Non. D'une certaine manière, je pense que cela répond à votre question.
Premièrement, vous parlez d'un système analogue à celui des avertissements qu'on emploie pour les contraventions. Or, il n'y a pas de système de ce genre dans le cas des crimes. À mon avis, ça ne serait pas très indiqué d'avoir un système de ce genre. Si un acte est un crime, il devrait par définition être assez grave pour qu'on ne dise pas qu'on ne doit pas se donner la peine de faire vraiment respecter la loi, et c'est précisément là que le projet de loi me pose un problème, parce que les infractions qu'il prévoit sont exclusivement criminelles.
Loin de nous l'idée de vous suggérer de retirer cela du Code criminel, parce qu'il pourrait fort bien arriver, surtout dans le cas de récidivistes, que vous teniez à ce que ce soit une infraction criminelle. Je ne pense tout simplement pas que ce soit une très bonne idée de créer de nouveaux articles du Code criminel, qui est pour le moins sérieux, en disant d'une part qu'on les crée et d'autre part qu'il ne faut pas réellement les appliquer. Nous estimons donc qu'il faudrait créer une disposition réglementaire qui nous permettrait d'imposer toute la gamme des sanctions et des peines correspondant à une infraction de ce genre, et pas simplement une infraction criminelle de plus.
M. Bodnar: Si quelqu'un ne respecte pas la loi dans un premier temps et qu'on lui donne un avertissement, mais qu'il a d'autres armes à feu et qu'il enregistre la première, il ferait face à un chef d'accusation pour une infraction criminelle la première fois qu'il serait question de la deuxième de ses armes. Cela ne correspond-t-il pas exactement à ce que vous demandez? Vous ne voulez pas que la première infraction soit criminalisée, et c'est ce que vous obtiendriez avec ce système.
M. Newark: Non. Je pense que vous verriez qu'il serait très difficile pour un prévenu de présenter une défense en disant qu'il n'était pas vraiment conscient de la situation et qu'il n'a pas été pris en flagrant délit, dans la mesure où la loi aurait déjà été appliquée dans le contexte de la législation provinciale.
M. Bodnar: L'ignorance de la loi est une autre chose en matière de défense.
M. Westwick: La préoccupation qu'on a formulé en matière de criminalisation ramène à l'exemple de la grand-mère distraite ou de la personne âgée qui ne sait pas très bien de quoi il s'agit, si j'ai bien compris. Dans notre esprit, la législation criminelle actuelle contient toutes les dispositions nécessaires pour résoudre ce problème. La police et le ministère public ont une certaine latitude, et le Code criminel autorise les tribunaux à accorder l'acquittement, dans certaines conditions. C'est exactement pour cette raison-là que la notion d'acquittement a été créée.
Selon nous, le problème est le suivant. Si nous changeons le régime en décriminalisant ces actes ou en adoptant des systèmes d'avertissement - ce que je vous déconseille vivement - vous allez faire d'une partie très importante de ce projet de loi, celle qui constitue le pouvoir de renforcement, une partie axée sur un infime pourcentage de la population, le revers de la médaille étant que l'on se concentrerait sur les véritables abus d'application de la loi afin de ne pas laisser échapper ces rares exceptions.
Nous estimons que vous devriez axer l'application de la loi sur la grande majorité, si vous voulez, avec des dispositions aussi larges que possible, en laissant les exceptions à la discrétion des organismes responsables.
M. Newark: C'est exactement sur ce point que je suis en désaccord, parce que, pour nous, des questions-clés comme celles du pouvoir de renforcement de la législation criminelle ne s'appliquent heureusement pas dans ce pays au plus grand nombre. Nous avons la bonne fortune qu'elles ne s'appliquent encore qu'à un très petit nombre de gens, à qui les sanctions et les peines les plus lourdes que nous avons devraient être imposées et non à la très grande majorité des citoyens canadiens qui possèdent des armes à feu.
Le président: Je pense que vous avez tous les deux fait allusion au projet de loi C-41, qui donne au ministère public et à la police de larges pouvoirs discrétionnaires d'utiliser d'autres moyens pour s'occuper des infractions constatées sur le terrain. M. Newark avait fait allusion à ce projet de loi.
[Français]
Monsieur Langois, ou Mme Venne, vous avez 5 minutes.
Mme Venne: Je vais continuer. Je vais m'adresser à l'un ou l'autre des groupes et les deux pourront répondre. Je voudrais savoir si vous favorisez la création d'une nouvelle infraction qui concernerait l'utilisation d'une arme à feu avec facultés affaiblies, ou le prêt d'une arme à feu à une personne qui a une faculté affaiblie. Alors, ce serait un amendement qui pourrait être proposé à ce projet de loi et je vous demande si, pour vous, ce serait facile d'application, ce que vous en pensez, quel est votre point de vue là-dessus.
[Traduction]
M. Westwick: Je pense que ce serait difficile à appliquer. Je ne peux pas vous dire le contraire. Il suffit de penser à tous les litiges, à tout le temps que les tribunaux doivent actuellement consacrer à des affaires de facultés affaiblies, même dans le contexte des dispositions sur l'alcootest. Tous ceux qui sont au courant de la situation des cours criminelles savent qu'elle doivent actuellement consacrer un fort pourcentage de leur temps à des affaires de ce genre.
Madame Venne, il est malheureux que ce problème soit si sérieux, et je ne suis pas sûr que vous puissiez l'ignorer simplement parce qu'il est devenu un cauchemar pour les cours criminelles. Selon nous, la combinaison des armes à feu et d'utilisateurs ayant des facultés affaiblies est si dangereuse que nous devons absolument nous attaquer au problème et ce d'une façon très réaliste.
M. Newark: J'appuie ce que M. Westwick vient de dire, mais il y a déjà un article sur l'utilisation imprudente des armes à feu; je me souviens du temps de mes poursuites judiciaires. Pour déterminer si un prévenu s'était rendu coupable d'utilisation imprudente d'une arme à feu, nous nous demandions notamment s'il avait consommé de l'alcool ou si ses facultés étaient affaiblies par l'alcool.
[Français]
Mme Venne: Tandis que maintenant, par le nouveau projet de loi, on va donner aux policiers des pouvoirs exceptionnels de saisie et de perquisition. Vous l'avez certainement entendu, j'imagine. Et là, j'aimerais savoir comment vous pouvez expliquer - et nous expliquer, au Comité - qu'effectivement vous allez avoir des pouvoirs plus étendus de perquisition et si c'est suffisant, que ça se justifie par le fait qu'on dise que c'est pour la sécurité publique.
Premièrement, est-ce que vous admettez le fait qu'on dise que maintenant vous allez avoir plus de pouvoirs?
[Traduction]
M. Westwick: Je ne vais pas reprendre toutes les discussions que j'ai eues avec M. Bodnar, mais il y a effectivement de nouveaux pouvoirs pour la police à cet égard. Ce sont les pouvoirs d'inspection de l'article 98 et des articles suivants. À mon avis, ces pouvoirs sont suffisamment limités par le projet de loi, sans compter la Charte, dans un contexte général de contrôle par les cours criminelles.
Je suis conscient de ce que votre question sous-entend et de votre désir sincère de répondre aux préoccupations du public, qui ne veut pas que ces mesures d'application soient excessives. Néanmoins, les pouvoirs prévus par les dispositions sur l'inspection, par exemple, visent l'inspection et l'observation de la loi. Si la police en abuse, les tribunaux n'hésiteront guère à prendre des mesures correctives énergiques pour qu'elle agisse indirectement.
[Français]
M. Sangollo: En matière de perquisition dans les coffres arrière d'autos, c'était la même chose. Des agents ont tenté d'éviter d'aller chercher un mandat en invoquant le fait qu'ils vérifiaient le pneu arrière, parce qu'on devait être en possession d'un pneu de réserve.
Il y a eu des sanctions très sévères émises par les cours. C'est certain qu'on n'est pas sans penser qu'il pourrait peut-être y avoir abus, à l'occasion, comme dans toutes autres activités policières. Il y a quand même nous qui sommes là; il y a quand même des groupes de pression; il y a quand même la loi; il y a quand même bien des gens qui regardent ce que les policiers font. S'il y a abus, les cours et les services de police en assumeront la responsabilité.
Mme Venne: D'accord.
[Traduction]
M. Jessop: Hier, j'étais à Sainte-Marie. Pour parler de la loi de façon générale, disons qu'un homme avait tué un policier et une fillette de 10 ans. Il a tué la fillette en tirant trois balles à travers la porte. Je pense que le mot juste est armoire, en français. Si la loi avait été en vigueur en 1983, quand le tireur a été condamné pour la première fois, certains aspects de la loi auraient rendu moins grave ce qui s'est passé à Sainte-Marie en fin de semaine. Je crois pouvoir vous affirmer, au nom des policiers canadiens, que c'est de ce genre de projet de loi qu'il s'agit. Il contient suffisamment de dispositions qui nous permettraient peut-être d'atténuer la gravité de situations comme celle de la fin de semaine, si nous les faisons respecter. C'est tout le contraire d'un pas en arrière.
Je pense qu'il y avait 800 policiers à Sainte-Marie hier, et qu'un bon nombre d'entre eux qui savent ce qui se prépare se demandaient probablement si les deux victimes seraient encore vivantes si les dispositions du projet de loi avaient été en vigueur. Après avoir été là, je répondrais probablement que oui.
[Français]
Le président: Madame Venne, une dernière question.
Mme Venne: Il est toujours difficile de parler des cas comme celui de Sainte-Marie. J'aimerais que vous nous disiez, monsieur Jessop, à quels articles vous faites allusion, en disant que s'ils avaient été en application en 1983, on aurait pu éviter le drame qui s'est produit la fin de semaine dernière.
[Traduction]
M. Newark: Je pense qu'il s'agit du sérieux avec lequel la propriété d'une arme à feu est envisagée dans le projet de loi. En l'occurrence, le tueur avait été impliqué dans un incident violent où il avait utilisé une arme à feu, comme vous le savez. Cette information aurait été disponible.
Je dois admettre que, quand j'ai vu ce qui s'était passé, je me suis dit que quelqu'un qui avait été impliqué dans une affaire de ce genre était précisément le genre de personne qu'on n'aurait pas voulu voir en possession d'une arme à feu par la suite. Je pense que c'est probablement à cela que Neal voulait en venir.
M. Jessop: En outre, si cette disposition avait été en vigueur comme nous le voulions il y a trois ans, nous aurions su ce que ce type là avait. Le chef de police l'aurait probablement su.
Vous avez parlé des gens qui sont en état d'ébriété. Dans ce cas-ci, c'était très sérieux, et le tueur avait bu. Si nous avions connu ses antécédents, si nous y avions eu accès, nous aurions probablement été en 1983 au point où nous aurions dû être. La disposition pertinente n'a pas été adoptée assez vite pour nous, ni pour les victimes. Cela dit, c'est une probabilité que j'avance, pas une certitude.
La prochaine fois qu'une situation de ce genre se produira, le projet de loi ne nous permet pas de supposer que les armes du tueur auront été enregistrées et qu'il aura un permis pour les utiliser, et nous ne pouvons pas non plus être sûrs que nous aurons cette information. Tout ce que nous pouvons faire, comme citoyen canadien, c'est accroître la probabilité de le savoir. Pour ceux d'entre nous qui sont chargés de cette tâche, c'est un pas dans la bonne direction.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Si l'on dépénalise la première infraction à la règle d'enregistrement des armes à feu, seriez-vous aussi favorable à la dépénalisation des premières infractions aux articles 102 à 105? Ces articles portent sur les infractions directement liées au système de réglémentation, par exemple le fait de donner des renseignements inexacts en remplissant un document. Les infractions de ce genre me sembleraient beaucoup moins graves que le fait de ne pas enregistrer une arme à feu. Je me demande si la sanction en pareil cas devrait être plus lourde que lorsqu'on n'enregistre pas une arme.
M. Westwick: En toute déférence, je vous dirai que ça fait partie du problème. Si vous considérez le non-respect de la loi comme l'une des infractions les plus graves et que vous dites que vous allez le dépénaliser, vous attaquez les bases de la loi. Nous sommes contre.
Ce projet de loi est important pour bien des raisons, et le système d'enregistrement est d'une importance toute particulière, de sorte que, si vous lui enlevez le moyen d'agir, si vous éliminez le respect qu'il faut accorder à ce système, vous jouez un jeu dangereux, à notre avis.
Mme Phinney: Vous en revenez vraiment à dire que vous ne voulez pas que le non-enregistrement soit dépénalisé.
M. Westwick: C'est exact.
Mme Phinney: Si nous dépénalisons le fait de ne pas enregistrer...
M. Westwick: La réponse est non.
Mme Phinney: C'est encore non pour l'autre partie de la question?
M. Westwick: Oui, c'est encore non.
M. Newark: Non.
Mme Phinney: L'article 84(1) du projet de loi défini comme réplique d'arme:
- Tout objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu ou à la reproduire le plus
fidèlement possible ou auquel on a voulu donner cette apparence, mais pas conçu pour
tirer - ou pour être capable de tirer - des munitions...
M. Westwick: Pour être honnête, je n'y avais pas pensé. Il est évident que le projet de loi est censé englober les répliques d'arme incapables de tirer quoi que ce soit. Il semblerait donc logique de vouloir inclure les objets qui sont plus près de l'arme à feu que de la réplique. La réponse serait oui.
Mme Phinney: Vous voudriez que le projet de loi les englobe. On pourrait dire que la question de savoir si une carabine à plomb ou une arme tirant des balles de peinture devraient être assujetties au projet de loi n'est pas claire. C'est pour cela que je pose la question.
M. Sangollo: Je pense qu'il faut faire une distinction. À mon avis, le projet de loi devrait s'appliquer aux armes à plomb qui ressemblent à de vraies armes à feu. Par contre, si vous parlez de jouets qui ressemblent à des armes, cela n'a rien à voir avec nous. Nous ne pouvons pas les contrôler. Si les fabricants veulent faire des jouets de ce genre, ils devraient faire des pistolets et des carabines à eau qui ressemblent à n'importe quoi sauf à une véritable arme à feu. C'est le cas par exemple des carabines à eau qui ressemblent à une grosse arme d'épaule, par exemple. Je n'aime pas ces carabines à eau-là parce que je les trouve dangereuses, mais, au moins, personne n'ira commettre un vol à main armée avec un jouet comme celui-là.
Mme Phinney: Vous estimez donc que le projet de loi devrait s'appliquer à ces deux types d'objets.
M. Sangollo: Oui.
Mme Phinney: Monsieur Jessop.
M. Jessop: Un tribunal a déjà déclaré qu'une arme à plomb est une arme à feu.
Mme Phinney: Eh bien, tout dépend de la distance à laquelle le plomb est projeté.
M. Jessop: Non.
Mme Phinney: Oui.
M. Jessop: Non, les tribunaux ont tranché la question.
Mme Phinney: Eh bien, qu'en est-il de l'autre type d'objet, alors?
M. Jessop: Quel autre?
Mme Phinney: Celui qui tire des balles de peinture.
M. Newark: J'aimerais en examiner un. Je ne suis pas sûr de souscrire à votre affirmation, à savoir que le projet de loi ne s'applique pas à un objet comme celui-là. Je n'y ai jamais pensé.
Mme Phinney: Pensez-vous qu'il devrait s'y appliquer? Que le projet de loi ou une autre loi s'y applique....
M. Newark: Si l'objet ressemble à une arme à feu et s'il fonctionne à peu près comme une arme à feu, le projet de loi est censé s'y appliquer.
M. Thompson (Wild Rose): Monsieur Jessop, vous avez déclaré que certaines personnes ne devraient pas avoir d'armes à feu. Vous n'auriez pas pu mieux dire. Nous sommes certainement d'accord avec vous là-dessus. Il y a de bonnes dispositions dans ce projet de loi, à l'intention des criminels. Nous les approuvons. C'est pourquoi nous avons essayer de séparer le projet de loi en deux parties, l'une applicable aux criminels et...
Le président: Invoquez-vous le Règlement?
M. Thompson: Est-il acceptable qu'un membre d'un comité donne une fausse idée d'une motion qui a été rejetée à la Chambre en donnant une fausse idée de son contenu?
Le président: Ce n'est pas le Règlement que vous invoquez; c'est une question qui se discute, et les députés le font constamment, hélas. C'est vraiment malheureux. Cela n'arrive que trop souvent, mais ça ne justifie pas un appel au Règlement. La seule façon de remédier au problème, c'est d'avoir des débats efficaces.
M. Thompson: Nous avons tenté de séparer le projet de loi en deux, mais notre proposition a été rejetée, bien sûr. Nous voulions que les dispositions applicables aux criminels soient rapidement adoptées. Ensuite, nous voulions qu'il soit question des autres dispositions, celles qui s'appliquent aux citoyens respectueux de la loi et à certaines choses. Nous sommes arrivés à une approximation assez exacte, avec 117 pages pour les citoyens qui respectent la loi et 6 pour les criminels.
Je veux parler des gens qui m'appuient? Il y en a à peu près 35 000. C'est notamment parce qu'il est représentatif que le Parti réformiste s'est retrouvé à Ottawa.
J'aimerais partager certaines choses avec vous. Je me suis promené dans des voitures de police un peu partout au pays, en dialoguant constamment avec des policiers ordinaires, à Toronto, à Calgary, à Saskatoon et dans bien des régions rurales. J'ai bien aimé le temps que j'ai passé avec eux. Et je m'inquiète - ils estiment, eux aussi, que nous devrions nous en prendre aux criminels - , quand ils me tiennent des propos comme: «L'enregistrement, c'est encore une pile de paperasse de plus; ça ne fera aucune différence. Les gens qui sont à Ottawa ne représentent pas mon point de vue. Donnez-nous plus de monde pour que nous puissions faire un travail plus efficace; nous avons de la difficulté à faire tout notre travail.»
Il y a huit gros détachements de la police dans ma circonscription, et je passe beaucoup de temps avec eux. Je n'ai trouvé dans ces détachements aucun policier favorable au projet de loi C-68. Un de mes collègues a assisté à un bal de la police à Rocky Mountain House; il a passé toute la soirée en compagnie de 180 policiers, et il n'en n'a pas trouvé un seul qui soit favorable au projet de loi C-68.
L'autre jour, le président a dit quelque chose - avec raison - à un des témoins, qui disait des choses pas très gentilles au sujet des gens qui représentent ces gens-là sur la Colline. Voici ce que j'ai entendu dire par des policiers: «Qu'attendez-vous de ces gens-là sur la Colline? Ce sont des politiciens déguisés.» Ils disent: «Quand votre parti sera au pouvoir, ils feront ce que vous voudrez.» C'est terrible de dire ça. La situation est vraiment pourrie quand ce genre de choses arrivent.
Le président: Je ne vais pas réduire votre temps de parole, mais je veux éviter qu'on vous comprenne mal. Quand vous parlez des gens sur la Colline, parlez-vous des députés ou des chefs d'associations policières?
M. Thompson: Je parle des chefs des associations policières - «nos représentants». Les policiers parlent de leurs représentants.
Le commentaire le plus fort, celui que j'ai entendu le plus souvent, c'est: «À cause de ces choses-là, nous perdons peu à peu de vue notre raison d'être. Nous sommes constamment obligés de protéger nos arrières. Nous voulons faire de l'excellent travail, mais on adopte toujours des lois qui nous empêchent de le faire.»
Les policiers se demandent pourquoi nous ne nous débarrassons pas de cet article 745, et pourquoi le ministre de la Justice voterait contre l'abrogation d'un tel article. Ils se demandent pourquoi nous n'essayons pas de rétablir la peine de mort et pourquoi nous ne nous attaquons pas avec énergie à certains problèmes qui commencent à nous échapper totalement.
Si vous représentez ces gens-là, je m'étonne de ne pas vous entendre dire ce genre de choses. Je crois savoir aussi que les policiers à la retraite, les associations de chefs de police et d'autres policiers retraités, n'ont même pas été consultés. J'aurais pensé que leur sagesse aurait sûrement eu une certaine valeur.
Bref, la question que je vous pose à tous, si vous aimeriez y répondre, c'est comment pouvez-vous expliquer que tant de policiers qui travaillent en première ligne s'opposent si énergiquement à ce projet de loi? Certains sondages réalisés auprès de ces policiers ont révélé que jusqu'à 98 p. 100 d'entre eux s'opposent au projet de loi. Comment pouvez-vous expliquer que vous représentez l'opinion de 35 000 personnes? C'est ce qu'on entend dire par bien des gens dans tout le pays.
M. Jessop: À mon bout de la table, je suis le seul à avoir été élu à mon poste. J'ai commencé à faire de la politique policière il y a 20 ans; ce n'est pas facile. Je peux vous dire que je me suis présenté aux élections une fois et que j'ai perdu une seule fois. Le reste du temps, ils ne pouvaient tout simplement pas trouver quelqu'un d'autre pour faire mon travail.
J'ai perdu une élection une fois pour deux raisons. D'abord, je n'ai pas embrassé assez de bébés, parce que j'étais trop occupé à faire mon travail. La plupart d'entre vous savent ce que c'est. Ensuite, je n'ai pas été élu parce que j'ai fini par ne pas écouter mes électeurs et par donner ma propre opinion ou bien, dans un cas, parce que je croyais avoir réussi à faire changer d'opinion certaines personnes, pour qu'elles soient conformes aux miennes et que ça n'a pas marché. C'était en 1975.
M. Ramsay: Ce sont des propos des réformistes que vous tenez là.
M. Jessop: Je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup ici qui puissent me reprocher d'éluder les vraies questions. Je participe à l'action politique dans le milieu policier depuis plus de 20 ans et je peux vous dire que cette action politique s'exerce de manière démocratique. Nous faison tout pour qu'il en soit ainsi, monsieur Thompson, comme vous d'ailleurs dans votre propre milieu.
Au mois de mars, les représentants des policiers du Canada se sont réunis pour se prononcer sur ce projet de loi. À plus de 80 p. 100, ils ont été pour que l'on vous transmette les observations dont je vous ai fait part aujourd'hui.
Comme beaucoup d'entre vous, je n'éprouve guère de sympathie, ni même de patience pour ceux qui font connaître leur opinion de manière indirecte ou qui, malgré les opinions très fermes qu'ils peuvent avoir, refusent de descendre dans l'arène pour les défendre. J'ai entendu ce que ces gens ont à dire. Je les comprends et je respecte leurs opinions. Je suis moi-même un enfant de la campagne et je possède toutes sortes d'armes à feu. Je suis un honnête citoyen.
Nous avons étudié ce projet de loi et nous avons étudié nos recommandations. M. Newark et moi-même en avons discuté. Nous en avons discuté avec nos adhérents. Nous sommes une organisation démocratique et les propos que vous entendez aujourd'hui sont le résultat de ce processus démocratique. Je ne retrancherai rien de ce qui a été dit; je n'ai pas honte des propos qui ont été tenus ici. Je respecte le point de vue de ceux qui sont d'un avis différent. Mais s'ils veulent exprimer devant vous un point de vue différent, il leur faudra prendre contact avec notre organisation, constituée en vertu des lois de notre pays, réunir des partisans, briguer les suffrages de nos membres, se faire élire et c'est alors qu'ils pourront venir parler ici à ma place. Mais je n'ai pas de temps à perdre avec ceux qui refusent ce processus. Je respecte ce qu'ils ont à dire; je comprends les propos qu'ils expriment puisque moi aussi je serai obligé d'obtenir un permis pour mes armes à feu.
En dernière analyse, après avoir examiné les divers points de vue exprimés, à moins d'être paranoïaque, vous accomplissez les formalités, un point c'est tout. Ça ne sera d'ailleurs pas très compliqué. Il s'agira de faire quelque chose à laquelle on n'a jamais été tenu auparavant. Je ne veux pas et je ne peux pas admettre les grandes déclarations qui sont parfois lancées un peu comme des voix sortant des bois, ou des propos qui nous tombent du ciel.
M. Thompson: Et pourtant ce sont des policiers.
M. Jessop: D'accord. S'ils sont d'un autre avis et s'ils peuvent réunir suffisamment de partisans au sein de notre organisation afin de se faire élire, ils pourront venir ici à ma place et faire valoir leurs points de vue.
Monsieur Thompson, est-ce bien différent de ce que vous avez vous-même fait en briguant un mandat? Est-ce que ceux qui, parmi vos électeurs, ne sont pas d'accord avec vous m'adressent leurs doléances, est-ce vrai des gens avec qui vous vous êtes entretenu? Je ne pense pas qu'ils soient tous comme cela. Je ne sais pas quel serait leur pourcentage, moi non plus je n'en ai rien su. Je ne pense pas que ce soit juste de me faire ça à moi et je n'ai pas l'intention de vous le faire.
Le président: Votre temps de parole est malheureusement épuisé. M. Thompson a peut-être recueilli de tels propos auprès des policiers de Wild Rose, mais je connais beaucoup de policiers à Montréal - j'ai souvent l'occasion de les rencontrer - et il n'y en a pas un seul qui m'ait tenu de tels propos. Avec les années ils ont appris à me connaître. Je précise que sur d'autres sujets ils peuvent à l'occasion me faire part d'opinions tout à fait opposées, mais ils m'ont dit qu'ils étaient partisans des mesures envisagées.
M. Thompson: J'invoque le Règlement afin de préciser, à l'intention de M. Jessop, que je ne l'attaquais nullement. J'essaie de bien faire passer un message mais cela ne constitue en rien une attaque le visant personnellement.
J'estime devoir apporter une précision supplémentaire qui me semble importante. Je parle de ceux qui appartiennent à l'école des «Je vais vous donner mon opinion sur cela, mais je vous interdis de me citer». Cette attitude me paraît honteuse.
Le président: Comment?
M. Thompson: Il y a des gens qui ont peur d'être cités nommément. Je ne comprends vraiment pas pourquoi.
Le président: Attention. Vous vous êtes prononcé sur ce point, mais M. Jessop a lui aussi fait valoir ses arguments. Il existe au Canada des institutions démocratiques au nombre desquelles figure l'Association canadienne des policiers. Si les gens ont le courage de leurs convictions et qu'ils croient en quelque chose, eh bien, ils se rendront à la réunion - je crois savoir que certains d'entre eux l'ont fait effectivement et là, ils ont exprimé leurs opinions en toute liberté.
M. Newark: C'est moi, qui, en fait, était chargé d'animer le débat tout de suite après l'élection du gouvernement, alors que nous avons soulevé de nombreuses autres questions, puis à notre réunion qui a eu lieu en septembre à Winnipeg, lorsque nous avons à dessein cerné attentivement chaque problème et c'est également moi qui a organisé le débat qui a eu lieu ici au mois de mai lorsque nous avons mis aux voix les résolutions portant chacune sur un problème précis afin que nos adhérents ne soient pas obligés de se prononcer en bloc sur le projet de loi et afin qu'ils soient libre d'exprimer leur opinion sur chacun des problèmes évoqués. Permettez-moi, à ce titre, de faire savoir que nous n'avons épargné aucun effort afin, justement, de nous assurer que chacun aurait l'occasion de se faire entendre. D'ailleurs, le Comité des armes à feu que nous avons constitué comprenait, parmi les personnes particulièrement intéressées par ce sujet, des policiers provenant des diverses régions de notre pays, y compris deux policiers de Saskatoon appartenant justement à l'Association dont vous parliez tout à l'heure. Ils ont eu pleinement l'occasion de se faire entendre et ce sont d'ailleurs eux qui ont présenté le rapport préléminaire qui reflète fidèlement les recommandations que nous avons formulées.
Donc, quant à la question de savoir comment les diverses opinions ont pu s'exprimer et aux moyens permettant d'assurer que la position que nous formulions était nette et aussi représentative que possible de l'ensemble de nos adhérents, permettez-moi de dire que je ne vois pas beaucoup de gens qui seraient en mesure de nous donner des leçons sur la manière de procéder.
Mais, vous avez parfaitement raison dans la mesure où des policiers ont exprimé le désir de voir évoquer d'autres problèmes. Madame Venne vous a montré le dernier numéro de notre revue. La couverture de ce numéro, que tout le monde, j'espère, a dans son bureau, est consacrée aux coupures budgétaires et à la suffisance des effectifs policiers patrouillant les rues de nos communautés. À notre avis, ce problème-là est intimement lié à la question de l'enregistrement des armes à feu.
Je voudrais que dans le meilleur des mondes toutes les énergies, toute l'attention et tout l'argent actuellement consacrés à ce débat contribuent en même temps - et cela vaut pour les trois partis - à la protection des enfants de notre pays. Je précise bien que cette remarque s'applique à tous.
Ce n'est pas nous qui fixons l'ordre du jour; nous ne faisons qu'y répondre. Nous nous trouvons devant un projet de loi et nous avons, envers nos adhérents, l'obligation de sillonner le pays afin de recueillir le sentiment des membres de l'Association, puis de vous faire part de ce sentiment.
Le président: Il me semble en effet important de voir bien préciser la manière dont l'Association canadienne des policiers a forgé son opinion sur ce projet de loi.
Monsieur Ford, monsieur Westwick ou monsieur Sangollo, pourriez-vous nous dire comment vous avez fait pour solliciter les suffrages de vos adhérents. Vous dites représenter l'ensemble des chefs de police du Canada. Avez-vous mis la question aux voix? Comment êtes-vous arrivé à prendre la décision, d'apporter votre soutien à ce projet de loi? Vos deux groupes ont été accusés par d'autres témoins d'un manque de sincérité dans vos propos et je vous demande donc de nous dire comment, au sein de l'Association canadienne des chefs de police, vous êtes parvenus à votre décision.
Le chef Ford: Nous expliquons la démarche que nous avons suivie à la page 3 de notre mémoire. La question de savoir si il y avait lieu d'accorder notre appui aux mesures de contrôle des armes à feu a été évoquée devant l'Association canadienne des chefs de police au cours de leur assemblée générale de 1993. La question avait déjà été évoquée devant l'Assemblée générale les années précédentes. Nous avons donc consulté les représentants des diverses associations provinciales de chefs de police qui s'étaient rangés à la position adoptée par l'Association canadienne des chefs de police.
Le Comité des modifications législatives comporte des représentant des diverses régions de notre pays. Nous veillons, en effet, à ce quoi soit représentées, les diverses régions du pays, aussi bien la Colombe-Britannique, que l'Alberta, la Saskatchewan, les provinces des Maritimes, Québec et l'Ontario. Afin d'assurer la représentativité de ce comité, nous veillons à ce qu'il comporte des représentants des diverses régions. Donc, les membres du Comité prennent contact avec leurs associations provinciales des chefs de police et discutent de cela au sein du Comité des modifications législatives ainsi qu'avec d'autres chefs de police lors des assemblées générales. Voilà comment nous faisons pour recueillir l'avis de nos adhérents.
Lors de l'assemblée générale, lorsque sont évoqués les divers aspects de notre position, par exemple, la position de notre association sur l'enregistrement des armes à feu... La question a été évoquée et mise aux voix par nos adhérents lors de l'assemblée générale. Quelques uns de nos membres ont voté contre, mais la très grande majorité des chefs de police s'y sont déclarés favorables. Une majorité écrasante des chefs de police sont partisans d'une telle mesure. Chaque partie de notre position a été exprimée dans le cadre d'une résolution de l'Association canadienne des chefs de police, résolution que notre association a ensuite fait parvenir au ministère de la Justice, en expliquant qu'il s'agissait de résolutions touchant tel ou tel projet de loi ou telle ou telle modification que nous aimerions voir apporter au Code criminel.
M. Gallaway: J'aimerais revenir un peu à ce que M. Thompson disait au sujet de la tyrannie, car il semble dire par cela que le processus de décision ne serait guère démocratique.
Cette semaine nous avons entendu, devant ce comité, des témoins qui ont évoqué Staline et Hitler. Ils ont parlé d'oppression et de tyrannie. Certains représentants de cette tendance ne cessent d'affirmer que ce projet de loi vous confère un pouvoir nouveau. Je ne parle pas là des pouvoirs d'inspection mais des pouvoirs de perquisition et de saisie. Pourriez-vous répondre aux inquiétudes ainsi manifestées par certains de nos témoins?
M. Westwick: Je répète que ce qui me paraît nouveau dans tout cela est le domaine dont a parlé M. Bodnar. Il s'agit de dispositions relatives à l'inspection et je ne répéterai donc pas ce que j'ai déjà dit à cet égard.
En ce qui concerne les dispositions générales du Code criminel en matière de perquisitions et de saisies, M. Newark a dit ici qu'il voudrait voir ces dispositions renforcées. J'estime que les dispositions prévues en matière de perquisitions et de saisies sont parfaitement conformes au droit en ce domaine, mais lorsqu'il s'agit d'armes à feu il faut bien parler des mécanismes permettant de faire respecter la loi. Je parle là de mécanismes généraux, mais il est clair qu'il faut prévoir les moyens de faire respecter la loi. Lorsque vous entrez dans le détail de la question, il s'agit bien sûr d'entrer chez les gens, de regarder et de faire ce qui s'impose quand on trouve ce que l'on cherche. Il faut donc prévoir, en matière de perquisitions et de saisies, des pouvoirs réalistes.
Je peux vous dire, monsieur, que depuis qu'elle veille à l'application des dispositions de la charte des droits et libertés, la Cour suprême du Canada n'a jamais hésité à faire prévaloir sur les droits de l'État, c'est-à-dire de la «police», les droits de l'individu. Je ne vois rien dans la récente jurisprudence de la Cour suprême qui permette de conclure à un changement d'orientation favorable à l'accroissement des pouvoirs de la police.
Je dirais donc, en réponse, qu'il y a, dans la force de la charte, quelque chose de très rassurant pour les citoyens.
M. Newark: La prochaine fois que quelqu'un reviendra sur ce sujet, vous pourrez peut-être les renvoyer à l'article 103(2) du Code criminel sous sa forme actuelle. Il s'agit de pouvoirs assez larges. Ils sont déjà inscrits dans le Code criminel. C'est bien la preuve du caractère réglementaire des pouvoirs de perquisitions et de saisies déjà inscrits dans notre droit.
M. Gallaway: Je vous remercie. Je précise à l'intention des gens ici présents qu'en Alberta, le Safety Code Act autorise les inspecteurs du bâtiment à pénétrer, en tout temps et sans mandat, dans un immeuble afin de procéder à une inspection. C'est vraiment très intéressant.
M. Jessop: Monsieur Gallaway, je vous assure que je comprends fort bien ce que vous ressentez. Ceux qui évoquent Staline ou Hitler en parlant des policiers canadiens ne savent pas grand-chose de ce que nous faisons ou bien alors ne connaissent pas grand-chose sur Staline et Hitler.
Des voix: Oh, oh!
M. Gallaway: J'ai une dernière question. Certains semblent croire - et à l'heure actuelle les messages fusent de toutes parts sur l'Internet pour dire qu'il s'agit d'une lutte à mort - qu'il s'agit d'un combat pour la liberté et que l'enregistrement de votre arme à feu est une sorte de punition imposée à d'honnêtes citoyens.
Pourriez-vous nous dire, vous en tant que représentant de ceux qui ont à connaître directement d'actes de violence graves et souvent tragiques dans les familles, si vous estimez - car hier vous avez entendu un témoin exprimer l'opinion contraire - si vous estimez, donc, que tous ceux qui acquièrent légalement une arme à feu sont à tout jamais des honnêtes citoyens patentés.
M. Westwick: Je vais répondre en premier, mais je sais que le chef Ford voudra également faire certaines observations sur ce point.
Ce qui me préoccupe - et peut-être que j'attache trop d'importance à ce point - c'est qu'il y aurait également lieu de se pencher avec beaucoup d'attention, lors de l'examen de la question de la dépénalisation, sur ce qui traverse actuellement l'Internet, transmis par ceux qui prônent le non-respect de certaines dispositions législatives. Lorsque vous constatez qu'un nombre important de personnes se lèvent pour dire qu'elles refuseront absolument de respecter les dispositions de ce projet de loi, qu'elles n'en tiendront pas compte et qu'elles lancent ou tentent de commercialiser une stratégie permettant de déjouer la loi, circonvenir les dispositions législatives et frustrer l'objet même du régime d'enregistrement de armes à feu, vous me permettrez de dire en toute déférence qu'il y aurait lieu de surseoir à la dépénalisation. Je m'avance un peu, je sais.
M. Gallaway: Je vous en prie. La question était un peu tendancieuse.
Vous avez prôné l'interdiction de toute arme de type militaire. On nous a par ailleurs affirmé que les armes de type militaire ne sont jamais utilisées pour commettre des crimes. Pourquoi alors prôner une telle interdiction?
Le chef Ford: C'est tout à fait le contraire qui est vrai. On approche je crois du jour anniversaire du drame de l'École polytechnique de Montréal et de la mort, à Oshawa, d'agents de police lors du cambriolage d'une banque... Dans les deux cas ce sont des fusils d'assault militaire qui ont été utilisés.
Le dernier projet de loi portait sur la capacité des chargeurs. Ce projet de loi va plus loin encore en prévoyant, ce que nous avions demandé à l'époque, c'est-à-dire l'interdiction des fusils d'assault de type militaire. On les a déjà vu utilisés pour commettre des crimes.
Si vous me permettez de revenir sur ce que vous disiez tout à l'heure au sujet de l'honnêteté foncière et permanente de tous les propriétaires d'armes à feu. Il est important de noter que 40 p. 100 des femmes tuées par leurs maris sont tuées par balles et que 78 p. 100 des armes utilisées par des hommes afin de tuer leurs femmes sont des armes acquises légalement. Cette donnée statistique me paraît importante. M. Jessop avait évoqué ce point-là plus tôt.
La réponse est donc qu'il ne s'agit pas du tout de punir d'honnêtes citoyens. À notre avis, il s'agit simplement de responsabiliser les gens qui sont propriétaires d'armes extrêmement dangereuses. Cette responsabilité comprend l'obligation d'assurer l'entreposage sécuritaire des armes, mais comprend également le recouvrement des coûts qu'entraînera inévitablement le nouveau régime. J'hésite recourir à un argument souvent invoqué à l'égard des véhicules automobiles et d'autres aspects réglementés de notre vie sociale. On ne doit tout de même pas perdre de vue le fait que les armes à feu sont des objets qui peuvent très facilement provoquer la mort.
[Français]
Mme Venne: C'est juste un point pour clarifier ce qui a été dit ici, parce que je ne peux pas faire de rappel au Règlement là-dessus. C'est la seule chose que je veux faire à cette étape-ci.
C'est M. Jessop, je crois, qui a dit tout à l'heure, ou tout au moins qui a laissé entendre qu'il y aurait des exemptions pour les autochtones, à savoir qu'ils n'auraient pas à enregistrer leurs armes. Je ne sais pas si j'ai bien compris ce que M. Jessop a dit, mais il n'y aura pas d'exemption, et si j'ai bien compris le ministre également. De la façon dont on peut lire la loi, il n'y aura pas d'exemption, excepté pour les personnes qui vivent de la chasse ou de la trappe et qui n'auront pas à payer les frais d'enregistrement. Mais, ils devront quand même s'enregistrer, à moins qu'un conseiller juridique ne dise le contraire.
[Traduction]
Le président: L'alinéa 110t) de la partie relative aux pouvoirs réglementaires permet au gouvernement de prévoir certaines exceptions à l'intention des autochtones. Il y est prévu, en effet, que le gouvernement pourra, par règlements,
- prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou de
ses règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à
cette application.;
Mme Venne: Donc, à ce moment-là, si vous intervenez pour me dire cela, ça voudrait dire que le ministre a l'intention d'exempter les autochtones de l'enregistrement des armes à feu? Si c'était la situation, j'avoue bien franchement que je ne pourrais être d'accord, c'est bien évident. Alors, le point que je voulais soulever l'est et je vais donc revoir de nouveau ces articles pour être bien certaine de la façon dont ils vont être appliqués.
C'est tout. Je ne demande pas de commentaire, je voulais avoir un éclaircissement là-dessus.
[Traduction]
M. Wappel (Scarborough-Ouest): Monsieur Ford, je ne suis pas expert en matière d'armes à feu, mais je pense pouvoir affirmer que l'arme utilisée par Marc Lépine n'était pas un fusil d'assault.
J'aimerais, monsieur, être certain d'avoir bien compris le sens de votre témoignage. Affirmez-vous que le projet de loi devrait être adopté sans amendement?
Le chef Ford: Oui.
M. Wappel: Comment conciliez-vous cela avec ce qui figure à la page 5 de vos recommandations, là où vous demandez à ce que le texte soit formulé dans un langage qui s'entend facilement, et avec la page 11 de vos recommandations, là où vous recommandez des amendements précis au projet de loi? Sans doute voulez-vous dire que vous ne voulez pas d'amendements qui porteraient atteinte aux grands principes qui inspirent ce projet de loi.
M. Westwick: Monsieur Wappel, j'en ai rédigé une partie, donc j'imagine que je peux en être tenu responsable. D'après moi, cela dépend de la manière dont vous interprétez le mot «amendement».
Le message que nous tentons de faire passer avec force est que nous sommes entièrement d'accord avec le but visé dans ce projet de loi.
Je ne manque jamais une occasion de comparaître devant vous pour dire ce que je pense de la rédaction d'un texte législatif. J'assume l'entière responsabilité de ce qui a été dit au sujet de la rédaction dans un langage qui se comprend facilement. Nous avons déjà parlé de cela.
Les amendements dont il est question à la page 11 sont d'importance tout à fait secondaire et n'affectent en rien la teneur de cet article. Nous nous étions en fait demandés si nous devrions en parler. Nous avons décidé de le faire car nous estimions qu'ils méritaient tout de même d'être examinés par le comité mais, je le précise ici, il s'agit d'amendements tout à fait mineurs et de caractère purement technique.
M. Wappel: Entendu.
Deuxièmement, selon l'argument développé à la page 2, un registre national des armes à feu réduira l'utilisation illicite des armes à feu et aidera à appréhender ceux qui s'en servent de manière illicite. Pourriez-vous expliquer comment vous en êtes arrivé à cette conclusion?
M. Sangollo: N'oubliez pas qu'il arrive de retrouver une arme sur le lieu du crime sans que l'on puisse pour cela identifier son propriétaire. N'oubliez pas non plus qu'en cas de meurtres il est fréquent que l'on trouve l'arme qui a été utilisée sans que l'on puisse pour autant identifier le propriétaire. Si toutes les armes à feu étaient enregistrées, nous aurions au moins un point de départ permettant d'orienter l'enquête.
En cas de prise d'otage ou de personnes qui se barricadent, il peut être utile de connaître le calibre et le type d'armes impliquées afin de savoir s'il s'agit d'un calibre .22 ou d'un calibre .223, capable de transpercer un gilet pare-balle.
Lorsque des policiers sont appelés à intervenir en cas de violence conjugale, ils sauront, si toutes les armes à feu sont enregistrées, le type d'arme qui se trouve à l'intérieur: arme de poing, carabine ou fusil de chasse. Ils sauront, ainsi, à quoi ils peuvent s'attendre. Si les menaces sont proférées sur les lieux de travail d'une femme ou de l'amie de l'intéressé, et que nous sommes appelés à intervenir, nous saurons, en opérant une vérification de l'intéressé, qu'il a des armes chez lui.
On m'a raconté un incident qui s'est produit la nuit dernière. Je n'ai pas tous les détails. Un garçon de 15 ans a été tué en Abitibi-Témiscamingue. D'après ce qu'on m'a dit, ayant pénétré dans la maison après la fusillade, la police a trouvé ce jeune garçon qui s'était barricadé avec son père pendant au moins 40 heures. La police a trouvé trois armes à feu appartenant à la mère et légalement acquises. Il est important de savoir que si des dispositions touchant l'enregistrement des armes à feu avait été en vigueur, cette femme aurait peut-être pu choisir soit d'enregistrer son arme à feu soit de s'en défaire. Cela aurait peut-être permis de sauver des vies.
J'ai moi-même fait enquête sur un garçon de 12 ans, d'origine asiatique, qui avait tiré sur une petite fille de 9 ans qui se trouvait sur le trottoir. Ce garçon avait rendu visite à un ami et avait vu une carabine accrochée au mur. Cela s'est produit au cours de l'hiver de 1976. Il a emprunté la carabine et s'est installé sur un balcon. Il a visé deux petites filles qui sortaient de l'école. Il en a atteint une, mais elle n'a pas été tuée.
En matière d'enregistrement il y a donc l'aspect prévention et l'aspect répression... Il est clair que cela facilite la tâche de la police. J'espère que ce projet de loi sera adopté dans les meilleurs délais car avec les coupures budgétaires, la baisse des effectifs, nous avons besoin de nouveaux moyens. Cela facilitera également la prévention... Nous ne voulons pas que les enfants...
Il faut faire la distinction entre quelqu'un qui agit sous le coup d'une impulsion et qui, pour une raison ou pour une autre, décide de tuer la personne avec laquelle il vit et va acheter une arme et... Si cette loi l'empêche d'agir ainsi parce qu'il faut avoir certains papiers ou autres, alors nous pourrons peut-être sauver une vie.
Si quelqu'un a des pensées suicidaires, un délai de 48 heures peut donner à cette personne l'occasion de changer d'avis. Ainsi, s'il faut plus de temps pour acquérir une arme, nous pouvons sauver des gens. C'est cela l'objectif principal.
M. Wappel: Vous avez dit à l'Association canadienne des policiers qu'un des aspect positifs de ce projet de loi était le fait d'avoir à déposer les règlements devant le Parlement. Est-ce de l'article 111 de la partie du projet de loi constituant la Loi sur les armes à feu dont vous parlez et, si oui, qu'avez-vous à dire à propos du paragraphe 117.15(2) de la partie III, sur les modifications que l'on se propose d'apporter au Code criminel, et où il n'est pas question de faire intervenir le Parlement?
M. Newark: Je crois qu'il va falloir que je regarde cela de plus près avant de vous répondre. Les règlements auxquels je pensais quand j'ai parlé de l'intervention du Parlement étaient ceux qui avaient trait aux droits d'enregistrement. Je sais que certains se sont inquiétés du fait que ces droits pourraient en réalité revenir à prohiber les armes, et j'ai pensé que cela était...
M. Wappel: Je voulais parler des prescriptions de l'article sur les armes prohibées.
M. Newark: Je vais examiner cela et je vous répondrai plus tard.
Le président: Bien évidemment, nous voudrons sans doute apporter des amendements au projet de loi afin que ces deux articles concordent.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Je ne peux vous dire à quel point je suis heureuse de voir comparaître devant nous des gens qui parlent de la Partie III de cette mesure législative. Je m'inquiétais de voir que la plupart des discussions portaient sur l'enregistrement des armes à feu et non sur leur utilisation criminelle.
Ce qui me préoccupe, c'est qu'à mon avis, selon l'interprétation que je donne de cette mesure législative, elle ne va changer en rien la situation que nous connaissons aujourd'hui. Par exemple, là où j'habite, il y a eu une fusillade avec la police dans une des rues principales. Trente-quatre accusations ont été portées, dont un bon nombre concernaient les armes à feu. Deux de ces accusations ont donné lieu à des poursuites, mais aucune d'entre elles ne concernait les armes à feu. Je ne pense pas que ce projet de loi va permettre de régler les cas de ce genre.
Je voudrais vous donner un scénario et vous demander si, à votre avis, ce projet de loi permettrait de traiter la situation comme il se doit. Disons qu'une personne qui a déjà commis un certain nombre de vols qualifiés est repérée par une caméra de surveillance avec entre les mains un objet qui ressemble à une arme à feu, mais au moment où on l'arrête, la personne en question n'a pas cet objet en sa possession. Pensez-vous qu'en vertu de l'alinéa 344a), on puisse porter une accusation contre elle et que sa culpabilité puisse être reconnue? C'est dans le cas où l'on pourrait prouver que l'arme peut projeter une balle à 152,4 mètres par seconde.
M. Westwick: À mon point de vue, cela serait possible, mais, si je comprends bien votre question, il me semble que M. Newark a déjà évoqué cet aspect lorsqu'il a parlé de l'application des dispositions générales à l'usage d'une fausse arme à feu afin de faciliter les poursuites. Dans la mesure où je comprends bien votre question ainsi que le point de vue exprimé par M. Newark, nous sommes d'accord.
Mme Meredith: Ce qui m'inquiète, c'est qu'en vertu de cette mesure législative, il y a deux possibilités: soit on accuse la personne en question d'avoir utilisé une arme à feu, soit on porte contre elle une accusation distincte, c'est-à-dire l'usage d'une réplique d'arme à feu. Si je comprends bien la législation canadienne, si l'on ne peut prouver qu'il s'agissait bel et bien d'une arme à feu, la personne en question ne peut faire l'objet d'une autre accusation au titre d'usage d'une réplique d'arme à feu. Je ne vois pas comment cette mesure législative va permettre de traiter de la même façon l'usage d'une réplique ou d'une vraie arme à feu. Pourriez-vous me dire si j'ai raison?
M. Newark: Je ne suis pas d'accord avec la conclusion que vous tirez, lorsque vous dites que si l'on peut faire condamner la personne en question parce qu'on n'a pas la preuve qu'elle a fait usage d'une arme à feu telle qu'elle est définie dans le Code criminel, elle pourrait faire l'objet d'accusations au titre d'usage d'une réplique d'arme à feu.
Mme Meredith: Ma question est la suivante: si vous accusez la personne en question d'usage d'une arme à feu et qu'elle parvient à faire valoir que vous ne pouvez pas prouver qu'il s'agissait d'une arme à feu parce que vous n'avez pas pu la saisir et faire faire des tests de balistiques, et si, par la suite, cette personne est relâchée ou déclarée non coupable d'usage d'une arme à feu, pouvez-vous alors l'accuser d'usage d'une réplique d'arme à feu?
M. Newark: Oui, et il y a aussi pour ce faire de nombreuses règles de procédure qui définissent comment porter une accusation, à quel moment, comment procéder en cas de sursis et ainsi de suite.
À mon avis, le problème majeur sur lequel vous venez de mettre le doigt n'a rien à voir avec la catégorie dans laquelle tombe l'individu en question, c'est plutôt ce qui peut bien justifier que cet article ne s'applique pas aussi bien aux vraies armes à feu qu'aux répliques d'arme si le véritable message que l'on veut donner c'est que l'on n'apprécie pas du tout la façon de procéder des gens qui commettent ce genre de crimes. Je ne vois pas du tout comment il peut se faire que ça ne soit pas le cas.
Deuxièmement, où est la déclaration de principe donnant aux tribunaux des instructions sur les peines à appliquer? Nos mesures législatives sont pleines de principes. Dans le projet de loi sur la conduite en état d'ivresse, le préambule est plus long que le reste du texte. Où est-il dans le projet de loi que nous examinons? À mon avis, c'est une très grave erreur de ne pas en avoir.
Mme Meredith: Par conséquent, vous êtes d'accord avec moi pour dire que nous devrions examiner cela, qu'il faut dire clairement que, pour l'employé qui travaille au guichet de la banque, peu importe qu'il s'agisse d'une vraie ou d'une fausse arme à feu. L'expérience est tout aussi traumatisante. L'objet est utilisé dans le même but, c'est-à-dire faire peur et être ainsi en position de force.
M. Newark: Oui.
Mme Meredith: Je pense vraiment que c'est un changement qui devrait être apporté à cette mesure législative. Je crois comprendre que vous, ainsi que l'Association canadienne des chefs de police, pensez comme moi que c'est une modification qui devrait être faite.
M. Westwick: Oui, M. Newark m'a signalé cela aujourd'hui, et je suis d'accord.
Mme Meredith: Bien. Je vous en remercie.
L'autre chose qui m'inquiète vraiment - je m'adresse à l'Association canadienne des chefs de police - c'est que vous êtes vraiment contents du fait que cette mesure législative ait du mordant, qu'elle démontre que nous ne badinons pas avec les criminels, qu'en ce qui concerne l'enregistrement des armes à feu, mesure que vous jugez nécessaire, vous avez les pouvoirs qu'il faut. Pouvez-vous me montrer où dans ce projet de loi il est question de mesures plus sévères envers les criminels que les lois qui existent déjà aujourd'hui?
Si l'on met à part les dix crimes les plus graves, on parle de «condamnations au criminel ou déclarations sommaires de culpabilité», ce qui pour moi, veut dire une amende. Je ne considère pas cela comme une mesure dissuasive. Dans le cas des dix crimes les plus graves, seriez-vous satisfaits si l'auteur d'un homicide involontaire qui a fait usage d'une arme à feu était condamné à la même peine que celle prévue actuellement, le minimum étant quatre ans de prison. Je ne vois pas en quoi ce projet de loi comporte des dispositions plus sévères que la législation existante.
M. Westwick: Permettez-moi de répondre le premier et ensuite, M. Newark pourra dire ce qu'il en pense.
Il est difficile de répondre à cette question. Si vous saviez ce qui se passe dans les cours de justice du pays...
Mme Meredith: Nous en entendons parler tous les jours.
M. Westwick: ...jour après jour, envisager une peine minimale de quatre ans pour une infraction de cette nature, serait une mesure plus que satisfaisante, je pense, pour les chefs de police du Canada. Notre groupe est intervenu à propos de bien d'autres projets de loi, notamment celui qui concernait la libération conditionnelle et les modalités d'application des peines. Nous avons parlé de cela et je me souviens avoir engagé un débat là-dessus avec vous, madame Meredith.
Nous ne sommes pas ici pour proposer que les peines soient allégées. Ce n'est pas ce que la police dit généralement. En ce qui a trait à l'usage d'armes à feu, je pense que pour nous, le fait que l'on ait prévu des peines minimales et, dans certains cas, consécutives, et que l'on ait inclu de nouvelles infractions, ce sont de bonnes nouvelles.
Mme Meredith: Il ne s'agit pas de peines consécutives.
M. Newark: Exactement. Il existe, de fait, dans ce projet de loi, des peines qui sont nouvelles et plus sévères que ce que l'on trouve actuellement dans le Code criminel en ce qui a trait à la possession d'armes à feu volées, le trafic d'armes, la possession d'une arme de poing chargée à proximité de...
Mme Meredith: Mais ces infractions sont également passibles d'une déclaration de culpabilité par mesure sommaire.
M. Newark: Non. Cela est en fait laissé à la discrétion de la Couronne et je crois que c'est cela qui est en partie à l'origine du problème car, dans une certaine mesure, on a dit qu'il s'agissait là de nouvelles peines plus sévères. Eh bien, ce sont les nouvelles peines sévères si la Couronne décide de procéder par mise en accusation.
Le président: [Inaudible - Éditeur] ...infractions sont seulement des actes criminels.
M. Newark: Je pense que Mme Meredith parlait des autres infractions - par exemple, possession d'armes à feu volées ou trafic d'armes à feu volées. Ce sont des actes criminels si la Couronne décide de procéder par mise en accusation. Dans le cas contraire - et encore une fois, je reviens au projet de loi C-41 - à cause des amendements apportés par le gouvernement à la législation dans ce domaine, cela pourrait donner lieu à une amende de 50$. Cela ne fait donc qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui se sont plaints que les intervenants de première instance avaient trop de latitude.
En conclusion, j'aimerais ajouter - et c'est ce que je voulais dire lorsque je parlais de renforcer la mise en application de la législation - que si nous prenons cela au sérieux et si nous estimons que ces mesures sont appropriées, pourquoi n'en faisons-nous pas des peines consécutives? Pourquoi ne pas ajouter les unes aux autres les peines imposées pour trafic d'armes à feu, ventes d'armes volées ou possession d'une arme de poing chargée à portée de la main? Pourquoi ne pas exprimer ce point de vue dans une déclaration de principe et instaurer des peines consécutives?
M. DeVillers (Simcoe-Nord): Je veux juste préciser un point soulevé plus tôt par M. Newark. Il a mentionné que j'avais présenté un projet de loi d'initiative parlementaire. Ce n'est pas par le biais d'un projet de loi d'initiative parlementaire que je propose de dépénaliser l'omission d'enregistrer ses armes à feu; c'est une modification au projet de loi que j'ai préparée et que je présenterai plus tard à ce comité.
J'aimerais d'ailleurs demander à l'Association canadienne des chefs de police ce qu'elle en pense. Mon amendement a pour objet de dépénaliser le fait d'omettre d'enregistrer ses armes à feu lorsque cela est fait par inadvertance et d'ordre passible des dispositions du Code criminel le fait de refuser délibéremment de se plier à l'enregistrement. Étant donné la position très claire adoptée par les propriétaires d'armes à feu, s'ils estiment que l'enregistrement pose un tel problème, si l'objectif poursuivi est d'encourager les gens à respecter la loi et s'il existe un moyen de parvenir à cela sans pour autant affaiblir les dispositions concernant l'enregistrement, je me demande si, pour tenter de pousser les gens à respecter la loi, ma proposition ne serait pas une chose à laquelle ils se rallieraient.
M. Westwick: Non, pas en ce qui me concerne, en tout cas, et c'est aussi ce que voulait dire le chef Ford.
Je ne veux pas me lancer dans une discussion théorique sur le droit pénal, mais la difficulté est la même que celle que nous évoquions plus tôt lorsque nous parlions des vraies et des fausses armes. Il est très difficile de prouver quoique ce soit quand on parle d'infraction délibérée et, sur le plan pratique, pour déterminer si la loi a été respectée ou non, c'est très simple: soit l'arme est enregistrée, soit elle ne l'est pas. Par conséquent, du point de vue du procureur, c'est très simple: L'arme n'a pas été enregistrée, point final. Mais les choses se compliquent énormément si l'on demande au procureur de prouver dans chaque cas qu'il s'agissait bel et bien d'un acte délibéré.
Deuxièmement, je veux revenir sur quelque chose qui a été dit dans le même contexte plus tôt, lorsque l'on a parlé de la possibilité de donner des avertissements. Peut-être allez-vous trouver que je me mêle un peu de ce qui ne me regarde pas, mais si ce que l'on cherche à faire, c'est d'avertir les gens, leur faire passer un message, alors, il y a certainement d'autres moyens de le faire que d'accorder à tous et à chacun la possibilité d'enfreindre la loi une fois sans conséquence, ce à quoi revient cette recommandation. Il y a certainement d'autres moyens de faire la promotion de ces mesures et d'en informer le public. Je ne vois aucun autre cas où l'on dirait que, même si l'on juge l'infraction sérieuse, on ne veut pas imposer de sanctions la première fois que quelqu'un l'a commet.
Je me répète mais, de notre point de vue, c'est d'une infime partie de la population dont vous parlez. Je ne veux pas dire la population en général, mais celle qui est constituée par les gens qui ne respectent pas la loi, si vous voulez. Il y a parmi eux des innocents, des étourdis. D'après nous, il est tout à fait possible dans le cadre des dispositions existantes du Code criminel de traiter leur cas.
M. DeVillers: Mais s'il existe une sanction en vertu de la Loi sur les armes à feu, et si on l'impose, cela aboutira uniquement à ce que les gens n'aient pas de casier judiciaire, ce qui répond aux préoccupations légitimes qu'ils ont exprimées à ce propos. Jusqu'ici, l'enregistrement n'était pas nécessaire. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'un tour gratuit. Cela n'en reste pas moins une sanction et c'est toujours une manière de dire aux gens qu'il s'agit d'une chose très sérieuse et que ces armes à feu doivent être enregistrées.
M. Westwick: Pour moi, il n'y a qu'un seul problème à cela: c'est qu'il y a tous les autres, ceux qui poussent les gens à ne pas observer la loi de façon délibérée, qui utilisent Internet et tous les autres moyens de communication pour se faire entendre et pour répéter qu'ils ne vont pas enregistrer leurs armes, qu'ils vont les enterrer et mettre tout le système par terre, etc. Eux aussi vont bénéficier de l'adoucissement des mesures prévues par la loi.
M. DeVillers: Mais il y a toujours la possibilité de prendre d'autres mesures si un policier découvrait des armes enterrées après avoir été enveloppées d'un chiffon huilé ou protégé grâce à ce que l'on peut acheter à cette fin. Dans ce cas, il serait évident que le non-enregistrement des armes ne serait pas dû à l'inadvertance. Il s'agirait d'un acte délibéré et donc passible des dispositions prévues dans le code criminel.
M. Jessop: Vous avez raison. Si vous enterrez vos armes, c'est qu'une preuve qu'on l'on peut faire valoir en cour au cas où nous décidions de le faire. Avec tout le respect que je vous dois, c'est de cela dont nous avons besoin. Nous avons besoin d'une certaine latitude pour agir dans le cas des quelques personnes qui n'ont pas d'intention criminelle, qui possèdent légalement leurs armes et qui n'ont jamais rien fait de mal dans leur vie.
Tout ce que nous vous demandons, encore une fois, c'est de nous laisser la latitude de régler ces cas-là de cette façon. Croyez-moi, il pourrait être plus difficile de procéder ainsi dans le premier cas, que de traiter la chose comme un acte criminel.
Si vous risquez de perdre toutes vos armes, de ne jamais les récupérer et d'avoir à payer une forte amende, il se peut fort bien que pour certains, cela soit plus sérieux qu'une condamnation pour acte criminel. Ce que nous disons, c'est laissez-nous nous occuper de cela. A mon avis, ça ne devrait pas être un sujet de contention. C'est une option que devraient avoir les gens qui possèdent légalement des armes pour une raison très valable, et qui ne les ont pas enregistrées.
Je dirais qu'il y a des centaines de milliers de gens dans ce pays - peut-être un million - qui n'ont pas participé aux débats sur les armes à feu. Ils ne savent rien à ce sujet. Ils ne savent rien de la nouvelle loi et ne le sauront jamais. Leur vieux fusil restera dans le placard jusqu'à ce que nous le trouvions par hasard. Cette personne qui a agi honnêtement et de façon responsable devrait-elle faire l'objet d'une condamnation au criminel si elle se révèle incapable de donner dans son témoignage tous les détails concernant les dispositions pertinentes du projet de loi? Donnez-nous la latitude d'agir dans ce cas, et nous le ferons.
Mme Torsney (Burlington): Mes propos sont exactement dans la ligne des commentaires de M. DeVillers. Il semble que quelqu'un a fait une analogie et a dit que nous semblons parler des divers cas comme si nous étions en train de rédiger, par exemple, une loi sur la drogue où l'on ferait référence à des incidents qui se sont réellement passés et que c'est ainsi que la loi sur la drogue aurait été rédigée. L'objectif était de couvrir les grandes questions.
Il est certain que nous parlons de cas dont certains d'entre vous.... Je demande aux deux groupes de faire des commentaires. Disons que l'on nous informe que quelqu'un a caché quelque part 20 armes à feu. L'individu en question n'a jamais enfreint la loi. Il n'a pas de casier judiciaire. Vous n'avez aucun renseignement précis qui vous permettrait d'établir qu'il enfreint bel et bien la loi, mais, par déduction, vous en arrivez à la conclusion qu'il fait en fait le traffic d'armes. La seule raison pour laquelle vous ne pouvez porter cette accusation c'est parce que vous n'avez aucune information concrète à ce sujet. Mais vous pourriez le piéger s'il existait une mesure législative stipulant que c'est un acte criminel de ne pas enregistrer les armes en question.
Le deuxième scénario sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires est le suivant: vous arrêtez quelqu'un et il y a une carabine à l'arrière de la voiture; certaines remarques parvenues aux oreilles des policiers, vous font soupçonner que cette personne est sur le point de commettre un crime, qu'elle va faire un hold-up dans une banque, ou tuer son ancienne épouse, que sais-je, et rien ne vous permet, dans l'état actuel des choses, de l'arrêter. Vous savez que vous ne pouvez rien faire d'autre que de le laisser faire ce qu'il veut. Peut-être pourriez-vous le suivre, peut-être pourriez-vous intervenir d'une autre façon, ou peut-être va-t-il attendre jusqu'à demain. Mais si cette loi, telle qu'elle est rédigée actuellement, était en vigueur, vous pourriez arrêter cet individu en l'accusant de ne pas avoir enregistré son arme.
Dans un système où il existerait la possibilité de donner un avertissement, je ne suis pas sûr que vous auriez les moyens d'empêcher ce crime d'être commis. Et je ne suis pas sûr que bénéficier d'une certaine latitude soit vraiment pour vous, les policiers, un avantage lorsque les choses tournent mal.
J'aimerais que vous réfléchissiez à cela et que vous nous disiez comment nous devrions envisager de tels cas. La véritable raison pour laquelle le gouvernement a intégré cette disposition est qu'il y a là acte criminel.
M. Sangollo: Madame Torsney, je pense que nous allons vous demander de remplacer M. Westwick. Vous avez fait une excellente remarque.
Si l'on considère cela d'un point de vue général, ce n'est pas le citoyen qui respecte la loi que nous visons; c'est l'individu qui a une arme et qui veut s'en servir contre son patron, son conjoint, ou quelqu'un d'autre. C'est une raison pour laquelle cela ne marcherait pas si nous donnions un avertissement, si nous disions: très bien, on vous laisse une chance; voilà une sorte de contravention, revenez dans 48 heures avec les papiers d'enregistrement. Et tout cela alors que le conjoint se trouve au fond de la voiture. Cela n'a aucun sens. Je veux être sûr. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles, de notre point de vue, il ne devrait y avoir aucun avertissement.
Mme Torsney: [Inaudible - Éditeur] ...a fait un commentaire sur la responsabilité que cela représente pour vous, les policiers.
M. Newark: Je pense que la Cour suprême du Canada ne verrait pas d'un très bon oeil la procédure que vous suggérez, à savoir que les policiers auraient couramment recours à une procédure donnée à des fins différentes. Les juges de la Cour suprême ont parfois fait savoir qu'ils n'approuvaient pas ce genre de coutume.
N'oubliez pas que nous ne recommandons pas d'éliminer cette disposition du code criminel. Nous voulons que cela reste dans le code criminel pour pouvoir y avoi recours dans des situations comme celle de votre premier scénario. Ce que nous disons, c'est qu'il y a des cas qui ne correspondent pas aux deux premiers scénarios que vous avez présentés et que l'on pourrait régler de façon appropriée en les traitant comme une infraction au règlement en vertu de la Loi sur les armes à feu, ce qui nous laisserait tous les pouvoirs dont vous avez parlé lorsque vous avez présenté le deuxième scénario. Tout simplement, je ne pense pas que cela devrait être aussi noir et blanc que ça l'est actuellement.
Mme Torsney: Je ne parle pas de la Cour suprême, je parle des policiers, notamment de ceux des petites collectivités, qui auraient arrêté un individu se dirigeant vers son bureau pour tuer son patron ou qui aurait prémédité le meurtre de son ancienne conjointe ou de son ancien conjoint. Sans la loi, telle qu'elle est libellée actuellement, le policier ne pourrait pas accuser cette personne de ne pas avoir enregistré son arme. En fait, il pourrait lui donner un avertissement, et, plus tard dans l'après-midi, être obligé de se rendre dans la famille de la victime pour dire que cette personne a été tuée parce qu'il n'avait pas les moyens d'intervenir.
M. Newark: Je ne me souviens pas avoir dit que nous recommandions un système permettant de donner des avertissements. Je crois que ce que nous essayons de dire, c'est que....
Mme Torsney: Alors, de quoi s'agit-il, d'une contravention?
M. Newark: Non. Laissez cela dans le code criminel....
Le président: Vous voulez bénéficier d'une certaine latitude.
M. Newark: ...et établissez une infraction distincte au règlement en vertu de la Loi sur les armes à feu. Il resterait une disposition à cet effet dans le code criminel.
M. Jessop: La préoccupation numéro 1 est de saisir l'arme à feu. Si l'on remet ce scénario dans le contexte qui existe aujourd'hui, je n'aurai aucune difficulté à saisir l'arme, et je le ferais. Dans le premier cas, les règles de sécurité s'appliquant à l'entreposage ne sont pas respectées. Et il va y avoir forcément d'autres preuves à fournir. La première chose dont nous voulons nous assurer, c'est de pouvoir saisir l'arme. Nous n'avons jamais parlé et nous ne parlerons jamais de donner des avertissements.
M. Ramsay: Etant donné que les statistiques indiquent que, en 1991-1992, je pense, les armes à feu ont été la cause de 1 400 décès, et que d'après le ministère de la Justice, il y a trois millions de propriétaires d'armes à feu, cela veut dit que 0,046 p. 100 des propriétaires d'armes à feu du Canada n'ont pas utilisé leur arme à bon escient. Si l'on s'intéresse au coût - d'après l'article 5, c'est-à-dire les règlements concernant les armes à feu, le contrôleur provincial des armes à feu est tenu de faire toute une série de vérifications. Il doit vérifier de près si le demandeur a des antécédents criminels. Il doit s'assurer qu'il ne souffre pas de maladie mentale, ce qui signifie examiner les dossiers médicaux du demandeur en question avant de procéder à l'enregistrement d'une arme à feu quelconque. Il faut interroger les voisins sur son comportement habituel pour voir si l'intéressé a provoqué des incidents violents ou y a participé.
D'après les renseignements que m'a transmis un des services de police de l'Ontario, à l'heure actuelle, pour émettre une AAAF, il en coûte environ 185$. Ce processus est comparable à celui que devrait suivre le contrôleur des armes à feu pour déterminer si un permis peut ou non être délivré à un demandeur. Si l'on prend ce chiffre de 185$ et si on le multiplie par le nombre minimum estimé de propriétaires d'armes à feu, cela fait 555 millions de dollars. Et avec le maximum qui a été fixé à 6 millions de propriétaires d'armes à feu, on en arrive à une somme de l,11 milliard de dollars avant d'avoir commencé à enregistrer une seule arme à feu.
Il y a quelque temps, M. Thompson a demandé à un témoin - c'est simplement à propos des 85 millions de dollars de réclamations que devra assumer le ministère de la Justice - je pense qu'il s'agissait d'un policier, s'il préfèrerait que l'on augmente le nombre d'agents de patrouille de 850, sur une période de cinq ans, au coût de 100 000$ par policier, ou que l'on instaure un système d'enregistrement des armes à feu s'adressant en fait à 0,046 p. 100 des propriétaires d'armes au Canada.
Je pose cette question à M. Jessop ou à M. Newark. Comme vous avez exprimé quelques inquiétudes au sujet du coût et du fait que l'on doive éventuellement retirer des policiers de la patrouille pour gérer ce programme, qu'en pensez-vous?
M. Jessop: C'est très simple, ce que j'en pense, monsieur Ramsay. J'opte pour les deux. Je ne vois pas comment on peut mettre un prix sur la vie d'une personne.
Les autres policiers et moi-même seront très heureux si, dans le cadre d'une intervention à propos d'un cas de violence familiale concernant une personne qui appartient au 0,046 p. 100 en question, nous pouvons demander au conjoint et à son épouse: «Est-ce que vous avez une arme dans la maison?», et qu'ils me répondent tous les deux par la négative, l'un parce qu'il ment et l'autre parce qu'elle a peur. Alors, je serai extrêmement heureux si, de retour à l'autopatrouille, un répartiteur assis derrière son écran, m'apprend par la radio: «Faux!, c'est un mensonge. Il y a un fusil de chasse dans cette maison, voici le numéro de série et voici qui est titulaire du permis.» Alors, je me précipiterai à l'intérieur de la maison, et, croyez-moi, j'aurais toutes les justifications dont j'aurais besoin pour mettre cette maison sans dessus-dessous trouver l'arme et arrêter quelqu'un. Si cette personne fait partie des 0,046 p. 100, alors effectivement, ça vaut la peine.
Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il des commentaires à ce sujet?
J'en ai un, après quoi je laisserai M. Gagnon poser une question.
D'après la section des statistiques du ministère de la Justice, 66 p. 100 des individus ayant commis un homicide au cours des dernières années en étaient à leur première infraction. Autrement dit, jusque là, ils étaient respectueux de la loi.
De nombreux témoins ont défilé devant ce comité pour critiquer ce projet de loi parce qu'ils estiment qu'il vise en fait les personnes qui se conforment à la loi. Nous devrions en conclure qu'en matière d'armes à feu, nous ne devrions pas légiférer de façon générale mais simplement nous intéresser aux criminels. Nous devrions donc attendre que les gens aient commis un crime pour leur imposer des sanctions lourdes.
Aujourd'hui, si j'ai bien compris, la police axe l'essentiel de son action sur un travail préventif. J'ai l'impression que si vous voulez empêcher que ces crimes soient commis, et si 66 p. 100 des auteurs d'homicides en sont à leur première infraction... Je ne parle pas ici de premier homicide. Par exemple, Fabrikant, à Montréal, n'avait jamais commis d'infraction avant de tuer quatre personnes. Marc Lépine avait un casier criminel vierge, c'était sa première infraction.
Cela étant, qu'avez-vous donc à dire, vous les policiers, à ceux qui nous recommandent d'attendre et de nous intéresser surtout aux criminels? Ceux et celles qui appartiennent à cette école de pensée nous recommandent d'attendre que les individus aient commis un crime et de leur imposer, par la suite, de lourdes sanctions pénales. On nous recommande donc de ne rien faire à titre préventif pour lutter contre le crime, pour essayer d'empêcher l'accès aux armes, dont M. Jessop vient juste de parler. Autrement dit, pour savoir qui a une arme et qui n'en a pas. Comment tout cela cadre-t-il avec la nouvelle mission de la police qui est essentiellement préventive?
Je voudrais que cela soit consigné au procès-verbal parce que nous avons entendu beaucoup de gens qui ont critiqué le système d'enregistrement, qui ont critiqué les mesures préventives visant à empêcher la perpétration d'infractions. Comment réagissez-vous à cela?
M. Sangollo: J'espère pouvoir vous donner une réponse brève et claire.
En août 1992, pendant que je dirigeais la division des homicides, 13 personnes ont été tuées; dans neuf cas il s'agissait de meurtres et dans quatre autres de suicides. Aucun des coupables n'avait un dossier criminel... Il ne s'agissait que de cas de violence conjugale.
Je dis que ce projet de loi ne concerne pas que les criminels, il s'adresse aussi aux personnes impulsives, et concerne les cas de violence conjugale, de meurtre.
M. Newark: La première fois que nous avons rencontré M. Rock, nous lui avons bien dit que, selon nous, une mesure législative de ce genre devait être équilibrée. Il faudrait qu'il y soit question, comme cela a été dit, de cas d'impulsivité ou d'accès aux armes à feu et on devrait y trouver tout ce qui pourrait faire obstacle à ce genre de décisions qui poussent ces gens au crime ou qui aboutissent à des tragédies.
Par ailleurs, nous lui avons également fait remarquer qu'à l'occasion d'une telle mesure, la société doit prendre acte, par le truchement de son droit criminel, que tous ceux et celles qui enfreindront la loi et qui utiliseront des armes à feu à cette occasion, seront lourdement sanctionnés.
Si je puis me permettre, je vous dirais que nous n'avons pas le choix. Nous devons mener de front ces deux stratégies.
Le président: Je suis tout à fait d'accord.
Ma dernière question s'adresse à l'Association canadienne des policiers. Monsieur Jessop, vous nous avez dit que vous alliez soumettre des amendements au projet de loi. Nous n'avons pas aujourd'hui vos textes d'amendement. Avez-vous l'intention de préparer des amendements spécifiques et, d'une façon ou d'une autre, de nous les faire parvenir avant que nous n'abordions l'étude article par article du projet de loi, c'est-à-dire à la fin du mois ou au débat de juin? Était-ce votre intention?
M. Jessop: Effectivement, monsieur, c'est ce que nous serions prêts à faire.
Je crois que, dans le mémoire qu'il a préparé, M. Newark a recommandé certains changements que vos rédacteurs pourraient mettre en forme.
Le président: Parfait.
M. Jessop: Comme vous le savez, M. Newark est un rédacteur juridique de talent, surtout lorsqu'il y va de notre intérêt. Il se fera un plaisir de s'exécuter sur tout ce à propos de quoi vous le consulterez.
Le président: Nous avons également des rédacteurs. Je veux que les choses soient bien claires. Certains de vos amendements semblent être très intéressants. Par exemple, vous avez dit: «Nous entendons recommander des amendements sur certains aspects, à l'étape de l'examen en comité». Je suppose que vous espérez que quelqu'un au comité va faire cela en consultation avec vous.
M. Newark: Je serais heureux de faire parvenir nos recommandations au Comité.
Mme Meredith et moi-même parlions tout à l'heure d'une sentence consécutive. Je suis sûr que n'importe quel rédacteur travaillant ici est tout à fait capable de rédiger ce genre d'amendements, c'est-à-dire à propos de la simple infraction pour détention d'armes dont nous parlions. La Loi sur les armes à feu n'est pas très complexe. Je serais très heureux de vous préparer une ébauche. Je crois que ce que je vous ai envoyé était en fait constitué d'énoncés de principe qui, selon nous, devraient se retrouver dans la partie du Code criminel pour aider les tribunaux à prononcer leurs sentences.
Si je le peux, je reverrais toute la documentation et je vous enverrai un document d'ici la fin de la semaine prochaine.
Le président: Nous avons encore des témoins à entendre et nous ne passerons pas à l'analyse article par article avant deux ou trois semaines.
M. Newark: Oui monsieur.
M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Mes questions porteront principalement sur les coûts.
L'opposition nous a dit que l'enregistrement des armes et tout le reste coûteraient plus 400 millions de dollars. Cependant, la semaine dernière, plusieurs professionnels de la santé canadiens sont venus nous parler ce qu'avaient été les pertes économiques l'année dernière à cause du crime... C'est ainsi que nous avons appris qu'au Québec seulement, le manque de productivité occasionne une perte de 1,6 milliard de dollars par an. Nous avons aussi appris qu'à l'échelle du Canada, il serait question de 6 milliards de dollars par an. Il est question ici de perte de productivité. De toute évidence, les gens sont traumatisés par les actes de violence qu'ils ont subis.
Avez-vous évalué les effets de ce phénomène sur vos effectifs policiers, sur le plan de la productivité, sur le plan des jours de travail perdus à la suite d'un événement violent? Avez-vous évalué les coûts en question? La perte de productivité équivaut-elle à plus de 10 millions de dollars, de 20 millions ou de 50 millions de dollars par an?
M. Jessop: Ce qui a le plus de valeur à nos yeux, c'est la vie de nos gens. Nous voyons cela d'une façon très égoïste, parce que de plus en plus de policiers sont tués en service commandé, tués par des armes à feu.
Je ne veux pas vous offusquer mais, cela, nous ne l'avons pas chiffré. D'ailleurs, nous ne saurions pas comment nous y prendre. Les chefs seraient sans doute mieux en mesure que nous de vous répondre. Je vous mettrai cependant en garde, si vous me le permettez, à propos de votre critique à l'endroit de l'opposition et même si je ne le devrais pas, je vais tout de même vous donner mon point de vue. Je ne crois pas qu'il soit juste - et j'emploie ce mot faute d'un autre meilleur - de se réfugier derrière de telles déclarations. Il y a effectivement des coûts. Mais nous avons clairement précisé dans ce mémoire qu'il ne faut pas répercuter sur les municipalités les coûts que représente la mise en oeuvre de cette loi.
Je vois le directeur adjoint qui écoute très attentivement ce que je dis. Lui et moi connaissons parfaitement notre situation, tout comme le chef, d'ailleurs. Nous n'avons pas d'argent pour cela. Soit il faudra que le gouvernement fédéral finance...
M. Gagnon: Je suis tout à fait conscient du coût humain et des tragédies qui ont eu lieu dans le passé, surtout celles du week-end dernier. Mais en réponse aux arguments du Parti réformiste et à l'opposition croissante que l'on connait dans certaines parties du Canada où l'on lance des chiffres de 400 millions de dollars par an, je vous demande de me dire quels sont les coûts psychologiques pour vos effectifs. Que représentent les coûts des problèmes psychosomatique? Qu'en est-il de la situation en regard de ceux qui souffrent d'anxiété? Qu'en est-il de l'augmentation rapide des cas d'alcoolisme dans certains de nos services policiers? Les coûts sont évidents. Ils vous en coûtent à vous. Il en coûte aux contribuables canadiens et il en coûte à la société en général parce que la sécurité n'est plus aussi bien garantie.
Je suis de tout coeur avec ces gens, mais tout ce qu'on a entendu... L'opposition nous a bombardés avec toutes sortes de données à propos des coûts, et j'aimerais que vous nous disiez quel pourcentage de vos effectifs a dû être retiré du service à la suite d'un événement violent.
M. Jessop: Les coûts sont, en général, astronomiques. Nous avons tendance, nous les policiers, à minimiser ce genre de coûts ou d'effets, parce que c'est le travail qu'on attend de nous. Mais nous savons qu'ils existent et qu'ils sont durables. Par contre, comme vous vous en doutez, il est très difficile de les évaluer. Mais les coûts sociaux sont astronomiques.
Je sais que vous avez accueilli des professionnels de la santé et, la semaine prochaine, vous m'entendrez certainement vous réclamer de nous accorder le minimum, que ce soit dans cette mesure législative ou dans une autre, pour que les spécialistes de la santé fassent rapport chaque fois qu'ils constatent une blessure par balle. Vous estimez qu'ils n'ont pas à signaler les cas de blessure par balle? Et là, on touche au genre de coûts sociaux dont je parlerai la semaine prochaine.
Le chef Ford: Je n'ai pas de données précises à fournir en réponse à la question de M. Gagnon, mais je dirais qu'il est raisonnable d'imaginer que 10 p. 100 de mon budget passent là-dedans, surtout lorsqu'on songe aux deux incidents qui se sont produits au cours des six dernières semaines, et dont je parle dans mon mémoire, quand on songe aussi que plus de 106 de nos policiers ont vécu ce qu'on qualifie d'événements graves, qu'on leur a fait des exposés à la suite de situations de stress, et ce sont des séances qui prennent jusqu'à une demi-journée dans chaque cas. Nous avons à présent cinq ou six policiers en congé de maladie pour raisons de stress, et ils cherchent l'assistance médicale dont ils ont besoin.
M. Gagnon a tout à fait raison. Les coûts en gestion de ressources humaines sont très élevés. Nous dépensons beaucoup d'argent et beaucoup de temps à réparer les dommages occasionnés par le stress, stress que nos policiers subissent quand ils trouvent une personne qui a été tuée dans une maison, quand ils vont rendre visite à un parent dont l'enfant a été accidentellement abattu ou encore quand ils essuient eux-mêmes des coups de feu. Dans la toute dernière fusillade, le policier qui a été le plus traumatisé est celui qui a été le premier à arriver sur les lieux.
Sur les plans psychologique, social et financier, les coûts sont exorbitants pour tous les services de police. Je n'ai pas ici les statistiques, mais les professionnels de la santé pourraient vous les fournir plus facilement que moi. Les coûts sont considérables et je suis d'accord avec eux sur ce point.
Le président: Eh bien, ce fut une longue après-midi. Je tiens à vous remercier tous les deux. Je sais que vous avez déjà comparu devant le Comité à propos d'autres projets de loi, tous très importants, et nous nous reverrons sans doute.
M. Jessop vient de nous apprendre qu'il serait de retour dans une semaine pour traiter d'une autre question.
La séance est levée jusqu'à 19h30, heure à laquelle nous accueillerons les deux témoins recommandés par M. Ramsay, c'est-à-dire les experts judiciaires en matière d'armes à feu qui témoignent devant les tribunaux à cet égard.