[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 1995
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte.
Nous avons cinq minutes de retard. La délégation albertaine comparaît à 11 heures. Je tiens à rappeler aux membres du comité que, conformément à ce qui a été convenu hier, nous devrons interrompre cette séance à 10h55 pour la reprendre à 11 heures, pour la réunion avec la délégation de l'Alberta.
C'est avec plaisir que nous poursuivons nos travaux au sujet du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. Ce matin, nous avons le plaisir d'accueillir l'honorable Robert Mitchell, C.R., ministre de la Justice de la Saskatchewan. Il est accompagné de plusieurs députés provinciaux... Dan D'Autremont, député de Souris-Cannington et membre du caucus conservateur; Lynda Haverstock, chef du Parti libéral de la Saskatchewan; Bill Boyd, chef de l'opposition et député de Kindersley; Pat Lorje, députée de Saskatoon Wildwood et membre du caucus NPD et, enfin, Lorne Scott, député de Indian Head-Wolseley, également membre du caucus NPD. Ai-je oublié quelqu'un?
Je tiens à porter à l'attention des membres du comité que nous avons également le plaisir de compter dans la salle deux groupes de la Saskatchewan. Mme Janice Gingell représente l'Association provinciale des maisons de transition de la Saskatchewan et Mme Randi Arnot représente le Conseil provincial de la femme de la Saskatchewan.
Nous allons vous demander de commencer, monsieur Mitchell. Vous nous avez fait remettre un mémoire très complet que nous joindrons au procès-verbal. Mais nous aimerions vous entendre pour une introduction d'une quinzaine de minutes. Puis, je crois comprendre que les chefs des deux partis d'opposition prendront également la parole, peut-être pour environ cinq minutes chacun. Cela nous irait.
Nous passerons ensuite à l'habituelle série de questions. J'attire l'attention des membres sur le fait que nous n'aurons pas autant de rondes de questions que d'habitude, parce que nous accueillons trois ministres provinciaux aujourd'hui et que, ce soir, nous accueillerons des représentants du Grand conseil des Cris et du Conseil des Indiens du Yukon. Notre journée sera donc bien remplie.
Monsieur Mitchell, je vous en prie.
L'honorable Robert W. Mitchell (ministre de la Justice, province de la Saskatchewan): Merci, monsieur Allmand et merci aussi à tous les membres du comité. Il est très sain, pour la démocratie, qu'un comité permanent permette aux gens de venir exprimer leur point de vue sur une loi dont est saisi le Parlement. Nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de nous exprimer devant vous.
Comme vous l'avez fait remarquer, monsieur le président, nous sommes un groupe constitué de députés de notre assemblée représentant tous les partis politiques. À l'échelon provincial, le projet de loi C-68 ne fait pas l'objet d'une controverse politique. Tous les partis sont tombés d'accord pour s'opposer à certains aspects de ce projet de loi.
Je tiens à dire d'emblée qu'il y a certaines dispositions du projet de loi que nous appuyons fortement. Et d'après la lecture que nous avons faite de l'opinion publique de la province, la population appuie chaudement certaines dispositions, comme celles concernant la contrebande. Monsieur le président, les résidents de notre province appuieront toutes les mesures que le Parlement pourra prendre pour stopper l'entrée au Canada d'armes illégales en provenance des États-Unis ou d'ailleurs.
Nous appuyons aussi très fortement les dispositions améliorées de l'article 85. L'utilisation d'armes à feu dans la perpétration d'un crime doit être très sévèrement punie. Nous appuyons donc les dispositions du projet de loi C-68 à cet égard. Comme nous le disons dans notre mémoire, nous recommandons que ces dispositions soient élargies aux crimes de séquestration et de harcèlement criminel. Nous nous en remettons au comité.
Monsieur le président, il y a sans doute un peu plus de la moitié des foyers de la Saskatchewan qui possèdent des armes à feu; donc, dans un peu plus de la moitié des résidences de la Saskatchewan on trouve une arme, et dans certains cas plusieurs même. Eh bien, ces gens ont été directement touchés à deux reprises par des lois destinées à contrôler les armes à feu, une première fois en 1977 et une deuxième fois en 1991. Il s'agit de personnes respectueuses de la loi ce dont, je crois, personne ne peut douter. C'est chose connue que les résidents des Prairies sont respectueux de la loi.
Ils ont accepté le régime mis en place par les lois précédentes de 1977 et de 1991. Ils ont eu plus de mal avec les mesures adoptées en 1991, mais ils les ont tout de même acceptées. Certes, les mesures de contrôle n'ont été mises pleinement en oeuvre que récemment. Ils sont encore en train de s'y adapter et d'essayer de se plier aux exigences de la loi.
Nous sommes très fiers, en Saskatchewan, de l'approche que nous avons adoptée en matière d'utilisation d'armes à feu. Depuis 30 ans, d'importants groupes de formateurs bénévoles donnent des cours sur le maniement sûr des armes à feu aux personnes désireuses de pratiquer la chasse. Ce cours est obligatioire et cela depuis 30 ans. Nous comptons 1 400 bénévoles en Saskatchewan qui offrent ce genre de formation, ce qui est tout à fait remarquable quand on y pense. Ces gens y investissent leur temps et leur énergie. Jusqu'ici, près de 150 000 personnes ont suivi ce cours et ont obtenu leur certificat de maniement d'armes à feu. Grâce à cela, le nombre de blessés et de morts dans des accidents de chasse a considérablement diminué, ce dont nous sommes très fiers. Bien sûr, ce programme se poursuit.
Nous avons intégré des dispositions de la loi de 1991 relatives à la formation dans notre propre formation de sécurité. C'est ainsi que nous nous plions aux dispositions de la loi de 1991 en faisant appel aux mêmes volontaires qui donnent ce cours depuis tant d'années.
Monsieur le président, en Saskatchewan, le problème que soulève le projet de loi C-68 tient au fait que les propriétaires d'armes n'y voient tout simplement aucune justification. Ils ne voient pas de raison à ce projet de loi. Ils s'estiment nullement responsables du problème et ils sont profondément offusqués de voir que le Parlement leur demande de nouveau de se plier à d'autres exigences imposées pour régler un problème avec lequel ils n'ont rien à voir.
Il est difficile d'évaluer l'ampleur de leur indignation. Nous demandons simplement au comité de croire ceux qui sont assis ici à cette table et qui ont sillonné la province pour rencontrer les gens, pour leur parler d'une façon ou d'une autre, pour obtenir leurs réactions. Croyez-nous, nous sommes sincères quand nous vous disons que les gens sont profondément irrités et en colère.
Je vais d'ailleurs vous faire part d'une expérience personnelle récente et mes collègues pourront certainement en faire de même. En Saskatchewan, nous sommes en train de procéder aux nominations des candidats à la prochaine élection provinciale qui devrait se dérouler dans les mois à venir et très certainement dans les douze prochains mois. J'ai participé comme conférencier invité à des dizaines d'assemblées de mise en candidature du NPD au cours des deux derniers mois. Récemment, dans six ou sept de ces assemblées, j'ai parlé essentiellement du contrôle des armes à feu.
Monsieur le président, sachez que je ne m'adresse pas à des gens de l'extrême droite, je m'adresse à des personnes qui sont membres de mon parti depuis très longtemps. Dans le passé, elles avaient appuyé les lois visant à contrôler les armes à feu. Elles avaient, presque sans mot dire, accepté la loi de 1977 et celle de 1991. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui.
Si je vous dis cela, monsieur le président, c'est qu'il est important, je crois, que le comité comprenne bien que nous n'exprimons pas ici les vues de groupes de droite ou de groupes d'extrémistes. Nous vous exprimons le point de vue de ce que nous considérons être, en Saskatchewan, le segment progressiste de la population.
Sans vouloir offenser mes collègues, ce que je veux dire par là, c'est que le NPD se situe généralement à gauche des sensibilités politiques en Saskatchewan et je tenais à faire part aux membres du comité de l'expérience que j'ai tirée de ces assemblées auxquelles j'ai participé et qui réunissaient des militants de longue date du parti. Ils sont irrités, consternés et ils ne comprennent pas pourquoi le Parlement leur tombe dessus avec ce projet de loi les obligeant à enregistrer leurs fusils de chasse et leurs carabines.
Monsieur Rock, le ministre fédéral, a essayé à plusieurs reprises d'expliquer le projet de loi et a avancé un certain nombre de raisons à l'appui de cette proposition. Eh bien, je tiens à vous dire que les propriétaires d'armes à feu de la Saskatchewan n'acceptent tout simplement pas les arguments de M. Rock. Ils estiment qu'ils ne sont pas valables. Ils trouvent particulièrement offensant le fait que le projet de loi leur impose de lourdes obligations.
Cela étant posé, que pouvons-nous y faire? Il y a quelque chose que je tiens à dire au comité et je veux le faire avec le plus de force possible. Les propriétaires d'armes à feu en Saskatchewan ne sont pas convaincus de l'utilité de cette loi. Ils ne pensent pas qu'elle donnera un quelconque résultat. Ils ne pensent pas qu'elle pourra aider de quelconque façon à régler le genre de problème que le ministre a invoqué et que la loi est censée régler.
Je ne vois pas comment M. Rock peut imaginer que ses dire parviendront à convaincre les résidents de la Saskatchewan. Je ne vois pas ce qu'il pourrait dire pour arriver à les convaincre. Il faut quelque chose de plus.
Si je dis qu'il faut quelque chose de plus, c'est que, dans ce cas de figure, le Parlement est en train d'adopter une loi pénale. Le droit criminel, au Canada, a toujours été quelque chose de particulier. Nous avons toujours veillé, ici, à ce que le droit criminel conserve toute son intégrité, à ce que la population le respecte et à ce que la majorité des gens le jugent valable.
Nous savons tous ce dont il est ici question. Le Code criminel canadien concerne des conduites qui se situent tellement hors de la norme que le Parlement les a jugées criminelles et a estimé qu'elles étaient passibles de sanctions pénales. La population accepte que ce genre de conduite échappe tellement à la norme qu'elle est criminelle et je crois que c'est le cas pour tous les crimes visés dans le Code criminel. Il s'agit donc de conduites tellement anormales qu'elles doivent être punies de façon particulière.
Monsieur le président, les personnes qui vont être touchées par cette loi n'acceptent tout simplement pas que les conditions relatives à l'enregistrement et à l'obtention des permis, prévues dans le projet de loi C-68, viennent en réponse à une conduite criminelle. Ils n'acceptent pas l'idée que cela puisse être visé dans le Code criminel.
Nous ne savons absolument pas que faire. Il nous reviendra à nous, dans les provinces, de faire respecter cette loi. Donc, nous devrons la faire respecter par une population qui estime qu'elle n'est pas justifiée ou qu'elle ne sert à rien. Nous risquons de nous heurter à de grandes difficultés. C'est certain. Nous craignons beaucoup que cette loi tombe sous le coup du Code criminel et que le public ne la respecte pas, qu'il ne lui accorde pas le même respect qu'aux autres parties du Code. Cela ne peut être que synonyme de problèmes pour nos corps policiers et pour les tribunaux. Nous avons essayé de trouver une solution.
À ce propos, j'aurais une première chose à faire valoir au comité. Je pense qu'il est indispensable que nous parvenions à prouver à la population que nous sommes sur la bonne voie et que les lois portant sur le contrôle des armes à feu répondent à un objectif concret, véritable. En plus de 100 ans, nous avons eu de nombreuses lois portant sur le contrôle des armes à feu au Canada. Il existe des conditions très strictes en matière d'enregistrement des armes de poing. Cette loi est en vigueur depuis plus de 60 ans.
Ce ne sont pas les lois qui manquent. Nous devrions nous arrêter pour un instant - pour quelques mois - et nous demander ce à quoi nous voulons arriver, si nous sommes sur la bonne voie, et essayer de déterminer quelles parties de nos lois contribuent à la sécurité et à la sûreté de la société et lesquelles n'apportent rien.
Je tiens à bien préciser au Comité que les gens de la Saskatchewan, ainsi que le gouvernement de la province, appuieraient cette loi s'ils avaient la certitude qu'elle est fondée, qu'elle pourra déboucher sur une plus grande sécurité. Le problème, pour l'instant, c'est que personne n'a la certitude que nous soyons sur la bonne voie. Dans ma province, les propriétaires d'armes à feu n'estiment pas que nous sommes sur la bonne voie avec le projet de loi C-68.
Tout cela, monsieur le président, nécessiterait une évaluation. Ce qui est encourageant, c'est que cette évaluation a déjà débuté. Les membres du Comité n'ignorent pas que des fonctionnaires du ministère de la Justice ont déjà entamé l'évaluation recommandée par le vérificateur général. Celle-ci pourrait très facilement englober d'autres aspects de la loi sur le contrôle des armes à feu au Canada afin de déterminer si nous sommes ou non sur la bonne voie. Si les résidents de la Saskatchewan pouvaient être convaincus, grâce à cette évaluation, que tel est le cas, que tout cet exercice servira à quelque chose, alors ils adopteraient peut-être un autre point de vue. Mais pour l'instant, ils ne sont pas convaincus.
C'est dans le même esprit, celui consistant à essayer de trouver une façon de régler ce problème, que je me suis efforcé de décrire aux membres du Comité notre recommandation de commencer par appliquer cette loi dans les provinces où les gens y voient une justification. Par exemple, je crois comprendre que le Québec et l'Ontario estiment que cette loi est positive. C'est fort bien, les gouvernements de ces provinces savent mieux que moi ce qui se passe chez eux. Mais moi, je comprends mieux ma province que ces gens-là.
C'est dans cette optique que la Saskatchewan a suggéré de mettre cette loi en oeuvre dans ces provinces-là. Nous pourrions alors observer comment elle fonctionne dans ces provinces et, si elle avait un effet positif, si elle devait donner lieu à quelque chose de logique et aboutir à un résultat, alors je sais - et je vous le dis à vous les membres du Comité - que la province de la Saskatchewan verrait les choses autrement.
Compte tenu du temps qu'il reste, je ferais sans doute mieux de m'arrêter ici pour permettre à mes collègues de présenter leurs positions au Comité.
Le président: C'est bien. Je demande au Comité la permission d'annexer le mémoire multipartite de la Saskatchewan au procès-verbal d'aujourd'hui.
Des voix: D'accord.
Le président: Parfait. Le chef de l'Opposition à présent, M. Boyd.
M. Bill Boyd (député, Assemblée législative de la Saskatchewan): Je vous remercie, monsieur Allmand et tous les membres du Comité.
Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du Comité ainsi que leur personnel de nous avoir permis de comparaître et d'être venus nous entendre. Je me suis trouvé, à maintes occasions, à votre place, de ce côté de la table, et je comprends les frustrations et l'inconfort que vous pouvez ressentir à l'occasion. Sachez que nous apprécions vos efforts et que nous espérons que ces consultations vous permettront d'apporter des améliorations au projet de loi dont vous êtes saisis.
Notre ministre de la Justice, et de nombreuses autres personnes, ont pu vous démontrer, avec force données, statistiques et informations, à quel point certaines parties du projet de loi sont injustes, inutiles et coûteuses pour la province de la Saskatchewan. Mais comme votre temps, tout comme le mien, est précieux, je ne m'attarderai pas à répéter ce que contient ce document qui se passe d'explication et auquel nous accordons un appui sans réserve.
Je suis ici pour exprimer le point de vue des résidents de la Saskatchewain et pour ne faire l'écho de leurs préoccupations. Quelqu'un a dit que si l'on veut vraiment avoir une idée de la qualité de l'administration de la justice dans un pays, il ne faut pas poser la question aux policiers, aux avocats ni aux juges; il faut s'adresser à ceux et celles qui ne sont pas protégés et il faut écouter leurs témoignages. Depuis plusieurs mois, les résidents de la Saskatchewan s'opposent ouvertement à cette loi fédérale et leurs témoignages n'ont rien d'équivoque. Je suis ici porteur d'un message: les résidents de la Saskatchewan n'ont pas besoin d'un registre des armes à feu et n'en veulent pas.
La géographie, le climat et les conditions économiques de notre provinces ont développé le sens de la coopération et du bénévolat chez nos résidents. Mais comme avec n'importe quel autre trait de caractère, on s'en rend surtout compte dans les mauvais jours. En effet, quand la crise paraît imminente ou que la tragédie frappe, les gens de la Saskatchewan resserrent les rangs. Ce fut très évident quand nous avons appris que le gouvernement fédéral avait l'intention de créer un registre des armes à feu et de nous imposer toute la bureaucratie, la technocratie, les coûts et la poigne gouvernementale caractéristiques de ce genre d'initiative. Comme dans le passé, quand ils ont dû affronter de graves problèmes, les résidents de la province ont commencé à se mobiliser autour de leurs hôtels de ville pour se préparer à lutter contre cette loi peu judicieuse.
J'ai personnellement participé à un rassemblement à Carlyle, une petite ville de la pointe sud-est de la Saskatchewan. Une heure avant que ne débute la réunion, l'étage inférieur de l'hôtel de ville était déjà plein de monde, si bien que les organisateurs ont installé un système de télévision en circuit fermé, pour l'étage supérieur, afin que ceux et celles qui investissaient l'hôtel de ville - qui sert aussi de salle de cinéma - puissent suivre les débats. Mais très vite, cet étage aussi a été plein et il a fallu refouler les gens à la porte. Il était intéressant de voir la façon dont les choses se déroulaient. Dès que l'orateur disait quelque chose d'intéressant, les auditeurs de l'étage du dessus tapaient des pieds tellement fort que nous pensions que le plafond allait nous tomber sur la tête.
Mais cette foule était sans doute plus étonnante par sa composition que par son nombre. Il y avait des hommes, des femmes, des personnes âgées, des enfants, des agriculteurs, des commerçants, des salariés, des syndiqués, des Libéraux, des Conservateurs, des Néo-démocrates et des Réformistes. Ils étaient tous des citoyens respectueux de la loi qui appuyaient pleinement l'imposition de sanctions plus strictes aux criminels mais qui ne comprenaient absolument pas pourquoi on voulait les obliger à se plier à un système d'enregistrement fédéral des armes à feu .
Ce sont des personnes intelligentes qui ont entendu le pour et le contre et qui ont pris connaissance de toutes les statistiques. Et pourtant, ces personnes informées estiment qu'un registre des armes à feu n'est pas logique, du moins pas dans notre province. Nous comprenons tout à fait la position de ceux qui sont confrontés au phénomène des crimes violents dans les grands centres urbains, et nous compatissons avec eux, mais nous ne souffrons pas des mêmes problèmes et nous ne voulons pas qu'on nous impose les solutions envisagées, parce que dans notre cas, le remède est pire que le bobo à soigner.
La justice ne signifie pas la même chose pour tout le monde. Quelqu'un a dit que la justice est simplement l'expression de la volonté du plus fort, à un moment donné. Cela étant, la perception de la justice dans une région est peut-être synonyme d'injustice dans une autre. Eh bien, en Saskatchewan, nous ne voyons aucune utilité à un registre fédéral des armes à feu et nous estimons même que c'est un fardeau. Nous y voyons là une dérogation au principe de l'équité et de l'égalité des chance.
Pour clore, je dirais que si ce projet de loi demeure tel quel, nous n'avons pas l'intention de baisser les bras et d'abandonner. En Saskatchewan, nous continuerons de lutter.
Même si le gouvernement provincial n'est pas d'accord, notre parti estime que les registres d'armes à feu sont de compétence provinciale, parce qu'ils touchent aux droits de propriété. Peu importe la position des uns et des autres à ce sujet - et Dieu sait que tout le monde y va de sa propre interprétation légale - , nous croyons que la prochaine bataille devrait se livrer sur notre terrain, ici en Saskatchewan. Nous demanderons à ceux et celles qui nous représentent au fédéral de venir dans la province pour présenter leurs positions à leurs électeurs et pour la défendre.
Nous sommes une petite province d'un grand pays. Nous vous demandons simplement de reconnaître nos différences et de respecter ce que nous demandons.
Merci, monsieur Allmand, de nous avoir accordé un peu du temps du Comité.
Le président: J'inviterais maintenant Lynda Haverstock, chef du Parti libéral, à nous dire quelques mots.
Mme Lynda Haverstock (députée, Assemblée législative de la Saskatchewan): Merci beaucoup. J'apprécie l'occasion qui m'est donnée de vous parler pendant cinq minutes ce matin.
Je suis ici à plus d'un titre: premièrement en tant que membre de la délégation multipartite de l'assemblée législative de la Saskatchewan qui, à plusieurs reprises, a débattu des tenants et des aboutissants du projet de loi C-68 de la Chambre des communes. Et à chaque fois, les trois partis se sont opposés à ce projet de loi de façon non équivoque.
Deuxièmement, je suis ici en tant que chef du Parti libéral de la Saskatchewan. L'automne dernier, lors de notre congrès d'orientation, les délégués ont adopté une résolution qui exprimait leur opposition au projet de loi C-68. En outre, plus de 50 des candidats qui ont été nommés s'opposent au projet de loi C-68. En tant que chef du parti, j'ai parcouru toute la Saskatchewan, des régions au nord de la province jusqu'à la frontière américaine, et j'ai aussi traversé la province d'Est en Ouest, et j'ai rencontré des milliers d'habitants de la Saskatchewan qui sont farouchement opposés au projet de loi C-68.
Troisièmement, je suis ici en tant que détentrice d'un doctorat en psychologie clinique que les comportements anormaux qui peuvent causer du tort au sujet lui-même ou à d'autres inquiètent particulièrement.
Dernièrement, je suis ici en tant que citoyenne du Canada, que contribuable, que femme, mère et grand-mère, et je désire à ce titre une société qui préserve la santé et la sécurité de tous ceux qui y habitent.
L'ordre public doit être l'objectif primordial de tout gouvernement selon moi. Il est louable que le gouvernement fédéral se soit donné comme objectif de trouver les moyens d'enrayer la criminalité, problème sérieux s'il en est. Il reste maintenant à déterminer ce qu'on peut faire pour réduire et prévenir la criminalité, et améliorer la sécurité des Canadiens.
Voici la question que j'adresse à tous les membres du comité. Ce projet de loi permettra-t-il d'atteindre les objectifs poursuivis? Chacun d'entre vous peut-il répondre oui à cette question, sans équivoque? Je pense que non. Vous ne pouvez pas répondre dans l'affirmative parce qu'il est impossible de le faire sans une évaluation exhaustive préalable de l'efficacité des lois existantes, dans un premier temps; deuxièmement, il faudrait aussi une évaluation objective des véritables causes de la criminalité au Canada; et troisièmement, il faudrait déterminer si la loi existante et la loi proposée s'attaque aux causes de la criminalité, de la façon la plus avantageuse possible, compte tenu des coûts et bénéfices.
Je crains fort qu'on crée chez de nombreux citoyens une fausse impression. On leur donne l'impression que cette loi aura pour effet de mieux protéger leur vie et leur propriété, et que l'enregistrement universel des armes à feu réduira la violence familiale, les suicides, le nombre de morts accidentelles et de blessures, ainsi que le nombre de crimes commis avec de armes à feu.
Ce genre de supercherie est inacceptable à mes yeux. Il est inacceptable de tromper le public. J'irais même jusqu'à dire qu'il est cruel d'agir ainsi. Je crains les répercussions à long terme; quand les citoyens constateront qu'on n'a pas réduit l'incidence de la criminalité, que les rues ne sont pas plus sûres qu'avant, et qu'on a créé une autre bureaucratie très coûteuse, cela provoquera chez-eux un cynisme accru, ainsi que de la colère et du ressentiment. Pendant ce temps, on aura négligé les véritables causes de la criminalité dont la dislocation des familles due à la pauvreté, à l'alcool, à la toxicomanie et même à la manie du jeu.
Mesdames et messieurs les membres de ce comité, je vous soumets qu'il en va du meilleur intérêt des Canadiens de prendre le temps nécessaire pour évaluer toute la question de la criminalité, ainsi que les lois actuelles et leur efficacité, afin de pouvoir déterminer ce que devrait être la prochaine mesure à prendre pour créer un Canada meilleur.
Gouverner, c'est faire des choix, et nous vous enjoignons, vous les dirigeants de notre pays, de faire le bon choix, le choix qui s'impose en l'occurrence, au nom de tous les Canadiens.
Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer aux questions, selon la procédure habituelle. Selon nos règles, nous avons trois rondes de 10 minutes chacune, une pour chacun des trois partis politiques représentés au comité, et puis nous passons aux rondes de cinq minutes, où nous alternons entre les députés ministériels et les membres de l'opposition.
[Français]
Je commence avec une ronde de dix minutes pour M. de Savoye. Il sera suivi par des membres du Parti réformiste et du Parti libéral.
M. de Savoye (Portneuf): Merci, monsieur le président. Mesdames, messieurs, votre mémoire est extrêmement intéressant. Il contient de bons arguments et il rejoint plusieurs de mes préoccupations.
Venant du Québec, j'ai beaucoup de respect pour toute province qui affirme qu'une mesure fédérale ne lui convient pas. Je dois toutefois vous dire qu'avec mon expérience, il ne faut pas toujours être très optimiste quant aux résultats.
J'ai une question pour vous. Dans votre mémoire, à plusieurs reprises, au sujet de l'enregistrement des armes à feu, vous mentionnez que c'est une mesure que vous appuieriez s'il était évident que les résultats bénéfiques de la loi se produisaient grâce à cet enregistrement. Vous mentionnez aussi qu'un projet pilote devrait être tenu de manière à valider l'efficacité de cette mesure sur la réduction de la violence.
Or, depuis 60 ans, les armes de poing sont enregistrées et les statistiques démontrent que la violence due aux armes de poing - accidents, morts ou crimes - est considérablement moindre que celle due aux fusils et aux carabines, c'est-à-dire les armes à canon long. Est-ce qu'on n'a pas là une expérience pilote depuis 60 ans qui tendrait à démontrer que l'enregistrement a effectivement un impact sur la réduction de la violence? Je vous écoute.
Le président: Monsieur de Savoye, vous avez le droit de poser votre question à M. Mitchell ou aux autres; est-ce que vous préférez que M. Mitchell réponde?
M. de Savoye: Je crois que je vais suivre votre exemple, monsieur le président. Que M. Mitchell débute et, ensuite, l'opposition et finalement tous ceux qui ont quelque chose à dire, selon l'ordre du protocole.
[Traduction]
M. Mitchell: Je vous remercie de votre question. Nous pensons qu'il y a certaines leçons à tirer du système d'enregistrement des armes de poing. Il est intéressant de constater que les Canadiens en général, du moins dans l'Ouest du pays, ne comprennent pas du tout dans quelle mesure les armes de poing font l'objet de réglementation. Le régime qui régit ces armes dépassent largement ce qu'on propose pour les fusils et les carabines. Je sais que le Comité est au courant de la situation, mais permettez-moi de résumer les faits brièvement.
Premièrement, vous devez obtenir un permis vous autorisant à acheter l'arme à feu; ensuite, vous devez obtenir un permis pour aller du magasin au poste de police avec votre arme, puis un autre permis pour l'emmener chez vous, et encore un autre pour vous permettre d'aller au champ de tir avec votre arme. Le champ de tir est d'ailleurs le seul endroit où il vous est permis d'utiliser votre arme, à moins que vous n'apparteniez à la catégorie très étroite de gens qui ont le droit de l'utiliser ailleurs, tels les policiers. Ainsi, donc, le régime est différent, mais nous pensons quand même qu'il serait bon d'évaluer cette loi. Nous pensons aussi qu'il serait bon d'évaluer les autres aspects des lois qui portent sur les armes à feu au Canada, comme le propose par le vérificateur général.
Personne d'entre nous n'accepte les arguments selon lesquels le projet de loi C-68 va faire diminuer la criminalité ou d'autres actes de violence, tels le suicide ou la violence familiale. Il est bien évident qu'on peut faire tout autant de mal avec un fusil enregistré qu'avec une arme non enregistrée.
Je pense avoir répondu à votre question, pour l'essentiel. J'admets volontiers qu'il serait bon d'examiner les divers aspects du régime législatif qui s'applique aux armes de poing et qu'il y a là des leçons à tirer en ce qui a trait aux armes à canon long. Je pense toutefois qu'il ne faut présumer de rien à cet égard. Il existe des méthodologies d'évaluation scientifique et objective, et c'est ce que nous devrions faire plutôt que de nous fier à nos impressions et à nos réactions instinctives en la matière.
M. de Savoye: Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?
M. Boyd: Je serais certainement en faveur d'un projet-pilote comme moyen de vérifier l'efficacité du système proposé. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites qu'il existe déjà un projet-pilote qui dure depuis 60 ans. L'usage qu'on fait des armes de poing, du moins en Saskatchewan, diffère beaucoup de l'usage qu'on fait des armes à canon long. On utilise les armes de poing surtout pour le tir à la cible alors que les armes à canon long, en Saskatchewan du moins, sont surtout utilisés pour la chasse. On utilise donc ces deux types d'armes à feu pour des activités fort différentes. Je ne peux accepter l'argument selon lequel les règlements qui régissent les armes de poing depuis 60 ans ont valeur de projet-pilote.
Mme Haverstock: Mon opinion est la même dans le cas qui nous intéresse que sur bon nombre d'autres questions: pour prendre les meilleures décisions possibles, il faut un maximum d'information.
Il n'y a aucune preuve empirique pour soutenir ce qu'on avance à propos du projet de loi C-68. Si vous voulez prendre les meilleures décisions et dépenser au mieux les deniers des contribuables pour prévenir et réduire la criminalité dans notre pays, et pour mieux assurer la sécurité des citoyens et de leur propriété, vous devez vous assurer que l'argent des contribuables sera dépensé de la façon la plus efficiente et la plus efficace possible. On ne m'a pas du tout convaincue que le sujet a été étudié d'une manière exhaustive.
Je suis très inquiète du nombre de suicides au Canada et notamment dans ma propre province. Je pense avoir accès à des études qui me permettent de comprendre cette situation. Je pense que le ministre induit en erreur la population d'une manière très grave quand il laisse supposer par ses propos que ce projet de loi fera quelque chose pour réduire le taux de suicide; cette affirmation ne repose sur aucun fait.
Aussi, à propos de la violence familiale, je pense que les trois partis se sont mis d'accord pour présenter, dans différentes régions du pays, y compris la province de la Saskatchewan, des lois qui sauront enrayer le problème de la violence familiale de manière beaucoup plus efficace que ce projet de loi.
C'est le bien-être des citoyens qui est en jeu, et nous devons nous assurer que chaque dollar est dépensé à bon escient, de la façon la plus efficace possible.
Je ne pense pas qu'on puisse comparer les lois qui régissent les armes de point depuis 60 ans à l'usage qu'on fait des armes à canon long dans ma province, où les armes à feu sont des outils qu'on utilise depuis des décennies. Nous avons dans notre province un nombre disproportionné de familles agricoles et d'autochtones par rapport aux autres régions du pays. Il y a aussi dans notre province un nombre disproportionné d'armes à feu qu'on utilise à des fins très variées.
Je pense qu'il est important, comme vous l'avez dit auparavant, de comprendre que les diverses régions du Canada ne sont pas toutes identiques. Les régions diffèrent; nous avons des points similaires, mais nous avons aussi des particularités. En ce qui a trait à ce projet de loi, j'ose espérer que ce comité et que la Chambre des communes sauront apprécier ces différences et fonder leurs décisions, toutes leurs décisions, sur une information exacte et complète.
[Français]
M. de Savoye: Vous mentionnez que l'enregistrement est une question de choix sur la façon de dépenser l'argent du contribuable pour atteindre un objectif. Vous dites que l'enregistrement n'est pas la meilleure façon de bien dépenser cet argent. Il y a d'autres mesures que l'on pourrait prendre. Vous mentionnez, entre autres, dans votre mémoire, l'éducation et des approches davantage sociales.
Or, l'éducation et les approches sociales relèvent de la province, n'est-ce pas? Comme tous les partis de votre assemblée législative sont d'accord, qu'est-ce que vous avez fait, au niveau provincial, pour réduire ces problèmes de violence due aux armes à feu? Quelles preuves empiriques avez-vous pour nous montrer que ces mesures sont efficaces?
[Traduction]
M. Mitchell: Nous avons des preuves très évidentes et très convaincantes. Comme il me semble l'avoir dit auparavant, depuis 30 ans nous offrons des cours très complets de sécurité dans le maniement des armes à feu, cours qu'il faut absolument suivre avant de pouvoir obtenir un permis de chasse. Mille quatre cents bénévoles ont offert cette formation jusqu'à maintenant. C'est un cours obligatoire, et près de 150 000 citoyens - sur une population d'un million d'habitants - l'ont suivi avec succès. La conséquence immédiate de ces efforts s'est fait sentir au niveau des incidents dus aux armes à feu, dont le nombre a chuté remarqueblement.
On vient de me remettre les chiffres. En 1960, il y a eu 100 accidents de chasse mettant en cause des armes à feu. En 1994, il y en a eu trois. Nous avons donc, je crois, apporté la preuve que les campagnes de sensibilisation ont porté leurs fruits et nous sommes très fiers de ces chiffres.
M. Boyd: Je suis tout à fait d'accord avec M. Mitchell sur ce point-là. Il ne fait aucun doute que la prévention des accidents de chasse a donné de bons résultats. D'autres programmes en Saskatchewan portant notamment sur la violence familiale et la violence contre les femmes ont également donné de bons résultats au fil des ans. Je pense donc que nos deniers publics pourraient être mieux utilisés et ne devraient pas servir à enregistrer des armes à feu. On pourrait également améliorer les services de police.
Mme Haverstock: Là encore, c'est une question de choix. Je voudrais aborder un sujet en particulier, si vous me le permettez, et c'est celui du suicide puisqu'on en a parlé.
Les provinces des Prairies présentent un caractère unique. Des études ont été réalisées entre 1981 et 1985, lorsque la crise agricole a touché pour la première fois les provinces des Prairies. D'après les données recueillies - et ces études s'apparentaient beaucoup à celles effectuées dans le mid-Ouest américain ainsi qu'au Kentucky - le taux de suicide dans les milieux agricoles était trois fois plus élevé que celui dans l'ensemble de la population canadienne. Ces suicides n'avaient rien à voir avec l'accès aux armes à feu, mais plutôt avec la situation très stressante dans laquelle les gens se sont retrouvés.
Dans la même veine, et vous le savez, les statistiques montrent que le taux de suicide chez les autochtones du Canada est très élevé. Ce n'est pas là non plus une question d'accès à des armes à feu, à des cordes, ou quoi que ce soit de ce genre. Cela est plutôt attribuable à la situation dans laquelle se retrouvent ces gens et qui les laissent très vulnérables et dépourvus d'espoir dans l'avenir.
Or, si vous pensez que l'enregistrement des armes à feu va améliorer cette situation, vous vous trompez. C'est la raison pour laquelle nous préférerions, si jamais une province comme la nôtre reçoit des deniers publics, que cet argent serve à traiter les causes profondes de problèmes dévastateurs comme la violence familiale, le suicide, etc., plutôt que d'imposer l'enregistrement des armes à feu, ce qui serait purement superficiel à notre avis.
Mme Pat Lorje (députée, Assemblée législative de la Saskatchewan): Ce que nous avons également fait en Saskatchewan - malheureusement il est encore trop tôt pour en voir les effets, même si nous savons que cela a donné de bons résultats ailleurs - c'est que tous les partis représentés à l'Assemblée législative ont donné leur aval à une loi intitulée Victims of Domestic Violence Act (Loi sur les victimes d'actes de violence familiale) qui permet à la police d'amener de chez lui celui qui a perpétré l'acte de violence en question, au lieu de forcer la femme et ses enfants, ou les victimes, à quitter leur domicile. Nous espérons également que cette loi nous permettra d'intervenir plus tôt en vue d'éviter toute escalade de la violence familiale.
Nous aimerions que le gouvernement fédéral se joigne à nous pour lutter contre la violence familiale en Saskatchewan. En cas d'injonction ou de décret d'interdiction, nous pensons que le gouvernement fédéral devrait déclarer qu'une personne qui ne révèle pas qu'elle possède une arme à feu, qu'elle est propriétaire d'une arme à feu ou qu'elle a accès à une arme à feu, coupable d'une infraction criminelle. Nous pensons que cette mesure serait beaucoup plus efficace qu'un système d'enregistrement qui touche tout le monde. Les crédits engagés à cette fin pourraient être mieux utilisés si le gouvernement fédéral s'en servait pour établir des programmes de sensibilisation à la violence, ce qui permettrait de réduire les actes de violence perpétrés contre les femmes et les enfants.
M. Ramsay (Crowfoot): J'aimerais souhaiter la bienvenue à la délégation de l'assemblée législative de la Saskatchewan et vous remercier de votre exposé.
Je suis né en Saskatchewan où j'ai grandi. Notre exploitation agricole s'étendait au nord et à l'est de Biggar, en Saskatchewan, et mon frère y possède toujours une exploitation. Ma mère vit à Saskatoon. Ainsi, vous êtes tous des amis en ce qui me concerne.
J'aimerais aborder trois sujets avec vous, mais je ne sais pas si j'aurai le temps de le faire dans les dix minutes qui me sont allouées.
Le chef de mon groupe parlementaire et moi-même venons d'adresser une lettre à tous les premiers ministres des provinces leur demandant d'examiner ce projet de loi sous l'angle de sa constitutionnalité. Nombreux sont ceux qui se demandent si ce projet de loi n'enfreint pas la Constitution, en particulier les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons demandé aux premiers ministres des provinces, s'ils n'envisageraient pas de demander, si cela les inquiètent également, au ministre fédéral de la Justice de renvoyer l'affaire à la cour afin de vérifier le caractère constitutionnel de certaines des dispositions du projet de loi C-68. Je voudrais les aborder très brièvement.
Sous sa forme proposée, l'article 100 semble mettre un terme au droit de ne rien dire. Les articles 99 et 101 imposent une coopération avec la police. Les articles 99, 103 et 107 semblent porter atteinte à la présomption d'innocence jusqu'à preuve du contraire. L'article 111 semble supposer la culpabilité par association. Et de toute évidence, autoriser la confiscation prolongée de biens privés sans compensation tombe sour le coup des articles dits de protection des droits acquis comme le veut l'article 12.
Cela dit, j'aimerais demander à M. Mitchell, et évidemment aux autres également s'ils veulent intervenir, si le caractère constitutionnel du projet de loi C-68 ne l'inquiète pas?
M. Mitchell: Nous avons noté certains des points que vous avez abordés dans l'examen que nous avons fait du projet de loi, mais nous n'avons pas encore eu le temps d'en examiner à fond le caractère constitutionnel ou d'émettre un jugement sur sa constitutionnalité.
J'ai également dit publiquement que nous voulions examiner l'ensemble du projet de loi en nous demandant si, en promulguant des règlements aussi détaillés et en imposant un régime aussi complexe pour les fusils à canon long, le Parlement n'avait pas carrément dépassé le champ du droit pénal et n'avait pas enfreint celui du droit de propriété et du droit civil. Nous n'avons pas encore fait cette analyse. Mais comme je l'ai déjà dit, nous avons l'intention d'examiner le projet de loi sous cet angle-là.
M. Boyd: Je suis sûr qu'en Saskatchewan, plus les gens s'informeront des dispositions de ce projet de loi, plus les questions que vous venez d'aborder les inquièteront.
À propos de la disponibilité des renseignements, beaucoup de personnes en Saskatchewan - dont moi-même - ont été abasourdis par le refus du gouvernement du Canada de permettre aux gens d'avoir accès aux renseignements sur le projet de loi C-68. Même l'opposition a eu beaucoup de mal à en obtenir copie. Cela nous a beaucoup surpris de la part du gouvernement du Canada. Mais plus les renseignements filtrent, plus ce projet de loi sent mauvais en Saskatchewan.
Mme Haverstock: Nous en avons discuté et en fait à la page 28 de notre mémoire, vous constaterez que nous demandons, à l'aide d'exemples précis, s'il n'y a pas violation de la Charte - en particulier, le paragraphe 99(1), qui, à notre avis, semble enfreindre l'article 8 de la Charte. Nous craignons, et nous en avons discuté ici entre nous ainsi qu'au sein de l'assemblée législative, que la police ne procède à des fouilles sans mandat de perquisition tout simplement parce qu'elle croit en la présence d'une arme à feu. Cela va totalement à l'encontre de ce que renfermait le Code criminel dans le passé et cela pourrait mener à de nombreux abus sans parler des frais que cela pourrait entraîner pour les personnes en cause.
Je vais m'arrêter là pour l'instant, mais au cours de certaines des discussions que nous avons eues, nous étions pas mal d'accord avec vous.
M. Ramsay: Merci beaucoup. Je tiens à ajouter que l'harmonie des vues de l'assemblée législative de la Saskatchewan à ce sujet est une chose rare et qu'elle m'impressionne. J'espère que le Comité et le ministre de la Justice seront aussi impressionnés que moi.
Je voudrais aborder le second point, c'est-à-dire la consultation. Le ministre de la Justice a consulté à gauche et à droite et, pourtant, il n'a pas réussi à obtenir l'appui des organismes les plus importants, du moins dans l'Ouest du Canada, à savoir les représentants élus des citoyens des provinces qui doivent administrer ce programme. Dans quelle mesure le ministre de la Justice et ses représentants ont-ils consulté non seulement le gouvernement de la Saskatchewan, mais aussi l'assemblée législative et ses députés?
M. Mitchell: Au niveau du gouvernement, il n'y a pas vraiment eu de consultation. Vers la fin de l'été dernier, ou au début de l'automne, nous avons reçu une lettre de M. Rock dans laquelle il nous expliquait sa façon de voir les choses. C'est à peu près tout. Nous n'avons jamais eu l'occasion de discuter avec lui de ces questions avant que la proposition ne soit mise de l'avant. Nous avons pu en discuter plus en détail pour la première fois à la conférence des ministres de la Justice en janvier 1995, mais c'était déjà chose faite. Un train de mesures avait été proposé et on nous demandait ce que nous en pensions au lieu de nous consulter sur la teneur de ces mesures.
Étant donné que cela concerne mes collègues, je vais les laisser répondre à votre question.
M. Dan D'Autremont (député, Assemblée législative de la Saskatchewan): Je peux vous répondre au nom de l'opposition officielle.
J'ai assisté à une réunion avec Allan Rock l'été dernier, réunion à laquelle avaient été invités à peu près 50 représentants de diverses organisations de tir et quelques représentants des conseils tribaux. Nous devions avoir une heure avec M. Rock. De la façon dont la réunion avait été organisée, il a fallu de 20 à 25 minutes pour que nous nous présentions tous. Au moment où la discussion démarrait enfin avec M. Rock, il nous restait juste assez de temps pour faire quelques observations. M. Rock nous a remercié. Nous lui avons présenté certaines idées. Je ne pense pas qu'il les a examinées, ou qu'il a même écouté ce que nous avions à dire. C'était un effort de relations publiques plutôt qu'une véritable consultation.
Mme Haverstock: Vous vouliez savoir dans quelle mesure le ministre de la Justice a consulté le Parti libéral en Saskatchewan. La réponse, c'est qu'il n'a consulté personne et que s'il y a eu la moindre amorce de discussions à ce sujet, c'est que j'en avais pris l'initiative.
M. Ramsay: Je vais passer rapidement à mon dernier point. En vertu de l'article 110 de ce projet de loi, le gouvernement fédéral va empiéter sur les attributions des provinces qui ont toujours officiellement exercé un pouvoir de réglementation sur la création et l'exploitation de clubs de tir et de champs de tir, les activités pouvant y être exercées, la possession et l'usage d'armes à feu dans ces endroits et la tenue de leurs fichiers, de même que sur l'organisation des compétitions de tir, conformément à l'alinéa 110g). Aucun problème de criminalité ou de santé et de sécurité ne se pose dans ces cas-là et, pourtant, le gouvernement fédéral va empiéter sur les attributions des provinces. Comme un témoin l'a dit hier soir, il cherche à réparer une chose qui n'est pas brisée.
Je trouve que cela est inutile. Je trouve qu'il a tort. Je trouve que c'est de l'ingérence de la part du gouvernement fédéral dans les affaires des provinces, étant donné que les provinces et les territoires ont toujours exercé leur compétence dans ce secteur.
J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez.
M. Mitchell: Oui, nous sommes très préoccupés par l'article 110, pour les raisons que vous avez mentionnées, mais aussi parce que de nombreux règlements vont de toute évidence être adoptés un jour. Personne ne sait en quoi ces règlement consisteront, et tout le monde s'en trouve mal à l'aise.
Je suis d'accord avec vous pour dire que nous essayons de réparer une chose qui n'est même pas brisée. Les choses fonctionnent très bien pour le moment, rien ne cloche dans notre province. Je suis d'accord sur ce que vous venez de dire.
M. Boyd: Je suis d'accord moi aussi. Dans bien des cas, les clubs de chasse de la Saskatchewan sont aussi des amicales. Ce sont des espèces de lieux de rencontre. Des gens qui ont des intérêts analogues s'y rencontrent pour discuter de différentes choses. C'est une activité de loisir et je ne vois pas pourquoi il faudrait tout réglementer. Je trouve que le gouvernement dépasse les bornes lorsqu'il cherche à réglementer quelque chose de ce genre-là.
Mme Haverstock: Ce qui nous préoccupe surtout, c'est non seulement que le fédéral va empiéter sur les attributions des provinces, mais aussi qu'on en sait très peu pour le moment sur ce que tout cela veut dire. Nous avons entre autres discuté du fait que tous les détails importants concernant la façon dont ce système va fonctionner n'ont pas encore été divulgués, de sorte que nous ne savons pas ce qui nous attend et que cela crée un sentiment d'insécurité.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Bienvenue parmi nous.
J'ai entendu ce que vous avez dit aujourd'hui à propos du fait que les propriétaires d'armes à feu de la Saskatchewan n'acceptent pas cette mesure législative. Je peux vous dire, monsieur Mitchell, que j'ai reçu un grand nombre de lettres de résidents de la Saskatchewan qui disent être propriétaires d'armes à feu et qui se demandent en quoi l'enregistrement peut poser un problème, à moins qu'on ait quelque chose à cacher.
Je trouve intéressant que cette mesure législative soit appuyée par le Parti libéral fédéral, mais pas par le Parti réformiste ou les Néo-démocrates au niveau fédéral. Elle n'a reçu l'appui d'aucun des partis provinciaux de la Saskatchewan. Le sondage Environics a révélé que la majorité des habitants de la Saskatchewan sont en faveur de l'enregistrement. Le Parti libéral fédéral est-il donc le seul parti qui représente la majorité des habitants de la Saskatchewan?
Le président: À qui adressez-vous cette question?
M. Mitchell: De qui voulez-vous une réponse? Je ne m'y connais pas en sondages, ce qui fait que je ne peux pas commenter ce que vous venez de dire.
Ce que je sais, et ce que mes collègues savent, c'est ce qu'on nous dit tous les jours lorsque nous nous déplaçons à travers la province. Et je peux vous dire que nous faisons de nombreux déplacements, parce que nous allons bientôt avoir des élections provinciales. Le premier ministre va les annoncer d'un jour à l'autre et nous travaillons donc très fort. Nous sommes constamment à l'écoute des gens.
J'ai décrit, personnellement et à nouveau aujourd'hui, le genre d'accueil que je reçois aux réunions du NPD. Mon Dieu, c'est le parti qui a appuyé la plupart des mesures de contrôle adoptées chez nous depuis sa création. Les membres du parti qui viennent à ces réunions sont des militants de longue date, et ils ne sont tout simplement pas d'accord.
C'est la même chose dans les cafés-restaurants, les stations-service, partout où nous allons dans la province. Je ne sais pas qui vous écrit ces lettres. J'en ai reçu des centaines, des milliers peut-être, à ce sujet et la grande majorité de ceux qui m'ont écrit sont contre le projet de loi, monsieur Bodnar. Je dirais de 90 à 95 p. 100 d'entre eux. Peut-être que tous ceux qui sont contre m'écrivent et que tous ceux qui sont pour vous écrivent, mais je reçois très peu de lettres appuyant votre position.
Mme Lorje: Monsieur Bodnar, je représente une partie de la ville de Saskatoon qui chevauche une bonne partie de votre circonscription. Comme M. Mitchell l'a dit, nous sommes très actifs en Saskatchewan parce que nous sommes à la veille d'une élection. Au cours des derniers mois, j'ai frappé à la porte de plus de 1 500 de vos électeurs et des miens. Je peux vous dire que, mis à part un budget équilibré et l'impôt, la troisième question qui amène le plus souvent les gens à répondre est l'opposition aux mesures proposées par le gouvernement fédéral dans le projet de loi C-68. Je n'ai rencontré qu'une seule femme qui soit d'accord avec cette loi fédérale.
M. Bodnar: Je suis surpris. J'aurais pensé que les soins de santé intéressaient davantage la Saskatchewan que le contrôle des armes à feu.
Mme Lorje: Un budget équilibré vient en tête de liste.
M. Bodnar: Nous avons entendu dire qu'un certain nombre de lobbyistes encourageaient activement les sportifs américains à ne pas venir au Canada si cette loi est adoptée. Cela aurait sans doute des répercussions économiques sur notre province qui seraient probablement de nature à inquiéter le ministre Lingenfelter.
Monsieur Mitchell, que pensez-vous des lobbyistes qui essaient de décourager les chasseurs de venir au Canada?
M. Mitchell: Cette question m'a assez souvent été posée par les journalistes, comme vous vous en doutez bien, monsieur Bodnar. J'ai toujours répondu que cela n'a rien à voir avec moi. L'idée ne vient pas de moi et je n'ai jamais rien fait pour encourager ces gens. Je vais me contenter de vous signaler en passant que l'impact est plus grand sur la province que sur le gouvernement fédéral. La Fédération de la faune prend ses propres décisions à ce sujet-là - pas moi.
M. Boyd: Aussi, monsieur Bodnar, le lobby des armes à feu de la Saskatchewan a bien sûr sa propre idée de la façon dont il entend exercer des pression sur le gouvernement fédéral. C'est sa décision après tout.
Pour ce qui est de votre dernière question, nous avons bien sûr rencontré des habitants de toute la province également. Nous avons présenté une pétition à l'assemblée législative. Je pense qu'aux dernières nouvelles, 10 000 personnes l'avaient signée. Nous avons mis sur pied un système de coupons que les gens peuvent utiliser pour nous répondre. Nous en avons reçu des centaines, sinon des milliers. En parlant de sondage, il y a bien des années, M. Diefenbaker, l'un de nos anciens conservateurs, a certainement imposé ce que j'appellerais la position officielle des Conservateurs en ce qui concerne les sondages.
M. Haverstock: Je suis contente de pouvoir répondre à votre première question. Je tiens à vous rappeler qu'un homme du nom de Brian Mulroney avait fait un sondage auprès des Canadiens pour voir s'ils tenaient à ce que la TPS soit transparente si jamais elle entrait en vigueur. La majorité des Canadiens ont dit que oui.
On m'a demandé pour la première fois ce que je pensais du contrôle des armes à feu après le congrès national à Ottawa. Ma réaction initiale, que le Code criminel ne m'était pas familier à ce moment-là et que je manquais d'information, a été celle de la majorité des Canadiens qui ne possèdent pas d'arme à feu. Si cette mesure devait être synonyme d'une société où l'on court moins de danger, bien sûr je ne pouvais qu'être d'accord.
Plus je me renseignais - et il a fallu probablement deux jours avant que les gens me donnent des renseignements - plus j'étais encline à changer d'avis. J'ai fini par changer d'avis parce que j'ai examiné cette question de beaucoup plus près. Je pense que mieux les gens sont informés, plus ils s'opposent à la loi proposée, parce qu'ils savent qu'en réalité elle n'atteindra pas les objectifs qu'elle est censée atteindre.
M. Bodnar: D'après les renseignements diffusés en Saskatchewan, l'enregistrement coûtera à peu près 100$ par arme à feu. D'après certaines des informations données aussi - je vous parle là d'annonces qui ont été publiées dans les journaux locaux, entre autre dans le Western Producer - la police va fouiller des résidences sans mandat de perquisition. C'est le genre de renseignements, ou plutôt de faux renseignements, devrais-je dire, qu'on donne à la population de la Saskatchewan.
Est-il surprenant que vous soyez contre cette mesure législative étant donné les faux renseignements que diffuse le lobby des armes à feu? J'aimerais que vous me répondiez tous les trois.
M. Mitchell: Est-ce que je peux commencer? Je ne le crois pas. Nous ne savons pas combien coûtera l'enregistrement. Nous entendons parler de sommes différentes.
M. Bodnar: Cela coûtera 10$.
M. Mitchell: C'est le chiffre le plus récent que nous avons. Je dis le plus récent parce que les informations reçues au début étaient très vagues. Je ne m'excuse pas de ce que j'ai dit. Nous savons combien il en coûte pour enregistrer une arme de poing et combien il en coûte pour obtenir une AAAF. Je pense que certains des chiffres que vous avez vus sont fondés là-dessus. Mais ce n'est pas ce qui pose un problème pour nous. Cela pose peut-être un problème pour certaines personnes, mais pas pour les députés. Là n'est pas la question.
M. Boyd: Oui, je suis tout à fait d'accord. Peu importe le coût, car on a entendu toutes sortes de chiffres allant de 10$, comme vous venez de le dire, jusqu'à 100$ et plus. Peu importe le coût, les habitants de la Saskatchewan pensent que tout cela est inutile ou injustifié.
Mme Haverstock: Je pense que les gens ont des raisons légitimes de s'opposer au projet de loi C-68, peu importe les renseignements ou les faux renseignements qui sont donnés, peu importe qu'on ait ou non l'impression que ce projet de loi entraînera des dépenses exhorbitantes, peu importe que l'on pense qu'il y aura des saisies et des perquisitions sans mandat. Si on laisse tout cela de côté, je dirais que l'autre camp a été aussi mal informé. On pense que ce projet de loi aura une incidence sur le nombre de suicides et sur la violence familiale, qu'on sera plus en sécurité chez soi et dans la société. Je pense personnellemnt qu'il faudrait faire preuve d'une ouverture d'esprit beaucoup plus grande. Il faudrait examiner les deux côtés de la médaille.
M. Bodnar: Je ne vais pas me disputer à ce sujet, parce que d'après les renseignements que nous avons, cette mesure aura une incidence sur les suicides. Des experts médicaux ont comparu la semaine dernière et nous ont donné certaines informations.
Ma dernière question s'adresse à M. Mitchell. Vous avez dit que vous étiez propriétaire d'une arme à feu et que vous aviez égaré votre arme. L'avez-vous trouvée? L'enregistrement vous aurait-il aidé à la retrouver, monsieur Mitchell?
M. Mitchell: Non. Monsieur Bodnar, j'ai toujours été entouré d'armes à feu. Tous ceux qui sont nés dans une région rurale de la Saskatchewan et qui ont grandi dans une ferme ont toujours été entourés d'armes à feu. Elles sont une chose très commune. Ce que j'ai dit, lors d'une entrevue radiophonique, c'est que je pensais avoir un ou deux fusils quelque part à la maison. Mais monsieur Bodnar, je n'ai pas tiré un seul coup en 20 ans. Cela faisait dix ans que je n'avais pas vu une arme à feu dans ma maison. Puis, je me suis aperçu que cela faisait dix ans que je n'en avais pas. Je ne pense jamais aux armes à feu, ou cela ne me vient jamais à l'esprit. C'est dans ce contexte que j'ai répondu à la question qu'on m'a posée.
Sandra, que vous connaissez bien, m'a dit tout de suite après l'émission que nous avions donné une arme et qu'elle ne se souvenait plus d'avoir vu l'autre. En fait, je n'avais jamais eu l'autre; je supposais que j'étais en possession du fusil de calibre .22 que mon père utilisait pour chasser le lapin. C'est quelqu'un d'autre qui l'a. L'enregistrement ne m'aurait pas aidé parce que je n'ai jamais eu à l'enregistrer.
[Français]
M. de Savoye: Vous avez tantôt parlé - et nous avons échangé à ce sujet - du fait qu'une mesure pour réduire la violence, c'était une question de choix, que l'enregistrement ne vous apparaissait pas être le bon choix, que l'argent serait mieux dépensé autrement.
Vous mentionnez également dans votre mémoire que l'enregistrement est un choix qui coûte cher. Est-ce que vous avez fait quelques calculs pour évaluer le coût de l'enregistrement, par exemple, dans votre province?
[Traduction]
M. Mitchell: Comme j'ai dit, nous avons déjà l'expérience des AAAF. Je dirais que les coûts réels en ce qui concerne les AAAF s'élèvent au total à environ 525 000$. De plus, nous maintenons le bureau du préposé aux armes à feu et nous délivrons des permis aux entreprises. Nous évaluons à environ 900 000$ le coût total du programme.
Une des choses qui nous préoccupe, c'est que nous sommes en négociation avec le gouvernement fédéral depuis deux ans au sujet de ces coûts. Nous ne sommes pas capables d'en arriver à une entente. Son offre actuelle ne couvrirait qu'environ les deux tiers de ces coûts.
Nous ne pouvons que deviner ce qui arriverait s'il fallait avoir un permis de possession pour toutes les armes à feu et qu'elles soient toutes enregistrées. Tout dépendra du régime qui sera établi. Les fonctionnaires évaluent le coût total à environ 4 millions de dollars. Mais, je le répète, ce n'est pas une question que nous avons examinée de près, parce que nous ne croyons pas disposer pour l'instant d'assez de renseignements.
Je le répète, nous pensons qu'il vaut beaucoup mieux s'attaquer aux problèmes directement, qu'il s'agisse de la violence familiale, du suicide ou de l'entreposage sécuritaire des armes à feu. Il faut s'attaquer au problème de front au lieu de s'y prendre par des moyens détournés, comme un système d'enregistrement, qui ne changeraient pas grand-chose, sinon rien, au problème.
[Français]
M. de Savoye: Vous comprenez que nous recevons d'autres témoins qui sont aussi crédibles que vous dans leur domaine et qui soutiennent que l'enregistrement est une mesure qui va réduire la violence, les accidents, les décès et le crime.
Si, effectivement, ces experts ont raison dans leurs prétentions, considéreriez-vous, à ce moment-là, que l'enregistrement serait justifié?
[Traduction]
M. Mitchell: Ce que j'ai essayé en gros de dire au comité ce matin, c'est que les résidents de la Saskatchewan qui seront touchés par cette mesure législative ne sont pas convaincus qu'elle a sa raison d'être. Il va falloir que les experts dont vous nous parlez les convainquent du contraire.
M. Rock a essayé, par divers moyens, de justifier cette loi auprès de la population de la Saskatchewan - par des envois postaux à l'échelle nationale, des déclarations aux médias et des allocutions. Il est loin d'y être parvenu. Je ne sais pas ce que vous pourriez dire pour convaincre les gens de changer d'idée. Je pense qu'il va falloir quelque chose de plus fondamental, de plus objectif.
C'est ce que j'ai fait valoir précédemment et c'est ce que je tiens à faire valoir aujourd'hui. Il est essentiel que le droit criminel soit appliqué de manière adéquate. Il est essentiel que la population qui sera touchée dans ce cas-ci considère comme valable la loi qui sera adoptée, tout comme nous considérons comme valables les lois qui concernent l'agression sexuelle, le meurtre, la trahison ou quoi que ce soit d'autre. Si c'est une mesure prévue par le Code criminel, il faut qu'il y ait consensus. C'est pourquoi nous exerçons tant de pression pour qu'on évalue bien la situation avant d'imposer de nouveaux contrôles ou de nouveaux règlements. Nous devons bien faire comprendre aux gens les raisons pour lesquelles nous faisons ce que nous faisons, au lieu de nous en remettre à leur instinct.
Les chefs de police et les agents de police représentent l'un des groupes qui vous ont assuré que cette loi était valable et qu'elle sera d'une grande utilité. Pourtant, en Saskatchewan, les agents de la paix qui travaillent sur le terrain viennent de rejeter la notion que l'enregistrement va les aider dans leur travail. À Saskatoon, ville d'où je viens, je pense que 300 agents de police ont voté et qu'un seul s'est prononcé en faveur du projet de loi C-68, en faveur des dispositions concernant l'enregistrement. Les autres ont dit qu'ils ne l'appuient pas. Voilà la situation qui règne en Saskatchewan. Je pense qu'il faudra des preuves objectives, comme une évaluation ou un projet-pilote, pour convaincre nos citoyens du contraire.
Le président: Votre temps est épuisé, monsieur de Savoye.
Je tiens à informer le comité que la sonnerie nous appelle pour un vote imprévu sur une motion du Parti réformiste voulant que l'un de leurs députés parle à la place d'un autre. Le bureau du whip m'a informé que nous n'avons pas besoin de lever la séance; nous pouvons continuer tant que le Bloc québécois ne semble pas soutenir le Parti réformiste sur ce sujet. Pourvu que nous ayons suffisamment de députés à la Chambre pour que la motion soit rejetée, nous pouvons poursuivre la réunion.
M. Mitchell: En ce qui concerne ce dernier point, monsieur le président, pourrais-je ajouter autre chose? Nous avons une lettre de la Saskatchewan Association of Police Officers que nous aimerions remettre au greffier à titre d'information pour le comité.
Le président: Très bien, vous pouvez le faire.
Madame Barnes, vous avez cinq minutes
Mme Barnes (London-Ouest): Bienvenue et merci de votre participation aujourd'hui. Je pense que vous allez vous rendre compte au cours de ce débat que nous allons entendre de nombreux points de vue. Vous avez le vôtre, et nous allons vous écouter.
Je crains qu'il y ait beaucoup de désinformation dans votre province. Monsieur Boyd, je suppose que les bibliothèques publiques dans votre province, tout comme dans la mienne, reçoivent tous les projets de loi qui sortent de cette assemblée législative. Si les gens ne peuvent pas les obtenir de leur député, pour une raison quelconque, ils peuvent certainement obtenir des exemplaires de ce projet de loi auprès de leur bibliothèque publique.
Le problème qui me préoccupe est cependant fondamental. Nous avons différentes situations dans tout le pays. Je suis députée fédérale et je siège à ce Comité de la justice avec des députés de tous les autres partis. Je crois que nous sommes ici pour apporter des changements et étudier un projet de loi qui a trait au Code criminel du Canada - non pour ma province ou la vôtre mais pour le Canada. Nous sommes un pays unifié.
Cela me préoccupe et j'aimerais une réponse de vous trois, dont l'un je suppose va former un gouvernement en Saskatchewan au cours des deux ou trois prochains mois, qu'il s'agisse du même gouvernement ou d'un autre. Je suis un peu inquiète de vous entendre dire qu'il faut refuser ce projet de loi. En fin de compte, nous allons devoir prendre une décision.
Je vous comprends bien. L'un des points fondamentaux de votre argument, c'est que vous aimeriez avoir un petit projet-pilote quelque part, mais pas dans votre cour. Peut-être devrait-il se dérouler dans votre cour. D'après les sondages, il semble que la plupart de vos commettants sont en faveur de ce projet de loi. Que vous soyez d'accord ou non, ce n'est pas ce que vous nous dites aujourd'hui.
Regardons un peu plus loin. J'aimerais que chacun des représentants des partis de votre province me dise si vous estimez que le gouvernement provincial peut choisir quelles dispositions du Code criminel seront adoptées. Finalement, il va y avoir un ministre de la Justice et un procureur général dans votre province.
Si ce projet de loi est adopté, sous sa forme actuelle ou sous une forme légèrement différente - et je pense que l'on peut effectivement l'affiner - nous aurons une situation différente de celle des États-Unis. Dans ce pays, les États tendent à l'emporter sur le gouvernement central. Au Canada, nous avons un gouvernement central qui est compétent en matière de droit criminel. Il y a uniformité et nous voulons conserver cette uniformité dans tout le pays.
Vous n'êtes pas la première délégation à nous dire que vous ne voulez pas que ce projet de loi s'applique à vous. Les représentants des Territoires du Nord-Ouest ont comparu avant vous et nous ont dit la même chose: «Nous voulons choisir» ou «Retardons l'application dans notre région». Cela m'inquiète car je ne souhaite pas voir ici les différences dans l'application de la loi sur les armes à feu qui existent entre Washington et la Virginia occidentale, je crois, qui se trouve à côté. Le premier État a des lois très permissives alors que l'autre a des lois très strictes. Nous ne voulons pas de cela ici.
Quant à moi, cela ne doit pas s'appliquer uniquement à la Loi sur les armes à feu. Nous venons, par exemple, de terminer la Loi sur les jeunes contrevenants. Je veux qu'il y ait uniformité dans tout le Canada. Je suis ici pour représenter ma circonscription et ma province et je suis également ici en tant que députée fédérale, élue de façon démocratique et travaillant sur un projet de loi du gouvernement fédéral.
J'aimerais avoir une réponse des trois partis. Finalement, si ce projet de loi est adopté, pensez-vous que vous allez pouvoir choisir les lois pénales qui conviennent à votre province?
M. Mitchell: Nous savons que nous ne le pouvons pas. C'est pourquoi cela nous préoccupe tellement. Nous savons que quelle que soit la loi que vous adoptez, nous devrons l'administrer au niveau provincial. C'est notre obligation et nous n'avons pas d'autre choix.
Il est possible que le gouvernement fédéral ne souhaite pas que les provinces l'administrent. Je ne sais pas. Certaines lois sont administrées directement. Mais il me semble que l'on s'attend que nous administrions celle-ci, comme nous administrons les autres parties du Code criminel.
C'est pourquoi nous sommes ici. Car malgré tout ce que l'on vous a dit au sujet des sondages et des opinions des gens de la Saskatchewan, parmi tous ceux qui seront touchés par ce projet de loi, il y a beaucoup de ressentiment et de résistance. Nous frémissons à la perspective d'essayer d'appliquer cette loi, avec les moyens dont nous disposons, à une population réticente.
C'est ce que j'essayais de faire comprendre tout à l'heure. D'une façon ou d'une autre, si vous allez adopter ce projet de loi, vous devrez faire quelque chose - avec tout le respect que je vous dois - pour changer l'attitude des gens qui seront touchés en Saskatchewan, et pas seulement l'opinion des chefs de police ou des personnes bien intentionnées qui tiennent absolument à ce que l'on fasse quelque chose. Il faut trouver une façon objective de l'expliquer aux gens pour qu'ils réexaminent la question et qu'ils se disent «Ah oui, je ne savais pas cela, mais maintenant je comprends».
Mme Barnes: Je comprends, 100$ par arme à feu! Cela pourrait nous aider.
M. Mitchell: Si là est la question, oui. Mais, avec tout le respect que je vous dois, là n'est pas la question.
Il ne s'agit pas de choisir et il ne s'agit pas non plus de refuser. Ce n'est pas la bonne expression. Nous voulons voir comment cela va fonctionner, et pouvoir ensuite dire: «Ça fonctionne, incluez-nous» ou encore «Ça ne fonctionne pas, nous voulons rester à l'écart». C'est mon opinion.
M. Breitkreuz (Yorkton - Melville): Merci beaucoup d'être venus comparaître devant le comité. Je vous remercie du temps et des efforts que vous avez déjà consacrés à cette question et j'apprécie également le fait que vous parlez au nom de la base, de la population de la Saskatchewan en général. Nous vous en félicitons. Si vous suivez ce dossier depuis aussi longtemps que moi, vous savez que c'est quelque chose qui semble avoir été concocté ici par des élites, qui semblent être totalement coupées de la réalité.
J'aimerais soulever deux questions. Compte tenu du temps qui m'est imparti et des contraintes que nous avons dans ce comité, j'aimerais que vous me fassiez part de votre opinion sur ces deux sujets.
L'un a trait à la constitutionnalité, ce que nous n'avons pas encore envisagé. Je ne sais pas si vous savez que le ministre de la Justice ne peut pas fournir de preuves statistiques prouvant que les mesures de contrôle des armes à feu précédentes, actuelles ou proposées contribuent à réduire les crimes avec violence, à améliorer la sécurité publique ou à sauver des vies. Il ne veut pas non plus faire une évaluation complète de l'efficacité des lois sur le contrôle des armes à feu qui existent déjà, comme le vérificateur général l'a recommandé dans son rapport de 1993, avant d'aller de l'avant avec ce projet de loi.
Les prémisses juridiques sur lesquelles se fonde l'autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral sur le contrôle des armes à feu est qu'il améliore la sécurité du public, ce qui en fait une question d'ordre pénal. Tout ceci est lié à la discussion que nous avons tenue ici ce matin. Mais je dirais que si le gouvernement ne peut pas prouver statistiquement que chaque mesure de contrôle spécifique - comme les AAAF, l'enregistrement, l'interdiction de certains types d'armes à feu - améliore réellement la sécurité du public, cette mesure ne doit donc pas faire partie du Code criminel, et nous avons alors un règlement concernant la propriété privée, ce qui relève alors de la jurisdiction provinciale.
C'est donc au gouvernement de montrer clairement que la mesure proposée ou celle qui existe déjà contribue à améliorer la sécurité du public. C'est à lui de le prouver et il ne l'a pas fait.
Toute cette question ne devrait-elle pas être renvoyée à un tribunal ou à un conseil pour en obtenir une interprétation ou une évaluation afin de voir de quelle juridiction relève toute cette question avant de poursuivre? C'est ma première question.
Ma deuxième question est liée en quelque sorte à la première. Le ministre de la Justice aimerait faire adopter rapidement cette mesure par le Parlement avant de procéder à une évaluation et à des consultations appropriées. Vous avez déjà dit que cette évaluation et que ces consultations n'ont pas été faites. Mais cela n'a aucun sens car il va être obligé d'en échelonner l'application pendant huit ans avant de la mettre en oeuvre; ce qui n'est pas très logique.
Que devrait faire M. Rock pour obtenir la collaboration des provinces et des gens de cette province, et la population de la Saskatchewan accepterait-elle ce projet de loi s'il était modifié, et modifié de façon substantielle?
Voilà mes deux questions. J'aimerais vraiment que vous répondiez aux deux, car ce sont selon moi des questions importantes.
M. Mitchell: Je vais répondre très brièvement pour que mes collègues aient l'occasion de répondre également.
J'ai déjà dit au Comité que nous avons l'intention d'examiner la mesure que le gouvernement va adopter, le cas échéant, pour voir si cette mesure est constitutionnelle et si elle a transgressé le droit pénal et empiété sur les droits civils et les droits de propriété.
En ce qui concerne votre deuxième question, en tant qu'habitant de la Saskatchewan, il me semble qu'une évaluation est nécessaire pour que notre population sache si elle doit accepter cette mesure ou non. Si l'évaluation est positive, si la mesure fédérale de contrôle des armes à feu a vraiment une finalité, et que cela soit démontré aux gens de la Saskatchewan par une évaluation objective, et c'est ce que nous avons ici, je dirais alors au Comité, sans crainte d'être contredit, que nous l'accepterions. Si elle n'a pas cette finalité, je sais alors que le Parlement ne voudrait pas aller de l'avant, car l'époque où nous réglementions simplement pour réglementer est révolue depuis longtemps. Par conséquent, la question et le problème qui existent actuellement seraient résolus par une évaluation objective.
M. Boyd: Nous appuierions certainement un renvoi à une cour qui examinerait cette question pour décider de l'aspect juridictionnel en ce qui concerne les droits de propriété. Vous savez peut-être que nous avons fait une proposition de loi concernant les droits de propriété en Saskatchewan. Malheureusement, nous n'avons pas obtenu le soutien du gouvernement, bien que nous essayons toujours de le convaincre. Néanmoins, nous serions en faveur de cette démarche.
Là encore, comme M. Mitchell l'a dit, s'il y avait une évaluation démontrant des effets positifs, je suis sûr que les gens de la Saskatchewan, ayant déjà fait preuve d'objectivité dans le passé, comme ils le feront toujours à l'avenir, seraient d'accord pour en tenir compte.
Rapidement, en ce qui concerne la question de Mme Barnes sur la désinformation, les deux côtés ont donné des renseignements erronés de toutes sortes. Mais je dois dire qu'à mesure que l'information circule, on constate une diminution du soutien au projet de loi en Saskatchewan.
Ce n'est qu'après la tempête de protestations soulevée ici à Ottawa par le Parti réformiste que l'information a commencé à circuler en Saskatachewan. Nous n'étions pas en mesure d'obtenir un exemplaire du projet de loi - nous ne pouvions tout simplement pas l'obtenir. Nous avons dû passer pas le bureau d'un député réformiste pour recevoir cette information. C'est ce genre de tactique que les gens de la Saskatchewan jugent absolument inacceptables, lorsqu'on essaie de les consulter ou d'obtenir leur soutien.
Mme Haverstock: Je suis désolée, je regardais M. Allmand. Sommes-nous prêts? Avons-nous suffisamment de temps?
Le président: Le temps du questionneur est écoulé, mais vous pouvez répondre à la question.
Mme Haverstock: Je serai brève. Nous serions certainement en faveur d'une évaluation de la constitutionnalité de la mesure.
Je répondrai à Mme Barnes une autre fois.
Le président: J'aimerais intervenir ici car je veux m'assurer que certaines choses seront bien claires avant que la séance ne soit levée. Comme j'ai quelques explications à demander, je préférerais que M. Mitchell réponde seul au nom de la délégation.
Il est bien évident que vous êtes contre le système de l'enregistrement, mais il n'est pas aussi sûr que vous vous opposiez au système des permis. Le système des permis pour la possession d'une arme à feu remplace l'autorisation d'acquisition d'armes à feu et il semble que la proposition de permis ne soit qu'une simple prolongation logique du système de l'AAAF. Êtes-vous contre le système de permis comme vous êtes contre le système d'enregistrement?
M. Mitchell: Nous pensons que tout cela forme un tout. Lorsque nous parlons d'enregistrement, nous parlons de permis et d'enregistrement. La population les rejète au même titre.
Le président: D'accord, vous avez répondu à cette question.
La deuxième fait suite à la question de Mme Barnes concernant les exemptions régionales à ce genre de loi régissant l'enregistrement. Comme elle l'a fait remarquer, les lois sévères n'ont aucun effet dans de nombreux États américains car il n'y a pas de contrôle aux frontières entre les États aux États-Unis. Par conséquent, l'État de New York peut avoir une loi très sévère alors que les États voisins ont des lois très permissives, ce qui permet aux armes de passer d'un État à l'autre.
Si nous acceptions votre proposition - et d'ailleurs ce n'est pas seulement la vôtre, c'est probablement celle également des Territoires et peut-être de l'Alberta - , sans contrôle aux frontières, ne craigniez-vous que nous finissions par avoir une contrebande des armes à feu d'une province à l'autre et finalement qu'il n'y ait plus aucune efficacité de la loi au Canada?
M. Mitchell: Étudions cet aspect un moment. Supposons que vous décidiez d'appliquer la loi dans la province de Québec qui l'a acceptée, estimant que c'est une bonne loi. Cela signifie que tous les propriétaires d'armes à feu doivent avoir un permis...
Le président: Et être enregistrés.
M. Mitchell: ...et devraient enregistrer leurs armes à feu. Cela s'appliquerait qu'ils aient acheté leur arme dans un magasin ou qu'ils l'aient rapportée de l'Ontario ou de la Saskatchewan. Ils auraient toujours les mêmes obligations. C'est la même chose que si vous achetiez l'arme dans un magasin ou l'obteniez de toutes les façons dont vous pouvez l'obtenir actuellement. Je ne vois donc pas de problème pour que les frontières soient ouvertes et que les armes passent d'une province à l'autre. Ce serait toujours au citoyen québécois d'enregistrer son arme, tout comme, en vertu du projet de loi C-68, chacun aurait l'obligation d'obtenir un permis et de s'enregistrer. À moins qu'il y ait quelque chose que je ne comprends pas, je ne vois pas le problème.
Le président: D'accord. La plupart des experts disent que l'enregistrement ne sera pas efficace à moins qu'il soit universel dans le cadre d'un système qui fait appel à des contrôles aux frontières et ils citent les États-Unis comme principal exemple. De toute façon, j'ai votre réponse là-dessus.
J'ai une dernière question qui touche à la première question de M. de Savoye. Vous avez demandé que l'on organise des projets pilotes. Je suis parfaitement convaincu que nous avons un projet pilote sur les armes de poing depuis 60 ans en ce qui concerne l'enregistrement.
En tant qu'ancien ministre qui a proposé le projet de loi en 1976, j'ai vu de nombreuses études qui montrent que là où on avait instauré l'enregistrement, le nombre de crimes commis avec des armes à feu était inférieur. Par exemple, au Canada, plus de 53 p. 100 des crimes commis avec des armes à feu le sont avec des armes d'épaule et seulement 17 p. 100 avec des armes de poing. Aux États-Unis, où il n'existe pas d'enregistrements ou de contrôle des armes de poings, deux tiers des crimes commis avec des armes à feu le sont avec des armes de poing. En Europe, où on a instauré l'enregistrement des armes de poing et des armes d'épaule, le taux de crimes commis avec des armes à feu est nettement inférieur. Je pourrais donc citer de nombreux projets pilotes, y compris au Canada, qui donnent ce genre de résultat, car les crimes commis avec des armes de poing sont nettement moins nombreux que ceux commis avec des armes d'épaule - contrairement aux États-Unis.
Je voulais vous signaler cette information, car vous avez tous dit qu'il n'y avait pas de preuves, d'information probante, alors que j'en ai vu beaucoup.
M. Mitchell: Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, monsieur Allmand, c'est comparer des pommes et des oranges, car l'enregistrement des armes de poing est très différent de celui qui est proposé pour les armes d'épaule et les fusils. La simple question de l'enregistrement n'est peut-être pas aussi importante que le fait d'avoir besoin d'un permis chaque fois que l'on sort l'arme de son étui ou que l'on veut faire quoi que ce soit avec. Vous savez vous-même que, si vous avez un permis pour aller de chez vous au champ de tir avec votre arme, vous serez en infraction si vous vous arrêtez pour une tasse de café en chemin. Cela introduit une dimension à toute la situation des armes de poing qui est très différente de ce qui est proposé dans le projet de loi C-68. Il n'y a donc pas nécessairement un lien entre les deux.
Comme je l'ai déjà dit, et je tiens à le répéter, ce que nous savons des armes de poing est pertinent et devrait être évalué indépendamment et pour savoir ce que l'on peut en apprendre par rapport aux armes de poing régies par le projet de loi C-68. Mais je ne pense pas que nous devrions nous contenter de dire «Voilà les statistiques sur les armes de poing, par conséquent, l'enregistrement est une bonne idée.» Je prétends qu'il n'y a pas nécessairement un lien.
Le président: Mon temps est écoulé et je vais être obligé d'être aussi dur avec moi-même qu'avec les autres.
[Français]
M. de Savoye: Dans votre mémoire, vous dites que vous ne supportez pas la criminalisation de l'utilisateur légitime d'une arme à feu.
Si l'enregistrement était mis en vigueur, à quel type de mesure seriez-vous favorable si on ne peut pas utiliser une offense criminelle? Quelle alternative proposez-vous?
[Traduction]
M. Mitchell: J'aimerais que mes collègues donnent également leur avis, c'est pourquoi je serai très bref.
En Saskatchewan, nous avons accepté l'autorisation d'acquisition des armes à feu pour l'acquisition d'armes. Avec le temps, cela va finir par régir tout le monde puisque les gens vieillissent, ne possèdent plus d'arme, ou meurent. Finalement, le système de l'AAAF assurera la réglementation globale que veulent les groupes qui y sont favorables. Je pense que c'est suffisant.
Il s'agit d'une population qui est respectueuse de la loi et qui n'est pas criminelle. Les gens utilisent leurs armes aux mêmes fins que les utilisaient leurs parents ou leurs grand-parents. Cela fait partie du style de vie. Comme je l'ai déjà dit, j'ai été élevé dans une maison où il y avait des armes partout - dans les placards et ailleurs. Nous n'avons jamais eu d'accident. Chacun respectait les armes à feu, mais les comprenait aussi et ne les craignait pas.
Dans les Prairies, lorsque nous pensons armes à feu, nous pensons chasse. Nous pensons à la chasse aux blaireaux, aux lapins ou aux marmottes. Je pense que lorsque vous pensez armes à feu, vous pensez crime. Je crois qu'il y a une différence culturelle très profonde qui explique une grande partie du problème.
M. de Savoye: Je ne suis pas sûr que vous ayez répondu à ma question. En dehors d'une infraction criminelle, quel genre de mesure utiliseriez-vous pour faire appliquer l'enregistrement? Vous ne pouvez pas dire simplement que les gens vont obéir et que nous n'avons pas besoin de sanction au cas où ils n'obéiraient pas. En dehors d'une infraction criminelle, quel autre genre de mesure proposeriez-vous?
M. Mitchell: Je ne sais pas. Avec tout le respect que je vous dois, je n'ai pas de réponse à votre question.
Le problème, c'est que je ne vois pas l'intérêt de l'enregistrement. Je ne vois pas quel résultat il donnera. Je ne sais pas pourquoi vous voudriez avoir ce genre de système pour commencer.
M. de Savoye: En envisageant le pire...
M. Mitchell: Si l'on envisage le pire, mon Dieu, je ne sais pas. Pourrais-je demander à mes collègues de proposer une réponse? Je n'en ai pas.
M. Boyd: Nous n'avons pas nécessairement de réponse à cette question. Il est difficile de faire des suppositions.
À notre avis, il existe actuellement une législation suffisante pour les armes à feu en Saskatchewan et dans tout le pays. Je ne crois pas que l'enregistrement aura les résultats auxquels vous vous attendez. S'il devait être mis en oeuvre, nous nous occuperons du problème à ce moment-là. Pour le moment, nous estimons que c'est tout simplement inutile.
Mme Haverstock: Je n'ai pas de réponse non plus. Je pense que la meilleure façon pour moi d'essayer d'en appeler à tous ceux qui sont ici est de dire que la grande majorité des propriétaires d'armes à feu dans notre province sont des citoyens respectueux de la loi qui estiment que ceci est vraiment la goutte qui fait déborder le vase. Ils constatent que l'on fait toutes sortes d'efforts pour garantir les droits des criminels et les droits de tous les autres. Ils se considèrent comme ceux qui paient la note. Ils pensent qu'on les attaque personnellement. Ils en sont arrivés au point où ils estiment qu'«assez c'est assez et qu'ils ne vont plus l'accepter». Bon nombre de ces gens pensent réellement que la dictature est arrivée.
En fait, s'ils croyaient vraiment que ce système améliorerait leur sécurité et leur qualité de vie, ils seraient les premiers à l'approuver. Mais ils se considèrent plutôt comme ses victimes.
Fondamentalement, nous ne croyons pas que l'enregistrement serait la solution. Il est très difficile de proposer des options si nous pensons que tout ceci est fondé sur une prémisse fondamentale erronée.
Le président: Nous passons à M. Gagnon pendant cinq minutes, puis à M. Thompson. Malheureusement, j'ai une longue liste de noms. Ce que je peux faire, c'est donner la priorité à ces noms avec d'autres témoins - Alberta, Yukon, etc. - pendant la journée.
M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): Monsieur Mitchell, je viens d'une région rurale du Québec qui présente de nombreuses similitudes avec la magnifique province de la Saskatchewan. Je ne dis pas cela à la légère. Je suis très impressionné par la province et par ses habitants que j'ai eu le privilège de rencontrer au cours des derniers mois.
Je devrais dire aussi que je suis moi-même chasseur. J'ai été élevé dans une maison où il y avait des armes partout. J'y suis habitué. Je me rappelle avoir manqué l'école pour aller chasser à l'automne. Si j'avais eu un directeur comme M. Thompson...
Le président: Il est maintenant secrétaire paralementaire du Solliciteur général.
M. Gagnon: ...je suis sûr que j'aurais été sévèrement réprimandé.
Mais on nous a dit également aujourd'hui que plus les gens reçoivent de l'information, moins ils soutiennent le projet de loi en Saskatchewan. À ma grande consternation, je vois que vous avez également un grand nombre de points communs avec le Québec. Nous parlons toujours de la spécificité québécoise, mais je dois admettre que vous avez de graves problèmes dans votre province, tout comme dans la mienne.
J'ai appris que le taux de suicides par armes à feu en Saskatchewan est supérieur à la moyenne nationale canadienne. Nous parlons ici de 134 p. 100. C'est le taux moyen par 100 000 habitants de tous les décès par armes à feu entre 1989 et 1992 par province. J'ai découvert que le taux de décès accidentels par armes à feu est de 200 p. 100 supérieur à la moyenne nationale.
Un peu plus tôt, vous nous avez dit que vous remportez beaucoup de succès avec vos cours sur les armes à feu. J'aimerais connaître votre réaction à ce chiffre supérieur de 200 p. 100 à la moyenne nationale. Il en allait de même pour les décès par armes à feu - 100 p. 100. Le total des décès par armes à feu dans votre province est supérieur de 124 p. 100 à la moyenne nationale. Les décès auto-infligés par armes à feu sont supérieurs de 181 p. 100 à la moyenne nationale et les décès accidentels par armes à feu sont supérieurs de 167 p. 100 à la moyenne nationale. Les autres blessures causées par les armes à feu sont supérieures de 233 p. 100 à la moyenne nationale.
Monsieur, vos cours sont-ils une réussite ou y a-t-il, à votre avis, un grave problème dans votre province qui devrait être résolu par la province? Dans ce cas, je pense que les normes nationales devraient s'appliquer. Je suis convaincu que ce serait une grande réalisation que de ramener votre moyenne provinciale aux normes nationales, surtout si l'on pense au coût social que cela représente pour votre province et les victimes.
Le président: C'était votre question, nous allons maintenant entendre la réponse des témoins.
M. Mitchell: Je suis très heureux que vous ayez posé cette question. Je vais demander à Lynda Haverstock d'y répondre. Elle a de très solides références, puisqu'elle a un doctorat et qu'elle a acquis beaucoup d'expérience dans ce domaine.
Mme Haverstock: Je vais répondre à ce que vous avez dit sur le nombre élevé de suicides dans la province de Saskatchewan. Si vous pensez que l'enregistrement des cordes ou des médicaments sur ordonnance ou de tout ce qui sert à se suicider va avoir un effet quelconque, vous vous trompez.
Nous avons, en Saskatchewan, un nombre disproportionné de personnes qui travaillent dans le secteur agricole et d'autochtones par rapport aux autres provinces. Ces deux groupes sont considérés comme représentant un risque élevé de suicide. Le taux de suicide parmi les membres du secteur agricole depuis 1981 est trois fois supérieur à celui de la population canadienne en général. De même, comme nous le savons tous à cause de tout ce que diffusent malheureusement les médias au sujet des suicides des autochtones, y compris les Inuit, il y a là également de graves problèmes. Ce sont des questions sociales. Ce sont des questions qui n'ont rien à voir avec l'enregistrement des moyens avec lesquels ils se suicident et qui n'en seront pas influencées.
M. Gagnon: Puis-je poser une autre question?
Le président: Non, vous ne pouvez pas.
Mme Haverstock: Puis-je terminer?
Le président: Oui, vous pouvez terminer.
Mme Haverstock: J'aimerais simplement dire à nouveau qu'il s'agit d'une question de choix. Moi qui, comme d'autres à cette table, ai travaillé avec des gens présentant des risques élevés, je vous dirais que si j'avais le choix dans la façon de dépenser des fonds pour remédier à ce grave problème du suicide ou des décès ou blessures accidentelles, je préférerais de loin qu'ils soient utilisés différemment de la façon dont ils vont l'être pour l'enregistrement des armes à feu.
M. Thompson (Wild Rose): Je trouve plutôt étrange que les observations concernant la perte de productivité et tout ce qui concerne le suicide soient associées à ce projet de loi. Si nous allons parler de tout cela, nous devons également parler des milliers d'avortements et de la perte de productivité que cela représente. Donc ne nous limitons pas à ce domaine.
J'aimerais vous faire part de ce que j'ai entendu dans ma communauté. Un certain nombre de gens ont immigré dans cette région depuis d'autres parties du monde - essentiellement la Hollande et l'Allemagne - et s'y sont installés. J'ai beaucoup voyagé et j'ai parlé de tout cela et d'autres choses dans un certain nombre de régions du pays. Je vais vous poser une question que j'ai posée aux propriétaires responsables des armes à feu des diverses provinces.
M. Ramsay a traité des nombreux articles dont ils craignent qu'ils ne touchent certains droits et libertés, en particulier l'article 100 et toute la question de l'enregistrement. J'ai distribué plus de 400 exemplaires de ce projet de loi par l'intermédiaire de mon bureau dans ma circonscription. Les réponses que j'ai obtenues indiquent que les gens s'inquiètent du fait que ce document de 124 pages comporte six pages traitant de la criminalité et 117 traitant des citoyens respectueux de la loi. Ils s'inquiètent de la possibilité et de la probabilité que, par le biais de décrets en conseil, certaines de nos libertés fondamentales risquent un jour d'être perdues.
Est-ce une véritable préoccupation dans la province de la Saskatchewan?
M. Mitchell: Les gens qui sont touchés par cette loi trouvent cela très préoccupant. Nous avons essayé d'en rendre compte aujourd'hui. Mes collègues devraient également répondre à cette question.
M. Boyd: Oui, je crois que c'est effectivement une préoccupation tout à fait valide des gens à qui nous avons parlé en Saskatchewan.
Leur point de vue est le suivant: si vous allez traiter de la criminalité, vous devez vous occuper des criminels et non des citoyens respectueux de la loi qui possèdent un fusil. C'est l'opinion des gens à qui j'ai parlé. Ils ne voient pas du tout la nécessité de cette mesure si votre objectif déclaré est de remédier au problème de la criminalité.
Mme Haverstock: Une des choses que j'ai essayé de faire, c'est d'adopter une attitude raisonnable dans tout ce débat. Lorsque les gens commencent à parler d'intentions cachées derrière le projet de loi, je ne crois pas que ce soit le cas. Je ne crois pas qu'il y ait des intentions cachées de confisquer les armes ou tout ce que l'on raconte.
Je pense que tout cela vient de la peur que ressentent les gens. Cela vient d'une réaction exagérée parce qu'ils pensent avoir été floués. Tout à l'heure, on a fait allusion à la désinformation concernant les coûts exorbitants et autres. Il y a également de la désinformation concernant ces soi-disant intentions cachées et la confiscation.
Je pense que les gens ont des inquiétudes tout à fait légitimes, mais j'essaie d'aller au-delà de ce que je considère comme des opinions extrêmes et de m'en tenir au raisonnable.
Nous n'attaquons pas ce qui doit être fait si nous voulons réellement réduire la criminalité, l'empêcher ou avoir des communautés plus sûres au Canada. C'est sur quoi j'aimerais être rassuré, c'est ce dont me parlent les gens.
Montrez-nous qu'en fait cela va avoir les résultats escomptés. Commençons au moins par ce que nous avons déjà à notre disposition et voyons si nous pouvons apporter des améliorations ou ce qui fonctionne déjà bien. Cela n'a pas été évoqué.
Le président: Le temps est écoulé. Nous devons lever la séance pour entendre le procureur général de l'Alberta dans cinq minutes.
Je remercie sincèrement M. Mitchell, M. Boyd, Mme Haverstock et tous les autres membres de l'Assemblée législative qui sont venus de très loin pour nous faire part de leurs opinions. Nous en tiendrons certainement compte. Il n'y a pas de débat au cours de ces réunions. Nous vous écoutons et nous essayons de préciser ce que vous nous dites. Nous allons débattre des diverses propositions qui ont été présentées au comité dans une quinzaine de jours.
La séance est levée.