[Enregistrement électronique]
Le mardi 9 mai 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous allons commencer, si quelqu'un peut trouver notre témoin, qui a sans doute été kidnappé par la presse.
Nous poursuivons l'examen du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et d'autres armes. Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui l'honorable Brian Evans, O.C., ministre de la Justice de l'Alberta.
Monsieur Evans, pourriez-vous nous présenter la personne qui vous accompagne, lorsque je vous aurai donné la parole? Je dois dire que nous avons reçu votre mémoire, long et complet, et que nous vous serions reconnaissants de n'en lire que les parties les plus importantes, ou de le résumer, car nous n'avons que deux heures. De toute façon, le texte de votre mémoire fera partie du procès-verbal de la séance d'aujourd'hui.
Avant de vous donner la parole, je dois mentionner que nous devrons, à la fin de la réunion, traiter des questions et des propositions qui nous ont été adressées par M. Ramsay à la fin de la semaine dernière. Nous étions convenus d'en traiter cette semaine. Nous devrons également décider si nous acceptons ou non les téléphones cellulaires dans la salle des Comités, car les sonneries peuvent parfois nous distraire.
Monsieur Evans, vous avez quinze minutes pour exposer votre position, après quoi nous vous poserons des questions.
L'honorable Brian Evans, c.r. (ministre de la Justice de l'Alberta): Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs.
Je dois vous dire tout d'abord, monsieur le président, mesdames et messieurs, que je m'exprimerai uniquement en anglais car je suis loin de parler aussi bien notre seconde langue officielle que mon frère, qui vit à Montréal. J'en présente mes excuses aux membres du comité qui sont d'origine française ou dont la première langue est le français.
Je suis très heureux de pouvoir m'adresser au comité pour exposer la position de la province de l'Alberta sur le projet de loi C-68, projet très important pour notre pays et qui fait l'objet d'un vigoureux débat dans notre province. Je précise que mon sous-ministre, M. Neil McCrank, m'accompagne aujourd'hui pour m'aider à répondre aux questions. Toutefois, il m'a clairement indiqué qu'il préférait me laisser exposer moi-même la position du gouvernement de l'Alberta.
Comme vous l'avez dit, monsieur le président, notre mémoire a été distribué à tous les membres du comité. Il est relativement bref, puisqu'il ne fait que six pages, mais je ne vais pas le lire in-extenso. Toutefois, mes remarques suivront l'ordre de présentation de nos arguments dans le mémoire.
Pour commencer, la position de l'Alberta au sujet de la justification du projet de loi C-68 - et sachez qu'elle est conforme aux discussions que j'ai eues avec M. Rock - est qu'il est temps d'agir vigoureusement pour réduire et, si possible, éliminer les actes criminels graves et violents, afin d'assurer la sécurité des collectivités locales.
Nous prenons cet objectif au sérieux et notre gouvernement provincial attache beaucoup de prix à la sécurité collective. Nous faisons tout notre possible, en collaborant avec le gouvernement fédéral, pour lutter contre les actes criminels graves et violents.
Pour ce qui est du problème des armes à feu, je dois rappeler que l'Alberta faisait encore partie, il n'y a pas très longtemps, des régions frontalières du Canada. Aujourd'hui encore, selon nos estimations, près de 39 p. 100 des ménages possèdent une arme à feu. Comme les autres provinces de l'Ouest et les territoires, notre position au sujet de la législation actuelle concernant les armes à feu et au sujet du projet de loi C-68 est très nette.
Comme nous l'avons souvent déclaré, monsieur le président, membres du comité, le Canada se compose de régions bien différentes, avec des caractéristiques et un passé bien différents. Or, c'est précisément en tenant compte des différences régionales que nous avons réussi à préserver notre unité. Hélas, nous craignons que le projet de loi dont vous êtes saisis ne tienne pas pleinement compte de ces différences régionales.
À la lecture des déclarations faites par le ministre fédéral le 24 avril, j'ai vu que celui-ci avait parlé d'un sondage effectué dans tout le pays. Selon un sondage fédéral, le principe de l'enregistrement des armes à feu serait appuyé par 72 p. 100 de la population de l'Alberta. Je dois vous dire que nous avons fait notre propre sondage en janvier de cette année et que nous avons été très surpris, je le reconnais très franchement, de constater que la quatrième question qui était posée - et vous trouverez le texte complet du sondage dans notre documentation - montrait que 64 p. 100 des Albertains ne s'opposent pas ou sont favorables à l'enregistrement.
La quatrième question était cependant fort intéressante car celle qui la précédait visait à savoir si les Canadiens et les Albertains estiment qu'il y a trop, assez ou trop peu de lois sur les armes à feu. Or, 54 p. 100 des répondants, sur un échantillon de 602 personnes, ont déclaré que nous avions soit assez soit trop de lois et de règlements sur les armes à feu. On aurait pu penser que la question suivante, visant à savoir s'il fallait ajouter à ces règlements, aurait produit le même résultat, mais ce n'a pas été le cas, puisqu'on a eu 64 p. 100.
En ce qui concerne la cinquième question, il s'agissait de savoir si les répondants estimaient qu'ils seraient plus en sécurité avec ce projet de loi. Résultat: 50 p. 100 ont dit oui, 48 p. 100, non.
On constate qu'il y a une certaine confusion et certaines variations dans les réponses aux questions.
Je me suis alors penché sur la deuxième question, visant à savoir si les répondants connaissaient bien le projet de loi. Or, 76 p. 100 des 602 répondants ont déclaré qu'ils ne connaissaient que relativement bien le projet de loi.
Lors d'une émission de radio à laquelle j'ai participé à Grand Prairie, dans le Nord de l'Alberta, au début février, une dame m'a dit que quelqu'un lui avait téléphoné chez elle, trois ou quatre semaines auparavant, pour lui demander si elle était favorable à un système d'enregistrement universel des armes à feu. Elle avait répondu par l'affirmative. Elle a toutefois ajouté avoir examiné depuis lors la législation qui existe déjà au Canada à ce sujet et s'être penchée sur les coûts qui résulteraient du nouveau projet de loi. Sa conclusion a été la suivante, monsieur le président: «Je ne pourrais jamais appuyer ce projet de loi».
À mes yeux, cette opinion est conforme à l'appui ou au manque d'appui de la population albertaine envers le projet de loi. Je puis vous dire que j'ai reçu quelque 5 000 lettres d'électeurs et d'électrices entre le 1e décembre et la fin du mois d'avril et que 97,5 p. 100 appuyaient la position du gouvernement de l'Alberta. En bref, celle-ci est que nous ne voyons aucun lien de cause à effet entre l'enregistrement universel des armes à feu et la réduction du crime. Deuxièmement, nous exprimons de sérieuses réserves quant à l'incidence financière du projet de loi, c'est-à-dire aux coûts qui en résulteront directement.
En bref, monsieur le président, nous croyons que l'opposition au projet de loi ne va cesser d'augmenter en Alberta, à mesure que les citoyens de la province prendront de plus en plus conscience de la nature des lois et règlements qui existent déjà en la matière ainsi que du risque d'ingérence de l'État dans la vie privée des citoyens, à cause du projet de loi.
Je dois préciser que cette position est la même que celle de l'autre parti politique représenté à notre Assemblée législative, le Parti libéral de l'Alberta. En outre, le 29 avril, j'ai participé à une réunion de l'Association albertaine des commissions de police municipale, à Lethbridge, dans le Sud de la province, où l'on a adopté une résolution appuyant les préoccupatoins de l'Alberta, comme je viens de les exprimer.
Quels sont les éléments du projet de loi que nous approuvons, monsieur le président? Il y en a au moins deux, comme je l'ai dit à M. Rock la première fois qu'il m'a téléphoné pour m'annoncer que ce projet serait déposé. Il s'agit de l'alourdissement des peines et des mesures visant à faire échec à la contrebande, qui constituent à nos yeux des mesures allant dans la bonne voie et clairement axées sur la répression d'actes criminels.
Nos objections concernent l'obligation pour les particuliers d'obtenir un permis et d'enregistrer leurs armes à feu. Nous estimons en effet que les lois actuelles constituent un compromis satisfaisant et efficace entre la nécessité d'assurer la sécurité du public et le souci de protéger les droits des propriétaires d'armes à feu respectueux des lois.
Pour ce qui est de nos autres préoccupations, vous en trouverez le détail dans notre mémoire: l'incidence sur les autochtones, notamment sur les droits issus des traités, les coûts sociaux, et les facteurs économiques reliés au projet de loi.
Nous avons pris note du rapport adressé par le vérificateur général en 1993 à la Chambre des communes, dans lequel celui-ci dit qu'il est nécessaire d'évaluer les lois actuelles. Cette mise en garde nous semble tout à fait adéquate et devrait être prise en considération avant d'adopter le projet de loi C-68, notamment les dispositions concernant l'enregistrement universel et l'obligation d'obtenir un permis. Je le répète, nous ne voyons aucun lien de cause à effet entre l'enregistrement et la répression du crime.
On dit souvent qu'il n'y a aucune raison de ne pas enregistrer les armes à feu si l'on accepte d'enregistrer les véhicules à moteur. Cela dit, l'enregistrement des véhicules à moteur ne vise certainement pas à réduire certaines activités criminelles, comme la conduite en état d'ivresse.
Pourtant, les cas de conduite en état d'ivresse - et c'est un très bon exemple - ont sensiblement diminué dans notre province, et dans d'autres aussi, je crois. Il y a aujourd'hui moitié moins d'accusations à ce sujet qu'il n'y a dix ans. Selon moi, cela s'explique par l'alourdissement des peines, l'exécution plus rigoureuse des lois et une meilleure éducation du public.
Nous indiquons également dans notre mémoire que le système d'enregistrement actuel des armes à feu est très difficile car il n'est pas fiable. Le processus actuel d'identification des armes à feu à autorisation restreinte est fort insatisfaisant et, bien sûr, il est très facile de modifier les caractéristiques d'une arme à feu, ce qui rend l'identification absolue quasiment impossible.
Nous parlons ensuite dans notre mémoire des coûts du projet de loi. D'après nous, ces coûts ne peuvent être justifiés par le rendement espéré, étant donné que nous ne croyons pas que le projet permettrait de réduire le nombre de crimes graves et violents. À l'origine, M. Rock parlait d'environ 85 millions de dollars. Je vois qu'il parle aujourd'hui d'environ 118 millions de dollars. Toutefois, ce chiffre ne tient toujours pas compte des mécanismes d'administration et d'exécution de la loi, qui feront monter considérablement le coût final.
Du point de vue provincial, nous estimons que nos coûts supplémentaires seront de l'ordre de 500 000$ par an - et vous trouverez le détail de notre estimation à la fin de notre mémoire. Au moment où mon budget, au ministère de la Justice, est réduit de 15 p. 100, je suis dans l'obligation de chercher l'usage le plus efficace possible des sommes mises à ma disposition, et je n'hésite pas à dire que les 500 000$ dont je viens de parler seraient plus efficaces s'ils me permettaient de mettre un plus grand nombre d'agents de police dans les rues pour réprimer les actes criminels.
Notre recommandation au comité est donc d'éliminer du projet de loi les dispositions relatives à l'enregistrement des armes à feu et à l'obligation d'obtenir un permis. Nous recommandons que l'argent ainsi économisé serve à renforcer les mesures d'exécution des lois pénales et des nouvelles dispositions visant les contreventants, ainsi qu'à renforcer nos efforts d'éducation du public.
Telle était la teneur de notre mémoire, monsieur le président. Je vous remercie de votre attention et je serais très heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Evans.
[Français]
Monsieur Dumas, du Bloc Québécois, vous avez dix minutes.
M. Dumas (Argenteuil - Papineau): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, il me fait plaisir de vous saluer au nom de l'Opposition officielle.
Dans le troisième paragraphe de votre mémoire, il est dit qu'en Alberta, 39 p. 100 des ménages ont des armes à feu. Évidemment, au Québec, ce n'est pas aussi fréquent. Les armes à feu se retrouvent surtout, si on oublie les clubs de chasse ou les divers organismes qui emploient des armes à feu, en zone rurale, chez les agriculteurs. Pouvez-vous me dire quelle est la proportion de citoyens, de ce pourcentage de 39 p. 100, qui sont du milieu rural et du milieu urbain dans votre province?
[Traduction]
M. Evans: Je précise que les 39 p. 100 ne constituent qu'une estimation. Je puis cependant vous dire qu'il y a probablement une proportion beaucoup plus importante de notre population qui réside en milieu urbain et qui possède des armes à feu que ce n'est sans doute le cas au Québec.
J'ajoute que nous avons une population autochtone assez nombreuse. Il y a dans notre province beaucoup de gens qui résident dans des régions éloignées du Nord. De ce fait, les statistiques pour ces régions seraient probablement sensiblement plus élevées.
Cela dit, je ne pense pas pouvoir répondre avec précision à votre question. Notre estimation globale de 39 p. 100 provient de chiffres que nous obtenons des clubs de tir, des associations de chasseurs et de pêcheurs, etc., mais il m'est impossible d'en faire une ventilation plus précise.
[Français]
M. Dumas: Merci.
Le président: Avez-vous d'autres questions à poser?
[Traduction]
M. Ramsay (Crowfoot): Bienvenue, monsieur Evans et vous, monsieur. Comme nous sommes de la même province, je suis très heureux de vous voir aujourd'hui. Je vous remercie de votre exposé.
J'aimerais aborder trois questions avec les ministres de la Justice qui vont témoigner aujourd'hui en suivant le même format avec chacun d'entre eux.
Nous avons déjà entendu beaucoup de témoins au sujet de ce projet de loi, et j'ai personnellement discuté avec des groupes qui souhaitent mieux en connaître la teneur et qui ont des préoccupations au sujet de la légitimité constitutionnelle du projet. Mon chef, Preston Manning, et moi-même avons adressé une lettre à tous les premiers ministres provinciaux pour exprimer ces préoccupations et pour leur demander d'examiner le projet de loi sous cet angle. S'ils ont des réserves, nous les invitons à demander au ministre fédéral de la Justice de s'adresser aux tribunaux pour vérifier la constitutionnalité des aspects contestables du projet de loi avant de le soumettre au vote.
Voici certains des aspects qui nous paraissent contestables: abolition du droit de garder le silence, à l'article 100; obligation de coopérer avec la police, aux articles 99 et 101; présomption de culpabilité tant que l'on a pas été trouvé innocent, aux articles 99, 103 et 107; culpabilité par association, à l'article 111; confiscation de biens privés sans compensation, à l'article de protection des droits acquis, et, en passant, à l'article 12, notamment; fouilles et saisies sans mandat, à l'article 117. Avez-vous des réserves quelconques quant à la validité constitutionnelle de ces dispositions de ce projet de loi?
M. Evans: Je dois vous dire que nous avons commencé à analyser les aspects constitutionnels du projet, monsieur Ramsay. Pour le moment, notre analyse est essentiellement axée sur l'enregistrement, puisque cela touche les biens personnels. Il se peut fort bien qu'il y ait un problème à cet égard.
Cela dit, nous avons clairement indiqué que notre gouvernement souhaite débattre des avantages ou inconvévients intrinsèques du projet de loi, afin de donner au législateur l'occasion de recueillir l'opinion des Canadiens au sujet de l'incidence du projet de loi sur leur vie personnelle. Autrement dit, nous préférons pour le moment réserver notre jugement au sujet de la constitutionnalité du texte définitif.
J'espère toujours que les deux aspects positifs du projet de loi, concernant l'alourdissement des peines et la répression de la contrebande, finiront par être approuvés par la Chambre des communes. J'espère également que les dispositions relatives à l'enregistrement et à l'obtention de permis seront rejetées et que nous n'aurons donc pas à nous poser la question de leur constitutionnalité.
En ce qui concerne vos remarques sur le droit de perquisition et de saisie, nous serions prêts à appuyer les dispositions pertinentes si la portée du projet de loi était restreinte de façon à ce que ses dispositions soient clairement axées sur les actes criminels. À mes yeux, le projet sous sa forme actuelle reflète une ingérence extrême dans la vie des citoyens respectueux des lois, étant donné qu'il ne fait aucune distinction entre ces citoyens et les criminels et que ses dispositions sont tellement exhaustives.
M. Ramsay: J'aimerais maintenant parler des consultations que vous avez eues avec le ministre de la Justice avant le dépôt du projet de loi. Celui-ci nous a dit qu'il avait tenu de larges consultations, auprès de nombreux groupes différents. Cela dit, nous avons déjà entendu parler d'un manque de consultations entre le ministre de la Justice du Canada et son homologue de la Saskatchewan. J'aimerais donc savoir s'il y a eu des consultations, et de quelle ampleur, entre votre ministère et le ministère fédéral de la Justice, avant le dépôt du projet de loi.
M. Evans: Je vous dirai d'abord qu'il y a eu des consultations mineures entre nos deux ministères au palier administratif, mais certainement pas assez de consultations pour répondre à toutes nos préoccupations, ni, selon nous, pour coordonner les positions des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.
Pour être juste avec le ministre fédéral, je dois dire qu'il a pris contact avec moi par téléphone pour me faire part de son projet, avant l'annonce officielle. Cela nous a permis de discuter en détails des grandes lignes du projet. Je lui ai dit alors que j'avais deux réserves importantes, concernant l'enregistrement universel et les permis - et ce sont les mêmes que j'ai exprimées aujourd'hui, monsieur Ramsay - et que je constestais aussi l'idée que le processus d'enregistrement contribuerait à rehausser la sécurité des collectivités et à réduire les crimes violents. Finalement, je lui ai aussi exprimé mes préoccupations au sujet des coûts de mise en oeuvre du système et de la justification de l'estimation de 85 millions de dollars.
M. Rock et moi-même nous sommes ensuite rencontrés à Calgary, après l'annonce, ce qui nous a permis d'avoir une nouvelle brève conversation à ce sujet. Ensuite, tous les ministres de la Justice provinciaux, et moi y compris, avons pu nous adresser au ministre fédéral lors de la réunion des ministres qui s'est tenue à Victoria à la fin du mois de janvier.
M. Ramsay: Comme vous allez être responsable de la mise en oeuvre de ce projet de loi s'il est adopté, avez-vous participé d'une manière quelconque à la formulation de ses dispositions?
M. Evans: Comme je l'ai dit plus tôt, nous aurions incontestablement préféré avoir plus de temps pour analyser les conséquences financières du projet de loi, dans le cadre de notre budget provincial et pour discuter des principes généraux du projet.
M. Ramsay: J'aimerais maintenant parler de l'article 110 du projet de loi. En effet, grâce à cet article, le gouvernement fédéral va s'ingérer dans des domaines qui ont toujours été régis par les provinces et les territoires, comme la création et l'exploitation de clubs et de champs de tir, les activités qui y sont exercées, la position et l'utilisation d'armes à feu dans les clubs et champs de tir et, bien sûr, la conservation et la destruction des registres relatifs à ces clubs et champs de tir. Ensuite, à l'alinéa 110g), on constate qu'il pourra intervenir dans l'exploitation et les activités des expositions d'armes, ainsi qu'en ce qui concerne la possession et l'utilisation d'armes à feu dans ce contexte.
À mes yeux, l'article 110 veut dire que le gouvernement fédéral pourra maintenant exercer un contrôle dans un domaine qui relevait traditionnellement des gouvernements provinciaux et territoriaux. Si l'on considère que ce projet de loi est censé contribuer à la sécurité collective, il me semble que le gouvernement fédéral tente d'intervenir dans un secteur qui ne pose aucun problème à cet égard, étant donné que je vois pas en quoi la santé ou la sécurité du public sont menacés dans les domaines que je viens de mentionner. En même temps, il en profite pour s'ingérer dans un domaine qui, jusqu'à ce jour, a relevé des gouvernements provinciaux et territoriaux. Qu'avez-vous à dire à ce sujet?
M. Evans: Nous savons tous parfaitement que le gouvernement fédéral a le pouvoir, en vertu de la Loi constitutionnelle, d'assurer la paix, l'ordre et le bon gouvernement. En ce sens, il a le pouvoir d'outrepasser les droits de propriété et les droits civils, responsabilités des provinces. Cela dit, il existe au Canada une tradition bien établie, et qui me paraît tout à fait légitime du point de vue constitutionnel, selon laquelle les pouvoirs et les droits des provinces ne sauraient être réduits en l'absence de responsabilités ou de préoccupations fédérales impérieuses. Or, je ne perçois aucunement cette justification en ce qui concerne les propriétaires légitimes d'armes à feu. En conséquence, j'estime que les dispositions relatives à ce qui relève des responsabilités provinciales traditionnelles, dans la mesure où elles ne touchent pas l'activité criminelle, sont extrêmment sujettes à caution.
Je crois comprendre que M. Rock s'est dit parfaitement disposé à apporter des modificiations au projet de loi pour tenir compte des préoccupations des clubs de tir et des personnes faisant un usage récréatif des armes à feu. Je ne sais pas s'il a donné des précisions à ce sujet ou s'il s'agissait simplement d'un énoncé de principes général.
M. Ramsay: Parlons maintenant du problème des coûts. En vertu de l'article 5 du projet de loi, le contrôleur des armes à feu de la province aura effectué un contrôle des antécédents criminels et médicaux des citoyens qui demandent un permis de port d'armes à feu, pour s'assurer qu'ils n'ont jamais eu de maladie mentale. Ensuite, il poura s'adresser aux voisins du demandeur pour vérifier si celui-ci a déjà été impliqué dans des actes violents.
Cela me paraît tout à fait semblable au processus mis en oeuvre dans certaines provinces pour délivrer une AAAF. Considérons maintenant que, selon la Commission de police de la région métropolitaine de Toronto, le coût de traitement d'une demande d'AAAF était d'environ 185$, en 1994. Si l'on multiplie ce chiffre par les trois millions de propriétaires d'armes à feu existant au Canada, selon des estimations du ministère, on obtient un chiffre de 555 millions de dollars avant qu'une seule arme à feu n'ait été enregistrée. Si l'on prend le chiffre plus élevé de 6 millions de propriétaires, on arrive a 1,110 milliard de dollars avant qu'une seule arme à feu n'ait été enregistrée.
Considérant votre expérience en Alberta, à combien estimeriez-vous les coûts que devront assumer vos contribuables et les contribuables du Canada suite à la procédure de délivrance des permis prévus à l'article 5 de ce projet de loi?
M. Evans: Vous avez raison de dire, monsieur Ramsay, qu'une bonne partie du texte ressemble aux exigences prévues pour l'autorisation d'acquisition d'armes à feu et le cours de formation aux règles de sécurité relatives aux armes à feu, qui existent déjà et représentent, à mon avis, un équilibre raisonnable entre les droits de la société en général et ceux des propriétaires d'armes à feu qui ont le sens de leurs responsabilités.
J'ai entendu dire qu'en Alberta, il pouvait en coûter jusqu'à 300$ pour obtenir une AAAF si l'on tient compte du coût et du temps requis pour suivre la formation de sécurité nécessaire pour obtenir cette autorisation. Voilà qui est bien cher pour la plupart des gens.
Pourtant, rares sont les Albertains qui contestent la nécessité ou le coût des AAAF. Je crois que la plupart des habitants de l'Alberta qui ont reçu cette formation, passé l'examen écrit et obtenu une AAAF se rendent compte qu'on leur impose là une contrainte justifiée puisque cette formation met l'accent sur la sécurité d'utilisation et d'entreposage des armes à feu et vise à mieux éduquer les Albertains à leur sujet. Si ces exigences étaient profondément remaniées et encore augmentées, je ne suis tout à fait sûr qu'on les accepterait aussi facilement; et je ne suis pas certain que les dispositions de l'article 5 soient très différentes de ce que nous avons actuellement.
Je crois comprendre que M. Rock a déclaré - et je ne tenterai certainement pas de défendre sa position sur ce point - que la nouvelle autorisation d'acquisition d'armes à feu et les démarches nécessaires pour l'obtenir seront moins coûteuses et plus rapides. Je ne suis pas certain que ce sera le cas. Je le répète, le processus actuel est raisonnable, et je ne vois pas pourquoi il y aurait lieu de le modifier.
Le président: Monsieur Wappel.
M. Wappel (Scarborough-Ouest): Bonjour, monsieur.
Avant de poser mes questions, je voudrais faire une brève observation. Le comité a entendu un grand nombre de témoins représentant des points de vue très différents. Beaucoup ont insisté sur ce qu'ils considèrent comme les pouvoirs d'inspection abusifs prévus par ce projet de loi. D'autres ont souligné les larges pouvoirs de réglementation qu'il accorde. Mes amis du Parti réformiste rappellent constamment que certaines dispositions pourraient en être inconstitutionnelles. De mon côté, je sais que beaucoup de membres de ma circonscription craignent qu'on ne leur confisque leurs armes sans les dédommager.
Tous ces points sont importants, du moins à mes yeux. Je note pourtant, monsieur, que vous-même et votre homologue de la Saskatchewan avez décidé, du moins dans vos déclarations liminaires, de ne pas évoquer ces questions et de concentrer toutes vos remarques sur le système d'enregistrement. Vous avez expliqué votre position par le fait que vous savez que les autres questions seront traitées par d'autres témoins.
Je peux vous assurer que le point sur lequel vous insistez a également été traité par d'autres témoins. Je serais très tenté de reprocher vivement aux ministres de la Justice de ces deux provinces de s'en tenir uniquement à la question de l'enregistrement et de ne traiter des quatre autres points que si le comité les y amène.
Cela dit, vous avez décidé de faire une comparaison avec le système d'enregistrement des véhicules automobiles à la page 4 de votre rapport, et je voudrais donc vous en parler un instant. J'imagine que tous les utilisateurs de véhicules motorisés en Alberta doivent être détenteurs d'un permis.
M. Evans: C'est exact.
M. Wappel: Pourquoi?
M. Evans: Excellente question. Je crois que la raison principale est que cela nous permet d'assurer un suivi des conducteurs pour toutes sortes de raisons qui n'ont rien à voir avec l'application du Code criminel.
M. Wappel: Pourquoi donc tenez-vous à suivre ces personnes? Expliquez-le-nous.
M. Evans: Pour des questions d'assurance ou de sécurité, pour commencer.
M. Wappel: La sécurité. Parlez-nous donc de la sécurité.
M. Evans: Cela nous permet de communiquer aux propriétaires et utilisateurs de véhicules en Alberta des conseils de sécurité concernant les véhicules qu'ils conduisent et leur type de conduite.
Cela constitue un instrument très utile pour nous, monsieur Wappel, mais je ne voudrais pas vous donner l'impression que je crois que tous les éléments d'information que nous exigeons aujourd'hui sont efficaces ou peuvent se justifier dans une société libre et démocratique. Beaucoup de choses que nous ne pouvons faire sans un système d'enregistrement sont le produit d'une époque où nous disposions de plus de ressources et où l'on croyait généralement que les gouvernements étaient là pour aider. Nous devions nous assurer que nous aidions les Canadiens. Je ne suis pas certain que si l'on discutait aujourd'hui de l'immatriculation des automobiles, nous serions très favorables à ce processus, sur le plan de la rentabilité.
M. Wappel: Nous parlons de l'immatriculation des automobiles et de l'enregistrement des conducteurs parce que c'est un point que vous avez soulevée dans votre mémoire.
Vous avez aussi parlé de sécurité. N'est-il pas vrai qu'une des raisons pour lesquelles l'Alberta exige que chaque conducteur ait un permis, c'est pour s'assurer qu'il connaît bien le code de la route et le fonctionnement de son véhicule?
M. Evans: Oui. C'est ce que j'ai dit.
M. Wappel: N'est-il pas vrai qu'une personne qui détient un permis pour un certain type de véhicule n'est pas nécessairement autorisée à en conduire un autre type?
M. Evans: C'est exact.
M. Wappel: Les compétences exigées pour piloter une motocyclette, un camion-remorque, une motoneige ou un autre engin ne sont pas les mêmes. N'est-il pas vrai que vous devez passer un examen de conduite pour prouver que vous avez ces compétences?
M. Evans: Oui.
M. Wappel: N'est-il pas vrai qu'on encourage les gens à prendre des leçons avant de passer cet examen?
M. Evans: Si.
M. Wappel: N'est-il pas vrai que ces leçons et l'examen lui-même coûtent de l'argent?
M. Evans: En effet.
M. Wappel: N'est-il pas vrai que les titulaires d'un permis doivent payer un droit chaque année, tous les deux ans ou tous les cinq ans, pour que leur permis soit renouvelé?
M. Evans: En Alberta, le renouvellement se fait tous les cinq ans.
M. Wappel: Les conducteurs ne sont pas obligés de passer d'autres examens; ils sont simplement tenus de renouveler leur permis.
M. Evans: C'est exact.
M. Wappel: Le système de délivrance de permis de conduite est-il payé grâce au versement de ces droits? Autrement dit, ces droits couvrent-ils les coûts de fonctionnement du système, ou y a-t-il des coûts supplémentaires qui sont absorbés par le gouvernement?
M. Evans: Je crois qu'il y a des coûts supplémentaires absorbés par le gouvernement. Ce n'est pas mon ministère et je n'ai donc pas cette information sous la main.
M. Wappel: Bien. Cela dit, ne pensez-vous pas qu'il conviendrait qu'une personne qui veut posséder une arme à feu pour la première fois - laissons de côté les gens qui en ont déjà - devrait montrer qu'elle comprend l'usage correct d'une arme à feu en passant un examen devant l'autorité gouvernementale appropriée qui lui délivrera alors un permis de possession pour cette arme?
M. Evans: Vous connaissez mieux que moi les règlements actuels. En Alberta, depuis le 1er janvier 1994, la personne qui veut acquérir une arme d'épaule, un fusil de chasse ou une arme de poing doit suivre un cours et passer un examen écrit. Si cette personne est sûre d'elle, elle peut passer directement l'examen. Elle est ensuite tenue de remplir un formulaire très complet pour obtenir l'AAAF.
M. Wappel: Si l'on poursuit le raisonnement logique, y a-t-il quoi que ce soit de répréhensible à exiger l'obtention d'un permis?
M. Evans: Non. Je crois que c'est là une contrainte raisonnable opposée au droit des personnes. Je ne critique pas la loi actuelle. En fait, je considère qu'elle est tout à fait suffisante pour protéger les droits de la société et ceux des détenteurs d'armes.
M. Wappel: Donc, vous n'avez pas d'objection à ce que des personnes qui veulent acquérir une arme à feu quelconque pour la première fois soient obligées de montrer qu'elles en connaissent bien le fonctionnement et d'obtenir un permis.
M. Evans: Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Wappel, que c'est la loi au Canada.
M. Wappel: Je voulais savoir si vous aviez une objection à cela.
M. Evans: Je ne suis pas venu ici pour discuter... une objection quelconque à nos lois.
M. Wappel: Très bien.
Parlons maintenant de l'immatriculation des véhicules. Je suppose que tout véhicule appartenant à quelqu'un qui vit en Alberta est immatriculé dans cette province.
M. Evans: Tout bon citoyen enregistre son ou ses véhicules.
M. Wappel: Et pourquoi?
M. Evans: Pour diverses raisons. La première est de tenir un relevé des véhicules qui roulent sur nos routes. La deuxième est l'assurance, le besoin de contrôler les coûts imposés aux personnes qui vivent dans la province et doivent assurer leurs véhicules. La troisième raison concerne la sécurité des véhicules eux-mêmes: il s'agit de tenir un dossier qui permet de savoir depuis combien de temps un véhicule est utilisé dans la province et quand il a été immatriculé pour la première fois. C'est donc surtout une question de sécurité routière.
M. Wappel: Vous n'avez donc aucune objection à ce que les véhicules soient immatriculés à des fins de sécurité.
M. Evans: Encore une fois, c'est la loi. Comme je l'ai dit tout à l'heure, si nous établissions un nouveau système, j'aurais peut-être de sérieux doutes au sujet de l'exhaustivité de cette information et j'insisterais tout d'abord pour qu'on me fournisse la preuve de l'efficacité d'un système d'enregistrement absolument complet, conformément à ce que vous disiez.
Le système fonctionne-t-il actuellement? Franchement, nous ne nous en préoccupons pas beaucoup en Alberta. Mais il se peut que nous le fassions à l'avenir, car nous essayons d'analyser et de critiquer, à tous les niveaux, l'efficacité et la rentabilité des règlements en vigueur.
M. Wappel: Cependant, ces règlements sont jugés appropriés depuis de nombreuses années. Mais nous en sommes maintenant venus à un point où nous semblons vouloir appliquer aux armes à feu les contraintes que nous appliquons déjà à l'utilisation et à la propriété d'automobiles et de véhicules motorisés de tous types, n'est-ce pas?
M. Evans: Vous êtes membre du parti ministériel, monsieur Wappel. Vous savez tout cela mieux que moi.
M. Wappel: C'est bien là-dessus que porte le débat, n'est-ce pas? Il y a les partisans de l'enregistrement, et il y a des adversaires. C'est juste? Reconnaissez-vous, comme moi, qu'il y a des arguments raisonnables et valables des deux côtés?
M. Evans: Je reconnais qu'il y a des arguments raisonnables...
M. Wappel: Et valables qui sont invoqués par les partisans comme par les adversaires de l'enregistrement des biens privés.
M. Evans: En ce qui concerne les armes à feu, j'essaie désespéremment de trouver une bonne raison de les enregistrer, mais je n'y suis pas encore parvenu.
M. Wappel: Vous ne pensez pas que, sur le plan de la sécurité, il existe un parallèle entre l'obligation d'obtenir un permis de conduire et l'obligation, pour les utilisateurs d'armes à feu, d'obtenir un permis; qu'enregistrer des véhicules automobiles pour des raisons de sécurité et d'assurance, et faire de même pour les armes à feu, ce n'est pas un peu la même chose?
M. Evans: Je considère que les lois et les règlements actuels qui sont très complets en ce qui concerne l'obligation, pour les acquéreurs d'armes à feu, d'apprendre à s'en servir et à les entreposer de manière sécuritaire, sont extrêmement importants. La possession d'une arme à feu a toujours été jugée acceptable dans notre société, sous réserve de certaines restrictions. J'estime que les restrictions actuelles sont appropriées.
En imposant l'universalité de l'enregistrement et de la délivrance de permis, le nouveau projet de loi me paraît aller beaucoup trop loin, sans avantages concomitants. À une époque où le gouvernement fédéral, tout comme les provinces et les territoires, étudie de très près les moyens d'utiliser efficacement l'argent dont nous disposons, je demeure convaincu qu'il faudra qu'on nous fournisse la preuve que cette nouvelle intrusion - c'est le terme que j'emploie, le vôtre serait manifestement différent - contribuera effectivement à l'atteinte de l'objectif de ce projet de loi, à savoir, la lutte contre les crimes graves et les crimes de violence.
Le président: Le temps dont vous diposiez est épuisé, monsieur Wappel, mais M. Evans pourra vous répondre, s'il ne l'a déjà fait.
M. Evans: Je crois en effet avoir déjà donné ma réponse.
[Français]
Le président: Monsieur Dumas, c'est votre tour. Vous avez cinq minutes.
M. Dumas: Monsieur le ministre, au cours de votre entretien, vous parliez du cas précis d'une dame qui aurait changé d'idée au sujet de l'enregistrement des armes à feu. Dans votre province, quelle influence la presse a-t-elle sur l'opinion publique, compte tenu du fait que certains articles rapportaient parfois des faussetés? Croyez-vous que les gens de votre province sont vraiment bien informés, et de quelle façon?
[Traduction]
M. Evans: Il est difficile, monsieur Dumas, de déterminer dans quelle mesure l'information présentée par les médias est absorbée par les Albertains. Je ne voudrais pas critiquer les médias, mais ils ont tendance à trop rentrer dans le détail de la mesure législative proposée ou de la loi existante. On cherche plutôt à faire la manchette du jour. Je ne crois pas que dans notre province, les médias aient beaucoup influencé les Albertains dans un sens ou dans l'autre, car les opinions qu'ils exprimaient étaient aussi bien favorables qu'hostiles à certaines parties du projet de loi C-68.
Encore une fois, sans trop rentrer dans le détail, j'ai certainement fait de mon mieux pour essayer d'informer les Albertains des lois en vigueur au Canada. J'ai précisé que j'étais favorable à deux des éléments du projet de loi C-68, et j'ai exprimé des doutes, comme je le fais aujourd'hui, au sujet de la rentabilité de l'enregistrement et de la délivrance de permis, mais surtout de l'existence d'un lien entre les mesures proposées et la réduction de la criminalité.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Indiscutablement, le libellé de certains articles de ce projet de loi manque de clarté. Notre tâche est précisément d'y apporter des éclaircissements. À cause de toute cette confusion, et aussi des tentatives délibérées de certains groupes, beaucoup d'idées fausses circulent au sujet du contenu du projet de loi. Même lorsqu'on leur apporte des éclaircissements, certaines personnes se refusent à répéter la vérité et continuent à vaciller.
La plupart des personnes à qui j'ai parlé au cours des trois derniers mois ont vu la majeure partie de leurs craintes dissipées par la réponse à trois questions. Cela relève du syndrome «pas dans ma cour». Pourriez-vous répondre brièvement aux questions suivantes? Combien cela coûtera-t-il de faire enregistrer une arme à feu? Le savez-vous?
M. Evans: Le coût de chaque enregistrement?
Mme Phinney: Oui. Si je veux faire enregistrer mon fusil, savez-vous combien cela coûtera?
M. Evans: Il a mentionné un maximum de 60$. Je crois qu'il espérait obtenir 10$ au départ et 60$ pour le renouvellement.
Mme Phinney: Quelle est la fréquence du renouvellement?
M. Evans: Tous les cinq ans, je crois.
Mme Phinney: Non, les armes à feu ne sont enregistrées qu'une seule et unique fois.
M. Evans: Mais il y a un renouvellement tous les cinq ans.
Mme Phinney: Non.
M. Evans: Ah, bon.
Mme Phinney: C'est votre propre système d'enregistrement.
Le président: Les permis sont renouvelés tous les cinq ans, mais vous n'enregistrez votre fusil qu'une seule et unique fois, ou lorsque l'arme est transférée à quelqu'un d'autre.
Mme Phinney: Pouvez-vous me dire ce qui se passe lorsqu'en remplissant le formulaire d'enregistrement, une personne se trompe de chiffre dans le numéro de série, donne un mauvais numéro de téléphone, ou autre chose? Savez-vous ce qui arrive à cette personne, quelle est la sanction?
M. Evans: Je crois que M. Rock a dit qu'il y aurait une dispense pour les personnes qui commettent honnêtement une erreur en remplissant un document.
Mme Phinney: Vous dites ici que l'Alberta a l'impression qu'il y a une opposition croissante à l'enregistrement. Je crois que cela s'explique en partie par le fait que trop d'informations erronées circulent et qu'on les exploite délibérément. Si les gens connaissaient les réponses véritables, il y aurait beaucoup moins d'opposition. C'est en tout cas ce que j'ai constaté chaque fois que j'ai parlé à quelqu'un qui était opposé... en particulier en ce qui concerne ces trois questions. Une fois que des éclaircissements sont donnés, les gens se sentent beaucoup mieux disposés à les accepter.
Nous avons besoin de votre aide pour cela. J'imagine que vous voulez avoir votre mot à dire pour que ce projet de loi soit le meilleur possible. Certains groupes nous ont refusé toute aide pour améliorer le projet de loi, parce qu'ils sont opposés à celui-ci, un point c'est tout.
Si nous décriminalisons la première infraction pour non-enregistrement de l'arme à feu, quelle devrait être la sanction, à votre avis? On nous a fait un certain nombre de suggestions - enlever son fusil au coupable et le lui rendre une fois qu'il est enregistré; imposer une amende. Que proposez-vous vous-même?
M. Evans: J'estime qu'on devrait imposer une amende. J'ai cependant beaucoup de mal à accepter qu'elle ne serait imposée que si quelqu'un, par erreur, n'enregistrait pas ses armes à feu. Étant donné l'ampleur du débat dans notre pays, j'ai vraiment beaucoup de mal à croire que quelqu'un puisse déclarer qu'il ne savait pas que l'enregistrement était obligatoire.
Mme Phinney: Actuellement, c'est une infraction criminelle de ne pas le faire. Si nous changeons cela, que devrions-nous faire, à votre avis?
Le président: Je crois que la question de Mme Phinney portait non seulement sur les cas des personnes qui n'enregistrent pas leur arme par erreur ou par oubli, mais aussi sur celles qui donnent des informations erronées pour les mêmes raisons.
M. Evans: Je préférerais qu'il n'y ait aucune sanction administrative pour quelqu'un qui décide de ne pas enregistrer ses armes car, je le répète, il devrait y avoir une justification pour tout ce processus d'enregistrement. C'est mon objection principale en ce qui concerne ce projet de loi. Il m'est donc difficile de vous suggérer une sanction quelconque, madame.
Mme Phinney: Je croyais que, sur ce point, vous vouliez obtenir le changement le plus favorable à vos mandants.
M. Evans: Je crois que le meilleur changement consisterait à mettre de côté cette partie du projet de loi, à évaluer l'efficacité...
Mme Phinney: Si le projet de loi est adopté, que voudriez-vous qu'il contienne?
M. Evans: Eh bien, une sanction administrative mineure, une amende.
Mme Phinney: Une amende?
M. Evans: Oui.
Mme Phinney: Merci.
M. Thompson (Wild Rose): Soyez le bienvenu, Brian. J'essaierai d'être gentil avec vous. J'aurai peut-être besoin de votre voix car vous vivez dans ma circonscription.
Le président: Cette remarque enfreint le Règlement. Pas question de faire campagne dans ce comité.
M. Thompson: Eh bien, si on ne peut pas se permettre de plaisanter un peu, on est vraiment dans de sales draps.
Outre la question de l'enregistrement, ce projet de loi contient une clause dont beaucoup de personnes de Wild Rose m'ont parlé. Il s'agit d'immigrants venus d'Europe, d'agriculteurs qui se sont installés à Wild Rose. Ils connaissent fort bien les diverses lois concernant les armes à feu des pays dont ils viennent. Je leur ai remis ce document et ils l'ont parcouru en entier. L'un d'entre eux m'a fait remarquer que 117 pages sur 124 sont consacrées aux personnes respectueuses de la loi, et 6 seulement, aux criminels.
À propos des 10$ et des 60$, Mme Phinney a effectivement eu raison de mettre les choses au point. Mais si vous vous reportez à l'article 110, que M. Ramsay vient de mentionner, aux pages 45, 46, 47 et 48, on y fait état de quelque chose qu'on appelle des décrets qui pourraient être adoptés. Le gouverneur en conseil peut adopter des règlements portant sur un grand nombre de points mentionnés par M. Ramsay; il a notamment les pouvoirs requis pour déterminer des infractions en vertu des paragraphes d), e), f), g), i), j), l) et m). Un décret offre des possibilités illimitées. Autrement dit, un droit d'enregistrement unique de 10$ ne signifie rien s'il est décidé, par décret, que les choses doivent se faire différemment.
C'est ainsi que les gens voient les choses. Lorsqu'ils regardent l'ensemble, ils ont l'impression qu'un document de cette nature est dangereux, non pas à cause de M. Rock ni de ce gouvernement, mais parce que le principe de liberté auquel ce pays tient depuis tant d'années risque de se trouver compromis.
Je tenais à avoir votre avis à ce sujet.
M. Evans: Monsieur Thompson, le gouvernement de l'Alberta s'est efforcé de se montrer réceptif aux craintes exprimées par les Albertains au sujet de décrets et de règlements qui ne sont pas soumis à un examen aussi attentif du public que les lois ou les modifications aux lois existantes. Permettez-moi de prendre l'exemple de la Loi albertaine sur la protection et l'amélioration de l'environnement, pour laquelle j'ai sillonné toute la province afin d'obtenir des commentaires.
Il était clair, dans le cas des lois sur l'environnement, que les Albertains estimaient qu'il fallait réduire au minimum les pouvoirs discrétionnaires des ministres et le recours à tous les types de règlements ou de décrets du lieutenant gouverneur en conseil dans le cas des lois s'appliquant à l'ensemble des Albertains, car ceux-ci estimaient que ces mesures n'étaient pas soumises à un examen aussi minutieux que les lois d'application générale.
Je crois que tous les citoyens du Canada sont partisans d'une démocratie de participation; ils souhaitent participer plus activement et ne veulent pas que les législateurs adoptent des lois et des règlements, sous une forme ou sous une autre, qui ont des répercussions sur eux sans avoir la possibilité de les soumettre à un examen complet et de présenter leurs commentaires. En Alberta, nous avons donc essayé de codifier l'apport du public à toutes nos lois et nous poursuivons un examen méthodique de celles-ci pour nous assurer que c'est bien le cas. Je crois que le gouvernement fédéral ferait bien d'épouser les mêmes principes.
M. Thompson: Merci.
À la Chambre, M. Rock a récemment fait un certain nombre de déclarations au sujet du contrôle des armes et il a ajouté des remarques, bien que ce ne fût peut-être pas son intention, qui semblaient essayer d'établir un parallèle entre le contrôle des armes et la prévention d'agressions telles que l'explosion qui a récemment eu lieu en Oklahoma. Je n'ai pas apprécié ces commentaires comme d'ailleurs la plupart des Canadiens qui ont jugé qu'il n'avait aucun sens de la réalité. Nous sommes au Canada, pas aux États-Unis. Il n'est pas souhaitable que des milices et autres groupes de ce genre se créent ici. Ce ne l'est d'ailleurs pas non plus de l'autre côté de la frontière, mais c'est ce qui se produit.
Votre ministère ou vous-même avez-vous réfléchi à cela et pensez-vous que ce soit un problème en Alberta?
M. Evans: Le crime organisé, sous quelque forme que ce soit - et ces milices dont on entend tant parler ces temps-ci ne sont qu'une forme d'activité criminelle organisée - préoccupe beaucoup les Albertains. Je ne pense pas que le crime organisé, faisant appel à des moyens sophistiqués, soit vraiment un problème dans notre province. Bien entendu, nous tenons des réunions régulières avec la GRC de l'Alberta, au cours desquelles elle nous présente une vue d'ensemble des activités criminelles. Nous rencontrons aussi régulièrement des chefs de police municipaux pour examiner les mêmes problèmes.
Vous m'avez aussi demandé si je voyais un rapport entre un système d'enregistrement et la participation au genre de tragédie qui s'est produite à Oklahoma City. Je n'en vois pas, et je suis assez surpris que M. Rock voie un rapport direct entre les deux. J'ai beaucoup de mal à imaginer comment cela serait possible.
Le président: Avant que je donne la parole à M. Gallaway, monsieur Thompson, vous avez dit que la plupart des Canadiens étaient opposés à la déclaration de M. Rock. Tout ce que je peux dire...
M. Thompson: La plupart des Canadiens auxquels j'ai parlé.
Le président: Bien; car la plupart des personnes de ma circonscription à qui j'ai parlé étaient d'accord avec lui.
M. Thompson: Cela ne me surprend pas.
Le président: Monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je voudrais poursuivre brièvement dans la même veine. Un de mes collègues de l'autre côté a publié le 27 avril un communiqué dans lequel il déclarait que le projet de loi C-68 créait en fait un climat parfait pour les milices. Que pensez-vous de cette déclaration?
M. Evans: Je souhaite vivement, monsieur Gallaway, que le débat au sujet de ce projet de loi se fasse sur le plan intellectuel et pratique, plutôt que sur le plan émotionnel. Très franchement, je ne veux pas m'engager dans une discussion sur la pertinence de diverses remarques qui, à mon avis, ne sont qu'une réaction à des circonstances tragiques. Je ne pense pas que ce soit constructif.
M. Gallaway: Que diriez-vous alors de la déclaration selon laquelle la tactique utilisée parM. Rock a beaucoup de points communs avec celle d'un charlatan.
M. Evans: N'ayant pas été élevé à la dignité de juge, je suis mal placé pour me prononcer sur cette tactique.
M. Gallaway: D'accord.
M. Evans: Permettez-moi de vous rappeler que l'information qui nous parvient est souvent bien déformée. Comme notre premier ministre l'a souvent dit, ce n'est pas tant la façon dont le premier commentaire est rapporté, mais la réponse à ce commentaire et aussi, la réponse à d'autres commentaires qui vous éloignent de la réalité...
M. Gallaway: Je le sais. Ce que nous constatons ici, c'est que la réaction des collectivités à ce genre de communiqués de presse émis par des députés ne conduit guère à des discussions objectives.
Je dispose de très peu de temps et je voudrais discuter brièvement la question de l'objectivité. Selon un journal d'Edmonton, vous avez déclaré en mars, je crois, que l'établissement d'un registre était totalement inutile, un point c'est tout. Voilà la citation, et je suppose qu'elle est juste. À l'annexe 1 de votre mémoire, vous dressez une liste des vues des Albertains au sujet du projet de loi C-68 et au point 2, vous donnez la liste des organisations représentant certains de ceux qui ont exprimé leurs préoccupations. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les organisations que vous avez consultées ou que vous avez rencontrées et dont le point de vue est opposé à celui des organismes figurant dans cette liste?
M. Evans: Très peu d'organisations auxquelles nous avons eu affaire avaient un point de vue opposé. Celles qui ont exprimé une vue ont dit qu'il fallait que nous nous démarquions par rapport aux États-Unis, qui a peu ou pas de lois; qu'en tant que Canadiens, il fallait que nous nous distinguions d'eux et que nous devrions avoir des règlements raisonnables pour permettre à tous les Canadiens respectueux des lois de se sentir en sécurité chez eux - autant d'opinions avec lesquelles je suis d'accord, monsieur Gallaway. Il reste donc à évaluer nos lois actuelles et à déterminer ce que ce projet-ci y apporterait.
M. Gallaway: En dehors des clubs de tir, des vendeurs d'armes à feu et des groupes d'intérêts, avez-vous consulté, par exemple, les chefs de police d'Edmonton et de Calgary? Avez-vous consulté les responsables de l'hygiène publique et de la sécurité dans votre province?
M. Evans: J'ai rencontré le chef de la police de Calgary. J'ai aussi rencontré celui de Lethbridge. J'ai rencontré le chef de la police d'Edmonton qui a récemment pris sa retraite, des représentants de la GRC, des cadres, etc. J'ai parlé à des membres d'organisation de protection de la santé publique et à certaines des organisations qui les coiffent. Je peux vous assurer, monsieur Gallaway, que je n'ai jamais, au grand jamais, tenté d'éviter la communication ou les contacts avec un Albertain en ce qui concerne cette question. J'ai au contraire été heureux de pouvoir le faire et j'ai participé à suffisamment d'émissions-débats et d'autres tribunes pour offrir aux Albertains la possibilité de me faire connaître leurs vues.
M. Gallaway: Nous savons tous que les lois sont extrêmement complexes et difficiles à interpréter pour les profanes. Vous nous avez expliqué dans quelle mesure les gens étaient bien informés. Si vous remettiez le Code de la route de l'Alberta à un profane, pensez-vous qu'il réagirait positivement ou négativement à certaines des dispositions qu'il contient? Pensez-vous même qu'il les comprendrait?
M. Evans: Il est très difficile de vous répondre. Cette loi est un document assez important, et si une question mettant en cause cette loi retenait l'attention des médias ou du public albertain, ce serait probablement un point précis de la loi, plutôt que l'ensemble de celle-ci, qui serait visé.
M. Gallaway: Donc, si je vous montrais - je sais que vous ne l'avez pas lu - un communiqué distribué dans l'Ouest du Canada, qui mentionne ces tactiques de charlatan, cette mentalité digne de la milice, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que cela provoquerait une vive réaction?
M. Breitkreuz (Yorkton - Melville): J'en appelle au Règlement. Je ne crois pas que le ministre de la Justice de l'Alberta ait à défendre mon communiqué de presse. Je ne vois pas le rapport avec le sujet de notre débat.
Le président: J'ai accordé une certaine latitude aux membres. Je ne suis pas toujours d'accord avec leurs questions, mais je ne crois pas que cela enfreigne le Règlement.
D'autres membres ont présenté à nos témoins des déclarations faites ailleurs et leur ont demandé s'ils étaient d'accord avec elles. Lorsque cela allait trop loin, j'ai essayé d'imposer des limites, mais je n'ai pas déclaré que cela enfreignait le Règlement et j'estime que je devrai être fidèle à moi-même.
Vous pouvez finir de poser votre question, monsieur Gallaway. Le temps dont vous disposez est presque épuisé. En fait, il le sera lorsque vous aurez formulé cette question.
M. Gallaway: Je crois qu'il vaut mieux que je m'en tienne là. Merci beaucoup.
Le président: Souhaitez-vous répondre à cette question, monsieur Evans?
M. Evans: Dans le cas d'un communiqué de presse, il y a toujours des spécialistes de la communication, dans l'opposition aussi. Nous en avons à Edmonton. Ils font le travail qu'ils pensent être chargés de faire. C'est aux gens de décider. Il ne m'appartient pas de discuter d'un communiqué de presse que vous présenteriez, monsieur Gallaway, pas plus qu'il ne m'appartient de discuter du dernier communiqué du président, ou de n'importe quel autre membre de ce comité.
[Français]
Le président: Monsieur Dumas, vous avez droit à cinq minutes.
M. Dumas: Merci, monsieur le président.
Les articles 98 à 101 traitent des pouvoirs d'inspection. Quelque part dans ces articles, on dit que «l'agent doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'une arme à feu peut se trouver sur les lieux». Ne croyez-vous pas qu'on pourrait se servir de ce prétexte pour toute autre raison?
Lors des événements d'octobre, en 1970, je me souviens d'avoir été visité à quelques reprises, en vertu des mesures de guerre. Pensez-vous qu'il pourrait y avoir des abus?
[Traduction]
M. Evans: Dans le cas de logements, la demande pourrait être faite, elle pourrait être rejetée, et il faudrait alors obtenir un mandat de perquisition. Je crois qu'on a cherché ici à établir un certain équilibre.
Il est certain que lorsque l'on discute du pouvoir du gouvernement d'inspecter un logement ou, d'ailleurs, une entreprise, il s'agit d'établir un équilibre entre les droits de l'individu et les droits d'une société libre et démocratique. Ce qu'il faut donc déterminer, c'est si le problème est suffisamment grave pour justifier le recours à ces droits.
Comme je l'ai dit déjà, si cet article, et les autres qui traitent des saisies et des fouilles, étaient axés uniquement sur les activités criminelles, je serais beaucoup plus tenté de les accepter, à condition de les accompagner de certaines restrictions afin d'empêcher un agent trop zélé de violer les droits des Canadiens. Mais comme cette disposition est très générale et qu'elle risque d'avoir des répercussions sur beaucoup de citoyens respectueux des lois, je maintiens mes réserves.
[Français]
M. Dumas: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Monsieur Lee.
M. Lee (Scarborough - Rouge River): Je veux simplement signaler à M. Thompson que nous ne devrions pas croire que nous sommes invulnérables, dans notre pays, à ce qui se passe parfois de l'autre côté de la frontière. À Scarborough-Rouge River, la semaine dernière, une bombe a détruit plus d'une demi-douzaine de maisons, il s'agissait d'un acte criminel. Je tenais simplement à le rappeler.
M. Thompson: J'en appelle au Règlement. Je tiens à bien préciser que j'ai horreur de ce genre d'activités...
M. Lee: J'en suis certain.
M. Thompson: ...que je ne l'approuve pas le moins du monde. Mais ce que je voudrais savoir, c'est si l'enregistrement aura vraiment un effet dans ce domaine?
M. Lee: C'est précisément ce à quoi je voulais en venir, monsieur le président.
Le président: C'était une question de débat plutôt que de Règlement. Quoi qu'il en soit, c'est au compte rendu.
M. Lee: Bien joué, monsieur le président.
Monsieur Evans, je voulais parler du processus d'enregistrement. Il y a trois quarts de siècle dans ce pays, les gens pilotaient des avions. Ils n'étaient pas enregistrés. Ils n'avaient pas de plan de vol. Le nombre croissant d'avions a créé un situation relativement chaotique. Aujourd'hui, quand un avion décole, il suit un plan de vol, il y a aux commandes un pilote breveté et autorisé, et l'appareil lui-même est enregistré et autorisé à voler. Il y a beaucoup de formalités, mais le système semble profiter aux utilisateurs et à la population.
Dans le cas des armes à feu, la difficulté provient de ce que nous ne possédons que le Code criminel pour réglementer l'activité. Il y a des bons garçons et des mauvais garçons, et des tonnes de bons fusils. Supposons que tous les fusils sont bons. La seule façon de traiter avec les mauvais garçons nous est fournie par le Code criminel, et même s'il y a un mauvais garçon avec un bon fusil, on ne peut pas faire grand-chose, parce que le mauvais garçon bénéficie de la présomption d'innoncence et il n'y a rien à dire du fusil.
Quelqu'un a mentionné qu'il était très facile de relever les numéros de série des armes. Évidemment, ce l'est. En l'absence d'un système d'enregistrement, la fait qu'il existe des numéros de série est sans importance. Si, toutefois, le système d'enregistrement est en place et que l'arme ne porte pas de numéro de série, on peut la considérer comme un mauvais fusil. Le système d'enregistrement permet donc de repérer les mauvais fusils. Il permet aussi de repérer les «mauvais garçons», parce qu'ils ne se procurent pas de permis et que leur arme est donc un «mauvais fusil».
Convenez-vous que sans système d'enregistrement, il est impossible de régler le problème des bons fusils entre les mains des mauvais garçons, et qu'en outre il est impossible de gérer les risques pour les utilisateurs, qui peuvent tout ignorer du maniement des armes, et pour le public, composé de victimes innocentes?
M. Evans: Monsieur Lee, en vertu de la loi en vigueur au Canada, s'ils ont des motifs valables et probables, les agents de police ont beaucoup de latitude pour s'attaquer à l'activité criminelle. Ce qui ressort de votre intervention, à mon avis, c'est que nous devons nous attaquer aux criminels. Je suis tout à fait d'accord avec ce point de vue.
Je crois que nous devons nous concentrer sur les criminels. Si nous devons modifier le Code criminel pour élargir les pouvoirs de perquisition et de saisie en ce qui concerne - et je reprends votre expression - les «mauvais garçons», nous devrions nous concentrer sur cette tâche et y appliquer les fonds mis à notre disposition. Je crois que dans une large mesure, c'est ce que fait le projet de loi, dans les nouvelles dispositions visant la répression de la contrebande - que j'appuie sans réserve - et l'augmentation des peines auxquelles s'exposent les personnes accusées et reconnues coupables d'avoir utilisé des armes à feu dans le cadre d'un vol ou d'une autre effraction grave.
Toutefois, il faut utiliser l'argent à bon escient, parce que nous n'en avons plus beaucoup. Je me demande même si nous en avons déjà eu beaucoup.
À mon avis, si nous intégrions ces deux éléments au programme et si nous affections les ressources financières et humaines nécessaires pour réprimer le crime en fonction de ces deux aspects du projet de loi, nous aurions beaucoup plus de chances de réduire l'activité criminelle au Canada et nous obtiendrions des résultats beaucoup plus satisfaisants que si nous mettons l'accent sur le troisième élément, qui selon moi détournera les efforts d'application et les ressources de ce qui constitue l'essentiel du projet législatif.
M. Lee: Ne croyez-vous pas qu'un système d'enregistrement des armes qui permettrait d'enregistrer les armes une fois pour toutes, tant qu'il n'y aurait pas de changement de propriétaire ou que l'arme ne serait pas détruite ou perdue... ne croyez-vous pas que ce système d'enregistrement sans renouvellement permettra aux responsables et aux propriétaires d'armes bien intentionnés qui possèdent tous les bons fusils de déterminer où se trouvent les mauvais garçons et les mauvais fusils? Quand tout le monde sera inscrit, vous saurez où sont les bons fusils et qui sont les bons propriétaires. Sinon, c'est le chaos.
J'en reviens à l'analogie de l'avion. Il vous faut un plan de vol, des utilisateurs inscrits et tout le reste pour que le système fonctionne en toute sécurité. C'est ce que je constate et je crois que c'est la position que le gouvernement a adoptée. Ne voyez-vous pas le bien-fondé du système d'enregistrement sous cet angle?
M. Evans: Je pourrais discuter longtemps avec vous pour déterminer s'il y a vraiment un tel chaos, car j'en doute.
Mais, et c'est encore plus important, si vous étudiez ce qui s'est passé depuis 1934 à l'égard de l'enregistrement des armes de poing, je dois dire, monsieur Lee, que cela n'a pas vraiment endigué les activités criminelles ou aidé les forces de l'ordre en leur permettant plus facilement de distinguer entre les bons et les méchants. Il n'existe aucune évidence empirique qui démontre que le système qui existe depuis 60 ans a permis d'accomplir ce qu'on croit pouvoir réaliser grâce à un système universel, qui inclut les armes de poing, les armes d'épaule et les fusils de chasse. En fait, on n'a pas pu démontrer quelle serait la différence entre les deux systèmes.
M. Breitkreuz: Je tiens à vous remercier d'être venu aujourd'hui.
Plusieurs témoins, même certains que nous avons entendus hier, nous ont dit que ce projet de loi créerait plus de problèmes pour les femmes que pour les hommes. En effet, les femmes hésitent plus que les hommes à reconnaître qu'elles possèdent une arme à feu. Des études effectuées sur la question démontrent qu'environ 40 p. 100 d'entre elles seulement enregistreraient leurs armes à feu.
Les résidents de la Saskatchewan nous disent que dans cette province, nombre de citoyens ne respecteront pas la nouvelle loi. Ils ne pensent pas qu'elle soit logique. J'ai étudié la situation et j'ai constaté que nous enregistrons 99,95 p. 100 des armes à feu alors que seulement 0,05 p. 100 d'entre elles sont utilisées lors d'activités criminelles. C'est comme si on insistait pour que tout le monde reçoive de la chimiothérapie alors que très peu de gens ont le cancer. Nous ne nous attaquons pas au problème. C'est ce que les gens pensent.
Les représentants de la Saskatchewan ont soulevé le problème de la non-conformité. Ils ont posé la question, et d'autres témoins y ont répondu. On s'est demandé si les policiers comprennent toutes les dispositions de la loi actuelle; seront-ils en mesure de comprendre le contenu d'un nouveau texte législatif de 128 pages? Seront-ils en mesure de faire respecter la loi? Les gens seront-ils intimidés par les policiers parce que personne ne comprend ce qui se passe?
Je veux enfin vous poser la question qu'a posée le témoin précédent, le ministre de la Justice de la Saskatchewan. Ce sont les provinces qui se retrouveront avec ce problème. Le gouvernement fédéral peut adopter la loi très rapidement sans vraiment étudier la situation. Il sera dorénavant illégal de faire diverses choses.
Vous préoccupez-vous des problèmes que pourraient avoir les diverses forces de l'ordre de votre province à l'égard de l'application du projet de loi C-68? Est-ce que cela aliénera certains membres de votre groupe? Pouvez-vous répondre à cette question?
M. Evans: Comme vous le savez, monsieur Breitkreuz, les lois du Canada et les lois de notre province et d'autres provinces et territoires changent sans cesse. La police, les agents de la paix s'y adaptent, et ils font de leur mieux avec les outils dont ils disposent.
Je ne crois pas que cette mesure législative présente de problème insurmontable pour le simple policier. Je reconnais qu'il s'agit d'une mesure législative complexe, comme l'ont d'ailleurs signalé un bon nombre des membres de ce comité. Il est vrai qu'il faudra un bon moment pour se familiariser avec ce texte. Je ne crois cependant pas qu'il s'agisse là d'un problème insurmontable pour le simple policier.
M. Breitkreuz: Ne pensez-vous pas que la non-conformité pourrait être un problème?
M. Evans: Pour être honnête, je crains qu'un bon nombre de gens ne respectent pas la nouvelle loi. Je ne veux mettre personne en colère. Je me fonde sur les commentaires que m'ont fait des particuliers qui ont étudié en partie cette mesure législative et qui m'ont dit qu'ils n'avaient pas l'intention de respecter la nouvelle loi. Cela me préoccupe, car n'oubliez pas que je suis le responsable de l'application de la loi en Alberta. Je crois que nous vivons dans un système où on respecte l'autorité de la loi, et que si une loi est adoptée et qu'elle est applicable, elle doit être respectée.
Puis, évidemment, il faut se demander si, au chapitre de l'application de la loi, il peut accorder la priorité à cette mesure législative très volumineuse plutôt qu'aux autres lois pénales au Canada. J'ai déjà fait des commentaires sur la question, mais il faut reconnaître que les quelque 600 dispositions du Code criminel ne sont pas toutes appliquées avec le même enthousiasme, parce qu'elles ne visent pas nécessairement toutes des activités qui suscitent les mêmes préoccupations chez les policiers. Les agents doivent consacrer leur temps et leurs énergies comme ils le peuvent pour faire leur travail de la façon la plus efficace possible.
Je vois que le même type de conflits pourrait fort bien survenir si le projet de loi est adopté tel qu'il nous est présenté aujourd'hui.
M. Breitkreuz: Cette question est une suite logique de la discussion et convient parfaitement à quelqu'un qui assume vos responsabilités au niveau provincial. Très souvent, on ne reconnaît pas l'importance de l'objectif visé par cette mesure législative; on ignore pourquoi le gouvernment, en inscrivant des peines dans le Code criminel... peut rendre une personne qui aurait omis de remplir une formule, passible d'un maximum de dix ans d'emprisonnement. Ce genre de choses a été inscrit dans le Code criminel simplement pour outrepasser les compétences que les domaines auraient selon toute vraisemblance en matière de permis et d'enregistrement.
Accepteriez-vous que la question soit soumise à un tribunal pour qu'il détermine si l'on empiète sur les compétences provinciales?
M. Evans: Si la mesure législative est adoptée sous sa forme actuelle, je crois que quelques questions notables se poseront au sujet des compétences provinciales normales et historiques, et notamment en matière d'enregistrement, parce que cela se rapporte à la propriété, qui suivant notre Constitution est généralement de responsabilité provinciale. Je crois donc qu'on pourrait songer à demander à la Cour suprême du Canada de se pronconer sur le caractère constitutionnels de la mesure législative. Je crois que M. Rock a déclaré que les aspects constitutionnels avaient fait l'objet de recherches considérables avant le dépôt du projet de loi, mais certaines préoccupations non négligeables demeurent.
Le président: Monsieur Evans, j'ai quelques questions à vous poser. Selon Statistique Canada, 66 p. 100 des homicides commis au Canada au cours des dernières années ont été commis par des personnes qui n'avaient jamais perpétré de crimes. Cela signifie que les auteurs de ces homicides n'avaient pas de casier judiciaire, pas même pour des infractions mineures. Autrement dit, il s'agissait d'honnêtes citoyens, qui, tout à coup, ont commis un homicide, un meurtre au premier ou au deuxième degré. Marc Lépine, par exemple a tué 14 femmes à l'Université de Montréal, mais il n'avait pas d'antécédents criminels. Valery Fabrikant, qui a tué quatre professeurs à l'Université Concordia, n'avait pas non plus de dossier criminel.
Le système de permis et d'enregistrement vise à repérer les personnes irresponsables, instables, susceptibles de présenter un danger. Il me semble que si nous ne nous concentrons que sur les criminels, la personne qui commet l'infraction, il nous faut attendre qu'un crime soit commis, et appliquer ensuite les peines sévères prévues par la loi.
Je vous demande à vous, à titre de procureur général, si vous ne croyez pas que nous devrions mettre en place un système de prévention efficace, un système qui empêcherait les personnes irresponsables, instables ou dangereuses d'obtenir des armes? À mon avis, c'est là l'objectif d'un système de permis et d'enregistrement. Ne croyez-vous pas en un système de prévention du crime? Ne considérez-vous pas les permis et l'enregistrement, le système de l'AAAF, comme une façon de d'effectuer un tri et d'empêcher les gens...
Tout comme le disait M. Wappel, nous essayons d'écarter les personnes qui ne savent vraiment pas comment conduire une automobile, parce qu'elles sont dangereuses. Ne devrions-nous pas aussi écarter les personnes à qui il vaut mieux ne pas confier d'armes à feu parce qu'elles ont mauvaise réputation au sein de la collectivité, parce qu'elles ont souffert de troubles mentaux, ou pour toute autre raison valable?
M. Evans: Monsieur Allmand, je conviens que nous devrions essayer de mieux prévenir les crimes, et cet aspect est important. Dans le cas des armes de poing, nous avons adopté un processus de sélection universellement appliqué. En outre, notre processus de sélection est, je le crois, assez efficace et assez raisonnable en ce qui concerne les autorisations d'acquisition d'armes à feu.
Vous vous intéressez maintenant de très près à un petit groupe de personnes qui ont déjà fait l'acquisition d'une arme à feu et qui ne sont pas tenues de se soumettre à un examen pour se procurer une autorisation d'acquisition d'armes à feu, à moins qu'elles ne veuillent de se soumettre au processus raisonnable établi à leur intention pour pouvoir posséder et utiliser cette arme à feu en toute légalité au Canada. Il doit y avoir une meilleure façon de régler le cas de ces personnes qui ne sont pas nécessairement assujetties à la loi en vigueur. Il serait bon de savoir si M. Lépine ou M. Fabrikant possédaient des armes à feu depuis déjà un certain temps et si, par conséquent, ils échappaient à la législation en vigueur ou si, en fait, ils avaient acquis ces armes à feu...
Le président: Tous deux avaient acquis leurs armes légalement.
M. Evans: ...et s'ils l'ont fait d'une façon qui ne respectait pas les lois actuelles.
Le président: Ma dernière question porte sur les munitions. Il y a dans le projet de loi des dispositions qui prévoient que pour acheter des munitions... et en temps et lieu il faudra présenter une AAAF, mais d'ici là il faudra fournir des preuves d'identité, un permis de chasse ou un permis de conduire par exemple.
Autrement dit, il y a environ 3 000 armes volées ou perdues chaque année au Canada. Si elles tombent entre les mains de personnes mal intentionnées, ces personnes doivent néanmoins acheter des munitions. À l'heure actuelle, on peut acheter des munitions sans doute plus facilement que des cigarettes, dans n'importe quelle quincaillerie. Qu'en est-il de ces dispositions du droit qui prévoient l'obligation de présenter des preuves d'identité - permis de chasse ou AAAF - lorsqu'on achète des munitions?
M. Evans: Je n'ai, monsieur Allmand, entendu personne en Alberta critiquer un système qui, en matière de munitions, s'harmonise avec le système d'autorisation d'acquisition d'armes à feu déjà en place. Il est admis que les munitions font partie intégrante de la question des armes à feu et qu'il convient de prévoir des restrictions raisonnables. À nouveau, c'est le caractère «raisonnable» qu'il faut examiner, et nous parlons d'une approche proactive aux achats actuels et futurs.
M. St. Denis (Algoma): Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Je représente une circonscription rurale du nord de l'Ontario, et vous vous doutez bien que mes électeurs m'ont beaucoup parlé de cette question.
J'aimerais, si vous me le permettez, monsieur le ministre, vous lire une liste des préoccupations que des particuliers et des groupoes m'ont communiquées au sujet du système d'enregistrement. Je ne ferai pas de commentaires sur le bien-fondé de ces préoccupations, je me contenterai de vous les communiquer comme elles m'ont été transmises. La liste n'est pas nécessairement exhaustive, et je me demande si vous seriez disposé à me dire, après m'avoir écouté, quelle est la préoccupation première de vos électeurs. Cela vous convient-il?
Je vous donne donc au hasard les préoccupations qui m'ont été communiquées. On craint que l'enregistrement ne soit une formalité trop complexe pour le citoyen moyen; l'enregistrement entraînera une confiscation massive d'armes à feu; l'enregistrement sera coûteux pour les propriétaires d'armes à feu et trop coûteux pour les gouvernements; l'enregistrement entraînera une violation de la vie privée; il fera de citoyens honnêtes des criminels. Parce que beaucoup préféreront s'abstenir, pourquoi devrais-je m'y conformer; le système sera inefficace si tous ne s'y conforment pas. Permettez-moi de dire qu'il ne fera rien pour réduire la criminalité, la violence familiale ou le suicide.
Certains s'inquiètent de ce que le système d'information sur l'enregistrement puisse servir à des personnes qui feraient un mauvais usage de l'information. Certains voient dans cette mesure législative un prétexte qui permettra au gouvernement de percevoir de nouvelles taxes. D'autres la jugent anticonstitutionnelle. D'autres encore affirment qu'elle entraînera un gaspillage de ressources policières essentielles, qui seront détournées pour tenir le système à jour. D'autres craignent une diminution du tourisme, et notamment du nombre de visiteurs américains.
Certains craignent que le projet de loi ne décourage les jeunes qui souhaiteraient commencer à pratiquer la chasse sportive et le tir sur cible. D'autres craignent pour leur sécurité personnelle. Certains croient qu'il leur faut une arme pour se protéger.
Je ne dis pas que je suis d'accord avec toutes ces préoccupations, mais je me demande si vous auriez l'amabilité de nous en indiquer une ou deux qui vous semblent particulièrement importantes.
M. Evans: Monsieur St. Denis, je dois dire que, moi aussi, j'ai entendu des citoyens de l'Alberta mentionner toutes les questions que vous venez d'énumérer. Les Albertains qui s'opposent à ce projet de loi invoquent certainement la possibilité que l'on fasse d'honnêtes citoyens des criminels et que l'on porte atteinte au droit à la vie privée. Je dirais que les préoccupations concernant l'efficacité des organismes d'application de la loi et le fardeau supplémentaire imposé par cette loi aux travailleurs de première ligne sont souvent mentionnées elles aussi, car bien des gens mettent en doute l'efficacité des lois sur l'enregistrement et les permis, qui doivent faire de nos collectivités des endroits plus sûrs.
Toutes les préoccupations que vous avez mentionnées, je le répète, je les ai déjà entendues en Alberta.
M. St. Denis: Mis à part l'abandon du projet d'enregistrement, avez-vous des solutions à proposer? Vous l'avez peut-être fait au début de votre intervention, mais pour résumer, pourriez-vous proposer des mesures pour répondre à ces deux grandes préoccupations, dans un contexte où l'enregistrement est, en fait, déjà en place?
M. Evans: J'ai suggéré, comme l'a fait le vérificateur général, un examen des lois actuelles sur le plan de leur efficacité. Je crois qu'il serait bon de reporter la mise en oeuvre des dispositions sur l'enregistrement et les permis, car l'examen est en cours. Je crois aussi qu'il faut étudier plus à fond l'efficacité possible des dispositions du projet de loi C-68 qui se rapportent à cet aspect.
Deuxièmement, il faudrait procéder à une analyse coûts-avantages pour les 85 millions de dollars prévus. Et on parle maintenant de 118 millions de dollars. Je ne pense pas seulement à l'examen des postes, mais à un examen complet de tout l'aspect financier. En outre, il conviendrait de revoir les coûts administratifs et autres qu'il faudra assumer aux fins d'enquêtes et de poursuites.
M. Ramsay: Monsieur Evans, il sera difficile de mettre en place un système d'enregistrement valable dans le cas des armes d'épaule, un système où l'on pourra identifier avec certitude une arme parmi les 6 à 20 millions qui se trouvent censément au Canada. C'est une question qu'on m'a posée personnellement et que des témoins ont posée au comité.
Les laboratoires judiciaires de la GRC possèdent ce que l'on appelle des «collections standard» d'armes à feu, qui sont uniques en leur genre. Les six laboratoires de la GRC au Canada renferment environ 17 000 armes, et ce n'est qu'un échantillon. Les collections comptent pour moins de 50 p. 100 de ce qui, croit-on, représenterait adéquatement les marques, les modèles et les autres caractéristiques des 6 à 20 millions d'armes qui se trouvent au pays. Vingt pour cent des carabines et 15 p. 100 des fusils de chasse ne portent pas de numéro de série.
Je viens de recevoir le deuxième volet de l'information que j'avais demandée à l'honorale Herb Gray d'obtenir auprès de la GRC. Je remercie M. Gray. Je voulais savoir combien d'armes de poing portent des numéros de série identiques - et nous parlons de bons fusils et de mauvais fusils, surtout s'il n'y a pas de numéro de série parce qu'il a été effacé - et si c'est une bonne chose, une mauvaise chose ou sans importance pour l'arme à feu.
On m'informe ce matin qu'il y a 1,2 million d'armes à feu répertoriées dans le système d'enregistrement des armes de poing, dont 370 000, soit environ 30 p. 100, portent des numéros de série identiques. On a été en mesure de repérer 18 armes à feu présentant des numéros de série identiques qui sont de la même marque, ont la même longueur de canon et le même calibre.
Les spécialistes du domaine m'ont indiqué, et dans une certaine mesure ils ont indiqué au comité, qu'il sera extrêmement difficile de créer un système crédible et intègre... qu'il faudra compter sur l'information fournie pour délivrer des certificats d'enregistrement qui identifieront de façon positive l'arme à feu pour laquelle ils sont émis.
Si les demandes de certificat d'enregistrement sont expédiées par la poste, les armes à feu ne feront l'objet d'aucun examen direct, l'information qui entre dans le système ne sera pas vérifiée par les responsables. Cette question m'inquiète vraiment. Si nous devons consacrer des millions de dollars à la mise sur pied d'un système d'enregistrement, nous devrions veiller à créer un système qui sera véritablement utile aux organismes d'exécution de la loi. D'après l'information que j'ai reçue, ce ne sera pas le cas, parce que l'intégrité du système ne sera pas vérifiée.
Qu'en pensez-vous?
M. Evans: Monsieur Ramsay, il s'agit d'une question qu'on a portée à mon attention à plusieurs reprises.
Même si la loi était adoptée et si nous avions au Canada des fabricants, et ceux-ci ne fournissent de toute façon qu'un petit pourcentage de la production annuelle totale d'armes à feu... même si ces fabricants assumaient une certaine responsabilité par rapport à la législation et changeaient leurs habitudes pour ce qui est des numéros de série, nos mesures n'auraient aucun effet à l'extérieur du Canada, là où la plupart des armes à feu sont fabriquées. Il est certainement moins gênant pour les personnes qui possèdent des armes à feu de remplir une formule et de l'expédier.
La seule façon d'améliorer ce système est de demander que les armes à feu soient montrées à un agent des armes à feu pour que celui-ci indique le numéro de série exact et toutes les autres caractéristiques permettant l'identification de l'arme. À mon avis, une telle mesure gonflerait énormément les coûts.
M. Ramsay: Que pensez-vous du système de demandes présentées par la poste que suggère le ministre de la Justice avec l'appui des services de police, du moins la GRC? Qui sera chargé de le mettre en oeuvre?
M. Evans: Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est difficile, sur le plan de l'efficacité, d'arriver à la conclusion que dans le contexte actuel, le système envisagé permettrait effectivement d'identifier les armes à feu de façon à ce que nous puissions, comme le mentionnait M. Lee, différencier les bons fusils des mauvais.
Le président: Monsieur Ramsay, l'information que vous avez reçue de M. Gray est extrêmement importante et serait précieuse pour tous les membres du comité. Auriez-vous l'obligeance de transmettre cette information au sujet du nombre d'armes au greffier, après la réunion, pour qu'il nous la communique. Comme je l'ai dit, c'est une information extrêmement importante. Je crois qu'elle nous serait utile à tous.
M. Ramsay: Je peux vous fournir toute l'information que j'ai reçue du solliciteur général, qui porte sur la collection standard, les pourcentages, etc. Ceci n'est qu'une télécopie. J'attends le document original par la poste. On savait que j'attendais ces renseignements avec impatience. Je suis tout à fait disposé à partager cette information avec le comité.
M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): À l'heure actuelle, au Canada, environ 40 000 ordonnances d'interdiction d'armes sont en vigueur. Dans quelle mesure l'Alberta a-t-elle réussi à faire respecter ces ordonnances?
M. Evans: Monsieur MacLellan, je peux demander à mon sous-ministre de répondre à cette question, s'il a des détails à nous fournir.
Vous n'ignorez pas qu'on a éprouvé certaines difficultés à faire respecter les ordonnances d'interdiction. Je crois que c'est une question qu'il conviendrait d'examiner plus à fond et que certains changements apportés au Code criminel permettraient peut-être d'accroître l'efficacité à cet égard, un peu comme nous avons modifié l'article 85 proposé au sujet des imitations d'armes à feu, à la suite d'une suggestion de nos fonctionnaires albertains.
M. MacLellan: Ne croyez-vous pas que si le système d'enregistrement répertoriait ces armes à feu, il serait plus facile de faire respecter les ordonnances d'interdiction?
M. Evans: Je dois dire que vous supposez de nouveau, monsieur MacLellan, que la loi serait respectée. Je crains fort que les personnes faisant l'objet d'ordonnances d'interdiction relativement aux armes à feu seraient aussi celles qui refuseraient de remplir les formulaires et d'enregistrer volontairement leurs armes. Je parle de la situation actuelle. J'envisage aussi les situations futures.
Cette question nourrit mes inquiétudes au sujet de la plus grande partie de cette mesure législative. Le projet de loi ne vise pas avec précision les comportements criminels que nous voulons tous tenter d'éliminer. Il vise de façon excessivement bureaucratique, à mon avis, les honnêtes citoyens.
M. MacLellan: Nous allons nous en remettre aux ministres de la Justice et aux procureurs généraux des provinces pour obtenir que la loi soit respectée.
Vous avez mentionné l'article 85 proposé, vol à main armée. Il est indéniable que la fréquence des plaidoyers de culpabilité a produit beaucoup d'insatisfaction au pays. Il y a des dispositions touchant les criminels dangereux, et bien des gens ont l'impression qu'on ne les invoque pas suffisamment.
La même situation se produira dans le cas des dispositions touchant les armes à feu. Il reviendra aux ministres de la Justice et aux procureurs généraux des provinces de déterminer avec quelle sévérité ils souhaitent appliquer ces dispositions. Avez-vous réfléchi à ce que serait la position de l'Alberta à ce sujet?
M. Evans: Dans le cas de l'application de l'article 85 proposé, la difficulté est liée à la preuve. Je crois que la modification apportée par le projet de loi réglera le problème et, on peut l'espérer, que les poursuites auront plus de succès.
Pour ce qui est des dispositions touchant les criminels dangereux, monsieur MacLellan, nous avons, en Alberta, décidé de traiter ces demandes chaque fois qu'on le juge nécessaire. En janvier, en Colombie-Britannique, nous avons discuté de l'initiative du gouvernement fédéral à cet égard pour proposer des amendements permettant de prononcer uniquement des sentences de durée indéterminée et de créer une catégorie de criminels «endurcis». J'appuie sans réserve ces initiatives, car je crois qu'elles canalisent nos ressources et notre attention dans la bonne direction.
J'ai en outre affirmé que si le projet de loi n'est pas mis en échec suite à une éventuelle constestation de sa constitutionnalité et s'il devient la loi pénale à appliquer dans notre beau pays, nous, citoyens honnêtes, le ferons respecter et veillerons à ce que nos fonctionnaires soient disposés à le faire respecter en Alberta et soient en mesure de le faire. Je ne me réjouis pas à cette idée, car je crois que nos ressources pourraient être utilisées plus efficacement par les deux autres éléments qui sous-tendent de ce projet de loi. Toutefois, nous reconnaissons la primauté de la loi et nous voudrons veiller à ce que la loi du pays soit mise en oeuvre dans notre province, comme le feront tous les autres ministres de la Justice et procureurs généraux au Canada.
Le président: Il est temps de déjeuner et nous allons lever la séance. Nous reprendrons à15h30, pour entendre les représentants du gouvernement du Yukon.
Monsieur Evans, je tiens à vous remercier très sincèrement d'être venu de si loin pour nous rencontrer et de nous avoir exposé les opinions de votre province. Il était essentiel que vous nous communiquiez vous-même votre point de vue, et je vous en remercie.
La séance est levée, elle reprendra à 15h30.