[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Nous commençons aujourd'hui à entendre des témoins sur le projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur le divorce et qui traite de la garde d'un enfant ou de l'accès auprès d'un enfant par un des grands-parents. Nos témoins d'aujourd'hui sont de la section de la politique en matière de la famille et des adolescents du ministère de la Justice. Nous accueillons Marilyn Bongard, conseillère juridique, et Glenn Rivard, avocat général.
Vous pouvez présenter votre exposé dans l'ordre qui vous convient. Vous avez la parole.
Me Glenn Rivard (avocat général, Section de la politique en matière de la famille et des adolescents, ministère de la Justice): Merci beaucoup. C'est avec plaisir que nous comparaissons devant vous.
Je ferais quelques observations d'ordre général sur le projet de loi. Ma collègue traitera ensuite de ses dispositions, en donnera une explication et les commentera. Je ne crois pas que cela nous prendra beaucoup de temps.
En tout premier lieu, nous devons reconnaître que ce projet de loi donnera aux grands-parents quand un de leur enfant divorce, des droits qu'ils n'auraient pas si la famille demeurait intacte, notamment le droit absolu de demander la garde des enfants issus du mariage ou l'accès auprès de ses enfants ainsi que de demander et de recevoir de l'information sur la santé, l'éducation et le bien-être de leurs petits-enfants.
Au sujet du premier droit, celui de demander la garde des enfants ou l'accès à ceux-ci, ce n'est généralement pas un droit accordé à quelqu'un d'autre que les parents sauf dans des circonstances tout à fait déplorables, comme quand on sait que l'enfant est maltraité ou négligé. Ce projet de loi considère en fait le divorce comme constituant automatiquement un motif suffisant pour accorder à une tierce partie le droit de demander la garde des enfants. C'est un empiètement beaucoup plus grave sur la primauté des rapports qui existent entre les parents et leurs enfants que dans les cas de mauvais traitements ou de négligence infligés aux enfants, où il faudrait au moins prouver qu'on a agi de façon répréhensible envers l'enfant. Cette intrusion a une incidence sur les ordonnances modificatrices et permet de ce fait de pertuber les dispositions existantes en matière de garde et d'accès.
Quant au droit à l'information, la société est généralement d'avis que les renseignements personnels de cette nature ne devraient être accessibles qu'aux parents. C'est de principe que s'inspire la loi qui régit, par exemple, l'accès aux dossiers médicaux ou scolaires. Le divorce consacre une rupture des rapports entre les conjoints mais non pas entre les parents et les enfants. Cette relation est maintenue en droit, sauf bien sûr dans des circonstances tout à fait inhabituelles, et toute la politique d'intérêt public vise à renforcer ces rapports entre parents et enfants. On peut en donner comme exemple l'obligation des parents de subvenir aux besoins de leurs enfants, la définition des droits respectifs des parents à l'égard de la garde et l'accès, la disposition de la Loi sur le divorce qui préconise le recours à la médiation, ainsi que cette disposition qui vise à faciliter le plus possible les contacts entre l'enfant et les deux parents dans la mesure où cela est compatible avec les intérêts supérieurs de l'enfant.
Enfin, je demande instamment au comité de réfléchir à l'incidence qu'aurait ce projet de loi sur l'évolution des rapports des familles soumises à cette expérience souvent difficile qu'est le divorce. Dans la mesure du possible, on encourage les parents à définir eux-mêmes les conséquences de leur divorce. En fait, la plupart des divorces donnent lieu à une entente plutôt qu'à une ordonnance du tribunal. C'est une période de grande tension pour tous les membres de la famille, y compris les enfants.
Des études montrent que la capacité des enfants à accepter le divorce de leurs parents dépend en très grande partie de l'importance des conflits au moment du divorce et après. Généralement, il faut régler des questions complexes et inter-reliées, comme les motifs du divorce, la répartition des biens, la pension alimentaire versée au conjoint et aux enfants ainsi que les ententes concernant la garde et l'accès.
Le tout se passe dans un climat généralement très tendu et chargé d'émotions. Habituellement, les enfants connaissent une chute subite de leur niveau de vie, qui souvent les contraint à quitter la maison familiale, parfois même leur quartier et ils peuvent devoir fréquenter de nouvelles écoles et se trouver de nouveaux amis. Il peut souvent falloir des années aux enfants pour surmonter les effets cumulatifs de ce changement et de ces tensions.
À cet ensemble complexe de questions juridiques et personnelles, le projet de loi ajouterait un nouveau facteur qui pourrait être éminemment perturbant. La loi en vigueur autorise les grands-parents, sous réserve de l'approbation du tribunal, à demander la garde des enfants et l'accès à ceux-ci. Cette exigence concernant l'approbation préalable permet de faire obstacle aux demandes frivoles et vexatoires. En fait, elle incite fortement les familles à régler elles-mêmes la question des droits de visite des grands-parents. Elle assure dans presque tous les cas une solution préférable à celle qu'imposerait un tribunal.
Le projet de loi C-232 supprimerait cette protection et permettrait aux grands-parents de perturber unilatéralement l'entente à laquelle en sont arrivés les parents eu égard aux enfants. En outre, il forcerait bien des mères sans argent à payer d'importants frais de justice pour s'opposer à une demande de garde ou d'accès présentée par les grands-parents.
Selon la loi en vigueur, quand on ne peut pas refuser aux grands-parents l'accès aux enfants et que ce n'est pas dans l'intérêt supérieur de ceux-ci, les tribunaux autorisent les grands-parents à demander la garde ou l'accès aux enfants. Cette autorisation préalable qu'on exige ne fait donc pas obstacle aux demandes légitimes et du reste encourage en fait parents et grands-parents à régler entre eux la question de l'accès.
Mme Marilyn Bongard (conseillère juridique, section de la politique en matière de la famille et des adolescents, ministère de la Justice): Je pourrais traiter des dispositions du projet de loi C-232 et expliquer leur effet sur le plan du droit et parler peut-être aussi de leur incidence éventuelle sur l'exercice du droit de la famille.
De façon générale, le projet de loi C-232 vise à modifier la Loi sur le divorce pour que les grands-parents puissent au même titre que les parents obtenir la garde de leurs petits-enfants ou avoir accès à ceux-ci. Sur le plan pratique, le projet de loi propose des modifications à l'article 16 de la Loi sur le divorce, qui a trait aux ordonnances de garde et d'accès, ainsi qu'à l'article 17 de la Loi sur le divorce, qui traite des ordonnances qui modifient, suspendent ou annulent les ordonnances alimentaires ou les ordonnances de garde.
Plus précisément, des modifications sont proposées aux paragraphes 16(3), 16(5), 16(9), 16(10), 17(2) et 17(9) de la Loi sur le divorce. La modification proposée à chacun de ces paragraphes est bien simple: on ne fait qu'ajouter les mots «ou grand-parent» où actuellement il n'est question que de conjoint, de conjoint actuel ou de parent. Ce n'est dnc pas extrêmement compliqué, mais cette modification a des conséquences.
Le premier paragraphe, le paragraphe 1(1) du projet de loi autoriserait les grands-parents au même titre que les parents à présenter une demande en vertu du paragraphe 16(3) de la Loi sur le divorce. Les grands-parents ne seraient plus tenus d'obtenir du tribunal une autorisation pour demander une ordonnance concernant la garde de leurs petits-enfants ou l'accès à ceux-ci.
En ce qui a trait à l'incidence de cette proposition, comme l'a dit M. Rivard, aux termes de la Loi sur le divorce, des tierces parties, notamment les grands-parents, ne sont pas privés de la possibilité d'obtenir d'un tribunal des ordonnances formelles leur accordant soit la garde soit l'accès, mais ils doivent d'abord obtenir l'autorisation du tribunal pour présenter cette demande. Cette exigence constitue une protection qui fait en sorte que seules les demandes légitimes sont soumises aux tribunaux. La jurisprudence montre que les juges ont tendance à tenir compte de considérations comme la qualité des rapports qu'entretenaient le grand-parent et l'enfant de même que la fréquence des contacts antérieurs. On évite ainsi que des demandes frivoles et vexatoires aboutissent devant les tribunaux.
L'effet de cette disposition, comme l'a dit M. Rivard, serait de considérer le divorce comme un motif suffisant pour permettre aux grands-parents de demander automatiquement la garde ou l'accès. Vu sous l'angle des principes, le comité voudra peut-être examiner s'il serait avisé de le faire.
Le comité voudra peut-être aussi examiner l'incidence éventuelle de ce projet de loi sur l'exercice du droit de la famille. Comme l'a dit M. Rivard, seul un petit nombre d'affaires de garde et d'accès aboutissent devant les tribunaux et donnent lieu à des ordonnances. Dans la grande majorité des cas, les questions sont réglées par voie de négociation entre les parties et leurs avocats. L'entente est alors intégrée à une ordonnance de consentement et légalement reconnue.
Reconnaître aux grands-parents le droit de s'adresser au tribunal ne ferait qu'ajouter un élément très perturbateur au déroulement des négociations en vue d'un règlement. Il est certain que cela accordera aux grands-parents un pouvoir de négociation dont ils ne disposent pas maintenant.
On peut diverger d'opinion sur la question de savoir si cela donnerait effectivement lieu à davantage de poursuites ou contribuerait plutôt à multiplier les ententes à l'amiable, étant donné que la seule idée d'une poursuite pourrait inciter les gens à s'entendre. Mais il se peut certainement que cela amène des grands-parents à forcer des parents en instance de divorce qui pourraient autrement arriver à conclure leurs propres ententes... On ajouterait ainsi une autre partie à l'affaire, et en fait il est possible que certaines affaires qui autrement n'aboutiraient pas devant les tribunaux, s'y retrouvent.
De façon plus précise, le paragraphe 1(2) propose une modification au paragraphe 16(5) de la Loi sur le divorce en vue d'accorder aux grands-parents les mêmes droits que cette disposition accorde actuellement à un conjoint qui a obtenu l'accès aux enfants. Cela inclut le droit de demander de l'information et d'en recevoir au sujet de la santé, de l'éducation et du bien-être de l'enfant.
Je crois savoir que Mme Jennings, qui parraine le projet de loi, a proposé que cette disposition soit retirée. Je pourrais entrer dans les détails ou en rester si cette disposition doit être retirée.
Le projet de loi propose aussi de modifier les paragraphes 16(9) et 16(10) de la Loi sur le divorce. Actuellement, le paragraphe 16(9) interdit au tribunal de tenir compte de la conduite passée de quiconque à moins que sa conduite ait une incidence sur la capacité de cette personne à agir à titre de parent de l'enfant. Le projet de loi vise à ajouter les mots «ou de grand-parent», ce qui donnerait ceci:
- le tribunal ne tient pas compte de la conduite antérieure d'une personne, sauf si cette conduite
est liée à l'aptitude de la personne à agir à titre de père ou de mère ou de grand-parent.
En ce qui concerne les grands-parents, ils ne sont pas partie au divorce. Je ne sais pas exactement quel serait l'effet de cette disposition si on ajoutait le mot «grand-parent». Je pense qu'on peut dire que la conduite antérieure des grands-parents serait un facteur pertinent dans l'attribution de la garde. Ce serait d'autant plus vrai s'il y avait eu des conflits entre les parents et les grands-parents.
Le paragraphe 16(10) et cette disposition indiquant au tribunal qu'il doit appliquer le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chaque époux le plus de contacts compatibles avec son propre intérêt et qu'à cette fin le tribunal doit tenir compte du fait que la personne pour qui la garde est demandée est disposée ou non à faciliter ce contact. Le projet de loi propose que ce paragraphe soit modifié de manière à inclure les contacts avec les grands-parents.
Je pense qu'il importe que le comité reconnaisse que le projet de modification ne se borne pas à simplement accorder aux grands-parents le droit de demander l'accès à leurs petits-enfants. Cette disposition donnerait en fait une orientation au tribunal sur la façon d'établir si la demande doit être accordée ou non. Outre le droit qu'ont les grands-parents de présenter une demande d'accès, qui serait reconnue dans la première disposition de ce projet de loi, on imputerait au parent qui a obtenu la garde la responsabilité de justifier pourquoi il ne faudrait pas accorder l'accès aux grands-parents. C'est une répercussion assez directe du projet de loi.
Il serait peut-être utile aussi que le comité prenne note du fait qu'une ordonnance accordant l'accès aux grands-parents ne garantira pas nécessairement que cet accès ne causera pas d'autres problèmes. Un tribunal peut accorder une ordonnance d'accès mais il ne peut pas ordonner aux gens de changer d'attitude, de changer leurs sentiments ni leur façon de traiter les uns avec les autres. Une ordonnance par laquelle un tribunal accorde l'accès aux grands-parents, en dépit des fortes objections de l'un des deux parents, pourrait en réalité susciter de nouveaux conflits et même de nouvelles poursuites.
Enfin, je concluerais en faisant remarquer que l'article 2 du projet de loi propose de modifier l'article 17 de la Loi sur le divorce, qui traite des ordonnances visant à mnodifier, à suspendre ou à annuler une ordonnance de garde ou d'accès. Le projet de loi pourrait donc avoir un impact considérable puisqu'il permettrait aux grands-parents, de droit, de demander au tribunal de modifier toute ordonnance de garde ou d'accès chaque fois qu'il y aurait un changement de circonstance.
Voilà qui termine mon exposé. M. Rivard et moi serons heureux de répondre aux questions que vous voudrez nous poser.
Le président: Merci beaucoup. Nous passons donc au premier tour de questions.
Madame Venne, dix minutes.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Comme vous l'avez dit, le projet de loi C-232 vise à simplifier l'intervention des grands-parents lors d'une procédure de divorce. Les grands-parents n'auraient plus à demander l'autorisation préalable du tribunal et le projet de loi C-232 mettrait les grands-parents sur le même pied que les époux.
Le débat va maintenant s'amorcer à six plutôt qu'à deux, et il n'y a pas de définition de «grands-parents», ce qui cause des problèmes. J'aimerais savoir ce que vous suggérez à cet égard. Devrait-on définir le terme «grands-parents»? Devrait-on inclure les grands-parents de jure et les grands-parents biologiques?
J'aimerais également savoir si, somme toute, vous croyez que ces modifications à la Loi sur le divorce sont vraiment dans l'intérêt de l'enfant.
[Traduction]
Mme Bongard: Je tiens tout d'abord à préciser qu'en notre qualité de fonctionnaires et de représentants du ministère de la Justice, il ne nous appartient pas de discuter du principe ou de l'orientation du projet de loi. Il s'agit d'une mesure d'initiative parlementaire; elle n'émane pas du gouvernement.
Je conviens qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de définition du mot «grand-parent» dans la Loi sur le divorce et qu'aucune définition n'est proposée non plus dans le projet de loi, de sorte qu'il pourrait y avoir un vide à moins que la mesure ne permette à tous les grands-parents, sans que le terme ne soit défini, de présenter une demande. À l'heure actuelle, la Loi sur le divorce ne parle que de tierces parties, et les grands-parents seraient inclus dans ce groupe. Cependant, en vertu de la mesure proposée les grands-parents ne seraient pas sur le même pied que les autres tierces parties, et on devrait sans doute chercher à définir ce terme dans la loi.
[Français]
Mme Venne: Je passe tout de suite à ma deuxième question parce que je vois que vous ne voulez pas trop vous mouiller les pieds.
Les provinces sous le régime de common law n'ont pas de loi qui protège explicitement les relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents. Je parle des provinces sous le régime de common law parce que je fais une distinction entre ces provinces et la province de Québec, comme vous le comprenez bien.
Le Québec s'est préoccupé des relations personnelles entre l'enfant et ses grands-parents. Je m'explique. Comme vous le savez, nous avons, dans le Code civil, l'article 611 qui permet aux grands-parents lésés dans leurs rapports avec leurs petits-enfants de s'adresser au tribunal pour que les modalités de ces relations soient réglées. Cette requête est présentable que les époux soient en instance de divorce ou non. Croyez-vous que le projet de loi que nous avons actuellement devant nous tente de combler cette lacune par l'intermédiaire d'une loi fédérale et croyez-vous que la Loi sur le divorce est le bon véhicule pour cela?
Me Rivard: Comme vous l'avez dit, cet amendement s'applique seulement dans les cas de divorce. Cependant, l'article du Code civil auquel vous avez fait allusion s'applique dans toutes les situations en ce qui a trait aux relations familiales.
Il n'est pas nécessaire d'obtenir le divorce pour que l'article du Code civil s'applique. La juridiction fédérale est limitée aux cas de divorce seulement. Il serait impossible pour le gouvernement fédéral de régler toutes les relations familiales.
Mme Venne: Est-ce que les provinces ne devraient pas faire comme le Québec, c'est-à-dire adopter une loi qui permettrait aux grands-parents de voir leurs petits-enfants? Ce pourrait être un article du même genre que celui que nous avons dans notre Code civil.
Me Rivard: Les autres provinces pourraient adopter une loi semblable à celle du Québec.
Mme Venne: Je crois que cela serait tout à fait possible. Êtes-vous d'accord sur cela?
Me Rivard: Je dis simplement que c'est possible pour les autres provinces.
Mme Venne: Ce serait donc aux provinces de prendre leurs responsabilités. C'est la conclusion à laquelle j'arrive.
Je voudrais vous demander autre chose au sujet de ce projet de loi. Cela a trait au paragraphe 1(2) qui modifie le paragraphe 16(5) de la Loi sur le divorce et qui ferait en sorte que les grands-parents pourraient demander des renseignements relatifs à la santé, à l'éducation et au bien-être de l'enfant. Plus tôt, Mme Bongard a dit qu'elle serait à notre disposition pour en parler.
Vous savez également qu'au Québec, nous sommes avant-gardistes: nous avons une loi sur l'accès aux documents des organismes publics et une loi sur la protection des renseignements personnels. Cette disposition, selon moi, contreviendrait à cette loi québécoise. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus et j'aimerais également que vous nous disiez si vous pensez que l'on devrait retrancher cette disposition du projet de loi.
[Traduction]
Mme Bongard: En ce qui concerne le paragraphe 16(5) de la loi, le projet de loi précise «sauf ordonnance contraire du tribunal». Même si la modification proposée dans le projet de loi était adoptée, le tribunal pourrait refuser de donner suite à une demande en ce sens.
Je suis toutefois d'accord avec vous pour dire que les renseignements de ce genre, tel le droit de demander et d'obtenir des renseignements relatifs à la santé, à l'éducation et au bien-être des parents... aux termes de l'actuelle loi sur le divorce, ce droit est réservé aux conjoints, et il s'agit normalement de renseignements que les parents sont les seuls à recevoir.
[Français]
Mme Venne: J'aimerais aussi ajouter que les grands-parents «normaux», c'est-à-dire les grands-parents d'enfants dont les parents ne sont pas divorcés, n'auraient pas accès à ces renseignements.
[Traduction]
Mme Bongard: Cette disposition confèrerait dans la pratiques des droits plus importants aux grands-parents d'enfants dont les parents sont divorcés qu'à ceux d'enfants dont la famille est intacte, j'en conviens.
[Français]
Mme Venne: Merci beaucoup.
[Traduction]
Me Rivard: Si vous le permettez, j'ajouterai simplement que la compétence fédérale en matière de divorce est clairement reconnue par la Constitution. Le gouvernement fédéral peut régir les rapports entre les parents pendant et après la procédure de divorce, notamment en ce qui concerne la pension alimentaire, la garde et le droit d'accès. Il n'existe aucune jurisprudence reconnue qui permette de conclure que nous pouvons régir les rapports avec une autre partie, c'est-à-dire avec les grands-parents, aux termes de la Loi sur le divorce. Ce ne sont pas eux qui sont partie à la procédure de divorce.
Donc je ne pense pas que nous ayons une opinion juridique établie car il n'y a pas de jurisprudence établie dans ce domaine, mais il s'agit certainement de savoir si le pouvoir du gouvernement fédéral en matière de mariage et de divorce pourrait s'étendre à la réglementation des rapports entre des parties qui ne sont pas partie à la procédure de divorce.
M. Ramsay (Crowfoot): À titre d'information, je voudrais demander à Mme Venne s'il existe une définition de «grands-parents» dans le Code civil du Québec.
[Français]
Mme Venne: Au Québec, les grands-parents sont des grands-parents de droit et des grands-parents biologiques. On n'a plus d'enfants illégitimes au Québec. Donc, cela pourrait être les deux.
[Traduction]
M. Ramsay: Y a-t-il une définition? On parle des grands-parents aux termes de l'article 611. Y a-t-il une définition de «grand-parents» dans le Code civil?
[Français]
Mme Venne: Il faudrait que je le vérifie.
[Traduction]
Ce ne sera pas long; je vais le trouver.
M. Ramsay: Il me semble que le ministère de la Justice s'oppose au projet de loi. Est-ce vrai?
Me Rivard: Je pense qu'il appartient au comité de déterminer la politique. Nous avons expliqué comment à notre avis, le projet de loi fonctionnera et quel sera son impact.
M. Ramsay: D'après votre témoignage il m'a semblé clair que vous vous opposiez au projet de loi.
Me Rivard: Nous pensons qu'il pourrait avoir des répercussions négatives, oui.
M. Ramsay: Donc vous vous opposeriez au projet de loi ?
Me Rivard: Ce n'est pas à moi de m'y opposer ou non. C'est au comité de décider.
M. Ramsay: Et bien, si dans ce que vous dites vous vous opposez, alors vous y êtes opposé.
Me Rivard: Je dirais qu'il pourrait avoir certaines répercussions négatives, oui.
M. Ramsay: Donc vous vous opposez au projet de loi?
Des voix: Ho, ho!
Le président: Je pense qu'on a déjà répondu à la question.
M. Ramsay: Madame Bongard, vous avez utilisé l'expression «un élément qui pourrait être extrêmement perturbateur». Est-ce que vous vous fondez sur des statistiques pour en arriver à cette conclusion, ou est-ce que ce ne sont que des suppositions?
Mme Bongard: J'ai dit «pourrait» parce qu'à l'heure actuelle, je le répète, cela ajoute une autre partie aux négociations. Cet élément, à lui seul, pourrait être perturbateur. Plutôt que de n'avoir deux parties qui doivent s'entendre, il faut obtenir l'accord des parents qui divorcent et de tous les grands-parents intéressés. Cela pourrait donc introduire un élément perturbateur dans la négociation en ce sens que des parties plus nombreuses participeraient à cette négociation.
M. Ramsay: Je comprends...
Mme Bongard: Cette affirmation n'est pas fondée sur des preuves statistiques. C'est tout simplement une possibilité.
M. Ramsay: Donc votre opposition - s'il s'agit en fait d'une opposition - à cet aspect en particulier dont vous parliez, n'est fondée que sur une simple possibilité?
Mme Bongard: Oui. Comme je l'ai dit, cela ajoute d'autres parties au processus de négociation - aux gens qui doivent s'entendre. Je pense que cela pourrait rendre le processus encore plus complexe.
M. Ramsay: Je crois comprendre après avoir entendu le témoignage de l'auteur du projet de loi - et c'est ce qui est ressorti de l'échange - qu'aux termes de la loi actuelle, les grands-parents ont le droit de demander l'accès ou même la garde plus tard au cours du processus. Est-ce exact?
Mme Bongard: Aux termes de la Loi sur le divorce telle qu'elle existe à l'heure actuelle, il faut obtenir l'autorisation du tribunal à n'importe quelle étape, ce qui est prévu aux termes des articles 16 et 17 donc, aux termes de la Loi sur le divorce, ils ne peuvent à l'heure actuelle en faire la demande à moins d'en avoir obtenu l'autorisation du tribunal.
Aux termes de la loi provinciale, il serait possible d'avoir des circonstances où la Loi sur le divorce ne s'applique pas. Par exemple, la Loi ontarienmne portant réforme du droit de l'enfance prévoit que des tierces parties peuvent faire une demande. Il pourrait donc y avoir d'autres procédures judiciaires mais pas aux termes de la Loi sur le divorce.
M. Ramsay: Mais la Loi sur le divorce permet que l'on demande une telle autorisation?
Mme Bongard: Oui.
M. Ramsay: En d'autres termes, l'autorisation est accordée par la loi.
Mme Bongard: Non. Une demande d'autorisation est présentée au tribunal qui décide ou non de l'accorder.
M. Ramsay: Je pense que ce que Mme Jennings veut dire, c'est que en autant que les grands-parents puissent en faire la demande, que l'autorisation leur soit accordée ou non par le juge, quelle est la différence?
Je pense que l'on a souligné que nous devons compter sur l'évaluation du tribunal qui se fonde sur les circonstances de chaque cas en particulier, pour décider si les parents ont ou non le droit que leur accorderait l'amendement.
Je ne vois aucun élément plus perturbateur dans le projet de loi à l'étude que dans la loi actuelle, si ce n'est... je suppose que ce n'est pas dans tous les cas aujourd'hui que les grands-parents présenteraient une demande.
Mme Bongard: Et ils doivent toujours présenter une demande. Il n'y a rien dans le projet de loi à l'étude qui motiverait davantage les grands-parents à le faire.
Le projet de loi à l'étude élimine une garantie qui existe à l'heure actuelle. En effet, le tribunal a le pouvoir, lorsqu'il examine la demande d'autorisation, de rejeter les demandes contrariantes ou injustifiées. Le projet de loi à l'étude éliminerait cette possibilité et donnerait à tous les grands-parents le droit de s'adresser au tribunal.
M. Ramsay: Est-ce ce qui se passe à l'heure actuelle? Est-ce que les grands-parents présentent des demandes injustifiées?
Mme Bongard: Je n'ai pas fait de recherches sur la question, mais c'est certainement dans le domaine du possible. Comme M. Rivard l'a dit, dans les cas où les esprits sont échauffés, les négociations sont particulièrement pénibles et toute cette affaire de divorce est très désagréable. Il ne serait pas impossible alors que des grands-parents prennent parti et s'impliquent dans cette salle affaire et utilisent cette nouvelle autorisation automatique pour entamer une procédure.
M. Ramsay: Pourtant, de la même façon, si cet article était adopté, les tribunaux auraient le même pouvoir d'écarter les demandes injustifiées.
Mme Bongard: Non. Il faudrait s'adresser à un tribunal. Il n'y aurait pas de sélection.
M. Ramsay: Oui. Mais la demande...
Mme Bongard: En fin de compte, les tribunaux pourraient décider de ne pas accorder l'accès ou la garde.
M. Ramsay: Oui.
Mme Bongard: Mais il faudrait quand même engager des procédures judiciaires coûteuses.
M. Ramsay: Si une demande est présentée, il y aurait cette dépense - ou tout au moins une partie de cette dépense. Si la demande est acceptée, de toute façon on se retrouve avec une procédure tout aussi coûteuse.
Aujourd'hui, lorsque les grands-parents demandent une autorisation au tribunal, ils doivent certainement l'obtenir, n'est-ce pas?
Me Rivard: Puis-je intervenir?
À l'heure actuelle, la Loi sur le divorce envoie un message très clair, c'est-à-dire que la garde et l'accès sont des questions qui doivent être résolues surtout entre les parents. Le simple fait qu'ils divorcent n'enlève rien au fait qu'ils sont néanmoins les parents et qu'ils doivent résoudre les questions de garde et d'accès.
Le pouvoir de permettre à une tierce partie, notamment à un grand-parent, de demander l'autorisation du tribunal pour demander une ordonnance de garde d'un enfant pour avoir accès auprès d'un enfant envoie également un message qui est très clair: on ne doit permettre aux tierces parties de demander une telle ordonnance que dans des circonstances extraordinaires.
Avec le projet de loi à l'étude, on met les tierces parties - les grands-parents - sur un pied d'égalité avec les parents vis-à-vis des enfants issus du mariage. En fait, on dit aux parents qu'étant donné qu'ils ont décidé de divorcer, tout le monde peut demander la garde de leurs enfants ou d'avoir accès à leurs enfants. N'importe qui, les parents ou les grands-parents, peuvent maintenant faire une offre pour obtenir ces enfants.
Nous devons reconnaître que les circonstances sont différentes pour chaque famille. Dans certains cas, le divorce peut se faire relativement à l'amiable tandis que dans d'autres, c'est extrêmement difficile. On peut avoir des rapports extrêmement complexes où les gens s'entendent bien avec certaines personnes et pas avec d'autres. Il peut y avoir des situations où la mère s'entend avec les grands-parents paternels, mais, de toute évidence, pas avec son mari.
Cela nous éloigne de l'élément essentiel de la Loi sur le divorce, qui dit que les parents doivent régler les questions de garde et d'accès du mieux qu'ils le peuvent. Nous savons que dans la grande majorité des cas, en fait, les parents règlent ces questions de garde et d'accès eux-mêmes et qu'ils obtiennent la garde et l'accès.
Il est très difficile de déterminer l'effet de perturbation que cela pourrait avoir sur les cas individuels. On ne peut même pas simplement évaluer le nombre de demandes, car ce qui va arriver, c'est qu'en essayant de régler leur divorce les parents devront s'assurer que les grands-parents sont également satisfaits de l'arrangement.
Nous disons que ces situations sont extrêmement complexes et chargées d'émotion et que cela joute à leur complexité.
M. Regan (Halifax-Ouest): Je suppose que vous nous dites que la différence, c'est que dans un cas, soit à l'heure actuelle, les grands-parents doivent demander l'autorisation, tandis que dans l'autre cas, aux termes du projet de loi à l'étude, ils auraient automatiquement l'autorisation de demander une ordonnance devant le tribunal.
Me Rivard: Oui.
M. Regan: J'aurais quelque chose à vous demander par rapport à la question constitutionnelle.
Dans le cas d'un parent naturel qui est décédé, où l'autre parent a donc la garde des enfants et en refuse l'accès aux parents du parent décédé, est-ce que le gouvernement fédéral a compétence ou est-ce qu'il a le pouvoir de légiférer de sorte que ces grands-parents puissent demander d'avoir accès à ces enfants?
Mme Bongard: Non. Je vais vous donner une brève explication.
Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement a le pouvoir exclusif de promulguer des lois concernant le mariage et le divorce. Les assemblées législatives, aux termes du paragraphe 92(13), ont le pouvoir d'adopter des lois concernant la propriété et les droits civils dans la province.
Les provinces ont exercé leur pouvoir constitutionnel en adoptant des lois régissant des questions telles que le bien-être de l'enfance, l'adoption et la tutelle des enfants. En ce qui a trait au soutien et à la garde, il existe des lois provinciales régissant le soutien, la garde des enfants et l'accès aux enfants au cours du mariage ou, comme vous l'avez mentionné, si l'une des parties est décédée.
Le Parlement fédéral a exercé sa compétence fédérale en promulguant la Loi sur le divorce, qui établit des règles régissant le divorce dans tout le Canada. La loi contient en outre ce que l'on appelle des procédures relatives aux mesures accessoires, c'est-à-dire qui ont trait aux questions accessoires au divorce, notamment la garde, l'accès et le soutien.
La réponse est donc non: le gouvernement fédéral n'a compétence que pour les questions de divorce.
M. Regan: En d'autres termes, ce sont des questions qui découlent de la séparation de ces deux personnes, puisque c'est de cela qu'il s'agit lorsqu'on parle de divorce, et le gouvernement fédéral a compétence en la matière.
Mme Bongard: C'est exact.
M. Regan: Ma question est donc la suivante: si le gouvernement fédéral n'avait pas compétence, s'il était ultra vires de légiférer et de dire que le grand-parent dont l'enfant est décédé devrait avoir accès à l'enfant, alors comment peut-il légiférer dans l'autre cas, tout simplement parce qu'il s'agit d'un divorce et que le divorce signifie la séparation des deux parents? C'est une question intéressante.
Ce que j'aimerais avoir, c'est votre avis en tant que conseiller juridique, c'est-à-dire: est-ce que les tribunaux considéreraient le projet de loi à l'étude comme étant constitutionnel, et le gouvernement fédéral serait-il ou non ultra vires?
Me Rivard: Il y a une cause qui a été portée devant la Cour suprême, l'affaire Zacks c. Zacks. Dans cette cause, la Cour suprême a clairement établi que le pouvoir en matière de divorce va au delà du simple pouvoir d'accorder le divorce et doit donc inclure le règlement de questions accessoires telles que le soutien et la garde.
M. Regan: C'est entre les parents.
Me Rivard: Non. Il y a une disposition à l'heure actuelle dans la Loi sur le divorce qui permet aux tierces parties, avec l'approbation du tribunal, de demander la garde. Nous croyons que le gouvernement fédéral a compétence en la matière, et personne n'a réussi à le contester jusqu'à présent.
Il y a d'autres dispositions dans le projet de loi qui pourraient être contestées, et je ne pense pas que nous puissions dire si une telle contestation serait couronnée de succès. Je pense en particulier à la disposition sur l'accès à l'information. Il est difficile pour moi de dire si cela relève directement du divorce ou si c'est une question auxiliaire reliée au divorce.
M. Regan: Quoi qu'il en soit, le projet de loi à l'étude n'aiderait pas le grand-parent dont le fils ou la fille est décédée. En d'autres termes, lorsque l'un des parents naturels est décédé, cela n'aiderait pas les grands-parents dans ce cas, car il n'y a pas de divorce.
Me Rivard: S'il n'y a pas de divorce, alors la Loi sur le divorce ne s'applique tout simplement pas. Vous avez raison. Ce n'est pas une question que le gouvernement fédéral pourrait résoudre.
M. Regan: En ce qui concerne les préoccupations qui ont été soulevées relativement au projet de loi à l'étude et à certaines des raisons derrière ce projet de loi, on a fait valoir que pour les grands-parents qui veulent obtenir l'autorisation de demander une ordonnance pour avoir accès auprès d'un enfant, cela représente une dépense énorme. Sur le plan financier, il est très difficile pour un grand-parent de demander une telle autorisation et ensuite de suivre le processus pour demander une ordonnance pour avoir accès à un enfant. Quelles autres options s'offrent au législateur pour répondre à ces préoccupations?
Me Rivard: Je pense qu'il faut soupeser les diverses difficultés que présentent les différentes options. Il est vrai qu'à l'heure actuelle les grands-parents devraient assumer les frais d'une demande d'autorisation. Mais à mon avis ce ne serait pas la principale dépense qu'ils devraient prendre à leur charge, car s'ils obtenaient ladite autorisation ils devraient ensuite prouver au tribunal qu'ils devraient avoir la garde ou l'accès. Ce processus serait sans doute plus coûteux pour eux.
Ce que l'on craint entre autres, c'est que les parents qui ont la garde des enfants et qui, nos données l'indiquent clairement, ont un revenu inférieur, risquent de se retrouver dans une situation où ils seraient obligés d'assumer les dépenses nécessaires pour défendre une décision en matière de garde ou se battre contre les grands-parents pour obtenir la garde de leurs enfants. Le fardeau des dépenses se déplace donc en quelque sorte ici. L'une des conséquences qu'aura le projet de loi à l'étude, ce sera d'alourdir le fardeau des dépenses pour les parents qui ont la garde des enfants. Comme je l'ai dit, nos données indiquent clairement que les parents qui ont la garde des enfants voient leur revenu diminuer de façon considérable après le divorce; ces parents représentent un pourcentage élevé des familles à faible revenu au Canada.
M. Regan: Je sais qu'étant donné le chevauchement des questions relatives à la garde et à l'accès entre les compétences fédérale et provinciale, il y a pas mal de coopération. Il existe un comité fédéral-provincial-territorial sur le droit de la famille qui se penche sur certaines de ces questions. Savez-vous si ce comité est en train d'examiner des questions relatives aux droits des grands-parents en matière d'accès? Dans l'affirmative, quel serait en l'occurrence l'impact du projet de loi à l'étude sur leurs efforts?
Me Rivard: Le ministère de la Justice s'intéresse aux questions générales de garde et d'accès, et ce n'est que l'une d'entre elles. En collaboration avec le comité du droit de la famille, il a entrepris des consultations sur ces questions. Il n'y a pas de consensus général sur ce qu'il faut faire en matière de garde et d'accès; on se demande si des changements législatifs seraient même avantageux, ou si nous devrions concentrer nos efforts plutôt sur les services à fournir aux parents en vue de minimiser les conflits entre eux, ce qui serait avantageux en définitive pour les enfants. À l'heure actuelle, il n'y a aucun plan précis en vue d'apporter des changements dans ce domaine.
Mme Bongard: Comme je l'ai mentionné, le tribunal ne peut pas ordonner aux parties de changer d'attitude ou d'idée. L'un des problèmes, c'est qu'on envisage exclusivement des solutions juridiques à des problèmes qui ne sont pas réellement entièrement de nature juridique. Je pense que le comité devrait rester ouvert à d'autres amendements législatifs lors de l'examen de cette question.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Vous avez parlé d'études qui ont été faites. Avez-vous fait des études sur le nombre de demandes d'autorisation?
Mme Bongard: Non, et je ne sais pas s'il serait facile d'effectuer ce genre d'étude. Il faudrait sans doute commencer par vérifier chez tous les différents tribunaux, car chacun tient ses propres statistiques. Je ne connais aucune étude qui a été faite sur cette question. Je sais que nous avons des études qui indiquent que très peu de cas se retrouvent en fait devant les tribunaux.
J'ai pris note que des recherches ont été faites pour évaluer la Loi sur le divorce. L'étude, qui portait sur quatre endroits différents, a révélé que seulement 35 cas sur un total de 1 170 ont été portés devant les tribunaux. La grande majorité ne vont pas devant les tribunaux et ne contestent pas. Il s'agit d'une évaluation des amendements apportés à la Loi sur le divorce en 1985; donc cela a été fait dans les années 80.
M. Gallaway: À quoi ces chiffres s'appliquaient-ils... au divorce?
Mme Bongard: Il s'agit en fait du nombre réel de cas qui ont été contestés, sur un total de 1 170 cas.
M. Gallaway: De quel type de cas parlez-vous?
Mme Bongard: Il s'agit de cas de divorce.
M. Gallaway: Très bien. Mais vous n'avez pas de données sur le nombre de grands-parents qui auraient demandé une autorisation aux termes des dispositions actuelles.
Mme Bongard: Non.
M. Gallaway: Connaissez-vous les critères qu'utilisent les juges pour décider d'accorder ou non une autorisation?
Mme Bongard: J'ai examiné la jurisprudence avant de venir ici; il y a eu l'affaire M.R. C. B.G., à Terre-Neuve. On dit que l'autorisation de demander la garde devrait être accordée à un non-parent lorsqu'il est évident que la demande est fondée ou justifiée. Le tribunal devrait rendre sa décision en se fondant sur l'information contenue dans l'affidavit qui accompagne la demande, et il n'est pas nécessaire de tenir une audience auparavant pour établir le bien-fondé de la demande. Voilà donc un cas de jurisprudence qui peut nous guider. Il devrait y avoir des éléments de preuve dans l'affidavit, et si la demande n'est pas injustifiée, il semble que l'autorisation devrait être accordée.
M. Gallaway: M. Ramsay a soulevé toute la notion de perturbation. Avec le projet de loi à l'étude, on pourrait se retrouver dans une situation où il y aurait six parties et six avocats si les grands-parents décidaient de se faire représenter chacun par un avocat. On aurait donc un juge qui, en supposant qu'il accorderait l'accès... Je parle d'accès ici uniquement par opposition à la garde. Il serait plutôt difficile de rédiger une ordonnance spécifiant quand chacune des cinq parties aurait accès... je suppose que l'une des parties obtiendrait la garde en fin de compte. Je ne peux m'imaginer comment cela pourrait fonctionner.
Je me demande en outre quelle serait la durée du jugement, puisque six parties auraient alors le droit de demander une modification à l'ordonnance initiale. Quand cela se terminerait-il? Y a-t-il une fin prévisible ou possible?
Me Rivard: Je pense que vous avez touché à un aspect clé de la question, à savoir que les dispositions peuvent s'étendre à des modifications. Ainsi donc, il sera toujours possible que l'une des parties revienne sur les arrangements relatifs à la garde et à l'accès. Cela met les parents ayant obtenu la garde dans une situation très difficile, car ces derniers n'ont pratiquement pas de garantie qu'aucune contestation ne viendra à un moment donné remettre en question l'entente relative à la garde.
De plus, en raison des modifications, il est possible de revenir sur n'importe laquelle des milliers d'ordonnance qui ont été rendues en matière de garde et d'accès.
M. Gallaway: Y a-t-il un endroit au Canada où l'on accorde aux grands-parents l'accès aux petits-enfants quand les parents vivent dans une relation normale, c'est-à-dire ensemble?
Mme Bongard: Oui. Je pense qu'en Ontario la Loi portant réforme du droit de l'enfance permet à des tierces parties, y compris les grands-parents, d'en faire la demande. D'après la jurisprudence, les juges peuvent, dans certains cas, accorder l'accès malgré les objections des deux parents. Cela se fait.
M. Gallaway: Même quand les parents vivent ensemble?
Mme Bongard: Oui, en situation normale.
M. Gallaway: Sur quels critères se fonde-t-on?
Mme Bongard: Je ne sais pas. Je peux vous renvoyer à la jurisprudence, mais cela se fait. Votre question était de savoir si les lois provinciales le permettaient. Oui, la loi ontarienne par exemple permet à des tierces parties de demander l'accès aux enfants.
Me Rivard: J'aimerais intervenir. Tout d'abord, je pense que cela arrive dans des circonstances très exceptionnelles, mais la dynamique est aussi très différente. Dans de telles circonstances, il apparaîtrait que les deux parents, pour une raison quelconque, ne facilitent pas le contact avec les grands-parents, ou au moins certains grands-parents, et l'enfant. Par conséquent, ne serait-ce qu'en tant que parents, ils sembleraient être d'accord sur la manière d'élever les enfants.
En cas de divorce, il y a souvent beaucoup de conflits entre les parents. Parfois, en raison de ses antécédents, de ses capacités, etc... Prenons le cas typique où la mère obtient la garde. Le père ne pouvant pas l'obtenir, les grands-parents - c'est-à-dire les parents du père - pourraient essayer d'obtenir la garde en se substituant pratiquement à leur fils pour continuer la lutte.
Par conséquent, la dynamique est très différente. Je ne pense pas que l'on puisse apprendre grand-chose de la loi ontarienne.
Mme Bongard: Je faisais allusion à l'affaire Chabot c. Halladay. Dans cette affaire, le juge a accepté la preuve selon laquelle une relation avec des grands-parents dévoués et affectueux est importante pour les enfants. En particulier, il a noté que la grand-mère se distinguait des autres en ce sens qu'elle n'avait pas d'arrière-pensée; elle agissait par amour. Si j'ai bien compris, le juge a estimé que le recours des parents n'était pas raisonnable.
M. Ramsay: M. Gallaway a présenté un scénario dans lequel il pourrait y avoir six parties demanderesses en vertu de cet amendement. Connaissez-vous des cas où autant de personnes - les grands-parents des deux côtés - ont présenté des demandes d'autorisation en vertu de la loi actuelle?
Mme Bongard: Non. Je pense que le seul coût de la procédure en dissuaderait bien des gens. Toutefois, il ne faut pas négliger le fait que ce projet de loi donnerait aux grands-parents un droit qu'ils n'ont pas, et quand les gens ont des droits, ils ont tendance à les exercer dans certains cas. Ainsi donc, même dans les cas où il n'y a peut-être pas de problème et où l'on peut s'arranger, ils pourraient recourir aux tribunaux, s'ils en ont les moyens financiers, afin d'obtenir une ordonnance judiciaire au cas où ils en auraient besoin dans l'avenir.
M. Ramsay: Pensez-vous qu'il faille décourager ce genre d'initiative?
Mme Bongard: Je pense que c'est une possibilité. Il existe des chicaneurs qui aiment exercer leurs droits. Ce projet de loi confère de nouveaux droits aux grands-parents.
M. Ramsay: Pensez-vous qu'il faille décourager cette tendance dans la loi?
Me Rivard: En droit de la famille, on s'efforce beaucoup d'éviter les litiges. On déploie de gros efforts pour amener les parties à régler les problèmes elles-mêmes, pour bien des raisons, notamment le coût. Une fois de plus, on constate que les ententes conclues entre les parties sont souvent beaucoup plus satisfaisantes pour tout le monde qu'une ordonnance imposée par un tribunal.
M. Ramsay: Faudrait-il donc prévoir ces restrictions dans la loi?
Me Rivard: Oui.
M. Ramsay: Très bien. Nous n'avons pas beaucoup parlé du bien-être de l'enfant. Même si certains parents et grands-parents peuvent avoir des arrière-pensées, je présumerais qu'ils représentent une minorité. Dans ce cas, on peut certainement compter sur le tribunal pour se débarrasser des demandes injustifiées. N'est-ce pas?
Me Rivard: C'est exactement le pouvoir dont dispose le tribunal en vertu de la loi actuelle sur le divorce. Cette disposition du projet de loi empêcherait le tribunal de rejeter les demandes injustifiées. Ainsi donc, le tribunal devrait tenir une audience en bonne et due forme sur la garde. Le conjoint ayant la garde aurait à se défendre comme il faut.
M. Ramsay: Bien. Dans ce cas, n'estimez-vous pas que le tribunal a la même capacité de prendre la décision appropriée en ce qui concerne les intérêts de l'enfant?
Me Rivard: Oui, mais il s'agit d'une procédure différente et plus coûteuse qui remet en question l'entente relative à la garde, ou qui en fait le procès, pour ainsi dire.
M. Ramsay: Ainsi donc, le problème ici est-il celui du coût?
Me Rivard: Oui. On veut aussi décourager le recours aux tribunaux et promouvoir la conclusion d'ententes formelles ou informelles entre les parties. En outre, on veut maintenir la stabilité de l'entente relative à la garde et à l'accès.
Une fois de plus, la capacité des enfants de se remettre des conséquences d'un divorce est très étroitement liée à l'ampleur du conflit entourant ce divorce. Si nous voulons mettre de l'avant les intérêts des enfants, nous devons prendre des mesures pour réduire les conflits relatifs au divorce.
M. Ramsay: Si cet amendement devient loi, ne pensez-vous pas qu'il inciterait davantage les gens à conclure des ententes privées et non judiciaires?
Me Rivard: Tout dépendrait des intéressés. Dans certains cas, comme l'a indiqué mon collègue, cela inciterait certains grands-parents à recourir au tribunal. Dans d'autres, cela pourrait encourager la conclusion d'une entente. Toutefois, l'entente serait-elle fondée sur les meilleurs intérêts de l'enfant, sur la crainte d'un litige, ou même sur le risque de perdre la garde?
Mme Torsney (Burlington): Tout d'abord, j'aimerais dire que je n'ai pas eu accès à mes grands-parents parce qu'ils vivaient très loin de nous, et je ne les ai donc pas vraiment connus.
Je pense que l'intention qui sous-tend cette question est très importante. Autant que possible, nous devons encourager les relations positives entre les membres d'une famille. Je connais l'importance des grands-parents pour leurs petits-enfants et vice versa. C'est une relation merveilleuse. Parfois, elle dépasse de loin la relation entre les parents et les enfants.
L'une des choses qui m'intéressent, c'est la question que vous avez soulevée à la lumière de toutes les discussions qui ont eu lieu sur la situation actuelle, surtout en ce qui concerne les femmes qui ont la garde des enfants, qui sont pauvres et qui n'ont pas accès à l'aide juridique dans certaines provinces pour contester ce genre d'ordonnance.
Nous avons vu des gens conclure des ententes à la suite d'un divorce. Ils négocient tout pour éviter les coûts liés à la procédure judiciaire. Ils s'entendent sur tout, mais ils savent qu'à tout moment l'autre partie peut porter plainte pour changer les modalités de la garde. L'audience judiciaire peut être reportée continuellement, et c'est très coûteux. Si vous avez déjà des difficultés à nourrir vos enfants, vous serez tout simplement incapable d'assumer le coût de la procédure judiciaire.
On a également parlé du bien-être de l'enfant. À cet égard, on se demande souvent qui est le mieux placé pour subvenir aux besoins de l'enfant. Je peux concevoir que ce soient les grands-parents qui ont une situation financière plus stable. Leur revenu disponible est supérieur, et ils ne sont plus en train de préparer leur retraite. Leurs enfants ne sont pas en mesure de fournir certaines des choses que l'on estime bonnes pour les enfants, qu'il s'agisse de l'éducation dans une école privée, de voyages ou d'une alimentation de meilleure qualité que celle qu'une mère pourrait offrir dans la situation où elle se trouve dans certains cas. Il y aurait donc tout un autre débat sur ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Est-ce la fréquentation d'une école privée? Est-ce la possibilité d'avoir des repas différents, une certaine éducation culturelle, ou quelque chose d'autre?
Voilà donc ce que je pense.
Si le projet de loi était adopté, est-il vrai que toutes les cinq parties - parce que de nombreux grands-parents sont aussi divorcés actuellement - pourraient continuer à porter plainte contre la personne ayant la garde? En théorie - car, malheureusement, nous devons envisager des situations théoriques, en pensant qu'elles pourraient se réaliser - il pourrait y avoir une nouvelle plainte chaque jour. La situation pourrait durer, et la personne ayant la garde serait obligée soit de les combattre, soit de se résigner à perdre la garde de son enfant.
Me Rivard: Est-il concevable que les six parties... Eh bien, l'une des parties a la garde...
Mme Torsney: En effet.
Me Rivard: ...il en reste donc cinq, et elles pourraient continuer à demander des modifications en vertu de ce projet de loi.
Mme Bongard: Le paragraphe 17(5) de la Loi sur le divorce stipule:
- Avant de rendre une ordonnance modificative de l'ordonnance de garde, le tribunal doit
s'assurer qu'il est survenu un changement dans les ressources, les besoins ou, d'une façon
générale, dans la situation de l'enfant à charge.
Me Rivard: Tel est l'objet de la disposition relative au droit de recours dans la loi actuelle. Maintenant, il faudrait que les grands-parents prouvent, ne serait-ce que sur leur déclaration, qu'il y a effectivement eu un changement de situation justifiant une modification de l'ordonnance de garde. S'ils ne peuvent pas le prouver, la demande n'ira pas plus loin.
Avec ce projet de loi, les grands-parents pourraient exiger la tenue d'une audience relative à la garde, qu'il y ait eu changement de situation ou non. Évidemment, leur demande serait rejetée s'il n'y avait aucun changement. Néanmoins, ils pourraient forcer le tribunal à entendre la cause.
Mme Torsney: Et c'est ce qui se passe actuellement entre les parents divorcés. Cela arrive; ils s'efforcent simplement de le dire.
Est-il possible que nous ayons cinq ou six provinces qui s'intéressent à l'accès, et que nous ayons des gens qui disent qu'ils obtiennent des droits de visite et qu'ils veulent obtenir une ordonnance dans toutes ces provinces?
Mme Bongard: En cas de divorce, on appliquerait la Loi sur le divorce dans toutes les provinces.
Mme Torsney: D'accord.
Mme Bongard: Il n'y a pas de loi provinciale régissant le divorce.
Mme Torsney: On fait donc appel à un tribunal de ressort fédéral?
Mme Bongard: Oui.
Me Rivard: Permettez-moi d'ajouter une observation. Personne ne s'oppose à ce que les grands-parents aient accès à leurs petits-enfants et vice versa. Il est plutôt question de savoir si nous avons établi un juste équilibre dans la loi actuelle. Nous croyons - et les données le confirment - que la plupart des ententes conclues par les intéressés en vertu de la disposition actuelle sont satisfaisantes. La loi prévoit que les grands-parents peuvent saisir les tribunaux si on leur refuse la garde ou l'accès, mais elle prévoit aussi des garde-fous, si vous voulez, pour éliminer les demandes injustifiées qui ne sont pas dans l'intérêt de l'enfant.
M. Ramsay: Si j'en crois les lettres que j'ai reçues de grands-parents et, bien sûr, les pétitions, la loi actuelle fait problème. Il semble qu'elle comporte des lacunes aux yeux de ceux qui se soucient du bien-être des enfants. En effet, ces derniers craignent qu'on ne fasse pas tout en notre pouvoir pour les enfants. Ces lacunes de la loi sont un obstacle, et les grands-parents veulent avoir leur mot à dire au sujet du sort réservé à leurs petits-enfants en cas de divorce.
On m'a remis ceci juste avant le début de la séance. Il s'agit d'un extrait du Code civil du Québec, et j'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet. L'article 611 stipule:
- Les père et mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles de
l'enfant avec ses grands-parents.
Me Rivard: Oui.
M. Ramsay: Pourriez-vous nous en donner votre interprétation et nous expliquer comment il s'intègre au reste du Code civil du Québec et quelle est son incidence en cas de divorce?
Me Rivard: Il est très difficile pour nous de répondre à cette question, car nous ne sommes pas des experts du Code civil du Québec. Il s'agit d'un système juridique très différent des dispositions du common law appliquées dans le reste des provinces. Le Code civil se fonde sur des énoncés plus généraux d'obligations ou de relations positives, alors que le common law met l'accent sur ce qui peut et ne peut être interdit.
Au-delà de cela, je ne peux pas vraiment faire de commentaire sur cette disposition.
Cependant, j'ajouterai ceci: cette disposition s'applique à tous les cas mettant en cause des relations familiales. Elle ne se limite pas au divorce.
M. Ramsay: Quelle est l'incidence de l'article 611 dans les cas de divorce au Québec? C'est vraiment ce que je veux savoir. L'article stipule:
- Les père et mère ne peuvent
- ...et c'est ce que doivent appliquer les tribunaux...
- sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents.
Me Rivard: À ma connaissance, on peut recourir à cet article du Code civil dans les cas où les parents sont divorcés ou non ou encore vivent en union de fait, et, dans certains cas, des grands-parents s'en sont prévalus pour obtenir ou maintenir des contacts avec leurs petits-enfants.
M. Ramsay: Il me semble - et ce n'est qu'un commentaire - que la législation québécoise a déjà agi relativement au problème au sujet duquel les gens m'écrivent et qui justifie l'amendement dont nous sommes saisis, à savoir que pour les grands-parents, c'est un droit, mais aussi un besoin vital, que d'avoir certains contacts avec leurs petits-enfants, et on souhaite que cela soit reconnu non seulement de façon informelle, mais aussi légale. Au Québec, ce droit est protégé par l'article 611.
Je souhaite qu'on me donne une interprétation plus vaste de l'incidence de cet article. Peut-être pourrions-nous demander à Mme Venne de nous en parler, ou peut-être faire comparaître des témoins du Québec si cela dépasse votre compétence.
Me Rivard: Je ne voudrais pas donner l'impression que les grands-parents n'ont pas de droits aux termes de la Loi sur le divorce. En fait, ils en ont. S'ils ne sont pas satisfaits des modalités de garde ou d'accès qui les touchent, ils peuvent demander au tribunal l'autorisation de présenter une demande d'accès ou de garde et d'après la jurisprudence, cela leur est accordé à moins qu'il s'agisse d'une demande frivole ou vexatoire. Essentiellement, dans les cas où la garde a déjà été octroyée, du moins sur la foi d'un affidavit, ils devront faire valoir que les circonstances ont changé pour permettre à la Cour d'envisager des modifications aux arrangements de garde ou d'accès.
Je pense que peu importe ce que nous fassions, cela ne sera pas idéal. Nous craignons qu'en accordant un droit absolu, on encourage des litiges ou des règlements qui ne satisfont pas vraiment les parties mais qu'elles acceptent pour éviter les coûts et les problèmes associés au recours aux tribunaux.
Vous nous avez dit que certains grands-parents n'étaient pas satisfaits de la disposition actuelle. Cela peut ou non indiquer une lacune dans la loi. Comme mon collègue l'a dit, la loi a quand même des limites. Elle ne peut forcer des personnes à s'entendre, à s'aimer ou à collaborer les unes avec les autres. Compte tenu de...
Le président: Nous dépassons notre horaire considérablement. Si vous pouviez répondre de façon plus brève et succincte...
Il nous reste à entendre M. Bélanger.
M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Nous n'avons pas de statistiques sur le nombre de grands-parents qui ont demandé l'autorisation de s'adresser aux tribunaux, mais en avons-nous sur le nombre de procédures de divorce qui se sont soldées par l'octroi de la garde aux grands-parents à titre de tierce partie? Qu'en est-il? Pouvez-vous nous donner un cas?
Mme Bongard: Parlez-vous d'accès ou de garde?
M. Bélanger: L'un ou l'autre.
Mme Bongard: Je pense que cela serait consigné dans leur registre de la Loi sur le divorce... Je n'ai pas de chiffres en tête, mais il y a probablement des statistiques concernant la garde. Je ne suis pas sûre que ce soit le cas pour l'accès car bien souvent, cela n'est pas explicitement précisé dans l'ordonannce et...
M. Bélanger: J'essaie simplement de déterminer dans quelle mesure il est difficile pour les grands-parents d'obtenir la garde ou l'accès à leurs petits-enfants en vertu de la loi actuelle. C'est la seule question que je voulais poser.
Me Rivard: Une telle situation se produit rarement, mais cela ne veut pas nécessairement dire que c'est très difficle. C'est peut-être tout simplement qu'il est très rare que les circonstances exigent que les grands-parents demandent la garde.
Mme Bongard: Je suis sûre qu'il existe dans la jurisprudence des cas où le tribunal a jugé que les deux parents naturels n'étaient pas les plus aptes à assumer cette responsabilité. En fait, quelque part dans cette pile, il y a un cas où on a accordé la garde aux grands-parents de préférence aux parents. Mais cela n'est pas...
M. Bélanger: Dans le cas en question, est-ce le tribunal qui a fait appel aux grands-parents, ou l'inverse?
Mme Bongard: Non, les tribunaux ne pressentent personne. Il faut qu'ils soient saisis d'une demande.
Si je me souviens bien, dans ce cas, l'enfant vivait avec ses grands-parents au moment du divorce.
[Français]
Mme Venne: Ce n'est pas dans l'esprit du Code civil que de donner des définitions de «parents», «grands-parents», etc. Par contre, si on lit la définition d'«affiliation», on voit que les enfants sont soit légitimes, soit illégitimes. Les enfants illégitimes n'existent plus. Il y a maintenant des enfants biologiques et de droit. Cela comprend les parents et les grands-parents.
Lorsque les représentants du Barreau du Québec viendront, demain ou après-demain, ils pourront, avec la jurisprudence, expliciter exactement ce que je dis.
Monsieur le président, je fais un aparté, mais comment se fait-il que nous n'ayons pas de conseillers juridiques ici, comme c'était le cas antérieurement? Ils auraient pu faire toutes ces démarches-là pour nous ce matin.
Vous préférerez peut-être me répondre une autre fois, mais je pense qu'il est important de le savoir.
[Traduction]
Le président: Je vais en discuter avec le greffier. Je ne pense pas que nous nous attendions à cette question sur le Code civil, mais nous avons un conseiller juridique et un attaché de recherche ici qui pourraient s'y pencher.
Nous ne pouvons pas traiter aujourd'hui des questions concernant le Code civil.
[Français]
Mme Venne: Ah, bon! D'accord.
[Traduction]
M. Regan: Êtes-vous au courant de cas où des grands-parents au Canada auraient été visés par une ordonnance alimentaire rendue au profit de leur petit-fils ou petite-fille? Alors qu'on parle normalement d'ordonnance alimentaire rendue au profit d'un enfant à charge. Cela s'est-il déjà produit au Canada, à votre connaissance?
Mme Bongard: Je ne suis pas au courant, mais je ne dis pas que ce n'est jamais arrivé. Ce serait possible en vertu de la législation provinciale. Je ne peux cependant en citer aucun cas à brûle pourpoint.
M. Regan: J'aimerais parler de la question des divers frais.
On soutient entre autres choses que la procédure prévue dans le régime actuel est très coûteuse. Ainsi une fois le divorce prononcé, quand surgissent des problèmes, les grands-parents doivent d'abord demander l'autorisation de demander la garde ou l'accès puis affronter le tribunal. J'essaie de me faire une idée de la différence que cela suppose en matière de frais.
Vous avez dit qu'il est en fait relativement simple de présenter une demande d'autorisaiton et que le tribunal de Terre-Neuve se satisfait d'un affidavit et qu'on n'a pas à se présenter à une audience et que par conséquent c'est beaucoup moins coûteux que de procéder en fait à une audience. Mais il faut quand même qu'il y ait une audience sur la question de la garde.
Il nous est difficile de savoir dans quelle mesure cela coûterait beaucoup plus ou beaucoup moins cher que ce ne serait le cas si cela avait déjà été prévu au moment du divorce. Je pense qu'il est juste de dire qu'il nous serait bien difficile de le deviner.
Me Rivard: Si je peux apporter une précision, les grands-parents pourraient demander l'autorisation de demander la garde ou l'accès au moment du divorce et cela pourrait être tranché au moment du divorce.
M. Regan: Mais ils soutiennent qu'habituellement, au moment du divorce, ils ne peuvent savoir qu'un problème va surgir quant à leur accès à leurs petits-enfants, parce qu'ils s'attendent peut-être à ce que leur enfant leur accorde cet accès et que par conséquent ils auront indirectement accès par l'intermédiaire de leur propre enfant.
Ils soutiennent donc qu'il arrive souvent qu'une fois le divorce prononcé, les problèmes commencent. Alors ils doivent demander une autorisation.
Mme Bongard: C'est sans doute ce qui se passe, mais il n'y a rien dans ce projet de loi qui réglerait justement ce problème.
M. Regan: Autrement dit, si les problèmes ne surgissent qu'après le divorce, il faut encore se soumettre à toute cette procédure, à moins que pour une raison donnée les grands-parents décident au cours des procédures de divorce qu'ils vont intervenir parce qu'ils prévoient des problèmes. Mais bien sûr ils peuvent déjà le faire.
Mme Bongard: Comme je l'ai indiqué, il existe peut-être un moyen d'action pour les grands-parents qui pensent au moment du divorce qu'ils devraient intervenir dans le litige pour obtenir une ordonnance en prévision de problèmes qui pourraient se présenter plus tard.
M. Regan: Mais vous dites qu'il y a déjà un tel moyen action.
Mme Bongard: L'autorisation en constitue un et les nouvelles dispositions faciliteraient encore plus les choses. C'est une des raisons pour lesquelles il n'y a pas vraiment beaucoup de cas qui aboutissent devant les tribunaux. Mais cela pourrait donner l'idée à des grands-parents d'épuiser les moyens à leur disposition afin d'obtenir une ordonnance en prévision de difficultés futures.
M. Regan: Il semblerait donc...
Mme Bongard: C'est possible. Comme l'a indiqué mon collègue, cela pourrait également exercer une pression suffisante pour qu'au cours des négociations on s'entende sur certaines choses, la menace de litiges motivant les parties à s'entendre. C'est difficile à prédire, et cela dépendrait au fond de chaque situation familiale.
M. Regan: Mais cela étant dit, il semblerait que la seule différence en matière de frais correspondrait aux frais qui sont liés à l'autorisation de présenter une demande, c'est-à-dire les honoraires d'avocat et les frais pour l'affidavit et la demande à présenter au tribunal, et ainsi de suite.
Me Rivard: Je ne pense pas qu'on puisse dire cela, étant donné encore une fois que la plupart des divorces sont réglés entre les parties, et cela pourrait en fait compliquer les règlements de divorce à l'amiable, puisque les parents auraient à se méfier ou à traiter directement avec les grands-parents qui veulent intervenir. Cela pourrait en fait imposer des frais supplémentaires aux parties qui parviennent à s'entendre à l'amiable.
M. Regan: Merci.
M. Ramsay: Cette semaine nous allons entendre des témoins du Québec et des grands-parents vont aussi comparaître, si bien que je réserve mes questions.
Bien sûr, ce qui m'intéresse et me préoccupe c'est ceci: si ce genre de mesures législatives est appliqué au Québec ou dans d'autres provinces, je veux savoir s'il y a effectivement lieu de s'inquiéter au sujet d'éventuelles demandes vexatoires et frivoles ou s'il s'agit simplement d'un scénario sans rapport aucun avec la réalité.
Je n'ai pas d'autres questions pour ces témoins.
Le président: Nous recevrons également l'Association du Barreau canadien, et espérons qu'ils auront des réponses à nous fournir à ce sujet.
Je suis sûr que d'autres questions surgiront et peut-être communiquerons-nous avec vous à ce sujet. Merci beaucoup d'avoir comparu devant le comité.
La séance est suspendue. Nous allons entendre les témoins suivants dans cinq minutes.