[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Il est l'heure, je crois, de reprendre nos travaux. Nous avons pris une pause qui a certainement duré cinq bonnes minutes.
Ce matin, à nouveau en rapport avec le projet de loi C-232, nous accueillons Nancy Wooldridge, présidente et fondatrice de Canadian Grandparents Rights Association. Elle est accompagnée de la députée Daphne Jennings, qui a déposé le projet de loi.
Mme Wooldridge commencera par faire son exposé, après quoi nous lui poserons des questions. Madame, vous avez la parole.
Mme Nancy Wooldridge (présidente et fondatrice, Canadian Grandparents Rights Association): Je vous remercie, monsieur le président.
Vous avez déjà reçu, je crois, les lettres et tout le reste de la documentation. Elles nous serviront de point de départ. Auparavant, toutefois, j'aimerais faire certaines réflexions.
La première concerne la lettre de Steven Andrew, de l'Association du Barreau canadien. Je tiens à préciser que M. Andrew ne représente qu'un cercle restreint de dix personnes environ. Il ne parle pas au nom de l'association. En fait, la lettre qu'il a fait parvenir à M. Allmand a été examinée. Il le sait, car on lui a écrit à ce sujet. Je crois que vous avez vu cette lettre la dernière fois que j'étais ici. Des avocats de la Colombie-Britannique qui ont épousé notre cause jugent que M. Andrew tient un raisonnement erroné. Des lettres à cet effet vous ont été remises.
Je commencerai par vous parler un peu de Grandparents Rights Association. Je dispose de 15 minutes, je crois. Il faudra donc faire vite.
Le président: Vous pouvez prendre tout le temps qu'il vous faut.
Mme Wooldridge: Je vous remercie.
Le président: Vous pouvez prendre plus de 15 minutes. La seule conséquence, c'est que nous disposerons de moins de temps pour les questions et réponses.
Mme Wooldridge: J'ai formé cette association en 1984. En 1986, elle a été constituée sous le régime des lois provinciales et, en 1990, sous le régime de la loi fédérale.
En 1985, notre petit groupe a réussi à faire changer la Loi sur le divorce. Depuis lors, un tiers parti peut demander le droit d'accès et de visite, ainsi que la garde des enfants issus d'un mariage éclaté. Ce fut la première étape franchie en vue de protéger nos enfants, de voir à leurs intérêts.
Il est dans le meilleur intérêt des enfants de pouvoir voir leur famille étendue, qu'il s'agisse des grands-parents, des oncles et tantes et des autres. Désormais, nous avions donc une protection, mais il nous fallait obtenir l'autorisation du tribunal. J'ajoute que l'Association du Barreau canadien est bien consciente de la présence de cette disposition dans la Loi sur le divorce, même si elle oublie très souvent de le préciser à des profanes comme moi. On ne dit pas aux grands-parents, au moment du divorce, de la séparation, du décès, etc., de leur enfant, qu'ils jouissent de pareil droit. Ils doivent donc retourner devant le juge et présenter une autre demande. Cela peut leur coûter de 30 000 à50 000 $ et, croyez-moi, pour être déjà passée par là, je sais de quoi je parle.
Les grands-parents n'ont pas toujours autant d'argent à leur disposition. En fait, la majorité d'entre eux ne l'ont pas. Bien sûr, il en existe quelques-uns qui sont riches. Personnellement, je ne le suis pas. La cause m'a coûté très cher. C'est pourquoi j'ai formé cette association, car il existe d'autres personnes qui ont besoin d'aide. C'est ce que nous tentons d'éviter, le coût de la procédure pour obtenir l'autorisation de voir nos petits-enfants. Il devrait s'agir d'un droit, non pas d'un privilège.
Pour en revenir à notre association, au début, elle comptait 30 membres. Elle en compte maintenant des milliers un peu partout au Canada. Elle est affiliée aux 50 États des États-Unis où la loi confère aux grands-parents un droit analogue à celui que nous réclamons ici. L'Angleterre a adopté une loi en ce sens il n'y a pas tellement longtemps. En 1994, le Nouveau-Brunswick a aussi adopté une loi analogue et Halifax s'apprête à le faire.
Le meilleur intérêt de nos petits-enfants nous dicte d'inclure une telle disposition dans la Loi sur le divorce - ce que je demande au nom de tous les grands-parents et petits-enfants. Concentrons-nous là-dessus. La loi ne doit pas répondre aux besoins des avocats ou des grands-parents, mais à ceux des enfants; elle doit protéger leurs droits héréditaires et leur assurer la stabilité et l'amour inconditionnel de même que le soutien financier que nous pouvons leur donner.
Il s'agit d'un projet de loi très important auquel nous travaillons depuis six ans. Je ne comprends pas pourquoi le Parlement refuse de l'adopter, puisqu'il en a déjà débattu en 1986, lorsque la Loi sur le divorce a été modifiée. Nous ne demandons pas la lune. Nous demandons simplement le droit d'être informés d'un divorce et des mesures prises pour obtenir la garde ou des droits de visite.
J'ai si souvent pris la parole au sujet de ce projet de loi que je ne puis comprendre... La plupart d'entre nous ici ont l'âge d'être grands-parents ou presque. Jusqu'à ce que vous ayez réellement vécu l'expérience d'être grand-mère, de survivre à un cancer comme je l'ai fait et de voir grandir vos petits-enfants, de survivre à la mort de votre conjoint, à la mort de votre mère, en somme de survivre à tout cela, vous ne pourrez savoir ce que c'est que de n'avoir pour seule raison de vivre que ses petits-enfants. C'est tout ce qui me reste maintenant. Ils sont merveilleux, mais j'ai dû me battre pour les avoir.
Je suis maintenant arrière-grand-mère. Je remercie le ciel de m'avoir laissé vivre assez longtemps pour le devenir. Je mourrai peut-être demain ou dans six semaines, ou peut-être vivrai-je jusqu'à 90 ans. Qui sait? Mais si vous n'êtes pas vous-même grand- parent, vous n'êtes pas à même de juger de la situation.
Des milliers de pétitions ont été envoyées au cours de la dernière année. Je vous en prie : tenez-en compte, car nous représentons le pouvoir gris. Ces pétitionnaires ne sont pas heureux de voir que nous n'obtenons pas ce qu'il nous faut pour protéger nos enfants.
Le problème est très répandu au Canada, à cause des drogues, de l'alcool et des abus commis. En effet, les actes de cruauté mentale, les sévices et les abus sexuels sont très répandus chez nos jeunes aujourd'hui. Si cela est possible, nous essayons de sortir ces enfants de ces situations.
Croyez-moi : nul d'entre nous ne souhaite vraiment recommencer à élever des enfants, mais nous vivons plus vieux, nous sommes en meilleure santé et nous connaissons les problèmes auxquels ils font face. Nous tentons d'empêcher nos petits-enfants de répéter les erreurs de leurs parents.
Je n'ai pas avec moi les données statistiques pour l'ensemble du Canada, malheureusement - je n'avais pas le temps de les réunir - mais, en Colombie-Britannique uniquement, on a dénombré4 400 divorces en 1994. Les trois quarts de ces divorces donnent lieu à des demandes d'ordonnance de garde. Pas un seul juge, ni un seul avocat n'a demandé s'il existait des tiers dans ces causes. Habituellement, ce sont les grands-parents paternels qui sont coupés de leurs petits-enfants. Il a donc fallu que nous retournions devant les tribunaux. Nous avons dû reprendre toute la lutte, qui nous a coûté très cher. Cependant, si vous modifiez la loi, nous aurons alors le droit de nous faire entendre devant les tribunaux.
Oui, il y a environ cinq millions de grands-parents aujourd'hui qui élèvent leurs petits-enfants en Amérique du Nord, d'après les données statistiques dont je dispose. Il existe à Vancouver, en Colombie-Britannique, un organisme appelé Grandparents Raising Grandchildren : à lui seul, il représente probablement 22 grands-parents de la région de Vancouver qui élèvent leurs petits-enfants.
Ce n'est pas ce que nous voulons, mais ce que nous devons faire. Nous ne voulons pas que nos enfants se retrouvent dans des foyers nourriciers. Nous ne voulons pas qu'on les envoie vivre chez des inconnus, parce que, d'après les données statistiques dont nous disposons, lorsqu'on les force à vivre avec des inconnus ou qu'on les éloigne de leur famille étendue, ils se retrouvent dans la rue, à consommer de la drogue et de l'alcool, à se prostituer et à commettre des crimes.
Je vis à Ladner, en Colombie-Britannique, soit dans la région de Delta. L'an dernier, j'ai passé toute l'année au tribunal de la jeunesse et au tribunal de la famille où j'agissais en tant qu'amicus curiae. Les enfants qui entraient dans la salle... Nous avons effectué un petite recherche auprès de ceux qui comparaissaient. Bon nombre d'entre eux venaient de la région de Delta. Après l'audience, nous leur avons demandé s'ils avaient des grands-parents, des oncles ou des tantes. «Oh oui, nous ont-ils répondu, mais nous ne pouvons les voir.» «Pourquoi?» «Ma mère ne veut pas. Mes parents se querellent. Ils se chicanent au sujet de ceci et de cela.»
Voilà pourquoi ces enfants se trouvent dans la rue, aujourd'hui. Nous pourrions prévenir une grande partie de ces crimes si nous pouvions jouer notre rôle de grands-parents, car nous enseignerions à ces enfants le bien et le mal. Les parents n'en ont pas le temps, aujourd'hui. Nous savons tous que les enfants, du moins bon nombre d'entre eux, n'ont plus de respect pour autrui. Ils sont là, dans la rue, à se battre entre gangs, à tuer, et ainsi de suite. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous pouvons les aider, si l'on nous en donne la chance.
Le fait que nous soyons écartés... les enfants croient que nous les avons abandonnés, que nous ne les aimons pas, parce qu'on leur a farci la tête d'idées fausses. En fait, nous sommes probablement un point de repère depuis leur naissance. Nous représentons la meilleure ressource dont disposent les parents.
S'il y a des disputes et des querelles au sein de la famille, on peut les surmonter. On peut toujours faire appel aux services de médiation. Mais nous avons constaté que le plus souvent... l'an dernier, en Colombie-Britannique, 87 grands-parents ont réussi à obtenir l'accès à leurs petits-enfants ou la garde de ceux-ci.
La plupart de ces grands-parents contribuent financièrement à élever les petits-enfants, ou ils en prennent soin de toute façon, s'ils n'en ont pas la garde. Ils payent les leçons de piano, les études, les collèges privés, etc., et ils payent les leçons d'équitation, de danse, et ainsi de suite. Ils soulagent les parents d'un grand stress financier.
Nous disions donc que 87 causes portées devant les tribunaux ont été jugées en faveur des grands-parents en 1984. La plupart d'entre elles - vous n'avez pas les données statistiques à cet égard, mais, moi, je les ai parce que notre association peut les obtenir : les tribunaux ne les publient pas. Ces causes ne font pas toutes l'objet d'une publication. Certaines sont entendues par le tribunal de la famille. Même celles portées devant la Cour suprême ne sont pas toujours publiées. Il est difficile pour les avocats ici présents d'obtenir une grande partie de ces données, mais s'ils les désirent, je puis les leur fournir. Je les ai.
La principale question concerne le droit d'accès et de visite. La garde des enfants est une autre paire de manches. Elle devrait pourtant figurer dans le projet de loi, car il arrive que les deux parents meurent et que les enfants se retrouvent orphelins. Je vous donne un exemple.
Un grand-parent a demandé la garde de ses quatre petits- enfants en invoquant qu'ils étaient constamment battus par la mère et le père. Le père est actuellement en prison. Il a presque tué sa fille. Cette cause a été portée devant les tribunaux et publiée; les journaux en ont même parlé. La mère allait constamment à la salle de bingo, elle consommait des drogues et de l'alcool, elle trompait son mari, elle sortait sans rentrer le soir, laissant les enfants seuls. En fin de compte, les parents se sont séparés. La mère a eu la garde des enfants, mais elle a continué de les laisser seuls à la maison, jusqu'à ce qu'un voisin se plaigne.
On a ensuite communiqué avec les grands-parents. Heureusement, le voisin les connaissait.
Il a fallu plus d'un an aux grands-parents pour obtenir la garde de ces enfants afin de les protéger, parce que le ministère les avait pris en charge et les avait placés en foyer nourricier. Les enfants étaient dans quatre foyers différents. Ces deux filles et deux garçons croyaient ne pas être aimés. Ils pleuraient tout le temps, ils criaient, ils réclamaient leur grand-mère. Ils voulaient voir leurs frères et soeurs. Nul ne les a écoutés. Tout cela se passait il y a deux ans.
La jeune fille s'appelait Crystal. Je peux la nommer car elle est très fière. Elle m'a envoyé des photos. Elle m'a remis des photos prises par les policiers à l'hôpital après qu'elle a été battue. Cette petite fille - elle n'a que 11 ans - est très mûre pour son âge. Son père l'avait tellement battue qu'elle en était méconnaissable. Au bout d'un an, ses grands-parents ont pu, après un procès très coûteux, obtenir la garde de leurs petits-enfants, qui furent ainsi réunis.
Voilà pourquoi nous luttons. Nous désirons avoir accès à nos petits-enfants, avoir le droit de les visiter et, au besoin, en avoir la garde. Il arrive que nous devions faire des démarches pour en obtenir la garde en raison de la consommation de drogues et d'alcool des parents. Le problème n'est pas unique au Canada, il est mondial. Aux États-Unis, 50 États ont adopté une loi du genre. Je ne peux pas comprendre pourquoi le Canada s'y oppose. Je suis contente que les 50 États aient cette loi.
Ma mère, canadienne, habitait aux États-Unis, alors que ses petits-enfants, arrière-petits-enfants et arrière-arrière-petits- enfants vivaient ici. Des Canadiens ont des petits-enfants aux États-Unis. Nous avons des petits-enfants partout dans le monde.
L'Angleterre a reconnu le phénomène. Pourquoi ne pouvons-nous pas avoir une loi comme celle de l'Angleterre? Nous avons vécu sous le régime de lois britanniques pendant de nombreuses années; nous devrions avoir la même loi. Les seuls qui refusent de faire face à la réalité sont les membres de notre gouvernement fédéral. Il faudrait que cela change. La vie de beaucoup de Canadiens en est perturbée, entre autres de bien des enfants.
Les grands-parents ne souhaitent pas vraiment élever leurs petits-enfants. Ils préféreraient les voir, s'amuser avec eux et les emmener au cinéma ou au parc. Ils ne tiennent pas vraiment à leur moucher le nez et à refaire toutes ces autres choses qu'ils ont faites plus jeunes, lorsqu'ils étaient eux-mêmes des parents. Il le faut pourtant, en raison du monde dans lequel nous vivons. Aucun d'entre vous ici présents, à moins que vous ne compreniez, n'est conscient de la réalité jusqu'à ce qu'il se retrouve dans une situation comme la mienne. Je vais plus loin que les avocats. Je me mets dans la peau des enfants et de leurs grands-parents. Je vois ce qui se passe. Vous ne savez pas ce qu'est la réalité.
Vous entrez ici, vous vous asseyez et vous écoutez les témoins; puis, vous sortez et retournez à la maison. La vraie vie est très laide. Comme le sait tout Canadien qui lit un tant soit peu les journaux, il y a beaucoup de toxicomanie, d'alcoolisme et d'abus sexuels dans les familles. Des milliers de grands-parents nous le disent chaque année. Des grands-parents assis ici dans cette salle, derrière moi, le savent aussi. Notre association est affiliée à tous les regroupements de grands-parents d'Amérique du Nord et d'Europe. C'est un mouvement mondial qu'il faut prendre très au sérieux.
Si cette disposition n'est pas incluse dans le projet de loi à l'étude, la nouvelle loi ne nous aidera pas, ni nous ni vos enfants futurs. Nous aimerions pouvoir protéger nos enfants futurs. Un jour, nous serons, nous aussi, grands-parents. Nous voulons que cette loi soit adoptée pour que nos petits-enfants sachent que nous sommes à leur disposition et pour qu'un parent ayant la garde des enfants ne puisse dire, après le divorce, que l'ex-conjoint ne vaut rien et qu'on ne veut plus voir les grands-parents.
On ne divorce pas de ses enfants. On ne divorce pas de ses petits-enfants. Et les petits-enfants ne divorcent pas des grands- parents.
Les grands-parents sont si présents dans la vie de leurs petits-enfants dès la naissance que des liens affectifs très spéciaux se sont formés. Je l'ai moi-même vécu. Lorsque cela m'est arrivé, je me suis rendu compte que mes petits-enfants étaient l'amour de ma vie et qu'ils m'aimaient. Subitement, le nouveau beau-père a décrété que je ne les verrais plus, que je n'étais plus leur grand-mère. C'est plus fréquent que vous croyez.
Pour épargner au nouveau conjoint d'avoir à dire aux parents de l'ex-conjoint qu'ils ne peuvent plus voir leurs petits-enfants, inscrivons les droits dans la loi d'abord. Protégeons d'abord les enfants. C'est très important.
Pour ce qui est de mes petits-enfants, j'ai dû dépenser des milliers et des milliers de dollars de leur héritage, mais j'ai porté ma cause devant les tribunaux et j'ai établi un précédent au Canada. J'en suis très heureuse, mais un précédent vaut ce qu'il vaut. Il faut en faire une loi. Il faut que ce soit obligatoire.
La même chose pourrait vous arriver. On ne sait jamais à quel moment. On ne peut jamais prédire l'avenir de nos enfants lorsqu'ils se marient. Il est extrêmement difficile, après avoir embrassé son petit-fils à la naissance, d'imaginer que, dans cinq ans, on vous interdira d'être son grand-parent.
Ces enfants sont de notre sang et font partie de notre famille. On ne peut renier les liens du sang. On peut changer de nom, envoyer l'enfant loin ou le cacher quelque part pour l'empêcher de voir ses grands-parents et lui dire qu'ils sont méchants, mais on ne peut nier les liens du sang. Ces enfants doivent connaître leurs origines. Ils ont besoin de cette stabilité et de cet amour inconditionnel, et il faut que nous soyons là s'ils ont besoin de nous.
J'ai une petite-fille qui vient de me donner un arrière-petit- fils en mai. À l'âge de 13 ans, elle est venue me voir et m'a dit : «Grand-mère, je sais que tu t'es battue devant le juge pour moi. Je suis heureuse que tu l'aies fait. Je t'aime tant.» Elle a ensuite ajouté :«Le fait que tu sois allée en cour et que tu te sois battue pour moi me prouve à quel point tu m'aimes, grand-mère.» Et moi de répliquer : «Oui, et s'il le fallait, je recommencerais». S'il le fallait.
Je crois que vous avez copie de la lettre de M. Culhane, de MacQuarrie Hobkirk. M. Culhane fait partie de notre conseil d'administration; c'est un avocat chevronné dont la société, très honnête, a accepté de se battre pour notre cause en Colombie- Britannique. Je veux parler aussi de Sheila Keat, de Campbell, Froh, May & Rice - je ne sais pas si vous avez copie de sa lettre; elle est également grand-mère.
M. Culhane est grand-père. Il a élevé cinq petits-enfants et a obtenu la garde de son petit-fils uniquement après être venu à l'une de nos réunions pour nous demander comment il devait procéder. Il a déclaré qu'après sa retraite, qu'il devrait prendre sous peu, il continuera à se battre pour notre cause jusqu'à ce que nous obtenions l'adoption de cette loi.
La majorité des avocats de Colombie-Britannique souhaitent l'adoption de cette loi, car il n'est pas vraiment nécessaire de saisir la justice de telles causes. Nous nous battons au sujet d'êtres humains; nous ne sommes pas des biens meubles, ni non plus des articles de bagage. Ce sont des êtres humains qui sont en cause et nous voulons servir les meilleurs intérêts de nos enfants. L'être humain en question est notre enfant.
En C.-B., la plupart des avocats - et je peux affirmer que telle est la réalité - ne veulent pas que ce genre de causes arrivent devant les tribunaux, tout comme les juges d'ailleurs. Ils souhaiteraient plutôt que ces problèmes soient réglés, ainsi que nous le demandons maintenant, de manière qu'au moment d'un divorce ou d'une séparation, nous puissions conserver nos droits d'accès et de visite.
Si au bout du compte quelque chose arrive à l'un des deux parents ou au deux, nous pourrions éventuellement demander à avoir la garde de l'enfant. Nous n'y tenons pas vraiment, mais maintenant, une disposition le prévoit - demander la garde. Nous avons en fait besoin des droits d'accès et de visite, car il importe véritablement de préserver la cellule familiale.
L'année dernière a été désignée Année internationale de la famille et le gouvernement fédéral m'a envoyé une magnifique plaque en reconnaissance du travail que j'ai accompli pour faciliter les retrouvailles de ces familles. Au moment de l'examen de ce projet de loi parrainé par Mme Jennings, j'avais espéré qu'il aurait pu être adopté au cours de l'Année internationale de la famille; cela n'a malheureusement pas été le cas; nous espérons qu'il sera adopté maintenant.
Je n'insisterai jamais assez sur l'importance - il vous suffit d'aller voir ce qui se passe véritablement à l'extérieur et de rencontrer des gens et des enfants - de sauvegarder l'unité de nos cellules familiales. Si nous ne nous occupons pas de ces enfants, la situation générale ne fera qu'empirer.
Le président: Madame Wooldridge, je suis sûr que vous attendez des questions des députés.
Mme Wooldridge : Effectivement.
Le président: Avant de céder la parole à Mme Venne, pour 10 minutes, j'aimerais vous poser simplement une question. Vous indiquez que 87 personnes ont présenté une demande et ont obtenu le droit d'accès ou la garde, en C.-B.
Mme Wooldridge : Oui.
Le président: Je comprends que cela s'est fait en vertu de la loi actuelle de C.-B. qui traite de l'accès et également en vertu de la Loi sur le divorce relative à la garde, ou de la loi provinciale visant les droits de garde. Pouvez-vous simplement nous dire brièvement comment ce projet de loi modifierait la situation? Comment améliorerait-il la situation telle qu'elle existe actuellement en C.-B. où 87 personnes ont obtenu les droits d'accès ou de garde?
Mme Wooldridge : En tant que grands-parents, nous serions immédiatement avertis d'un divorce ou d'une séparation posant un problème de garde. Lorsque quelqu'un demande le divorce ou la garde, ce serait aux avocats ou aux juges qu'incomberait la responsabilité de demander si un tiers est intéressé. Il serait obligatoire de nous avertir. Nous pourrions alors nous joindre à l'action en divorce, nous faire représenter par l'avocat en même temps et simplement demander au juge de continuer à avoir des droits d'accès et de visite, à moins qu'il ne soit autrement prouvé que les grands-parents ne sont pas aptes - c'est le cas de certains, j'imagine. Ce serait alors aux parents de justifier pourquoi ils ne veulent pas que les grands-parents voient leurs petits-enfants.
[Français]
Le président: Madame Venne.
Mme Venne (Saint-Hubert): Vous avez mentionné à plusieurs reprises que nous, les députés, vivions sur une autre planète. Vous avez parlé du vrai monde à l'extérieur. J'aimerais vous faire remarquer que, malgré tout, nous avons une vie privée et allons fréquemment à l'extérieur du comité.
J'aimerais aussi vous dire que dans le Toronto Star du 20 septembre, on parle de la fameuse lettre de la section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien dont on dit:
[Traduction]
«Selon l'association, ce projet de loi n'avantagera en rien les enfants que Mme Jennings cherche à protéger».
[Français]
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Ne pensez-vous pas que c'est l'intérêt des grands-parents qu'on protège dans ce projet de loi plutôt que celui des enfants?
[Traduction]
Mme Wooldridge: Madame Venne, nous ne pouvons pas parler pour nos enfants et nous ne le faisons pas. Les petits-enfants n'ont pas voix au chapitre, surtout lorsqu'ils ont deux ou trois ans, cinq ou six ans. Ils peuvent dire à leur mère ou à leur père qu'ils veulent voir leurs grands-parents, mais si la mère ou le père refuse, ils ne peuvent rien faire. Nous allons donc être le porte-parole de nos petits-enfants. Nous devons adopter l'appellation «Canadian Grandparents Rights Association». Je comprends ce que les représentants du Barreau veulent dire - J'ai lu l'avis et j'ai également leur lettre ici - mais ils se trompent.
Des avocats chevronnés qui se sont occupés de beaucoup de ces causes ne sont pas du même avis. Certains des avocats qui sont peut-être dans cette pièce et qui ont pris la parole sont jeunes et il se peut fort bien qu'ils n'aient jamais eu à s'occuper de beaucoup de causes mettant en jeu des grands-parents ou de beaucoup de causes de divorce. Pour répondre à votre question, ce projet de loi permettra de protéger nos petits-enfants, car ils connaîtront leurs racines et la stabilité. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi est nécessaire.
[Français]
Mme Venne: Comme le disait plus tôt M. Bodnar, en procédant par requête, les grands-parents peuvent actuellement faire partie du litige.
Ne croyez-vous pas que le projet de loi C-232 est superflu et risque d'engorger un système qui est déjà surchargé?
[Traduction]
Mme Wooldridge: Le système a fait ses preuves et nous avons également des statistiques; il suffit de lire la lettre de M. Culhane. C'est lui qui a fait toute cette recherche. Aux États- Unis, il n'y a pas eu de procès supplémentaire dans 50 États depuis la mise en place d'un tel système; la même chose peut se dire de l'Angleterre ou du Nouveau-Brunswick. Cela n'engorgera pas le système.
Cela nous permet de faire savoir à nos enfants - non pas à nos petits-enfants - qui divorcent que nous pouvons agir pour continuer à avoir des droits de visite et d'accès. Cela n'engorgera pas les tribunaux.
A l'heure actuelle, les tribunaux sont engorgés, puisque nous devons présenter notre demande après coup, ce qui est très coûteux, ainsi que je le disais plus tôt. Nous devons aller au tribunal après le divorce. Si ce projet de loi est adopté, nous serons en mesure d'agir.
Comme le disait M. Ramsay, c'est le Code civil du Québec qui nous a incités à agir; en effet, lorsque je faisais de la recherche à la bibliothèque du droit il y a de nombreuses années, j'ai lu divers articles et j'ai appris qu'une disposition relative à de tels droits existait au Québec. Cette clause est très distincte, tout comme la belle province. À un moment donné, nous avons essayé de l'appliquer dans chaque province à l'échelle nationale. Alors qu'il était parlementaire, M. Stan Wilbee a parlé en notre nom, mais bien d'autres choses se passaient à ce moment-là - des référendums, etc. - et cela a simplement été mis en veilleuse. En fait, cela a été repoussé à deux reprises.
Des milliers de grands-parents dans notre pays et beaucoup d'avocats et de médiateurs de la profession pensent que si nous obtenions cette autorisation à ce moment-là, beaucoup de procès seraient évités, ainsi que beaucoup de souffrances. Les personnes âgées ne devraient pas avoir à aller au tribunal pour la première fois de leur vie pour défendre l'intérêt de leurs petits-enfants. Rendons-nous à l'évidence; c'est grâce à nous qu'ils sont là. Nous avons donné naissance à nos enfants pour qu'eux-mêmes puissent avoir des enfants. Il est inutile pour nous d'aller au tribunal pour nous battre pour des êtres humains. C'est insensé, c'est ridicule.
[Français]
Mme Venne: Ne croyez-vous pas que les grands-parents d'enfants divorcés vont avoir plus de droits que les grands-parents de familles non divorcées? De la façon dont la loi est rédigée, comme on l'a déjà mentionné antérieurement, les grands-parents dont les enfants sont divorcés auront droit à des renseignements auxquels les autres n'auront pas droit.
[Traduction]
Mme Wooldridge: Madame, les autres grands-parents ne sont pas touchés, la famille est intacte. Ils vont de toute façon avoir ces renseignements.
[Français]
Mme Venne: Pas nécessairement.
[Traduction]
Mme Wooldridge: Pas nécessairement?
Mme Venne: Non.
Mme Wooldridge: À mon avis, ils peuvent probablement aller au tribunal s'ils ne disposent pas de ces renseignements. J'ai gagné sur ce point au tribunal. Le juge m'a donné le droit d'être informée du bien-être de mes petits-enfants à tout moment et de connaître leur numéro de téléphone ainsi que leur adresse. Pour lui, c'était très important.
Aujourd'hui mon petit-fils fête son 21e anniversaire; je suis ici au lieu de fêter avec lui; demain, c'est mon anniversaire. Mon petit-fils souffre d'épilepsie à cause de son deuxième père qui l'a brutalisé et traumatisé. Dieu merci, le juge m'a accordé le droit de savoir où se trouvait cet enfant et d'être informée de sa santé, de ses études et de son bien-être, parce que je suis en mesure de l'aider. Je l'aide par l'amour que je lui porte ainsi que grâce à mes capacités financières. Il a perdu son grand-père, mais cela ne pose pas de problème, car j'agis comme lui-même l'aurait fait.
Dieu merci, le juge m'a accordé ce droit, parce que tant que je vivrai, mes deux petits-enfants seront protégés; je serai toujours à côté d'eux. Beaucoup de grands-parents souhaitent pouvoir le faire. Comme je le disais, c'est un droit, et non un privilège, que d'être en mesure de voir ses petits-enfants. Si la famille n'est pas intacte ou s'il y a des querelles ou des disputes, c'est à elle de régler le problème.
J'aimerais également signaler que par suite des 87 cas que nous avons connus l'an dernier, j'ai reçu 87 lettres, 87 photos de petits-enfants et 87 dessins qui sont affichés aux murs de mon bureau. Ces enfants me remercient d'avoir aidé leurs grands-mères et leurs grands-pères à pouvoir revenir dans leur vie. Tous ces témoignages se trouvent dans mon bureau et vous pouvez venir les admirer. Mes murs en sont recouverts, car nous avons réussi à réunir ces familles. Il me faudrait un plus grand bureau.
Mais je ne peux pas continuer ainsi. Je me sens prendre de l'âge et je suis fatiguée; il me faudra bientôt prendre ma retraite. Je tiens à ce que ce projet de loi soit adopté de manière à protéger tous les intéressés et à pouvoir passer à autre chose.
Sur ces 87 grands-parents, je sais que pour près de 60 d'entre eux, les parents ayant la garde ont fait amende honorable. C'est merveilleux, car ils ne se battent plus, ils ne sont plus malheureux et cela les a de nouveau réunis. C'est le jeune enfant coincé au milieu qui a ramené le bonheur d'autrefois. Dans certains de ces cas, le père et la mère sont devenus amis, grâce aux grands- parents et au petit-enfant. Il faut cependant que cette loi soit adoptée de manière que nous puissions être informés et obtenir ainsi les droits d'accès et de visite. La garde est une autre affaire.
Le président: Lorsqu'une question est posée, le témoin pourrait-il simplement s'attacher à y répondre. Cela compte dans le temps limité dont disposent les députés. Le fait de s'écarter du sujet ne permet pas aux députés d'obtenir les réponses aux questions qu'ils posent.
Madame Venne, vous disposez encore d'une minute, si vous voulez.
[Français]
Mme Venne: Je voudrais simplement dire à madame que la loi actuelle a déjà été bien utilisée. Évidemment, elle n'est pas d'accord, car on n'est pas sur la même longueur d'ondes là-dessus. Je lui laisse son point de vue mais, malheureusement, je ne peux pas le partager. Merci.
[Traduction]
M. Ramsay (Crowfoot): Merci pour votre exposé d'aujourd'hui.
Étiez-vous présente ce matin lorsque les représentants du ministère de la Justice ont témoigné?
Mme Wooldridge: Oui.
M. Ramsay: Les avez-vous entendus déclarer que l'adoption de ce projet de loi pourrait avoir des conséquences fort perturbatrices?
Mme Wooldridge: Oui.
M. Ramsay: Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
Mme Wooldridge: Pour l'instant, nous pourrions profiter de l'autorisation du tribunal et je ne pense pas qu'il y aurait de perturbations au sein de la famille ou des tribunaux. À mon avis, cela permettrait de résoudre beaucoup de problèmes. Cela ne devrait pas être présenté devant la justice. Cette loi est importante.
M. Ramsay: Comment permettrait-elle d'atteindre ces objectifs?
Mme Wooldridge: Par exemple, si je divorçais, ma mère en serait avertie. Je pourrais vivre dans une autre région du pays et elle pourrait être une grand-mère éloignée, ou je pourrais vivre tout près. Elle serait informée du fait qu'il y aurait une audience de divorce et de garde. Certains enfants attendent la dernière minute pour dire à leurs parents qu'ils divorcent. Cela me donnerait le droit d'aller au tribunal au moment de l'audience de garde afin de conserver mon droit d'accès, sans avoir à intenter de poursuites coûteuses. C'est ce qui se produit actuellement et c'est ce que cette loi permettra d'empêcher.
J'ai participé à de nombreuses causes judiciaires et j'ai entendu des juges dire qu'elles ne devraient même pas être présentées au tribunal de la famille ou à la Cour suprême. Pourquoi ne pouvez-vous pas régler le problème vous-même? Non... c'est impossible.
M. Ramsay: Dans la majorité des cas que vous avez connus au tribunal, les grands-parents demandent-ils simplement les droits d'accès et de visite, ou demandent-ils les droits de garde?
Mme Wooldridge: Ils ne demandent pas la garde au moment du divorce. Nous avons demandé les droits d'accès et de visite lorsqu'un divorce a été prononcé et nous avons dû le faire après coup.
Monsieur Ramsay, aucun grand-parent ne tient véritablement à élever ses petits-enfants; nous sommes tous passés par là. Cela ne s'impose qu'en cas d'abus sexuels, de violence physique, de brutalité ou d'abus de drogue et d'alcool, et lorsque la mère et le père ne sont pas capables de s'occuper des enfants. Ce n'est que dans ces cas-là que vous intervenez véritablement et non pas en cas d'action en divorce.
M. Ramsay: Avez-vous des statistiques? Dans quel pourcentage de ces cas, les grands-parents ont-ils obtenu gain de cause après avoir présenté une demande d'autorisation pour obtenir le droit de garde, par rapport à ceux qui ont simplement demandé à obtenir le droit de visite?
Mme Wooldridge: Dans tous les cas dont nous nous sommes occupés au fil des ans, la majorité d'entre eux ne portaient que sur les droits de visite.
M. Ramsay: Quelle est l'importance de cette «majorité»?
Mme Wooldridge: D'après les statistiques, il y a eu l'an passé 87 cas en Colombie-Britannique seulement. Je dirais que probablement 90 p. 100 de ces cas ne portaient que sur les droits de visite et d'accès.
M. Ramsay: Vous avez également entendu ce matin comment les témoins du ministère de la Justice ont décrit ce qui pourrait se produire dans des cas extrêmes. Si une qualité pour agir dans le cadre d'une instance en divorce était accordée, on pourrait se retrouver dans le genre de situation extrême où six parties pourraient présenter une telle demande. C'est bien ce qui a été dit?
Mme Wooldridge: Oui. En fait, les grands-parents maternels de mes petits-enfants m'ont appuyée au tribunal. Nous avions deux couples de grands-parents qui devaient aller au tribunal pour obtenir les droits d'accès ou de visite; mais il est très rare que six couples de grands-parents se présentent au tribunal. Je pense avoir entendu parler de trois cas, depuis 1984 - je suis l'un d'eux - où deux couples de grands-parents sont allés ensemble au tribunal.
À Squamish (C.-B.), nous avons le cas de deux grands-parents, maternel et paternel; la mère et le père de leurs petits-enfants ont été tués dans un accident. Ils ont dû aller au tribunal - ils ont obtenu la garde conjointe - car ils ne voulaient pas que leurs petits-enfants soient placés en famille d'accueil.
Telle n'est pas la question qui se pose ici cependant. La question qui se pose est celle des droits d'accès et de visite.
Dans ses documents, M. Culhane indique qu'il est juste et approprié de reconnaître officiellement les grands-parents. Après tout, nous sommes - j'ai été élevée de cette manière - les anciens de la famille qu'il faut toujours respecter.
M. Ramsay: D'accord. Vous comprenez que l'on puisse s'inquiéter à propos d'éventuelles demandes superficielles et contrariantes présentées par certains grands-parents. Il y aurait également, j'imagine, des cas où certains grands-parents ne mériteraient pas -
Mme Wooldridge: Oui.
M. Ramsay: - d'obtenir le droit de garde, voire même le droit de visite. Connaissez-vous de tels cas où ces genres de grands-parents ont tenté d'obtenir des droits de visite ou de garde?
Mme Wooldridge: Non. Je sais que des fausses accusations ont été portées contre des grands-parents qui ont dû aller au tribunal pour prouver leur innocence. Une fois que le tribunal a déclaré leur innocence, ils reviennent demander les droits d'accès et de visite.
Sur les milliers de grands-parents que je connais, je n'en ai jamais rencontrés qui, tout en étant des agresseurs, ont demandé au tribunal le droit d'accès.
M. Ramsay: Puis-je vous poser la question suivante qui sera ma dernière question? Dans certaines provinces, la loi actuelle permet à des tribunaux de prendre ces décisions. D'après votre expérience, les juges prennent-ils des décisions judicieuses lorsqu'ils sont saisis des faits? Lorsque la demande d'autorisation est accordée, pensez-vous que les décisions qui sont prises sont justes et servent les meilleurs intérêts de l'enfant?
Mme Wooldridge: Non, pas toujours. Cela dépend du juge lui- même, du genre de journée qu'il a eu, de son âge, de son expérience. S'il a lui-même des problèmes, non, les décisions ne sont pas toujours...
J'ai dit que nous avions eu 87 cas; ce sont ceux qui ont obtenu gain de cause. Nous avions probablement près de 200 cas que les tribunaux ont rejetés. Nous avons dû revenir à plusieurs reprises.
M. Ramsay: Pourquoi?
Mme Wooldridge: Parce que les juges trouvaient que ce n'était pas... Ils ne veulent pas -
M. Ramsay: S'agissait-il des droits d'accès et de visite?
Mme Wooldridge: D'accès.
M. Ramsay: Par conséquent, sur 287 cas, il y en avait environ 200 dans lesquels le juge estimait que les grands-parents ne devraient pas -
Mme Wooldridge: Ai-je dit 200? J'aurais dû dire 100.
M. Ramsay: Donc, dans plus de 50 p. 100 des cas, les tribunaux ont déclaré que les grands-parents ne devaient pas avoir de droits de visite ou d'accès.
Mme Wooldridge: Non, non. Les tribunaux ont laissé cette décision à la discrétion des parents, en espérant qu'ils arriveraient à s'entendre.
Il ne s'agissait d'ailleurs pas toujours de divorces. Il y avait toutes sortes de situations : unions de fait, décès, remariages, arrestations et ainsi de suite.
M. Ramsay: Laissez-moi vous poser une question. À votre avis, les grands-parents devraient-ils se voir accorder par la loi le droit d'accès auprès de leurs petits-enfants, maintenant, avant un divorce?
Mme Wooldridge: Oui.
M. Ramsay: Mais ce droit n'est pas prévu par la loi.
Mme Wooldridge: Non. Ce droit existe au Québec mais pas ici.
M. Ramsay: D'accord.
Mme Wooldridge: Monsieur Ramsay, je tiens à vous remercier car vous venez de poser une question très intéressante et importante. C'est un droit, et non un privilège de voir nos petits- enfants et que ceux-ci puissent nous voir.
M. Ramsay: J'aimerais vous poser une dernière question.
Il y a quatre enfants dans ma famille. Les grands-parents des deux côtés sont toujours vivants. Ma mère est toujours vivante.
Mme Wooldridge: C'est merveilleux.
M. Ramsay: Les parents de mon épouse sont toujours vivants. Bien entendu, leurs petits-enfants sont toute leur vie. Ils veulent les voir tout le temps et ils se plaignent quand ils ne les voient pas.
S'ils commençaient à vouloir s'ingérer dans l'éducation de nos enfants, que ce soit sur le plan religieux ou culturel, je voudrais avoir le droit de dire que c'est ainsi que je veux élever mes enfants. Je veux pouvoir leur dire de se mêler de leurs affaires. Ne devrais-je pas avoir le droit de mettre le holà à ce genre d'agissements?
Mme Wooldridge: Oui, vous avez effectivement ce droit mais je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de grands-parents qui agissent ainsi. Il ne nous reste pas tant de temps que cela, monsieur Ramsay, et habituellement en ce qui concerne les valeurs spirituelles ou religieuses, nous les avons inculquées à nos enfants pour qu'ils les transmettent à nos petits-enfants. Il existe de rares cas où les grands-parents se mêlent de ce qui ne les regarde pas mais habituellement ils se font rabrouer.
M. Ramsay: Oui, mais c'est la situation à l'heure actuelle. La loi ne leur permet pas d'agir ainsi. Mais si la loi leur accorde ce droit, quelle garantie ai-je contre de tels agissements de la part des grands-parents de mes enfants?
Mme Wooldridge: Monsieur, tout ce que nous demandons, ce sont des droits d'accès et de visite. C'est tout. Nous ne demandons pas la permission de nous ingérer dans les affaires de nos enfants.
M. Ramsay: D'accord, je vous remercie.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
J'aimerais ajouter un mot à ce que vient de dire Mme Venne. Non seulement avons-nous - je parle ici des députés - une vie privée et fait bien d'autres choses avant d'arriver ici mais nous rencontrons également beaucoup de gens dans nos circonscriptions. Certains d'entre eux vivent des situations semblables à celles dont vous parlez. Donc en fait, nous ne vivons pas sur une autre planète, ignorants de ce qui se passe dans le monde.
J'ai parcouru ce projet de loi assez attentivement. Je pensais que nous - je veux dire les grands-parents - serions automatiquement avisés. Je suis sûre que j'ai dû manquer cette partie du projet de loi où l'on dit que les grands-parents seraient avisés du moment de l'audience du divorce.
Mme Daphne Jennings, députée (Mission - Coquitlam): Le droit d'intervenir devant le tribunal signifie que vous seriez avisés. C'est l'objet du projet de loi. Il modifie la Loi sur le divorce.
Mme Phinney: Par conséquent, tous ceux qui sont nommés dans le projet de loi devraient être avisés.
Mme Jennings: Les grands-parents. N'oubliez pas, il s'agit uniquement des grands-parents.
Le président: J'ai vérifié cette question auprès du conseiller juridique. Selon le conseiller juridique, - elle peut me corriger si je me trompe - le droit d'intervenir devant le tribunal vous permet de présenter une demande mais ne vous donne pas le droit d'être avisé. L'avis ne fait pas partie des conditions du droit d'intervention.
Mme Jennings : Je crois comprendre, après avoir étudié cet aspect avec le conseiller juridique sur la Colline, que c'est exactement l'objet du projet de loi - aviser les grands-parents. C'est l'objet du projet de loi.
Le président: C'est peut-être l'objet du projet de loi mais ce n'est pas ainsi qu'il fonctionne. Le droit d'intervention ne signifie pas le droit de recevoir un avis. Croyez-moi, madame Jennings, c'est ainsi.
Mme Jennings : C'est peut-être ainsi mais je devrais vérifier la chose auprès du conseiller juridique.
Le président: Peut-être le devriez-vous.
Mme Jennings : Nous avons discuté de l'objet du projet de loi avec le conseiller juridique. Il a été présenté quatre fois au Parlement. Je dois me fier au conseiller juridique de la Colline.
Mme Phinney : Donc, vous voulez que cela soit prévu par le projet de loi si ce n'est pas déjà le cas? Est-ce que vous voulez que l'avis soit automatique?
Mme Wooldridge : Oui, l'avis devrait être automatique.
Mme Jennings : Si tel est le cas, effectivement, un amendement pourrait alors être apporté. Comme nous l'avons déjà précisé, nous étions plus que disposés à abandonner l'article du projet de loi prévoyant la communication automatique de renseignements relatifs à la santé et au bien-être de l'enfant, dont nous avons discuté plus tôt. Ces deux dispositions pourraient être amendées.
Mme Phinney : J'ai une autre question à poser au sujet des 87 cas dont vous avez parlé. J'aimerais savoir en vertu de quelle loi ils sont portés devant les tribunaux. S'agit-il de la Loi sur le divorce ou d'une loi sur la protection de l'enfance?
Mme Wooldridge : Ces cas relèveraient du tribunal de la famille, de la Cour suprême, de la Loi sur le divorce, de dispositions concernant la séparation, l'arrestation.
Mme Phinney : Est-ce que ces cas relèveraient de la Loi sur la protection de l'enfance?
Mme Wooldridge : Non.
Mme Phinney : Relèveraient-ils tous de la Loi fédérale sur le divorce?
Mme Wooldridge : Lorsqu'un tiers peut présenter une demande d'accès et de visite, oui.
Mme Phinney : Par conséquent ces 87 cas relèvent tous de la loi fédérale.
Mme Wooldridge : Ils ne relèvent pas toujours de la loi fédérale. Ils pourraient relever de la loi provinciale aussi, du tribunal de la famille.
Mme Phinney : Savez-vous combien de ces 87 cas relèveraient de la Loi sur le divorce et combien relèveraient d'une loi sur la protection de l'enfance ou d'une loi provinciale?
Mme Wooldridge : Non. Je n'ai pas les chiffres avec moi. Je les obtiendrai mais je ne les ai pas pour l'instant. Je dirais que ce serait probablement environ la moitié.
Mme Phinney : Vous parlez de beaucoup de choses en plus de l'accès, comme de la garde, qui ne relèvent pas de la Loi sur le divorce. C'est pourquoi je m'interroge.
Donc, peut-être que la moitié d'entre eux relèveraient de la Loi sur le divorce?
Mme Wooldridge : Peut-être la moitié oui, à mon avis.
Mme Phinney : Puis-je donner le reste de mon temps à M. Gallaway?
Le président: Vous avez la parole, monsieur Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton) : Je voulais en savoir un peu plus à propos des faits comme vous les avez appelés, puisqu'une bonne partie des témoignages que nous avons entendus ici ce matin sont anecdotiques. Il s'agit d'exemples ou de cas particuliers dont vous avez eu connaissance.
Vous avez indiqué que c'est effectivement ce que prévoit la loi dans d'autres pays. Vous avez mentionné l'Angleterre. Vous avez mentionné 50 États américains. Quelle preuve avez-vous pour appuyer votre affirmation selon laquelle c'est ce qui est prévu par la loi dans ces autres administrations? Et quelles différences existe-t-il entre la loi que nous sommes en train d'examiner et les lois en général dans ces 51 autres administrations?
Mme Wooldridge : Avez-vous la lettre de MacQuarrie Hobkirk?
M. Gallaway : Oui.
Mme Wooldridge : Tous ces renseignements se trouvent dans cette lettre.
M. Gallaway : D'accord. Ce serait votre réponse.
Mme Wooldridge : Oui.
Mme Jennings : M. Culhane est un avocat en exercice et il traite de ces cas chaque jour. Voici la lettre qu'il a adressée au comité de la Justice pour lui indiquer qu'effectivement c'est le cas aux États-Unis et qu'il n'y a pas d'autres litiges à ce sujet.
M. Gallaway : Comment par conséquent les lois américaines diffèrent-elles de celle que vous proposez?
Mme Wooldridge : Elles sont très semblables. Elles diffèrent d'un État à l'autre mais elles sont très semblables. À l'endos de ma brochure, nous déclarons - et nous devons avoir des faits pour appuyer cette déclaration - «Cinquante États américains possèdent maintenant une législation semblable».
M. Gallaway: Dans ces États américains, les grands-parents sont-ils avisés de l'action en divorce?
Mme Wooldridge: Non. Dans certains cas oui, mais pas dans tous les États. La situation varie d'un État à l'autre.
M. Gallaway: Dans ces États américains, les grands-parents ont-ils le droit de demander la garde?
Mme Wooldridge: Non, pas en vertu de leurs lois; uniquement le droit d'accès et de visite. La garde est une question distincte.
M. Gallaway: En ce qui concerne la Grande-Bretagne, s'agit-il uniquement de droits d'accès et de visite?
Mme Wooldridge: Barbara L. Baird, une avocate du Nouveau- Brunswick, a fait quelques déclarations à ce sujet, mais -
M. Gallaway: D'accord, je ne m'en ferai pas à ce sujet. Nous pourrions peut-être passer à autre chose.
Pouvez-vous me dire quand la loi britannique a été adoptée?
Mme Wooldridge: Non, elle n'indique pas quand cette loi a été adoptée mais elle dit :
- Ce document examinera certains modèles législatifs en vigueur dans notre pays ainsi qu'aux
États-Unis et en Grande-Bretagne. Il présentera également des exemples de jurisprudence
récente qui indiquent comment certains tribunaux envisagent la question et enfin il proposera
des changements d'ordre législatif.
M. Gallaway: Très bien.
Êtes-vous au courant - et je parle maintenant de preuve empirique - d'études qui ont été faites aux États-Unis et qui indiquent que l'adoption de cette loi a entraîné des changements au niveau du type de litiges qui se produisent au moment d'un divorce? En d'autres mots, a-t-on constaté l'intervention d'un plus grand nombre de grands-parents, la durée des causes en moyenne a-t-elle augmenté, etc.?
Mme Wooldridge: Je n'ai aucune donnée là-dessus.
M. Gallaway: D'accord, donc c'est strictement en fonction de cette lettre que nous -
Mme Wooldridge: Oui, il s'occupe de la plupart... Il y a plusieurs avocats au sein de notre conseil, qui s'occupent de la cause des petits-enfants. Ils croient aux droits des enfants à avoir une famille étendue. Ils ont des faits qui proviennent surtout de leurs dossiers et comme certains sont confidentiels, ils ne peuvent pas tous me les communiquer.
M. Gallaway: Je comprends.
Vous avez parlé d'avocats et de juges chevronnés. Que considérez-vous être la difficulté, si je puis dire, au niveau des juges chevronnés ou pas, en ce qui concerne l'application de la disposition actuelle prévoyant qu'un grand-parent peut demander une autorisation.
Mme Wooldridge: Je constate la différence lorsque j'accompagne l'un de nos membres devant les tribunaux et je les accompagne pratiquement tout le temps pour les aider. Je m'assois auprès d'eux, je les guide. Je constate la différence entre un avocat ou un juge chevronné et ceux qui sont plus jeunes. Ils n'ont pas éprouvé ce que nous ressentons lorsque nous devenons grands- parents. Les juges et les avocats chevronnés - la plupart d'entre eux sont des grands-parents ou sont sur le point de l'être ou espèrent le devenir. C'est là où se situe la différence. Les avocats et les juges chevronnés sont plus compréhensifs. Ils ont plus à coeur l'intérêt de l'enfant et ne voient pas uniquement le côté monétaire. Est-ce que vous comprenez ce que je veux dire?
M. Gallaway: Par conséquent, vous recommandez que si quelqu'un présente une demande au tribunal, il serait préférable que le juge qui siège soit un grand-parent.
Mme Wooldridge: Ah oui, c'est ce que je souhaiterais.
M. Gallaway: Un juge qui préférablement n'est pas divorcé.
Mme Wooldridge: Exactement. Comme il y a eu 4 400 divorces en Colombie-Britannique l'année dernière, je suis sûre que certains juges sont divorcés aussi.
M. Gallaway: Là où je veux en venir -
Mme Wooldridge: Nous ne pouvons pas choisir nos juges.
M. Gallaway: Non.
Mme Wooldridge: Nous pouvons choisir nos avocats mais pas nos juges.
M. Gallaway: Certains avocats essaient de choisir les juges, mais -
Le président: Merci, monsieur Gallaway.
En ce qui concerne la lettre que vous mentionnez, je me demande si vous pouvez la remettre au greffier pour qu'il en fasse une photocopie et la fasse circuler.
Mme Wooldridge: Oui.
M. Ramsay: De quelle lettre parlez-vous?
Le président: Elle faisait allusion à certaines lois, y compris -
Mme Jennings: Il s'agit d'une lettre de Barbara Baird, une avocate spécialisée en droit de la famille au Nouveau-Brunswick qui s'occupe constamment de ce genre de cas.
Le président: Pouvez-vous remettre cette lettre au greffier?
Mme Wooldridge: Oui.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Monsieur le président, j'aimerais simplement faire une remarque. Que ce soit dans cette lettre ou ailleurs - si cette lettre renferme des références cela sera certainement plus facile. Mais il doit exister un certain système nous permettant d'obtenir un exemplaire de ces 50 autres lois et des lois britanniques et de constater en quoi elles diffèrent des nôtres. Il est impossible qu'aucune des études faites par le système judiciaire américain ne renferme de renseignements qui pourraient nous aider.
Le président: Les attachés de recherche de la division du droit pourraient peut-être examiner ces questions et nous fournir des précisions à cet égard.
Mme Torsney: Ça ressemble à une double négation, mais -
Mme Jennings: Je pourrais peut-être apporter quelques précisions. J'ai effectivement communiqué avec deux avocats des États-Unis. Ils m'ont informée que les lois varient d'un État à l'autre. Il est donc très difficile d'obtenir des statistiques cohérentes. Cela leur est impossible à l'heure actuelle. C'est la principale raison d'être d'une loi fédérale, c'est-à-dire éviter de devoir être aux prises avec toutes sortes d'interprétations différentes.
Le président: [Difficulté technique - Éditeur]... et nous continuerons. Comme il n'y a aucun représentant du Bloc, nous passerons à M. Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Merci, monsieur le président.
Le président: Cinq minutes.
M. Regan: Je n'ai qu'une question.
Madame Wooldridge, vous avez parlé d'un cas où il y avait quatre enfants. D'après ce que vous avez dit, mon impression est que les deux parents maltraitaient leurs enfants dans ce cas, par conséquent ils n'étaient pas divorcés. Est-ce exact?
Mme Wooldridge: Ils sont divorcés maintenant.
M. Regan: Ils le sont maintenant mais à l'époque ils ne l'étaient pas.
Mme Wooldridge: Ils étaient en train de se séparer.
M. Regan: Si des parents maltraitent leurs enfants mais ne divorcent pas, ce projet de loi ne leur serait d'aucune aide, n'est-ce pas?
Mme Wooldridge: C'est un cas où il faudrait quand même demander l'autorisation du tribunal.
M. Regan: Selon l'ancien régime.
Mme Wooldridge: Oui, selon l'ancien régime.
M. Regan: Cela dépend de la législation provinciale, je suppose.
Mme Wooldridge: Oui.
M. Regan: C'est tout ce que j'avais à demander, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Regan.
Monsieur Ramsay, vous avez cinq minutes.
M. Ramsay: Oui, j'aimerais faire une remarque à propos d'une autre question.
Lorsque vous parlez de ce qui se passe dans la vraie vie en ce qui concerne la garde et les grands-parents et ainsi de suite, c'est une situation que je n'ai pas vécue moi-même. Les commentaires que vous avez faits à cet égard m'ont piqué au vif. Je comprends ce que vous dites et bien que j'aie des grands-parents et que mes enfants aient des grands-parents et que nous ayons ce genre de relations interpersonnelles, je n'ai pas vécu ce dont vous avez parlé ou ce dont je pensais que vous parliez lorsque vous avez déclaré que nous siégeons ici et écoutons des témoins qui ont vécu certaines de ces choses. Je n'ai pas vécu cela. Je tenais simplement à faire cette observation et à ce qu'elle soit versée au compte rendu.
Mme Wooldridge: Je vous remercie.
M. Ramsay: Et je pense ne pas être le seul de cet avis. Oui, nous vivons dans la réalité mais nous n'avons pas vécu toutes ces expériences. Je tenais simplement à faire cette observation.
Mme Wooldridge: Je n'ai pas dit cela pour me moquer, monsieur Ramsay. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut être là pour voir la situation telle que moi je la vois. J'assiste aux audiences des tribunaux. Je vois ce qui se passe avec ces grands-parents et je vois les petits-enfants qui courent dans la salle du tribunal en criant «Grand-maman, grand-maman, grand-maman, je veux te voir». C'est ça la réalité.
M. Ramsay: J'appuierai ce projet de loi, avec des amendements si des amendements sont proposés. Je me demande s'il recevra un appui suffisant de notre comité et de la Chambre mais quoi qu'il en soit, j'appuierai ce projet de loi avec des amendements, quels qu'ils soient. Mais ce que je sais, c'est que si nous voulons protéger nos enfants contre le genre de choses qui se passent dans la société aujourd'hui -
Mme Wooldridge: Dans la vraie vie.
M. Ramsay: - nous devons obtenir le point de vue non seulement des grands-parents, mais de la famille étendue, qui comprend les cousins, les oncles et les tantes.
Je tiens à vous remercier pour votre exposé et aussi pour l'amour et l'intérêt que vous portez, grâce à vos efforts, à cette question, aux enfants, à vos petits-enfants et aux miens. Je vous en remercie.
Le président: Merci, monsieur Ramsay.
Madame Torsney.
Mme Torsney: Comme je suis sans doute la plus jeune ici, je me sens obligée de faire un commentaire au sujet de «l'expérience», à savoir si elle permet de voir la situation sous l'angle qui convient ou sous un angle différent. Je n'ai pas d'enfants. Toutefois, j'ai des parents et j'ai eu des grands-parents. J'ai aussi beaucoup d'amis et d'électeurs qui ont vécu cette expérience, que ce soit à titre d'enfants ou de petits-enfants du divorce ou à titre de parents en instance de divorce.
Si nous posons certaines de ces questions, c'est parce que nous ne pouvons pas uniquement tenir compte de votre situation ou de la mienne; nous devons tenir compte des diverses possibilités et élaborer la meilleure loi possible. Les témoins qui comparaissent devant nous se sentent parfois frustrés, comme nous d'ailleurs, par notre manque d'expérience et par le fait que certaines décisions sont difficiles à prendre.
Croyez-vous qu'il serait utile... ? Comme il y a déjà des provinces qui ont des lois différentes, et comme les grands-parents disposent déjà d'un droit d'intervention, croyez-vous que les choses seraient plus simples si les grands-parents étaient conscients des droits que leur confèrent les lois actuelles, s'ils avaient accès à des programmes ou des brochures d'information, de sorte qu'au moment de vous adresser aux tribunaux pour obtenir un divorce, vous auriez en main la liste des facteurs dont il faut tenir compte?
Mme Wooldridge: Merci, madame Torsney. Nous fournirons cette brochure si la loi est adoptée. Nous distribuerons une des brochures que nous utilisons pour recueillir des fonds pour informer les grands-parents de leurs droits.
Mme Torsney: Mais ils ont le -
Mme Wooldridge: On ne les informe pas de leurs droits. Lorsque vous voulez divorcer, vous vous adressez à un avocat. J'aimerais savoir combien d'avocats demandent s'il y a une tierce partie intéressée. Ils ne posent pas cette question. Nous devons le faire après le fait accompli.
Permettez-moi de vous l'expliquer autrement. Dans le cas d'un parent qui demande la garde d'un enfant, cette exigence serait incluse dans la loi, c'est-à-dire la Loi sur le divorce. Le juge ou les avocats, s'ils s'occupent du dossier hors cours, demanderaient s'il y a une tierce partie. Cette exigence serait précisée dans la loi.
Mme Torsney: Ils pourraient demander s'il y a une tierce partie, mais ils ne sont pas obligés de faire des recherches en ce sens. Les tierces parties doivent se manifester elles-mêmes. Je pourrais être visé par une affaire, avoir des droits dans une affaire qui est devant les tribunaux, dans n'importe quelle région du Canada, sans le savoir. Voilà où je veux en venir.
Il existe actuellement des lois qui peuvent aider les grands- parents. Ceux-ci doivent en être informés, parce que la plupart savent que leurs enfants ou leurs petits-enfants sont au centre d'une procédure de divorce. La plupart le savent.
Si, par l'entremise de l'Association canadienne des individus retraités ou des journalistes qui suivent les délibérations d'aujourd'hui, on informait les grands-parents de leurs droits actuels, ne croyez-vous pas que cela contribuerait grandement à régler les problèmes qui existent à l'heure actuelle?
Mme Wooldridge: Oui. En fait, ce serait merveilleux si l'on pouvait les informer de leurs droits. Ils peuvent demander la garde de leurs petits-enfants et obtenir des droits de visite en Colombie-Britannique, mais pas dans toutes les autres provinces. Pour cela, ils doivent entreprendre des procédures coûteuses. Cela coûte trop cher. Comme je l'ai déjà dit, certaines procédures peuvent entraîner des dépenses allant jusqu'à 50 000 dollars, 60 000 dollars et même plus.
Mme Torsney: Plus le divorce est acrimonieux, plus il coûte cher.
Mme Wooldridge: Oui, mais c'est après le fait, madame.
Mme Torsney: La plupart des grands-parents avec qui vous vous êtes entretenus se sont dits insatisfaits de l'accès qu'ils ont obtenu. C'est pour cette raison qu'ils ont présenté une requête. Est-ce que cela était évident au moment du divorce, est-ce que la plupart des problèmes se sont manifestés par la suite, ou est-ce qu'ils s'en sont rendu compte plus tard?
Est-ce aujourd'hui que vous vous rendez compte que vos enfants divorcent et que vous ne pourrez pas avoir accès aux enfants? Ou est-ce un an plus tard, lorsque vous dites, écoutez, voilà un an que je demande à voir mon petit-enfant et personne ne m'en donne le droit - dans lequel cas il existe des dispositions qui leur accordent actuellement un droit d'accès?
Mme Wooldridge: Madame Torsney, cela peut se produire à n'importe quel moment. Je ne peux pas vraiment vous fournir de chiffres. Cela se produit au moment du divorce, avant le divorce, au moment de la séparation et aussi après le divorce. Cela peut se produire à tout moment. Le problème, c'est que nous ne savons pas à quel moment précis cette situation risque de se produire. Mais si cette disposition est incluse dans la loi et qu'elle est appliquée au moment du divorce, le droit d'accès sera garanti. Il ne sera pas nécessaire d'entreprendre d'autres poursuites, de sorte que les intérêts de l'enfant sont protégés.
Mme Torsney: Puis-je vous fournir une dernière statistique?
À l'heure actuelle, 70 à 80 p. 100 des enfants au Canada et en Amérique du Nord vivent au sein de familles biparentales, de sorte qu'il est question ici d'accorder des droits spéciaux aux 20 p. 100 qui restent. Ceux qui ont leurs deux parents, qui vivent au sein de familles intactes, n'auraient pas... Je n'aurais pas le droit de voir mes grands-parents et vice versa, sauf si mes parents divorcent. Donc, on se trouverait à donner plus de droits -
Mme Wooldridge: Voulez-vous dire si vos parents se disputent et que vous ne pouvez pas voir vos grands-parents?
Mme Torsney: Oui, se disputent avec mes grands-parents.
Mme Wooldridge: Oui, c'est exact. Nous constatons dans bien des cas que les choses finissent par se régler après un certain temps et que les enfants peuvent faire valoir leurs droits.
Mme Torsney: Mais cela n'est pas précisé dans la loi.
Mme Wooldridge: Non, mais nous ne pouvons pas -
Le président: Merci, madame Wooldridge. Ce fut un plaisir de vous entendre ce matin.
Il n'y a pas d'autres intervenants sur ma liste.
M. Ramsay: Rappel au règlement. Je me demande si le comité ne pourrait pas convoquerM. Culhane. Il a soulevé de nombreux points qui, à certains égards, réfutent les arguments avancés par les représentants du ministère de la Justice, arguments qui, à mon avis, étaient valables.
Le président: Bien que le comité de direction ait établi la liste des témoins, je me demande si nous aborderons cette question à la prochaine réunion du comité.
Nous examinerons cet après-midi le rapport du comité de direction; nous soulèverons la question à ce moment-là.
M. Ramsay: D'accord.
Le président: Merci, monsieur Ramsay.
Mme Jennings: J'aimerais remercier tous les membres du comité.
Le président: Merci, madame Jennings.
La séance est levée.