[Enregistrement électronique]
Le mardi 7 novembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous allons examiner aujourd'hui le projet de loi C-78.
Aujourd'hui, nous recevons des représentants de la Gendarmerie royale du Canada. Je crois savoir que leur exposé sera très bref pour que nous puissions consacrer la plupart du temps aux questions.
Le commissaire adjoint J.T.G. Ryan (directeur, Application des lois fédérales, Gendarmerie royale du Canada): Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous ce matin.
Je n'ai pas préparé de texte, car je sais que vous aimeriez m'interroger au sujet d'un certain nombre de questions qui ont été soulevées au cours de vos audiences. Je suis certainement prêt à répondre à vos questions ou à essayer d'y répondre.
Je suis responsable du Programme de protection des témoins à l'échelon du commissaire adjoint depuis 1993, en ma qualité de directeur de la police des drogues. En janvier 1995, à la suite d'une réorganisation, la police des drogues a été intégrée à la direction de l'application des lois fédérales. J'en suis devenu le directeur, et je suis toujours chargé du Programme de protection des témoins.
Je suis tout à fait favorable au projet de loi C-78. J'estime qu'il s'agit d'une mesure législative très importante pour rehausser la visibilité du Programme de protection des témoins et pour rendre transparentes les procédures du programme.
Je crois savoir qu'il y a eu beaucoup de discussions concernant l'article 19, qui prévoit l'immunité judiciaire des policiers pour tout acte commis de bonne foi. Je suis très partisan de cet article. Nous jugeons qu'il est très important de donner aux policiers la protection nécessaire pour leur permettre d'accomplir certains actes en vertu de la loi sans craindre des poursuites.
Il faut pouvoir prendre, de bonne foi, une décision pour admettre quelqu'un au programme, l'en retirer, relocaliser quelqu'un et changer ou ne pas changer son nom. Ce sont des décisions très difficiles qu'il faut parfois prendre très rapidement, mais il faut qu'elles soient prises. Il ne faut pas que les policiers craignent constamment des actions civiles à cause de mesures qu'ils auront prises dans le cadre de l'application de la loi.
Je crois comprendre également que si un policier fait preuve de négligence grave, ou dépasse ses fonctions en ce qui a trait au bénéficiaire du programme ou sa famille, l'article 19 n'accorde pas d'immunité judiciaire aux policiers. Dans de tels cas, nous, les policiers, seront tenus responsables de nos actes, ce qui est normal.
Cela dit, je sais qu'il y a plusieurs autres questions dont vous aimeriez discuter. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
Do you have any questions, monsieur Langlois?
M. Langlois (Bellechasse): Nous sommes au premier tour de dix minutes?
Le président: Oui.
M. Langlois: Voudriez-vous commencer par donner la parole à M. Ramsay? Nous le suivrons.
Le président: Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Je vous remercie tous les deux d'être venus et de votre exposé.
Vous avez dit que vous étiez favorable au projet de loi, surtout à l'article 19. Il va sans dire que les membres de notre caucus appuient l'orientation globale du projet de loi. Certains des témoins que nous avons entendus ont soulevé des inquiétudes importantes au sujet du projet de loi, et j'aimerais vous poser rapidement certaines questions à ce sujet.
Scott Newark, cadre administratif de l'Association canadienne des policiers nous a dit dans une lettre:
- Cependant, nous sommes très troublés de constater que la responsabilité
- ..c'est-à-dire la responsabilité d'admettre un témoin au programme...
- relève exclusivement de la GRC, avec un contrôle externe indépendant qui est totalement
insuffisant. De plus, chose déplorable, il n'y a pas d'examen par un tiers des décisions prises par
le commissaire qui ont une incidence sur les policiers. Les conséquences de cette lacune que
présente le programme de protection des témoins et des informateurs seront désastreuses.
M. Swadron, qui représente des témoins qui ont eu des problèmes dans le cadre de ces programmes, est venu témoigner aussi. Il a parlé du programme de la GRC, en sus des 15 autres programmes semblables qui existent dans toutes les régions du pays. Il a dit que le projet de loi protège les policiers plutôt que les témoins.
Avez-vous des remarques à faire au sujet de ces préoccupations dont on nous a parlé?
Comm. adj. Ryan: Il est normal que l'on soulève ces préoccupations. À mon avis, le projet de loi ne vise certainement pas la protection des policiers, mais plutôt la transparence. Le projet de loi tient compte des attentes des policiers en ce qui concerne les bénéficiaires et leur famille. Il prévoit également certaines procédures qui font appel à la Commission des plaintes du public contre la GRC. De plus, comme je l'ai déjà dit, l'article 19 précise que nos décisions doivent être prises de bonne foi. Si ce n'est pas le cas, nous ferons l'objet d'actions civiles, comme il se doit.
Donc, je pense que le projet de loi protège considérablement les policiers, pourvu qu'ils agissent de bonne foi. D'un autre côté, le projet de loi rend le processus plus visible et plus sujet à examen. De plus, la Gendarmerie relève du Solliciteur général qui, à son tour, relève du Parlement. Le projet de loi prévoit le dépôt d'un rapport annuel, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.
M. Ramsay: Et les représentants de l'Association canadienne des policiers et M. Swadron s'inquiètent de l'absence de contrôle ou d'examens extra-muros des décisions prises par le commissaire concernant l'admission d'un témoin au programme ou son retrait du programme. Avez-vous des commentaires à nous faire à cet égard?
Comm. adj. Ryan: Il y a un processus selon lequel il faut informer le bénéficiaire par écrit si l'on décide de ne pas admettre quelqu'un au programme ou bien de l'en retirer. Donc, ces décisions doivent être rendues par écrit en vertu du projet de loi, ce qui n'était pas forcément le cas auparavant. Tout dépendait des circonstances. Il s'agit donc d'un nouvel élément.
Je répète que le recours à la Commission des plaintes du public permet aux particuliers de se plaindre s'ils le veulent. Mais si le policier prend la décision concernant l'admission du témoin au programme en toute bonne foi, selon toutes les preuves dont il dispose, dans ce cas, je pense que...
Nous sommes tous appelés à prendre des décisions tous les jours, qu'il s'agisse du programme de protection des témoins ou d'autres responsabilités.
Il existe un processus pour ceux qui veulent loger des plaintes. Je pense que les processus prévus sont suffisants.
M. Ramsay: Donc, contrairement à d'autres témoins, vous ne pensez pas que les décisions du commissaire devraient être réexaminées par une tierce partie, ou que ces décisions devraient être prises par quelqu'un d'autre?
Comm. adj. Ryan: Je trouve acceptable le processus prévu par le projet de loi.
Le projet de loi stipule que les décisions doivent être prises soit par un titulaire du grade de commissaire adjoint, soit, la plupart du temps, par un surintendant principal. Il existe, au sein de la GRC, un processus qui permet un réexamen très indépendant de ces décisions, d'abord par un sous-commissaire et ensuite par le commissaire.
Les décisions quotidiennes seront prises par un officier titulaire du grade de surintendant principal ou de commissaire adjoint, ce qui permet l'examen de ces décisions par d'autres catégories d'officiers au sein de la GRC. De plus, comme je l'ai déjà dit, les bénéficiaires et ceux qui aimeraient l'être ont d'autres recours pour se plaindre du programme ou du traitement qu'ils ont reçu.
M. Ramsay: J'aimerais aborder une autre question soulevée par les témoins qui ont comparu devant ce comité au nom de l'organisme Victims of Violence. Ils ont exprimé des préoccupations très graves quant au programme actuel de protection des témoins de la GRC. Selon leur mémoire - et vous avez peut-être un exemplaire de ce mémoire, ils disent, à la page 4:
- Les membres de ce comité connaissent sans doute aucun Clifford Olson et ses activités
criminelles horribles. Cependant, quelques députés ignorent peut-être que M. Olson était
également un informateur de la GRC. En l'occurrence, il ne s'agit pas de l'entente conclue avec
M. Olson prévoyant qu'il divulgue l'emplacement des cadavres contre une somme d'argent,
mais plutôt du rapport qui existait avant et pendant le meurtre de onze enfants.
- C'est ce qui nous préoccupe à propos des informateurs qui font partie de ce programme.
Alors j'aimerais savoir si la GRC intervient ou est déjà intervenu pour faire approuver la libération conditionnelle de quelqu'un ou si votre organisme compte parmi les bénéficiaires du programme un informateur qui a commis des délits et qui continue à faire partie de ce programme?
Comm. adj. Ryan: Je ne vais pas vous parler de cas précis, mais simplement en termes généraux.
Quant à votre question de savoir si on intervient pour obtenir la libération conditionnelle d'un informateur ou pour faire toute autre chose de ce genre, je peux vous dire que cela dépend des circonstances propres à chaque cas et de votre définition du terme «intervenir».
Si, par exemple, quelqu'un en libération conditionnelle nous fournissait beaucoup d'aide lors d'une enquête criminelle, on pourrait discuter de ses activités auprès du responsable de la Commission. Mais il incombe toujours à cette dernière de prendre la décision finale. Il faut s'asseoir et examiner tous les faits et il faut tenir compte du genre de délit qui fait l'objet de l'enquête et ensuite prendre les décisions quant au déroulement de cette enquête.
Quant au bénéficiaire du programme qui commet des actes criminels, il va sans dire qu'on aimerait que cela ne se produise pas. Cependant, l'objectif primordial du programme est de protéger la vie, et si nous apprenons qu'un bénéficiaire a commis des actes criminels, nous devons ensuite prendre des décisions difficiles. Devrions-nous permettre à cette personne de continuer à participer au programme ou devrions-nous plutôt mettre fin à cette participation, ce qui va peut-être mettre sa vie en danger? Comment devrait-on procéder? Il s'agit de trouver un équilibre.
Il faut également préciser qu'un bénéficiaire du programme qui commet des actes criminels n'est pas nécessairement à l'abri de poursuites judiciaires. Le programme part du principe qu'une personne qui participe au programme a des obligations légales et nous essayons d'inculquer à cette dernière des obligations morales également de sorte qu'elle ne puisse pas échapper à ses obligations légales ou morales.
Si on lui donne un nouveau nom et qu'elle commet des actes criminels, elle sera poursuivie pour ses actes criminels. Cependant, nous serions peut-être obligés de le faire en lui accordant une certaine protection ou bien nous serions obligés d'évaluer la situation qui se présente. Si on traduit quelqu'un en justice parce qu'il est accusé de vol et que sa vie est toujours en danger, nous n'allons pas donner à quelqu'un la possibilité de le tuer. C'est une situation qui est extrêmement difficile et il est toujours difficile de trouver un équilibre.
Je peux vous assurer qu'une personne qui commet un acte criminel grave ne sera plus protégée par le programme. Dans le même ordre d'idées, même dans le cas d'un vol ou d'un viol, il faut prendre toutes les dispositions voulues pour protéger sa vie. Si une personne fournit des preuves utiles et, ce faisant, se trouve dans une situation où elle est visée par le milieu criminel, nous avons par la suite la responsabilité de protéger sa vie.
[Français]
M. Langlois: Monsieur Ryan, les débats portant deuxième lecture des projets de loi C-78 et C-206, de même que les notes d'accompagnement de M. Wappel, démontraient qu'à l'époque il existait divers programmes de nature plutôt administrative à l'OPP, à la Police de la Communauté urbaine de Montréal, à la Sûreté du Québec ou encore à la GRC. Actuellement, ces mesures sont-elles prises de façon isolée par divers corps de police ou existe-t-il un comité de liaison où la GRC est systématiquement informée qu'ici ou là, au Canada, des mesures de protection sont ou peuvent être prises à l'égard de certains témoins?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Tout dépend du niveau de protection accordé et du moment où on demande notre intervention. Lorsqu'il faut changer le nom de quelqu'un en vertu des modalités du processus fédéral, lorsqu'il y a de nombreuses démarches à suivre, de la documentation connexe etc... les autres services de police nous demandent de leur prêter main forte et c'est ce que nous faisons.
On examine chaque demande de changement de nom avec beaucoup de soin. Nous croyons qu'un changement de nom est une étape importante de ce processus. Il y a divers niveaux de protection, et lorsqu'il faut procéder à un changement de nom, nous voulons nous assurer que le cas en question le justifie. Nous devons nous assurer qu'il existe une menace réelle et que tous les documents nécessaires sont remplis en bonne et due forme pour pouvoir effectuer ces changements. S'il faut procéder à un changement de nom à l'échelon fédéral, nous devons intervenir.
S'il faut changer un nom à l'échelon provincial et non pas à l'échelon fédéral, ou si quelqu'un a décidé de relocaliser quelqu'un dans une autre ville sans changer son nom et à l'intérieur de sa propre juridiction, il se peut qu'on n'intervienne pas du tout.
Cela dépend du genre de réinstallation et du type de cas que prévoit le programme.
Nous avons des rapports de travail avec les services de police à travers le Canada et il est évident que des conflits surviendront entre nous et d'autres services de police de temps à autre quant aux démarches à prendre lorsque le gouvernement fédéral doit intervenir. Dans certains cas, la durée du processus a été extrêmement longue, mais le retard peut normalement s'expliquer par une absence de documents ou par une justification incomplète quant aux raisons données pour changer un nom.
Je me souviens même d'un cas l'an dernier où le processus a été très long et alors nous avons exigé une réunion entre la haute direction de ce service de police et le nôtre afin de déterminer si un changement de nom était vraiment nécessaire. Nous avons examiné le cas et nous avons déterminé que le changement de nom n'était pas nécessaire.
Nous ne prenons pas ces choses-là à la légère et parfois les autres services de police n'aiment pas, naturellement - et ceci dépend de l'échelon auquel se trouvent leurs dossiers - qu'on intervienne.
À l'heure actuelle, nous entretenons avec eux des rapports de travail continus, mais il faut examiner chaque cas individuellement. La loi prévoit un mécanisme qui nous permet de régler cette question par voie législative.
[Français]
M. Langlois: Lorsque vous en arrivez à des mesures plus importantes comme des changements de nom ou une relocalisation, vous arrive-t-il d'avoir à relocaliser des citoyens canadiens dans d'autres pays ou, à l'inverse, vous arrive-t-il de traiter avec des citoyens de pays étrangers et de prendre la responsabilité de leur changement de nom ou de leur relocalisation sans que leur gouvernement d'origine le sache?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Nous ne prêtons main forte aux pays étrangers que très rarement; on m'a informé que la GRC ne l'a fait qu'à deux reprises. J'ai aussi une demande de ce genre qui a été rejetée.
Quoique très rares, ces demandes sont examinées de façon transparente. Nous nous adressons aux ministères fédéraux compétents pour les examiner, ce qui comprend, bien entendu, le Solliciteur général et le ministère de l'Immigration parce que, comme vous le savez tous, il y a un volet immigration. La nouvelle loi prévoit ce processus.
À ma connaissance, on n'a jamais réinstallé un Canadien dans un pays étranger. La nouvelle loi prévoit cette possibilité. Vu la criminalité aujourd'hui, c'est-à-dire transnationale, la criminalité organisée, je crois que cette possibilité devient de plus en plus probable dans les limites de la loi.
[Français]
M. Langlois: J'aimerais connaître votre opinion sur une question que j'ai soulevée lors de mon intervention à l'étape de la deuxième lecture. J'ai dit, à ce moment-là, que le Sous-comité sur la sécurité nationale, qui est un comité parlementaire, devrait pouvoir faire une révision complète, à huis clos, des décisions prises par le commissaire sous l'empire ou l'autorité du projet de loi C-78. Croyez-vous qu'une révision parlementaire faite dans des circonstances qui assureraient la confidentialité du processus serait une garantie suffisante et acceptable pour la Gendarmerie royale du Canada?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Vous préconisez alors un examen parlementaire à huis clos, où on pourra revoir le processus décisionnel de la GRC?
M. Langlois: Bien sûr.
Comm. adj. Ryan: Je ne suis pas opposé à cette idée. C'est une décision que doivent prendre les législateurs de la Chambre, mais s'ils en décident ainsi...
[Français]
M. Langlois: Je n'ai plus de questions. Merci.
[Traduction]
M. Knutson (Elgin - Norfolk): Monsieur Ryan, je fais partie de ceux qui hésitent à enlever le droit de poursuite. Il me semble que lorsqu'un organisme commet des erreurs, il s'avère en général que tout le monde était plein de bonnes intentions; tout le monde voulait faire les choses comme elle devaient être faites. Très souvent, il est difficile de déterminer qu'une personne est responsable de négligence ou de négligence grave, mais pourtant, des erreurs très sérieuses sont commises.
Je ne pense pas que qui que ce soit veuille s'en prendre à un agent pour avoir pris une décision donnée, mais lorsqu'il y a échec du système, pourquoi la GRC serait-elle à ce point spéciale qu'elle ne devrait pas faire l'objet de poursuites civiles. Ils sont nombreux à devoir faire preuve de jugement. Pourquoi devriez-vous pouvoir dire eh bien, si nous sommes un peu négligents ou seulement négligents de façon générale, vous ne pouvez pas nous poursuivre parce que nous devons..
Comm. adj. Ryan: Nous n'avons pas dit que nul ne devrait avoir le droit de poursuivre le programme de la GRC. Lorsque nous nous demandons ce que nous devons faire dans ce programme pour le faire fonctionner, nous examinons le genre de décisions que nos membres devront prendre lorsqu'ils travaillent avec les criminels. Nous voulons un environnement qui encourage nos membres à agir dans ce cadre-là. Nous ne voulons pas qu'ils s'inquiètent tous les jours des décisions qu'ils prennent ni de faire l'objet de poursuites civiles. Nous voulons pouvoir appliquer cette loi, pouvoir prendre des décisions lorsqu'il s'agit d'admettre quelqu'un dans le programme ou non. Ce sont des décisions très difficiles. C'est une affaire de jugement.
Si quelqu'un vit très bien à Vancouver et que nous apprenons que sa vie est menacée à Vancouver et que nous lui disons «Vous devez maintenant déménager à Halifax», nous faisons notre propre évaluation de la menace et des autres facteurs et c'est alors une affaire de jugement. Le type déménage à Halifax et sa vie en est complètement bouleversée, et nous devons donc prendre ces décisions sans que quelqu'un puisse se retourner et nous poursuivre à tout bout de champ.
Regardons l'envers de la médaille. Si nous apprenions que quelqu'un qui vit à Vancouver était menacé et que l'agent de la GRC décidait de ne pas admettre qu'il y a menace et qu'il mettait le dossier dans son tiroir et ne faisait rien du tout, à mon avis, ce serait un cas de négligence grave. Si quelque chose arrivait à cette personne, nous aurions des comptes à rendre.
Si je comprends bien, ce n'est pas unique dans la législation. On retrouve cela dans beaucoup d'autres lois ainsi que dans les programmes semblables d'autres pays.
M. Knutson: Permettez-moi de faire valoir deux choses. Premièrement, vous avez utilisé l'expression «lorsqu'on travaille avec les criminels». On a porté un cas à mon attention dans ma propre circonscription où l'informateur, la personne admise au programme de protection des témoins, était complètement innocent. Il était intervenu parce qu'essentiellement il avait espionné son frère, un motard impliqué dans le trafic de la drogue. Selon sa version des faits telle qu'il me l'a racontée, de nombreuses promesses lui ont été faites à lui et à sa famille, et de façon générale, la GRC n'a pas tenu ses promesses.
Je n'ai pas du tout eu l'impression que quelqu'un avait agi de mauvaise foi. Je pense que les gens qui s'occupaient de lui en première instance croyaient sincèrement que l'organisme pouvait tenir les promesses qu'ils étaient en train de faire. Tout le monde était très enthousiaste et avait hâte de résoudre le crime et d'attraper le type en question, si je peux m'exprimer ainsi. Je pense qu'on aurait eu du mal à prouver qu'il y avait eu négligence grave, mais toutefois il me semble qu'un préjudice grave avait été commis et que le mécanisme de plainte normal n'était pas suffisant pour traiter cette plainte.
À mon avis, la possibilité de poursuites civiles au bout du compte fournit une certaine protection. C'est en quelque sorte un rappel à l'ordre; si des erreurs sont commises, même si vous n'avez pas fait exprès, vous allez devoir rendre des comptes. Je ne suis pas convaincu qu'un examen parlementaire - ou d'autres examens de ce genre - où des renseignements doivent être omis pour protéger le caractère secret du cas, vont répondre au même critère.
Comm. adj. Ryan: Tout d'abord, je voudrais dire que vous avez tout à fait raison d'affirmer que les gens admis au programme ne sont pas tous des criminels. C'est tout à fait vrai. Un nombre important de personnes ainsi visées ne font pas partie du milieu criminel; elles ont tout simplement été témoins d'activités criminelles, sans y participer d'aucune manière. Je suis complètement d'accord avec vous.
En ce qui concerne la série d'événements que vous avez mentionnés, au cours du déroulement d'un cas, nous avons de nombreuses discussions avec notre source - un informateur ou un agent, selon le cas - quant à la nature du travail qu'il va faire et ce que nous allons faire pour lui. Mais en fin de compte, il s'agit d'une entente entre l'agent et la police. Alors il y a des discussions verbales, mais tout cela est consigné dans une entente officielle.
Si le bénéficiaire, le bénéficiaire proposé ou l'agent n'est pas d'accord avec ce qui est inscrit dans cette entente, il n'est pas obligé de continuer à collaborer. À ce stade-là, il ne fait pas partie du programme de protection des témoins ou n'en fera peut-être pas partie à l'avenir. C'est tout simplement une étape d'un processus. Beaucoup de gens concluent des ententes avec nous concernant le fait qu'ils vont nous fournir une preuve ou des renseignements ou qu'ils vont faire des choses pour nous, mais ils ne participent jamais au programme de protection des témoins, le tout étant fonction du niveau de risque et du genre de cas dans lequel ils sont impliqués.
C'est une question extrêmement épineuse. Nous consacrons beaucoup d'efforts à l'éducation de nos responsables de cas. Il faut qu'ils sachent ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas promettre. Parfois, les gens vont faire des promesses qui ne peuvent pas être tenues, mais lorsque les négociations en sont à l'étape de l'entente sur papier, tout devrait être consigné.
M. Knutson: Est-ce que le projet de loi que nous sommes en train d'étudier aujourd'hui résulte des poursuites qui ont eu lieu jusqu'à présent?
Comm. adj. Ryan: Je dirais que c'est dû à de nombreuses raisons, mais que les poursuites engagées ont changé la perception du public et ont sensibilisé les gens au programme. Cela ne fait aucun doute. Les poursuites civiles sont une des raisons qui motivent le dépôt de ce projet de loi. C'est absolument vrai. Bien qu'elles ne soient pas nombreuses, ces poursuites sont d'une très grande visibilité. De plus, une fois qu'elles sont intentées, les médias s'y intéressent énormément.
Un autre élément de cette question nous préoccupe beaucoup. Lorsque nous sommes devant les tribunaux, nous sommes dans une situation très difficile lorsqu'il s'agit de nous défendre devant le tribunal ou le public, parce que nous devons parler ouvertement des procédures que nous utilisons dans le programme et cela pourrait mettre en danger les autres personnes protégées par ce programme.
M. Knutson: Alors il serait juste de dire que jusqu'à présent, le fait que les gens peuvent vous poursuivre vous a forcé à améliorer le processus.
Comm. adj. Ryan: Non, c'est une seule raison parmi d'autres. Cette question a fait l'objet de discussions depuis très longtemps. Nous nous sommes rendu compte qu'il s'agissait d'un programme très difficile. Nous avons étudié les lois adoptées par l'Australie, les États-Unis et d'autres pays, et nous en sommes venus à la conclusion que les processus que nous utilisons devraient être établis dans la loi. Nous devrions également avoir une base législative pour nos contacts avec les diverses agences avec lesquelles nous travaillons.
Ce n'est qu'un des nombreux facteurs que nous avons pris en considération. Ce n'est pas le facteur le plus important.
M. Knutson: Je n'ai rien d'autre à ajouter.
[Français]
M. Langlois: D'abord, j'ai une question pour M. Ryan. Avez-vous reçu, de la part d'organismes non policiers, plus spécifiquement du Service canadien du renseignement de sécurité, du ministère de la Défense nationale ou d'Immigration Canada, des demandes de protection pour des témoins? Dans l'affirmative, sur quelle base avez-vous traité les demandes qui vous auraient été ainsi faites?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Je vais vérifier auprès de mon collègue, mais je suis responsable de ce programme depuis deux ans et demi et je ne me souviens pas de cas où j'aurais reçu une demande d'une agence externe telle que celle que vous avez mentionnée ou de l'extérieur du programme.
[Français]
M. Langlois: Serait-il logique de déduire de la réponse que vous me donnez qu'ils peuvent veiller eux-mêmes à la protection de personnes qui seraient dans leur point de mire?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: C'est une conclusion que l'on peut tirer, oui.
[Français]
M. Langlois: Ne trouvez-vous pas inquiétant qu'on puisse, dans un régime de droits de la personne, cacher de l'information de cet ordre à la Gendarmerie royale du Canada, qui est le corps légalement constitué au niveau fédéral pour faire ce type d'opération?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Je ne sais pas si les autres agences protègent ou non leurs témoins, car je ne connais pas leurs programmes.
Je vais utiliser l'exemple du SCRS. Nous sommes un organisme d'application de la loi, et si je comprends bien, le SCRS ne l'est pas. Son mandat est séparé et distinct. Je ne sais vraiment pas comment ce service protège ses témoins.
Vous nous avez, je crois, mentionné les ministères de l'Immigration et de la Défense nationale. Je le répète, le ministère de la Défense nationale n'est pas un organisme d'application de la loi, et par conséquent, je ne sais vraiment pas d'où vient cette exigence. Je ne sais vraiment pas s'ils ont un tel programme.
Nous travaillons avec le ministère de l'Immigration sur le plan de l'application de la loi. Si une de nos affaires mettait en cause les services de l'Immigration ou nécessitait une enquête dans le cadre de la Loi sur l'immigration, ou, par la suite, du Code criminel, et s'il s'avérait nécessaire de protéger quelqu'un aux termes de la loi, dans ces conditions, ayant participé à l'enquête, dans le cours normal des choses, nous nous occuperions de cette protection.
Pour les autres types de procédures administratives qui relèvent de la Loi sur l'immigration et pour les cas où les services de l'Immigration ont besoin de suivre une telle procédure, ce sont ces services qui s'en occupent eux-mêmes ou bien qui viennent nous présenter une demande, demande que nous évaluons.
[Français]
M. Langlois: Selon votre compréhension ou votre souhait - peu importe que ce soit l'un ou l'autre, est-ce qu'à la suite de l'adoption du C-78, le commissaire de la GRC devra être informé des mesures de protection de témoins prises par des organismes non policiers tels le SCRS, la Défense nationale ou Immigration Canada, de telle sorte qu'une seule source puisse rendre compte au solliciteur général qui, lui, rendra compte au Parlement?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Je crois comprendre que cela ne figure pas dans la loi. Il n'y a rien dans la loi qui oblige des organismes en dehors du secteur d'application de la loi à déclarer les cas de protection de témoins à la GRC. Cette loi porte exclusivement sur l'application de la loi et sur le programme fédéral d'application de la loi.
[Français]
M. Langlois: Comme vous avez de l'expertise dans le domaine, pouvez-vous me dire s'il serait souhaitable qu'il n'y ait qu'une autorité unique - ici je vise le commissaire de la GRC - qui centraliserait toute l'information sur ce qui se passe au niveau de la protection des témoins au Canada?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: La réponse est non. Le mandat d'un organisme comme le SCRS est totalement différent du nôtre. Personnellement, je pense que s'ils ont un programme, ils doivent se charger eux-mêmes de l'administration de ce programme et assumer la responsabilité de cette administration devant le gouvernement. Notre programme est un programme d'application de la loi, ce qui, à mon avis, constitue un mandat bien distinct.
[Français]
M. Langlois: Selon vous, la Gendarmerie royale du Canada et son commissaire, ou les personnes qui relèvent du commissaire de la GRC, ont-ils été impliquées dans la relocalisation et dans le changement de nom d'un dénommé Grant Bristow?
[Traduction]
Comm. adj. Ryan: Je ne suis absolument pas au courant.
[Français]
M. Langlois: Merci.
[Traduction]
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez prêt à protéger les gens qui bénéficient de votre programme et qui ont commis un crime, sauf s'il s'agit d'un crime grave. Vous avez dit ensuite que même s'il s'agit d'un crime grave, vous êtes tout de même dans l'obligation de protéger la vie de cette personne. J'imagine que vous pensez à des crimes comme un viol ou un délit violent, meurtre, etc.
Est-ce que vous êtes forcé de protéger leur vie parce que ce sont des témoins et parce qu'ils sont en difficulté dans le cadre du programme de protection des témoins, ou bien devez-vous protéger leur vie parce que, bien qu'ils n'aient pas encore été accusés officiellement, ils ont fait quelque chose et, en votre qualité d'agent de police, vous êtes tenu de les protéger?
Supposons qu'ils aient commis un délit grave violent mais que vous ayez besoin d'eux dans votre programme. On peut supposer qu'ils n'ont pas été reconnus coupables de ce nouveau délit. Sinon, vous pourriez les mettre en prison pour vous assurer qu'ils ne s'échapperont pas avant le procès. Que pouvez-vous faire pour vous assurer qu'ils ne s'échapperont pas avant le procès pour le second crime? Il n'y a peut-être pas eu de premier crime, mais que pouvez-vous faire pour les empêcher de s'échapper dans le cadre de votre programme de protection des témoins?
Comm. adj. Ryan: Je n'ai peut-être pas bien expliqué la nature de nos obligations.
Pour commencer, lorsque quelqu'un commet un délit grave alors qu'il est toujours inscrit au programme, nous ne faisons rien pour protéger cette personne du cours normal de l'enquête, ni pour entraver l'enquête de quelque façon que ce soit. Si cette personne est soupçonnée d'avoir commis un meurtre, nous disons à la police responsable de l'enquête où elle se trouve et nous nous assurons qu'elle réponde de ses actes devant les tribunaux. Voilà pour un aspect.
On a vu des cas où un bénéficiaire était ramassé à un bout du Canada et envoyé par avion à l'autre bout du Canada, sous protection forcée, afin d'assurer qu'il réponde bien de ses actes devant le tribunal. Le fait d'être inscrit au programme ne les dispense absolument pas de leurs obligations envers les tribunaux et envers la population.
Mme Phinney: Vous me permettez de vous interrompre? Autrement dit, ils sont toujours inscrits au programme, mais l'accusation se fait à leur nouveau nom?
Comm. adj. Ryan: Ils sont accusés sous leur nouveau nom, effectivement.
Mme Phinney: Mais ils peuvent rester dans votre programme.
Comm. adj. Ryan: Ils font l'objet d'une accusation et doivent se présenter devant les tribunaux.
Mme Phinney: Si je vous pose la question, c'est parce que vous avez dit que même s'ils commettaient un délit criminel vous étiez «obligés de protéger leur vie».
Comm. adj. Ryan: Effectivement, c'est le cas. Nous devons nous assurer que la personne en question... Supposons qu'on la soupçonne de meurtre. Une enquête est menée et une accusation de meurtre est portée contre cette personne. Bien qu'elle soit inscrite au programme, nous nous assurons qu'elle répondra de ses actes devant les tribunaux. De leur côté, les tribunaux peuvent décider de l'envoyer directement de la salle d'audience à la prison.
Par la suite, nous...
Mme Phinney: Dans ces conditions, est-ce que c'est son nouveau nom, celui du programme de protection des témoins qui est inscrit au CIPC? Dans ce cas, quand il quitte le programme, s'il reprend son ancien nom, il n'y a plus de traces du meurtre ou du viol qu'il a commis, ou bien est-ce que son délit est transféré à son ancien nom?
Comm. adj. Ryan: Ce que nous voulons, c'est que le casier judiciaire, le dossier de cette personne sous le nom de John Smith le suive lorsqu'il devient John Doe. Nous ne voulons pas qu'on puisse profiter d'un changement de nom pour échapper à son passé. Ce passé ne disparaît pas.
Mme Phinney: Est-ce ça se trouve là-dedans, ou seulement dans les règles internes de la GRC?
Comm. adj. Ryan: Ce sont des règles internes de la GRC. L'obligation persiste.
Mme Phinney: En ce qui concerne la mention CIPC, est-ce que le transfert se fait uniquement dans le cas d'un crime grave commis alors qu'on est inscrit au programme de protection des témoins, ou bien se fait-il dans le cas de n'importe quel crime? Est-ce que les délits criminels sont automatiquement transférés au nom d'origine?
Comm. adj. Ryan: Les casiers judiciaires, les délits criminels, tout le dossier suit la personne sous son nouveau nom.
Mme Phinney: D'accord.
Comm. adj. Ryan: On peut présenter une demande et obtenir le dossier sous le nouveau nom.
Mme Phinney: Par conséquent, dans les deux cas le casier judiciaire ne le quitte pas. Lorsqu'il devient John Doe, son dossier au CIPC le suit sous le nom de John Doe. Ensuite, lorsqu'il quitte le programme et redevient John Smith, son dossier continue à le suivre.
Comm. adj. Ryan: S'il redevient John Smith.
Mme Phinney: Oui, mais dans les deux cas, il y a continuité. Dans les deux cas, son casier judiciaire reste attaché à son nom, quel qu'il soit.
Comm. adj. Ryan: C'est le cas lorsque cela relève de nous, si c'est nous qui nous occupons de l'affaire, si c'est nous qui changeons son nom, effectivement.
Cela dit, il y a toujours une autre possibilité, et n'importe qui peut y avoir recours; aujourd'hui je suis Terry Ryan, mais demain matin je peux aller voir un gouvernement provincial et changer mon nom pour m'appeler John Smith. Ce genre de chose pose un problème car, dans un tel cas, le dossier ne suit pas au nom de John Smith.
Mme Phinney: Ne faudrait-il pas coordonner les différents paliers de gouvernement?
Comm. adj. Ryan: Mais c'est un autre...
Mme Phinney: Cela devient une véritable plaisanterie.
Le président: M. Hanger, vous avez cinq minutes.
M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Est-ce que la majeure partie des témoins qui s'inscrivent à ce programme ont des liens avec le crime organisé?
Comm. adj. Ryan: Oui, je pense qu'à l'heure actuelle la plupart d'entre eux ont des liens avec le crime organisé. Cela peut changer, mais pour l'instant, c'est probablement le cas.
M. Hanger: Aux yeux de la GRC, quel est l'impact actuel des activités criminelles organisées sur la société? Est-ce que cela augmente?
Comm. adj. Ryan: Je suis absolument convaincu que le crime organisé est un problème très grave pour le Canada et pour le reste du monde.
Est-ce que cela augmente? C'est extrêmement difficile à déterminer. Cela dit, quand on considère les activités criminelles sérieuses, comme le commerce de la drogue, le blanchissage de l'argent, la prostitution, et un certain nombre d'autres activités de pointe de l'élément criminel, on doit dire qu'effectivement, le crime organisé prend de l'expansion.
M. Hanger: Par conséquent, un programme comme ce programme de protection des témoins est un élément essentiel de la lutte contre le crime organisé.
Comm. adj. Ryan: À mon avis, c'est un outil précieux, effectivement. Si nous ne pouvons pas assurer aux informateurs et aux témoins auxquels nous demandons de témoigner un niveau de protection suffisant, l'efficacité de nos enquêtes sur le crime organisé en souffrirait.
M. Hanger: En dépit de tous ces programmes et de toutes les formes de protection offertes aux témoins par les services de police, il y a encore un secteur du crime organisé qui refuse de participer. En effet, ces gens-là ont le sentiment que ni la GRC, ni les autres services policiers ou organismes gouvernementaux ne pourraient les protéger efficacement.
Je pense entre autres, évidemment, à la criminalité dans la communauté asiatique que vous allez avoir du mal à combattre en dépit de ce programme qui offre une certaine protection, mais une protection limitée.
Comm. adj. Ryan: C'est un des outils que nous utilisons. Si les circonstances sont bonnes, je ne pense pas qu'il y ait un secteur de la société où les gens refusent de participer au programme.
Cela dépend du secteur auquel nous nous en prenons, qu'il s'agisse des Hell's Angels, du crime organisé asiatique ou des Italiens. C'est une technique à laquelle nous faisons appel. Quand on emploie les bons outils, il est toujours possible de pénétrer ces organisations, mais une fois cette étape menée à bien, il faut avoir les outils nécessaires dans le système pour protéger les gens que nous utilisons.
M. Hanger: Puisque le crime organisé est en pleine expansion, et cela ne fait pas de doute, votre programme ne doit plus être suffisant pour faire face à la demande, puisque lui, n'a pas subi d'expansion. Je pense que le budget était de 3,4 millions de dollars l'année dernière, n'est-ce pas?
Comm. adj. Ryan: Oui, 3,4 millions de dollars, ce n'est pas un budget considérable.
M. Hanger: Non.
Comm. adj. Ryan: Si nous sommes forcés de protéger un témoin, si c'est une mesure justifiée, nous n'aurons pas le choix, il faudra trouver les fonds ailleurs. Nous ne refuserons pas de remplir nos obligations pour la simple raison que nous n'avons pas les fonds nécessaires.
M. Hanger: Il y a des organismes, par exemple d'autres services de police, qui ont cherché à inscrire des témoins au programme. Dans un tel cas, c'est le commissaire qui décide d'accepter ou de refuser. Si le commissaire refuse, quels sont les recours d'un service de police ou d'un agent de police? Doivent-ils s'adresser à la Commission des plaintes du public contre la GRC?
Comm. adj. Ryan: À mon avis, le processus actuel ne changera pas. C'est la personne qui cherche à se faire inscrire au programme qui a le droit de faire appel devant la Commission des plaintes du public.
Supposons que X souhaite adhérer au programme ou qu'un service de police soit prêt à le parrainer pour faciliter son inscription au programme. Nous décidons de refuser, jugeant qu'un tel cas ne justifie pas un tel niveau de protection. Pour une raison ou pour une autre, nous décidons de ne pas accepter la candidature de X.
L'agent de police peut remonter dans sa hiérarchie et porter l'affaire à l'attention des autorités supérieures dans son service, et de leur côté, elles peuvent contacter notre organisation pour déterminer si la décision était justifiée ou pas. C'est ce qui se produit.
M. Hanger: Je suis au courant, effectivement.
Comm. adj. Ryan: De son côté, l'intéressé, s'il voit les choses d'une façon différente, peut s'adresser à la Commission des plaintes du public.
M. Hanger: L'agent de police, de son côté, ne peut pas déposer une plainte, à l'exception de la procédure interne prévue dans son service, une procédure qui éventuellement peut aboutir à la GRC.
Comm. adj. Ryan: Cela dépend de la procédure interne qui est en place dans le service de l'agent de police. Il a à sa disposition la procédure normale de son service en cas de problèmes internes et cela dépend des services.
M. Hanger: J'aimerais revenir sur cette question tout à l'heure, mais allez-y, monsieur le président. Vous voulez donner la parole à ceux d'en face.
Le président: Merci.
Madame Torsney, cinq minutes.
Mme Torsney (Burlington): Pour commencer, supposons qu'un avocat de la défense souhaite intimer à comparaître un de vos bénéficiaires; comment vous y prenez-vous, quelles mesures prenez-vous?
Comm. adj. Ryan: Lorsqu'un document doit être signifié à un bénéficiaire, nous avons un processus qui nous permet de signifier nous-même le document. Comme je l'ai déjà dit, cela dépend du degré de protection requis, mais dans certains cas, nous pouvons signifier le document et assurer le transfert de l'intéressé lorsqu'il va témoigner.
Mme Torsney: Lorsque ce projet de loi sera adopté, vos procédures actuelles vont être quelque peu modifiées, j'imagine. Combien de temps faudra-t-il pour que le nouveau système soit opérationnel?
Comm. adj. Ryan: Probablement pas très longtemps. Nous allons devoir mettre au point un programme de familiarisation à l'intention de nos propres effectifs. Il n'y a pas beaucoup de changement par rapport à ce que nous faisons. J'imagine qu'un mois devrait suffire. Cela ne prendra pas très longtemps.
Mme Torsney: Avez-vous suivi tous les témoignages que nous avons entendus jusqu'à présent?
Comm. adj. Ryan: J'étais à l'étranger pendant une partie de vos audiences, mais on m'a donné...
Mme Torsney: Les transcriptions.
Comm. adj. Ryan: ...certains des mémoires.
Mme Torsney: À mon avis, l'un des problèmes clés tient aux attentes des gens et à ce qu'ils comprennent lorsqu'ils acceptent de s'inscrire au programme et de témoigner, etc. Six mois plus tard, la réalité s'installe, et on ne se souvient plus exactement des détails.
On voit ce genre de chose à la télévision américaine, on se souvient de tel et tel exemple.
On compare alors cela avec les conditions qu'on a obtenues de la GRC. Il y a beaucoup de problèmes de communication, des attentes, peut-être même des deux côtés.
Pendant nos audiences, nous nous sommes demandé à plusieurs reprises s'il ne faudrait pas rédiger un dépliant ou une brochure sur le principe: «si vous envisagez de participer à ce programme, peut-être vous posez-vous les questions suivantes: Subirez-vous une opération de chirurgie plastique? Allez-vous devoir déménager dans une autre ville? Est-ce que vous obtenez telle chose?» En s'inspirant de cette liste, les gens peuvent poser des questions utiles aux agents qui s'occupent de leur cas, et cela, avant de signer l'accord.
Êtes-vous en faveur de ce genre de chose?
Comm. adj. Ryan: Je n'y vois absolument aucune objection, à condition que l'intéressé puisse passer en revue ce document avec le responsable pour que tout cela soit mis en perspective.
Cela dit, je ne sais pas quel genre de détails contiendrait ce dépliant, et cela pourrait poser un problème, mais dans l'ensemble, je ne verrais aucune objection à une bonne liste de questions qui pourraient être soumises au candidat avant qu'il ne signe, à condition toutefois qu'on prenne les précautions de sécurité nécessaires.
Mme Torsney: Effectivement, ce document n'a pas besoin d'être publié partout.
Comm. adj. Ryan: Non.
Mme Torsney: Et la possibilité pour les candidats d'avoir un avocat avec eux lorsqu'ils lisent les documents et qu'ils signent l'accord?
Comm. adj. Ryan: Je n'ai aucune objection là non plus, mais ici, une certaine mise en garde s'impose. Ce n'est pas par manque de respect envers les avocats, mais comme dans tous les autres secteurs de la société, il y a toujours des éléments qui appartiennent au crime organisé, qui ont des rapports avec le crime organisé, qui soutiennent l'élément criminel, et il convient de se demander: qui vont-ils consulter?
Si la consultation se fait avec quelqu'un qui nous pose des problèmes, nous allons certainement proposer qu'ils aillent consulter ailleurs. Cette préoccupation est fondée.
Mme Torsney: Peu m'importe l'avocat, même si c'est vous qui le recommandez; les avocats sont toujours régis par leurs règles et devraient avoir à coeur l'intérêt de leurs clients.
Enfin, pour ce qui est de la formation actuellement offerte aux policiers de la GRC, je sais qu'à l'école de formation il est question de ce programme, mais pourrait-on faire comprendre aux recrues qu'il faut limiter les attentes des gens - pas seulement lorsque vous leur parlez de prévention du suicide et de choses de ce genre? L'essentiel, est de leur dire que ce programme est source de problèmes; les agents doivent aussi savoir comment inscrire les gens au programme de façon appropriée et non pas le contraire afin qu'ils sachent quelle est la différence et qu'ils ne promette pas trop de choses aux témpoins visés.
Comm. adj. Ryan: Oui. Je m'en occupe depuis plus de deux ans maintenant. À toutes les conférences sur les opérations criminelles où j'ai été présent j'ai toujours mis l'accent sur cet aspect en m'adressant aux enquêteurs. Tous nos agents des opérations criminelles de partout au Canada étaient ici à Ottawa, la semaine dernière, et le même message a été livré encore une fois.
Il ne s'agit pas seulement de ceux qui se prévalent du programme de protection des témoins. Il s'agit aussi des informateurs, des agents et des sources et de comment les gérer. C'est un domaine extrêmement délicat. C'est exigeant; il faut savoir se concentrer et ce domaine devient extrêmement dangereux si l'on perd sa concentration.
Donc, oui, on met beaucoup l'accent là-dessus dans le cadre du programme de formation.
Le président: Merci, madame Torsney.
Vous avez dit tout à l'heure, monsieur - je vous reviens à l'instant, monsieur Hanger - que vous étiez en faveur de l'article 19. Vous avez aussi dit qu'on devrait pouvoir intenter des poursuites contre les agents qui font preuve de grossière négligence, mais d'après cet article, l'immunité est accordée si l'action ou l'omission était de bonne foi et donc on ne peut poursuivre un agent de police pour grossière négligence. Sauf si les choses ont été faites de mauvaise foi.
Je me demande donc à quoi sert cet article, surtout que les agents de police, à l'extérieur du cadre de ce programme, peuvent être poursuivis pour négligence.
Alors si un agent de police fait preuve de négligence au volant d'un véhicule, dans le cadre de ses fonctions, ou s'il est négligent en manipulant une arme à feu ou en faisant tout autre chose, cet agent de police en est tenu responsable. Pourquoi l'agent de police ne devrait-il pas répondre de ses actes seulement parce qu'il exécute un travail dans le cadre du programme de protection des témoins? Pourquoi cette exclusion?
Comm. adj. Ryan: Il est difficile de faire la distinction entre les deux cas. Il s'agit du genre de programme auquel un agent peut refuser de participer. Pour l'agent qui effectue un travail policier d'un autre genre et qui se sert d'une arme à feu, ou se lance à la poursuivre d'un véhicule, il est plus difficile de décider s'il veut se trouver là et prendre part à l'affaire.
Au cours d'une enquête, on voit ce qu'on peut ou ne peut pas faire et ce qu'il est permis de faire. On peut alors décider qu'à cause de certains problèmes potentiels il vaut mieux ne rien faire et choisir une autre voie.
Dans ce domaine, presque toute décision prise est affaire de jugement - c'est toujours plus facile de voir le lendemain ce qu'on aurait dû prévoir la veille - mais, peu importe ce qu'on fait, il faut toujours évaluer tous les éléments d'une situation et on a très peu de temps pour le faire.
Le président: Vous avez dit que ce projet de loi ne visait pas à protéger la police, mais un peu plus tard vous avez dit que le projet de loi avait été mis de l'avant à cause de nombreux procès. Enfin, c'est au moins l'une des raisons pour lesquelles ce projet de loi a été proposé et cela, en réalité, contredit ce que vous avez dit auparavant, c'est-à-dire que le but du projet de loi n'est pas d'offrir une protection aux forces policières. Le projet de loi ne sert-il pas davantage à protéger les policiers que les témoins?
Comm. adj. Ryan: À mon avis, ce n'est pas le cas et comme je l'ai dit clairement en répondant à la question, les poursuites éventuelles au civil ne constituent qu'un facteur parmi tant d'autres pour ce qui est de l'importance de ce projet de loi et ne sont pas plus importantes que tout autre facteur. Comme je l'ai déjà dit, il nous faut un outil pour attaquer le crime organisé et c'est pour cela qu'il est extrêmement important que nous ayons cette loi.
La transparence, la possibilité d'agir de concert avec d'autres ministères du gouvernement fédéral pour créer un processus qui nous permettra d'avoir des rapports officiels avec d'autres agences de police, d'instituer le recouvrement de frais auprès des autres forces policières... Il y a toutes ces considérations. Mais la possibilité de recours judiciaires au civil n'est pas la raison principale derrière ce projet de loi.
M. Hanger: D'autres témoins ont abordé avec nous cette question - croyez-vous qu'il devrait y avoir un programme national de protection des témoins auquel d'autres organismes participeraient outre la GRC, car après tout ce projet de loi touche surtout sur la GRC et ses activités. Quels en seraient les avantages et les inconvénients?
Comm. adj. Ryan: Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par «programme national», mais vous parlez probablement d'un programme national où la GRC gérerait tous les aspects d'un programme de protection des témoins pour tout le Canada, quel que soit l'organisme impliqué. Ce serait une tâche démesurée exigeant d'immenses ressources. Il y a bien des régions du Canada où la GRC n'a pas compétence et où l'application de la loi n'est pas sa responsabilité.
En vertu du présent programme, les divers organismes agissent en fonction de leurs compétences et gèrent leur propre programme de protection des témoins si la menace n'est pas telle qu'il faut changer l'identité de la personne et faire intervenir le programme fédéral.
Avoir un seul programme national, en confier la responsabilité à un seul organisme, ce serait là une tâche immense qui déboucherait probablement sur un programme extrêmement restrictif, tandis que nous voulons le contraire, c'est-à-dire un programme assez souple pour que chaque organisme puisse agir à son propre niveau.
M. Hanger: Cette question a été soulevée par un autre témoin. J'avais hâte de savoir ce que vous en pensiez. À vrai dire, je suis d'accord avec tout cela.
Pour en revenir à la décision du commissaire, il peut décider d'admettre un témoin au programme. Il peut mettre fin à la protection, dévoiler l'identité de la personne, et conclure des ententes avec d'autres organismes.
Nous parlions des accords à passer avec d'autres organismes et des recours qu'aurait l'organisme ou le témoin s'il n'était pas d'accord avec cette décision du commissaire. Vous dites qu'il s'agit là d'une question de régie interne; cependant, le témoin peut prendre sur lui d'en saisir la Commission des plaintes du public. C'est le seul recours qui existe pour régler ce problème.
Comm. adj. Ryan: Oui, à moins que mon interprétation de la loi soit...
M. Hanger: Vous opposeriez-vous à ce qu'on propose une modification pour qu'il soit possible que quelqu'un revoie la décision du commissaire?
Comm. adj. Ryan: Encore une fois, je n'en vois pas la raison parce que les organismes policiers eux-mêmes auraient déjà passé en revue leur propre processus interne et auraient décidé de nous confier la question. C'est ensuite à nous d'étudier le cas et de prendre la décision qui s'impose.
M. Hanger: Il y a quand même des forces policières qui trouvent cela très frustrant.
Comm. adj. Ryan: D'après ce que j'en sais, et fondé sur mes deux ans et demi d'expérience, c'est très rare qu'en bout de piste il y ait vraiment un désaccord ou que les deux forces policières ne puissent pas en arriver à une conclusion satisfaisante pour les deux parties.
Dans l'exemple que j'ai donné, après une période de temps quand même assez longue, la conclusion a été que la personne n'avait aucune raison de se prévaloir du programme. Les deux agences en question en sont arrivées à la même conclusion.
Il y a bien des négociations et des discussions avant que la décision finale ne soit prise et tout cela se passe à divers niveaux dans les deux organismes. Il est très rare qu'en bout de piste les deux organismes ne s'entendent pas du tout.
M. Hanger: Peut-être y aurait-il plus de contestations au niveau d'un agent de police individuel très près de la situation plutôt qu'avec la personne ressource au sein de la GRC ou l'administrateur ou le décisionnaire, si vous voulez, de l'organisme en question?
Comm. adj. Ryan: Dans ce genre de situation - et c'est vrai pour toutes les forces policières, y compris la nôtre - nous devons faire attention à la relation qui s'installe entre nos membres et les informateurs, nos membres et les autres agents ou nos membres et les bénéficiaires. C'est pour cela que nous avons des cours de formation et de la surveillance.
Oui, il se développe parfois des liens très forts. C'est pour cela que nous avons tous des patrons, je crois bien, pour nous rappeler à l'ordre ou nous orienter dans une autre voie. Parce qu'il arrive souvent que ce genre de lien cause des problèmes.
M. Hanger: Je pense encore à l'idée d'un recours, même si c'est seulement pour en appeler de la décision d'une personne, ou d'une décision finale.
Mon autre question porte sur le rapport annuel. À l'article 16 on dit:
- (2) Le ministère fait déposer un exemplaire du rapport devant chaque chambre du Parlement
dans les 15 premiers jours de séance de celle-ci suivant sa réception.
- Le rapport déposé, on ne prévoit rien pour son étude. Vous opposeriez-vous à une modification
portant que le rapport sera remis à un comité permanent pour y être examiné?
M. Hanger: Savez-vous quel sera le contenu du rapport?
Comm. adj. Ryan: Je ne connais pas tous les détails, mais on y trouvera un rapport sur les activités de l'année, le nombre de cas et les montants dépensés. On n'y trouvera pas l'identité précise de personnes ni le détail des cas. Je crois que le contenu reste encore à déterminer.
M. Hanger: Mais il y aurait quand même ces trois éléments dont vous venez de parler - peut-être aussi les crimes commis par les bénéficiaires et la réponse du commissaire?
Comm. adj. Ryan: Les crimes commis par les bénéficiaires? Il faudrait nous entendre avec le gouvernement quant au contenu précis du rapport.
M. Hanger: Je peux vous faire quelques propositions.
Comm. adj. Ryan: Il faut être prudent car il ne faudrait pas y mettre des choses qui dévoileraient l'identité du bénéficiaire ou son lieu de résidence.
M. Hanger: C'est juste. Les crimes commis par un bénéficiaire ne serviraient pas nécessairement à l'identifier...
Comm. adj. Ryan: Plusieurs crimes?
M. Hanger: Les crimes commis par les bénéficiaires et la réponse du commissaire. Le budget total, par exemple, et les mesures de collaboration prises par les forces de l'ordre concernant la protection des témoins ou des informateurs.
Comm. adj. Ryan: On tiendra compte de toutes ces choses dans l'élaboration du rapport.
Le président: Merci, monsieur Hanger.
Plus personne ne désire prendre la parole du côté des ministériels.
Monsieur Ramsay.
M. Ramsay: Je crois que ces programmes sont d'une absolue nécessité. Les préoccupations soulevées à propos du projet de loi sont des préoccupations à propos du programme.
En ce qui a trait à l'article 19, ce qui me dérange, c'est que nous créons ici une situation où des gens extrêmement vulnérables peuvent se trouver sous le coup d'une menace physique...nous avons affaire à un agent qui travaille en première ligne, dans la rue, quelqu'un qui s'occupe du cas d'un informateur ou d'un témoin. Et nous disons à ces gens qu'en vertu de l'article 19 ils perdront le droit de chercher certaines formes de redressement si leurs droits sont violés. Voilà comment j'interprète cet article 19.
À mon avis, il y a deux conséquences. Tout d'abord, le responsable de cas du témoin ou de l'informateur se préoccupe moins des droits du témoin parce que ce dernier n'a aucun recours sauf ce qui est prévu à l'article 19. Est-ce que ce n'est pas inviter les responsables de cas à faire fi des droits des témoins? Souvent, ce qui se passe à ce niveau hiérarchique n'est pas signalé aux échelons supérieurs. Il y a toutes sortes de liens qui se tissent entre le responsable de cas ou l'informateur ou le témoin, à ce niveau. Si le témoin se plaint alors de ce que ses droits ont été brimés, il n'y a pas de véritable révision du cas à moins que ce témoin n'ait les moyens d'aller plus loin et l'article 19 restreint beaucoup les bénéficiaires qui voudraient le faire.
Comm. adj. Ryan: Cela dépend entièrement du type de comportement en cause. Je laisserai au ministère de la Justice et à ce comité le soin de définir la portée de l'article 19, mais une personne dont le comportement dépasse le cadre de ses tâches peut toujours faire l'objet de poursuites, en dépit de l'article 19. Si par contre elle se livre à des activités qui entrent dans le cadre de ses fonctions mais qui ne constituent pas un comportement justifié, le bénéficiaire peut toujours se plaindre, et s'adresser soit au supérieur de cet agent, comme n'importe qui a le droit de le faire, soit à la Commission des plaintes du public. L'agent peut alors faire l'objet de mesures disciplinaires. Sans aller très souvent jusqu'à des poursuites au civil, il peut y avoir des mesures disciplinaires internes ou une autre forme de correction du processus.
Il est souvent arrivé que des bénéficiaires se plaignent pour se débarrasser de l'agent chargé de leur cas lorsqu'ils n'obtenaient pas ce qu'ils voulaient, ou fassent appel à une autre procédure interne. Tout dépend de la situation. Cela dit, les règles qui s'appliquent aux agents ne disparaissent pas pour la simple raison que l'article 19 existe. Toutes ces règles continuent à s'appliquer, exactement comme à l'heure actuelle.
M. Ramsay: J'aimerais qu'on trouve un point d'équilibre, et je ne pense pas que ce soit le cas dans l'article 19. C'est un détail qui préoccupe d'autres témoins que nous avons entendus. D'après M. Swadron, c'est plus un programme de protection de la police qu'un programme de protection des témoins.
Je m'inquiète des droits de l'intéressé, d'autant plus qu'il se trouve dans une situation vulnérable. Si quelque chose ne va pas, il doit affronter une institution nationale qui dispose de ressources considérables comparées à ses propres ressources. Pour aggraver encore les choses, nous élevons une barrière qui ne peut être surmontée que si l'on prouve que l'intéressé ou les intéressés n'ont pas agi de bonne foi. Si on considère tout cela, c'est loin d'être une situation équilibrée.
Je ne voudrais pas que des agents de police se trouvent coincés, qu'ils se disent: écoutez, ce type-là va faire exprès, ou encore si nous faisons une erreur, il va nous poursuivre et nous poser des problèmes pour ensuite refuser d'adhérer au programme. Nous ne voulons pas de cela non plus, mais nous ne devons pas oublier les droits des témoins qui s'inscrivent au programme et qui se trouvent dans une situation très vulnérable, des droits qui nous ont été rappelés par plusieurs témoins devant le comité. La menace vise souvent leur famille ou encore eux-même.
Pensez-vous qu'on puisse trouver un meilleur point d'équilibre que l'article 19?
Comm. adj. Ryan: Je suis d'accord avec vous, il est effectivement très difficile de trouver un point d'équilibre entre les droits des deux parties. Comme je l'ai dit, voilà comment j'interprète ces dispositions, et d'après l'interprétation qu'on m'a faite de ce projet de loi, cela constitue un bon équilibre.
Je sais qu'il est souvent très difficile de définir la bonne foi et la mauvaise foi, mais on me dit que si quelqu'un - et je laisserai le ministère de la Justice s'en occuper - fait preuve d'une négligence flagrante ou agit d'une façon qui dépasse le cadre d'un contrat désigné, il est toujours possible d'intenter des poursuites au civil.
Cela dit, il y a un autre élément dont j'ai parlé tout à l'heure. Dans ce type de cas, il y a un élément qui figure dans la balance, c'est le droit du gouvernement du Canada de se défendre lorsqu'il fait l'objet de telles poursuites. À l'heure actuelle, il est extrêmement difficile de se défendre devant de telles poursuites parce que nous pouvons difficilement nous défendre sans révéler les processus que nous utilisons dans nos programmes. Là aussi, il y a un équilibre à respecter, et nous devons protéger le programme. Si protéger le programme signifie régler une cause à l'amiable, c'est ce que nous ferons pour protéger le programme. C'est un équilibre très difficile à trouver.
M. Ramsay: Vous êtes donc satisfait de cet énoncé?
Comm. adj. Ryan: Je suis satisfait de l'énoncé de cette clause.
Le président: Dans ce cas, pour résoudre votre problème de confidentialité, il faut que les tribunaux siègent à huis clos et que les dossiers soient scellés, et cela résout tout le problème de l'article 19.
Comm. adj. Ryan: Dans l'environnement actuel, nous nous sommes aperçu qu'il était extrêmement difficile de sceller la documentation des tribunaux. C'est une décision qui est laissée à la discrétion du tribunal.
Le président: Mais si la loi prévoit que les documents seront scellés, cela résout tout le problème posé par l'article 19.
Vous comprenez, je ne crois pas que votre interprétation de l'article 19 soit la seule interprétation possible. C'est peut-être ce qu'on vous a dit, mais je ne pense pas qu'un agent de police qui outrepasse le cadre de ses fonctions échappe forcément à la protection de l'article 19. Même lorsqu'il outrepasse ses fonctions, je pense que s'il a agi de bonne foi, il est toujours protégé.
Vous avez également parlé des règles disciplinaires qui existent dans vos services. Si vos règles disciplinaires sont aussi sévères que vous le dites, pourquoi avons-nous besoin d'un article 19 pour maintenir la protection de la police? Si vos règles sont à ce point sévères, l'article 19 est inutile.
Comm. adj. Ryan: Un agent peut agir d'une façon qui concorde parfaitement avec son code de conduite, prendre la décision de déménager quelqu'un de Halifax à Montréal, par exemple, pour s'apercevoir avec le recul que ce déménagement n'était pas nécessaire. Après avoir évalué la menace et la situation, l'agent a pris une décision de bonne foi, et par conséquent, il n'a pas contrevenu à son code de conduite. C'est une décision discrétionnaire fondée sur les éléments qu'il possédait à l'époque.
Le président: Combien de poursuites contre la GRC sont en instance à l'heure actuelle pour des questions liées à la protection des témoins au Canada?
Comm. adj. Ryan: Environ six ou huit, je crois, à divers niveaux.
Le président: S'il y a si peu de poursuites contre la GRC, on pourra assez facilement supprimer l'article 19. La suppression de l'article 19 ne va pas provoquer une avalanche de poursuites, n'est-ce pas?
Comm. adj. Ryan: Lorsque le projet de loi entrera en vigueur, le processus deviendra public. Il est extrêmement difficile de prévoir ce qui se produira alors, de prévoir, entre autres, s'il y aura une avalanche de demandes de protection. Je ne sais vraiment pas quelle sera la réaction lorsque le processus sera plus en évidence.
Le président: Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui.
Je vais demander aux membres du comité de rester là car nous devons nous occuper du rapport du comité directeur.
Comm. adj. Ryan: Merci beaucoup.
Le président: Nous devons maintenant nous occuper du dix-huitième rapport du comité directeur. Vous avez eu, je crois, le temps de le lire.
Mme Phinney: Pourquoi ce rapport s'arrête-t-il à hier? Je n'ai toujours pas compris ce que nous faisions pendant la dernière semaine de novembre. Pourquoi le comité directeur n'a-t-il pas pris cette décision?
Le président: La décision a été prise à une autre réunion. La dernière semaine de novembre, nous devons être à Halifax, et l'avant-dernière semaine, nous siégeons ici à Ottawa et nous entendons les témoins à propos des jeunes contrevenants.
Mme Phinney: Nous avons voté sur tous ces points-là?
Le président: Oui.
Mme Phinney: Je continue à ne pas comprendre. Si nous avons déjà voté, pourquoi votons-nous à nouveau? Il doit y avoir une raison.
Le président: C'est le dix-huitième rapport qui est nouveau.
Mme Torsney: J'ai une question ou deux sur la procédure. Serait-il possible d'inscrire ce calendrier dans une banque de données centrale quelconque, de l'informatiser quelque part, ce qui nous permettrait de le consulter lorsque nous planifions notre temps? En particulier lorsque nous sommes en déplacement, serait-il possible d'avoir des informations sur l'endroit où nous devons être le lundi matin, par exemple? Si nous devons être à Halifax le lundi 27 novembre, qu'on nous dise où nous devons nous trouver, et nous nous débrouillerons pour y arriver.
Pour certains, comme vous, Morris, il ne sert à rien d'aller de Saskatoon à Ottawa à Halifax, il serait peut-être plus efficace d'aller directement à Halifax.
Le président: De Toronto à Halifax.
Mme Torsney: Certains d'entre nous ont de bien meilleures correspondances de chez nous que d'ici. Si vous pouvez nous donner ces renseignements, nous pouvons prendre nos propres arrangements et vous en informez.
Le président: Ces décisions seront prises dès que le comité directeur aura approuvé le budget, ce qui devrait se faire cette semaine.
Mme Torsney: Même un horaire provisoire serait acceptable.
Le président: Je pense que c'est une bonne idée.
Y a-t-il d'autres questions?
Mme Torsney: Je propose l'adoption du dix-huitième rapport, monsieur le président.
La motion est adoptée.
Le président: Jeudi matin à 9h30 nous allons entendre, en vertu des règlements 110 et 111, des témoins qui ont été nommés par décret à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il s'agit de Mme Knox, M. Heinrichs et Mme Lewis.
La séance est levée jusqu'à 15h30.